Lacasse et Papineau et Dufour ltée |
2014 QCCLP 1594 |
______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 24 octobre 2013, monsieur Maurice Lacasse (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) rendue le 2 octobre 2013, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 11 juillet 2013 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement de ses frais de condominium.
[3] Une audience a été tenue le 5 mars 2014 à St-Jérôme en présence du travailleur uniquement. L’employeur, Papineau et Dufour ltée, n’a désigné aucun représentant ni informé le tribunal des raisons de son absence.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Monsieur Lacasse demande à la Commission des lésions professionnelles de conclure à son droit d’obtenir un remboursement pour une partie de ses frais de condominium ayant trait notamment à l’entretien du terrain et au déneigement.
LA PREUVE
[5] Le 30 novembre 2004, monsieur Lacasse est victime d’un accident du travail dans le cadre de ses fonctions de camionneur. En effet, en glissant du chargement de son camion il chute environ de six à huit pieds. Il subit à ce moment un impact axial, de même que sur la portion arrière et médiale de sa cuisse droite.
[6] Les diagnostics initialement reconnus sont ceux de contusion et d’abrasion de la hanche et du bassin, côté droit.
[7] Dans les premiers mois suivant l’accident, monsieur Lacasse ne cesse pas de travailler, mais accomplit des tâches plus légères. Par ailleurs, comme la douleur s’aggrave au fil du temps, le travailleur consulte à nouveau un médecin le 13 janvier 2006. Il est alors mis en arrêt de travail et dirigé en orthopédie. Une récidive, rechute ou aggravation est alors reconnue par la CSST.
[8] Au terme d’un processus de contestation médicale, le neurochirurgien et membre du Bureau d’évaluation médicale Jacques Demers constate que l’examen révèle une myélopathie sévère, que le travailleur utilise un déambulateur pour circuler, qu’il est à haut risque de chutes, qu’il a de la difficulté à utiliser son membre supérieur droit et qu’il nécessite l’assistance de son épouse pour les activités de la vie quotidienne comme se vêtir et procéder à son hygiène corporelle.
[9] Il en conclut conséquemment que le travailleur présente une atteinte au niveau de la moelle épinière et attribue pour ce motif un déficit anatomophysiologique de 90 %, de même que des limitations fonctionnelles de classe IV.
[10] Le 28 octobre 2008, la CSST rend une décision par laquelle, elle accepte, à la suite d’une reconsidération, le diagnostic d’atteinte médullaire cervicale en relation avec l’accident du travail du 30 novembre 2004.
[11] À la même date, elle rend une seconde décision informant le travailleur que son atteinte permanente s’élève à 135 %.
[12] En novembre 2008, il est décrété que le travailleur ne peut reprendre son emploi de camionneur ni aucun autre travail chez l’employeur. Monsieur Lacasse est donc informé de son droit de recevoir une indemnité de remplacement du revenu jusqu’au 13 janvier 2010.
[13] Dans les années qui suivent, la CSST accepte de rembourser à monsieur Lacasse certains frais d’entretien courant de son domicile, tel que ceux liés au déneigement, à la tonte de gazon et au taillage de haies. Une allocation d’aide personnelle à domicile est également allouée. Un support psychologique est accordé, un quadriporteur est payé, de même qu’un fauteuil roulant manuel léger. Plusieurs travaux d’adaptation du domicile sont également autorisés.
[14] À la fin de l’année 2012, le travailleur décide de déménager dans un endroit plus adapté à sa condition, soit un condominium.
[15] Le 6 mai 2013, monsieur Lacasse s’adresse à la CSST afin d’obtenir le remboursement de ses frais de condominium liés à l’entretien des travaux extérieurs, comme le gazon et l’entretien des arbustes, ou encore le déneigement. Il mentionne également les coûts liés au stationnement et à l’ascenseur pour personne handicapée. Il réclame un total de 1 884,88 $.
[16] Le 11 juillet 2013, la CSST refuse cette demande au motif que les frais de condominium ne sont pas remboursables.
[17] Le 31 juillet 2013, monsieur Lacasse achemine une lettre à la cet organisme dans laquelle il signale ne pas comprendre cette décision puisqu’alors qu’il habitait dans sa maison, les mêmes frais lui étaient remboursés. Il précise avoir déménagé dans un condominium du fait de la grande fatigue et des importantes responsabilités que devait assumer son épouse en raison de sa condition. Il ajoute que sa nouvelle demeure est adaptée à son handicap et lui permet de conserver plus d’autonomie, tout en lui assurant une certaine sécurité.
[18] Lors de l’audience, le travailleur présente un document établissant le montant réclamé. Il y est question de frais mensuels pour la copropriété divise et pour le garage. Il ne dispose pas par ailleurs du détail exact ou de la ventilation des frais de condominiums.
[19] Interrogé quant à la gestion de l’immeuble, il relate qu’un syndicat des copropriétaires est en charge de cette dernière, qu’un conseil d’administration sera créé sous peu et qu’il ne détient aucune latitude quant au paiement ou non des frais en question ou quant à la possibilité de réaliser lui-même les travaux d’entretien courant.
L’AVIS DES MEMBRES
[20] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête du travailleur. Ils considèrent en effet que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] ne prévoit pas le remboursement de frais de condominium.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[21] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement des frais de condominium qu’il réclame, plus particulièrement à la portion de ces frais touchant les travaux d’entretien courant de l’immeuble.
[22] La disposition pertinente en la matière est l’article 165 de la loi qui se lit comme suit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
__________
1985, c. 6, a. 165.
[23] Ainsi, afin de permettre l’application de l’article 165 de la loi, les conditions suivantes doivent être remplies :
1) une atteinte permanente grave doit subsister de la lésion professionnelle;
2) le travailleur doit être incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile;
3) il doit s’agir de travaux qu’il effectuerait lui-même si ce n’était de la lésion;
4) les frais d’avoir être engagés.
[24] De la preuve administrée, il ressort incontestablement que monsieur Lacasse demeure avec une atteinte permanente importante à la suite de sa lésion professionnelle de 2004. Pour en arriver à une telle conclusion, le tribunal tient compte du taux d’atteinte octroyé, mais aussi des restrictions fonctionnelles en cause qui empêchent le travailleur de retourner sur le marché du travail.
[25] Il apparaît aussi évident que monsieur Lacasse n’est pas en mesure de tondre une pelouse ou encore de procéder au déneigement de son domicile en raison des limitations fonctionnelles désignées. D’ailleurs, ces frais lui étaient remboursés alors qu’il habitait sa demeure à Mont-Laurier.
[26] La question du paiement préalable des frais n’est pas non plus remise en cause en l’espèce.
[27] Reste donc uniquement le troisième critère énoncé, à savoir que le travailleur effectuerait normalement lui-même les travaux, n’eût été sa lésion.
[28] Il appert du témoignage de monsieur Lacasse que cette possibilité de réaliser lui - même les travaux d’entretien ne lui est pas accessible. En effet, même s’il était en excellente condition physique et qu’il souhaitait tondre lui-même sa quote-part de pelouse, monsieur Lacasse ne serait pas autorisé à agir de la sorte. Une des exigences incontournables de l’article 165 de la loi n’est donc pas rencontrée.
[29] De plus, aucune autre disposition de la loi ne prévoit un tel remboursement.
[30] Considérant les règles particulières entourant l’achat d’une copropriété divise, le tribunal ne peut donc faire droit à la demande du travailleur.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Maurice Lacasse, le travailleur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 2 octobre 2013, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit, en vertu de l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, au remboursement des frais d’entretien courant inclus dans les frais de condominium.
|
|
|
Isabelle Piché |
|
|
|
|
|
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.