Décision

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Emli Construction inc. c. Service de rénovation RS inc.

2010 QCCS 2945

JP2023

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

LONGUEUIL

 

N° :

505-17-002046-045

 

 

 

DATE :

17 mai 2010

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

YVES POIRIER, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

Emli Construction inc.

Partie Demanderesse / Défenderesse reconventionnelle

c.

Service de Rénovation R.S. inc.

Partie Défenderesse / Demanderesse reconventionnelle

ET

Construction Les Terrasses du Moulin inc.

et

Roger Savard

Parties Codéfenderesses

ET

L'Officier de la Publicité des Droits de la Circonscription Foncière de Verchères

Partie mise en cause

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

Introduction

[1]    La résiliation unilatérale d'un contrat d'entreprise par le client entraîne une série de réclamation de l'entrepreneur général et du client.

Les faits :

[2]    Au début de l'année 2004, monsieur Roger Savard ( Savard ) décide de faire construire une maison pour loger sa fille, son gendre et son petit-fils.

[3]    Savard est un homme d'affaires aguerri, il a fait fortune dans le domaine immobilier et a construit plus de 1000 maisons et plusieurs centres commerciaux.

[4]    Savard connaît les techniques de construction étant lui-même menuisier de métier. Il est aussi un habile gestionnaire qui a mené de nombreuses équipes d'ouvriers, d'entrepreneurs spécialisés et d'autres spécialistes en matière de construction pour réaliser ses projets.

[5]    À la suite d'une maladie, Savard réduit ses activités. Il vend ses propriétés commerciales et devient promoteur de ses terrains, soit plus de 100 millions de pieds carrés.

[6]    N'ayant pas le goût d'entreprendre la construction de la maison projetée, Savard vérifie auprès de sa sœur, qui travaille pour lui, afin qu'elle lui recommande un « bon petit entrepreneur ». Le choix portera sur Emli Construction inc. ( Emli ).

[7]    Emli est une petite et jeune entreprise. Elle construit une douzaine de bungalows par année. Emli est la propriété de monsieur Martin Lacroix ( Lacroix ), jeune entrepreneur, lequel est aidé de son père Jacques Lacroix, homme d'expérience dans le domaine de la construction.

[8]    Emli a un seul surintendant qui veille sur les chantiers avec l'aide de messieurs Lacroix. Les travaux sont donnés en sous-traitance à des entreprises spécialisées.

[9]    Savard choisit de construire la maison sur un grand terrain situé rue de Touraine à Sainte-Julie. Ce terrain appartient à Construction Les Terrasses du Moulin inc. ( Terrasses ) depuis 1994. Terrasses est la propriété de Savard.

[10]            Savard visite le lieu de construction avec Lacroix en février 2004 et lui remet un plan pour la future propriété. Le terrain fait 20 000 pi2. Savard ouvre une entrée charretière et demande à la Ville qu'on lui donne accès au réseau d'aqueduc.

[11]            Le 13 février 2004, Emli remet sa soumission pour la construction de la maison. Après négociation, le prix sera de 215 000 $ incluant l'ajout d'un système de chauffage et climatisation d'une valeur de 5 000 $. Le contrat prévoit un paiement partiel de 30 000 $ par cession à Emli de deux ( 2 ) terrains propriété de Service de rénovation R.S. inc. ( R.S. ). R.S. est la propriété de Savard. Cette cession n'aura jamais lieu.

[12]            Un contrat d'entreprise à forfait est signé le 21 février 2004 et inclut les documents suivant : la soumission détaillée où Emli a ventilé le prix de cette soumission en 42 éléments et les plans remis par Savard.

[13]            Le contrat prévoit plus particulièrement l'obligation de terminer les travaux le 1er juillet 2004. Deux dispositions du contrat sont utiles aux fins du litige :

« article 13. Demande de modification

Le client pourra demander des substitutions de matériaux ou des modifications aux travaux prévus aux présentes, sous réserve de l'exécution des conditions suivantes, savoir :

a) Que toute telle modification au présent contrat soit consignée par écrit ;

b) Qu'une entente soit intervenue entre l'entrepreneur et le client quant aux coûts supplémentaires occasionnés par ladite modification et quant aux délais supplémentaires requis pour le parachèvement des travaux prévus aux présentes ;

c) Que telle entente soit contresignée par l'entrepreneur et le client ;

d) Que toute telle modification soit approuvée par la société prêteuse. »

« article 18. retard dans l'exécution

L'entrepreneur ne sera pas responsable du retard apporté à la livraison de l'immeuble, si ce retard provenait du défaut du client de remplir ses obligations en vertu du présent contrat, ou d'une force majeure, ou de la survenance de toute autre cause indépendante de la volonté de l'entrepreneur, savoir mais sans limitation : tout accident inévitable, guerre, révolution, inondation, feu, grève ou autre conflit de travail, défaut de tout fournisseur de matériaux ou de services, impossibilité d'obtenir des matériaux à des conditions raisonnables suivant les dispositions de la clause “ substitution de matériaux ” ci-dessus, impossibilité d'obtenir des services à des conditions raisonnables, absence des services d'utilité publique, retard dans les inspections par la société prêteuse ou, encore, tout règlement ou législation ou ordonnance de tout palier gouvernemental. »

[14]            Les problèmes selon Savard débutent rapidement et se multiplieront tout au long des travaux, les principaux se décrivent comme suit :

14.1.    implantation de l'immeuble à 100 pieds de la rue ;

14.2.    absence d'électricité fournie par Hydro-Québec au chantier, elle proviendra pour une longue période d'une génératrice ;

14.3.    la fenestration ne correspond pas à celle demandée ( couleur ) ;

14.4.    la fenêtre d'une lucarne d'un style différent de celui prévu au plan. Contour de la fenestration différent de celui prévu au plan ;

14.5.    travaux mal exécutés par le plombier ( absence de raccordement de tuyau et tuyau en contre-pente ) ;

14.6.    coulée du plancher de béton imminente alors que des éléments de plomberie devant être implantés dans le sol sont non branchés ou non installés ( tuyau et boite étanche ) :

14.7.    délais d'exécution trop lents.

[15]            En cours d'exécution, Savard demande des travaux supplémentaires et d'autre part prend sous sa responsabilité certains travaux qu'il avait confiés à Emli, ces travaux se décrivent comme suit :

Travaux supplémentaires

Bardeaux mosaïques                                           540 $

Plomberie de base ( s-sol)                                  650 $

Cuve dans le garage                                            400 $

8 prises murales                                                  320 $

Broyeur à déchets et prise                                  400 $

Travaux retirés à Emli et sous la responsabilité de Savard

Balcon                                                               1 200 $

Armoires et comptoir                                        7 500 $

Luminaires                                                        1 200 $

Arpenteur                                                             550 $

Céramique et pose                                           2 200 $

Plancher de bois franc                                      6 000 $

Fournitures de plomberie                                  1 450 $

[16]            Dès le début des travaux, Savard est très irrité par le peu d'effort déployé pour corriger les déficiences qu'il constate lors de multiples visites au chantier et déplore le manque d'organisation de Emli. Il voit arriver le 1er juillet à grands pas.

[17]            Emli est une petite entreprise avec peu de moyens et ses fournisseurs sont à l'avenant. La qualité d'exécution en souffre et Savard n'endure pas cette situation en silence.

[18]            Savard manifeste son insatisfaction entre autres, à l'occasion de la coulée du plancher de béton au sous-sol. Savard prend sur lui de congédier la bétonnière et force la reprise des travaux de plomberie avant de procéder à la coulée. L'événement est important puisque Savard prend la direction du chantier et impose son processus d'exécution des travaux considérant les défauts dans les travaux de plomberie qui allaient être recouverts de béton.

[19]            Savard ne congédiera pas Emli suite à cet événement important.

[20]            Le second événement survient le 15 juin 2004. Savard constate que 9 peintres sont sur le chantier et que les murs intérieurs de la propriété ne sont pas prêts à recevoir la peinture. Entre autres, les joints de placoplâtre ne sont pas bien faits et certains de ces joints ne sont pas sablés. Savard prend la situation en main. Il congédie les peintres et ferme le chantier à Emli en déposant des blocs de béton à l'entrée de la propriété.

[21]            Le 16 juin, Savard transmet une lettre de mise en demeure qui constate et confirme la résiliation du contrat et le congédiement de Emli. Savard poursuivra lui-même les travaux.

[22]            Emli publie le 16 juillet 2004 une hypothèque légale de la construction pour une somme de 187 389,43 $.

Questions en litige :

   1.   L'hypothèque légale de Emli est-elle valable ?

   2.   Qui sont les cocontractants avec Emli ?

   3.   Quelle est la date de fin des travaux ?

   4.   En vertu de quelle disposition légale Savard a-t-il résilié le contrat d'entreprise ?

   5.   Quels sont les dommages dus suivant le mode de résiliation ?

   6.   R.S. a-t-elle droit à des dommages extracontractuels et, si oui, quelle est la valeur de ces dommages ?

   7.   Disposition d'une objection

   8.   Quel est le montant dû à Emli tenant compte du contrat, du mode de résiliation et des réclamations de R.S. ?

   9.   Quelle a été l'utilité des rapports d'expertises ?

10.   Y-a-t-il prescription du recours contre les défendeurs ?

Analyse

1. L'hypothèque légale de construction

[23]            Emli a droit à une hypothèque légale en sa faveur puisqu'il a participé à la construction. Cette hypothèque existe sans qu'il soit nécessaire de la publier. (art. 2726 C.c.Q.).

[24]            Emli a inscrit un avis grevant l'immeuble avant l'expiration du délai de 30 jours qui suit la fin des travaux conformément à l'article 2727 du C.c.Q. Cet avis doit être signifié au propriétaire de l'immeuble. Emli a signifié cet avis à R.S., laquelle n'est pas propriétaire du terrain. Le propriétaire est Terrasses.

[25]            L'hypothèque s'éteint 6 mois après la fin des travaux à moins que, pour conserver cette dernière, Emli ne publie pas une action contre le propriétaire de l'immeuble conformément au troisième paragraphe de l'article 2727 C.c.Q. Ce n'est qu'à l'amendement de sa requête introductive d'instance, le 15 juin 2007, que Emli a poursuivi Terrasses.

[26]            Les travaux de construction sont terminés en septembre 2004, suivant la preuve entendue. De septembre 2004 au 16 juin 2007, les six mois prévus au troisième paragraphe de l'article 2727 C.c.Q. sont écoulés depuis fort longtemps.

[27]            La jurisprudence et la doctrine reconnaissent que les formalités essentielles à la création de l'hypothèque légale de la construction doivent être respectées et strictement suivies.

« 54. Entitlement to a construction hypothec is an exceptional right. It derogates from the general standard that that the law treats all creditors equally. In Quebec, as with other lien systems in Canada, the rules pertaining to this exceptional right are to be interpreted restrictively. »[1] (sic)

[28]            Pour pallier au défaut de signification d'une action contre le propriétaire et de publication dans les délais prévus à l'article 2727 C.c.Q., Emli invoque la levée du voile corporatif et plus particulièrement les dispositions de l'article 317 C.c.Q.

[29]            En juin 2007, Emli prend conscience des problèmes qui entourent son hypothèque légale. En effet, R.S. qui était seule poursuivie à l'époque, présente une requête en irrecevabilité la veille du procès. Emli demande un amendement afin d'ajouter Terrasses et Savard à titre de parties défenderesses et ajoute une conclusion subsidiaire visant la condamnation solidaire de Terrasses, R.S. et Savard. L'amendement est autorisé et le procès est remis.

[30]            L'article 317 C.c.Q. n'est cependant d'aucunes utilité pour Emli afin de pallier aux problèmes relatifs à son hypothèque légale. En effet, aucune preuve n'a été déposée visant à démontrer que Terrasses ou Savard ont utilisé la personnalité juridique de R.S. pour masquer une fraude, l'abus de droit ou une contravention à une règle intéressant l'ordre public.

[31]            Quant au registre foncier, il mentionne spécifiquement que Terrasses est propriétaire de ce lot depuis 1994. Rappelons l'article 2943 C.c.Q. :

« 2943. Un droit inscrit sur les registres à l'égard d'un bien est présumé connu de celui qui acquiert ou publie un droit sur le même bien.

La personne qui s'abstient de consulter le registre approprié et, dans le cas d'un droit inscrit sur le registre foncier, la réquisition à laquelle il est fait référence dans l'inscription, ainsi que le document qui l'accompagne lorsque cette réquisition prend la forme d'un sommaire, ne peut repousser cette présomption en invoquant sa bonne foi. »

[32]            Emli en se référant à une possible erreur de ses anciens procureurs ne peut sur sa simple bonne foi repousser cette présomption de l'article 2943 C.c.Q. L'hypothèque légale ne respecte donc pas les dispositions de l'article 2727 C.c.Q. quant à la signification de l'avis et la publication de l'action dans les délais prescrits. En conséquence, l'hypothèque légale de la construction sera radiée.

2. Qui sont les cocontractants avec Emli ?

[33]            Sur l'entête du contrat D-1, le cocontractant de Emli se décrit comme : « Roger Savard et ALL. », le signataire du contrat est Roger Savard.

[34]            Emli invoque avoir reçu des lettres de mise en demeure dont l'entête est « Service de rénovation R.S. inc. ». Ces lettres sont signées par Roger Savard.

[35]            R.S. s'était engagée à céder deux terrains à Emli en contrepartie du paiement partiel de 30 000 $.

[36]            Dans la Défense du 16 mai 2005 et son amendement du 3 novembre 2009, R.S. prévoyait les conclusions suivantes :

« …

DÉCLARER que la demanderesse/défenderesse reconventionnelle devrait payer à la défenderesse/demanderesse reconventionnelle la somme de 210 000 $ avec intérêts et indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec et ce, à compter de la mise en demeure du 3 mai 2004, sauf à soustraire la compensation pour les travaux effectués par la demanderesse/défenderesse reconventionnelle ;

OPÉRER toutes les compensations nécessaires eu égard à l'incurie de la demanderesse/défenderesse reconventionnelle, des déficiences constatées et des travaux effectués et ce, jusqu'à concurrence des sommes réclamées par la demanderesse/défenderesse reconventionnelle ;

… »

[37]            R.S. n'est pas partie au contrat d'entreprise par contre, aux conclusions de sa Défense, elle se considère comme liée avec Emli au point de vouloir traiter de compensation avec cette dernière. Il s'agit d'une admission judiciaire. R.S. se considère cocontractante avec Emli. Quant à Savard, son nom apparaît clairement au contrat. Savard et R.S. sont donc tous deux cocontractants avec Emli dans le cadre de cette affaire. Terrasses n'est pas intervenue au contrat avec Emli. Le fait que Terrasses soit propriétaire du terrain où Emli construit la maison ne suffit pas pour la considérer comme cocontractante.

3. Quelle est la date de fin des travaux

[38]            Suivant le contrat, la date de fin des travaux convenue est le 1er juillet 2004. La résiliation du contrat par Savard a eu lieu le 15 juin 2004. Emli avait environ 9 jours ouvrables pour terminer son travail. Puisque Savard invoque comme défaut de Emli son retard dans l'exécution de ses travaux, il faut déterminer si Emli était toujours tenue de respecter cette date de fin de travaux prévue contractuellement, au 1er juillet.

[39]            Le Tribunal tiendra compte de deux remarques faites par Savard lors de son témoignage, selon lequel :

La finition extérieure pouvait être réalisée après le 1er juillet 2004, l'important était de terminer l'intérieur de la maison de façon à ce que sa fille et sa famille puissent l'occuper à cette date.

Le maçon de Emli a dû interrompre ses travaux puisque la livraison de la brique n'était pas complétée. Savard avait pris sur lui cette commande de briques.

[40]             L'article 18 du contrat traite du retard dans le cadre de l'exécution des travaux tout particulièrement si ce retard provient de la part de Savard. La date du 1er juillet n'avait plus à être respectée par Emli d'autant plus que les derniers éléments de maçonnerie n'ont été livrés que le 5 août 2004 suivant la facture 563202 (pièce D-4 signet 17). R.S. était responsable des commandes relatives à la maçonnerie.

[41]            L'intervention de Savard dans l'exécution des travaux tels que l'arrêt de la coulée de béton et le congédiement des peintres et la fourniture, en retard, d'éléments de maçonnerie rendent difficile l'établissement de la date de fin du contrat. La nouvelle date de fin des travaux n'a pas été convenue entre les parties et aucune preuve n'a été présentée afin de tenter de déterminer à quelle date ces travaux auraient dû se terminer, tenant compte des interventions de Savard. Emli n'est donc plus tenue à la date de la livraison de la propriété pour le 1er juillet 2004, conformément à l'article 18 du contrat. La seule preuve relative à la fin réelle des travaux est l'admission de Savard qu'il a terminé ces travaux à sa satisfaction au début septembre 2004.

4. En vertu de quelle disposition légale Savard et R.S. ont-ils résilié le contrat d'entreprise ?

[42]            Notons que, bien que R.S. soit l'alter ego de Savard, seule R.S. s'est portée demanderesse reconventionnelle contre Emli.

Résiliation sanction

[43]            Les principes relatifs à la résiliation sanction d'un contrat sont prévus aux articles 1604 à 1606 C.c.Q. La mise en demeure demandant la résiliation doit être conforme à l'article 1605 C.c.Q. qui se lit comme suit :

« 1605. La résolution ou la résiliation du contrat peut avoir lieu sans poursuite judiciaire lorsque le débiteur est en demeure de plein droit d'exécuter son obligation ou qu'il ne l'a pas exécutée dans le délai fixé par la mise en demeure. »

[44]            Cette disposition doit se lire en conjoncture avec l'article 1595 C.c.Q.

Résiliation unilatérale

[45]            D'autre part, le Code civil prévoit un second type de résiliation dans le cas du contrat d'entreprise. Il s'agit de la résiliation unilatérale et elle est définie aux articles 2125 à 2129 C.c.Q.

[46]            Le choix du mode de résiliation appartient à Savard et R.S. et il entraîne des conséquences importantes.

[47]            Savard et R.S. soutiennent que la résiliation résulte des fautes reprochées à Emli et demande l'application de la résiliation sanction (1604 C.c.Q.). R.S. réclame seule des dommages, pour réussir elle devra établir que :

47.1.    Emli est en demeure de plein droit d'exécuter son obligation ou qu'elle ne l'a pas exécuté dans le délai fixé par la mise en demeure et, auquel cas, pour corriger le défaut, le délai doit être raisonnable (1605 et 1595 C.c.Q.) ;

47.2.    le défaut n'est pas mineur (1604, 2˚ paragr., C.c.Q.) ;

dans ces circonstances, R.S. peut réclamer des dommages qu'elle doit prouver.

[48]            Emli soutient qu'il s'agit de la résiliation unilatérale. Dans ce cas, Savard et R.S. n'ont pas à prouver un défaut d'exécution d'une obligation contractuelle ce qui est un bénéfice important par rapport à la résiliation sanction. Mais, R.S. ne peut réclamer aucun dommage. L'article 2129 C.c.Q. encadre la résiliation unilatérale et prévoit que Emli doit recevoir en proportion du prix convenu :

48.1.    les frais et dépenses actuels ;

48.2.    la valeur des travaux exécutés avant la fin du contrat ou avant la notification de la résiliation ;

48.3.    la valeur des biens fournis ;

48.4.    Emli doit restituer les avances en excédant de ce qu'elle a gagné ;

48.5.    finalement, les parties sont tenues de tout autre préjudice que l'autre partie a pu subir.

[49]            S'il s'agit d'un cas de résiliation unilatérale, R.S. ne peut réclamer des dommages de 30 904,51 $, ni la somme de 20 000 $ pour dommages et inconvénients, ni les sommes à retenir jusqu'à concurrence d'un montant maximum de 149 389,43 $, prévu au paragraphe 35 de la Défense et demande reconventionnelle de R.S.

[50]            La Cour d'appel expose les principes et distinctions entre ces deux types de résiliation en ces termes :

« 50  En cas d'exécution fautive importante de l'entrepreneur, le client a le droit, en vertu du droit commun des contrats, à la résiliation (art. 1604 C.c.Q.).

51  À ce droit s'ajoute en raison de la nature du contrat, la faculté pour le client d'y mettre fin en tout temps, unilatéralement, sans cause en vertu de l'article 2125 C.c.Q. (Pelouse Agrostis Turf inc. c. Club de golf Balmoral [2003] R.J.Q. 3043 C.A. ). En pareil cas, il n'est pas nécessaire de conclure à une exécution fautive par l'entrepreneur ou de lui donner l'occasion de corriger la situation avant de mettre fin au contrat.

52  Il y a donc lieu de distinguer entre la résiliation qui découle de l'exercice par le client de sa faculté de rupture (art. 2125 C.c.Q.) et celle qui est la conséquence, choisie par le créancier, à la suite du défaut de son cocontractant (art. 1590 C.c.Q.) (voir : Serge Gaudet, «Réflexions sur le droit de l'entrepreneur au gain manqué en cas de résiliation unilatérale du contrat d'entreprise ou de service», Conférences Meredith Lectures 1998-1999, les Éd. Yvon Blais, 2000, p. 95-135; Daniel Jutras, «La résiliation unilatérale ou les joies de l'exégèse», (2002) 81 R. du .B. can., pp. 153-170).

53  En l'instance, l'intimée a invoqué les règles générales en matière d'inexécution par le cocontractant de ses obligations. Le premier juge a effectivement conclu que l'appelante avait fait défaut de remplir ses obligations et cette conclusion ne m'apparaît pas entachée d'une erreur manifeste et dominante.

54  La Cour a décidé dans Société de transport de Longueuil c. Marcel Lussier ltée , J.E. 2004-173 (C.A.), qu'en pareil cas, il fallait appliquer les règles relatives à la résiliation pour faute prévues aux art. 1604 et suivants C.c.Q.

55  En vertu de celle-ci, la résiliation peut avoir lieu sans poursuite judiciaire lorsque le débiteur est en demeure de plein droit d'exécuter son obligation ou ne l'a pas exécutée dans le délai fixé par la mise en demeure lui intimant d'exécuter ses obligations conformément au contrat (art. 1605 C.c.Q. ; Domtar inc. c. Grantech inc., J.E. 2002-1296 (C.A.)).

56  Le juge de première instance a référé aux articles 1594 et 1597 C.c.Q. pour conclure que l'appelante était en demeure de plein droit. Je partage son avis. Il s'ensuit qu'il avait raison de conclure que le contrat avait été résilié validement au début de 2000. »[2]

[51]            Reste à déterminer si Savard et R.S. remplissent les conditions afin de bénéficier des dispositions prévues à l'article 1604 C.c.Q.

[52]            C'est aux mises en demeure que l'on retrouvera les défauts d'exécution des obligations de Emli. Quatre mises en demeure ( pièce D-2, en liasse) doivent être considérées, soient celles des 3, 14 et 18 mai et du 16 juin 2004. Cette dernière n'est d'aucunes utilité puisqu'elle a été expédiée après le congédiement de Emli du chantier, le 15 juin. Cette mise en demeure ne donne aucun délai pour rectifier les défauts soulevés comme le requiert l'article 1605 C.c.Q. et la date de fin des travaux contractuelle convenue n'était pas encore intervenue. En terme clair, Savard écrit le 16 juin : « Je me dois de vous mettre en demeure de ne plus mettre les pieds sur le terrain et cela à partir de maintenant. » En ces termes, il est impossible pour Emli de corriger les défauts à ses obligations.

[53]            Dans la mise en demeure du 3 mai, Savard se plaint de :

Ø      trois semaines d'inactivité au chantier ;

Ø      l'entrée temporaire d'Hydro-Québec n'est pas branchée ;

Ø      le système de pompe de puisard (sump-pump) n'est pas installé, ayant pour conséquence la présence d'eau dans le sous-sol, et Savard conclut sa correspondance comme suit : « Je vais respecter ma signature pour prise de possession du 1er juillet, mais je ne tolérai pas une journée de plus et la fin des travaux devront être terminés avant le 1er juillet prochain. »

[54]            Cette mise en demeure ne satisfait pas les critères des articles 1595, 1604 et 1605 C.c.Q. En effet, aucun délai n'est prévu pour remédier au défaut, aucun nouvel échéancier n'est requis ou imposé pour rattraper les retards. De plus, les défauts spécifiques sont, selon la preuve, de peu d'importance. Dans le cas du défaut de l'entrée temporaire, Emli utilise à ses frais une génératrice électrique et aucune preuve n'a démontré qu'elle n'était pas d'une capacité suffisante pour fournir l'énergie électrique au projet.

[55]            Quant à la présence d'eau, le sous-sol n'est pas fini. L'eau est retirée quotidiennement à l'aide d'une pompe alimentée par la génératrice. Cette situation entraîne des inconvénients pour Emli. Si défaut il y a, il est de peu d'importance.

[56]            Quant au délai d'exécution, Savard exige que les travaux se terminent le 1er juillet. Sa dernière remarque laisse clairement entendre qu'il croit encore réalisables les travaux à l'intérieur de la période contractuelle.

[57]            La mise en demeure du 14 mai reproche ce qui suit :

57.1.    retard de six semaines et inaction de Emli ;

57.2.    la petite fenêtre doit être changée ;

57.3.    le contour des fenêtres devra être comme sur le plan (jambage de béton et carrelage de fenêtres en laiton) ;

et Savard ajoute : « La rencontre avec ton père hier à mes bureaux m'a semblé plus positive que ton comportement insouciant !!! ».

[58]            Sur la remarque générale de retard, aucun délai pour rattraper les 6 semaines de retard n'est avancé ou exigé par Savard. Il n'existe aucune preuve au dossier qu'à cette date il était impossible de terminer pour le 1er juillet ni que les retards sont effectivement de 6 semaines.

[59]            Quant aux reproches spécifiques, ce sont des déficiences auxquelles Emli pouvait facilement remédier et ce, avant le 1er juillet. Il s'agit de défauts de peu d'importance.

[60]            Encore là, cette mise en demeure ne répond pas aux exigences de la résiliation sanction.

[61]            Reste la mise en demeure du 18 mai 2004 transmise par les procureurs de Savard. On se plaint en ces termes :

 « …, monsieur Roger Savard, vous a avisé tant verbalement que par écrit, tel qu'en fait foi ses lettres du 3 et 14 mai 2004, que l'avancement des  travaux étaient nettement insatisfaisant. …

Ceci dit, soyez avisé qu'à défaut de reprendre les travaux à bonne allure, conformément aux spécifications de notre cliente, dans les prochaines 24 heures, vous nous verrez forcer à résilier votre contrat de façon unilatérale. » (sic)

[62]            Enfin un délai : « 24 heures ». Mais l'obligation reprochée est vague « avancement insuffisant », aucun échéancier requis, aucun reproche d'une date d'exécution ou de finalisation d'une partie de l'ouvrage ne sont mentionnés. En d'autres termes, aucun reproche précis identifiable par Emli et visant l'exécution d'un élément à un moment déterminé et qui aurait de l'importance.

[63]            Savard semble endurer son mal en patience puisqu'une fois le délai de 24 heures épuisé, il n'a pas appliqué la sanction. Emli est toujours sur les lieux et ses ouvriers travaillent.

[64]            La mise en demeure pour obtenir la résiliation sanction est, en matière de contrat d'entreprise, fort délicate puisque le contrat d'entreprise est en évolution tout au long de l'exécution du projet.

[65]            La prolongation à répétition d'un délai contractuel suivi de la résiliation aurait aisément constitué une preuve entraînant la mise en application de la résiliation sanction. Dans un cas de résiliation avant la date convenue contractuellement, le propriétaire doit être en mesure de prouver que ce défaut était important et qu'il ne pouvait pas être corrigé à l'intérieure de la période allouée à l'entrepreneur pour réaliser ses obligations afin de bénéficier de la résiliation sanction.

[66]            R.S. ne satisfait pas les critères pour demander l'application de la résiliation sanction avec la conséquence qu'elle ne peut pas réclamer de dommages.

[67]            De fait, si Emli n'avait pas rencontré ses obligations à la date prévue contractuellement sans perturbation des travaux par Savard ou si Savard avait démontré l'impossibilité pour Emli de rencontrer la nouvelle date de fin des travaux tenant compte de ses propres perturbations, la situation aurait été toute autre.

[68]            Savard amène un autre argument sur ce point. L'expert de Emli, un an après la fin des travaux, a fait une visite des lieux et il mentionne à son rapport qu'il restait environ 20 jours de travail pour compléter l'ouvrage.

[69]            Cette information est une approximation de la part de l'expert. Tout d'abord, l'évaluation des travaux par l'expert de Emli n'établit pas quels sont les travaux auxquels il fait référence et s’ils étaient de la responsabilité de Emli. D'ailleurs, il écrit ce qui suit :

« 6.-   TRAVAUX À COMPLÉTER

Cette appréciation de peut être faite que par l'Entrepreneur et ses sous-traitants qui peuvent définir la situation sur le chantier le 16 juin 2004. » (sic)

[70]            D'autre part, Savard en contre-interrogatoire reconnaît que ses propres ouvriers peintres, menuisiers et tireurs de joints ont consacré environ six jours et demi de travail pour finaliser l'intérieur de la propriété.

[71]            Certains travaux ont été exécutés avant et après le 1er juillet, mais ils étaient de la responsabilité de Savard. (Ex. : la cuisine, le plancher).

[72]            Même si la date de fin des travaux n'avait pas été modifiée tel que nous en avons traité ci-haut et, tenant compte de l'admission de Savard relativement à la date limite qui ne s'appliquait qu'à la finition intérieure de l'immeuble, Savard n'a pas établi que les travaux nécessaires, à parachever lesdits travaux intérieurs, auraient dépassé la date du 1er juillet.

[73]            Savard ne s'est pas conformé aux exigences de la résiliation sanction. C'est donc la résiliation unilatérale prévue à l'article 2129 C.c.Q. qui sera appliquée.

5- Dommages dus suivant le mode de résiliation

[74]            R.S. réclame les coûts supplémentaires d'exécution des travaux qui n'ont pas été réalisés par Emli et les coûts de réparation des déficiences.

[75]            Même si le Tribunal conclut que R.S. n'a pas droit à la résiliation sanction, il procèdera à l'analyse de cette demande.

[76]            Tout d'abord, les coûts supplémentaires pour l'exécution des obligations non complétées par Emli sont limités à 30 904,51 $. Cette somme provient du rapport d'expertise de monsieur Guilmaine produit par Savard. Pour établir cette réclamation, il additionne tout ce qu'il en a coûté pour compléter la propriété, soit 272 457,01 $ moins ce qu'il en aurait coûté suivant le prix convenu au contrat par Emli.

[77]            Ce calcul est faux puisqu'il ne tient pas compte des travaux cédés à Savard et pour lesquels Savard a pu modifier la quantité et la qualité de ce travail par rapport à ce que Emli s'était engagée à l'origine. Par exemple, Emli n'est pas responsable des coûts supplémentaires (main d'œuvre ou matériaux) d'armoires de cuisine luxueuses choisies par Savard.

[78]            Habilement, le procureur de Savard propose, en plaidoirie, une nouvelle approche pour établir le dommage de 30 904,51 $.

[79]            Il retient la valeur des éléments spécifiques qui sont de la responsabilité de Emli et qui n'ont pas été exécutés tel que :

Item

Budget Emli

Coût Savard

#17 Brique et installation

14 500 $

32 238,74 $

#22 Escaliers

4 000 $

7 650,80 $

#30 Plomberie

7 000 $

9 309,84 $

#37 Cuivre

2 500 $

6 476,85 $

[80]            Laissant le choix au Tribunal de retrouver d'autres sommes à travers la facturation pour soutenir la réclamation de 30 904,51 $. Cette façon d'aborder cet élément de la réclamation, décrit au paragraphe 35a) de la Défense et demande reconventionnelle de R.S., entre en conflit et fait double emploi avec le paragraphe 35d) qui est fondé sur les mêmes prétentions. Les paragraphes pertinents se lisent comme suit :

« a)   Le coût des travaux assumé par la défenderesse/demanderesse reconventionnelle du coût initialement prévu de construction par la demanderesse/défenderesse reconventionnelle

         (272 457,01 $ - 241 552,50 $=) :                                                         30 904,51 $

         …

   d)   Toutes sommes que le Tribunal jugera bon de retenir aux termes de la présente défense et demande reconventionnelle jusqu'à concurrence de la somme réclamée par la demanderesse/défenderesse reconventionnelle de 149 389,43 $ :   maximum de :                                                       149 389,43 $

         Pour un total de :                                                                               210 293,94 $

                                                       Moins valeur des travaux effectués     133 693,07 $

                                                                                                                      76 600,87 $ »

[81]            Cette démonstration est inacceptable puisque R.S. avait le fardeau d'établir que la qualité des matériaux et l'importance des travaux prévus par Emli et ceux utilisés ou réalisés par R.S. sont du même ordre.

[82]            Par exemple l'escalier, la qualité des matériaux utilisés par Savard et ceux prévus par Emli n'a pas été prouvée. Le design et les coûts d'installation de l'escalier peuvent évidemment faire varier considérablement sa valeur.

[83]            Pour ce qui est de la plomberie, Savard a pris à sa charge la fourniture de 1 450 $ suivant le détail de sa soumission. Un examen rapide des factures de plomberie démontre que les fournitures achetées par Savard dépassent la valeur de 7 800 $. Peut-on prendre pour acquis que le coût d'installation soit identique ?

[84]            Quant au revêtement en cuivre, une simple facture sans description fait état d'un coût de 6 476,85 $. Il y est mentionné « Job complet ».

[85]            Sans établir l'étendue du travail, le lieu de pose et la similitude avec les travaux prévus par Emli. Il est impossible d'établir un lien de causalité entre le dommage réclamé et la faute qu'aurait commise Emli. Cette réclamation pour dommages est déficiente et R.S. n'a pas rencontré son fardeau de preuve.

[86]            En conséquence, cette réclamation aurait été rejetée même si R.S. avait pu établir qu'il bénéficiait de la résiliation sanction.

6. R.S. a-t-elle droit à des dommages extracontractuels

[87]            R.S. réclame 20 000 $ à titre de dommages et inconvénients divers ainsi que 10 000 $ pour les inconvénients découlant de la publication de l'hypothèque légale.

[88]            À bon droit, le procureur de R.S. a abandonné la réclamation de 10 000 $ pour les inconvénients liés à la publication de l'hypothèque légale. Rappelons que le terrain est la propriété de Terrasses.

[89]            Quant aux dommages et inconvénients divers pour 20 000 $, la preuve se limite au témoignage de Savard qui dit avoir subi un grand stress de cette situation, des inconvénients liés au travail qu'il a dû faire pour compléter les travaux et gérer le chantier ainsi que des pressions exercées par des malfrats qui ont tenté de lui extorquer la somme de 175 000 $ par la force.

[90]            Le récit de cette mésaventure qui se déroule après la fin des travaux ne laisse poindre aucun stress de la part de monsieur Savard. Des malfrats se rendent à son bureau pour exiger un payement de 175 000 $. Un appel rapide à la police met fin à cet épisode. Savard lie cette affaire à la dette que réclame Emli. D'autre part, Savard a expliqué au cours de l'audition son plaisir à vouloir donner « une bonne expérience » à Emli en la forçant à venir devant le Tribunal.

[91]            Finalement, les épithètes entre Savard et messieurs Lacroix fusent de toute part lorsqu'on examine les écrits et si l'on en croit les témoignages de Savard et de Jacques Lacroix père parlant l'un de l'autre.

[92]            Cette réclamation de 20 000 $ de R.S. est rejetée, R.S. ne subit aucun dommage.

[93]            Si un dommage a été subi, ce ne peut être que par Savard. R.S. plaide donc au nom d'autrui, Savard de son côté ne réclame rien à ses conclusions. Cet aspect de la réclamation sera rejeté.

7. Disposition d'une objection

[94]            Emli a tenté à plusieurs reprises de contredire le contrat et la Loi traitant du contrat à forfait (article 2109 C.c.Q.) en voulant prouver le coût de travaux supplémentaires non convenus par écrit entre les parties.

[95]            Toutes ces tentatives ont fait face à l'objection du procureur de Savard. La preuve a été entendue sous réserve de cette objection.

[96]            En l'absence d'une preuve, établissant qu'une entente ou qu'une procédure différente[3], acceptée par son usage entre les parties, a été entérinée durant l'exécution du contrat et ayant pour effet de mettre de côté les dispositions contractuelles ou la Loi quant au contrat à forfait, l'objection doit être maintenue.

8. Montant dû à Emli tenant compte du contrat et du mode de résiliation

Ø      Travaux supplémentaires

[97]            Le contrat prévoit que toute demande de modifications soit soumise par écrit et que l'entente soit signée par l'autre partie.

[98]            Cette disposition peut être mise de côté par les parties si elles prouvent un autre mode de fonctionnement comme, par exemple, une modification non écrite qui aurait été acceptée par l'autre partie soit par un paiement ou un crédit. Le procureur de Emli n'a pu établir telle preuve.

[99]            L'objection soulevée par le procureur de Savard, sur ce sujet, a été maintenue. Les travaux supplémentaires et réductions des travaux prévus au contrat devront avoir été reconnus par écrit ou établis par admission. Seuls les éléments décrits au paragraphe 15 du présent jugement ont été prouvés par un écrit ou par admission.

Ø      Dommages et troubles financiers

[100]       Emli réclame 50 000 $ à titre de dommages pour troubles et inconvénients. Elle soumet un ensemble d'états de compte représentant des intérêts payés par elle à une institution financière à un taux moyen de 8 % au lieu du taux moyen de 4 % qu'elle versait usuellement à sa banque selon le témoignage de Lacroix.

[101]       La banque de Emli aurait refusé de continuer de financer au taux usuel de cette dernière suite au non-paiement du solde contractuel dû par Savard.

[102]       Cette preuve est déficiente. Le fardeau de preuve n'est pas rencontré par Emli. Voici quelques motifs :

102.1.     absence de faute prouvée, Emli n'établit pas les motifs de retrait de la banque. Le banquier n'a pas été entendu ;

102.2.     la situation financière précaire est-elle due uniquement au non-paiement par Savard ? Cette preuve n'a pas été établie ;

102.3.     absence de lien de causalité entre une faute et les dommages réclamés qui provient directement de cette faute.

[103]       Seule une étude comptable et une preuve bien étoffée aurait permis de conclure à une faute, un dommage et au lien de causalité nécessaire afin de condamner Savard sur cet aspect de la réclamation. Cet aspect de la réclamation de Emli est rejeté.

 

Ø      Profit et administration

[104]       Pour établir les montants dus à Emli, le Tribunal devra établir comment calculer le profit et l'administration réclamés par Emli.

[105]       Le profit et l'administration apparaissent à la soumission de Emli de façon distincte de 15 000 $ et 6 000 $.

[106]       Emli réclame 100 % de son profit et administration alors que Savard désire que ces éléments soient payés en proportion du prix convenu.

[107]       L'administration d'un contrat est constituée de diverses dépenses qu'encoure Emli pour obtenir, gérer et finaliser ce contrat. Ce sont des frais et dépenses actuels qu'encourt Emli pour réaliser l'ouvrage et ces coûts doivent être traités conformément au premier alinéa de l'article 2129 C.c.Q. soit en proportion du prix convenu.

[108]       Quant au profit, le premier alinéa de l'article 2129 C.c.Q. demande de traiter la valeur des travaux exécutés en fonction de la proportion du prix convenu. Dans la valeur des travaux, on retrouve évidemment le profit. Le profit devra lui aussi être établi en proportion du prix convenu.

[109]       Cette approche a déjà été discutée à quelques occasions par les tribunaux. Rappelons tout d'abord que suivant le Code civil du Bas-Canada la jurisprudence avait établi que le paiement du profit devait être le fruit du calcul en proportion de la réalisation des travaux.

[110]       Après une légère hésitation par les tribunaux relativement à l'application de l'article 2129 C.c.Q., les Tribunaux ont pris position comme on peut le lire dans l'affaire de Pelouse Agrostis :

« À l'instar de Me Gaudet, le Tribunal est également d'avis qu'il serait paradoxal que le législateur ait voulu accordera à une personne le droit de résilier unilatéralement un contrat de services et permettre à l'entrepreneur de réclamer à cette personne, à titre de dommages, une perte de gains alors que ceux-ci n'ont pas été gagnés. Si telle était la volonté du législateur, il y aurait lieu de questionner l'utilité de l'article 2129 C.c.Q. »[4] (sic)

[111]       La valeur du travail à réaliser était estimée à 217 310 $ incluant les 15 000 $ de profit. Le profit de Emli sera donc réduit en proportion du prix convenu.

[112]       Le profit perdu, soit le résidu du profit prévu moins le profit établi en proportion du prix convenu, peut-il être réclamé à titre de « tout autre préjudice » au sens du troisième alinéa de l'article 2129 C.c.Q. ?

[113]       Aucune preuve n'a été soumise par Emli pour étayer le fait qu'elle ait des frais ou dépenses actuels en date du 15 juin 2004 autre que ceux déjà établis. Si telle preuve avait existé, le Tribunal aurait pu la considérer sous les termes « tout autre préjudice » apparaissant au troisième alinéa de l'article 2129 C.c.Q.

[114]       L'application stricte de la règle de la proportionnalité, énoncée au premier paragraphe de l'article 2129 C.c.Q., pourrait créer une dichotomie avec la règle voulant que le soumissionnaire frustré de son droit à un contrat ait accès à une condamnation contre le donneur d'ouvrage pour la perte découlant du fait que le contrat ne pourra être réalisé.[5]

[115]       La preuve d'une conséquence économique grave ou catastrophique suite à la perte quasi complète d'un contrat majeur pour le prestataire de service ou ayant des conséquences sur sa croissance ou le maintient de ses activités pourrait nous amener à considérer le troisième alinéa de l'article 2129 C.c.Q. et dans ce cas, le profit perdu pourrait être réclamé. À ce chapitre, Emli n'a pas établi telle preuve de profit non réalisé à titre de « tout autre préjudice ».

Ø      Montant dû à Emli

[116]       Afin d'établir la proportion pour le profit et l'administration ainsi que les montants dus à Emli, le Tribunal suggère de procéder comme suit :

116.1.     établir la valeur nette des travaux* à réaliser par Emli ; le résultat est : 176 210 $ ;

116.2.     établir la valeur nette des travaux réalisés par Emli ; le résultat est : 144 610 $ ;

116.3.     établir le pourcentage ou la proportion de travaux réalisés ; le résultat est : 82 % ;

(valeur nette du contrat réalisé / valeur nette du contrat à réaliser)

116.4.     établir le profit et l'administration payable à Emli suivant la proportion des travaux réalisés ; le résultat est : 12 300 $ et 4 920 $ ;

116.5.     établir le montant dû à Emli.

[(valeur nette des travaux réalisés + administration et profit) paiements de Savard]

[117]       Voici le détail du calcul :

 

 

Ø Valeur nette des travaux à réaliser

a)     Prix convenu au contrat tenant compte de la valeur des deux terrains                                                                    (180 000 $ + 30 000 $)             210 000 $

b)     Travaux supplémentaires :

—  système de chauffage                                                                          5 000 $

   travaux requis par Savard document signé par Savard et admis par ce dernier                                                                                               2 310 $

total partiel ………………………………………………..         217 310 $

MOINS

c)      Travaux retirés à Emli et confiés à Savard (pièce D-2) lettre 14 mai 2004 reconnue par la facture de Emli et admis                                         ( 20 100 $ )

total partiel, Valeur des travaux à réaliser :……………                                                                                                                  197 210 $

MOINS

d)     Profits et administration : …………………………………..                (21 000 $)

Valeur nette des travaux à réaliser : …………………….                                                                                                                  176 210 $

Ø Valeur nette des travaux réalisés

Pour établir la valeur nette des travaux réalisés, le Tribunal devra tout d'abord déterminer la valeur des travaux qui n'ont pas été réalisés par Emli en tout ou en parties et déduire ces montants de la valeur des travaux à réaliser établis ci-haut.

e)     Travaux que Emli n'avait pas réalisés au 15 juin 2004 (pièce R-16, signet II)

(crépit, brique, vinyle, escalier de bois, volutes, cuivre)                                      26 500 $

f)        Trois éléments estimés par Emli (pièce R-16, signet II)

Le Tribunal tiendra cette estimation pour véritable quant aux travaux :

1. en électricité :                                                                                             650 $

2. en plomberie :                                                                                            700 $

3. de peinture, le Tribunal estime les travaux qui restaient à réaliser à :                                                                                                                   2 400 $

g)     Le Tribunal estime de plus que les travaux pour tirer les joints et les sabler ont été en partie réalisés et estime que la valeur des travaux qu'ils restent à réaliser est de :                                                                                           1 050 $

h)      Finalement, Emli a admis ne pas avoir fourni un broyeur à déchets, estimé par le Tribunal à :                                                                                            300 $

Valeur des travaux non réalisés par Emli …………………….               (31 600 $)

Valeur des travaux réalisés par Emli :……………………...                                                                                                                  165 610 $

(197 210 $ - 31 600 $)

MOINS

i)        Profits et administration : …………………………………..                (21 000 $)

Valeur nette des travaux réalisés ..……………………….                                                                                                                  144 610 $

[118]       Aux fins d'établir la proportion du profit et de l'administration, le calcul dans le présent cas doit tenir compte de la valeur nette des travaux réalisés et à réaliser. La proportion est donc de 144 610 $ / 176 210 $ = 82 %.

[119]       Puisque dans le présent dossier les montants de profit et d'administration sont distincts du prix pour la réalisation des travaux, la proportion du profit et de l'administration se calculera comme suit :

Ø      Profit 15 000 $ x 82 % = 12 300 $

Ø      Administration 6 000 $ x 82 % = 4 920 $

[120]       Le montant dû à Emli s'établit selon le calcul suivant :

Ø      Valeur nette des travaux réalisés par Emli :                                 144 610 $

proportion du profit :                                                                           12 300 $

proportion de l'administration :                                                            4 920 $

                        Total :                                                                                                       161 830 $

[121]       Du montant dû à Emli, doivent être déduits les paiements de Savard :

Ø      Montants payés par Savard :                                                       (85 334 $)

Ø      Paiements directs par Savard aux

sous-traitants en ventilation :                                                              (5 000 $)

Total dû à Emli :                                                                                       71 496 $

[122]       Quant aux frais d'expertises de l'architecte Reeves, le Tribunal, reconnaissant l'utilité de ses expertises et de sa présence à la Cour, accordera les montants conformément à la pièce R-21 :

Ø      les frais d'expertises de monsieur Jacques Reeves, architecte, sont de 3 447,70 $, 2 691,58 $ et 2 539,69 $, à cette somme s'ajoute sa présence à la Cour qui a été nécessaire pendant 3 jours, afin d'entendre les témoins experts de la partie adverse et rendre lui-même son témoignage. En conséquence, 800 $ par jour, incluant les taxes, seront ajoutés comme frais, pour une somme totale de 11 078,97 $.

9. Quelle a été l'utilité des rapports d'expertises ?

[123]       Quatre (4) rapports ont été soumis, deux (2) par Savard, soit par l'ingénieur René Vincent du 15 juillet 2004 et l'ingénieur René Guilmaine du 2 décembre 2004. Emli a soumis deux (2) rapports de l'architecte Jacques Reeves des 5 septembre 2005 et 21 juin 2007.

[124]        Le rapport de l'ingénieur Vincent est précis, clair et correctement articulé. Son mandat vise à vérifier :

« … les éléments qui n'étaient pas complétés au jour de notre visite, et pour émettre des commentaires quant aux travaux qui n'ont pas été réalisés correctement ou qui ont dû l'être par le mandant ou ses représentants. »

[125]       Le rapport traite des déficiences vues par l'expert le 22 juin 2009. Parmi ces déficiences, certaines pouvaient avoir des conséquences importantes si elles n'étaient pas corrigées. Tel que, la pose de solins par-dessus la membrane d'étanchéité à l'air, la fenestration inadéquate, le dégagement de l'escalier du sous-sol.

[126]       Savard a fait reprendre ces déficiences par ses ouvriers après le 16 juin 2004.

[127]       Considérant la conclusion sur la résiliation unilatérale et la preuve déficiente, quant aux coûts, soumise par Savard, le rapport d'expertise n'a pas d'utilité.

[128]       L'ingénieur Guilmaine reprend en détail les coûts de construction de la résidence et tente d'établir le pourcentage d'avancement des travaux et étayer la preuve de dommages de 30 904,51 $. Il retrouve aussi les coûts totaux payés par Savard. Le travail est considérable, mais inutile vu la conclusion sur la résiliation unilatérale.

[129]       D'autre part, la conclusion sur l'achèvement des travaux à 64 % par Guilmaine est fausse. L'expert calcule les coûts encourus par Savard, pour terminer les travaux à sa satisfaction, et suivant ses exigences, et compare le tout avec les coûts budgétés par Emli à sa soumission. Par exemple :

 

Ø      évaluation de plomberie par Emli : 7 000 $

Ø      coût de finalisation des travaux de plomberie par Savard : 5 950 $

le montant retenu par Guilmaine de 1 050 $ démontrerait que l'avancement des travaux de Emli en matière de plomberie ne serait que de 15 % soit 1 050 $ sur 7 000 $.

[130]       Ce calcul est faux. Les travaux exécutés par Savard sont à tout coup supérieurs à ceux estimés par Emli et ils prennent en considération les coûts supplémentaires de la reprise par un nouveau plombier exécutant des travaux à un tarif horaire plutôt qu'à un prix forfaitaire et suivant les exigences de Savard. De plus, la reprise de déficiences, dont le coût est normalement absorbé gratuitement par l'entrepreneur spécialisé qui est responsable de ses déficiences, est tenue en compte par Guilmaine comme faisant partie de travaux contractuels réalisés par Savard, ce qui est inexact pour établir le pourcentage d'avancement des travaux.

[131]       Le rapport est déficient quant à sa conclusion et le calcul du cumulatif des factures ne nécessite pas l'expertise d'un ingénieur. Ce rapport est inutile.

[132]       Quant au rapport de l'architecte Reeves, il vise à nuancer les rapports déposés par Savard. Ces deux rapports mettent en perspective le coût peu élevé de la soumission de Emli par rapport au coût d'exécution des travaux. Ces rapports ont été utiles pour nuancer ou écarter les rapports de Savard.

10. Y-a-t-il prescription du recours contre certains défendeurs ?

[133]       Savard et Terrasses prétendent que l'action de Emli est prescrite. Ces défendeurs ont été poursuivis par Emli le 15 juin 2007 suite à la signification de la requête introductive d'instance amendée qui les ajoutait comme défendeurs.

[134]       La conclusion de Emli demande une condamnation solidaire des 3 défendeurs relativement au solde contractuel de 149 389 $ et la réclamation en dommages de 50 000 $.

[135]       Savard et Terrasses invoquent la prescription de trois (3) ans argumentant que Emli a été congédiée le 15 juin 2004 et que la requête introductive d'instance amendée a été introduite le 15 juin 2007.

[136]       Soulignons que le départ du calcul de la prescription relativement au contrat d'entreprise s'établit comme suit :

« 2116.  La prescription des recours entre les parties ne commence à courir qu'à compter de la fin des travaux, même à l'égard de ceux qui ont fait l'objet de réserves lors de la réception de l'ouvrage. »

[137]       Or, la preuve a révélé que les travaux n'ont pas été complétés avant septembre 2004 par Savard. La date exacte de la fin des travaux n'a pas été établie, mais la procédure prise le 15 juin 2007 l'a été à l'intérieur du délai de trois (3) ans.

[138]       D'autre part, l'examen des dispositions de l'article 2879 C.c.Q. met de côté cette hypothèse de prescription si l'on devait considérer la fin des travaux comme étant le 15 juin 2004.

Pour ces motifs, le Tribunal :

Condamne les défendeurs Services de rénovation R.S. inc. et Roger Savard à payer à la demanderesse, Emli Construction inc., la somme de 71 496 $ avec les intérêts et l'indemnité additionnelle à compter du 16 juillet 2004, date de la signification de l'avis d'hypothèque légale ;

Condamne Services de rénovation R.S. inc. et Roger Savard à payer à la demanderesse, Emli Construction inc., à titre de frais, les honoraires professionnels d'expertises s'élevant à la somme de 11 078,97 $ à laquelle devra s'ajouter les intérêts et l'indemnité additionnelle à compter du présent jugement ;

Condamne Services de rénovation R.S. inc. et Roger Savard à payer les entiers dépens sur l'action en Demande ;

Rejette la Défense et demande reconventionnelle de Service de rénovation R.S. inc. avec dépens. Les dépens devront être calculés sur le montant de l'action en Demande reconventionnelle de 200 293,94 $ considérant des montants réclamés aux paragraphes 35a, 35b et 35d de la Demande reconventionnelle ;

Rejette l'action de Emli Construction inc. contre Construction les Terrasses du Moulin inc., sans frais ;

Ordonne à l'Officier de la publicité des droits de la circonscription foncière de Verchères de procéder à la radiation des inscriptions portant les numéros 11543053 et 11761809 ainsi que de l'avis d'adresse 6150904 grevant l'immeuble ci-après décrit :


 

désignation

« L'immeuble étant connu et désigné comme étant la subdivision un (1) du lot originaire trois cent quarante (340) au cadastre de la paroisse de Sainte-Julie, circonscription foncière de Verchères ;

Avec bâtisse dessus, construite, circonstances et dépendances ayant comme numéro le [...] à Sainte-Julie, province de Québec. »

 

 

 

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Yves Poirier, J.C.S.

 

Me Jean Cantin

Étude Jean Cantin

Procureur de la partie Demanderesse / Défenderesse reconventionnelle

 

Me Frédéric Sylvestre

Sylvestre & Associés

Procureurs de la partie Défenderesse / Demanderesse reconventionnelle

Procureurs des parties Codéfenderesses

 

 

Date d’audience :

9 au 13 novembre 2009

 



[1] D.H. KAUFFMAN et G. GILAIN, The Construction Hypothec, Wilson & Lafleur Ltée, Montréal 2007, p.24 ;

[2] Berlan Systems Inc. c. F.L.S. Transportation Services Inc., REJB 2004-65679 (C.A.) ;

[3] Mole Construction inc. c. LaSalle (Ville de), (C.A., 1996-08-09), SOQUIJ AZ-96011778 , J.E. 96-1635  ;

[4]  Pelouse Agrostis Turf inc. c. Club de golf Balmoral, Juge Julien Lanctôt, C.S., Terrebonne (Saint-Jérôme), 700-17-000427-996, 2001-05-23, SOQUIJ AZ-50187868  ;

[5] Bau-Québec ltée c. Ste-Julie (Ville de), (C.A., 1999-10-26), SOQUIJ AZ-50067906 , J.E. 99-2100 , [1999] R.J.Q. 2650  ;

* Aux fins des présentes, le terme « valeur nette des travaux » correspond à la valeur de ces travaux moins l'administration et le profit.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.