Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint - Jérôme

24 février 2005

 

Région :

Laurentides

 

Dossiers :

235939-64-0406      237845-64-0406

 

Dossier CSST :

121496376

 

Commissaire :

Martine Montplaisir

 

Membres :

Jean E. Boulais, associations d’employeurs

 

Andrée Bouchard, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Jean Morin, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Sylvie Larue

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

C-Mac Network System (fermé)

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

235939-64-0406

[1]                Le 3 juin 2004, madame Sylvie Larue dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d'une révision administrative, le 28 mai 2004.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme les décisions des 3 et 4 mars 2004 par lesquelles elle se déclare liée par l'avis du membre du Bureau d'évaluation médicale du 3 février 2004 selon lequel le diagnostic de la rechute, récidive ou aggravation subie par madame Larue le 21 avril 2003 est celui de contusion de la face dorsale du pied avec contusion osseuse du 3e métatarsien, que cette lésion est consolidée le 6 novembre 2003, qu'il y a suffisance des traitements à cette date, que madame Larue ne conserve pas de limitations fonctionnelles, mais qu'elle demeure avec une atteinte permanente à l’intégrité physique dont le déficit anatomo-physiologique équivaut à 1 %.  De plus, la CSST déclare que le coût des traitements ne sera plus remboursé après le 6 novembre 2003, que madame Larue a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 825,00 $, montant auquel s'ajoutent les intérêts depuis la date de sa réclamation, qu'elle est capable d'exercer son emploi, que son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prend fin le 6 novembre 2003 et qu'une remise de dette de 5 685,32 $ lui est accordée pour les indemnités versées du 6 novembre 2003 au 27 février 2004.

237845-64-0406

[3]                Le 25 juin 2004, madame Larue dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par la CSST à la suite d'une révision administrative, le 18 juin 2004.

[4]                Par cette décision, la CSST confirme la décision du 1er mars 2004 et déclare que le diagnostic de trouble d'adaptation n'est pas en relation avec la lésion professionnelle subie par madame Larue le 21 avril 2003 et, par conséquent, qu'elle n'a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1](la loi) en relation avec ce diagnostic.

[5]                Le 10 février 2005, Me Jean-Sébastien Noiseux, représentant de la CSST, adresse une lettre à la Commission des lésions professionnelles pour l'informer que la CSST ne sera pas représentée à l'audience prévue le 15 février 2005.  Il dépose une argumentation écrite par la même occasion.

[6]                Le 15 février 2005, la Commission des lésions professionnelles tient une audience à Saint‑Jérôme à laquelle madame Larue est présente et est représentée par monsieur Gilles Lévis.  C-Mac Network System (l'employeur) n'est pas représenté à l'audience.


L'OBJET DES CONTESTATIONS

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[7]                Madame Larue demande de déclarer que la procédure au Bureau d'évaluation médicale est irrégulière et, par conséquent, que les décisions rendues par la CSST à la suite de l'avis du membre du Bureau d'évaluation médicale du 3 février 2004 sont sans effet.  De façon subsidiaire, madame Larue demande de reconnaître que les diagnostics de sa lésion professionnelle du 21 avril 2003 sont ceux de fracture du calcanéum, de dystrophie réflexe du pied droit, de contusion du 3e métatarsien droit et de synovite tibio-astragalienne, qu'à la suite de ces lésions, elle a subi une atteinte permanente à l’intégrité physique de 7,4 % et qu'elle demeure avec des limitations fonctionnelles qui l'empêchent d'effectuer des activités qui impliquent de soulever, de porter, de pousser et de tirer de façon répétée ou fréquente des charges dépassant environ cinq livres, de travailler en position accroupie, de ramper, de grimper, d'effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes du membre inférieur droit, d'effectuer des mouvements répétés ou fréquents, même sans effort, du membre inférieur droit, de rester debout ou de garder le membre inférieur droit dans la même position plus de 30 minutes, de pivoter sur le membre inférieur droit, de monter fréquemment plusieurs escaliers, de marcher en terrain accidenté ou glissant, de travailler dans une position instable et de soumettre son membre inférieur droit à des vibrations.  Madame Larue demande également de déclarer qu'elle est incapable d'exercer son emploi, qu'elle conserve son droit à l'indemnité de remplacement du revenu après le 6 novembre 2003 et qu'elle a droit à l'indemnité pour préjudice corporel qui correspond à son pourcentage d'atteinte permanente.

[8]                Madame Larue ne remet pas en question les autres conclusions de la décision du 28 mai 2004.

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[9]                Madame Larue demande de déclarer que le diagnostic de trouble d'adaptation est en relation avec sa lésion professionnelle du 21 avril 2003 et qu'elle a droit aux prestations prévues par la loi en relation avec ce diagnostic.

L'AVIS DES MEMBRES

[10]           Les membres issus des associations syndicales et d'employeurs sont d'avis qu’il y a lieu de rejeter les requêtes de madame Larue, de confirmer les décisions rendues par la CSST à la suite de révisions administratives les 28 mai et 18 juin 2004 et de déclarer que le diagnostic de la rechute, récidive ou aggravation subie par madame Larue le 21 avril 2003 est celui de contusion de la face dorsale du pied droit avec contusion osseuse du 3e métatarsien, que madame Larue ne conserve pas de limitations fonctionnelles à la suite de cette lésion professionnelle, mais qu'elle demeure avec une atteinte permanente à l’intégrité physique de 1,1 %, qu'elle a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 825,00 $, montant auquel s'ajoutent les intérêts depuis la date de sa réclamation, qu'elle est capable d'exercer son emploi, que son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prend fin le 6 novembre 2003, que le diagnostic de trouble d'adaptation n'est pas en relation avec la lésion professionnelle subie par madame Larue le 21 avril 2003 et, par conséquent, qu'elle n'a pas droit aux prestations prévues par la loi en relation avec ce diagnostic.

[11]           Effectivement, la procédure au Bureau d’évaluation médicale respecte les dispositions des articles 204 et suivants de la loi et la preuve médicale prépondérante soutient les conclusions du membre du Bureau d'évaluation médicale du 3 février 2004.  Le trouble d'adaptation diagnostiqué à compter du mois d'août 2003, par ailleurs, n'est pas en relation avec la lésion professionnelle initiale du 4 décembre 2001 ni avec celle du 21 avril 2003 puisque la preuve révèle que madame Larue était déjà traitée pour dépression avant son accident du travail et qu'elle présente plusieurs éléments psychosociaux personnels plus prépondérants que les problèmes causés par son accident du travail.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[12]           Le représentant de madame Larue soutient que la procédure au Bureau d’évaluation médicale initiée par la CSST en décembre 2003 est irrégulière.  À son avis, il y avait chose jugée en ce qui a trait au diagnostic de la lésion subie par madame Larue le 21 avril 2003 et à la reconnaissance de son caractère professionnel puisque le 19 juin 2003, la CSST a rendu une décision par laquelle elle a déclaré qu'il y avait un lien entre la lésion professionnelle initiale du 4 décembre 2001 et la lésion qui s'est manifestée le 21 avril 2003, soit une fracture du calcanéum et des séquelles de dystrophie réflexe du pied droit.  Par cette décision, la CSST a accepté la réclamation pour la rechute, récidive ou aggravation du 21 avril 2003 à titre de lésion professionnelle.  Cette décision n'ayant pas été contestée, elle est devenue finale. 

[13]           La Commission des lésions professionnelles ne retient pas les arguments du représentant de madame Larue.

[14]           La procédure d'évaluation médicale est prévue aux articles 199 et suivants de la loi. 

[15]           En vertu de l'article 204, la CSST peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle
désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion.  Cet article est libellé comme suit :

204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.

 

La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115.

__________

1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

[16]           L'article 206 de la loi prévoit, par ailleurs, que la CSST peut soumettre au Bureau d’évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204.  Cet article stipule ce qui suit :

206. La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.

__________

1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

[17]           Le représentant de madame Larue soumet que la CSST était forclose d'amorcer la procédure au Bureau d’évaluation médicale en raison de la période de temps qui s'est écoulée entre, d'une part, le moment où elle s'est prononcée sur la relation entre l'événement du 4 décembre 2001 et les diagnostics de fracture du calcanéum et de séquelles de dystrophie réflexe du pied droit posés par le médecin qui a charge dans le cadre de la réclamation du 21 avril 2003 et, d’autre part, la date à laquelle elle a dirigé le dossier au Bureau d’évaluation médicale.  Selon le représentant de madame Larue, la décision du 19 juin 2003 avait acquis le caractère de la chose jugée puisqu'elle n'avait pas été contestée. 

[18]           À l'appui de cet argument, le représentant de madame Larue fait référence à quatre décisions[2] rendues par la Commission des lésions professionnelles.


[19]           Dans le premier dossier, l'affaire Ahmed et Tricots Liesse 1983 inc.[3], le travailleur est dirigé à trois reprises au Bureau d’évaluation médicale et les membres du Bureau d'évaluation médicale se prononcent à chacune des fois sur le diagnostic.  La Commission des lésions professionnelles conclut que les avis des deuxième et troisième membres du Bureau d'évaluation médicale sont irréguliers relativement à cette question puisque la première procédure au Bureau d’évaluation médicale a donné lieu à une décision de la CSST, laquelle a été modifiée par celle d'un bureau de révision qui est devenue finale et irrévocable en l'absence de contestation.  Les circonstances de cette affaire se distinguent donc du présent dossier puisque dans le cas de madame Larue, la procédure au Bureau d’évaluation médicale a été initiée à une seule reprise par la CSST, soit au mois de décembre 2003.

[20]           Dans la seconde décision, l'affaire Robillard et Olymel-Flamingo[4], la Commission des lésions professionnelles déclare irrecevable la réclamation pour lésion professionnelle de la travailleuse déposée le 24 juillet 2003 au motif que le principe de la chose jugée s'applique dans son cas.  La Commission des lésions professionnelles en arrive à la conclusion qu'il y a identité de parties, de cause et d'objet entre la réclamation du 24 juillet 2003 et celle pour la lésion du 16 mars 1998 dont l'origine professionnelle n'a pas été reconnue par une décision finale de la CSST du 28 mai 1999.  Les circonstances de cette affaire se distinguent aussi de celle du présent dossier puisqu'il n'est pas question de la procédure au Bureau d’évaluation médicale dans ce dossier, mais d'une deuxième réclamation.

[21]           Les faits relatifs aux affaires Fortier et Q-Zip inc.[5] et Rheault et Primeau Romanowski Syndic[6] s'apparentent davantage aux circonstances du présent dossier.  Dans ces décisions, la Commission des lésions professionnelles en arrive à la conclusion que la procédure au Bureau d’évaluation médicale initiée par la CSST est irrégulière en ce qui a trait notamment au diagnostic puisque les décisions acceptant ces diagnostics à titre de lésion professionnelle ont acquis le caractère de la chose jugée en l'absence de contestation de la part des parties. 

[22]           La soussignée ne partage pas le point de vue exprimé dans ces deux dernières décisions et considère, en l'instance, que la CSST n'était pas forclose d'initier la procédure au Bureau d’évaluation médicale en décembre 2003 puisqu'il est faux de prétendre que la décision du 19 juin 2003 avait acquis le caractère de la chose jugée en ce qui a trait à la détermination du diagnostic et à la reconnaissance de son caractère professionnel.

[23]           Le tribunal constate, dans un premier temps, que le législateur n'a pas imposé de délai à la CSST pour l'obtention d'un rapport de son professionnel de la santé.  Effectivement, l'article 204 de la loi ne fait aucunement référence au fait que la CSST doive agir à l'intérieur d'un délai donné pour exiger d'un travailleur qu'il se soumette à l'examen de son professionnel de la santé. 

[24]           Les seuls délais que la CSST doit respecter dans le cadre de la procédure au Bureau d’évaluation médicale sont ceux prévus aux articles 215, 217 et 219, soit le délai de transmission des rapports médicaux au professionnel de la santé désigné par l'employeur, le délai de transmission des contestations au Bureau d’évaluation médicale et le délai de transmission du dossier médical du travailleur au Bureau d’évaluation médicale.  Dans chaque cas, le législateur prévoit que la CSST doit transmettre ces rapports ou ce dossier médical sans délai, mais ne spécifie pas un nombre de jours précis.

[25]           La Commission des lésions professionnelles note, d’autre part, que le pouvoir accordé par le législateur à la CSST est très large puisqu'en vertu de l'article 204, elle peut exiger d'un travailleur qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion et qu'en vertu de l'article 206, elle peut soumettre le rapport obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.

[26]           C'est donc dire qu'à titre d'administrateur du régime, non seulement la CSST n'a pas de délai à respecter pour décider de faire examiner le travailleur et peut intervenir à tout moment dans le cadre d'une réclamation, mais encore, elle a le loisir de demander l'avis de son professionnel de la santé sur des sujets sur lesquels le médecin qui a charge ne s'est pas encore prononcé.

[27]           La Commission des lésions professionnelles constate, par ailleurs, que les pouvoirs conférés à la CSST dans le cadre de la procédure d'évaluation médicale n'ont pas toujours été aussi étendus.  Ces pouvoirs ont été élargis lors de la modification législative de 1992, modification lors de laquelle le législateur a instauré le Bureau d’évaluation médicale en remplacement du service d'arbitrage médical.

[28]           En vertu de l'article 213 en vigueur avant cette modification législative, la CSST pouvait exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à un examen de son professionnel de la santé.  Les pouvoirs de la CSST en matière d'arbitrage médical étaient toutefois plus restreints puisqu'en vertu de l'article 214 en vigueur à l'époque, la CSST pouvait contester les conclusions du médecin qui a charge dans la mesure seulement où elle obtenait de son professionnel de la santé un rapport infirmant les conclusions du médecin qui a charge quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés à l'article 212 et dans la mesure où l'employeur n'avait pas déjà contesté l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge quant à ce sujet.  Par surcroît, la CSST devait obtenir le rapport infirmant dans les 30 jours de la date de l'attestation ou du rapport qu'elle désirait contester.

[29]           L'instauration du Bureau d’évaluation médicale et l'entrée en vigueur des articles 204 et 206 tels qu'ils se lisent actuellement ont donc eu pour effet d'élargir les pouvoirs de la CSST dans le cadre du processus d'évaluation médicale. 

[30]           La Commission des lésions professionnelles infère de ce qui précède que l'intention du législateur lors de cette modification législative était de permettre à la CSST de contester les conclusions du médecin qui a charge à tout moment dans le cours d'une réclamation pour lésion professionnelle.

[31]           Les pouvoirs de la CSST à titre d'administrateur du régime sont d'ailleurs beaucoup plus larges actuellement que ceux conférés à l'employeur.  Bien que le législateur accorde à l'employeur le droit d'initier la procédure au Bureau d’évaluation médicale, ce droit est régi par des règles strictes. 

[32]           Les articles 209 à 215 de la loi encadrent les droits de l'employeur en ce qui a trait à la procédure au Bureau d’évaluation médicale.  Les articles 209 et 212 sont libellés comme suit :

209. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut exiger que celui-ci se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'il désigne, à chaque fois que le médecin qui a charge de ce travailleur fournit à la Commission un rapport qu'il doit fournir et portant sur un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

 

L'employeur qui se prévaut des dispositions du premier alinéa peut demander au professionnel de la santé son opinion sur la relation entre la blessure ou la maladie du travailleur d'une part, et d'autre part, l'accident du travail que celui-ci a subi ou le travail qu'il exerce ou qu'il a exercé.

__________

1985, c. 6, a. 209; 1992, c. 11, a. 14.

 

212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants:

 

1°   le diagnostic;

 

2°   la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

3°   la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

 

4°   l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

5°   l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

 

[33]           En vertu de l'article 209, l'employeur ne peut exiger un examen par le professionnel de la santé qu'il désigne à tout moment dans le cadre d'une réclamation d'un travailleur comme c'est le cas pour la CSST.  L'article 209 limite l'exercice de ce droit de l'employeur chaque fois que le médecin qui a charge de ce travailleur fournit à la CSST un rapport portant sur un ou plusieurs des sujets mentionnés à l'article 212

[34]           L'article 212, par ailleurs, précise que l'employeur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge dans la mesure seulement ou le rapport de son professionnel de la santé infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets.  L'employeur doit, en outre, se conformer à un délai de 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester pour transmettre une copie du rapport infirmant à la CSST.

[35]           La Commission des lésions professionnelles constate, d’autre part, que le législateur confère également des pouvoirs étendus au membre du Bureau d'évaluation médicale.

[36]           Effectivement, l'article 221 prévoit ce qui suit :

221. Le membre du Bureau d'évaluation médicale, par avis écrit motivé, infirme ou confirme le diagnostic et les autres conclusions du médecin qui a charge du travailleur et du professionnel de la santé désigné par la Commission ou l'employeur, relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, et y substitue les siens, s'il y a lieu.

 

Il peut aussi, s'il l'estime approprié, donner son avis relativement à chacun de ces sujets, même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l'employeur ou la Commission ne s'est pas prononcé relativement à ce sujet.

__________

1985, c. 6, a. 221; 1992, c. 11, a. 23.

 

 

[37]           En vertu de cet article, le membre du Bureau d'évaluation médicale peut donner son avis relativement à chacun des sujets énumérés à l'article 212 même si le médecin qui a charge du travailleur ou le professionnel de la santé désigné par l'employeur ou la Commission[7] ne s'est pas prononcé relativement à ce sujet.

[38]           Le membre du Bureau d'évaluation médicale pourrait donc, par exemple, se prononcer sur le diagnostic dans la mesure où il l'estime approprié et où un autre membre du Bureau d'évaluation médicale ne se serait pas déjà prononcé sur ce sujet de façon définitive[8], et ce, même en l'absence de l'avis du médecin qui a charge ou du professionnel de la santé désigné par la CSST ou par l'employeur sur ce sujet. 

[39]           La CSST aurait alors l'obligation de rendre une décision en conséquence, tel que le stipule l'article 224.1 qui se lit comme suit :

224.1. Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis en vertu de l'article 221 dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.

 

Lorsque le membre de ce Bureau ne rend pas son avis dans le délai prescrit à l'article 222, la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.

 

Si elle n'a pas déjà obtenu un tel rapport, la Commission peut demander au professionnel de la santé qu'elle désigne un rapport sur le sujet mentionné aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 qui a fait l'objet de la contestation; elle est alors liée par le premier avis ou rapport qu'elle reçoit, du membre du Bureau d'évaluation médicale ou du professionnel de la santé qu'elle a désigné, et elle rend une décision en conséquence.

 

La Commission verse au dossier du travailleur tout avis ou rapport qu'elle reçoit même s'il ne la lie pas.

__________

1992, c. 11, a. 27.

 

 

[40]           La Commission des lésions professionnelles estime que le législateur a prévu à l'article 224.1 l'obligation de la CSST de rendre une décision en conséquence afin de donner un effet juridique à la procédure au Bureau d’évaluation médicale. 


[41]           Plusieurs décisions de la Commission des lésions professionnelles[9] appliquent le principe en vertu duquel la décision consécutive à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale qui se prononce sur la relation entre l'événement et le diagnostic retenu par ce dernier remplace la décision initiale d’admissibilité dans la mesure où le membre du Bureau d’évaluation médicale modifie le diagnostic du médecin qui a charge.  

[42]           Lorsqu’elle rend sa décision initiale relativement à l’admissibilité d'une réclamation pour lésion professionnelle, la CSST n’a aucune discrétion quant à la détermination du diagnostic et ne peut statuer quant à l'exactitude de ce diagnostic puisqu'elle est liée par l'avis du médecin qui a charge sur ce sujet en vertu de l'article 224 de la loi qui prévoit ce qui suit :

224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

[43]           Cet article est révélateur de l'importance considérable accordée par le législateur aux conclusions du médecin qui a charge dès le tout début du traitement d'une réclamation.  Le législateur a toutefois prévu une procédure d'évaluation médicale afin de permettre à la CSST et à l'employeur de contester les aspects médicaux du dossier.

[44]           Or, il s’avérerait tout à fait inéquitable de prévoir une telle procédure sans toutefois prévoir l'obligation de la CSST de rendre une décision en conséquence qui donne un effet juridique à ces conclusions médicales lorsque celles-ci ont pour effet d’infirmer celles ayant initialement servi de prémisse à la décision initiale.

[45]           La soussignée considère, au même titre, qu’il s’avérerait inéquitable, en vertu du principe de stabilité des décisions, de permettre à une partie, par le biais du processus de contestation médicale, de remettre en question une décision à l’encontre de laquelle elle n’a exercé aucun recours, dans la mesure ou l’aboutissement de cette procédure amène à des conclusions médicales identiques à celles ayant servi d’assise à la décision initiale.

[46]           Dans cette optique, la Commission des lésions professionnelles estime que les effets juridiques de la décision en conséquence de la CSST rendue en vertu de l’article 224.1 emportent ceux d’une décision initiale qui traite du même objet strictement dans la mesure où l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale infirme l’opinion du médecin qui a charge quant au sujet visé.

[47]           Ce raisonnement ne va pas à l’encontre du principe de stabilité des décisions et répond à l’objet de la loi.

[48]           Effectivement, il est équitable qu’une partie, qui se croit lésée par la décision en conséquence qui découle du processus de contestation médicale aboutissant en des conclusions médicales différentes de celles qui lient la CSST jusque-là, ait l’opportunité de faire valoir son point de vue par rapport à ces nouvelles conclusions médicales et à leur effet juridique.

[49]           Le principe de stabilité des décisions, par ailleurs, est respecté dans la mesure où la seule décision donnant ouverture à l’exercice du droit de contester est celle qui fait suite à un avis médical infirmant la conclusion médicale à l’origine de la décision, laquelle découle d’un processus bien encadré par la loi et ne prend pas les parties par surprise.

[50]           Dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles est d'avis que la décision du 19 juin 2003 n'avait pas acquis le caractère de la chose jugée en ce qui a trait à la détermination du diagnostic et de son caractère professionnel puisqu'au moment où elle s'est prononcée sur l'admissibilité de la réclamation pour lésion professionnelle du 21 avril 2003, la CSST n'avait aucune discrétion sur les diagnostics posés par le médecin qui a charge de madame Larue. 

[51]           Il est vrai que l'agent de la CSST a consulté le médecin régional de la CSST avant de rendre sa décision sur l'admissibilité et que ce dernier a indiqué, dans une note évolutive du 19 juin 2003, qu'il était d'avis qu'il existait une relation entre les diagnostics posés par le médecin qui a charge et l'événement initial du 4 décembre 2001. 

[52]           Toutefois, le fait que la CSST ait rendu la décision du 19 juin 2003 par laquelle elle déclare que madame Larue a subi une lésion professionnelle le 21 avril 2003 ne fait pas obstacle au droit de la CSST prévu par l'article 204 d’exiger de madame Larue qu'elle se soumette à l'examen de son professionnel de la santé ni à celui prévu par l'article 206 de soumettre le rapport de ce professionnel de la santé au Bureau d’évaluation médicale. 

[53]           Le libellé de l'article 204 révèle que la CSST peut exiger qu'un travailleur se soumette à l'examen de son professionnel de la santé dans la mesure où ce travailleur est victime d'une lésion professionnelle

[54]           Une décision d'admissibilité sur la base du diagnostic posé par le médecin qui a charge doit donc nécessairement avoir été rendue pour que la CSST puisse exiger un tel examen et, par la suite, soumettre le rapport ainsi obtenu au Bureau d’évaluation médicale. 

[55]           La CSST était donc en droit, en date du 10 octobre 2003, d'exiger de madame Larue qu'elle se soumette à l'examen de son professionnel de la santé le 6 novembre 2003.

[56]           En vertu de l'article 217, la CSST devait soumettre sans délai au Bureau d’évaluation médicale la contestation prévue à l'article 206. 

[57]           La preuve révèle que le rapport du professionnel de la santé de la CSST à la suite de son examen du 6 novembre 2003 a été reçu à la CSST le 14 novembre 2003, que le 27 novembre 2003, la CSST a acheminé un Rapport complémentaire au médecin qui a charge afin de lui donner l'opportunité de s'exprimer sur les points médicaux infirmés par le premier rapport, que le Rapport complémentaire dûment rempli par le médecin qui a charge a été reçu à la CSST le 12 décembre 2003 et que le formulaire de contestation au Bureau d’évaluation médicale a été rempli le 15 décembre 2003 puis transmis le 17 décembre 2003.

[58]           La Commission des lésions professionnelles considère que la CSST a fait diligence dans le présent dossier et respecté le délai prévu à l'article 217 de la loi. 

[59]           La procédure au Bureau d’évaluation médicale est donc régulière de même que la décision qui a été rendue à la suite de l'avis du membre du Bureau d'évaluation médicale du 3 février 2004.  Comme le diagnostic a été infirmé par le membre du Bureau d'évaluation médicale, la décision du 3 mars 2004 qui fait suite à l'avis du membre du Bureau d'évaluation médicale du 3 février 2004 remplace la décision d'admissibilité du 19 juin 2003. 

[60]           Comme madame Larue a demandé la révision de la décision du 3 mars 2004 puis a contesté celle rendue à la suite d'une révision administrative le 28 mai 2004, la Commission des lésions professionnelles a compétence pour se prononcer sur le diagnostic de même que sur le caractère professionnel de cette lésion.


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[61]           Madame Larue est en désaccord avec l'avis du membre du Bureau d'évaluation médicale concernant le diagnostic de sa lésion du 21 avril 2003, le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique qui en découle ainsi que l'existence et l'évaluation des limitations fonctionnelles qui résultent de cette lésion.

[62]           La Commission des lésions professionnelles doit donc se prononcer sur ces sujets et, ensuite, déterminer si madame Larue a droit à une indemnité pour préjudice corporel, si elle est capable d'exercer son emploi et si elle conserve son droit à l'indemnité de remplacement du revenu après le 6 novembre 2003.

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[63]           La Commission des lésions professionnelles doit, d’autre part, déterminer si le trouble d'adaptation dont madame Larue est atteinte est en relation avec sa lésion professionnelle du 21 avril 2003 ou celle du 4 décembre 2001 et si elle a droit aux prestations prévues par la loi en relation avec ce diagnostic.

[64]           Les articles 44 et 57 de la loi prévoient qu'un travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion et que ce droit prend fin lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi.

[65]           L'article 46 de la loi prévoit qu'un travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.

[66]           L'article 83 de la loi prévoit qu'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qui subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit à une indemnité pour préjudice corporel qui tient compte du déficit anatomo‑physiologique et du préjudice esthétique qui résultent de cette atteinte et des douleurs et de la perte de jouissance de la vie qui résultent de ce déficit ou de ce préjudice.

[67]           Le premier alinéa de l'article 84 de la loi prévoit que le montant de l'indemnité pour préjudice corporel est égal au produit du pourcentage, n'excédant pas 100 %, de l'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique par le montant que prévoit l'annexe II au moment de la manifestation de la lésion professionnelle en fonction de l'âge du travailleur à ce moment.

[68]           L'article 90 de la loi prévoit qu'un travailleur qui reçoit une indemnité pour préjudice corporel a droit aux intérêts sur ce montant à compter de la date de la réclamation pour sa lésion professionnelle.

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Le diagnostic de la lésion du 21 avril 2003

[69]           Dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles est d'avis qu'en relation avec la lésion du 21 avril 2003, il y a lieu de retenir le diagnostic posé par le membre du Bureau d'évaluation médicale dans son avis médical du 3 février 2004, soit celui de contusion de la face dorsale du pied droit avec contusion osseuse du 3e métatarsien.  La Commission des lésions professionnelles estime, d’autre part, qu'il y a lieu d'écarter les diagnostics de fracture du calcanéum et de dystrophie réflexe du pied droit.

[70]           Madame Larue a été victime, le 4 décembre 2001, d'un accident du travail lui entraînant une lésion professionnelle initialement diagnostiquée comme contusion du pied droit.  Madame Larue déclare que sa lésion professionnelle s'est produite lorsqu'elle a échappé une boîte de métal d'un poids approximatif de 20 à 30 livres sur la face dorsale de son pied droit.  Elle portait des souliers de sécurité lors de l'événement et affirme que la boîte a heurté son pied à la limite du protecteur en acier, sur le dessus du pied. 

[71]           L'évaluation que madame Larue fait à l'audience du poids de la boîte qu'elle a échappée sur son pied droit ne correspond pas aux informations qui sont consignées de façon contemporaine au dossier, car dans un rapport d'enquête qu'elle signe en date du 13 décembre 2001, il est indiqué que la boîte pèse dix livres et non de 20 à 30 livres.

[72]           Madame Larue déclare qu'elle demeure au travail pendant quelques jours après l'événement et le 10 décembre 2001, elle consulte le docteur R. Ladouceur en raison de la persistance de la douleur, mais surtout en raison de l'enflure de son pied droit qui l'empêche d'attacher les lacets de ses souliers de sécurité.  Madame Larue ajoute que son pied est « bleu et de toutes les couleurs ». 

[73]           Or, la note de consultation médicale du 10 décembre 2001 ne confirme pas le témoignage de madame Larue.  Le docteur Ladouceur écrit que madame Larue a échappé une boîte de quinze livres (et non de 20 à 30 livres) sur son pied droit et qu'elle présente une douleur qui augmente depuis trois jours.  Il indique que madame Larue se plaint d'une douleur au 1er métatarsien et au cou-de-pied.  À l'examen, il décrit une chaleur locale.  Il ne fait aucune mention d'une ecchymose ou d'une enflure du pied droit.  Il pose le diagnostic de contusion du pied droit.

[74]           Le témoignage de madame Larue est également contredit par la note du 1er avril 2003 du physiatre M. Lamontagne auquel elle est dirigée par son médecin qui a charge.  Le docteur Lamontagne écrit que le 4 décembre 2001, madame Larue a échappé une boîte de métal avec un traumatisme à la face antérieure du pied et qu'elle a noté « un gonflement local sans ecchymose ». 

[75]           Le docteur Ladouceur a demandé une radiographie du pied droit qui a été faite le 10 décembre 2001.  Le docteur P. Leduc a interprété l'imagerie et a conclu à une « suspicion d'une fracture de stress à l'union du tiers moyen et du tiers distal du 3e métatarsien », mais une seconde radiographie faite le 17 décembre 2001 et interprétée par le docteur M. Lemay n'a pas révélé de lésion osseuse traumatique décelable.

[76]           De façon consécutive à cette lésion professionnelle, madame Larue a consulté divers médecins en plus du docteur Ladouceur et aucun d'entre eux n'a posé les diagnostics de fracture du calcanéum et de dystrophie réflexe du pied droit de façon contemporaine à l'événement. 

[77]           En fait, le premier médecin à poser le diagnostic de dystrophie réflexe est le docteur B. Markland, en date du 1er mai 2003, soit 17 mois après le traumatisme initial, et à cette date, le docteur Markland pose le diagnostic de séquelles de dystrophie réflexe du pied droit secondaire à un traumatisme neuro-sensitif.  Dans sa note de consultation médicale, le docteur Markland indique notamment qu'il n'y a pas de chaleur, d'enflure et de décoloration du pied droit, mais une sensibilité à la palpation de la cheville et du mi-pied et un signe de Tinel positif au niveau de la branche médiale du nerf péroné profondus ainsi qu'au niveau dorsum du pied.

[78]           De façon préalable à l'examen du docteur Markland, madame Larue est examinée par le docteur P. Préfontaine à compter du 7 février 2002 et à plusieurs reprises par la suite, par l'orthopédiste C. Lamarre, le 14 février 2002, par le docteur J. Mc Fadden le 4 mars 2002, par le docteur L. Grenier le 12 mars 2002, par le docteur B. Chartrand à plusieurs reprises à compter du 18 mars 2003, par le physiatre R. Leclaire en date du 1er avril 2003 et par le docteur I. Lamargese en date du 1er avril 2003.  Or, aucun de ces médecins ne pose le diagnostic de dystrophie réflexe du pied droit.

[79]           De plus, madame Larue est également examinée en date du 16 septembre 2002 par le chirurgien orthopédiste M. Leroux à la demande d'une compagnie d'assurances et ce dernier ne pose pas non plus le diagnostic de dystrophie réflexe du pied droit.

[80]           Madame Larue est également examinée par le chirurgien orthopédiste J. É. Des Marchais en date du 6 novembre 2003 et ce dernier ne retient pas le diagnostic de dystrophie réflexe du pied droit. 

[81]           Par surcroît, madame Larue subit deux scintigraphies osseuses du pied droit et aucun des deux examens ne confirme le diagnostic de dystrophie réflexe, tel que l'explique l'orthopédiste S. G. Ortaaslan, membre du Bureau d'évaluation médicale qui examine madame Larue en date du 21 janvier 2004.

[82]           Dans son rapport du 3 février 2004, le docteur Ortaaslan semble surpris que le docteur Markland ait posé le diagnostic de dystrophie réflexe « même en l'absence de changement de coloration, température, transpiration ou œdème » en se basant seulement sur « des changements de sensibilité dans le pied et le test de Tinel positif ».  Le docteur Ortaaslan ajoute que son examen du pied droit, de la cheville droite et du membre inférieur droit est dans les limites de la normale, « qu'il n'y a aucun signe d'algodystrophie du membre inférieur droit », que le « test de Tinel ainsi que d'autres manipulations n'ont pas provoqué de douleur, dysesthésie ou d'autre symptôme neurologique dans la distribution anatomique ou anatomo-physiologique », que les « symptômes d'engourdissements ou d'hypoesthésies du membre inférieur droit ne suivent pas les distributions dermatomales » et qu’il n'y a « aucune enflure ou épanchement noté » à son examen.

[83]           Il conclut qu'il y a lieu de retenir les diagnostics de contusion de la face dorsale du pied droit avec contusion osseuse du 3e métatarsien en considération des examens de l'ensemble des médecins et des résultats des deux scintigraphies osseuses, de la résonance magnétique, de la tomodensitométrie du pied, de l'échographie et de l'étude électromyographique.

[84]           La Commission des lésions professionnelles estime que les explications du docteur Ortaaslan sont concluantes et qu'il y a lieu de les retenir.

[85]           La Commission des lésions professionnelles considère, par ailleurs, qu'il n'y a pas lieu de retenir le diagnostic de fracture du calcanéum puisque la preuve révèle que le traumatisme a été subi au niveau de la face dorsale du pied droit et non au niveau du calcanéum.

[86]           De plus, les radiographies du pied droit faites les 10 et 17 décembre 2001 ne révèlent pas de fracture du calcanéum et une troisième radiographie du pied droit, de la cheville droite et du calcanéum qui est interprétée par le docteur C. Lupien en date du 8 février 2002 ne révèle pas non plus d'anomalie au niveau du calcanéum.

[87]           En outre, la première scintigraphie osseuse en date du 17 mai 2002 révèle, selon l'interprétation du docteur J.-M. Villemaire, une hypercaptation modérée au niveau de la portion distale du 3e métatarse droit, mais ne fait pas état d'une fracture du calcanéum.  La conclusion du docteur Lamargese au rapport de la seconde scintigraphie osseuse du pied droit en date du 1er avril 2003 selon laquelle l’aspect scintigraphique est « compatible avec une petite fracture par avulsion à la portion postérieure du calcanéum à sa jonction avec l'astragale » reste donc inexpliquée.

[88]           D'ailleurs, le 26 juin 2003, le physiatre T. Dahan auquel madame Larue est dirigée par le docteur Chartrand écrit, dans un rapport qu'il adresse au docteur Markland, que la « possibilité d'une petite fracture au niveau du calcanéum à sa jonction avec l'astragale » décelée à la scintigraphie osseuse « ne semble pas correspondre entièrement à la symptomatologie de la patiente ».  C'est pourquoi il recommande une tomodensitométrie pour « clarifier les diverses trouvailles retrouvées à l'imagerie ».

[89]           Or, la tomodensitométrie du pied droit, qui est interprétée par le docteur R. Dussault le 24 octobre 2003, ne met pas en évidence de fracture au niveau du calcanéum.

[90]           Enfin, dans son rapport médical du 3 février 2004, le docteur Ortaaslan écrit qu'en « l'absence d'une observation pareille sur la première scintigraphie osseuse ainsi que la résonance magnétique, il est difficile à accepter véritablement qu'une fracture du calcanéum était réellement présente ».

[91]           La Commission des lésions professionnelles estime, d’autre part, qu'il y a lieu d'écarter le diagnostic de synovite tibio-astragalienne puisque ce diagnostic n'apparaît pas en relation avec le fait accident décrit, soit un traumatisme sur le dessus du pied droit. 

[92]           Effectivement, madame Larue n'a pas décrit de mouvement de torsion, d'inversion ou d'éversion de la cheville. 

[93]           De plus, le diagnostic retenu en relation avec la lésion professionnelle initiale du 4 décembre 2001 est celui de contusion du pied droit.  La notion de contusion de la cheville droite apparaît pour la première fois au dossier au rapport du docteur Lafontaine du 7 février 2002, soit deux mois après le fait accidentel initial.  Madame Larue a déposé une réclamation pour une rechute, récidive ou aggravation, le 7 février 2002, de la lésion professionnelle initiale du 4 décembre 2001, mais cette réclamation a été refusée par la CSST par une décision du 15 mars 2002.

[94]           Le seul diagnostic qui demeure acceptable en relation avec la lésion du 21 avril 2003 est donc celui retenu par le membre du Bureau d'évaluation médicale, soit le diagnostic de contusion de la face dorsale du pied droit avec contusion osseuse du 3e métatarsien.  Cette lésion est en relation directe avec le traumatisme subi le 4 décembre 2001 et, par conséquent, constitue une rechute, récidive ou aggravation de la lésion professionnelle initiale du 4 décembre 2001.


Limitations fonctionnelles et atteinte permanente de la rechute, récidive ou aggravation du 21 avril 2003

[95]           La Commission des lésions professionnelles est d'avis qu'il y a lieu de maintenir les conclusions du membre du Bureau d'évaluation médicale du 3 février 2004 en ce qui a trait à l'atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique qui résulte de la lésion professionnelle du 21 avril 2003 puisque cette évaluation est conforme au Règlement sur le barème des dommages corporels[10]

[96]           Effectivement, le docteur Ortaaslan évalue le déficit anatomo-physiologique à 1 % au code 103 480 pour une atteinte des tissus mous prouvée radiologiquement à la suite d'une contusion sans séquelle fonctionnelle.

[97]           Le docteur Des Marchais en arrive à la même conclusion.

[98]           À ce pourcentage de déficit anatomo-physiologique s'ajoute celui pour les douleurs et la perte de jouissance de la vie de 0,1 %, ce qui donne une atteinte permanente à l’intégrité physique totale de 1,1 %.

[99]           À l'audience, madame Larue affirme que lors de leur examen clinique, les docteurs Des Marchais et Ortaaslan n'ont pas examiné ni même touché son pied droit.  Leur examen aurait duré moins de cinq minutes.  Le tribunal n'accorde pas de crédibilité à ce témoignage puisque les rapports de ces deux médecins décrivent notamment des examens complets de la cheville et du pied droits, incluant l'examen « palpatoire ».

[100]       La Commission des lésions professionnelles est d'avis, d’autre part, que madame Larue ne conserve pas de limitations fonctionnelles à la suite de la rechute, récidive ou aggravation du 21 avril 2003, tel qu'il ressort des évaluations des docteurs Des Marchais et Ortaaslan.

[101]       La Commission des lésions professionnelles ne retient pas l'évaluation de l'atteinte permanente et des limitations fonctionnelles faite par le docteur Chartrand puisque cette évaluation repose sur des diagnostics différents de ceux retenus par le tribunal.


Capacité de travail, fin du droit à l'indemnité de remplacement du revenu et droit à une indemnité pour préjudice corporel : lésion professionnelle du 21 avril 2003

[102]       La Commission des lésions professionnelles est d'avis que madame Larue est capable d'exercer son emploi depuis le 6 novembre 2003 puisque sa lésion professionnelle du 21 avril 2003 est consolidée à cette date, que la présomption de l'article 46 de la loi ne s'applique plus et que madame Larue ne conserve pas de limitations fonctionnelles à la suite de sa lésion. 

[103]       Son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prend donc fin le 6 novembre 2003.

[104]       La Commission des lésions professionnelles est d'avis, par ailleurs, que madame Larue a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 825,00 $, montant auquel s'ajoutent les intérêts depuis la date de sa réclamation. 

[105]       Effectivement, le montant qui équivaut au produit du pourcentage d'atteinte permanente à l’intégrité physique de madame Larue (1,1 %) par le montant que prévoit l'annexe II (63 205 $) en fonction de l'âge de madame Larue au moment de la manifestation de sa lésion professionnelle du 21 avril 2003 (40 ans) est inférieur[11] au montant minimum de l'indemnité pour préjudice corporel de 825,00 $ prévu par l'article 86 de la loi.  Madame Larue a donc droit de recevoir l'indemnité minimum de 825,00 $ prévue à l'article 86 de la loi.

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Lésion psychologique

[106]       La Commission des lésions professionnelles estime, finalement, que le diagnostic de « trouble d'adaptation secondaire à la douleur chronique » posé le 6 septembre 2003 par le psychiatre C. Nowakowski auquel madame Larue a été dirigée par le docteur Chartrand n'est pas en relation avec la lésion professionnelle du 21 avril 2003 ni avec celle du 4 décembre 2001 et, par conséquent, que madame Larue n'a pas droit aux prestations prévues par la loi en relation avec ce diagnostic.

[107]       La Commission des lésions professionnelles note, dans un premier temps, que le diagnostic de trouble d'adaptation est posé pour la première fois au dossier par le docteur Chartrand, en août 2003, soit plus de 20 mois après le fait accidentel initial.

[108]       Madame Larue soutient à l'audience que la douleur persistante au pied droit à la suite de sa lésion professionnelle a affecté son sommeil et l'a rendue agressive, provoquant ainsi le trouble d'adaptation.  Elle déclare que cette agressivité a généré les problèmes familiaux auxquels il est fait référence au dossier, et non l’inverse, puisque les problèmes familiaux sont apparus après l'accident du travail.

[109]       Madame Larue affirme que de façon préalable à son accident du travail, elle n'a jamais consulté de professionnel de la santé pour un problème psychologique et qu'elle n'a jamais fait de dépression.  Lorsqu'elle est interrogée de nouveau sur cette question par le tribunal, elle déclare de façon catégorique qu'on ne lui a jamais prescrit un antidépresseur et qu'elle n'a jamais eu recours à ce type de médication avant son accident du travail.  

[110]       La Commission des lésions professionnelles n'accorde aucune crédibilité aux déclarations de madame Larue puisque la preuve documentaire contredit son témoignage.

[111]       Effectivement, il ressort de la note de consultation médicale du 10 décembre 2001 que dès cette époque, elle prenait du Effexor XR, un antidépresseur.

[112]       Dans son rapport d’expertise médicale du 16 septembre 2002, le docteur Leroux fait lui aussi état du fait que madame Larue prend du Effexor et écrit que dans un rapport d'assurance rempli par le docteur Préfontaine le 10 juin 2002, il est notamment indiqué que madame Larue a été traitée pour une dépression majeure secondaire à une néoplasie du sein en rémission.

[113]       Le docteur Lamontagne, que madame Larue consulte le 1er avril 2003, écrit pour sa part, que madame Larue est « connue pour dépression pour laquelle elle prend de l'Effexor ».

[114]       Pourtant, le psychiatre Nowakowski, qui examine madame Larue pour la première fois le 6 septembre 2003, ne semble pas être au courant de ces antécédents puisque dans une lettre qu'il adresse au docteur Chartrand le même jour, il écrit que « le tableau dépressif [de madame Larue] s'est amélioré depuis avril dernier, date à laquelle elle a commencé à prendre de l'Effexor. »

[115]       Le docteur Nowakowski rapporte aussi cette information erronée dans son Rapport d’évaluation médicale du 20 juin 2004.  De plus, il indique que madame Larue ne présente aucun antécédent.

[116]       La Commission des lésions professionnelles ne retient donc pas les conclusions du docteur Nowakowski selon lesquelles le trouble d'adaptation avec affect dépressif relativement sévère que madame Larue présente est secondaire à la douleur chronique et aux limitations fonctionnelles qui découlent de son accident du travail. 

[117]       La Commission des lésions professionnelles estime que la preuve médicale prépondérante ne permet pas d'établir de relation entre les lésions professionnelles subies par madame Larue et le trouble d'adaptation dont elle a été atteinte à compter du mois d'août 2003.

[118]       C'est d'ailleurs la conclusion à laquelle en arrive le docteur M. Allard, médecin régional de la CSST, dans son analyse médicale de la relation entre le diagnostic de trouble d'adaptation et l'événement.  Dans une note du 26 février 2004, il écrit que le fait que madame Larue présente des problèmes psychologiques antérieurs et qu'il y ait présence d'éléments psychosociaux personnels plus prépondérants que les problèmes causés par la CSST ne milite pas en faveur de la reconnaissance du caractère professionnel du trouble d'adaptation.

[119]       Le diagnostic de trouble d'adaptation posé par le docteur Chartrand en août 2003 et par le docteur Nowakowski à compter du 6 septembre 2003 n'est donc pas en relation avec l'accident du travail dont madame Larue a été victime le 4 décembre 2001 ni avec la rechute, récidive ou aggravation du 21 avril 2003.  Madame Larue n'a donc pas droit aux prestations prévues par la loi en relation avec cette lésion.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

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REJETTE la requête de madame Sylvie Larue en date du 3 juin 2004 ;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative le 28 mai 2004 ;

DÉCLARE que le diagnostic de la rechute, récidive ou aggravation subie par madame Larue le 21 avril 2003 est celui de contusion de la face dorsale du pied droit avec contusion osseuse du 3e métatarsien, que madame Larue ne conserve pas de limitations fonctionnelles à la suite de cette lésion professionnelle, mais qu'elle demeure avec une atteinte permanente à l’intégrité physique de 1,1 % ;

DÉCLARE que madame Larue a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 825,00 $, montant auquel s'ajoutent les intérêts depuis la date de sa réclamation, qu'elle est capable d'exercer son emploi le 6 novembre 2003, que son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prend fin le 6 novembre 2003 ;

DÉCLARE inchangées les autres conclusions de la décision du 28 mai 2004 ;

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REJETTE la requête de madame Larue en date du 25 juin 2004 ;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative le 18 juin 2004 ;

DÉCLARE que le diagnostic de trouble d'adaptation n'est pas en relation avec les lésions professionnelles subies par madame Larue les 4 décembre 2001 et 21 avril 2003 et, par conséquent, qu'elle n'a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en relation avec ce diagnostic.

 

 

__________________________________

 

Martine Montplaisir

 

Commissaire

 

 

 

 

Gilles Lévis, Expert conseil

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Jean-Sébastien Noiseux

Panneton Lessard

Représentant de la partie intervenante

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          Fortier et Q-Zip inc. et CSST, C.L.P. 107339-73-9811, 30 septembre 1999, P.Perron ; Ahmed et Tricots Liesse 1983 inc., C.L.P. 143998-71-0008, 5 octobre 2001, M. Zigby ; Rheault et Primeau Romanowski Syndic, C.L.P. 239132-04B-0407, 29 novembre 2004, M. Bellemare ; Robillard et Olymel-Flamingo, C.L.P. 228917-63-0403, 9 décembre 2004, F. Dion Drapeau.

[3]          Précitée, note 2

[4]          Précitée, note 2

[5]          Précitée, note 2

[6]          Précitée, note 2

[7]          La CSST

[8]          Un membre du Bureau d'évaluation médicale qui intervient lors d'une seconde procédure au Bureau d’évaluation médicale pourrait, par exemple, se prononcer une seconde fois sur la date ou la période prévisible de consolidation, dans la mesure où le premier membre du Bureau d'évaluation médicale aurait évalué, à l'époque de son examen, que la lésion n'était pas encore consolidée.

[9]          Hershey Canada Inc. et St-Amant, C.L.P. 87945-63-9704, 8 juin 1999, J.-L. Rivard ; Emballages Deli-Plus et Diez et CSST, C.L.P. 101113-62-9805, 21 février 2000, L. Vallières ; Cuisine Expert et Plouffe, C.L.P. 132506-64-0002, 19 juillet 2000, F. Poupart ; Masse et Nova Bus Corporation, C.L.P. 123779-64-9909 et al., 29 août 2000, M. Montplaisir ; Morin et Solmax Construction (CTJC), C.L.P. 136990-32-0004 et 140379-32-0006, 26 octobre 2000, C. Lessard ; Tremblay et Interlink Syst. de  Transp. (Faillite) et CSST-Saguenay-Lac St.-Jean, C.L.P. 129939-02-0001, 1er décembre 2000, H. Thériault ; Savard et Transport Papineau international, C.L.P. 146833-64-0009, 27 mars 2001, R. Daniel.

[10]        (1987) 119 G.O. II, 5576

[11]        695,26 $

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