Rémillard et Centre de camions Cambec Diesel inc. |
2012 QCCLP 1854 |
|
||
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
||
|
||
|
||
St-Jérôme : |
Le 13 mars 2012 |
|
|
||
Région : |
Laurentides |
|
|
||
|
||
Dossier CSST : |
131 530 354 |
|
|
||
Commissaire : |
Daphné Armand, juge administratif |
|
|
||
Membres : |
Alain Allaire, associations d’employeurs |
|
|
Robert Cloutier, associations syndicales |
|
|
||
Assesseur : |
Jean Morin, médecin |
|
______________________________________________________________________ |
||
|
||
446393-64-1108 |
||
|
|
|
Alain Rémillard |
Alain Rémillard |
|
Partie requérante |
Partie requérante |
|
et |
et |
|
|
|
|
Centre de camions Cambec Diesel inc. |
Sani-Gestion Onyx (Div. Transport) |
|
Partie intéressée |
Partie intéressée |
|
et |
|
|
|
|
|
Sani-Gestion Onyx (Div. Transport) |
|
|
Partie intéressée |
|
|
|
|
|
______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
440779-64-1105
[1] Le 30 mai 2011, monsieur Alain Rémillard (le travailleur), dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 18 mai 2011, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 30 septembre 2010 et déclare que, le 13 juillet 2010, le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 11 mai 2007 et n’a donc pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi). La CSST demande donc au travailleur le remboursement de la somme de 846,83 $, somme qu’il a reçue à titre d’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 14 au 27 juillet 2010.
446393-64-1108
[3] Le 10 août 2011, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 1er août 2011, à la suite d’une révision administrative.
[4]
Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 6 juillet 2011 et déclare qu’il n’y a
pas matière à appliquer les dispositions de l’article
[5] Une audience est tenue à Saint-Jérôme, le 20 décembre 2011, en présence du travailleur et de son procureur. Le représentant ainsi que le procureur de Sani-Gestion Onyx (Div. Transport) (l’employeur) étaient également présents à l’audience tandis que Centre de camions Cambec Diesel inc. (partie intéressée) avait avisé le tribunal de l’absence de son représentant à l’audience. Le tribunal a procédé à l’enquête et à l’audition. Étant donné le dépôt tardif d’une lettre du médecin du travailleur, le procureur de l’employeur s’est réservé le droit de produire une preuve complémentaire et une argumentation écrite, mais y a ensuite renoncé, le 9 janvier 2012. Le tribunal a donc pris le dossier en délibéré le 9 janvier 2012.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[6]
Le travailleur demande au tribunal de déclarer que, le 13 juillet 2010,
il a subi une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du
11 mai 2007, relativement à une hernie discale à L5-S1 et une lombosciatalgie
gauche, et a droit aux prestations prévues par la Loi. Il demande aussi au
tribunal de déclarer qu’il bénéficie des dispositions de l’article
L'AVIS DES MEMBRES
[7]
Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des
associations syndicales sont tous deux d’avis de rejeter les deux requêtes du
travailleur. Il n’y a aucune preuve médicale d’une récidive, rechute ou
aggravation. Le docteur Tremblay ne voit rien d’objectif pour justifier la
reconnaissance d’une telle lésion professionnelle, mais ne se base que sur des
allégations de douleurs du travailleur. Par ailleurs, les membres estiment que
le travailleur ne peut bénéficier de l’article
LES FAITS ET LES MOTIFS
440779-64-1105
La lésion professionnelle initiale
[8] Le 11 mai 2007, le travailleur, un mécanicien, subit une lésion professionnelle, une hernie discale L5-S1 gauche, alors qu’un attelage lourd, une charge de métal, a basculé et qu’il a essayé de le retenir et de le remettre en place, sans succès : il a tenté de le soulever, mais n’a pu le remettre en place. Il a ressenti une douleur au bas du dos, juste en haut de la région fessière. Une entorse lombaire est d’abord diagnostiquée, puis le diagnostic de hernie discale L5-S1 est posé et sera accepté par la CSST à titre de lésion professionnelle.
[9] Une résonance magnétique de la colonne lombaire est faite le 26 juillet 2007 et met en évidence à L5-S1 une hernie discale paracentrale et intraforaminale gauche comprimant la racine de S1 à gauche et entraînant une sténose spinale paracentrale gauche avec un diamètre antéro-postérieur du canal rachidien de 13 mm. La colonne lombaire présente aussi une dégénérescence discale à L4-L5 et L5-S1.
[10] Cette lésion est consolidée le 2 avril 2008 selon le docteur D. Desbiens. Ce dernier dirige le travailleur vers le docteur S. Imbeault pour la rédaction du Rapport d’évaluation médicale.
[11] Le 21 avril 2008, le docteur Imbeault rédige ce rapport. Il rapporte les plaintes du travailleur au sujet d’un tableau douloureux lombosciatalgique gauche qui s’accompagne d’engourdissement du pied droit. Le médecin indique que le travailleur a été traité de façon conservatrice, mais qu’il n’est pas candidat pour une chirurgie étant donné l’absence de compression radiculaire active.
[12] Le docteur Imbeault conclut que le travailleur a conservé de sa lésion professionnelle, une hernie discale L5-S1, un déficit anatomophysiologique de 21 % - cela correspond à une atteinte permanente de 26,25 % en tenant compte du pourcentage pour douleurs et perte de jouissance de la vie - et des limitations fonctionnelles de classe II pour le rachis lombaire, avec limite de charge aux environs de 10 à 15 livres.
[13] À l’examen neurologique, le docteur Imbeault note qu’il y a abolition des réflexes achilléens bilatéralement et que les manœuvres de mise en tension radiculaire sont négatives.
[14] Dans l’évaluation du déficit anatomophysiologique, le docteur Imbeault accorde un pourcentage pour la hernie discale L5-S1 non opérée et retient les amplitudes suivantes pour la colonne lombaire :
la flexion antérieure est de 40 degrés;
l’extension : 10 degrés;
la latéroflexion : 15 degrés bilatéralement;
la rotation : 10 degrés bilatéralement.
[15] Le travailleur est admis au service de réadaptation de la CSST puis le 2 mars 2009, après qu’il ait suivi une formation privée, l’organisme détermine un emploi convenable pour le travailleur, celui d’aviseur technique dans le domaine des véhicules lourds routiers, emploi que le travailleur est capable d’occuper à partir du 2 mars 2009, déclare la CSST.
[16] Lors de son témoignage, le travailleur précise qu’avant la décision du 2 mars 2009, il n’avait jamais occupé un poste d’aviseur technique pour véhicules lourds routiers.
[17] Il a occupé un tel poste à partir de novembre 2009 jusqu’au début de janvier 2010 chez Inter Anjou. Ce poste consistait à remplir des bons de travail, accueillir les clients, prendre les appels, relever les numéros de série et le kilométrage des véhicules. Il devait discuter avec les clients. Cependant, ce travail exigeait aussi de sortir du bureau et de faire des essais routiers. Le travailleur soutient qu’il effectuait de longues heures assis et qu’il avait même des problèmes lorsqu’il devait se lever : il devait le faire avec précaution en raison de la douleur. Le travailleur devait aussi monter et descendre des camions lourds, des 10 ou 12 roues.
[18] Le travailleur admet qu’il avait vécu à l’époque de cet emploi chez Inter Anjou, des problèmes personnels, tels que mortalité et séparation conjugale. Il ajoute cependant ceci : « Mais y avait un genre de mise en question des douleurs. J’ai pensé ça impliquait des choses que je suis pas supposé faire ». Toutefois, lors du contre-interrogatoire, le travailleur admet qu’il a quitté cet emploi pour des raisons personnelles.
[19] Par la suite, le travailleur a été à l’emploi de l’entreprise Centre de camions Cambec Diesel inc. (Cambec), un des employeurs partie au présent litige. Il y a occupé un emploi au début d’avril 2010, un poste à temps complet, 40 heures par semaine, et sur le quart de soir, où ils étaient deux aviseurs techniques. Là aussi, ses tâches comprenaient de faire des tests routiers, avec les clients si nécessaire. Les tests routiers duraient environ 30 minutes. Le travailleur devait aussi amener les camions pour des pré-inspections et les inspections finales. Il allait chercher des pièces pour les camions et effectuait la livraison de camion au client et revenait au bureau.
[20] Le travailleur déclare aussi qu’il manipulait des pièces d’une demi-livre à 80-100 livres : il devait les enlever du camion et les mettre sur un chariot. Vers juillet 2010, sa condition médicale empirait si bien qu’il ne pouvait même pas monter sur des marches. Vers le 14 ou 15 juillet 2010, le travailleur affirme avoir dit à une personne responsable chez Cambec qu’il n’était plus capable de faire le travail et qu’il quittait l’emploi. Le tribunal constate ici que la preuve démontre plutôt que le travailleur a remis sa démission à l’employeur le 7 juillet 2010 et non le 14 ou le 15 juillet. Puis, déclare le travailleur, il a remis un rapport médical à cet employeur, le 16 ou le 17 juillet 2010.
[21] Le travailleur affirme qu’il ne pouvait faire des tâches ménagères à la maison, ni tondre le gazon. Il va jusqu’à dire qu’il ne pouvait même pas se brosser les dents normalement car il avait de la difficulté à se pencher.
[22] Au sujet de sa visite médicale avec le docteur De Sanctis, le travailleur déclare qu’il l’avait consulté, avec ses enfants, en vue d’un bilan de santé qu’il faisait aux six mois. Cependant, le travailleur précise qu’il ne l’avait pas consulté relativement à sa lésion professionnelle avant juillet 2010.
[23] Puis en août 2010, le travailleur occupe encore un poste d’aviseur technique, mais chez Location Empress. C’était un emploi moins exigeant physiquement, et il n’y avait pas de marches à monter puisque tout était sur le même plancher. Cependant, il éprouvait toujours des difficultés à monter dans les camions, pour les livraisons par exemple. Mais il avait moins de livraisons à faire que chez Cambec.
[24] C’est durant son emploi chez Location Empress que, pour être en mesure de faire ses tâches, le travailleur a commencé à prendre des médicaments, soit en septembre 2010. À l’audience, l’époque de prise de médicaments n’est toutefois pas claire, le travailleur se reprenant plus d’une fois sur ce point. Cependant, le tribunal retient que le travailleur prenait les mêmes médicaments avant la consolidation de sa lésion professionnelle initiale.
[25] Le travailleur est resté à l’emploi de Location Empress durant deux mois, puis a été congédié, suite à une dispute.
La récidive, rechute ou aggravation alléguée
[26] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 13 juillet 2010, sous la forme d’une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale du 11 mai 2007.
[27] L’article
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[28] La notion de récidive, rechute ou aggravation n’étant pas définie par la Loi, c’est le sens courant des termes qu’il faut retenir, soit une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes[2].
[29] Toutefois, une aggravation ne peut être entièrement subjective et doit être objectivée. « Un changement significatif » de l’état de santé doit être démontré[3].
[30] En plus d’une preuve de l’existence d’une détérioration objective, une preuve prépondérante doit aussi être présentée pour établir une relation entre l’événement initial et la récidive, rechute ou aggravation alléguée. Le témoignage d’un travailleur est insuffisant et une preuve médicale est nécessaire pour établir cette relation[4].
[31] Par ailleurs, même en l’absence de signes d’aggravation de la condition d’un travailleur, une récidive ou une rechute constitue également une lésion professionnelle.
[32] La jurisprudence a développé des critères qui doivent être pris en considération pour déterminer l’existence d’une relation[5] entre l’événement initial et la récidive, rechute ou aggravation alléguée:
1) la gravité de la lésion initiale;
2) la continuité de la symptomatologie;
3) l’existence ou non d’un suivi médical;
4) le retour au travail, avec ou sans limitation fonctionnelle;
5) la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique;
6) la présence ou l’absence de conditions personnelles;
7) la compatibilité de la symptomatologie alléguée au moment de la récidive, rechute ou aggravation avec la nature de la lésion initiale;
8) le délai entre la récidive, rechute ou aggravation et la lésion initiale.
[33] Aucun de ces facteurs n’est décisif à lui seul, mais c’est l’ensemble des facteurs qui peut permettre de déterminer s’il y a ou non une récidive, rechute ou aggravation.
[34] Le tribunal retient les faits suivants concernant la récidive, rechute ou aggravation alléguée de juillet 2010.
[35] Le 13 juillet 2010, le travailleur consulte le docteur N. De Sanctis qui indique que le travailleur présente une « rechute avec aggravation lombosciatalgie gauche (IRM lombaire) secondaire hernie discale L5-S1 ». Il prescrit un arrêt de travail complet et de la médication.
[36] Dans ses notes cliniques du 13 juillet 2010, le docteur De Sanctis indique que le travailleur a aggravé sa lombosciatalgie gauche depuis trois semaines et indique que le travailleur dit soulever des pièces de voitures de plus de 15 livres. Le travailleur présente une boiterie et une faiblesse de la jambe gauche.
[37] Le docteur De Sanctis rapporte les amplitudes de la colonne lombaire chez le travailleur, mais, remarque le tribunal, omet de préciser le degré obtenu pour l’extension :
la flexion antérieure est de 40 degrés;
la latéroflexion droite et gauche : 15 degrés;
la rotation : « diminuée significativement ».
[38] Le 2 septembre 2010, le docteur De Sanctis indique qu’il y a persistance de lombosciatalgie gauche malgré la médication (Arthrotec et Tramacet), mais sans précision quant au dermatome impliqué. Le travailleur affirme aussi présenter une légère paresthésie à la jambe gauche. Le médecin prescrit une épidurale ainsi qu’une résonance magnétique, maintient l’arrêt de travail complet, et dirige le travailleur vers le docteur J.-F. Giguère, neurochirurgien.
[39] La résonance magnétique est faite le 9 août 2010 et, tout comme à l’examen du 26 juillet 2007, met en évidence une hernie discale à L5-S1. Cependant, à la différence de l’examen de 2007, il n’y a plus de sténose spinale significative. La « hernie mesure 17 mm en transverse x 5.9 mm en antéropostérieur ».
[40] Le tribunal souligne le fait que les mesures obtenues pour la flexion et les latéroflexions sont identiques aux mesures rapportées par le docteur Imbeault au moment de la consolidation de la lésion professionnelle initiale, en avril 2008. Le docteur De Sanctis ne précise pas le degré obtenu pour les rotations, mais note qu’elles sont diminuées significativement : or, en avril 2008, à seulement 10 degrés bilatéralement, le tribunal constate qu’elles étaient aussi diminuées de façon significative. Quant à la manœuvre de Lasègue mesurée à 80 degrés par le docteur De Sanctis en juillet 2010, elle est normale et ne peut donc être considérée comme étant positive.
[41] En conséquence, au niveau de l’examen clinique objectif de juillet 2010, le tribunal constate qu’il ne démontre aucune aggravation de la condition du travailleur, laquelle est, au contraire, restée inchangée sur le plan objectif.
[42] Le 29 novembre 2010, le docteur Giguère indique un diagnostic de hernie discale L5-S1 gauche. Il rapporte une douleur lombo-fessière gauche chez le travailleur ainsi qu’une hypoesthésie, à L5 mais à droite. Il note un trouble « mécanique » et dirige le travailleur vers le docteur MacThiong.
[43] Un EMG est fait le lendemain, 30 novembre 2010. Le 21 février 2011, le docteur Giguère rapporte que l’EMG s’est révélé positif à S1 droite. Il parle encore de trouble « mécanique lombaire » et demande l’opinion d’un médecin orthopédiste spécialisé dans la colonne vertébrale.
[44] Le 27 mai 2011, en vue d’obtenir un second avis médical, précise le travailleur à l’agente de la CSST le 20 mai 2011, il consulte le docteur MacThiong. Cela, souligne le tribunal, tel que recommandé par le docteur Giguère, lui-même recommandé par le docteur De Sanctis, médecin traitant du travailleur en 2010.
[45] Le docteur MacThiong indique que le travailleur présente une lombalgie sur discopathie multiétagée, une hernie discale L5-S1 gauche, mais que le traitement est non chirurgical. Il donne congé au travailleur.
[46] Dans ses notes cliniques, ce médecin rapporte que le travailleur a une douleur lombaire depuis quatre à cinq ans avec peu d’irradiation dans les jambes et peu de douleurs nocturnes. Le travailleur a une hypoesthésie latérale au pied droit et n’est pas amélioré par l’épidurale. De plus, le travailleur a un surpoids.
[47] À l’audience, le procureur du travailleur produit une lettre datée du 28 novembre 2011 rédigée par le docteur De Sanctis au sujet de son examen clinique remontant au 13 juillet 2010. Nous reproduisons le texte en partie :
Je suis le médecin traitant de M. Alain Rémillard. Quand j’ai évalué mon patient en date du 13 juillet 2010, j’ai diagnostiqué une rechute et aggravation de sa lombosciatalgie gauche déjà préexistante.
(…)
C’est avec ses explications de mon patient et avec mon examen physique, où j’ai noté le 13 juillet 2010 une radiculopathie dans sa jambe gauche, que j’ai émis mes conclusions de rechute et aggravation de son état clinique. C’est alors que j’ai mis mon patient en arrêt de travail complet.
[48] C’est sur la base des explications du travailleur sur son travail d’aviseur technique que le docteur De Sanctis a conclu que le travailleur avait une aggravation de sa lombo-sciatalgie gauche. « Mon patient me dit que », rapporte le médecin, le travail d’aviseur technique retenu par la CSST comme emploi plus léger, impliquait de souvent monter et descendre des marches, ainsi que l’essai des camions pour les tests routiers, ce qui exigeait des mouvements répétitifs de la jambe gauche sur l’embrayage et causait beaucoup de vibrations dans la région lombo-sacrale.
[49] Le tribunal constate que la conclusion du docteur De Sanctis sur l’existence d’une aggravation d’une lombo-sciatalgie gauche repose non pas sur des observations faites à l’examen objectif, mais bien sur la description des tâches effectuées par le travailleur. D’ailleurs, tel que mentionné plus tôt, les données cliniques objectives notées par le docteur De Sanctis dans ses notes cliniques de juillet 2010 ne montrent pas une détérioration des amplitudes de la colonne lombo-sacrée. Il n’y a pas eu d’examen neurologique, et le médecin ne fournit pas de précisions sur le dermatome impliqué.
[50] En ce qui concerne les limitations fonctionnelles évaluées par le docteur Imbeault dans son rapport d’évaluation médicale en 2008, le tribunal constate que ce médecin concluait à l’époque, que le travailleur conservait de sa lésion professionnelle, des limitations de classe II pour le rachis lombaire, tout en précisant qu’il conservait une limite de charge pour les objets pesant de 10 à 15 livres.
[51] Or, le tribunal note que les limitations de classe II pour le rachis lombaire selon l’échelle des restrictions du Programme sécurité-ergonomie 1988 de l’Institut de recherche en santé et en sécurité du travail du Québec (IRSST), correspondent en général à la description suivante :
Classe 1 : restrictions légères
Éviter d’accomplir de façon répétitive les activités qui impliquent de :
-Travailler en position accroupie;
-Ramper, grimper;
-Effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire;
-Subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale;
Classe 2 : restrictions modérées
En plus des restrictions de la classe I, éviter les activités qui impliquent de :
-Soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 5 à 15 kilogrammes (en l’instance, le docteur Imbeault parlait de charges de 10 à 15 livres);
-Effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire, même de faible amplitude;
-Monter fréquemment plusieurs escaliers;
-Marcher en terrain accidenté ou glissant.
[52] Toutefois, dans sa lettre du 28 novembre 2011, le docteur De Sanctis fait référence au fait de monter et descendre des marches, de faire des mouvements répétitifs de la jambe gauche sur l’embrayage, et au fait que la région lombo-sacrale subit beaucoup de vibrations lors des essais routiers que doit effectuer le travailleur au travail.
[53] Le tribunal constate que le docteur Imbeault n’a retenu aucune limitation fonctionnelle de la jambe gauche; le travailleur n’a donc pas à éviter de faire des mouvements répétitifs ou répétés avec sa jambe gauche. Il peut donc appuyer sur l’embrayage avec sa jambe gauche, ce mouvement ne contrevenant pas aux limitations fonctionnelles découlant de sa lésion professionnelle initiale. Comme le tribunal l’expliquera plus loin dans la décision, le docteur De Sanctis s’est basé sur une fausse prémisse. Cela démontre une méconnaissance du dossier par le médecin, ce qui affaiblit son avis médical.
[54] Au surplus, à supposer même qu’un emploi occupé par un travailleur contrevenait aux limitations fonctionnelles découlant de sa lésion professionnelle initiale, encore faut-il qu’il soit démontré par prépondérance de preuve que les gestes effectués dans le cadre de cet emploi ont causé une récidive, une rechute ou une aggravation de la lésion professionnelle. En l’instance, cela n’a pas été démontré. Le tribunal élaborera ce point plus loin dans la présente décision.
[55] Ainsi, le tribunal souligne le fait qu’il ne suffit pas pour un travailleur ou un médecin d’alléguer qu’un emploi ne respecte pas les limitations fonctionnelles d’une personne. Il faut démontrer une telle allégation et en démontrer les effets objectifs sur la condition du travailleur.
[56] Mais auparavant, le 19 août 2011, près de trois mois après la visite médicale auprès du docteur MacThiong, et à la demande du procureur du travailleur, le docteur G. R. Tremblay examine le travailleur en vue d’une expertise.
[57] Le travailleur se plaint au docteur Tremblay d’engourdissement au pied droit et d’une douleur dans le bas du dos, sans toutefois présenter de douleur aux jambes.
[58] Au sujet de la lombosciatalgie, à l’audience, en réponse à une question de l’assesseur médical, le travailleur déclarera plutôt qu’il a des douleurs à la région lombo-fessière, mais sans irradiation à la jambe.
[59] Le tribunal note aussi que, même si le docteur De Sanctis rapporte une lombosciatalgie gauche, tant le docteur Giguère que le docteur MacThiong, des médecins spécialistes, respectivement neurochirurgien et orthopédiste, rapportent que la douleur lombaire présente peu d’irradiation à la jambe, le docteur Giguère parlant seulement de douleur lombo-fessière. C’est le docteur De Sanctis qui avait dirigé le travailleur vers le docteur Giguère, puis ce dernier l’avait dirigé vers un orthopédiste spécialiste du rachis.
[60] Le docteur Tremblay tantôt rapporte que le travailleur présente une boiterie significative à gauche, tantôt rapporte qu’il a une légère boiterie : il s’agit d’une démarche antalgique puisque la douleur lombaire serait augmentée lors de l’appui à gauche.
[61] En ce qui concerne les amplitudes articulaires, le docteur Tremblay les rapporte de la façon suivante :
la flexion antérieure est de 50 degrés;
l’extension : 15 degrés;
la latéroflexion : 20 degrés bilatéralement;
la rotation : 15 degrés à droite, 30 degrés à gauche
[62] Vu ces mesures, le tribunal ne peut que constater que, non seulement l’amplitude de mouvements n’est pas diminuée par rapport à l’examen de 2008 fait par le docteur Imbeault au moment de la consolidation de la lésion initiale, mais les amplitudes se sont légèrement améliorées, la rotation à gauche étant même devenue normale chez le docteur Tremblay.
[63] De plus, les symptômes présentés par le travailleur ne correspondent pas à ceux au moment de la consolidation. En effet, la lésion professionnelle initiale est une hernie discale L5-S1 gauche alors que le travailleur présente maintenant des symptômes à droite: le travailleur se plaint d’engourdissement mais au pied droit, et non à gauche, et l’EMG est positif à droite. Cela ne correspond pas au site de lésion de la lésion professionnelle initiale. Il y aurait donc eu une migration de la douleur que la lésion professionnelle ne justifie pas. La douleur ne correspond pas au site de lésion de la lésion professionnelle initiale qui touchait le niveau L5-S1 à gauche.
[64] Au surplus, au moment de la consolidation d’avril 2008, le travailleur se plaignait aussi d’engourdissement du pied droit. En conséquence, le tribunal remarque que ce symptôme n’est pas nouveau en 2010.
[65] Le docteur Tremblay convient du fait que la mobilité lombaire ne s’est pas détériorée depuis l’évaluation par le docteur Imbeault. Il admet aussi « qu’il y a eu un changement dans la description de l’hernie discale L5-S1 ». Il reconnaît aussi que la hernie discale L5-S1 gauche, la lésion professionnelle, n’entraîne pas de lésion neurologique, l’EMG étant positif, mais à droite.
[66] Malgré ces admissions portant sur des données objectives, le docteur Tremblay se rabat sur le fait que le travailleur aurait eu un « travail inapproprié » chez l’entreprise Cambec et « devait déplacer des camions », ce qui aurait causé une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle initiale.
[67] Ainsi, le tribunal note que, pour expliquer la raison pour laquelle il retient que le travailleur présente une telle récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale, et malgré ses observations objectives, le docteur Tremblay invoque laconiquement un travail inapproprié, sans autre détail. Le tribunal souligne que le médecin ne fournit aucun détail sur le travail qu’il qualifie d’inapproprié, sur les mouvements que le travailleur doit être appelé à effectuer, par exemple.
[68] Peut-être en référence à la taille de la hernie discale montrée par la résonance magnétique de 2010, le docteur Tremblay avance une autre explication. La voici :
Il n’est pas nécessaire que l’hernie discale augmente ou reste la même pour que les symptômes réapparaissent, car les symptômes exercés par une pathologie discale lombaire sont causés beaucoup plus par une inflammation autour de l’hernie que par la taille de la hernie elle-même.
[69] De toutes façons, peu importe l’imagerie médicale, ses trouvailles doivent être corroborées par l’examen clinique. Or, le tribunal constate que l’examen clinique objectif fait par le docteur Tremblay ne démontre aucune aggravation de la lésion professionnelle initiale. Il en va de même pour les amplitudes trouvées par le docteur De Sanctis en juillet 2010, moment de la récidive, rechute ou aggravation alléguée.
[70] C’est aussi la conclusion retenue par le docteur J. É. Des Marchais, chirurgien orthopédiste mandaté par l’employeur, dans son évaluation faite sur dossier, le 20 octobre 2011 : le docteur Tremblay ne retrouve pas d’élément objectif permettant d’affirmer qu’il y a une récidive, rechute ou aggravation. Il ajoute que l’évaluation faite par le docteur Tremblay ne montre aucun signe de Tripode positif, que le Straight Leg Raising (faux Lasègue) est négatif bilatéralement, que les réflexes rotuliens et achilléens sont présents et symétriques, et que la force musculaire est symétrique.
[71] Le tribunal fait les mêmes observations et souligne que les réflexes achilléens étaient abolis chez le docteur Imbeault en 2008, alors qu’en août 2011 chez le docteur Tremblay, ils sont présents et symétriques.
[72] Le docteur Des Marchais souligne aussi le fait que l’hypoesthésie alléguée par le travailleur (et rapportée par le docteur MacThiong en mai 2011) est du côté droit alors que la hernie discale est du côté gauche.
[73] Le docteur Des Marchais se dit en désaccord avec le docteur Tremblay. Il estime que le docteur Tremblay « ne fait pas état d’éléments objectifs qui permettraient, selon une donnée probante, de déclarer une récidive, rechute ou aggravation. Bien au contraire, il ne retrouve aucun élément objectif pour le faire. Conséquemment, il se rabat sur un syndrome subjectif pur ».
[74] Le docteur Des Marchais explique plutôt que la discopathie dégénérative que présentait le travailleur et qui était déjà présente en 2007 a continué lentement, s’étant légèrement mais peu aggravée sur le plan radiologique. Cette discopathie a poursuivi son évolution naturelle de pathologie de maladie discale dégénérative.
[75] Le tribunal souligne le fait que cette conclusion du docteur Des Marchais sur la discopathie dégénérative est compatible avec l’avis du docteur MacThiong. Celui-ci est l’orthopédiste référé par le docteur Giguère qui lui-même a été référé par le docteur De Sanctis, médecin traitant du travailleur. Le docteur MacThiong retenait que le travailleur présentait une lombalgie sur discopathie multiétagée, avec hernie discale L5-S1 gauche, sans nécessité de chirurgie.
[76] Tel qu’indiqué plus haut, le tribunal est du même avis que le docteur Des Marchais sur l’inexistence de preuve probante d’une aggravation de la lésion professionnelle. Le tribunal estime que le docteur Des Marchais effectue une critique rigoureuse, logique et basée sur des données objectives. Le tribunal conclut que l’avis du docteur Des Marchais est prépondérant. En effet, tant le docteur De Sanctis que le docteur Tremblay ne font pas état d’éléments objectifs permettant de conclure à une aggravation de la lésion professionnelle initiale.
[77] Quant à la question de la réapparition des symptômes de la lésion professionnelles ou récidive, le tribunal constate que, même si à l’audience, le travailleur déclare que la douleur lombaire reste au niveau lombo-fessier sans descendre à la jambe. De plus, en juillet, puis en septembre 2010, le docteur De Sanctis, rapporte une lombosciatalgie gauche. Or, il s’agit de la même condition qu’alléguait le travailleur au docteur Imbeault au moment de la consolidation en 2008. D’ailleurs, le docteur MacThiong rapportait que le travailleur présentait une douleur lombaire depuis quatre ou cinq ans, avec peu ou pas d’irradiation. Le tribunal constate que le tableau des symptômes est inchangé par rapport à celui décrit par le docteur Imbeault lors de la consolidation de la lésion professionnelle en 2008.
[78] Le tribunal conclut donc qu’il n’y a donc eu ni aggravation ou rechute, ni récidive de la condition du travailleur relative à la lésion professionnelle initiale de hernie discale L5-S1 gauche.
446393-64-1108
[79] En
ce qui concerne l’abandon par un travailleur d’un emploi convenable sur l’avis
de son médecin, l’article
51. Le travailleur qui occupe à plein temps un emploi convenable et qui, dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l'exercer, doit abandonner cet emploi selon l'avis du médecin qui en a charge récupère son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 et aux autres prestations prévues par la présente loi.
Le premier alinéa ne s'applique que si le médecin qui a charge du travailleur est d'avis que celui-ci n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur.
__________
1985, c. 6, a. 51.
[80] Décisions
à l’appui[6], le procureur du
travailleur soutient que ce dernier a droit de bénéficier de l’article
[81] Dans Cloutier et Prévost Car inc. (Division Fabtech Nova)[8] invoquée par le procureur du travailleur, la Commission des lésions professionnelles faisait référence à une décision rendue par l’ancienne Commission d'appel en matière de lésions professionnelles dans Plante et Garage Léo-Paul Côté inc.[9] La Commission d'appel en matière de lésions professionnelles y indiquait la raison d’être de cette disposition, en discernant la volonté du Législateur : permettre de contrer une erreur éventuelle relative à la détermination d’un emploi convenable, erreur découverte dans l’exercice de l’emploi en cause, avant l’expiration d’un délai de deux ans à compter de l’affectation du travailleur. Il s’agit d’une protection additionnelle créée par l’article 51 et par laquelle le Législateur a voulu empêcher que la santé, la sécurité ou l’intégrité physique d’un travailleur soit compromise dans le cadre ou en raison de l’application même du processus de détermination et d’affectation du travailleur dans un emploi convenable.
[82] Dans l’affaire Grenier et Grands Travaux Soter inc.[10] invoquée par l’employeur, le tribunal a abordé l’angle de la récidive, rechute ou aggravation et l’angle de l’article 51, puis a insisté sur les qualités requises de l’avis médical prévu à l’article 51.
[83] Dans
cette affaire, le travailleur avait produit une réclamation à la CSST pour une rechute, mais déclarait qu’il ne s’était rien passé de particulier. Mais il
invoquait aussi le fait que l’emploi convenable retenu était trop difficile et
impliquait trop de mouvements répétés du cou. La CSST avait traité la réclamation sous l’angle d’une réclamation pour récidive, rechute ou
aggravation, mais le tribunal avait estimé qu’elle aurait dû l’aborder sous
l’angle de l’abandon d’un emploi convenable sur avis du médecin, une
éventualité qui est prévue par la Loi. En vertu de ses pouvoirs prévus par
l’article
[84] Dans
cette affaire, le tribunal rappelait certains principes en regard de l’abandon
d’emploi convenable sur avis médical prévu à l’article
[28] Ainsi, un travailleur récupérera son droit à l’indemnité de remplacement du revenu et aux autres prestations prévues par la loi si :
- Il abandonne un emploi convenable dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l’exercer à plein temps;
- Il abandonne son emploi convenable selon l’avis de son médecin;
- L’avis du médecin est à l’effet que :
- Le travailleur n’est pas raisonnablement en mesure d’occuper l’emploi convenable;
Ou
- L’emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur.
[29] Ainsi, il est généralement établi que l’avis du médecin doit précéder l’arrêt de travail pour que l’on puisse conclure que le travailleur a abandonné l’emploi en raison de cet avis2.
[30] En outre, pour récupérer son droit aux indemnités, le tribunal est d’avis que le travailleur doit produire un avis du médecin dont on peut raisonnablement apprécier qu’il respecte les critères établis à l’article 513. Il doit par conséquent en ressortir, à tout le moins de façon minimale, que le médecin connaît les antécédents médicaux et les limitations fonctionnelles du travailleur, sait de quel emploi il est question et ce qu’il comporte comme tâches et exigences physiques et est en mesure de motiver sa recommandation au travailleur d’abandonner cet emploi. Il faut donc qu’il y ait un véritable avis médical motivé et non un simple rapport des allégations d’incapacité d’un travailleur. L’impact de cet avis médical est trop important pour ne pas devoir s’assurer de façon minimale qu’il constitue véritablement une opinion médicale et que celle-ci est éclairée.
_________
2. C.S.S.T. et Mondoux,
3 Auger et Jeno Newman & Fils inc., précitée, note 4; Parent et Sani-Eco inc., précitée, note 4.
(Soulignements de la soussignée.)
[85] Tel que rapporté plus haut dans la présente décision, dans sa lettre du 28 novembre 2011, le docteur De Sanctis, médecin du travailleur, pour conclure à une aggravation de la condition du travailleur, rapportait les allégations du patient sur son poste d’aviseur technique : « Mon patient me dit que », rapporte le médecin, le travail d’aviseur technique retenu par la CSST impliquait de souvent monter et descendre des marches, ainsi que l’essai des camions pour tests routiers, ce qui exigeait des mouvements répétitifs de la jambe gauche sur l’embrayage et causait beaucoup de vibrations dans la région lombo-sacrale. Le tribunal constate que,, de par les termes utilisés par le docteur De Sanctis, ce dernier rapporte surtout les propos du travailleur, ses allégations d’incapacité.
[86] Au sujet de l’emploi occupé au moment de la récidive rechute ou aggravation alléguée du 13 juillet 2010, le tribunal constate que, tel qu’il appert d’une lettre de Centre de camions Cambec Diesel inc. en date du 26 juillet 2011, le travailleur a débuté son emploi le 7 avril 2010 mais a terminé le 7 juillet 2010, lorsque le travailleur a remis sa démission. De plus, le relevé de fin d’emploi indique que le 7 juillet 2010 a été la dernière journée de salaire payée au travailleur.
[87] Le tribunal constate que la démission du travailleur survient le 7 juillet 2010, donc avant la première consultation médicale du travailleur auprès du docteur De Sanctis, consultation qui n’a été effectuée que le 13 juillet 2010, près d’une semaine après la démission. Au surplus, le travailleur déclare à l’audience que c’est à la faveur d’un bilan médical aux six mois, avec ses enfants auprès du docteur De Sanctis, qu’il l’a consulté relativement à sa lésion professionnelle, chose qu’il n’avait pas faite auprès de ce médecin avant juillet 2010.
[88] Le tribunal demeure perplexe devant une telle chronologie qui permet de douter des véritables raisons de la fin d’emploi chez Centre de camions Cambec Diesel inc. Malgré les allégations du travailleur au docteur De Sanctis quant à ses difficultés à effectuer certains mouvements comme monter et descendre des marches, y compris les marches pour monter dans les camions, le tribunal estime qu’il est loin d’être démontré par prépondérance de preuve que ce sont les difficultés physiques du travailleur qui l’ont incité à démissionner.
[89] Au contraire, tel que l’écrit Centre de camions Cambec Diesel inc. sur le formulaire Avis de l’employeur et demande de remboursement amendé signé le 23 juillet 2010, le 8 juillet 2010, la personne responsable chez l’employeur a dit au travailleur « d’aller régler ses choses personnelles et de revenir travailler après ». En contre-interrogatoire, le travailleur explique qu’il s’agissait de ses disputes avec sa conjointe. Le 14 juillet 2010, Cambec fait publier une offre d’emploi dans les journaux, pour un poste d’aviseur technique. Toujours le 14 juillet 2010, le travailleur remet à Cambec le rapport médical du docteur De Sanctis, en date du 13 juillet 2010. Le travailleur aurait dit à cet employeur de se trouver un autre aviseur technique.
[90] Le travailleur déclare à l’audience qu’il a occupé un poste d’aviseur technique de novembre 2009 jusqu’au début de janvier 2010, chez Inter Anjou. Cependant, lors du contre-interrogatoire, le travailleur admet qu’il a quitté cet emploi pour des raisons personnelles. C’est ce que le tribunal retient, même si le travailleur a tenté de dire en interrogatoire principal qu’il s’était douté qu’il pouvait avoir fait des gestes dangereux pour sa santé, compte tenu des conséquences de sa lésion professionnelle. Ainsi, la fin d’emploi du travailleur chez Inter Anjou, dans l’emploi convenable retenu par la CSST, n’est nullement reliée à des difficultés physiques.
[91] De même, pour l’emploi chez Location Empress, emploi occupé durant seulement deux mois, en août et en septembre 2010, donc après la rechute, récidive ou aggravation alléguée de juillet 2010, s’est terminé en raison d’une dispute qui s’est soldée par le congédiement du travailleur. Là encore, le tribunal constate que si le travailleur n’a pas été en mesure de poursuivre cet emploi, ce n’était pas parce qu’il était physiquement incapable d’effectuer les tâches.
[92] Après son congédiement chez Location Empress, le travailleur a touché des prestations d’assurance-emploi jusqu’en août 2011, soit 26 semaines de prestations régulières et 15 semaines de prestations de maladie, affirme le travailleur.
[93] De l’historique d’emploi en tant qu’aviseur technique, le tribunal perçoit une toile de fond qui n’est pas reliée aux difficultés physiques du travailleur à effectuer les tâches de l’emploi convenable retenu. En fait, en janvier 2010, chez Inter Anjou, c’est principalement pour des raisons personnelles que le travailleur a quitté cet emploi. Chez Cambec, le travailleur a démissionné le 7 juillet 2010, près d’une semaine avant sa première consultation médicale depuis la consolidation de la lésion professionnelle en 2008. Quant à l’emploi chez Location Empress en septembre 2010, cet employeur a congédié le travailleur suite à une dispute avec le travailleur.
[94] L’opinion du docteur De Sanctis est tardive et est
émise plus d’un an après la consultation médicale du 13 juillet 2010. Elle est
essentiellement basée sur les allégations du travailleur. Elle ne contient pas
de véritable avis médical motivé. Rien dans la preuve n’indique que le docteur
De Sanctis était bien au fait des antécédents du travailleur et de ses
limitations fonctionnelles découlant de sa lésion professionnelle. D’ailleurs,
il indiquait que le travailleur effectuait trop de mouvements répétés de la
jambe gauche, ce qui ne correspond à aucune limitation fonctionnelle retenue
par le docteur Imbeault en 2008. De plus, en novembre 2011, le docteur De
Sanctis invoque le fait que le travailleur présentait le 13 juillet 2011, une
radiculopathie. Or, le tribunal souligne le fait que les documents médicaux de
juillet 2011 n’indique nullement cette radiculopathie. Alors, au
surplus, cet avis du docteur De Sanctis est basé sur une fausse prémisse. Il
ne peut être retenu relativement à l’application de l’article
[95] Le
tribunal ne peut retenir l’opinion du docteur De Sanctis comme étant probante
et comme constituant un véritable avis médical motivé. Ce dernier ne peut
suffire à démontrer les éléments de l’article
[96] De plus, vu sa démission le 7 juillet 2010, le tribunal constate que le travailleur a abandonné son emploi, au poste d’aviseur technique, l’emploi convenable retenu, non pas selon l’avis de son médecin, mais bien une semaine avant même d’avoir consulté le docteur De Sanctis le 13 juillet 2010.
[97] L’avis du médecin ne précède nullement l’arrêt de travail et on ne peut donc conclure que le travailleur a abandonné l’emploi en raison de cet avis médical. Or, la jurisprudence a établi que l’avis du médecin doit précéder l’arrêt de travail pour que l’on puisse conclure que le travailleur a abandonné l’emploi en raison de cet avis[11]. En conséquence, le tribunal conclut que le deuxième critère de l’article 51 n’est pas rempli.
[98] Les faits dans le cas sous étude diffèrent de ceux dans les affaires Vallée et Construction & Rénovations M. Dubeau inc.[12], et Cloutier et Prévost Car inc. (Division Fabtech Nova)[13] invoquées par le procureur du travailleur. Dans l’affaire Vallée, le médecin avait bel et bien informé le travailleur qu’il devrait abandonner son emploi en raison du risque d’aggravation de sa condition liée à la lésion professionnelle, et ceci, avant l’abandon du travail par le travailleur, même si le médecin n’a concrétisé sa recommandation par un écrit que deux mois après avoir émis sa recommandation au travailleur. Dans l’affaire Cloutier, le tribunal rappelait ceci : que l’attestation écrite émise par le médecin soit postérieure à la cessation de travail ne change rien au fait que le travailleur a abandonné son emploi sur l’avis de son médecin qui le lui avait donné avant l’arrêt de travail.
[99] Comme
l’a rappelé le tribunal dans l’affaire Godbout et Ministère des
Transports[14] invoquée
par le procureur de l’employeur, l’article
[100] Par conséquent, le
tribunal conclut que le travailleur ne peut bénéficier des dispositions prévues
à l’article
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
440779-64-1105
REJETTE la requête de monsieur Alain Rémillard, le travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 18 mai 2011, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que, le 13 juillet 2010, le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 11 mai 2007 et n’a donc pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
446393-64-1108
REJETTE la requête du travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 1er août 2011, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE qu’il n’y a pas matière à appliquer les
dispositions de l’article
|
|
|
Daphné Armand |
|
|
|
|
|
|
Me Renald Mongeon |
|
Desroches, Mongeon |
|
Représentant de la partie requérante |
|
|
|
Me Claude Rochon |
|
Stein Monast s.e.n.c.r.l. |
|
Représentant de la partie intéressée (Sani-Gestion) |
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] Lapointe et Compagnie Minière Québec-Cartier
[3] Lafontaine et C.H.-C.H.S.L.D. de Papineau, C.L.P.
[4] Boisvert et Halco inc.,
[5] Boisvert et Halco inc., précitée, note 4
[6] Décisions
invoquées par le travailleur : Vallée et Construction &
Rénovation M. Dubeau inc., C.L.P.
[7] Décisions invoquées par l’employeur :
Grenier et Grands Travaux Soter inc., C.L.P.
[8] Précitée note 6
[9]
[10] Précitée note 7
[11] Grenier et Grands Travaux Soter inc, précitée note 7; Godbout et Ministère des Transports, précitée note 7
[12] Précitée note 6
[13] Précitée note 6
[14] Précitée note 7
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.