Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

Feda et Réservoirs Trans-Québec

2007 QCCLP 6167

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

1er novembre 2007

 

Région :

Montérégie

 

Dossier :

288199-62-0605      301295-62-0610

 

Dossier CSST :

125883827

 

Commissaire :

Me Line Vallières

 

Membres :

M. Mario Lévesque, associations d’employeurs

 

Mme Lucy Mousseau, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Khan Mohammad Feda

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Réservoirs Trans-Québec

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 288199

[1]                Le 3 mai 2006, monsieur Khan Mohammad Feda (le travailleur) dépose une contestation à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 25 avril 2006 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST déclare que la demande de révision du travailleur est irrecevable puisqu’il n’a contesté que le 7 mars 2006 son premier avis de paiement daté du 10 juin 2004. Cet avis précisait que l’indemnité de remplacement du revenu a été calculée en tenant compte de la situation familiale du travailleur au moment de l’événement du 26 mai 2004, soit qu’il est célibataire et sans personne à charge.

Dossier 301295

[3]                Le 23 octobre 2006, le travailleur dépose une contestation à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision de la CSST rendue le 28 septembre 2006 à la suite d’une révision administrative.

[4]                Cette décision confirme une décision antérieure de la CSST, datée du 10 mai 2006, qui informe le travailleur qu’il est capable d’exercer son emploi prélésionnel, mais ailleurs que chez Réservoirs Trans-Québec (l’employeur).

[5]                À l’audience tenue à Longueuil le 4 octobre 2007, le travailleur est présent. L’employeur n’y est pas représenté. La CSST, partie intervenante, est représentée.

[6]                La Commission des lésions professionnelles a requis de la CSST une argumentation écrite et accordé un délai pour ce faire. L’argumentation demandée a été reçue par la Commission des lésions professionnelles le 23 octobre 2007. C’est à cette date que le dossier fut mis en délibéré.

L’AVIS DES MEMBRES

[7]                La membre issue des associations syndicales et le membre issu des associations d'employeurs sont d’avis que la demande de révision du travailleur, datée du 7 mars 2006, à l’encontre du premier avis de paiement daté du 10 juin 2004, est hors délai. Ils sont d’avis que le travailleur n’a pas fait valoir un motif raisonnable pour expliquer ce hors délai. Ils sont d’avis de rejeter la requête du travailleur.

[8]                Ils sont également d’avis, compte tenu de l’opinion du médecin traitant quant à la présence de limitations fonctionnelles, que la décision de la CSST déterminant que le travailleur peut exercer le même emploi, mais ailleurs que chez l’employeur, est bien fondée. Ils sont d’avis de rejeter la requête du travailleur.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[9]                La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a fait valoir un motif raisonnable pour expliquer son retard à contester, le premier avis de paiement était daté du 10 juin 2004, établissant l’indemnité de remplacement du revenu relié à l’accident du travail survenu le 26 mai 2004.

[10]           Le dossier révèle que le travailleur a été victime d’un accident du travail le 26 mai 2004. Sa réclamation a été acceptée par la CSST et son premier versement d’indemnité de remplacement du revenu est daté du 10 juin 2004.

[11]           Ce n’est que le 7 mars 2006, que le travailleur demande la révision de la base de son indemnité de remplacement du revenu retenue par la CSST aux fins du calcul de son indemnité.

[12]           Conformément à l’article 358 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), le travailleur bénéficiait de 30 jours pour demander la révision de cette décision de la CSST. L’article 358 est libellé comme suit :

358. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.

 

Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII, ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.

 

Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2.

 

 

[13]           Puisque le travailleur n’a contesté que le 7 mars 2006 l’indemnité de remplacement du revenu retenue par la CSST depuis le 10 juin 2004, le délai de 30 jours pour contester cette décision n’a manifestement pas été respectée.

[14]           Conformément à l’article 358.2 de la loi, la CSST peut prolonger le délai prévu à l’article 358, ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, si cette personne démontre que la demande de révision n’a pu être faite dans le délai prescrit pour un motif raisonnable.

[15]           Dans le cas qui nous occupe, le travailleur est d’origine afghane. Il est arrivé au Canada et à la province du Québec en 1997.

[16]           Lorsqu’il a été victime de l’accident du travail en mai 2004, il ne maîtrisait pas parfaitement la langue française.

[17]           Il s’est rendu à la CSST où il fut assisté d’une dame à la réception pour compléter son formulaire « Réclamation du travailleur ».

[18]           Lorsque cette représentante de la CSST lui a demandé s’il était marié, il ne savait pas vraiment quoi répondre. En effet, il était marié depuis l’an 2003, mais son épouse afghane n’était jamais venue au Canada. Dans les faits, elle est arrivée en septembre 2004 au Canada.

[19]           La représentante de la CSST lui a alors demandé s’il avait une épouse qui vivait avec lui au Canada. Vu que le travailleur a répondu négativement à cette question, on l’a inscrit comme étant célibataire sans personne à charge. C’est aussi le statut qu’il avait pour l’impôt sur le revenu.

[20]           Le ou vers le 13 juillet 2004, l’agent d’indemnisation consigne aux notes évolutives du dossier du travailleur qu’à l’occasion d’une conversation téléphonique avec ce dernier, la base salariale a été confirmée ainsi que sa situation familiale, à savoir qu’il était considéré célibataire sans personne à charge, puisque sa femme n’était pas encore au Canada et qu’il n’avait aucun enfant. Le premier chèque avait été émis le 10 juin 2004.

[21]           À l’audience, le travailleur a expliqué les difficultés qu’il éprouve, tant à la lecture, à la compréhension, qu’à l’expression française.

[22]           La Commission des lésions professionnelles, outre le témoignage du travailleur, a également entendu le témoignage de madame Micheline Rougeau, une amie du travailleur. Cette dernière confirme les difficultés de compréhension du travailleur, surtout des termes techniques, juridiques ou médicaux.

[23]           Dans le cas qui nous occupe, la Commission des lésions professionnelles estime que la CSST a informé et donné les explications au travailleur afin qu’il comprenne comment le calcul de l’indemnité de remplacement du revenu était faite dans son dossier. Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles estime que le travailleur n’a pas fait valoir de motif raisonnable démontrant qu’il n’avait pas compris les explications de la CSST sur cet aspect du dossier.

[24]           Subsidiairement, la Commission des lésions professionnelles ajoute, même si le travailleur avait eu un motif raisonnable pour être relevé de son défaut, que son épouse n’était pas à sa charge lors de sa lésion professionnelle. La Commission des lésions professionnelles retient l’argumentation de la procureure de la CSST à l’effet que, lorsque l’accident du travail est survenu au mois de mai 2004, le travailleur n’avait aucune personne à charge au Canada. Il faut se placer au moment de la lésion professionnelle afin de déterminer la situation du travailleur accidenté. Ce sont les articles 63 paragraphe 1 et l’article 64 de la loi qui nous l’indiquent. Ces articles sont libellés comme suit :

63. Le revenu net retenu que le travailleur tire annuellement de son emploi est égal à son revenu brut annuel d'emploi moins le montant des déductions pondérées par tranches de revenus que la Commission détermine en fonction de la situation familiale du travailleur pour tenir compte de:

 

1°   l'impôt sur le revenu payable en vertu de la Loi sur les impôts (chapitre I-3) et de la Loi de l'impôt sur le revenu (Lois révisées du Canada (1985), chapitre 1, 5e supplément);

 

[…]

 

64. Lorsque la Commission révise une indemnité de remplacement du revenu, détermine un nouveau revenu brut en vertu de l'article 76 ou revalorise le revenu brut qui sert de base au calcul de cette indemnité, elle applique la table des indemnités de remplacement du revenu qui est alors en vigueur, mais en considérant la situation familiale du travailleur telle qu'elle existait lorsque s'est manifestée la lésion professionnelle dont il a été victime.

 

 

[25]           Comme l’a soumis la procureure de la CSST aux fins de l’application de l’article 63, c’est bien la situation familiale du travailleur dont on doit tenir compte et ce, conformément à la Loi sur les impôts et à la Loi de l’impôt sur le revenu.

[26]           Le travailleur a admis qu’aux fins de l’application des lois de l’impôt sur le revenu, il était considéré, en 2003, comme n’ayant aucune personne à charge. Ce n’est qu’en 2004, après que son épouse soit arrivée au Canada, que son statut eu égard à la Loi sur l’impôt, a changé.

[27]           Or, aux fins de l’application de notre loi, et ce conformément à l’article 64, la situation du travailleur est en quelque sorte cristallisée le jour où il subit la lésion professionnelle. Ainsi, même si la situation familiale du travailleur évolue après sa lésion professionnelle, le statut déclaré le jour de cette lésion demeure stable et ne change pas.

[28]           La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il y a lieu de déclarer irrecevable la demande de révision du travailleur.

Dossier 301295

[29]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST a eu raison de conclure que le travailleur pouvait refaire le même emploi que celui qu’il occupait lors de l’accident du travail survenu le 26 mai 2004, mais à condition que ce ne soit pas dans le même environnement.

[30]           Rappelons certains faits. Le travailleur, né le 15 décembre 1976, occupe un poste de conducteur de chariot-élévateur lorsqu’il est victime d’un accident du travail le 26 mai 2004, alors qu’il est au travail chez son employeur.

[31]           En raison de cet accident du travail, le travailleur a souffert notamment d’un trouble d’anxiété sévère avec un tableau dépressif majeur et une composante somatoforme. Cette lésion professionnelle a été consolidée le 10 avril 2006 par le médecin traitant du travailleur, le docteur Michel Gauthier.

[32]           Le docteur Gauthier a complété un rapport d’évaluation médical, relié à ce diagnostic. Après avoir reconnu une atteinte permanente de l’ordre de 15 %, le docteur Gauthier est d’avis que le travailleur présente des limitations fonctionnelles en relation avec la lésion professionnelle subie. Il écrit que le travailleur devra éviter de reprendre un emploi dans le même environnement, c’est-à-dire chez le même employeur.

[33]           Conformément à l’article 49 de la loi, la CSST a examiné et déterminé si le travailleur avait besoin de réadaptation pour redevenir capable d’exercer à plein temps un emploi convenable. L’article 49 de la loi est libellé comme suit :

49. Lorsqu'un travailleur incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle devient capable d'exercer à plein temps un emploi convenable, son indemnité de remplacement du revenu est réduite du revenu net retenu qu'il pourrait tirer de cet emploi convenable.

 

Cependant, si cet emploi convenable n'est pas disponible, ce travailleur a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 jusqu'à ce qu'il occupe cet emploi ou jusqu'à ce qu'il le refuse sans raison valable, mais pendant au plus un an à compter de la date où il devient capable de l'exercer.

 

L'indemnité prévue par le deuxième alinéa est réduite de tout montant versé au travailleur, en raison de sa cessation d'emploi, en vertu d'une loi du Québec ou d'ailleurs, autre que la présente loi.

 

 

[34]           Puisque le travailleur demeurait capable d’exercer un emploi de conducteur de chariot-élévateur dans un environnement autre que celui de chez son employeur prélésionnel, c’est à bon droit que la CSST a déclaré le travailleur capable d’exercer son emploi sans autre mesure de réadaptation professionnelle. La décision de la CSST est donc bien fondée.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 288199

REJETTE la requête de monsieur Khan Mohammad Feda datée du 3 mai 2006;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 25 avril 2006 à la suite d’une révision administrative;

Dossier 301295

REJETTE la contestation de monsieur Khan Mohammad Feda datée du 23 octobre 2006;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 28 septembre 2006 à la suite d’une révision administrative;

CONFIRME que monsieur Khan Mohammad Feda est capable d’exercer son travail de conducteur de chariot-élévateur ailleurs que chez Réservoirs Trans-Québec.

 

 

__________________________________

 

Me Line Vallières

 

Commissaire

 

 

Me Sylvana Markovic

Panneton Lessard

Représentant de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q. c. A-3.001

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.