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[1] Le 12 décembre 2003, Minolta Montréal inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 19 novembre 2003, à la suite d’une révision administrative.
[2] Dans cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 2 octobre 2003, et déclare que monsieur Steve Gizas (le travailleur) a subi une lésion professionnelle, le 20 août 2003, et a droit, en conséquence, aux indemnités prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la LATMP).
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[3] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la CSST et de déclarer que le travailleur n’a pas droit à l’indemnité de remplacement du revenu prévue à la LATMP.
[4] Bien qu’elles aient été dûment convoquées, les parties ne sont pas présentes ni représentées à l’audience tenue le 30 mars 2004. La Commission des lésions professionnelles procède donc à rendre la présente décision à la lumière des informations apparaissant au dossier tel que constitué.
LES FAITS
[5] Les faits qui ont donné naissance au présent litige sont résumés ainsi dans la décision rendue par la CSST, le 19 novembre 2003 :
« Le travailleur exerce les fonctions d’aide chauffeur chez l’employeur. Son travail consiste à charger et à décharger les camions puis à livrer des photocopieurs aux clients de l’employeur. Le 20 août dernier, dans le cours de son travail habituel, il procède au chargement d’un photocopieur dans un camion en tirant celui-ci jusqu’à la rampe d’embarquement. Pour réussir à le hisser dans le camion, il soulève le photocopieur par-dessus le seuil surélevé. Il ressent immédiatement une douleur au niveau de l’aine qu’il rapporte promptement à l’employeur. [...]
Il consulte un médecin le jour même qui diagnostique une entorse à la hanche nécessitant un arrêt de travail de 3 jours. La lésion est consolidée dès le 25 août. »
[6] Dans cette même décision, la CSST conclut que le travailleur a subi une lésion professionnelle, le 20 août 2003, et a droit aux indemnités prévues à la LATMP pour les motifs suivants :
[...] le travailleur peut bénéficier de la présomption de lésion professionnelle. En effet, compte tenu des circonstances de l’événement, du délai à le déclarer ainsi que du délai de consultation, il y a lieu de conclure que le travailleur a établi que son entorse à la hanche est survenue sur les lieux de son travail alors qu’il était à son travail.
Les éléments présentés par l’employeur ne permettent pas de renverser la présomption. »
[7] L’employeur conteste la décision de la CSST en invoquant une entente conclue avec le travailleur, le 25 août 2003, suivant laquelle ce dernier acceptait d’être indemnisé par sa « banque de journées de maladie » et renonçait à recevoir les prestations prévues à la LATMP.
L’AVIS DES MEMBRES
[8] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la preuve démontre que le travailleur bénéficie de la présomption de lésion professionnelle prévue à l’article 28 de la LATMP et qu’en l’absence de toute preuve susceptible de renverser cette présomption, il doit recevoir les indemnités prévues à cette loi.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[9] Pour les motifs ci-après exposés, la Commission des lésions professionnelles estime que la requête de l’employeur doit être rejetée.
[10] La preuve non contredite démontre que le travailleur a subi une blessure à la hanche sur les lieux du travail, alors qu’il était à son travail. Il bénéficie en conséquence de la présomption énoncée à l’article 28 de la LATMP. Cet article 28 se lit comme suit :
28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 28.
[11] Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles doit conclure que le travailleur a subi une lésion professionnelle et a droit à l’indemnité de remplacement du revenu et à l’assistance médicale prévues à la LATMP.
[12] L’employeur conteste le droit du travailleur en invoquant une entente qu’il a conclue avec celui-ci. Une telle entente ne peut cependant pas être opposée aux dispositions d’ordre public de la LATMP.
[13] Rappelons que l’objet de cette loi est décrit ainsi à son article 1 :
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.
[14] L’article 4 de la LATMP énonce ceci :
4. La présente loi est d'ordre public.
Cependant, une convention ou une entente ou un décret qui y donne effet peut prévoir pour un travailleur des dispositions plus avantageuses que celles que prévoit la présente loi.
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1985, c. 6, a. 4.
[15] Le 2e alinéa de l’article 4 précité ne permet pas à l’employeur de prétendre que l’entente qu’il a conclue avec le travailleur a pour effet de priver ce dernier de l’exercice des droits que lui confèrent les dispositions d’ordre public de la LATMP.
[16] Au surplus, il est inexact de dire que l’entente invoquée par l’employeur est « plus avantageuse » que les bénéfices prévus à la LATMP. On doit notamment reconnaître que cette entente priverait le travailleur des « journées de maladie » auxquelles il aurait droit en vertu de son contrat de travail dans l’éventualité d’une absence en raison d’une pathologie personnelle.
[17] Dans le dossier C.S.S.T. et Poulain[2], la Commission des lésions professionnelles a déclaré ce qui suit :
« La Commission des lésions professionnelles considère en effet qu’une disposition contractuelle à caractère privé entre deux parties à une entente ne saurait rendre inopérantes des dispositions d’ordre public et ainsi empêcher l’exercice de recours qui y sont prévus, à moins qu’une telle disposition soit plus avantageuse que celles prévues par la loi, ce qui ne saurait être le cas en l’espèce puisque le droit de produire une réclamation à la C.S.S.T. est « a priori » plus avantageux pour la travailleuse que la disposition contractuelle par laquelle elle paraît s’obliger, selon l’employeur, à renoncer à l’exercice d’un tel recours. »
[18] La présente requête de l’employeur doit aujourd’hui être rejetée pour des motifs similaires.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de l’employeur, Minolta Montréal inc.;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 19 novembre 2003, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur, monsieur Steve Gizas, a subi une lésion professionnelle, le 20 août 2003, et a droit en conséquence à l’indemnité de remplacement du revenu et à l’assistance médicale prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Me Fernand Poupart |
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Commissaire |
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