Courchesne c. Rénovation-Trust inc. |
2021 QCCQ 11745 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT D’ |
ABITIBI |
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LOCALITÉ DE |
VAL-D’OR |
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« Chambre civile » |
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N° : |
615-32-700258-203 |
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DATE : |
9 novembre 2021 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
JEAN-PIERRE GERVAIS, J.C.Q. |
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GÉRALD COURCHESNE |
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Partie demanderesse |
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c. |
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RÉNOVATION-TRUST INC. |
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Partie défenderesse |
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et |
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1063-4638 CANADA INC. |
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Appelée en garantie |
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur poursuit la défenderesse alléguant que les thermopompes acquises de cette dernière, au lieu de lui procurer des économies en termes de coût de chauffage, entraînent des déboursés additionnels.
[2] Outre de nier ceci de manière vigoureuse, Rénovation-trust inc. appelle en garantie l’intermédiaire responsable de la vente desdits équipements, en soutenant que si fausse déclaration il y a eue, c’est le fait de ce dernier.
Contexte
[3] La défenderesse Rénovation-trust inc. se présente comme une entreprise qui, pour élargir ses activités, a décidé d’ajouter à celles-ci la vente et l’installation de thermopompes. Ne disposant pas de l’équipe de vente requise, elle a conclu une entente avec 1063-4638 Canada inc. afin que cette dernière assure la mise en marché des produits qu’elle distribue. Donc, en ayant recours à des vendeurs itinérants, on approche de potentiels clients pour leur offrir de munir leur résidence de tels équipements avec comme promesse qu’ils feront des économies appréciables sur leur facture de chauffage.
[4] Séduit par cet argument, le 2 juin 2018 monsieur Courchesne se procure deux de ces appareils. Un premier assure la climatisation et le chauffage de la partie avant de sa maison unimodulaire et un second faisant la même tâche pour l’arrière, où se trouvent les chambres. Il espère ainsi ne plus avoir à utiliser son système central au mazout qui lui coûte approximativement 3 000 $ en carburant par année.
[5] Malheureusement, une fois installés, les appareils ne livrent pas la performance promise puisqu'un des deux ne fonctionne tout simplement pas, avec comme résultat que, bien qu’il en consomme une quantité moindre, il doit tout de même appeler son fournisseur de mazout pour un remplissage, et ce, à deux reprises.
[6] Il s’en plaint évidemment à la défenderesse qui envoie sur place un sous-traitant, Air Confort Dépôt inc., le 22 février 2019 afin d’identifier le problème. Celui-ci rédige un rapport sur lequel on lit :
-Vérifier sur la machine la sonde temperature si Bien Placé
Relocaliser la sonde
-2e machine installe directement au sol sur un toit
Il faut la Relocaliser et la soulever du sol
ELLE NE FONCTIONNE PAS Code L3
-enlever Grillage [illisible][1] (sic)
[7] Ce genre de travaux étant difficile à faire en plein hiver, on lui dit qu’on y procédera l’été suivant. Dans l’intervalle, le demandeur fait parvenir à la défenderesse deux factures d’achat de mazout que celle-ci accepte de rembourser.
[8] Cependant, en même temps qu’elle envoie le second chèque, elle joint un document intitulé : Déclaration de règlement final quittance.
[9] On y lit qu’en considération de ces paiements, monsieur Courchesne convient de ce qui suit :
[…] Je renonce à toute réclamation et/ou recours relativement à cette transaction, incluant une plainte devant l’Office de Protection du Consommateur du Québec et/ou des procédures judiciaires en résiliation ou en annulatio du contrat de vente précité.
La présente renonciation n’a pas pour effet d’annuler ou de réduire de quelque façon que ce soit les garanties accordées lors de la vente du 8 juin 2018.
Plus spécifiquement, cette remise est donnée à titre de règlement complet et final à l’égard de tout droit, dommage ou recours relativement à l’achat d’équipements de chauffage et de climatisation précité, que je peux, pouvais ou pourrais avoir contre Rénotrust, […][2] (sic)
[10] La lettre qui accompagne ce document, qui se veut être une transaction au sens du Code civil, mentionne ceci :
[…] Nous ne continuerons pas de dialogue et/ou de correspondance avec vous concernant les factures d’Hydro-Québec et la relocalisation éventuelle de vos équipements tant que vous n’aurez pas signé et renvoyé cette déclaration dans l’enveloppe ci-jointe. […][3]
[11] Le demandeur refusant de signer, alors le dialogue se rompt et la seconde thermopompe n’est jamais réinstallée convenablement.
[12] Le résultat en est que celle-ci gèle et se couvre de glace par temps froid, ce qui nuit à son bon fonctionnement. Monsieur Courchesne doit alors, à l’aide d’eau chaude, la dégager et casser la glace qui la recouvre. Il dit que cette opération, qu’il doit effectuer régulièrement, exige de lui une bonne heure à chaque fois.
[13] Outre de se plaindre de l’inaction du commerçant, le demandeur réclame une somme équivalente à l’économie, en termes de chauffage, dont il estime avoir été privé due au mauvais fonctionnement de la thermopompe.
[14] Appelé à étoffer son raisonnement, il explique qu’avant l’installation de celles-ci sa facture d’électricité s’élevait à 47,50 $ par mois, ayant adhéré au mode de versements égaux d’Hydro-Québec. Depuis, toujours selon le même plan, il doit verser 114,46 $ mensuellement.
[15] Par contre, depuis l’hiver 2019 il n’a pas eu à remplir son réservoir de mazout, le recours à son chauffage central n’ayant été nécessaire que par très grand froid du fait que les thermopompes sont inefficaces, de toute manière, dans ces circonstances.
[16] Le demandeur estime à 2 000 $ la somme qu’il est en droit de réclamer pour compenser cette dépense accrue en électricité.
[17] Il exige également que la défenderesse lui verse 3 000 $ pour les troubles et inconvénients qui découlent du mauvais fonctionnement du système, notamment son obligation de le déglacer de manière régulière ce qui ne devrait pas être nécessaire.
[18] Enfin, il est d’avis que l’octroi par le Tribunal de 5 000 $ à titre de dommages punitifs est justifié compte tenu du refus de Rénovation-trust inc. de remédier à son défaut.
[19] De son côté, la défenderesse estime avoir pleinement respecté ses obligations en livrant un système qui à son avis est fonctionnel et ne présente aucune défaillance.
[20] Malgré la note de service de son sous-traitant, elle croit que le principal problème vient du fait que monsieur Courchesne laisse la seconde thermopompe exposés aux intempéries ce qui provoque du gel et de la glace. La protéger d’un abri serait une solution simple, qu’il appartenait au demandeur de mettre en place.
[21] Monsieur André Martin, président de la défenderesse, lorsque questionné sur la question de savoir pourquoi un des appareils fonctionne sans faille alors que l’autre éprouve les problèmes mentionnés plus avant, émet l’hypothèse, sans les avoir vus, que le premier est mieux abrité que le second.
[22] Bien que ceci vienne en contradiction avec ce qu’il dit, il confirme par ailleurs que n’eût été du refus de Monsieur Courchesne de signer la quittance, il aurait mandaté de nouveau le sous-traitant pour remédier au problème. Cependant, craignant que le demandeur continue de revendiquer un dédommagement, il a choisi de ne procéder à aucun correctif si le document soumis n’était pas accepté.
[23] Voici donc à quoi se résume l’essentiel de la preuve présentée dans le présent dossier.
Analyse
[24] Tel que mentionné en introduction de ce jugement, la réclamation du demandeur comporte trois rubriques. La première concerne les coûts excédentaires d’électricité, la seconde une compensation des troubles et inconvénients subis et la troisième l’octroi de dommages punitifs.
[25] Pour ce qui est de ce que monsieur Courchesne estime avoir payé en trop en termes d’énergie pour assurer le chauffage de sa résidence, le Tribunal estime que sa demande est irrecevable et voici pourquoi.
[26] Avant l’installation des thermopompes, le demandeur explique que, réparti sur l’année, il doit débourser mensuellement 260 $ pour le mazout qui alimente le chauffage central. À ceci s’ajoute 47.50 $ pour les autres besoins en électricité.
[27] Après la mise en place du nouveau système, si l'on fait abstraction du premier hiver pour lequel il a déjà reçu une compensation, il doit débourser 114,46 $ par mois pour l’électricité incluant ce qui est nécessaire pour faire fonctionner les deux thermopompes. Outre une utilisation marginale de son système au mazout lors de très grands froids, ceci comble ses besoins en termes de chauffage et de climatisation.
[28] En somme, avant l’achat des thermopompes il devait débourser 260 $ par mois pour son chauffage et maintenant sa consommation totale d’énergie a chuté de plus de la moitié. En conséquence, on doit se rendre à l’évidence qu’à ce sujet les représentations du vendeur étaient exactes et que le demandeur fait des économies appréciables.
[29] Soulignons qu’une des raisons pour laquelle il ne voit pas les choses sous cet angle est qu’il inclut dans l’équation ce qu’il en coûte mensuellement pour payer l’achat du système, soit approximativement 160 $.
[30] Le Tribunal considère qu’il n’est pas logique d’inclure le prix des thermopompes pour évaluer l’économie d’énergie réalisée. En conséquence, cette partie de la réclamation est non fondée.
[31] La seconde rubrique de la demande porte sur les troubles et inconvénients qui résultent de la décision de la défenderesse de ne pas honorer ses obligations en refusant d’effectuer les correctifs nécessaires pour que le système soit correctement installé et cesse d’être attaqué par le gel et la glace.
[32] L’affirmation de monsieur Martin, comme quoi la composante est fonctionnelle et qu’aucune intervention de leur part n’est requise, est tout à fait incohérente avec son propre discours et les démarches faites par le passé pour corriger la situation.
[33] Rappelons qu’en février 2019, il mandate un sous-traitant qui se rend sur place et rédige un rapport à l’effet que l’une des deux thermopompes est mal installée et doit être relocalisée. Dans une correspondance ultérieure, la défenderesse convient de le faire au printemps, vu que l’hiver n’est pas un moment propice pour y procéder.
[34] Plus tard, on décide purement et simplement de ne pas donner suite à cet engagement au motif que monsieur Courchesne refuse de signer un document de quittance qui dégage la défenderesse de certaines de ses obligations.
[35] Non seulement le demandeur n’avait absolument aucune obligation d’adhérer à une telle transaction, mais il est au contraire parfaitement compréhensible qu’il ait refusé de le faire compte tenu de son libellé équivoque.
[36] Il est faux de dire, comme le prétend monsieur Martin, que les droits de son client sont entièrement préservés par la mention comme quoi la garantie demeure applicable, puisqu’en signant le document tel que rédigé, il renonçait à certains de ceux-ci.
[37] Le commerçant a donc été fautif en ne donnant pas suite à ses engagements, avec comme résultat qu’encore aujourd’hui la thermopompe fonctionne peut-être, mais nécessite un déglaçage régulier, ce qui est anormal.
[38] Le consommateur a donc le droit d’être compensé pour les inconvénients qui résultent de ceci. Il est par contre bien difficile d’établir avec précision la valeur du préjudice subi jusqu’à maintenant. On comprend que, conséquence de l’attitude du commerçant et de son refus d’honorer ses obligations, monsieur Courchesne doit veiller à l’entretien de l’une de ces deux thermopompes, ce qui ne devrait pas être requis. Compte tenu des inconvénients qui en découlent et des démarches qu’il a dû entreprendre, le Tribunal arbitre à la somme de 1 500 $ ce qui doit être alloué à ce titre.
[39] Maintenant, en ce qui concerne le dernier poste de la réclamation, soit l’octroi de dommages punitifs, c’est l’article 272 de la Loi sur la protection du consommateur[4] qui prévoit cette possibilité.
272. Si le commerçant ou le fabricant manque à une obligation que lui impose la présente loi, un règlement ou un engagement volontaire souscrit en vertu de l’article 314 ou dont l’application a été étendue par un décret pris en vertu de l’article 315.1, le consommateur, sous réserve des autres recours prévus par la présente loi, peut demander, selon le cas:
a) l’exécution de l’obligation;
b) l’autorisation de la faire exécuter aux frais du commerçant ou du fabricant;
c) la réduction de son obligation;
d) la résiliation du contrat;
e) la résolution du contrat; ou
f) la nullité du contrat,
sans préjudice de sa demande en dommages-intérêts dans tous les cas. Il peut également demander des dommages-intérêts punitifs [nos soulignés].
1978, c. 9, a. 272; 1992, c. 58, a. 1; 1999, c. 40, a. 234.
[40] La conclusion qui s’impose est exactement la même que celle tirée quant au chef de réclamation précédent, soit que la défenderesse a manqué à ses obligations lors de l’installation de l’un des appareils. Au surplus, lorsqu’est venu le temps de corriger le tout, elle a refusé de le faire, exigeant une quittance qu’elle n’était pas en droit d’obtenir.
[41] Non seulement ce comportement va à l’encontre de la loi et des engagements pris, mais ne peut faire autrement que de soulever des doutes sur la bonne foi du commerçant. Conséquemment, il s’agit d’une situation qui se prête à l’octroi de dommages punitifs permettant de condamner une façon de faire qui est commercialement blâmable.
[42] Encore ici, l’évaluation de ce qui doit être alloué n’est pas un exercice simple. Mais gardant à l’esprit qu’il s’agit de lancer un message clair comme quoi ce type d’agissements n’est pas toléré, le Tribunal fixe à 2 000 $ ce qui doit être accordé à ce titre.
[43] Avant de conclure, voici ce qu’il y a lieu de dire concernant l’appel en garantie de la société 1063-4638 Canada inc. par la défenderesse.
[44] Rappelons, dans un premier temps, que celle-ci a agi comme démarcheur afin de trouver des clients intéressés par les produits qu’offrait Rénovation-trust inc. En bref, ladite entreprise utilise son équipe de vente pour mousser les affaires de la défenderesse.
[45] Le Tribunal ne voit rien dans la preuve qui puisse suggérer, d’une manière ou d’une autre, que l’appelée en garantie a commis une faute quelconque en lien avec la présente affaire. En fait, il est impossible de comprendre le raisonnement sur lequel s’appuie la défenderesse pour vouloir rechercher la responsabilité de ce tiers.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
ACCUEILLE la demande;
CONDAMNE la défenderesse
à verser au demandeur la somme de 1 500 $, en plus de l’intérêt au
taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
CONDAMNE la défenderesse
à verser au demandeur la somme de 2 000 $ à titre de dommages
punitifs, en plus de l’intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle
prévue à l’article
REJETTE l’appel en garantie contre 1063-4638 CANADA INC.;
CONDAMNE la défenderesse aux frais de justice.
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__________________________________ Jean-Pierre Gervais, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
6 octobre 2021 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.