Décision

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93011361 COUR D'APPEL


PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL

No: 500-09-000547-877
(500-05-010250-866)

Le 8 mars 1993


CORAM: LES HONORABLES CHOUINARD
GENDREAU
PROULX, JJ.C.A.






SYNDICAT PROFESSIONNEL DES INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS DE MONTREAL (SPIIM) & AL.

APPELANTS mis en cause

c.

CENTRE LOCAL DES SERVICES COMMUNAUTAIRES MONTRÉAL-NORD

INTIMÉE requérante

-et-

GILLES TRUDEAU
MONIQUE ALLIE et
MICHEL LEMAY

MIS EN CAUSE intimés



J U G E M E N T


__________
LA COUR, parties ouïes sur le mérite de l'appel d'un jugement de la Cour supérieure, district de Montréal (Honorable Alphonse Barbeau), rendu le 6 avril 1987, accueillant la requêteen évocation de l'intimée à l'encontre de la décision d'un tribunal d'arbitrage;

          Après avoir examiné le dossier, entendu les parties et délibéré;

          Pour les motifs exprimés dans l'opinion écrite de Monsieur le juge Paul-Arthur Gendreau, déposée avec le présent jugement, et à laquelle souscrivent ses collègues, Messieurs les juges Roger Chouinard et Michel Proulx;

          REJETTE L'APPEL AVEC DÉPENS.



                                    ROGER CHOUINARD




                                    PAUL-ARTHUR GENDREAU




                                    MICHEL PROULX
                                                            JJ. C.A.


Me Denis Jacques, pour les appelants
(Grondin, Poudrier & associés)

Me Scott Hughes, pour l'intimée

Date de l'audition: 19 janvier 1993
COUR D'APPEL


PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE MONTRÉAL

No: 500-09-000547-877
(500-05-010250-866)




CORAM: LES HONORABLES CHOUINARD
GENDREAU
PROULX, JJ.C.A.






SYNDICAT PROFESSIONNEL DES INFIRMIÈRES ET INFIRMIERS DE MONTREAL (SPIIM) & AL.

APPELANTS mis en cause

c.

CENTRE LOCAL DES SERVICES COMMUNAUTAIRES MONTRÉAL-NORD

INTIMÉE requérante

-et-

GILLES TRUDEAU
MONIQUE ALLIE et
MICHEL LEMAY

MIS EN CAUSE intimés



OPINION DU JUGE GENDREAU


          Les règles d'intervention de la Cour supérieure, à l'occasion de l'exercice du pouvoir de surveillance d'un tribunal administratif protégé par une clause privative, sont bien connues. L'une d'elles veut que l'erreur manifestement déraisonnable dans l'interprétation d'une convention collective, s'il s'agit, comme ici, de vérifier la légalité d'une sentence arbitrale, soit assimilée à l'erreur juridictionnelle.

          Qu'en est-il en l'espèce? Un conseil d'arbitrage a majoritairement décidé que trois infirmières du CLSC-Montréal-Nord (l'intimée) avaient été illégalement déplacées. Pour cela, il a exprimé l'avis que le poste d'une infirmière était «déterminé par les fonctions qu'elle exerce dans les faits» (m.a., p. 149) et que, par conséquent, toute modification structurelle, qui avait pour effet de déplacer une infirmière (et donc de lui attribuer de nouvelles fonctions spécifiques mais incluses dans la définition du titre d'emploi) à l'intérieur du même centre d'activités, était interdite. La Cour supérieure a cassé cette décision au motif que la décision arbitrale était manifestement déraisonnable. À mon avis, l'appel de ce jugement doit échouer.

          Le dossier met en cause la notion de poste défini ainsi au décret tenant lieu de convention collective:

1.14      Poste simple


Ensemble des fonctions exercées par un salarié à l'intérieur d'un centre d'activités et contenues dans l'un ou l'autre des titres d'emplois prévus à
la présente convention et à ses annexes.

1.15      Poste composé


Ensemble des fonctions exercées par un salarié à l'intérieur de plusieurs centres d'activités et contenues dans l'un ou l'autre des titres d'emplois prévus à la présente convention et à ses annexes. Le poste d'équipe volante ne peut être une constituante du poste composé.

(m.a., p. 123)




          À ces définitions, s'ajoutent celles de centres d'activités puisque celles de poste y réfèrent expressément:

1.16      Centres d'activités


Ensemble d'activités spécifiques hiérarchiquement organisées constituant une entité distincte au sens de la structure organisationnelle de l'établissement.


Le centre d'activités peut être une section de bénéficiaires chroniques ou de bénéficiaires psychiatriques, une pouponnière, un département de laboratoire ou de radiologie, un programme ou un point de service, etc.

(m.a., p. 123)




          Une sentence arbitrale précédente avait décidé que la restructuration du CLSC Montréal-Nord était conforme auxdispositions du contrat de travail. L'arbitre Moalli avait conclu que dans cet établissement, le centre d'activités était la direction ou l'unité de services et non les programmes qui y étaient inclus. Il écrit:
Selon une telle structuration, c'est donc l'unité qui regroupe l'ensemble de ces programmes qui constitue un centre d'activités -- chaque programme par lui-même ou pris isolément ne répond pas à la définition prévue à la clause 1.16 de la convention collective.


(...)


Il est indéniable qu'en nature, les activités des programmes diffèrent à divers degrés; toutefois, cette seule différence ne suffit pas à faire d'un programme un centre d'activités.

(m.i., pp. 107 et 108)




          Or, la sentence attaquée a pour effet de rendre inutile la notion de centre d'activités de la convention collective et de vider de tout sens l'interprétation qu'en donne l'arbitre Moalli et à cause de cela, devient manifestement déraisonnable.

          En effet, la notion de poste est importante, spécialement au regard des mouvements de personnel et de l'affichage. Or, si l'on se réfère à la définition des articles 1.14 et 1.15 de la convention collective, le poste renvoi a deux notions: les fonctions du salarié contenues au titre d'emploi et la situation de ce salarié à l'intérieur d'un centre d'activités. Cette double composante est, et en toute logique, reprise, entre autres, auxarticles traitant du contenu de l'affichage et de la procédure de supplantation ou de mise à pied.

          Ainsi, tout poste vacant ou nouvellement créé doit être affiché (art. 16.01). Ce mécanisme est capital car il vise à informer chaque salarié des emplois disponibles et la définition de leurs tâches, ce qui lui permet de postuler en toute connaissance de cause et donne à chacun une chance égale d'être choisi. Or, le contenu obligatoire de cet affichage est prescrit à la clause 16.05 qui se lit:
16.05     L'avis affiché, suivant les dispositions de la clause 16.01, contient les indications suivantes:


1)   titre(s) d'emploi et statut selon la convention;


2)   supplément, s'il y a lieu;


3)   centre(s) d'activités et quart de travail;


4)   période d'affichage;


5)   les exigences suivantes lesquelles doivent être pertinentes et en relation avec la nature des fonctions:


a)   pour le type de mutation tel que décrit à la clause 16.08 - 1):


- la formation académique;


- l'expérience;


b)   pour le type de mutation tel que décrit à la clause 16.08 - 2):


- la formation académique;


- l'expérience;


- les aptitudes;


6)   le nombre de jours de travail par période de deux (2) semaines pour un poste à temps partiel;


7)   dans le cas d'un poste composé, la répartition habituelle de la cédule de travail entre les centres d'activités mentionnés a 3).

(m.a., p. 132) (soulignés ajoutés)




          Ainsi, l'information à laquelle peut prétendre le salarié est le titre d'emploi (par. 1) et le centre d'activités (par. 3). Dès lors, si l'employeur applique la sentence Moalli, il décrira le centre d'activités comme l'unité de services ou la direction. Si, au contraire, il veut mettre à exécution la sentence objet de la présente affaire, c'est au programme (le plus petit dénominateur) auquel il devra se référer puisque cette décision définit le poste, non pas au regard du titre d'emploi (infirmière, par exemple), mais par rapport aux tâches que le titulaire du poste exercera dans la réalité quotidienne de son travail. Comme le titre d'emploi englobe toutes les fonctions possibles et que la clause ne permet aucune autre référence que celle-là, laparticularité du poste ne pourra venir que du programme. L'arbitre l'a bien réalisé, lui qui écrit:
     Une telle interprétation des articles 1.14 et 1.15 rend-elle inutile la mention du centre d'activités? Certainement pas. Le centre d'activités constitue la limite supérieure du poste simple. Un poste peut fort bien englober toutes les fonctions contenues dans un titre d'emploi et exigées par un centre d'activités, quelque soit le nombre de programmes qu'administre ce centre d'activités. Les fonctions exercées alors par le salarié titulaire correspondent à toutes celles exigées par ce centre d'activités. Si, par contre, une infirmière n'exerce qu'un ensemble spécifique de fonctions, limité à un ou deux programmes par exemple, son poste ne peut comprendre les autres fonctions d'infirmière que pourrait requérir le centre d'activités auquel elle appartient.

(m.a., p. 150) (soulignés ajoutés)




          À l'évidence, les deux sentences ne peuvent coexister dans l'application de la clause d'affichage.

          Enfin, je trouve déraisonnable que l'application de la sentence arbitrale, objet du litige, signifie que les salariés, bien que généralement informés par l'affichage qu'un poste soit susceptible d'exiger de son titulaire l'exercice de toutes les fonctions du titre d'emploi (infirmier ou infirmière) à l'intérieur d'une unité de services, sauraient en même temps que ce titulaire comprimera, dès son entrée en fonction, cette amplitude des fonctions, pour les limiter qu'aux seules tâches qu'il exercera dans la réalité. À mon avis, réduire le contenu du poste tel que l'affichage le propose par le seul exercice des tâches de ce poste,ce qui est l'effet de la sentence, ne prend appui sur aucune disposition de la convention collective et contredit, ou plus exactement, stérilise la notion de centre de services (art. 1.16) et la définition que lui en a donnée la sentence arbitrale rendue par M. Moalli.

          La sentence arbitrale attaquée contredit encore la précédente au regard de l'article 14.11 de la convention collective qu'elle rend inutile. En effet, suivant l'article 14.07, les abolitions de poste donnent ouverture à la procédure de supplantation ou de mise à pied qui se détaille ainsi:
14.11     Dans le cas de supplantation et/ou mise- à-pied et dans le cas de mesures spéciales, l'ancienneté de chaque salarié(e) détermine celui(celle) que la procédure de supplantation et/ou mise-à- pied peut affecter tel que stipulé ci- après:


1)   dans un titre d'emploi et dans un statut visés à l'intérieur d'un centre d'activités donné, le(la) salarié(e) de ce titre d'emploi et de ce statut qui a le moins d'ancienneté en est affecté(e):


2)   ce(cette) salarié(e) peut supplanter dans un autre centre d'activités, le(la) salarié(e) du même titre d'emploi et du même statut ayant le moins d'ancienneté et ainsi de suite;


3)   le(la) salarié(e) le(la) moins ancien(ne) dans le titre d'emploi et dans le statut visés peut supplanter dans un
autre titre d'emploi, dans le même statut, le(la) salarié(e) ayant le(la) moins d'ancienneté mais à la condition toutefois qu'il (elle) puisse satisfaire aux exigences normales de la tâche.

Les exigences doivent être pertinentes et en relation avec la nature des fonctions. Chaque salarié(e) ainsi supplanté(e) peut exercer son droit d'ancienneté de la manière décrite à la présente clause 14.11 pourvu qu'il y ait un(e) salarié(e) dont l'ancienneté soit inférieure à la sienne;


4)   À défaut d'utiliser les mécanismes ci-haut décrits alors qu'il lui est possible de le faire, le(la) salarié(e) est réputé(e) appartenir à la liste de disponibilité de l'établissement. Le (la) salarié(e) est alors régi(e) par les dispositions, conditions et droits prévus à l'article 17. Il(elle) cesse alors de bénéficier des dispositions de l'article 15 traitant du régime de sécurité d'emploi.

(m.a., pp. 130 et 131) (soulignés ajoutés)




          Ainsi, si un poste est aboli, le salarié ayant plus d'ancienneté peut supplanter son collègue moins ancien suivant l'ordre suivant:

          d'abord dans le même titre d'emploi à l'intérieur de son centre d'activités,

          ensuite dans le même titre d'emploi mais dans un autre centre d'activités

          et enfin, dans un autre titre d'emploi s'il peut satisfaire aux exigences des tâches.

          Comment appliquer cette procédure si le poste ne renvoie pas au titre d'emploi et au centre d'activités mais qu'aux seules tâches réellement exécutés par le salarié comme l'affirme la sentence arbitrale objet de la révision judiciaire? Inversement, la sentence antérieure s'intègre parfaitement à cette procédure.

          L'importance et surtout les conséquences de la sentence Moalli au regard des différentes clauses de la convention collective et en particulier des articles 14, 16 et 1.14 étaient reconnues par le syndicat qui en faisait état dans le libellé même de la mésentente. En effet, il soumettait son litige à l'arbitre Moalli en ces termes:

Nous saisissons le tribunal d'une mésentente relative à l'interprétation de la définition de centre d'activités à l'article 1.16 du décret 83- 85/FSPIIQ tenant lieu de convention collective.


Nous constatons que l'employeur considère qu'un ensemble de programmes constitue un seul centre d'activités, alors qu'au sens de la structure organisationnelle, ces programmes constituent des entités distinctes, ce qui a pour effet d'invalider en autre (sic) les articles 1.14, 14, 16, 21, 32, etc...


Nous réclamons que le tribunal constate que chaque programme constitue un centre d'activités distinct et ordonne à l'employeur d'amender en ce sens toutes ses politiques de gestion ainsi que tous les documents cités au décret où le centre d'activités doit être mentionné et ce, rétroactivement.

(m.i., pp. 95 et 96) (soulignés ajoutés)




          Tant que la convention collective n'est pas modifiée (et sa durée ne peut légalement excéder trois ans), il convient que la stabilité des relations de travail soit maintenue par une administration cohérente gage d'équité: c'est le voeu des parties et l'objet du Code du travail. Certes, une sentence arbitrale peut déplaire mais il appartiendra à la négociation à venir de redresser la situation.

          J'ajoute enfin que lorsqu'une décision a pour effet d'en contredire une autre rendue antérieurement au regard des mêmes clauses du même contrat de travail, elle devient, à toutes fins utiles, un appel déguisé de celle-ci, ce qui est interdit par la loi.

          Ces erreurs, commises en l'espèce, sont, à mon avis, de la nature de celles qui donnent ouverture au recours en révision et C'EST POURQUOI, JE PROPOSERAIS DE REJETER LE POURVOI AVEC DÉPENS.




                              J.C.A.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.