Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jean-sur-Richelieu

12 octobre 2005

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossier :

246584-62A-0410

 

Dossier CSST :

126056084

 

Commissaire :

Me Johanne Landry

 

Membres :

Mario Lévesque, associations d’employeurs

 

Carmen Surprenant, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Restaurant MacDonald’s

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Mélanie Larin

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 26 octobre 2004, la compagnie Restaurant MacDonald’s (l’employeur) dĂ©pose Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles une requĂŞte par laquelle il conteste une dĂ©cision de la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail (la CSST) rendue le 15 octobre 2004 Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative.

[2]                Par cette dĂ©cision, la CSST « se dĂ©clare sans compĂ©tence pour statuer sur la demande de rĂ©vision du 5 aoĂ»t 2004 concernant sa lettre du 23 juillet 2004 Â».

[3]                La CSST est intervenue au dossier devant la Commission des lĂ©sions professionnelles comme le permet l’article 429.16 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[4]                Ă€ l’audience tenue le 15 mars 2005 Ă  St-Jean-sur-Richelieu, l’employeur est reprĂ©sentĂ© et madame MĂ©lanie Larin (la travailleuse) est prĂ©sente. La CSST est absente.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]                L’employeur demande Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles de dĂ©clarer que la « lettre Â» du 21 juillet 2004 est une dĂ©cision au sens de la loi, que sa contestation est recevable et de dĂ©terminer que l’indemnitĂ© de remplacement du revenu Ă  laquelle a droit la travailleuse doit ĂŞtre Ă©tablie sur la base de son revenu rĂ©ellement gagnĂ© et non sur la base du salaire minimum annuel.

LES FAITS

[6]                Le 13 avril 2004, alors qu’elle est au service de l’employeur depuis aoĂ»t 2003, la travailleuse est victime d’un accident du travail.

[7]                Au formulaire « Avis de l’employeur et demande de remboursement Â», l’employeur indique que le revenu gagnĂ© au cours des 12 derniers mois est de 6 721 $, que le contrat de travail est Ă  temps plein et la rĂ©munĂ©ration Ă  taux fixe.

[8]                Le 21 juillet 2004, l’employeur demande par Ă©crit, Ă  la CSST, de dĂ©terminer que l’indemnitĂ© de remplacement du revenu de la travailleuse doit ĂŞtre basĂ©e sur son « manque Ă  gagner rĂ©el Â» soit la somme de 8 940 $ et non sur la base du salaire minimum en vigueur au moment de l’évĂ©nement (15 225 $).

[9]                Le 23 juillet 2004, la CSST rĂ©pond Ă  l’employeur. Sa « lettre Â» signĂ©e par un avocat de la CSST se lit comme suit :

Vos lettres du 21 juillet 2004 m’ont été remises pour que j’y donne suite.

 

Dans ces dossiers, les réclamations des travailleuses ont été acceptées et elles reçoivent des indemnités de remplacement du revenu. Les indemnités ont été calculées conformément à l’article 65 de la LATMP. Puisque le législateur a fixé un barème plancher pour l’application de la loi, il n’y a pas lieu de rendre une décision sur cette question.

 

En conséquence, veuillez considérer la présente lettre comme une lettre d’information et non comme une lettre de décision puisque la CSST n’a pas l’obligation de rendre une décision sur cette question puisqu’il s’agit ici de l’application automatique d’une disposition prévue par le législateur.

 

 

[10]           La travailleuse tĂ©moigne Ă  l’audience. Avant de dĂ©buter chez l’employeur en aoĂ»t 2003, elle occupait un emploi chez « Dollars Plus Â». Elle travaillait entre 35 et 40 heures par semaine, au salaire minimum. Chez l’employeur, son horaire variait entre 15 et 40 heures par semaine. Le 13 avril 2004, elle gagnait 7,40 $ de l’heure. La travailleuse  mentionne qu’elle avait avisĂ© l’employeur qu’elle Ă©tait disponible Ă  temps plein et que deux semaines avant son accident du travail, on lui avait dit qu’elle pourrait travailler Ă  temps plein.

L’AVIS DES MEMBRES

[11]           ConformĂ©ment Ă  la loi, la soussignĂ©e a reçu l’avis du membre issu des associations d’employeurs et de la membre issue des associations syndicales ayant siĂ©gĂ© auprès d’elle dans la prĂ©sente affaire.

[12]           Le membre issu des associations d’employeurs et la membre issue des associations syndicales sont tous les deux d’avis que la « lettre Â» du 23 juillet 2004 constitue une dĂ©cision au sens de la loi.

[13]           Sur le fond du litige, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que l’indemnitĂ© de remplacement du revenu doit ĂŞtre Ă©tablie sur la base du revenu rĂ©ellement gagnĂ© de la travailleuse, tel que prĂ©vu Ă  l’article 67 de la loi en conformitĂ© avec la dĂ©cision de la Cour supĂ©rieure Ă  laquelle se rĂ©fère l’employeur.

[14]           La membre issue des associations syndicales est plutĂ´t d’avis qu’il y a lieu de confirmer la dĂ©cision de la CSST qui est d’appliquer l’article 65 de la loi et de conclure qu’aux fins de l’indemnitĂ© de remplacement du revenu, le revenu d’emploi de la travailleuse correspond au salaire minimum annuel en vigueur au moment de sa lĂ©sion professionnelle. 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[15]           La Commission des lĂ©sions professionnelles doit prĂ©alablement dĂ©terminer si la « lettre Â» du 23 juillet 2004 constitue une dĂ©cision au sens de la loi et le cas Ă©chĂ©ant, dĂ©cider sur quelle base l’indemnitĂ© de remplacement du revenu Ă  laquelle la travailleuse a droit doit ĂŞtre calculĂ©e.

 

[16]           L’article 349 de la loi Ă©dicte ce qui suit :

349. La Commission a compétence exclusive pour examiner et décider toute question visée dans la présente loi, à moins qu'une disposition particulière ne donne compétence à une autre personne ou à un autre organisme.

__________

1985, c. 6, a. 349; 1997, c. 27, a. 12.

 

 

[17]           Dans des cas similaires, la Commission des lĂ©sions professionnelles a dĂ©terminĂ© que la « lettre d’information Â» de la CSST Ă©tait une dĂ©cision au sens de loi et le tribunal partage cette interprĂ©tation.[2] Ainsi, le tribunal estime que l’employeur ayant demandĂ© Ă  la CSST de dĂ©terminer sur quelle base elle avait Ă©tabli l’indemnitĂ© de remplacement du revenu versĂ©e Ă  la travailleuse, la CSST devait rendre une dĂ©cision sur cette question.  La « lettre Â» du 23 juillet 2004 constitue donc la dĂ©cision de la CSST. 

[18]           ConsidĂ©rant que la CSST, en rĂ©vision administrative, ne s’est pas prononcĂ©e sur la question qui lui Ă©tait soumise, la Commission des lĂ©sions professionnelles en vertu de l’article 377 de la loi, rend la dĂ©cision qui aurait dĂ» ĂŞtre rendue en premier lieu.

[19]           Le travailleur victime d’une lĂ©sion professionnelle qui le rend incapable d’exercer son emploi a droit Ă  une indemnitĂ© de remplacement du revenu :

44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.

 

Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.

__________

1985, c. 6, a. 44.

 

 

[20]            Cette indemnitĂ© de remplacement du revenu est Ă©gale Ă  90 % du revenu net retenu qu’il tire annuellement de son emploi :

45. L'indemnité de remplacement du revenu est égale à 90% du revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi.

__________

1985, c. 6, a. 45.

 

 

[21]           Le revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi est Ă©gal Ă  son revenu brut annuel d’emploi moins le montant de certaines dĂ©ductions :

63. Le revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi est égal à son revenu brut annuel d'emploi moins le montant des déductions pondérées par tranches de revenus que la Commission détermine en fonction de la situation familiale du travailleur pour tenir compte de:

 

1°   l'impôt sur le revenu payable en vertu de la Loi sur les impôts (chapitre I-3) et de la Loi de l'impôt sur le revenu (Lois révisées du Canada (1985), chapitre 1, 5e supplément);

 

2°   la cotisation ouvrière payable en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (Lois du Canada, 1996, chapitre 23); et

 

3°   la cotisation payable par le travailleur en vertu de la Loi sur le régime de rentes du Québec (chapitre R-9).

 

La Commission publie chaque année à la Gazette officielle du Québec la table des indemnités de remplacement du revenu, qui prend effet le 1er janvier de l'année pour laquelle elle est faite.

 

Cette table indique des revenus bruts par tranches de 100 $, des situations familiales et les indemnitĂ©s de remplacement du revenu correspondantes.

 

Lorsque le revenu brut d'un travailleur se situe entre deux tranches de revenus, son indemnité de remplacement du revenu est déterminée en fonction de la tranche supérieure.

__________

1985, c. 6, a. 63; 1993, c. 15, a. 88; 1997, c. 85, a. 3.

 

 

[22]           Le revenu brut du travailleur est dĂ©terminĂ© suivant les articles 67 Ă  82 de la loi. L’article 67 de la loi pose la règle gĂ©nĂ©rale relative Ă  la mĂ©thode de calcul de ce revenu brut  alors que les articles 68 Ă  82 de la loi prĂ©voient la manière de dĂ©terminer le revenu d’un travailleur dans diffĂ©rentes situations particulières (travailleur saisonnier ou sur appel, travailleur sans emploi au moment de sa lĂ©sion professionnelle, travailleur qui subit une rechute, rĂ©cidive ou aggravation, travailleur occupant plus d’un emploi, travailleur autonome, travailleur recevant dĂ©jĂ  une indemnitĂ© de remplacement du revenu au moment de la lĂ©sion professionnelle, le travailleur ne pouvant exercer son emploi pendant plus de deux ans, l’étudiant, la personne considĂ©rĂ©e Ă  l’emploi du gouvernement et le travailleur bĂ©nĂ©vole). 

[23]           Dans le cas prĂ©sent, la travailleuse n’étant visĂ©e par aucun de ces cas particuliers, son revenu brut doit ĂŞtre dĂ©terminĂ© suivant l’article 67 de la loi :

67. Le revenu brut d'un travailleur est déterminé sur la base du revenu brut prévu par son contrat de travail et, lorsque le travailleur est visé à l'un des articles 42.11 et 1019.4 de la Loi sur les impôts (chapitre I-3), sur la base de l'ensemble des pourboires que le travailleur aurait déclarés à son employeur en vertu de cet article 1019.4 ou que son employeur lui aurait attribués en vertu de cet article 42.11, sauf si le travailleur démontre à la Commission qu'il a tiré un revenu brut plus élevé de l'emploi pour l'employeur au service duquel il se trouvait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle ou du même genre d'emploi pour des employeurs différents pendant les 12 mois précédant le début de son incapacité.

Pour établir un revenu brut plus élevé, le travailleur peut inclure les bonis, les primes, les pourboires, les commissions, les majorations pour heures supplémentaires, les vacances si leur valeur en espèces n'est pas incluse dans le salaire, les rémunérations participatoires, la valeur en espèces de l'utilisation à des fins personnelles d'une automobile ou d'un logement fournis par l'employeur lorsqu'il en a perdu la jouissance en raison de sa lésion professionnelle et les prestations en vertu de la Loi sur l'assurance-emploi (Lois du Canada, 1996, chapitre 23).

__________

1985, c. 6, a. 67; 1997, c. 85, a. 4.

 

 

[24]           Il ressort des articles 45 et 63 de la loi que pour dĂ©terminer l’indemnitĂ© de remplacement du revenu, le lĂ©gislateur a retenu le concept du revenu annuel[3] et que suivant l’article 67 de la loi, ce revenu annuel doit ĂŞtre dĂ©terminĂ© sur la base du contrat de travail.

[25]           Lorsque la travailleuse a subi sa lĂ©sion professionnelle, son contrat de travail  prĂ©voyait que son salaire Ă©tait de 7,40 $ de l’heure. Son horaire de travail variait entre 15 et 40 heures selon les besoins de l’employeur.

[26]           Puisque l’horaire de travail de la travailleuse varie d’une semaine Ă  l’autre, la CSST n’a pas annualisĂ© son salaire horaire comme elle l’aurait fait si celle-ci avait occupĂ© un emploi Ă  temps plein, c’est-Ă -dire 7,40 $ X 40 heures semaines X 52.14 semaines par annĂ©e, ce qui aurait donnĂ© un revenu de 15 433, 44 $.   

[27]           ConsidĂ©rant l’article 67 de la loi et donc en se basant sur le contrat de travail de la travailleuse, la CSST a plutĂ´t constatĂ© qu’au cours des 12 derniers mois prĂ©cĂ©dant son incapacitĂ©, celle-ci a gagnĂ© 8 940,00 $. Or, ce revenu annuel d’emploi est infĂ©rieur au revenu annuel dĂ©terminĂ© sur la base du salaire minimum en vigueur lorsque s’est manifestĂ©e la lĂ©sion professionnelle de la travailleuse, tel que prĂ©vu Ă  l’article 65 de la loi :

65. Aux fins du calcul de l'indemnité de remplacement du revenu, le revenu brut annuel d'emploi ne peut être inférieur au revenu brut annuel déterminé sur la base du salaire minimum en vigueur lorsque se manifeste la lésion professionnelle ni supérieur au maximum annuel assurable en vigueur à ce moment.

__________

1985, c. 6, a. 65.

 

 

[28]           La CSST, conformĂ©ment Ă  l’article 65 de la loi, a donc retenu comme Ă©tant le revenu brut annuel d’emploi de la travailleuse, le revenu brut annuel dĂ©terminĂ© sur la base du salaire minimum en vigueur lorsque s’est manifestĂ©e sa lĂ©sion professionnelle calculĂ© comme suit : (le salaire horaire minimum de 7,30 $[4] X une semaine normale de travail de 40 heures[5] X 52.14 semaines par annĂ©e), soit 15 225 $.

[29]           Dans sa plaidoirie, le procureur de l’employeur reconnaĂ®t que le prĂ©sent litige concerne l’application de l’article 65 de la loi. Il souligne qu’il faut par ailleurs se rĂ©fĂ©rer Ă  l’article 6 de la loi pour la notion du « revenu brut annuel dĂ©terminĂ© de la base du salaire minimum en vigueur lorsque se manifeste la lĂ©sion professionnelle Â». Cependant, il est en dĂ©saccord avec l’interprĂ©tation de la CSST. Il allègue qu’il existe deux courants jurisprudentiels sur cette question. Le premier courant conclut dans le sens de l’interprĂ©tation retenue par la CSST Ă  l’effet que l’article 65 de la loi prĂ©voit un seuil minimal d’indemnisation basĂ© sur le salaire minimum lequel, en vertu de l’article 6 de la loi, correspond Ă  la semaine normale de travail prĂ©vue Ă  la Loi sur les normes du travail[6]. Le second courant, par une interprĂ©tation diffĂ©rente de l’article 6 de la loi, conclut que la semaine normale de travail correspond Ă  la semaine rĂ©ellement travaillĂ©e. 

[30]           L’article 6 de la loi se lit comme suit :

6. Aux fins de la présente loi, la Commission détermine le salaire minimum d'un travailleur d'après celui auquel il peut avoir droit pour une semaine normale de travail en vertu de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1) et ses règlements.

 

Lorsqu'il s'agit d'un travailleur qui n'occupe aucun emploi rémunéré ou pour lequel aucun salaire minimum n'est fixé par règlement, la Commission applique le salaire minimum prévu par l'article 3 du Règlement sur les normes du travail (R.R.Q., 1981, chapitre N-1.1, r. 3) et la semaine normale de travail mentionnée à l'article 52 de la Loi sur les normes du travail, tels qu'ils se lisent au jour où ils doivent être appliqués.

__________

1985, c. 6, a. 6.

 

[31]           L’employeur demande donc au tribunal de retenir ce second courant Ă  l’effet que l’indemnitĂ© de remplacement du revenu devrait ĂŞtre basĂ©e sur la perte de revenu rĂ©elle.  Il s’appuie spĂ©cifiquement sur la dĂ©cision rendue par la Cour supĂ©rieure dans l’affaire MacDonalds et Nolet[7] et sur trois dĂ©cisions de la Commission des lĂ©sions professionnelles qui ont appliquĂ© cette interprĂ©tation[8].

[32]           Dans l’affaire MacDonald’s et Nolet, la travailleuse a subi une lĂ©sion professionnelle en 1998. Elle gagnait 7,25 $ de l’heure et travaillait en moyenne 15.45 heures par semaine. Ses gains rĂ©els pour l’annĂ©e de rĂ©fĂ©rence Ă©taient de 4 679,92 $.  La CSST a, comme dans le cas prĂ©sent, considĂ©rĂ© que ce revenu Ă©tait infĂ©rieur au revenu brut annuel dĂ©terminĂ© sur la base du salaire minimum tel qu’il est prĂ©vu aux articles  6 et 65 de la loi. Elle a conclu que le revenu brut annuel de la travailleuse aux fins de dĂ©terminer son indemnitĂ© de remplacement du revenu Ă©tait de 15 246 $, soit : (le salaire minimum de 6,80 $ l’heure multipliĂ© par la semaine normale de travail en vertu de la Loi sur les normes du travail qui Ă©tait alors de 43 heures X 52.14 semaines). Le juge BĂ©dard estime que la CSST a de cette façon Ă©tablit l’indemnisation de la travailleuse en tenant compte du salaire annuel qui lui serait versĂ© si elle travaillait Ă  temps plein, soit 23 heures par semaine, 52 semaines par annĂ©e, soit 15 246 $ et que la Commission des lĂ©sions professionnelles en retenant cette interprĂ©tation a dĂ©cidĂ© qu’elle Ă©tait fondĂ©e en droit « d’annualiser les revenus potentiels de la mise en cause, selon le maximum prĂ©vu Ă  la Loi sur les normes Â». Le juge BĂ©dard conclut qu’on ne peut, pour les seules fins du calcul de l’indemnitĂ© de remplacement du revenu, considĂ©rer une salariĂ©e occupant un emploi Ă  temps partiel comme Ă©tant une salariĂ©e occupant un emploi Ă  temps plein et qu’il faut s’en remettre au contrat de travail intervenu entre les parties. 

[33]           En premier lieu, le tribunal doit constater que si la CSST avait effectivement considĂ©rĂ© que la travailleuse occupait son emploi Ă  temps plein, elle aurait plutĂ´t retenu un revenu annuel de 16 211 $ (7, 25$ X 43 heures X 52 semaines). En second lieu, le tribunal doit Ă©galement constater que le juge BĂ©dard ne fait rĂ©fĂ©rence ni Ă  l’article 65 ni Ă  l’article 6 de la loi.  Par consĂ©quent et ceci dit en tout respect, le tribunal estime que cette dĂ©cision n’apporte pas l’éclairage nĂ©cessaire pour rĂ©pondre prĂ©cisĂ©ment Ă  la question qui fait l’objet du prĂ©sent litige.

[34]           Dans la dĂ©cision Godin, la travailleuse a subi une lĂ©sion professionnelle en 2004. Elleoccupait un emploi Ă  temps partiel Ă  raison de 20 heures par semaine pour un salaire annuel brut de 9 750 $. La CSST conformĂ©ment aux articles 65 et 6 de la loi, lui a versĂ© une indemnitĂ© de remplacement du revenu sur la base du revenu brut annuel d’emploi dĂ©terminĂ© sur la base du salaire minimum en vigueur au moment de sa lĂ©sion professionnelle du 9 mars 2004, soit : (7,30 $ X la semaine normale de travail de 40 heures X 52.14 semaines par annĂ©e = 15 225 $). 

[35]           La Commission des lĂ©sions professionnelles a infirmĂ© cette dĂ©cision et a conclu que l’indemnitĂ© de remplacement du revenu de la travailleuse devait ĂŞtre calculĂ©e sur la base de son revenu annuel brut rĂ©el de 9 750 $. Elle s’appuie essentiellement sur l’interprĂ©tation de l’article 6 de la loi retenue par la Commission des lĂ©sions professionnelles dans l’affaire Reid[9]. Elle fait valoir qu’à l’instar du commissaire dans cette affaire, elle comprend de l’article 6 de la loi« que la rĂ©fĂ©rence Ă  la semaine normale de travail n’est pas une invitation Ă  annualiser le revenu d’un travailleur pour qui la semaine normale de travail est de 20 heures, comme c’est le cas en l’espèce, et non de 40 heures Â». Dans la dĂ©cision Reid, la Commission des lĂ©sions professionnelles  s’était dit d’avis que l’expression « peut avoir droit Â» employĂ©e Ă  l’article 6 de la loi indique « qu’une semaine normale de travail peut varier d’un travailleur Ă  l’autre, Ă  savoir : une semaine de 15 h pour un travailleur Ă  temps partiel constitue sa semaine normale de travail Â». Dans la dĂ©cision Godin, la Commission des lĂ©sions professionnellesestime qu’en rĂ©fĂ©rant Ă  la Loi sur les normes du travail, le premier alinĂ©a de l’article 6 de la loi impose Ă  la CSST « le respect des dispositions concernant le salaire dans sa dĂ©termination du salaire minimum d’un travailleur. Ainsi, le salaire minimum qui sera considĂ©rĂ© devra ĂŞtre au minimum celui fixĂ© par règlement du gouvernement et aucun avantage ayant une valeur pĂ©cuniaire ne devra entrer dans le calcul de ce salaire minimum Â». Quant à  la rĂ©fĂ©rence Ă  l’article 52 de la Loi sur les normes du travail, elle considère que parce qu’elle n’est faite qu’au deuxième alinĂ©a de l’article 6 de la loi, elle « s’applique donc dans le cas d’un travailleur qui n’occupe aucun emploi rĂ©munĂ©rĂ© ou pour lequel aucun salaire minimum n’est fixĂ© par règlement Â». La Commission des lĂ©sions professionnelles conclut comme suit :

[39]      En l’espèce et compte tenu des circonstances propres au cas qui nous occupe, considérer le salaire minimum brut annualisé aux fins du calcul de l’indemnité de remplacement du revenu place la travailleuse dans une situation financièrement plus avantageuse par rapport à celle qui prévaut lorsqu’elle travaillait chez l’employeur. L’indemnité de remplacement du revenu qui lui est versée répare donc au - delà des conséquences réelles subies à la suite de la lésion professionnelle.

 

[40]      L’annualisation du salaire brut de la travailleuse ne correspond pas à la réalité puisqu’elle n’aurait pu, durant la période d’incapacité, travailler pour les autres employeurs identifiés à l’audience.

 

[41]      Pour toutes ces raisons, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il n’y avait pas lieu d’annualiser le salaire annuel brut de la travailleuse.

 

 

[36]           Dans la dĂ©cision MĂ©tro Canada Logistics, la travailleuse a subi une lĂ©sion professionnelle en janvier 2001. Elle occupait un emploi Ă  temps partiel au salaire horaire de 9,00 $. Pour la pĂ©riode de 12 mois prĂ©cĂ©dant le dĂ©but de  son incapacitĂ©, son revenu brut rĂ©el Ă©tait de 7 439,00 $.  La CSST conformĂ©ment aux articles 6 et 65 de la loi, lui a versĂ© une indemnitĂ© de remplacement du revenu sur la base du revenu brut annuel d’emploi dĂ©terminĂ©e sur la base du salaire minimum en vigueur au moment de sa lĂ©sion professionnelle, soit : (6,90 $ X la semaine normale de travail de 40 heures X 52.14 semaines par annĂ©e = 14 391,00 $). La Commission des lĂ©sions professionnelles, tout comme dans l’affaire Godin, a infirmĂ© cette dĂ©cision et conclut  que l’indemnitĂ© de remplacement du revenu de la travailleuse devait ĂŞtre calculĂ©e sur la base de son revenu annuel brut rĂ©el de 7 439,00 $.

[37]           Après avoir mentionnĂ© qu’elle devait dĂ©terminer la base salariale devant servir au calcul de l’indemnitĂ© de remplacement du revenu de la travailleuse, la Commission des lĂ©sions professionnelles estime que cette question est sujette Ă  controverse. Elle fait valoir qu’un courant jurisprudentiel considère que la loi vise Ă  indemniser le travailleur pour sa perte de capacitĂ© de gain plutĂ´t que sa perte rĂ©elle de gains et qu’aux fins du calcul de l’indemnitĂ© de remplacement du revenu, le revenu annuel brut ne peut ĂŞtre infĂ©rieur au salaire minimum en vigueur au moment de la survenance de la lĂ©sion professionnelle Ă©tabli sur une base annuelle selon l’article 65 de la loi.  Par ailleurs, l’autre courant s’appuyant particulièrement sur la dĂ©cision dans l’affaire Reid  et l’affaire McDonald’s et Drolet, considère que l’on doit compenser un travailleur pour la perte rĂ©elle qu’il subit.

[38]           Dans cette dĂ©cision, la Commission des lĂ©sions professionnelles estime, ainsi qu’elle l’avait fait dans l’affaire Godin, que l’on doit retenir l’interprĂ©tation donnĂ©e dans la dĂ©cision Reid. Par ailleurs, bien que constatant que la dĂ©cision de la Cour supĂ©rieure dans l’affaire MacDonald’s et Noletest «[…] succinte et ne [fait] pas Ă©tat de la controverse quant Ă  l'interprĂ©tation de l'article 65 et 67 de la loi Â» , la Commission des lĂ©sions professionnelles rappelle que le juge BĂ©dard a estimĂ© « dĂ©raisonnable l’annualisation de revenus potentiels selon le maximum prĂ©vu Ă  la Loi sur les normes du travail Â». Elle conclut :

[158]    La Commission des lésions professionnelles estime que c’est le salaire brut annuel d’emploi qui doit servir de base salariale, pour déterminer l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse et qu’on ne doit pas procéder à une annualisation du revenu de la travailleuse.

 

[159]    La travailleuse a établi qu’elle avait retiré un revenu brut de 7 139,00 $ dans les douze mois précédant son incapacité. C’est la réalité de la situation de la travailleuse.

 

[160]    Si l’on devait considérer le salaire minimum brut annualisé aux fins de calcul de l’indemnité de remplacement du revenu, on placerait celle-ci dans une situation financièrement plus avantageuse par rapport à celle qui prévaut lorsqu’elle travaillait chez l’employeur. L’indemnité de remplacement du revenu qui lui est versée réparerait donc au-delà des conséquences réelles subies à la suite de sa lésion professionnelle.

 

 

[39]           Dans l’affaire MarchĂ© ClĂ©ment des Forges, la dĂ©cision a Ă©tĂ© rendue par la mĂŞme commissaire que dans l’affaire Godin. La Commission des lĂ©sions professionnelles y a donc rĂ©itĂ©ré  essentiellement les motifs Ă  l’appui de sa dĂ©cision prĂ©cĂ©dente.

[40]           Premièrement, en tout respect, le tribunal ne partage pas l’interprĂ©tation de l’article 65 de la loi telle qu’on la retrouve dans ces trois dĂ©cisions.

[41]           Le tribunal estime que l’article 65 de la loi n’a pas pour but d’annualiser le revenu d’un travailleur Ă  temps partiel comme s’il travaillait Ă  temps plein. 

[42]           Cet article Ă©nonce qu’aux fins du calcul de l’indemnitĂ© de remplacement du revenu, le revenu brut annuel ne peut ĂŞtre infĂ©rieur au salaire minimum en vigueur au moment oĂą se manifeste la lĂ©sion professionnelle ni supĂ©rieur au maximum assurable en vigueur Ă  ce moment.  Le lĂ©gislateur a donc clairement voulu Ă©tablir un seuil minimal et un seuilmaximal d’indemnisation.

[43]           Parce que ces seuils minimal et maximal renvoient Ă  des donnĂ©es qui vont nĂ©cessairement varier dans le temps (l’article 65 de la loi rĂ©fère Ă  un minimum et un maximum en vigueur au moment oĂą se manifeste la lĂ©sion professionnelle), l’article 6 de la loi prĂ©voit de quelle façon ce salaire minimum sera dĂ©terminĂ© et l’article 66 prĂ©voit de quelle façon ce maximum assurable sera Ă©tabli.

[44]           Ainsi,  pour le travailleur qui occupe un emploi rĂ©munĂ©rĂ©, l’alinĂ©a 1 de l’article 6 de la loi rĂ©fère de façon gĂ©nĂ©rale Ă  la Loi sur les normes du travail et Ă  ses règlements. Pour le travailleur qui n’occupe aucun emploi rĂ©munĂ©rĂ© ou pour lequel aucun salaire minimum n’est fixĂ© par règlement, l’alinĂ©a 2 rĂ©fère de l’article 6 rĂ©fère de façon particulière Ă  l’article 52 de cette loi et Ă  l’article 3 du Règlement sur les normes du travail[10]

[45]           L’article 66 de la loi pour sa part, Ă©tablit la mĂ©thode de calcul du maximum assurable comme suit :

66. Pour l'annĂ©e 1985, le maximum annuel assurable est de 33 000 $.

 

Pour l'année 1986 et chaque année subséquente, le maximum annuel assurable est obtenu en multipliant le maximum pour l'année 1985 par le rapport entre la somme des rémunérations hebdomadaires moyennes des travailleurs de l'ensemble des activités économiques du Québec établies par Statistique Canada pour chacun des 12 mois précédant le 1er juillet de l'année qui précède celle pour laquelle le maximum annuel assurable est calculé et cette même somme pour chacun des 12 mois précédant le 1er juillet 1984.

 

Le maximum annuel assurable est Ă©tabli au plus haut 500 $ et est applicable pour une annĂ©e Ă  compter du 1er janvier de chaque annĂ©e.

 

Pour l'application du présent article, la Commission utilise les données fournies par Statistique Canada au 1er octobre de l'année qui précède celle pour laquelle le maximum annuel assurable est calculé.

 

Si les données fournies par Statistique Canada ne sont pas complètes le 1er octobre d'une année, la Commission peut utiliser celles qui sont alors disponibles pour établir le maximum annuel assurable.

 

 

Si Statistiques Canada applique une nouvelle méthode pour déterminer la rémunération hebdomadaire moyenne pour un mois donné, en modifiant la période ou le champ d'observation visé, et que la somme des rémunérations hebdomadaires moyennes pour une année au cours de laquelle Statistique Canada a appliqué une nouvelle méthode est supérieure ou inférieure de plus de 1% à la somme des rémunérations hebdomadaires moyennes établies selon les données de l'ancienne méthode, les rémunérations hebdomadaires moyennes à utiliser pour établir la moyenne annuelle pour chacune des années affectées par le changement de méthode sont ajustées par la Commission de façon à tenir compte des données selon la méthode appliquée par Statistique Canada le 19 août 1985.

__________

1985, c. 6, a. 66.

 

[46]           Pour le salaire minimum, l’article 6 de la loi fait donc rĂ©fĂ©rence Ă  la semaine normale de travail et au salaire horaire minimum prĂ©vus Ă  la Loi sur les normes du travail et ses règlements. Pour le maximum assurable, l’article 66 de la loi prĂ©voit une formule mathĂ©matique qui tient compte notamment des rĂ©munĂ©rations hebdomadaires moyennes des travailleurs de l’ensemble des activitĂ©s Ă©conomiques du QuĂ©bec. Dans les deux cas, il n’est pas question du revenu rĂ©ellement gagnĂ©.

[47]           Deuxièmement, le tribunal ne peut davantage souscrire Ă  l’interprĂ©tation des articles 6 de la loi proposĂ©e par l’employeur. Suivant ce raisonnement, le travailleur qui occupe un emploi rĂ©munĂ©rĂ© et qui gagne moins que le salaire horaire minimum reportĂ© sur une base annuelle, reçoit une indemnitĂ© de remplacement du revenu moindre que celui qui n’occupe aucun emploi rĂ©munĂ©rĂ© ou pour qui aucun salaire minimum n’est fixĂ© par règlement. Cette interprĂ©tation a pour effet de priver l’article 65 de la loi de son sens, qui est d’établir un seuil minimal d’indemnisation correspondant au salaire minimum pour une semaine normale de travail reportĂ©e sur une base annuelle.

[48]           Le tribunal estime plutĂ´t  que l’article 6 de la loi fait une distinction entre le travailleur qui occupe un emploi (premier alinĂ©a) et celui sans emploi rĂ©munĂ©rĂ© ou pour lequel aucun salaire minimum n’est fixĂ© par règlement (second alinĂ©a) pour les raisons suivantes.

[49]           L’article 3 du Règlement sur les normes du travail[11] (le règlement) auquel renvoie le deuxième alinĂ©a de l’article 6 de la loi, Ă©tablit le salaire minimum horaire payable Ă  un salariĂ©, « sauf dans la mesure prĂ©vue aux articles 4 et 4.1».

[50]           L’article 4 du règlement Ă©tablit le salaire minimum du salariĂ© Ă  pourboires et l’article 4.1 du règlement dĂ©termine le salaire minimum payable au salariĂ© affectĂ© principalement Ă  des opĂ©rations non mĂ©canisĂ©es reliĂ©es Ă  la cueillette de framboises, de fraises ou de pommes, lesquels salaires minimum sont diffĂ©rents de celui prĂ©vu Ă  l'article 3.

[51]           Pour sa part, l’article 52 de la Loi sur les normes du travail auquel renvoie le deuxième alinĂ©a de l’article 6 de la loi, Ă©dicte ce qui suit :

52. Aux fins du calcul des heures supplémentaires, la semaine normale de travail est de 40 heures, sauf dans les cas où elle est fixée par règlement du gouvernement.

1979, c. 45, a. 52; 1997, c.45, a.1; 2002, c. 80, a.13.

 

[52]           Effectivement, les articles 9, 10, 11, 12 et 13 du règlement dĂ©terminent une semaine normale de travail diffĂ©rente pour certains travailleurs :

9. La semaine normale de travail du gardien qui fait la garde d’une propriété pour le compte d’une entreprise de gardiennage est de 44 heures.

 

La semaine normale de travail de tout autre gardien est de 60 heures.

________________________

R.R.Q., 1981, c. N-1.1, r.3. a.9

 

10. La semaine normale de travail occupé dans une exploitation forestière est de 47 heures.

_________________________

R.R.Q., 1981, c. N-1.1, r.3. a.10

 

11. La semaine normale de travail du salarié occupé dans une scierie est de 47 heures.

_________________________

R.R.Q., 1981, c. N-1.1, r.3. a.11

 

12. La semaine normale de travail du salarié qui travaille dans un endroit isolé est de 55 heures.

_________________________

R.R.Q., 1981, c. N-1.1, r.3. a.12

 

13. La semaine normale de travail du salarié qui effectue des travaux sur le territoire de la région de la Baie James est de 55 heures.

_________________________

R.R.Q., 1981, c. N-1.1, r.3. a.12

 

 

[53]           De plus, d'autres règlements Ă©dictĂ©s en vertu de la Loi sur les normes du travail peuvent dĂ©terminer des semaines normales de travail diffĂ©rentes de la semaine de 40 heures prĂ©vue Ă  l'article 52 de la Loi sur les normes du travail et d'autres montants de salaire horaire minimum pour certaines catĂ©gories de travailleurs bien prĂ©cises.[12]

[54]           Ainsi, le salaire horaire minimum prĂ©vu Ă  l’article 3 du règlement et la semaine normale de travail de 40 heures mentionnĂ©e Ă  l’article 52  de la Loi sur les normes du travail ne s’applique pas Ă  certaines catĂ©gories de salariĂ©s.

[55]           C’est pourquoi le premier alinĂ©a de l’article 6 de la loi prĂ©cise que le salaire minimum auquel «peut avoir droit» le travailleur qui occupe un emploi est dĂ©terminĂ© « d’après celui auquel il peut avoir droit pour une semaine normale de travail en vertu de la Loi sur les normes du travail et ses règlements Â». C’est donc dire que, ce travailleur peut ĂŞtre visĂ© par la semaine normale de 40 heures et par le salaire minimum horaire prĂ©vu par l’article 3 du règlement, mais qu’il peut aussi ĂŞtre visĂ© par les exceptions rĂ©glementaires. Le cas Ă©chĂ©ant, il pourrait s’agir d’un travailleur dont la semaine normale de travail suivant la Loi sur les normes du travail et ses règlementsest de plus que 40 heures ou pour qui le salaire horaire minimum serait diffĂ©rent de celui prĂ©vu Ă  l’article 3 du règlement.

[56]           D’autre part l'alinĂ©a 2 de l'article 6 prĂ©voit que «lorsqu'il s'agit d'un travailleur qui n'occupe aucun emploi rĂ©munĂ©rĂ© ou pour lequel aucun salaire minimum n'est fixĂ© par règlement, la Commission applique le salaire minimum prĂ©vu par l'article 3 du Règlement sur les normes du travail […] et la semaine normale de travail mentionnĂ©e Ă  l'article 52 de la Loi sur les normes du travail Â». Effectivement, dans ce cas, contrairement au cas visĂ© par l'alinĂ©a 1 de l'article 6, la loi peut rĂ©fĂ©rer prĂ©cisĂ©ment Ă  l'article 3 du règlement et Ă  l'article 52 de la Loi sur les normes du travail, puisque cette situation n'est visĂ©e par aucune autre disposition. Ainsi, pour le travailleur sans emploi rĂ©munĂ©rĂ© ou pour qui aucun salaire minimum n’est fixĂ© par règlement, la loi prĂ©voit que la semaine normale de travail et le salaire horaire minimum seront ceux Ă©tablis par la règle gĂ©nĂ©rale soit  la semaine normale de 40 heures et le salaire horaire minimum prĂ©vu Ă  l’article 3 du règlement, puisqu’il ne s’agit pas d’un travailleur visĂ© par les exceptions rĂ©glementaires.  

[57]           Dans le cas prĂ©sent, la travailleuse n’étant pas visĂ©e par les exceptions de la Loi sur les normes du travail et ses règlements,  le salaire minimum auquel elle « pouvait avoir droit Â» en vertu du premier alinĂ©a de l’article 6 de la loi, est de 7,30 $ de l’heure pour une semaine normale de travail de 40 heures. Sur une base annuelle, ce salaire minimum est Ă©gal Ă  15 225 $ (7, 30 $ X 40 X 52.14).

[58]           Ainsi, conformĂ©ment Ă  l’article 65 de la loi, aux fins du calcul de l’indemnitĂ© de remplacement du revenu Ă  laquelle la travailleuse a droit, son revenu annuel d’emploi ne peut ĂŞtre infĂ©rieur Ă  15 225 $. 

[59]           Finalement, le tribunal signale que dans la dĂ©cision Commission scolaire des Affluents[13]rendue rĂ©cemment, la Commission des lĂ©sions professionnelles n’a pas retenu l’interprĂ©tation proposĂ©e par l’employeur. La Commission des lĂ©sions professionnelles avait Ă  dĂ©cider du revenu brut annuel d’emploi devant ĂŞtre retenu aux fins du calcul de l’indemnitĂ© de remplacement du revenu d’une travailleuse qui occupe un emploi Ă  raison de deux heures par jour, cinq jours par semaine et dix mois par annĂ©e. La Commission des lĂ©sions professionnelles  a rappelĂ© que l’article 65 de la loi prĂ©voit un seuil minimum et un seuil maximum applicable au revenu brut annuel d’emploi et que la limite prĂ©vue quant au maximum annuel assurable n’est pas sujette Ă  controverse. Ainsi, elle estime qu’on ne peut tenir compte de l’article 65 de la loi uniquement pour imposer une limite supĂ©rieure au revenu brut et ignorer la limite infĂ©rieure qui y est Ă©galement prĂ©vue. 

[60]           De plus, la Commission des lĂ©sions professionnelles dans cette affaire, constate Ă  l’instar du prĂ©sent tribunal, que dans sa dĂ©cision MacDonald’s et Nolet[14] la Cour supĂ©rieure ne fait pas rĂ©fĂ©rence Ă  l’article 65 de la loi.  La Commission des lĂ©sions professionnelles  conclut comme suit :

[43]      En accord avec la jurisprudence majoritaire de la Commission des lésions professionnelles et avec respect pour l’avis contraire, le soussigné est d’avis que, pour procéder au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu, l’article 65 de la loi impose un seuil minimum de revenu brut annuel, de la même façon qu’elle impose un seuil maximum. Ce seuil minimum correspond au salaire minimum en tenant compte du taux horaire et de la durée de la semaine normale de travail prévue à la Loi sur les normes du travail ainsi qu’au Règlement sur les normes du travail, reporté sur une base annuelle.

 

[61]           Quatre dĂ©cisions rendues rĂ©cemment par la Commission des lĂ©sions professionnelles adoptent cette approche.[15]

[62]           Par consĂ©quent, la Commission des lĂ©sions professionnelles conclut que l’indemnitĂ© de remplacement du revenu de la travailleuse doit ĂŞtre dĂ©terminĂ©e sur la base du salaire minimum en vigueur lorsque s’est manifestĂ©e sa lĂ©sion professionnelle, et ce, pour une semaine normale de travail de 40 heures reportĂ©e sur une base annuelle.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partiela requête de Restaurant MacDonald’s (l’employeur);

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 15 octobre 2004 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARErecevable la contestation de l’employeur de la décision du 23 juillet 2004;

DÉCLARE qu’aux fins du calcul de l’indemnitĂ© de remplacement du revenu auquel a droit madame MĂ©lanie Larin, le revenu annuel d’emploi est de 15 225 $.

 

 

__________________________________

 

Me Johanne Landry

 

Commissaire

 

 

Me Michel Larouche

Groupe AST inc.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Guy Marengère

Panneton Lessard

Représentant de la partie intervenante

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          Côté et 911101691 Québec inc., C.L.P. 231509-02-0403, 8 juillet 2004, C. Bérubé.

            Ville de Montréal, C.L.P. 239761-64-0407, 6 octobre 2004, R. Daniel.

[3]          Héroux c. Groupe Forage Major, [2001] C.L.P. 317 (C.A.), requête pour autorisation de pourvoi à la Cour suprême rejetée, 02-10-03, 28855.

[4]         En vigueur en date de la lésion professionnelle, soit le 13 avril 2004, en vertu du Règlement sur     les normes du travail, R.R.Q., 1981, c. N-1.1, r.3, art. 3, tel que modifié par le règlement édicté             par le décret 959-2002, (2002) 134 G.O. 2, 5901, art. 1.

[5]          En vertu de la Loi sur les normes du travail, L.R.Q., c. N-1.1, art. 52 , en date de la lésion professionnelle.

[6]          L.R.Q., c. N-1.1

[7]          [2003] C.L.P. 1817 (C.S.)

[8]          Restaurant A & W et Godin, C.L.P.236850-04-0406, 7 octobre 2004, D. Lajoie

            Métro Canada Logistic inc. et Fure, C.L.P. 201462-62C-0303, 30 novembre 2004, N. Lacroix

            Marché Clément des Forges et Saint-Laurent, C.L.P. 244660-04B-0410, 6 janvier 2005, D. Lajoie

[9]          Restaurants MacDonald’s Canada ltĂ©e et Reid,C.L.P. 178682-72-0202, 11 septembre 2002, M. Denis

[10]        R.R.Q., 1981, c. N-1.1.,r.3

[11]        R.R.Q., 1981, c. N-1.1.,r.3

[12]       À titre d’exemple, voir le Règlement sur des normes du travail particulières à certains secteurs de l'industrie du vêtement, R.R.Q., 1981, c. N-1.1, r. 3.1.

[13]        C.L.P. 250627-63-0412, 21 juin 2005, J.M. Charrette. 05LP-89.

[14]        Précitée

[15]        Commission scolaire Harricana et Bergeron et Cogesis inc., C.L.P. 240608-08-0408, 7 juillet 2005, P. Prégent

            Commission scolaire Lac-Abitibi et St-Arnaud, C.L.P. 257061-08-2005, 28 juillet 2005, P. Prégent

Magasins Hart inc. et Giguère, C.L.P. 255802-61-0502, 2 août 2005, S. Di Pasquale.

            Brique et Pierre Provinciales inc. et Lalonde, C.L.P. 256097-62C-0502, 27 septembre 2005, M. SauvĂ©

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