Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Lanaudière

JOLIETTE le 30 novembre 2000

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

134493-63-0003

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Diane Beauregard

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Jean Litalien

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Gérald Dion

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DE L'ASSESSEUR :

Dr Michel Girard

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

114365208

AUDIENCE TENUE LE :

1er novembre 2000

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Joliette

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

FRANÇOIS RIVEST

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VOYAGES AU NORDEST INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA

SÉCURITÉ DU TRAVAIL-LANAUDIÈRE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 21 mars 2000, monsieur François Rivest (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 14 mars 2000 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail suite à une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la révision administrative confirme une décision rendue le 1er décembre 1999 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) et déclare que le travailleur n’a pas fait la démonstration, que n’eût été de circonstances particulières, il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s’est manifestée sa lésion.

[3]               A l’audience le travailleur est présent et représenté.  La Commission est représentée.  L’employeur a signifié au tribunal qu’il serait absent.

 

L'OBJET DU LITIGE

[4]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il peut bénéficier de l’application de l’article 76 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi).

 

LES FAITS

[5]               Le travailleur est conducteur de traîneau à chiens au moment de l’événement du 28 décembre 1997.  Il occupe cet emploi pour l’employeur occasionnellement c’est-à-dire quelques jours par hiver et ce, depuis 7 ans.

[6]               Le 28 décembre 1997, le travailleur subit un accident du travail au moment où un crochet de l’attelage de chiens lui perfore le mollet de la jambe droite.  Il s’inflige une lacération du mollet de la jambe droite et une rupture de l’artère poplitée.  Il subira une première intervention chirurgicale le 30 décembre 1997 pour rupture d’artère avec pontage de reconstruction. En raison d’une ischémie sévère au niveau des muscles et des nerfs de la jambe, il subira deux débridements musculaires au niveau de la loge antérieure droite.

 

[7]               Au moment d’établir la base salariale devant servir à déterminer le montant de l’indemnité de remplacement du revenu, le travailleur déclare des revenus obtenus en partie de l’assurance-emploi, du salaire gagné à titre d’ébrancheur et du salaire gagné à titre de conducteur de traîneau à chiens.

[8]               Étant toujours incapable d’exercer son emploi après deux ans, il demande de se prévaloir de l’article 76 de la loi.

[9]               A l’audience, le travailleur explique que son travail régulier est celui de bûcheron et ce, depuis 1976 bien qu’il ait pu connaître quelques interruptions de courte durée pour accomplir d’autres fonctions.  Depuis dix ans, il est bûcheron pour la compagnie Déboisement St-Michel et L.F Beauséjour.  La compagnie Déboisement St-Michel existe depuis 1986 sous cette raison sociale.  En 1998, elle a changé de nom pour Foresterie St-Michel.  La compagnie L.F. Beauséjour est une compagnie qui signait des contrats avec les usines du coin dont Déboisement St- Michel devenu Foresterie St-Michel en cédant les opérations forestières.  Depuis 1998, Foresterie St-Michel va chercher 100% des contrats.

[10]           Pour l’année 1990, le travailleur a travaillé pour la compagnie Déboisement St-Michel.  Son revenu a été de 1341.00$.  Le travailleur témoigne à l’effet qu’il croit avoir travaillé ailleurs au cours de cette année-là mais ne peut en être certain.

[11]           Pour l’année 1991 et 1992, il a travaillé pour L.F. Beauséjour.  Le travailleur déclare avoir fait un revenu similaire à celui de 1994 mais ne peut en faire la démonstration.

[12]           En 1993, son revenu chez Déboisement St-Michel a été de 13763.00$.

[13]           Pour 1994, il a gagné chez Déboisement St-Michel un revenu de 21771.59$ auquel s’ajoute un montant de 8947.00$ pour prestations d’assurance-chômage. Le travailleur soutient que cette année-là est une année complète qualifiée de «normale».

[14]           En 1995, il a peu travaillé en raison d’un problème au genou.  Ses revenus sont de 1100.00$.  Pour l’année 1996, son genou le faisant toujours souffrir, il a débuté la saison en retard.  Son revenu a été de 17120.00$.

[15]           Enfin, pour 1997, le travailleur a cumulé un revenu de 13044.00$ pour Déboisement St-Michel.  Il explique qu’il a choisi de travailler comme ébrancheur sur de la machinerie plutôt qu’à titre de bûcheron.  Il avait l’ancienneté pour le faire.  Son début en emploi a été retardé au 1er août 1997 parce que l’employeur attendait le financement d’une des machines avant de débuter les opérations.  Il a travaillé à titre d’ébrancheur jusqu’à la fin novembre 1997 en raison du manque de bois.

Il précise que s’il avait travaillé comme bûcheron il aurait eu du travail au-delà de cette date.  N’eût été de l’accident du travail, il aurait repris le travail en janvier 1998 pour quelques semaines.  La période des Fêtes n’est pas travaillée.

[16]           Il explique que le travail de bûcheron est saisonnier en ce qu’il connaît toujours une période de chômage.  Les activités débutent au printemps, en mai ou juin et se terminent vers la période des Fêtes tout dépend de la quantité de neige ou de la fin des contrats.

[17]           Enfin, il déclare avoir travaillé pour Déboisement St-Michel en équipe avec son frère mais ce dernier ne lui a pas versé de revenu.

[18]           Monsieur Réjean Gouin témoigne pour le bénéfice du travailleur.  Il est président de Foresterie St-Michel et précédemment de Déboisement St-Michel et ce, depuis 1986.  Il déclare que le travailleur travaille pour lui depuis 1986.  Il soutient que pour les années 1998-1999 et 1999-2000, il a eu de la difficulté à recruter des bûcherons et des ébrancheurs dans la région.  Il a dû faire appel à des équipes de l’extérieur.  C’est ce qui lui permet d’affirmer qu’il aurait certainement embauché le travailleur s’il avait été disponible puisqu’il connaît une pénurie de main-d’œuvre depuis 5 ans.  Il explique qu’il privilégie les travailleurs de la région parce qu’il n’a pas à payer de pension.  La durée de l’emploi varie entre 30 et 40 semaines, soit en moyenne 35 semaines par année.  Le bûcheron tout comme l’ébrancheur est payé à la «job» c’est-à-dire à la tige.  Il reçoit des avances qui se situent entre 650$ et 1100$ par semaine.  En référant aux années précédentes, la moyenne hebdomadaire est de 700$.

[19]           Il explique qu’en 1997, le travailleur a décidé d’aller travailler, pour une première fois, sur une ébrancheuse en équipe avec son frère.  La saison a débuté en juillet 1997.  Elle a fini tôt en raison du manque de bois mais trop tard pour que le travailleur puisse être intégré aux équipes de bûcheron.  Les saisons dans le bois débutent normalement à la mi-mai et se terminent à la mi-février selon l’épaisseur de la neige dans le bois.

 

L'AVIS DES MEMBRES

[20]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis de faire droit au travailleur.  Selon la preuve, au moment de l’accident, le travailleur n’exerçait pas son véritable emploi mais un emploi occasionnel de conducteur de traîneau à chiens.  Toutefois, le travailleur était ébrancheur, emploi similaire à celui de bûcheron à salaire comparable selon le témoignage de monsieur Gouin et du travailleur.  L’article 76 de la loi doit trouver application en raison de ces circonstances particulières.

[21]           Le membre issu des associations d'employeurs est d’avis de rejeter la requête du travailleur puisque l’article 76 de la loi est du droit d’exception qui doit être interprété de façon restrictive.  Dans le présent cas, le travailleur s’est blessé le 28 décembre 1997 en conduisant un traîneau à chiens pour un autre employeur.  L’emploi occupé d’août à décembre 1997 était celui d’ébrancheur.  Cet emploi d’ébrancheur, le travailleur l’avait préféré à celui de bûcheron et ceci sans contrainte.  Or, avant d’occuper le travail sur le traîneau à chiens, le travailleur était en chômage parce qu’il manquait  de travail comme ébrancheur.  Même si le travailleur avait occupé le travail de bûcheron, il n’aurait pas pu le faire le 28 décembre 1997 parce que le chantier est fermé entre Noël et le début janvier.  Même en acceptant cette situation comme particulière, ce qui n’est pas le cas, il n’en demeure pas moins que lorsque s’est manifestée sa lésion, le travailleur n’aurait pas pu occuper ni le travail d’ébrancheur ni celui de bûcheron parce que le chantier est fermé durant la période des Fêtes.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[22]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a lieu d’appliquer au travailleur l’article 76 de la loi et de convenir d’un revenu brut plus élevé que celui qui a servi de base au calcul de son indemnité de remplacement du revenu.

[23]           L’article 76 de la loi se lit ainsi :

76. Lorsqu'un travailleur est incapable, en raison d'une lésion professionnelle, d'exercer son emploi pendant plus de deux ans, la Commission détermine un revenu brut plus élevé que celui que prévoit la présente sous - section si ce travailleur lui démontre qu'il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s'est manifestée sa lésion, n'eût été de circonstances particulières.

 

Ce nouveau revenu brut sert de base au calcul de l'indemnité de remplacement du revenu due au travailleur à compter du début de son incapacité.

________

1985, c. 6, a. 76.

 

 

[24]           Cette disposition exige du travailleur qu’il fasse la preuve de deux conditions soit une incapacité à exercer son emploi d’une durée de plus de deux ans suite à une lésion professionnelle et la démonstration qu’il aurait pu exercer un emploi plus rémunérateur lorsque se manifeste sa lésion n’eût été de circonstances particulières.

[25]           Il n’est aucunement remis en cause le fait que le travailleur soit incapable d’exercer son emploi de conducteur de traîneau à chiens et ce, depuis le 28 décembre 1997 soit depuis plus de deux ans. 

De la preuve au dossier, la Commission des lésions professionnelles constate que la lésion professionnelle n’est pas consolidée dans toutes les sphères médicales.  Le travailleur doit subir une autre intervention chirurgicale.

[26]           Reste à déterminer s’il aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur n’eût été de circonstances particulières.  De la preuve soumise, à l’exception de quelques interruptions pour aller travailler à Montréal, le travailleur a occupé un emploi de bûcheron depuis 1976.  Plus précisément, il a travaillé de 1990 à 1997 pour les entreprises Déboisement St-Michel et L.F. Beauséjour comme bûcheron et comme ébrancheur au cours de la dernière année.

[27]           Au cours des ans, la preuve est à l’effet que le travailleur travaillait en foresterie certains mois de l’année et bénéficiait de prestations d’assurance-chômage.  Au cours de l’année 1997, il a débuté le travail dans le bois comme ébrancheur à l’été au lieu du printemps parce que le financement de la machinerie n’était pas disponible et il a dû cesser en novembre à cause du manque de bois à ébrancher.

[28]           La Commission des lésions professionnelles estime que n’eût été du manque de bois en novembre 1997, le travailleur aurait travaillé comme ébrancheur et ce, jusqu’à la mi-février 1998.  Le travailleur tout comme l’employeur en foresterie, monsieur Gouin, ont confirmé que le travail dans le bois s’est poursuivi après la période des Fêtes.

[29]           La CSST soutient que si le travailleur a manqué de travail en novembre 1997 c’est parce qu’il avait choisi d’être ébrancheur au lieu de bûcheron et que n’eût été de ce choix personnel, il n’aurait pas manqué de travail.  La CSST juge que cette situation ne peut être qualifiée de «circonstances particulières» selon la loi.

[30]           La Commission des lésions professionnelles ne partage pas cet avis.  Que le travailleur ait choisi d’exercer un emploi plutôt qu’un autre dans la catégorie des manœuvres forestiers ne peut lui causer préjudice.  Rien ne permet de croire que le travailleur a fait ce choix en sachant que le bois viendrait à manquer.  Le travailleur avait l’ancienneté pour détenir cet emploi et il a choisi d’améliorer sa condition.  Le métier du travailleur est dans la catégorie des manœuvres forestiers soit à titre d’ébrancheur ou de bûcheron et ce n’est qu’à cause de circonstances particulières, soit un manque de travail qu’il travaillait le 28 décembre 1997 comme conducteur de traîneau à chiens.

[31]           La CSST soutient que peu importe le manque de travail à titre d’ébrancheur, le travailleur   n’aurait, de toute façon, pas travaillé le 28 décembre 1997 puisque les activités forestières sont interrompues pour la période des Fêtes.

 

[32]           La Commission des lésions professionnelles estime que l’interruption des activités en raison notamment de congés, congés fériés ou vacances ne permet pas de convenir que le travailleur n’aurait pu occuper un emploi plus rémunérateur lorsque s’est manifestée sa lésion.  Si le travailleur n’avait pas manqué de travail à titre d’ébrancheur en novembre 1997, il aurait occupé cet emploi le 28 décembre 1997 sans toutefois pouvoir l’exécuter en raison du congé octroyé par l’interruption des activités forestières.  La Commission des lésions professionnelles est d’avis que la notion «d’occuper un emploi» réfère davantage au fait d’exercer une fonction, d’être employé et non au fait d’accomplir ou de réaliser un travail.  De plus, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’interruption des activités forestières pour cette période de l’année, interruption pour laquelle le travailleur n’a aucun contrôle, peut constituer, en l’espèce, une circonstance particulière.

[33]           Enfin, en référant aux revenus d’emploi réalisés par le travailleur depuis 1990, la CSST soutient que le tribunal doit s’y attarder puisque cela démontre que le travailleur n’a pas réalisé les revenus qu’il désire se voir reconnaître par la présente demande.

[34]           La Commission des lésions professionnelles partage l’avis de la commissaire Cuddihy dans l’affaire Richard et J.B.L. Transport et C.S.S.T.[1] à l’effet que l’indemnité de remplacement du revenu vise à protéger non seulement le revenu du travailleur mais aussi sa capacité de gains.  La référence à l’expérience passée est utile pour déterminer si le travailleur aurait pu occuper un «emploi» plus rémunérateur mais ne peut certes servir à nier une capacité de gains supérieure à celle qui a été initialement consentie.  En ce sens, l’article 76 de la loi se distingue de l’article 68.  Une fois que les circonstances particulières ont été reconnues, la CSST au même titre que la Commission des lésions professionnelles doit se tourner vers le futur et analyser si l’emploi que le travailleur aurait pu occuper, en l’espèce manœuvre forestier et plus précisément ébrancheur, est plus rémunérateur.

[35]           Dans les faits, l’emploi d’ébrancheur exercé sur une moyenne de 35 semaines par année auxquelles s’ajoutent les prestations de l’assurance-emploi est plus rémunérateur.  La Commission des lésions professionnelles est d’avis que c’est sur cette base que le travailleur doit être indemnisé et ce, rétroactivement à la date du début de son incapacité.                  

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur François Rivest du 21 mars 2000 ;

INFIRME la décision de la révision administrative du 14 mars 2000 ; et

DÉCLARE que le salaire brut d’ébrancheur  doit être retenu pour déterminer l’indemnité de remplacement du revenu  de monsieur François Rivest et ce, rétroactivement au 28 décembre 1997.

 

 

 

 

Diane Beauregard

 

Commissaire

 

 

 

 

 

LAPORTE & LAROUCHE

(Me André Laporte)

896, Boul. Manseau

Joliette (Québec)

J6E 3G3

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

PANNETON LESSARD

(Me Josée Picard)

432, rue De Lanaudière

Joliette (Québec)

J6E 7N2

 

Représentante de la partie intéressée

 

 

 



[1]           Richard et J..B.L. Transport et C.S.S.T., 74151-05-9510, 4 juillet 1997, Margaret Cuddihy commissaire.

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