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Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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N° : |
33-14-1740 33-14-1741 |
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DATE : |
13 mars 2017 |
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LE COMITÉ : |
Me Daniel M. Fabien, avocat |
Vice-président |
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M. Jean Guertin, courtier immobilier |
Membre |
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GIOVANNI CASTIGLIA, ès qualités de syndic adjoint de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec |
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Partie plaignante |
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c.
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LOUIS BAILLARGEON, (A2548) -et- ALEX BAILLARGEON, (E7901) |
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Parties intimées
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DÉCISION SUR SANCTION |
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[1] Le 25 janvier 2017, le Comité de discipline de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (« le Comité ») se réunit pour procéder à l’audition sur sanction dans les présents dossiers.
[2] Considérant que M. Robert Daoust est absent et empêché d’agir, le Comité siège à deux membres, comme le permet l’article 16 du Règlement sur les instances disciplinaires de l’OACIQ.
[3] M. Castiglia est présent et représenté par Me Isabelle Martel. Quant aux intimés, ils sont présents avec leur avocate, Me Michèle Thivierge.
[4] Lors de l’audition sur culpabilité, Louis Baillargeon faisait face aux chefs d’accusation suivants :
« Louis Baillargeon, en tout temps pertinent membre de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec ou titulaire d'un permis délivré par l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec, a commis des actes dérogatoires, à savoir:
1- Concernant les immeubles locatifs sis aux [...] à [...], [...] à [...] et [...] à Saint-Georges, l'intimé n'a pas obtenu la signature de tous les vendeurs, Mario Champagne et Louis-André Carrier, aux formulaires suivants:
a) le ou vers le 1er février 2010, au contrat de courtage CC 80320;
b) le ou vers le 3 février 2010, à la promesse d'achat PA 82722 et à l'annexe AA 11183;
c) le ou vers le 3 février 2010, au formulaire de modifications et avis de réalisation des conditions MO 98368;
d) le ou vers le 18 mars 2010, aux promesses d'achat et annexes suivantes:
i) PA 82728 et annexe AA 11190;
ii) PA 82727 et annexe AA 11180;
iii) PA 82725 et annexe AA 701656;
e) le ou vers le 23 mars 2010, aux déclarations du vendeur suivantes:
i) DV 27084;
ii) DV 27083;
iii) DV 27014;
f) le ou vers le 31 mars 2010, au formulaire de modifications et avis de réalisation des conditions MO 62827;
commettant ainsi à chacune de ces occasions, une infraction aux articles 1 et 13 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.
2- Concernant les immeubles locatifs sis aux [...] à [...], [...] à [...] et [...] à Saint-Georges, l'intimé a permis et/ou toléré que des baux qui ne reflétaient pas la réalité soient transmis aux institutions financières suivantes:
a) entre le ou vers le 5 février et le ou vers le 15 mars 2010 à la Banque Laurentienne;
b) entre le ou vers le 17 mars et le ou vers le 4 mai 2010 à la Banque Royale du Canada;
commettant ainsi à chacune de ces occasions une infraction aux articles 1, 13 et 35 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec ou aux articles 62, 69 et 79 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité. »
[5] Quant à l’intimé Alex Baillargeon, le syndic lui reprochait :
« Alex Baillargeon, en tout temps pertinent membre de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec ou titulaire d'un permis délivré par l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec, a commis des actes dérogatoires, à savoir :
1- Concernant les immeubles locatifs sis aux [...] à [...], [...] à [...] et [...] à Saint-Georges, l'intimé a permis et/ou toléré que des baux qui ne reflétaient pas la réalité soient transmis aux institutions financières suivantes:
a) entre le ou vers le 5 février et le ou vers le 15 mars 2010 à la Banque Laurentienne;
b) entre le ou vers le 17 mars et le ou vers le 4 mai 2010 à la Banque Royale du Canada;
commettant ainsi à chacune de ces occasions une infraction aux articles 1, 13 et 35 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec ou aux articles 62, 69 et 79 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité. »
[6] Le 16 novembre 2015, le Comité rend sa décision sur la culpabilité des intimés[1].
[7] Sur les chefs 1a), b), c), d) i), ii), iii) et f), Louis Baillargeon est trouvé coupable d’avoir enfreint l’article 1 des Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.
[8] Sur les chefs 2a) et 2b), le Comité trouve l’intimé Louis Baillargeon coupable d’avoir enfreint l’article 13 des Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.
[9] Louis Baillargeon est acquitté sur le chef 1e).
[10] Quant à Alex Baillargeon et les chefs 1a) et 1b) de la plainte, ce dernier est reconnu coupable d’avoir contrevenu à l’article 13 des Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec.
I. Recommandation commune
[11] Les procureurs nous informent qu’il y a recommandation commune sur les chefs 1a), 1b), 1c), 1d) et 1f) à l’égard de Louis Baillargeon.
[12] La recommandation commune se résume comme suit :
Chef 1a) : une amende de 1 000 $
Chef 1b) : une amende de 1 000 $
Chef 1c) : une réprimande
Chef 1d) : une réprimande
Chef 1f) : une réprimande
[13] La Cour suprême du Canada confirmait récemment que les recommandations communes sont essentielles au bon fonctionnement de la justice[2].
[14] Nous sommes satisfaits que la suggestion des parties est dans l’intérêt public.
[15] Voilà pourquoi, séance tenante, le Comité a confirmé aux parties qu’il entendait entériner cette recommandation commune.
II. Preuve sur sanction
[16] Me Martel informe le Comité que la partie plaignante n’aura aucune preuve à administrer. Elle se réserve toutefois le droit de contre-interroger les intimés.
[17] Quant à Me Thivierge, elle nous informe qu’elle fera entendre ses clients.
[18] Alex Baillargeon témoigne en premier. Ce dernier nous relate principalement ce qui suit :
· Il est courtier immobilier depuis le mois de mars 2009;
· Il exerce auprès de l’agence de son père, Louis Baillargeon;
· Son père est le dirigeant de l’agence et courtier immobilier depuis 38 ans;
· Les bureaux de l’agence sont situés dans la maison familiale;
· Ils exercent la profession exclusivement à Saint-Georges;
· Il est le père de 2 enfants, dont un dernier né il y a 3 semaines;
· Sa conjointe depuis les 15 dernières années, est en congé de maternité;
· La décision sur culpabilité a refroidi sa relation avec son père;
· Il avait uniquement un an d’expérience au moment des infractions;
· Il n’a pas d’antécédent disciplinaire ou d’autre plainte logée contre lui;
· Il dépose en preuve sous la cote IS-1, le jugement rendu par la Cour du Québec dans la poursuite judiciaire intentée par madame Louisette Carrier;
· Toute cette affaire a fait beaucoup parler à Saint-Georges;
· Il ne reçoit plus aucune référence de la Banque RBC;
· Il vit difficilement la situation découlant des procédures intentées contre lui et son père;
· Il nous dit qu’il doit être plus vigilant lorsqu’il remet des documents à des institutions financières;
· Il reconnait avoir été trouvé coupable;
· Il a perdu des amis et des collègues de travail;
· Avoir su, il aurait agi avec plus de professionnalisme;
· Tout le monde est au courant à Saint-Georges;
· Il encourt une baisse significative de ses revenus qu’il attribue à la diffusion de l’affaire;
· Il n’aurait que quatre contrats de courtage présentement;
· Son état de santé s’en trouve affecté;
· Les gens ont perdu confiance en son père et en lui à Saint-Georges;
· Afin de s’améliorer, il entend suivre plusieurs cours de formation;
· Il veut continuer à œuvrer dans le domaine du courtage immobilier et souhaite devenir dirigeant d’agence;
· Considérant la maladie de son père, il n’a pas pu travailler autant qu’il aurait voulu l’an dernier;
· Il ne recommencera plus;
· Si son permis est suspendu, il n’aura plus aucun revenu;
· Dans le cas où le permis de son père est suspendu, il ne pourra pas travailler puisque l’agence n’aura plus de dirigeant;
· Il souhaite que le Comité lui impose une amende de 1 500 $ sur chacun des chefs 1a) et 1b);
· M. Baillargeon serait également disposé à suivre la formation que le Comité pourrait lui imposer;
· Questionné par Me Martel sur la décision sur culpabilité, il la reconnait, sans plus.
[19] M. Louis Baillargeon est assermenté. Il déclare notamment ce qui suit :
· Il est âgé de 67 ans et œuvre dans le domaine du courtage immobilier depuis 37 ans;
· Il est dirigeant de son agence laquelle compte deux courtiers, soit son fils Alex et lui;
· Il n’a jamais fait l’objet d’une plainte, sauf celle de madame Carrier;
· Il exerce le plus beau métier du monde;
· À Saint-Georges, il était reconnu comme l’un des meilleurs courtiers;
· Depuis 2010, son état de santé décline;
· Suite à toute cette affaire, les gens de Saint-Georges ne le voient plus de la même manière;
· Il est stigmatisé et sa réputation est entachée;
· Il sera plus vigilant à l’avenir;
· Lui et son fils vivent l’enfer puisque c’est tout comme si leur permis étaient suspendus;
· Il veut que le Comité lui impose des amendes, peu importe lesquelles;
· Questionné par Me Martel, il déclare qu’à l’avenir, des histoires comme ça, je n’embarquerai pas là-dedans;
· Contre-interrogé sur les baux, il déclare qu’il savait que la banque était pour refuser la première série;
· Il ne semble pas reconnaitre ses torts.
III. Représentations sur sanction
A. Par la partie plaignante
Louis Baillargeon
[20] Me Martel nous réfère à l’arrêt Pigeon c. Daigneault[3] quant aux objectifs que doit atteindre la sanction disciplinaire.
[21] Pour l’avocate du syndic adjoint, il s’agit d’infractions graves puisqu’elles minent la confiance des institutions financières en plus de ternir l’image de la profession de courtier immobilier.
[22] Suivant la jurisprudence, lorsqu’un courtier transmet des documents à une institution financière tout en sachant que ces documents ne sont pas conformes à la réalité, une suspension de permis s’impose.
[23] En l’espèce, Louis Baillargeon a utilisé du liquid paper pour apporter des modifications à de nombreux baux en l’absence du consentement des locataires. Il s’agit clairement d’une faute de gravité intense.
[24] Par ailleurs, étant donné que l’intimé Louis Baillargeon ne parait pas reconnaitre qu’il a commis des fautes déontologiques, il y a un risque important de récidive.
[25] Autre facteur aggravant, il est un courtier d’une grande expérience. Il aurait dû mieux savoir.
[26] Seul facteur atténuant, il n’a pas d’antécédent disciplinaire.
[27] Au nom du syndic adjoint, Me Martel réclame donc les sanctions suivantes :
Chef 2a) : une suspension de 60 jours
Chef 2b) : une suspension concurrente de 60 jours
[28] Un avis de notre décision ordonnant la suspension du permis de l’intimé devrait être publié dans un journal à être déterminé par le Comité et quant aux frais, l’intimé doit être condamné à 50 % des déboursés de l’instance.
[29] Me Martel soutient que la recommandation présentée par le syndic adjoint se situe dans le spectre des sanctions généralement accordées pour de semblables infractions.
Alex Baillargeon
[30] Quant à Alex Baillargeon, il était un jeune courtier au moment de la commission des actes reprochables.
[31] Il reconnait la décision sur culpabilité rendue par le Comité, mais tout comme son père, il ne semble pas vouloir admettre qu’il a mal agi.
[32] Me Martel réclame donc les sanctions suivantes pour Alex Baillargeon :
Chef 2a) : une suspension de 60 jours
Chef 2b) : une suspension concurrente de 60 jours
[33] Un avis de notre décision ordonnant la suspension du permis de l’intimé devrait être publié dans un journal à être déterminé par le Comité et quant aux frais, l’intimé doit être condamné à 50 % des déboursés de l’instance.
[34] Relativement aux sanctions recherchées par le syndic adjoint, Me Martel nous réfère aux précédents jurisprudentiels suivants :
· OACIQ c. Ngom, 2016 CanLII 16421 (QC OACIQ)
· ACAIQ c. Michaud, 2007 CanLII 86857 (QC OACIQ)
· OACIQ c. Newton, 2011 CanLII 99929 (QC OACIQ)
· ACAIQ c. Knot, 2007 CanLII 86832 (QC OACIQ)
· ACAIQ c. Guida, 2005 CanLII 80850 (QC OACIQ)
· OACIQ c. Cadet, 2013 CanLII 81873 (QC OACIQ)
· OACIQ c. Perrier, 2016 CanLII 28817 (QC OACIQ)
· ACAIQ c. Nizza, 2006 CanLII 84292 (QC OACIQ)
· OACIQ c. Flynn, 2015 CanLII 7966 (QC OACIQ)
· ACAIQ c. Savard, 2010 CanLII 100110 (QC OACIQ)
· OACIQ c. Lebire, 2015 CanLII 51296 (QC OACIQ)
B. Par la partie intimée
[35] D’entrée de jeu, Me Thivierge nous prévient que si les permis des deux intimés sont suspendus pendant une période de 60 jours, cela signifie la fin pour ses clients.
[36] L’avocate des intimés nous réfère à l’article 16 du Règlement sur la délivrance des permis de courtier ou d’agence et particulièrement au paragraphe 6° de cette disposition, laquelle se lit comme suit :
« Art. 16. Le permis d’une agence est suspendu par l’Organisme dans les cas suivants:
(…)
6° son titulaire cesse de posséder les qualifications requises pour être dirigeant d’une agence ou, s’il s’agit d’une société ou d’une personne morale, elle n’est pas dirigée par une personne possédant ces qualifications pendant une période de plus de 60 jours; »
[37] Selon l’avocate, étant donné que l’agence Louis Baillargeon Agence Immobilière n’est pas constituée en société par actions, c’est la première partie du paragraphe 6° susdit qui s’appliquera.
[38] Considérant que l’agence Louis Baillargeon Agence Immobilière est une personne physique, l’article 6 paragraphe 1° du même Règlement fera en sorte que l’agence ne sera plus qualifiée.
[39] En conséquence, n’ayant plus de permis d’exercice, Louis Baillargeon ne possèdera plus les qualifications requises pour diriger l’agence et les activités de courtage de celle-ci seront donc complètement interrompues pendant 60 jours.
[40] Cet état de fait pourrait engendrer la cessation définitive des activités de courtage des deux intimés.
[41] Par ailleurs, pour Me Thivierge, il s’agit d’un cas isolé et ses clients reconnaissent la gravité des gestes qu’ils ont commis. Le risque de récidive serait donc faible.
[42] De plus, selon l’avocate, les constatations du Comité relativement à l’absence de crédibilité d’Alex Baillargeon ne doivent pas déteindre défavorablement sur la personnalité de Louis Baillargeon[4].
[43] Enfin, Me Thivierge affirme que les intimés ont le droit de gagner leur vie et ils doivent demeurer actifs sinon, la sanction sera punitive puisqu’elle occasionnera la fin du courtage immobilier pour ses clients.
[44] Elle rajoute que le Comité bénéficie d’une large discrétion et que ses clients sont disposés à payer les amendes que le Comité imposera.
[45] Me Thivierge nous suggère d’imposer à ses clients les sanctions suivantes :
Quant à Louis Baillargeon
Chef 2a) : une amende de 1 500 $ et l’imposition d’un cours de formation
Chef 2b) : une amende de 1 500 $
Quant à Alex Baillargeon
Chef 1a) : une amende de 1 500 $ et l’imposition d’un cours de formation
Chef 1b) : une amende de 1 500 $
[46] Subsidiairement, si le Comité décide d’imposer des périodes de suspension aux intimés, Me Thivierge nous invite à les rendre subséquentes l’une à l’autre. De cette façon, la sanction ne constituera pas la peine capitale pour les intimés.
[47] Des cours de formation pourraient également être une option qui s’ouvre au Comité.
[48] Quant à la publication d’un avis de suspension, elle considère que toute cette affaire a déjà été suffisamment publicisée.
[49] Il en découle que la publication d’un avis n’est pas nécessaire puisque le public est déjà au courant.
[50] Le procureur des intimés nous renvoie à des précédents jurisprudentiels, notamment :
· OACIQ c. Exantus, 2012 CanLII 95132 (QC OACIQ)
· OACIQ c. Wang, 2014 CanLII 74192 (QC OACIQ)
· OACIQ c. Morin, 2014 CanLII 25289 (QC OACIQ)
· OACIQ c. De Montignac, 2014 CanLII 5164 (QC OACIQ)
·
Camiré c. R.,
·
Pigeon c. Daigneault,
·
Richard c.
Castiglia,
IV. Analyse et décision
[51] Tel qu’établi par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[5], la sanction doit atteindre, dans l’ordre ci-après, les objectifs suivants : la protection du public, la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et finalement, le droit du professionnel visé d'exercer sa profession.
[52] Le Comité doit également s'assurer de particulariser la sanction en tenant compte des caractéristiques de chaque dossier.
[53] Par ailleurs, le Comité doit tenir compte de toutes les circonstances tant aggravantes qu’atténuantes afin d’imposer une sanction proportionnelle à la gravité de l'infraction[6].
[54] Concernant les chefs restants qui ne font pas l’objet d’une recommandation commune, aux yeux du Comité, il s’agit de fautes d’une extrême gravité.
[55] Qu’est-ce que les intimés ont fait?
[56] Louis Baillargeon, avec l’aide de madame Carrier et de liquid paper, a fabriqué de faux documents.
[57] Il a permis que les documents masqués par le liquid paper soient transmis à une institution financière.
[58] Les autres documents transmis à une autre institution financière ne reflétaient pas la réalité puisqu’une condition occulte avait été rajoutée à certains baux.
[59] Quant à Alex Baillargeon, sachant que les baux avaient été trafiqués et/ou modifiés, il a permis que ceux-ci soient transmis à deux institutions financières.
[60] Il ne fait pas de doute qu’il s’agit de fautes d’une gravité objective intense.
[61] Cette faute peut influer sur le consentement qui est donné par l’institution financière.
[62] Elle mine la crédibilité des courtiers immobiliers envers le public et ternit l’image de la profession.
[63] Quant aux facteurs aggravants, Louis Baillargeon est dirigeant d’agence. Il avait environ 30 ans d’expérience à l’époque des faits en litige. Il devait être un exemple de professionnalisme pour son fils et lui inculquer de bonnes valeurs. Il a manifestement failli à cette tâche.
[64] Quelles sanctions imposer en l’espèce?
[65] Une des problématiques dans cette affaire réside dans le fait que les intimés ne semblent pas avoir appris du processus disciplinaire.
[66] Tant Louis qu’Alex Baillargeon ne reconnaissent pas que les gestes qu’ils ont posés sont très graves. Sur cette constatation du Comité, la preuve présentée lors de l’audition sur sanction ne laisse place à aucun doute. Les intimés sont défiants.
[67] Enfin, ils admettent uniquement que le Comité a rendu une décision!
[68] Est-ce que les intimés recommenceront? Le Comité ose espérer que non.
[69] Objectivement, il est néanmoins manifeste qu’un risque important de récidive persiste. La protection du public pourrait donc être encore une fois compromise par un comportement fautif des intimés.
[70] Par conséquent, le Comité a l’obligation de s’attarder tout particulièrement sur le caractère dissuasif de la sanction qu’il devra imposer à chacun des intimés.
[71] Cette sanction doit également être exemplaire pour que d’autres professionnels du courtage immobilier ne soient pas tentés de poser des gestes similaires.
[72] Dans la détermination d’une sanction juste et raisonnable, nous devons aussi tenir compte du dernier objectif de la sanction disciplinaire, tel qu’établi par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault, soit le droit du professionnel d’exercer sa profession.
[73] Compte tenu que l’agence des intimés n’est pas constituée en société par actions, le Comité est sensible à l’argument soulevé en défense quant à l’impact nuisible que pourrait causer la suspension simultanée des permis des intimés sur l’exercice des activités de l’agence.
[74] C’est pourquoi nous sommes d’opinion que l’imposition d’une suspension simultanée de 60 jours à chacun des intimés pourrait être trop sévère ou punitive.
[75] Par ailleurs, considérant que Louis Baillargeon n’est plus aussi actif qu’autrefois, une suspension de son permis entrant en vigueur subséquemment à la suspension du permis d’Alex Baillargeon, ne serait pas à notre avis suffisamment dissuasive.
[76] Le Comité considère plutôt que seules des amendes substantielles feront prendre conscience à Louis Baillargeon l’importance de respecter les normes déontologiques qui encadrent l’exercice de sa profession.
[77] Mais il y a plus. Lors de son témoignage, Louis Baillargeon nous invite à lui imposer les amendes qui nous apparaissent justes et appropriées.
[78] En conséquence, Louis Baillargeon se verra donc imposer les amendes suivantes :
Chef 2a) : une amende de 6 000 $
Chef 2b) : une amende de 6 000 $
[79] Relativement à l’intimé Alex Baillargeon, nous devons écarter la suggestion de Me Thivierge.
[80] L’imposition d’une amende de 1 500 $ sur chacun des chefs, pour une amende totale de 3 000 $, ne nous permet pas d’atteindre les objectifs de dissuasion et d’exemplarité prévue par la Cour d’appel.
[81] Quant à la suspension totale de 60 jours recommandée par la partie plaignante, à première vue, elle pourrait paraitre juste.
[82] Toutefois, nous croyons qu’une période de suspension de 60 jours ne tient pas suffisamment compte du peu d’expérience d’Alex Baillargeon ainsi que de son degré d’implication dans les évènements.
[83] Certains diront que l’inexpérience d’Alex Baillargeon dans les circonstances ne peut pas être considérée comme un facteur atténuant. Ils ont tort.
[84] La transaction ayant donné lieu aux plaintes était pilotée entièrement par le père d’Alex Baillargeon, un courtier immobilier de 30 ans d’expérience.
[85] Lorsque les faits se produisent, est-ce qu’Alex Baillargeon, courtier depuis un an, pouvait raisonnablement remettre en question le comportement de son père?
[86] Alors jeune courtier, pouvait-il sérieusement critiquer le travail de son père et le confronter, alors que ce dernier est le patron de son agence, le chef de la famille et le pourvoyeur de celle-ci depuis toujours? Le Comité croit que non.
[87] Il va sans dire que le Comité ne tente pas de minimiser l’étendue des obligations déontologiques d’Alex Baillargeon ou de les diluer en raison des agissements de son père.
[88] En première ligne, la responsabilité dans toute cette affaire résulte de gestes initialement posés par Louis Baillargeon.
[89] Le Comité est d’avis que la sanction suggérée par la partie plaignante à l’encontre de l’intimé Alex Baillargeon ne prend pas suffisamment en considération cette responsabilité initiale et dominante de Louis Baillargeon.
[90] Bref, dans le présent cas, nous sommes d’avis que le degré de responsabilité d’Alex Baillargeon est moindre que celui de Louis Baillargeon.
[91] À ce sujet, il convient de citer le passage suivant de la Cour d'appel dans l'affaire Courchesne[7]:
« [83] L'appelant reproche ensuite au juge de la Cour du Québec d'avoir fait une analyse erronée des précédents en matière de sanction. Le reproche est mal fondé. La détermination de la peine, que ce soit en matière disciplinaire ou en matière pénale, est un exercice délicat, le principe fondamental demeurant celui d'infliger une peine proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du contrevenant. L'analyse des précédents permet au décideur de s'assurer que la sanction qu'il apprête à infliger au délinquant est en harmonie avec celles infligées à d'autres contrevenants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables. Mais l'analyse des précédents n'est pas sans embûche, chaque cas étant différent de l'autre. En l'espèce, à la lecture de la décision du comité de discipline et du jugement dont appel, il me semble que le reproche formulé par l'appelant est sans fondement. »
(nos soulignements)
[92] En appliquant le principe qui précède et considérant le degré moindre de responsabilité attribuable à Alex Baillargeon, nous croyons qu’une période de suspension totale de 30 jours reflète plus adéquatement la gravité objective des fautes commises par ce dernier en tenant compte de tous les facteurs tant objectifs que subjectifs.
[93] Nous trouvons qu’il s’agit d’une sanction dissuasive et exemplaire.
[94] Le Comité est donc d’avis qu’une suspension de 30 jours est appropriée pour Alex Baillargeon.
[95] Cela étant, nous croyons que l’ensemble des sanctions susdites collent aux faits du présent dossier.
[96] Les intimés nous demandent une dispense d’avis de publication de notre décision de suspendre le permis d’Alex Baillargeon.
[97] Ils nous disent que tout le monde de Saint-Georges est au courant.
[98] En effet, le litige entre madame Carrier et les intimés a probablement fait l’objet d’une certaine diffusion à Saint-Georges.
[99] Toutefois, afin de protéger le public, le Comité croit que les citoyens de Saint-Georges ont le droit de savoir que le permis de courtier immobilier d’Alex Baillargeon est suspendu et que son comportement a été jugé répréhensible par ses pairs[8].
[100] Un avis de la présente décision sera donc publié dans un journal local où l’intimé Alex Baillargeon exerce ses activités.
[101] Les intimés sont condamnés solidairement au paiement de tous les déboursés encourus dans le cadre de la présente instance, et entre eux, ils seront responsables chacun pour 50 % des déboursés.
[102] Quant aux frais de publication, ils seront à la charge de l’intimé Alex Baillargeon.
Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :
IMPOSE à l’intimé Louis Baillargeon, quant au chef 1a), une amende de 1 000 $ ;
IMPOSE à l’intimé Louis Baillargeon, quant au chef 1b), une amende de 1 000 $ ;
IMPOSE à l’intimé Louis Baillargeon, quant au chef 1c), une réprimande ;
IMPOSE à l’intimé Louis Baillargeon, quant au chef 1d), une réprimande ;
IMPOSE à l’intimé Louis Baillargeon, quant au chef 1f), une réprimande ;
IMPOSE à l’intimé Louis Baillargeon, quant au chef 2a), une amende de 6 000 $ ;
IMPOSE à l’intimé Louis Baillargeon, quant au chef 2b), une amende de 6 000 $ ;
IMPOSE à l’intimé Alex Baillargeon, quant au chef 1a), la suspension du permis de courtier immobilier (E7901) de l’intimé pour une période de 30 jours, à être purgée à l’expiration du délai d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où il en redeviendra titulaire ;
IMPOSE à l’intimé Alex Baillargeon, quant au chef 1b), la suspension du permis de courtier immobilier (E7901) de l’intimé pour une période concurrente de 30 jours, à être purgée à l’expiration du délai d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où il en redeviendra titulaire ;
ORDONNE qu’un avis de la présente décision soit publié, aux frais de l’intimé Alex Baillargeon, dans un journal local où l’intimé Alex Baillargeon exerce la profession et ce, à l’expiration du délai d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où il en redeviendra titulaire;
CONDAMNE les intimés solidairement au paiement de tous les déboursés, étant précisé qu’entre eux, les intimés seront chacun responsables pour 50 % des déboursés, incluant les frais de publication d’un avis de la présente décision, lesquels seront à la charge de l’intimé Alex Baillargeon.
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____________________________________ Me Daniel M. Fabien, avocat Vice-président
____________________________________ M. Jean Guertin, courtier immobilier Membre
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Me Isabelle Martel |
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Procureur de la partie plaignante |
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Me Michèle Thivierge |
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Procureur des parties intimées |
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Date d’audience : 25 janvier 2017 |
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[1] 2015 CanLII 87751 (QC OACIQ) ;
[2] R. c. Anthony-Cook,
[3]
[4] Voir les paragraphes 86 et 87 de la décision sur culpabilité;
[5]
[6] OACIQ c. Patry, 2013 CanLII 47258 (QC OACIQ);
[7] Courchesne c. Castiglia,
[8] Richard c. Castiglia,
AVIS :
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appel; la consultation
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