Centre hospitalier de l'Université de Montréal — Pavillon Mailloux et Chartrand |
2013 QCCLP 3713 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Longueuil |
14 juin 2013 |
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Région : |
Montérégie |
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341149-62-0802 352129-62-0806 354597-62-0807 361663-62-0810 471796-62-1205 |
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Dossier CSST : |
131938201 |
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Commissaire : |
Line Vallières, juge administrative |
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Membres : |
Christian Tremblay, associations d’employeurs |
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Nancy Nolet, associations syndicales |
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Assesseur : |
Marcel M. Boucher, médecin |
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341149 |
352129 354597 361663 471796 |
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Centre hospitalier de l’Université de Montréal - Pavillon Mailloux |
Chantal Chartrand |
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Partie requérante |
Partie requérante |
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et |
et |
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Chantal Chartrand |
Centre hospitalier de l’Université de Montréal - Pavillon Mailloux |
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Partie intéressée |
Partie intéressée |
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et |
et |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail |
Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Partie intervenante |
Partie intervenante |
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Dossier 341149-62-0802
[1] Le 26 février 2008, Centre hospitalier de l’Université de Montréal - Pavillon Mailloux (l’employeur) dépose une requête, à la Commission des lésions professionnelles, à l’encontre d’une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 19 février 2008, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 23 janvier 2008 qui faisait suite à un avis rendu par un membre du Bureau d’évaluation médicale le 18 décembre 2007, en rapport avec une lésion professionnelle subie le 15 septembre 2007.
[3] La CSST confirme que le diagnostic d’entorse musculaire du trapèze gauche, au même titre que l’entorse au poignet gauche, est aussi en relation avec l’événement survenu le 15 septembre 2007, que madame Chantal Chartrand (la travailleuse) a droit à la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu puisque les lésions professionnelles ne sont pas consolidées et que la CSST va poursuivre le paiement des soins et des traitements puisqu’ils sont toujours nécessaires.
Dossier 352129-62-0806
[4] Le 27 juin 2008, la travailleuse dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la CSST le 18 juin 2008, à la suite d’une révision administrative.
[5] Par cette décision, la CSST confirme la décision initialement rendue le 7 mai 2008 qui fait suite à l’avis rendu par un membre du Bureau d’évaluation médicale le 30 avril 2008, en rapport avec la lésion professionnelle subie le 15 septembre 2007. Toutefois, elle retient la date du 7 mai 2008, quant à la capacité à exercer son emploi.
[6] La CSST déclare que les lésions professionnelles sont consolidées le 14 janvier 2008, sans nécessité de soins ou de traitements après cette date, sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. L’indemnité de remplacement du revenu qui lui a été versée entre le 14 janvier 2008 et le 6 mai 2008 ne sera pas recouvrée compte tenu de la bonne foi de la travailleuse. Seule la somme de 140,56 $ lui est réclamée à titre de trop-perçu, pour la période du 7 au 8 mai 2008.
Dossier 354597-62-0807
[7] Le 29 juillet 2008, la travailleuse dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la CSST le 22 juillet 2008, à la suite d’une révision administrative.
[8] Par cette décision, la CSST confirme la décision initialement rendue le 13 mars 2008 et déclare que le diagnostic d’état de dépression majeure n’est pas en relation avec l’accident du travail survenu le 15 septembre 2007.
Dossier 361663-62-0810
[9] Le 28 octobre 2008, la travailleuse dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la CSST le 22 octobre 2008, à la suite d’une révision administrative.
[10] Par cette décision, la CSST confirme la décision initialement rendue le 15 septembre 2008, faisant suite à un avis rendu par un membre du Bureau d’évaluation médicale, le 2 septembre 2008. Puisque le membre du Bureau d’évaluation médicale conclut à l’absence de pathologie psychiatrique, la CSST déclare qu’aucune indemnité de remplacement du revenu ne peut être versée à la travailleuse puisqu’elle n’est pas atteinte d’une lésion professionnelle d’ordre psychologique.
Dossier 471796-62-1205
[11] Le 23 mai 2012, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la conciliatrice-décideuse de la CSST le 18 mai 2012.
[12] Par cette décision, la conciliatrice-décideuse rejette deux plaintes pour mesure discriminatoire déposées par la travailleuse respectivement le 20 décembre 2007 et le 31 janvier 2008, en vertu de l’article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[13] Par sa plainte du 20 décembre 2007, elle soutient que son employeur a refusé de lui permettre un retour progressif à son travail de préposée aux bénéficiaires sur le quart de soir. Par sa deuxième plainte du 31 janvier 2008, elle soutient qu’elle a été congédiée parce qu’elle a été victime d’une lésion professionnelle le 15 septembre 2007. Ces deux plaintes ont été rejetées par la conciliatrice-décideuse.
[14] Les 20 septembre 2010, 31 mai 2012, 1er juin 2012, 4 juin 2012, 6 juin 2012, 8 juin 2012, 7 septembre 2012, 10 septembre 2012, 19 février 2013 et 22 février 2013, la Commission des lésions professionnelles a tenu des journées d’audience, en présence de la travailleuse et de sa procureure. L’employeur y était également représenté. La CSST, partie intervenante, a avisé de ses absences aux journées d’audience.
[15] La Commission des lésions professionnelles a également tenu deux conférences de gestion d’audience téléphoniques avec les procureures des parties, les 21 juin 2011 et 30 septembre 2011. La Commission des lésions professionnelles a également tenu une conférence préparatoire en présence des parties et de leur procureure respective le 18 juillet 2012. Les dossiers sont mis en délibéré le 22 février 2013, soit à la dernière journée d’audience.
L’OBJET DES REQUÊTES
Dossier 341149-62-0802
[16] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que l’entorse du poignet gauche et l’entorse musculaire du trapèze gauche, subies lors de l’accident du travail du 15 septembre 2007, sont consolidées le 27 septembre 2007. Subsidiairement, si la Commission des lésions professionnelles ne retient pas cette date, l’employeur demande alors de retenir la date de consolidation du 22 octobre 2007 ou au plus tard le 14 janvier 2008, soit aux dates des examens pratiqués par le docteur Jacques Paradis. Il demande de modifier la décision de la CSST en conséquence.
Dossier 352129-62-0806[2]
[17] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles, tout en reconnaissant les conclusions du membre du Bureau d’évaluation médicale quant à l’aspect physique de la lésion professionnelle subie, de déclarer qu’elle n’a toutefois pas la capacité d’exercer l’emploi, malgré la consolidation de la lésion physique au 14 janvier 2008, puisque la lésion d’ordre psychique, un trouble d’adaptation avec anxiété et humeur dépressive, n’est pas consolidée à cette date. Si la Commission des lésions professionnelles ne retenait pas la lésion d’ordre psychique à titre de lésion professionnelle, elle demande subsidiairement de déclarer qu’elle n’a pas la capacité de reprendre son emploi, malgré la consolidation de la lésion au 14 janvier 2008 puisque la maladie personnelle intercurrente, soit le trouble de l’adaptation, était toujours présente, à la date de la décision de la CSST.
[18] L’employeur réitère que la lésion professionnelle est consolidée, tel que soutenu dans le dossier 341149-62-0802. La travailleuse soutient que l’employeur ne peut plaider une autre date de consolidation dans ce dossier, puisqu’il n’a pas contesté cette décision.
Dossier 354597-62-0807
[19] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il y a une relation entre le diagnostic de trouble de l’adaptation avec anxiété et humeur dépressive et un événement survenu au travail en décembre 2007, soit l’exercice abusif du droit de gérance de l’employeur qui lui a refusé un retour au travail progressif sur le quart de soir. Subsidiairement, la lésion psychologique découle d’un harcèlement ou de l’exercice abusif du droit de gérance de l’employeur de 2006 à 2008.
[20] L’employeur soutient que le tribunal ne peut examiner les prétentions de la travailleuse eu égard à la lésion d’ordre psychique, puisqu’elle invoque une cause étrangère à l’accident du 15 septembre 2007 et qu’elle n’a pas déposé de réclamation à la CSST à cet effet. Il demande à la Commission des lésions professionnelles de retourner le dossier à la CSST pour qu’elle se prononce sur la prétention de la travailleuse.
Dossier 361663-62-0810
[21] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a souffert d’un trouble de l’adaptation avec anxiété et humeur dépressive modérément sévère et que cette lésion est une lésion professionnelle. Elle demande de modifier la décision de la CSST en conséquence.
Dossier 471796-62-1205
[22] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a été congédiée parce qu’elle a été victime d’une lésion professionnelle. Elle demande d’infirmer la décision de la conciliatrice-décideuse du 18 mai 2012, quant au congédiement et d’ordonner à l’employeur le paiement du salaire et des avantages liés à son emploi. Elle ne demande pas sa réintégration dans son emploi.
[23] Quant à sa plainte quant au refus de l’employeur de lui permettre un retour progressif au travail sur le quart de soir, elle n’a aucune conclusion particulière recherchée.
L’AVIS DES MEMBRES
Dossiers 341149-62-0802 et 352129-62-0806 : les lésions d’ordre physique.
[24] La membre issue des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que la Commission des lésions professionnelles a compétence pour décider de la date de consolidation de la lésion d’ordre physique et qu’elle peut entendre la preuve de l’employeur sur cette question. Ils sont d’avis que le moyen préliminaire de la travailleuse devrait être rejeté.
[25] Quant au fond, ils sont d’avis que la preuve médicale prépondérante établit que la lésion professionnelle d’ordre physique est consolidée le 14 janvier 2008. Ils sont d’avis que la preuve prépondérante ne permet pas de retenir la date du 22 octobre 2007, soit la date du 1er examen pratiqué par le docteur Paradis. Le 23 octobre 2007, la travailleuse est à nouveau en arrêt de travail complet dû à une exacerbation des douleurs à la suite d’une assignation temporaire. Au mois de décembre 2007, le médecin ayant charge est d’avis que la guérison d’ordre physique est satisfaisante, mais il propose un retour progressif au travail pour une durée d’un mois. Or, le 14 janvier 2008 correspond à peu de chose près à cette période.
[26] Pour le membre issu des associations d’employeurs, puisque la lésion professionnelle d’ordre physique est consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle le 14 janvier 2008, il est d’avis que la travailleuse était capable de reprendre son emploi à cette date. La CSST est bien fondée d’accorder une remise de dettes pour l’indemnité de remplacement du revenu versée à la travailleuse après cette date. Toutefois, la CSST est bien fondée de réclamer un trop-perçu de 140,56 $ représentant l’indemnité de remplacement du revenu versée à la travailleuse du 7 mai au 8 mai 2008. Ils sont d’avis que la requête de l’employeur devrait être accueillie en partie et la requête de la travailleuse rejetée.
[27] Pour la membre issue des associations syndicales, bien que la lésion d’ordre physique soit consolidée le 14 janvier 2008, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, elle est d’avis que la travailleuse avait droit à la poursuite de l’indemnité de remplacement du revenu puisque sa lésion d’ordre psychique, également une lésion professionnelle, n’était pas consolidée à cette date. Elle est d’avis que la requête de l’employeur quant à la date de consolidation de la lésion physique au 14 janvier 2008 devrait être accueillie et celle de la travailleuse, quant à la date de capacité à exercer son emploi, le soit aussi.
Dossiers 354597-62-0807 et 361663-62-0810 : la lésion d’ordre psychique.
[28] La membre issue des associations syndicales et celui issu des associations d’employeurs sont d’avis que la Commission des lésions professionnelles a la compétence pour décider si la lésion d’ordre psychique découle d’événements survenus au travail, malgré l’absence d’une réclamation sur un formulaire CSST. La CSST puis, par la suite, la direction de la révision administrative de la CSST ont disposé de la demande de la travailleuse. Les droits de justice naturelle des parties ont été respectés en tout temps. Le retour à la CSST de ce dossier n’apporterait aucun éclairage nouveau dans ce dossier. Ils sont d’avis que le moyen préliminaire de l’employeur devrait être rejeté.
[29] Quand au fond, ils sont d’avis que la preuve médicale prépondérante établit que la travailleuse a présenté un trouble d’adaptation avec anxiété et humeur dépressive depuis au moins le 13 novembre 2007, tel que documenté lors d’une visite médicale auprès du médecin ayant charge.
[30] Toutefois, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que cette lésion d’ordre psychique n’est pas une lésion professionnelle. Cette lésion d’ordre psychique ne peut être causée par le refus de l’employeur de permettre un retour progressif au travail sur le quart de soir. Ce refus est survenu le ou vers le 12 décembre 2007 alors que dès le 13 novembre 2007, le médecin ayant charge prescrivait une médication et de la psychothérapie pour une lésion d’ordre psychique. Cette lésion psychique ne peut être causée non plus par le congédiement qui lui aussi est postérieur à la lésion. Il est également d’avis que la preuve ne permet pas de conclure que la travailleuse a été victime de harcèlement psychologique entre 2006 et 2008. La travailleuse a signé une transaction, valide, le 23 août 2007, mettant fin à sept griefs dont un congédiement. En signant cette transaction, la travailleuse reconnaissait le bien-fondé des mesures disciplinaires prises contre elle. Elle ne peut venir prétendre devant la Commission des lésions professionnelles qu’il s’agissait de harcèlement psychologique. Quant aux événements survenus après le 15 septembre 2007, date de la lésion professionnelle, la preuve révèle que l’employeur a exercé son droit de gérance en croyant, de bonne foi, que les dispositions de la transaction s’appliquaient également en cas d’absence de lésion professionnelle. Il est d’avis qu’il ne peut s’agir, dans une telle situation, d’exercice abusif d’un droit de gérance ni de harcèlement psychologique. Il est donc d’avis que la requête de la travailleuse devrait être rejetée.
[31] La membre issue des associations syndicales est plutôt d’avis que la lésion d’ordre psychique est une lésion professionnelle. Selon elle, la preuve permet de conclure que l’employeur a exercé de façon abusive son pouvoir de gérance lors d’envoi de multiples avis disciplinaires injustifiés. C’est cette accumulation de microtraumatismes, assimilable à une succession d’événements imprévus et soudains, qui permet de conclure que la travailleuse a été victime d’une lésion professionnelle. D’ailleurs, tous les professionnels de la santé ayant eu l’occasion d’examiner la travailleuse dans le présent dossier ont constaté qu’elle présentait des symptômes d’ordre psychique en raison d’événements survenus au travail. Elle est d’avis que la preuve révèle que la lésion d’ordre psychique est consolidée le 19 mai 2012, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Elle est d’avis que c’est à cette dernière date que la travailleuse est redevenue capable d’exercer son emploi. Elle est d’avis que la requête de la travailleuse devrait être accueillie.
Dossier 471796-62-1205
[32] La membre issue des associations syndicales et celui issu des associations d’employeurs sont d’avis que la plainte déposée par la travailleuse, parce que l’employeur lui a refusé un retour progressif au travail sur le quart de soir, est non fondée. Ils sont d’avis que la loi n’impose aucune obligation à un employeur de donner suite à une suggestion ou recommandation du médecin d’autoriser un retour progressif au travail. L’employeur, en exerçant son droit de gérance, a l’entière discrétion d’accepter ou non de donner suite à une telle recommandation. Le refus de proposer un travail sur le quart de soir ne constitue pas une sanction ni l’exercice abusif de son droit de gérance.
[33] Quant à la plainte pour congédiement, ils sont d’avis que la transaction intervenue entre les parties, le 23 août 2007, est tout à fait valide. Cependant, puisqu’il s’agit d’une loi d’ordre public, la renonciation à la protection offerte par la loi est possible par une transaction intervenue entre les parties, en autant que le droit ou la protection à laquelle une partie renonce concerne un droit né et actuel. Dans la présente cause, la travailleuse a été victime d’une lésion professionnelle postérieurement à la signature de l’entente.
[34] Ils sont d’avis que l’employeur ne pouvait invoquer l’entente de la dernière chance pour exiger de la travailleuse qu’elle lui remette les rapports médicaux concernant le suivi pour sa lésion professionnelle. Non seulement la loi n’oblige pas la travailleuse à remettre les rapports médicaux à son employeur, mais elle interdit la CSST de transmettre à l’employeur les rapports médicaux. La seule façon pour un employeur d’avoir accès à l’information contenue aux rapports médicaux, et non aux rapports médicaux eux-mêmes, c’est en désignant un professionnel de la santé. L’obligation de l’entente intervenue entre les parties le 23 août 2007 enfreint le droit de la travailleuse à ne pas remettre les rapports médicaux à son employeur. Ils sont donc d’avis que la cause invoquée par l’employeur pour justifier le congédiement est inopposable à la travailleuse et que le congédiement doit donc être annulé.
[35] Le membre issu des associations d’employeurs précise qu’en vertu de la convention collective, l’employeur est tout à fait fondé de demander des justifications médicales pour chacune des absences de la travailleuse. Il est justifié d’en demander davantage dans le cadre d’une entente de réintégration. Cependant, il ne peut exiger plus que ce que permet la loi sans que l’entente signée concerne aussi l’absence pour une lésion professionnelle. Il est d’avis que l’entente signée par les parties ne stipule pas clairement qu’elle s’applique en cas de lésion professionnelle. Par conséquent, puisque la lésion professionnelle est postérieure à la signature de l’entente, il est d’avis que le motif invoqué par l’employeur pour justifier le congédiement par l’application de cette entente est inopposable.
[36] Quant aux autres motifs invoqués par l’employeur pour justifier le congédiement, soit le refus de la travailleuse de suivre la recommandation du médecin de s’adresser au programme d’aide aux employés et la déclaration de la travailleuse au docteur Paradis qu’elle refuse de consulter le programme d’aide aux employés, ces faits sont inexistants ou inexacts. Ils ne peuvent donc justifier le congédiement.
[37] Ils sont d’avis que la requête de la travailleuse devrait être accueillie en partie.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[38] Aux fins de rendre sa décision, dans les litiges, la Commission des lésions professionnelles retient les principaux éléments de preuve suivants.
[39] La travailleuse, née au mois d’avril 1965, occupe un poste de préposée aux bénéficiaires depuis plus de 20 ans chez l’employeur.
[40] Entre 2005 et 2007, la travailleuse a fait l’objet de mesures disciplinaires imposées par l’employeur en raison d’absences de son travail. Le 17 mai 2007, l’employeur procède au congédiement de la travailleuse (pièce T-16). Le syndicat des employés du Centre hospitalier de l’Université de Montréal - CSN (le syndicat) a déposé des griefs à l’encontre d’au moins sept de ces mesures disciplinaires, dont le congédiement du 17 mai 2007.
[41] Le 23 août 2007, le jour même où un arbitre de griefs doit procéder à l’audience des sept griefs, les parties concluent une entente avant l’audience. Le syndicat, l’employeur et la travailleuse signent devant l’arbitre une transaction rédigée le même jour. Par cette transaction (pièce T-17B), le syndicat retire les sept griefs déposés, et l’employeur transforme le congédiement en suspension, se terminant le 3 septembre 2007.
[42] La transaction contient une entente de réintégration conditionnelle de la travailleuse au travail. Il s’agit, ce qui est convenu d’appeler en relation du travail, d’une entente de la dernière chance. Comme son nom le laisse entendre, la réintégration au travail se fait sous conditions que la travailleuse s’engage à respecter. Les dispositions de cette entente de la dernière chance, pertinentes au présent litige, se retrouvent aux paragraphes suivants :
4. La Salariée s’engage, et ce, pour une période d’une année à compter de la date de la signature des présentes, à fournir pour chacune de ses absences, un certificat médical valide daté de la journée même de l’absence et remis la journée même de l’absence (en personne ou par télécopieur) au service de santé et de sécurité du travail qui verra à valider ledit certificat.
Un certificat médical pour être valide doit contenir les informations suivantes :
- un diagnostic
- la nature des traitements
- la date de l’arrêt de travail
- la date de retour au travail (ou la date prévisible)
- la date du prochain rendez-vous, s’il y a lieu
- le nom du médecin (caractère d’imprimerie)
- le certificat médical doit être dûment complété et signé par un médecin.
De plus, la Salariée devra fournir toute information additionnelle requise par l’Employeur dans un délai raisonnable et avec diligence.
5. Advenant le non-respect des conditions énoncées au paragraphe 4 des présentes, la Salariée sera congédiée et perdra définitivement son emploi.
6. De plus, devant le haut taux d’absentéisme de la Salariée, cette dernière ne pourra s’absenter pour la prochaine année, et ce, à compter de la signature des présentes, pour plus de dix (10) jours consécutifs ou non. Cette limite d’absence ne s’applique pas cependant lors de maladie grave relevant d’un tableau clinique apparent ou d’une condition de santé non reliée à ses antécédents.
7. Advenant le non-respect du paragraphe 6 des présentes, la Salariée fera l’objet d’un congédiement.
[…]
9. En tout temps, lors de chacune de ses absences, la Salariée s’engage à aviser son infirmière chef de l’unité de soins où elle est affectée, dans les meilleurs délais. Elle devra également aviser la commis aux soins infirmiers.
[…]
13. La Salariée reconnaît avoir bien compris la teneur des présentes, qu’il s’agit bien d’une entente de la dernière chance et qu’elle en comprend les conséquences. De plus, elle déclare avoir reçu toutes les informations et conseils de son Syndicat avant de la signer.
[43] Le ou vers le 4 septembre 2007, à la suite de cette entente de la dernière chance, la travailleuse est réintégrée à titre de préposée aux bénéficiaires chez l’employeur sur le quart de jour.
[44] Le 15 septembre 2007, alors qu’elle exerce son travail de préposée aux bénéficiaires, elle s’approche d’un patient dont la contention d’un de ses bras s’est détachée. Le patient lui saisit le poignet gauche. Quatre personnes, des collègues de travail, interviennent pour la dégager de cette emprise.
[45] La travailleuse consulte immédiatement à l’urgence de l’hôpital où elle travaille. Une attestation médicale initiale sur un formulaire CSST est remplie par le médecin qui pose un diagnostic d’entorse au poignet gauche, prescrit une médication analgésique, une attelle au poignet pour son confort et un arrêt de travail pour quatre jours.
[46] Le 18 septembre 2007, la travailleuse consulte à nouveau un médecin. Au rapport médical destiné à la CSST, le médecin retient le diagnostic d’entorse au poignet gauche post agression, accompagnée d’une douleur au trapèze gauche ainsi que des spasmes musculaires. Il recommande des traitements de physiothérapie, prolonge l’arrêt de travail et prévoit revoir la travailleuse dans deux semaines.
[47] En septembre 2007, c’est madame Andrée Morasse qui s’occupe de la gestion du dossier de la travailleuse chez l’employeur, à titre d’agente de gestion de personnel au Service de santé et sécurité du travail. Elle occupe ce poste depuis 2007. Madame Morasse a 22 années d’expérience de gestion de dossiers CSST dans le milieu hospitalier.
[48] Comme en témoignent les notes évolutives du dossier de la travailleuse chez l’employeur, consignées informatiquement et principalement par madame Morasse (pièce E-22), son premier contact avec la travailleuse, dans le cadre de l’accident du travail survenu le 15 septembre 2007, est le 18 septembre 2007, par la réception de l’attestation médicale initiale, expédiée la veille par télécopieur, et un appel téléphonique de la travailleuse.
[49] Madame Morasse est entendue comme témoin à l’audience. Elle témoigne du fonctionnement de la gestion chez l’employeur, un centre hospitalier, des dossiers d’accident du travail et d’assurance salaire. L’employeur assume le versement de l’indemnité de remplacement du revenu lorsqu’un employé est blessé dans le cadre d’une lésion professionnelle. L’employeur assume le versement des indemnités de remplacement du revenu, au même taux que celui de la CSST, et ce, pour un maximum de 104 semaines (deux années). La CSST rembourse à l’employeur les indemnités ainsi versées : dispositions contenues à la convention collective, notamment l’article 23.19 c, liant les parties (pièce E-24). Si ultimement la réclamation d’un employé est refusée par la CSST, l’employeur transforme la demande d’indemnités CSST en demande de prestations d’assurance-salaire. Il opère ainsi compensation et se charge, le cas échéant, de récupérer les sommes qui auraient été versées en trop à un employé. L’employeur agit donc comme un auto assureur en ce qui a trait au versement des indemnités de remplacement du revenu en cas d’accident du travail, et ce, pendant une période maximale de 104 semaines.
[50] Dès le premier contact du 18 septembre 2007, une certaine tension s’installe lors des communications entre madame Andrée Morasse et la travailleuse. Le 18 septembre 2007, madame Morasse demande à la travailleuse de signer un formulaire autorisant le Service de santé et sécurité du travail à avoir accès à son dossier médical depuis cette visite à l’urgence le 15 septembre 2007. La travailleuse explique qu’après avoir consulté son syndicat, on lui a dit de ne rien signer et que si l’employeur voulait des renseignements de cette nature, il devait s’adresser à la CSST. Madame Morasse lui précise qu’elle aura un rendez-vous pour un examen auprès d’un médecin désigné.
[51] Le 18 septembre 2007, madame Morasse laisse un message sur la boîte vocale à la résidence de la travailleuse l’avisant qu’elle a un rendez-vous avec le docteur Serge Piette[3] le 20 septembre 2007 à 15 heures. C’est le médecin désigné par l’employeur conformément à l’article 209 de la loi.
[52] Le 19 septembre 2007, la travailleuse laisse un message dans la boîte vocale de madame Morasse lui demandant de changer le rendez-vous auprès du docteur Piette, car elle a sa première évaluation en physiothérapie pour sa lésion professionnelle, ce 20 septembre à 12 h 30, et ce, pour une durée de deux heures. La travailleuse voyage en transport en commun. Madame Morasse refuse de modifier le rendez-vous auprès du docteur Piette.
[53] Toujours le 19 septembre 2007, madame Morasse reçoit un appel de monsieur Richard Supple du syndicat. Il soutient que, selon lui, l’entente de la dernière chance ne s’applique pas à un cas de CSST. Il lui soumet que le rendez-vous prévu pour le 20 septembre 2007 n’a aucun sens compte tenu des circonstances dans lesquelles se trouve la travailleuse, notamment cette première évaluation en physiothérapie et le fait qu’elle doit se déplacer en transport en commun. Madame Morasse rappelle à monsieur Supple que l’employeur est dans son droit de faire examiner la travailleuse. Elle ajoute que la travailleuse n’a pas voulu collaborer en refusant de signer un formulaire pour permettre l’accès de l’employeur aux notes médicales de l’urgence. Monsieur Supple lui précise qu’elle n’a qu’à s’adresser à la CSST comme l’indique la loi.
[54] Le 20 septembre 2007, madame Morasse reçoit un message dans sa boîte vocale du président du syndicat, monsieur Pierre Demers, lui demandant de reporter le rendez-vous de la travailleuse compte tenu des circonstances particulières. Il demande de reporter le rendez-vous au lendemain. Il lui précise que, de toute façon, la travailleuse n’ira pas à ce rendez-vous, car elle ira à l’évaluation en physiothérapie telle que recommandée par son médecin ayant charge.
[55] Le 20 septembre 2007, madame Morasse est informée que la travailleuse ne s’est pas présentée à son rendez-vous chez le docteur Piette. Elle laisse alors un message dans la boîte vocale de monsieur Jean-Denis Roy, conseiller en relation de travail chez l’employeur à cette époque, afin de déterminer avec lui le suivi à donner dans le dossier de la travailleuse.
[56] Monsieur Roy a été entendu comme témoin à l’audience. À l’époque pertinente, il connaissait tout le dossier de la travailleuse puisqu’il a lui-même été signataire de l’entente de la dernière chance du mois d’août 2007. Selon une note consignée au dossier par madame Morasse, monsieur Roy lui précise que l’obligation de fournir toute information additionnelle requise par un employeur, dans un délai raisonnable et avec diligence, tel que prévu à l’entente de la dernière chance, s’applique à toutes les absences. Il verra à communiquer avec le président du syndicat. Notons que l’employeur n’applique aucune sanction à la travailleuse pour ce rendez-vous manqué du 20 septembre 2007.
[57] Le 24 septembre 2007, l’employeur convoque à nouveau la travailleuse à un examen médical, prévu pour le 27 septembre 2007, devant le docteur Piette. L’examen a lieu et le rapport de cet examen est au dossier. Le docteur Piette, après avoir procédé à son examen physique, est d’avis que la travailleuse ne présente plus aucun signe objectif d’entorse au poignet gauche, qu’il y a une myalgie du trapèze gauche et il note des signes de discordances multiples à l’examen. Il est d’avis que la lésion est consolidée à la date de son examen, soit le 27 septembre 2007, sans nécessité de soins, sans atteinte permanente et sans limitation fonctionnelle.
[58] À l’audience, la travailleuse témoigne que l’examen pratiqué par le docteur Piette a accentué ses douleurs, notamment parce qu’il lui a fait faire des push-up sur la table d’examen. Selon elle, le docteur Piette était brusque et antipathique à son égard.
[59] Le 28 septembre 2007, la travailleuse a consulté le docteur Oguz Arihan qui deviendra le médecin ayant charge. Ce médecin pratique dans une clinique sans rendez-vous. Lors de cette visite, le docteur Arihan remplit un rapport médical destiné à la CSST et retient les diagnostics d’entorse au poignet gauche, d’entorse cervicale et trapèze gauche. Il recommande une radiographie, de continuer la physiothérapie et le maintien de l’arrêt de travail. Il recommande un autre rendez-vous lorsque la radiographie aura été faite.
[60] À l’audience, la travailleuse témoigne que les communications avec le docteur Arihan étaient difficiles, car il parlait surtout l’anglais, ce qui constituait une barrière entre elle et lui.
[61] Le 28 septembre 2007, dans une note évolutive, madame Morasse écrit qu’elle a téléphoné à la travailleuse et qu’elle lui a laissé un message dans sa boîte vocale de passer au Service de santé et sécurité du travail avant son rendez-vous du 2 octobre afin de venir chercher un formulaire d’assignation temporaire au travail. Madame Morasse lui précise que si son rendez-vous n’est pas à l’Hôpital Notre-Dame, elle lui demande de la rappeler afin qu’elle lui fasse parvenir le formulaire d’assignation temporaire.
[62] À l’audience, madame Morasse admet que la travailleuse ne lui a pas dit qu’elle avait un rendez-vous le 2 octobre, mais qu’elle a déduit cette date par le rapport médical du 18 septembre 2007 où le médecin recommandait un rendez-vous dans deux semaines.
[63] Le 1er octobre 2007, la travailleuse transmet par télécopieur le rapport médical du docteur Arihan daté du 28 septembre 2007. Ce même 1er octobre 2007, la travailleuse informe madame Morasse, par téléphone, que le docteur Piette a été brutal lors de son examen, ce qui a augmenté de façon considérable ses douleurs. Le docteur Arihan lui a prescrit une radiographie et la reverra dix jours après. Ce même jour, madame Morasse expédie, au docteur Arihan, par télécopieur, un formulaire d’assignation temporaire pour une assignation à débuter le 2 octobre 2007.
[64] Le 3 octobre 2007, une radiographie du rachis cervical, du poignet et de la main gauche est réalisée. Les résultats s’avèrent normaux selon le radiologiste.
[65] Le 10 octobre 2007, madame Morasse laisse un message sur la boîte vocale de la travailleuse demandant de la rappeler, car elle veut savoir à quelle heure est son rendez-vous le 12 octobre et veut aussi s’assurer qu’elle fera remplir le formulaire d’assignation temporaire par le docteur Arihan.
[66] Le 11 octobre 2007, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare admissible la réclamation de la travailleuse pour une entorse au poignet gauche. Cette décision n’est pas contestée.
[67] Le 11 octobre 2007, la travailleuse téléphone à madame Morasse. Elle l’informe qu’elle n’a pas de rendez-vous le 12 octobre, le médecin n’étant pas à la clinique. Elle prévoit le voir la semaine suivante, mais ne sait pas à quel jour le médecin sera à la clinique. La travailleuse rappelle quelques minutes plus tard pour préciser qu’elle a un rendez-vous le 15 octobre à la clinique sans rendez-vous. Madame Morasse lui réitère que le médecin a reçu un formulaire d’assignation temporaire et qu’il doit être absolument rempli à ce rendez-vous.
[68] Le 16 octobre 2007, selon une note consignée au dossier, madame Morasse écrit que lors de sa dernière conversation téléphonique, elle avait spécifié à la travailleuse qu’elle devait lui donner des nouvelles immédiatement après son rendez-vous pour qu’elle puisse faire le suivi et le remplacement au besoin. Or, à son arrivée le matin, elle n’avait aucun message de la travailleuse sur sa boîte vocale. Après vérification, la travailleuse n’a laissé aucun message et n’a envoyé aucune télécopie. Donc, Madame Morasse fait un suivi avec monsieur Roy, des relations de travail, pour la conduite à tenir.
[69] Le 16 octobre 2007, la travailleuse téléphone au bureau de madame Morasse et l’informe qu’elle a vu son médecin ce jour-là et que l’arrêt de travail et les traitements de physiothérapie sont maintenus. Elle doit le revoir le 5 novembre 2007 et précise qu’elle va envoyer le rapport du médecin par télécopie.
[70] Lors de cette conversation téléphonique, la travailleuse explique à madame Morasse qu’elle n’a pu voir son médecin le 15 octobre, puisqu’il n’y avait plus de place à la clinique sans rendez-vous. Elle a pu le voir le 16 octobre au matin. Elles discutent également du formulaire d’assignation temporaire, formulaire que l’employeur n’a toujours pas reçu. La travailleuse lui fournit alors toutes les coordonnées du docteur Arihan. Madame Morasse téléphone à la clinique du docteur Arihan. Elle est informée que le formulaire d’assignation temporaire est classé et signé en date du 3 octobre 2007, mais qu’il n’a jamais été retourné à l’employeur. Madame Morasse envoie un nouveau formulaire à être signé par le médecin le plus rapidement possible et à être retourné par télécopie à l’employeur.
[71] Le 17 octobre 2007, la travailleuse reçoit un avis disciplinaire signé de monsieur Jean-Denis Roy. Dans cet avis, monsieur Roy reproche à la travailleuse de ne pas aviser lors de toutes ses absences, comme le prévoit l’entente de la dernière chance. Elle n’a pas respecté cet engagement depuis le 2 octobre 2007. Depuis cette date, son infirmière-chef n’a eu aucune nouvelle concernant son absence, contrairement à l’entente signée au mois d’août 2007. De plus, elle ne fournit pas toute l’information additionnelle requise par l’employeur et ne transmet pas l’information avec diligence. On lui demande de procéder immédiatement au correctif requis, car le non-respect de l’entente est grave et peut affecter son lien d’emploi. Cette mesure disciplinaire du 17 octobre 2007 fait l’objet d’un grief déposé par le syndicat, grief qui est toujours pendant.
[72] À l’audience, madame Morasse précise que ce qui était reproché à la travailleuse, c’est son refus de ne pas avoir signé l’autorisation de divulgation de renseignements permettant d’avoir accès aux notes cliniques du médecin, notamment les notes cliniques à l’urgence et de ne pas avoir avisé que la visite du 15 octobre avait été reportée au 16 octobre 2007.
[73] Madame Morasse n’a pas avisé monsieur Roy que la travailleuse lui avait téléphoné après sa visite chez le docteur Arihan le 16 octobre 2007, ni que l’employeur avait reçu ce rapport médical de cette visite, le 17 octobre au matin, soit à 9 h 57 (pièce T-21).
[74] Le 18 octobre 2007, madame Morasse a une discussion avec monsieur Roy. Ils conviennent de faire examiner à nouveau la travailleuse par le docteur Piette. Madame Morasse laisse un message dans la boîte vocale de la travailleuse pour lui préciser qu’elle a un rendez-vous avec le docteur Piette le 25 octobre 2007. Une lettre confirmant le tout est expédiée à la travailleuse.
[75] Le 18 octobre 2007, monsieur John Sylva, du syndicat, téléphone à madame Morasse. Il l’informe qu’en raison de l’expérience que la travailleuse a eue avec le docteur Piette, il demande à ce qu’elle soit examinée par un autre médecin désigné. Il est alors convenu qu’elle sera examinée par le docteur Jacques Paradis, le 22 octobre 2007, et le tout sera confirmé par lettre expédiée à la travailleuse.
[76] Le 22 octobre 2007, la travailleuse est examinée par le docteur Jacques Paradis, à titre de médecin désigné par l’employeur, conformément à l’article 209 de la loi. L’expertise médicale du docteur Paradis a été déposée par l’employeur au dossier de la Commission des lésions professionnelles. La Commission des lésions professionnelles a également entendu le témoignage du docteur Paradis lors de la première journée d’audience. Après avoir procédé à son examen objectif, le docteur Paradis est d’avis que son examen est superposable à celui du docteur Piette. Il ne constate aucun spasme, ni aucune perte d’amplitude articulaire. Il ne retient qu’un diagnostic d’entorse au poignet gauche et ne retient pas de signe d’entorse cervicale.
[77] Dans son expertise, le docteur Paradis précise que le docteur Arihan a rempli un formulaire d’assignation ce jour même, autorisant la travailleuse à débuter une assignation temporaire.
[78] À l’audience, la travailleuse précise qu’elle a appris cette autorisation à une assignation temporaire par le docteur Paradis. Selon une note consignée par madame Morasse, effectivement l’employeur a reçu par télécopie, le 22 octobre 2007, l’autorisation à une assignation temporaire signée du docteur Arihan. Le docteur Paradis en a informé la travailleuse lors de son examen. Mentionnons que madame Morasse a donné un mandat verbal au docteur Paradis, par téléphone, celui-ci a fait un bilan verbal à madame Morasse, après avoir examiné la travailleuse. C’est dans ce contexte que le docteur Paradis informe madame Morasse que la travailleuse est disponible à débuter une assignation temporaire le 23 octobre 2007.
[79] Lors de son examen, le docteur Paradis ne retrouve aucun signe de non-organicité comme l’avait mentionné le docteur Piette. Il retient donc la date de consolidation suggérée par le docteur Piette, soit le 27 septembre 2007, devant un examen tout à fait normal. Il ne recommande aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[80] La CSST avait fait parvenir un formulaire de rapport complémentaire au docteur Arihan sollicitant son avis quant à l’expertise du docteur Piette, portant sur le diagnostic, la date de consolidation et la nécessité de traitements. Le docteur Arihan n’a pas donné suite à ce rapport complémentaire de la CSST.
[81] C’est dans ce contexte que la CSST transmet le dossier de la travailleuse à un membre du Bureau d’évaluation médicale, opposant l’expertise du docteur Piette à l’avis du docteur Arihan quant au diagnostic, la date de consolidation et la nécessité de poursuivre les traitements. L’expertise du docteur Paradis, que la CSST n’avait pas reçue, n’est pas soumise au Bureau d’évaluation médicale.
[82] Le 23 octobre 2007, la travailleuse débute une assignation temporaire sur le quart de jour, à du travail clérical. Vers 10 h, ce matin-là, la travailleuse téléphone à madame Morasse afin de connaître l’heure à laquelle elle peut quitter pour son rendez-vous en physiothérapie prévu à 15 h 30. Une discussion s’ensuit puisque la travailleuse voyage par transport en commun. À 11 h, le chef de service de la travailleuse téléphone à madame Morasse pour lui dire que la travailleuse tient le même discours par rapport à son rendez-vous. La travailleuse allègue une douleur au cou et au bras gauche. Elle serait même entrée en collision avec la pompe à soluté d’un patient qui sortait de sa chambre. La travailleuse a précisé à sa chef de service qu’elle ira voir son médecin après la physiothérapie. Finalement, à 13 h 15, madame Morasse est informée que la travailleuse est entrée dans le bureau de la chef de service en pleurant en raison des douleurs. Son médecin traitant la verra en urgence après son traitement de physiothérapie ce jour-là. Elle a quitté après avoir consulté son syndicat.
[83] La travailleuse consulte effectivement le docteur Arihan. Il remplit un rapport médical destiné à la CSST qui indique une rechute sévère de douleurs cervicales, du trapèze gauche et du poignet gauche après trois heures de travail en assignation temporaire. Il recommande un arrêt de travail et de continuer les traitements de physiothérapie. Il prévoit revoir la travailleuse le 13 novembre 2007.
[84] Le 26 octobre 2007, madame Morasse communique par téléphone avec la travailleuse pour l’informer qu’elle n’a pas reçu le rapport médical pour la visite médicale du 23 octobre 2007. La travailleuse lui dit qu’elle a télécopié ce rapport de son télécopieur personnel à la maison le même jour. Elle croit cependant avoir « manqué d’encre » et que c’est la raison pour laquelle la télécopie n’aurait pas encore été reçue. Elle précise qu’elle se rendra à la pharmacie pour envoyer le rapport par télécopie. Le rapport est effectivement transmis au service de santé le 26 octobre 2007.
[85] À l’audience, la travailleuse explique qu’elle avait acquis récemment un télécopieur à la maison et avait peu d’expérience sur son fonctionnement. C’est son conjoint qui lui a expliqué qu’une télécopie ne nécessite pas de cartouche d’encre.
[86] Le 8 novembre 2007, la travailleuse consulte le docteur Dang. Au rapport médical destiné à la CSST, il retient un diagnostic d’entorse cervicale, d’entorse du poignet gauche. Il recommande de diminuer la physiothérapie à raison de trois fois par semaine. Le prochain rendez-vous médical est prévu le 16 novembre 2007.
[87] Le 13 novembre 2007, la travailleuse revoit le docteur Arihan qui remplit un rapport médical destiné à la CSST. Il retient un diagnostic d’entorse cervicale, d’entorse au poignet et recommande la poursuite des traitements de physiothérapie. Il maintient l’arrêt de travail et prévoit revoir la travailleuse le 4 décembre 2007.
[88] Selon une note consignée par madame Morasse, la travailleuse a téléphoné au service de santé pour informer qu’elle a consulté son médecin le même jour. Elle précise que l’arrêt de travail est prolongé et qu’une visite médicale est prévue le 4 décembre prochain. Elle précise également qu’elle enverra le rapport médical par télécopie le lendemain ou le surlendemain.
[89] Le 4 décembre 2007, la travailleuse est convoquée à un examen par un membre du Bureau d'évaluation médicale, le docteur Garry Greenfield, qui doit soumettre son avis sur le diagnostic, la date de consolidation et la nécessité des soins, vu la divergence entre les avis des docteurs Piette et Arihan.
[90] La travailleuse ne se présente pas à la convocation devant le membre du Bureau d'évaluation médicale. Il y avait eu une tempête de neige la veille et elle ne se sentait pas bien. C’est sa jeune voisine qui devait la conduire à son rendez-vous, mais elle s’est désistée à la dernière minute.
[91] Elle a consulté le docteur Arihan le 4 décembre 2007. Elle a ensuite pris un taxi pour retourner chez elle plutôt que vers le bureau du membre du Bureau d'évaluation médicale. Elle a téléphoné au bureau du membre du Bureau d'évaluation médicale au numéro qui apparaissait à son avis de convocation. Elle a parlé à un monsieur à qui elle a expliqué la situation. Après l’avoir mise en attente, il lui a dit qu’il n’y avait aucun problème, que le membre du Bureau d'évaluation médicale allait donner son avis à partir des éléments au dossier.
[92] Le 4 décembre 2007, le docteur Arihan remplit un rapport médical destiné à la CSST après avoir examiné la travailleuse. Il retient les diagnostics d’entorse cervicale et d’entorse au poignet gauche asymptomatique lors de son examen. Il recommande de cesser la physiothérapie et maintient l’arrêt de travail jusqu’au 11 décembre 2007. Il prévoit revoir la travailleuse à cette dernière date pour une dernière évaluation avant le retour au travail régulier.
[93] Le 4 décembre 2007, madame Morasse consigne une note au dossier à la suite d’un appel reçu par la travailleuse. La travailleuse l’avise qu’elle a revu le docteur Arihan ce jour et elle lui fait part des conclusions du médecin. La travailleuse croit pouvoir revenir au travail régulier le 12 décembre 2007, si tout va bien. Elle précise qu’elle était convoquée devant un membre du Bureau d'évaluation médicale, mais qu’après avoir communiqué avec le bureau, on lui a dit que ce n’était pas nécessaire de se présenter, que le médecin pouvait rendre une décision sur dossier. Elle ne s’est donc pas présentée au Bureau d'évaluation médicale. Ni l’employeur ni la CSST n’imposent une sanction pour ce rendez-vous manqué.
[94] Le 11 décembre 2007, la travailleuse revoit le docteur Arihan qui remplit un rapport médical destiné à la CSST. Il retient les diagnostics d’entorse cervicale et d’entorse du poignet en notant une amélioration satisfaisante. Il suggère un retour progressif au travail à raison de deux jours par semaine pour deux semaines, puis trois jours par semaine pour deux semaines et, finalement, un retour au travail régulier. Il précise que le retour au travail progressif doit se faire sur le quart de soir seulement.
[95] Le même jour, la travailleuse téléphone au bureau de madame Morasse et l’informe de ce que le docteur Arihan a écrit sur le rapport médical CSST. Madame Morasse, selon la note qu’elle consigne, discute avec la travailleuse afin de savoir pourquoi le médecin a précisé le quart de soir seulement puisque son poste est de jour. Selon la travailleuse, les tâches sur le quart de soir sont plus légères que sur le quart de jour.
[96] Le 12 décembre 2007, selon la note consignée par madame Morasse, elle a eu une discussion avec monsieur Roy, puis après, avec madame Mélanie Dubé qui agissait à titre de remplaçante du chef de service de la travailleuse à l’époque. Madame Mélanie Dubé connaît très bien le dossier de la travailleuse puisqu’elle avait participé à la décision de la congédier au mois de mai 2007.
[97] Après cette discussion, madame Morasse informe la travailleuse que le retour au travail se fera sur le quart de jour, comme préposée aux bénéficiaires en surplus, pour les deux prochaines semaines. Elle précise que l'employeur écrira au docteur Arihan pour la poursuite du retour au travail progressif. La travailleuse est invitée à communiquer avec sa chef de service pour connaître son horaire de travail.
[98] La travailleuse témoigne qu’à la suite de la confirmation par madame Morasse qu’on lui proposait un retour au travail sur le quart de jour, elle a pris son courage et a téléphoné à madame Mélanie Dubé pour lui demander de revenir en retour progressif au travail sur le quart de soir, lui expliquant que pour elle, cela lui faciliterait la tâche. Madame Dubé a refusé cette demande en lui précisant que jamais elle ne changerait d’idée, en rappelant à la travailleuse qu’elle n’est pas fiable et que la raison pour laquelle elle avait été réintégrée sur le quart de jour, à la suite de l’entente de la dernière chance, c’était justement pour assurer un suivi serré de ses absences.
[99] À l’audience, la travailleuse dit que c’est à la suite de cette conversation téléphonique avec madame Dubé qu’elle a psychologiquement craqué.
[100] La travailleuse a téléphoné à l’agente de la CSST le 13 décembre 2007 pour l’informer de la suggestion d’un retour au travail progressif de son médecin traitant. Elle précise que l’employeur refuse le retour au travail progressif sur le quart de soir et que cette situation lui engendre du stress.
[101] Le 17 décembre 2007, selon la note consignée par madame Morasse, l’agente de la CSST l’informe que la travailleuse sera convoquée à un nouveau rendez-vous auprès d’un membre du Bureau d'évaluation médicale puisqu’elle ne s’est pas présentée à la convocation du 4 décembre 2007.
[102] Le 17 décembre 2007, la travailleuse informe madame Morasse, par téléphone, qu’elle verra le docteur Arihan le lendemain et qu’elle désire toujours revenir sur le quart de soir, qu’elle estime plus léger qu’un poste de jour dans le cadre du retour au travail progressif. La travailleuse dit à madame Morasse qu’elle estime être victime de harcèlement. Madame Morasse la réfère à nouveau à madame Mélanie Dubé à qui ultimement la décision appartient.
[103] Le 18 décembre 2007, la travailleuse laisse un message téléphonique à madame Morasse; elle a vu son médecin le matin même et elle enverra le rapport médical CSST par la poste. Dans ce rapport médical, le docteur Arihan précise que l’entorse cervicale et l’entorse au poignet gauche ont atteint un degré de guérison satisfaisante. Cependant, il ajoute « Mais traitement par l’employeur, et son état moral et psychologique résultat son douleur [sic]. Il recommande un arrêt de travail « jusqu’à moralement prêt » [sic]. Ce rapport médical est expédié le jour même par télécopieur à madame Morasse.
[104] Sur réception du rapport médical du 18 décembre 2007, madame Morasse a une discussion avec madame Mélanie Dubé, chef de service.
[105] Le 19 décembre 2007, madame Morasse a une discussion téléphonique avec l’agente de la CSST. L’agente l’informe que la travailleuse ne sera pas convoquée à un autre rendez-vous au Bureau d'évaluation médicale puisqu’un avis sera rendu sur dossier.
[106] De fait, le 18 décembre 2007, le docteur Garry Greenfield, orthopédiste, a signé son avis à titre de membre du Bureau d'évaluation médicale. Le docteur Greenfield précise qu’il s’est prononcé sur le diagnostic, la date de consolidation de la lésion professionnelle de même que la nature et nécessité des soins, bien que la travailleuse ne se soit pas présentée à l’examen du 4 décembre 2007. Après avoir passé en revue le dossier, il est d’avis que l’entorse du poignet gauche et l’entorse musculaire du trapèze gauche ne sont pas consolidées à la date de son avis et il recommande que la travailleuse passe une radiographie du poignet gauche, qu’elle entreprenne un programme de physiothérapie, un programme d’ergothérapie en conjonction avec un retour progressif au travail. Il recommande également le port d’une orthèse au besoin.
[107] Mentionnons que le 23 janvier 2008, la CSST donne suite, par décision, à cet avis du membre du Bureau d'évaluation médicale. Elle décide que les diagnostics retenus sont en relation avec l’accident du travail du 15 septembre 2007, qu’ils ne sont pas consolidés et nécessitent les soins suggérés par le membre du Bureau d'évaluation médicale. Cette décision est confirmée dans une décision rendue à la suite d’une révision administrative qui est ici contestée par l’employeur (dossier 341149-62-0802).
[108] Entre-temps, le 20 décembre 2007, la travailleuse dépose une plainte à la CSST, fondée sur l’article 32 de la loi. La travailleuse soutient avoir été victime d’une sanction le 17 décembre 2007 lorsque l’employeur a refusé de la réintégrer en retour progressif au travail sur le quart de soir, tel que recommandé par le docteur Arihan.
[109] Le 11 janvier 2008, madame Morasse téléphone à la travailleuse pour lui confirmer qu’elle est convoquée le 14 janvier 2008 pour un autre examen par le docteur Jacques Paradis. Madame Morasse demande à la travailleuse de lui préciser la date de son prochain rendez-vous médical auprès de son médecin. Elle lui rappelle également de faire remplir un formulaire d’assignation temporaire par son médecin.
[110] Ce même jour, la travailleuse retourne l’appel à madame Morasse. Elle lui précise que son prochain rendez-vous est le 15 janvier 2008. La travailleuse lui demande de changer son rendez-vous auprès du docteur Paradis, prévu pour le 14 janvier 2008, en lui expliquant une situation personnelle concernant sa sœur. Madame Morasse lui précise que c’est impossible puisqu’elle n’a aucun autre rendez-vous à pouvoir lui proposer.
[111] Madame Morasse témoigne à l’audience qu’elle a donné un mandat verbal au docteur Paradis pour cet examen du 14 janvier 2008. Elle lui a fait parvenir le dossier médical complet en possession de l’employeur concernant la travailleuse depuis la date de son embauche. Mentionnons que la travailleuse est également convoquée par l’employeur pour un examen auprès du docteur René Laperrière, psychiatre, pour le 22 janvier 2008. Le docteur Paradis est informé de cet examen à venir. L’examen auprès d’un psychiatre fait suite au rapport médical du docteur Arihan, du 18 décembre 2007.
[112] Après avoir procédé à son examen le 14 janvier 2008, le docteur Paradis rédige son expertise médicale le même jour. Dans sa conclusion, le docteur Paradis est d’avis que l’entorse du poignet gauche et l’entorse musculaire du trapèze gauche sont consolidées depuis le 22 octobre 2007, soit la date de l’examen qu’il a pratiqué à cette date. Il est d’avis que les soins ne sont plus nécessaires et que les lésions ne laissent aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. Il précise que la travailleuse sera vue par le docteur Laperrière le 22 janvier 2008. Bien qu’il y aura lieu de demander au docteur Laperrière si, selon lui, il y a la présence d’une condition psychologique invalidante, le docteur Paradis lui-même ne recommande pas de prolonger une période d’incapacité psychologique au-delà de la date de son examen.
[113] Selon les notes de madame Morasse, à la suite de son examen, le docteur Paradis lui téléphone pour lui faire un rapport verbal. Il considère que la travailleuse ne présente aucune condition invalidante physique ou psychique.
[114] Sur réception de l’expertise du docteur Paradis, madame Morasse s’adresse à la CSST pour demander que le dossier de la travailleuse soit à nouveau soumis à un membre du Bureau d'évaluation médicale. Le 14 février 2008, l’agente de la CSST informe madame Morasse qu’elle ne peut demander à un membre du Bureau d'évaluation médicale de retenir la date de consolidation proposée par le docteur Paradis, puisque cette date est antérieure à la date du premier avis du membre du Bureau d'évaluation médicale (4 décembre 2007). C’est dans ce contexte que le 20 février 2008, le docteur Paradis produit un rapport d’évaluation médicale amendé suggérant la date de consolidation au 14 janvier 2008. Les expertises du docteur Paradis ont été déposées par l’employeur au dossier de la Commission des lésions professionnelles.
[115] Le 23 avril 2008, le docteur Richard Knight, orthopédiste, examine la travailleuse à titre de membre du Bureau d'évaluation médicale. Son avis porte sur les lésions physiques, soit l’entorse du poignet gauche et l’entorse musculaire du trapèze gauche, de même que sur la nécessité des traitements, de l’existence d’une atteinte permanente et de limitation fonctionnelle concernant ces lésions. Il signe son avis le 30 avril 2008. Il retient que les lésions d’ordre physique sont consolidées le 14 janvier 2008, soit la date du deuxième examen du docteur Paradis, sans nécessité de traitement après cette date, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[116] Sur réception de l’avis du docteur Knight, la CSST y donne suite par une décision rendue le 7 mai 2008, déclarant les lésions d’ordre physique consolidées le 14 janvier 2008, sans nécessité de soins ou de traitements au-delà de cette date, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle. La CSST décide que la travailleuse était capable d’exercer son emploi depuis le 6 mai 2008. Cette décision est confirmée par une décision rendue à la suite d’une révision administrative le 18 juin 2008, d’où une des requêtes de la travailleuse (dossier 352129-62-0806).
[117] Entre-temps, le 16 janvier 2008, madame Morasse téléphone à la travailleuse et lui laisse un message afin d’obtenir de l’information sur le rendez-vous qu’elle devait avoir le 15 janvier 2008. De plus, elle lui confirme son rendez-vous auprès du docteur Laperrière, le 22 janvier 2008.
[118] Le 16 janvier 2008, la travailleuse laisse un message à madame Morasse. Elle n’a pu voir le docteur Arihan le 15 janvier, car elle doit être examinée par un orthopédiste le 16 janvier 2008. Le docteur Arihan lui a dit qu’il la verrait le 18 janvier 2008, après qu’elle aura été vue par l’orthopédiste.
[119] Le 21 janvier 2008, madame Morasse laisse un message dans la boîte vocale de la travailleuse l’informant qu’elle n’a pas reçu le rapport médical concernant la visite auprès du docteur Arihan du 18 janvier 2008, pas plus que le rapport médical de l’orthopédiste pour une visite du 16 janvier 2008. Elle lui demande de les lui envoyer par télécopie ou de communiquer avec elle.
[120] Le 22 janvier 2008, la travailleuse est examinée par le docteur Laperrière. Le docteur Laperrière, après avoir examiné la travailleuse, téléphone à madame Morasse pour lui faire un rapport verbal. Dans son expertise datée du 25 janvier 2008, le docteur Laperrière ne retient aucun diagnostic d’ordre psychique, si ce n’est un trouble de la personnalité qu’il soupçonne.
[121] Le 23 janvier 2008, madame Morasse consigne une conversation téléphonique qu’elle a eue avec monsieur John Sylva du syndicat. Monsieur Sylva fait un suivi parce que la travailleuse lui a dit que monsieur Jean-Denis Roy voulait la congédier. Madame Morasse lui explique que la travailleuse devait d’abord voir son médecin le 11 janvier 2008, puis le 15 janvier 2008, puis un orthopédiste le 16 janvier 2008, puis le 18 janvier 2008. Or, à ce jour, elle n’a reçu aucun rapport médical. Les rapports médicaux sont nécessaires pour gérer les remplacements. Monsieur Sylva l’informe que la travailleuse a obtenu un rendez-vous pour le 25 janvier 2008. Madame Morasse demande à monsieur Sylva d’aviser la travailleuse qu’elle veut obtenir le rapport médical de l’orthopédiste pour la visite du 16 janvier 2008 et que la travailleuse doit lui donner des nouvelles le 25 janvier 2008 après son rendez-vous.
[122] Le 23 janvier 2008, madame Morasse écrit qu’à la suite de sa conversation avec monsieur Sylva du syndicat, elle a téléphoné à la clinique du docteur Arihan. Le docteur Arihan était présent le 18 janvier 2008 et n’a pas annulé sa clinique. Cependant, il fait seulement de la clinique sans rendez-vous et s’il y a trop de patients, les gens sont retournés. Les patients qui sont suivis régulièrement à cette clinique connaissent la procédure et doivent se présenter tôt le matin pour être certains d’être vus. Le docteur Arihan ne donne pas de rendez-vous, donc il n’y a aucun rendez-vous de donné pour le 25 janvier 2008, et il sera à la clinique sans rendez-vous ce jour-là. À la suite de cet appel, madame Morasse téléphone à monsieur Sylva du syndicat. Madame Morasse est d’avis que le docteur Arihan a écrit sur son rapport médical du 18 décembre 2007 qu’il référait la travailleuse au programme d’aide aux employés (PAE). Madame Morasse dit à monsieur Sylva que la travailleuse a dit au docteur Paradis, lors de son examen du 22 janvier 2008, que son syndicat lui aurait déconseillé de consulter le PAE pour des raisons de confidentialité. Selon monsieur Sylva, personne du syndicat n’aurait tenu de tels propos.
[123] Le 24 janvier 2008, madame Morasse a une conversation avec monsieur Roy. Elle lui fait part des rendez-vous médicaux qui ont été remis et du résumé de sa discussion avec monsieur Sylva. Monsieur Roy dit qu’il va regarder l’entente de la dernière chance et il fera un suivi en conséquence.
[124] Le 25 janvier 2008, la travailleuse consulte le docteur Arihan. La note clinique de cette visite, comme toutes les visites auprès de ce médecin, est déposée à l’audience (pièce T-19). Il diagnostique un état de dépression majeure sur les formulaires destinés à la CSST. Il écrit : « condition ? travail ». Il ajoute : « Problem présentement psychiatrique ». Il estime que la travailleuse est incapable de travailler présentement et qu’il désire attendre le rapport de l’expertise en psychiatrie, en l’occurrence celle du docteur Laperrière.
[125] La travailleuse téléphone à madame Morasse à la sortie de ce rendez-vous auprès du docteur Arihan. Elle lui fait part du contenu du rapport médical du docteur Arihan. Il retient les diagnostics d’entorse cervicale, d’entorse du poignet et de dépression majeure. Aucun traitement n’a été prescrit. Le docteur Arihan voudrait avoir une copie de l’expertise du docteur Laperrière. La travailleuse précise qu’elle ne peut télécopier ce rapport médical le même jour, mais qu’elle devrait le faire en fin de semaine ou lundi. Après cette conversation, madame Morasse téléphone à monsieur Jean-Denis Roy.
[126] Mentionnons qu’à la suite de ce nouveau diagnostic de dépression majeure, la CSST rend une décision le 13 mars 2008 par laquelle elle informe la travailleuse qu’il n’y a pas de relation entre ce nouveau diagnostic et l’événement du 15 septembre 2007. Elle ne recevra aucune indemnité pour ce nouveau diagnostic. Ce refus est confirmé par une décision rendue le 22 juillet 2008 à la suite d’une révision administrative, d’où une autre des requêtes de la travailleuse (dossier 354597-62-0807).
[127] Le 28 janvier 2008, madame Morasse a une discussion avec madame Mélanie Dubé et monsieur Jean-Denis Roy. Ils discutent de la situation qui prévaut au dossier de la travailleuse depuis le 18 décembre 2007. Ils n’ont reçu aucun document de la travailleuse. Il est donc décidé de procéder à son congédiement si la travailleuse n’envoie aucun document d’ici la fin de la journée du 28 janvier 2008.
[128] Monsieur Jean-Denis Roy prépare un projet de lettre de congédiement et il y a un échange de courriel entre lui et madame Morasse afin de vérifier le libellé de cette lettre (pièce E-18). Monsieur Roy témoigne à l’audience qu’il allait être absent du bureau le 29 janvier 2008. Il a donc préparé la lettre de congédiement qui serait livrée à la travailleuse le 29 janvier 2008, si elle ne présentait aucun document à madame Morasse le 28 janvier 2008.
[129] Le 29 janvier 2008, puisque la travailleuse n’a envoyé aucun rapport médical à l’employeur, il procède à son congédiement en lui faisant livrer la lettre de congédiement à son domicile ce jour-là (pièce E-17).
[130] Le 31 janvier 2008, la travailleuse dépose à la CSST une plainte fondée sur l’article 32 de la loi, par laquelle elle reproche à son employeur de l’avoir congédiée parce qu’elle a été victime d’une lésion professionnelle. Le syndicat a assisté la travailleuse dans la rédaction de cette plainte.
[131] Par ailleurs, même si la CSST a refusé la réclamation de la travailleuse pour le diagnostic d’état dépressif majeur, l’employeur a demandé à ce que le dossier de la travailleuse soit soumis à un membre du Bureau d'évaluation médicale opposant à l’avis du médecin ayant charge aux conclusions du docteur Laperrière.
[132] Le 27 août 2008, le docteur Suzanne Benoît, psychiatre, examine la travailleuse en sa qualité de membre du Bureau d'évaluation médicale. Elle signe son avis le 2 septembre 2008. Comme diagnostic, elle retient que la travailleuse présente des troubles relationnels avec l’employeur, mais qu’il n’y a pas de pathologie psychiatrique. Puisqu’il n’y a pas de pathologie psychiatrique, elle estime qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur une date de consolidation. Elle recommande des traitements de psychothérapie pour cette condition personnelle, mais ne prévoit aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[133] Le 15 septembre 2008, la CSST rend une décision à la suite de l’avis rendu par le docteur Suzanne Benoît. Elle décide qu’en l’absence de pathologie psychiatrique, aucune indemnité ne sera versée à la travailleuse. Cette décision est confirmée par une décision rendue le 22 octobre 2008, à la suite d’une révision administrative, d’où une autre contestation de la travailleuse (dossier 361663-62-0810).
[134] Le 8 juillet 2009, la travailleuse dépose une plainte en vertu des articles 47.2 et suivants du Code du travail[4] contre son syndicat pour négligence grave en raison des mauvais conseils qu’elle a reçus. Essentiellement, la travailleuse reproche à son syndicat de lui avoir conseillé le dépôt d’une plainte en vertu de l’article 32 de la loi, à la suite du congédiement du 29 janvier 2008, plutôt que le dépôt d’un grief.
[135] Le 31 mars 2010, la Commission des relations de travail rejette la plainte de la travailleuse fondée sur les articles 47.2 et suivants, au motif qu’elle a été déposée hors délai[5]. Cette décision est toutefois annulée par la Cour supérieure à la suite d’une révision judiciaire[6], par un jugement rendu le 1er décembre 2010. Le jugement de la Cour supérieure retourne le dossier devant un juge administratif de la Commission des relations de travail afin qu’il soit statué sur la plainte déposée en vertu des articles 47.2 du Code du travail.
[136] Le 5 mai 2011, la Commission des relations de travail rend une décision par laquelle elle rejette la plainte fondée sur l’article 47.2 et suivants du Code du travail[7].
[137] La CSST devait procéder à entendre les parties à la suite des plaintes de la travailleuse déposées conformément à l’article 32 de la loi. Cependant, à la suite de la plainte de la travailleuse fondée sur les articles 47.2 et suivants du Code du travail, les parties ont demandé à ce que l’audience, concernant les plaintes en vertu de l’article 32 de la loi, soit suspendue.
[138] Au mois de mai 2011, la CSST est informée que les parties sont maintenant prêtes à procéder sur les plaintes déposées en vertu de l’article 32 de la loi. Au mois de juin 2011, les parties décident de demander à la CSST de rendre une décision sans la tenue d’une audience, puisqu’ils sont déjà devant la Commission des lésions professionnelles et qu’elles joindront, le cas échéant, la contestation de cette décision aux autres litiges pendants.
[139] Le 18 mai 2012, une conciliatrice-décideuse de la CSST rejette les plaintes de la travailleuse, déposées en vertu de l’article 32 de la loi. Cette décision est contestée par la travailleuse devant la Commission des lésions professionnelles (dossier 471796-62-1205).
[140] Tous ces litiges ont été entendus à la Commission des lésions professionnelles, d’où la présente décision.
Dossiers 341149-62-0802 et 352129-62-0806 : les lésions d’ordre physique.
[141] Les requêtes des parties dans ces deux dossiers concernent les lésions physiques subies par la travailleuse le 15 septembre 2007.
[142] Rappelons que dans le dossier 341149-62-0802, l'employeur demande de déclarer que les lésions d’entorse au poignet et d’entorse musculaire du trapèze gauche sont consolidées le 27 septembre 2007, soit à la date de l’examen pratiqué par le docteur Serge Piette. Subsidiairement, l'employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de retenir la date de consolidation proposée par le docteur Jacques Paradis, soit la date de son examen pratiqué le 22 octobre 2007, ou au plus tard, celui du 14 janvier 2008.
[143] Dans le dossier portant le numéro 352129-62-0806, qui fait suite à un autre avis rendu par un membre du Bureau d'évaluation médicale, la travailleuse invoque dans sa requête déposée à la Commission des lésions professionnelles que la décision de la CSST est non fondée en fait et en droit. À l’audience, elle précise qu’elle demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il y a absence de consolidation étant donné la présence d’une lésion psychique intercurrente. Subsidiairement, la travailleuse demande de déclarer qu’elle était incapable d’exercer son emploi à compter du 7 mai 2008, malgré une consolidation pour la lésion physique en date du 14 janvier 2008, en raison de la présence d’une lésion psychique intercurrente.
[144] À la fin de la première journée d’audience, la procureure de la travailleuse soulève, lors de son argumentation, que l'employeur ne peut demander une date de consolidation autre que celle retenue à la décision de la CSST rendue le 18 juin 2008, (dossier 352129-62-0806), puisque l’employeur n’a pas déposé une contestation à l’encontre de cette décision. Or, puisque la travailleuse est d’accord avec l’avis du membre du Bureau d'évaluation médicale quant à la date de consolidation de la lésion physique, la Commission des lésions professionnelles n’a pas la compétence pour trancher la date de consolidation de la lésion physique.
[145] Les parties ont soumis une argumentation écrite précisément sur ce moyen préliminaire soulevé par la procureure de la travailleuse.
[146] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, le tribunal a l’entière compétence pour trancher la date de consolidation des lésions d’ordre physique. Non seulement la Commission des lésions professionnelles peut trancher de la date de consolidation, mais elle doit le faire puisqu’elle est spécifiquement saisie, dans le dossier portant le numéro 341149-62-0802, d’une requête de l'employeur engagé sur ce sujet, par sa contestation de la décision de la CSST, rendue le 19 février 2008.
[147] Il serait contraire à une saine justice et à l’équité d’interdire à l’employeur de faire des représentations sur la date de consolidation des lésions d’ordre physique sous prétexte qu’il n’a pas contesté la décision de la CSST donnant suite au deuxième avis du membre du Bureau d’évaluation médicale, alors qu’il avait déjà contesté cet aspect visé par une décision antérieure de la CSST. C’est en ce sens, lorsque la situation de fait le commande, que dans certaines décisions, la Commission des lésions professionnelles s’est saisie d’un aspect médical d’une décision qui, à sa face même, ne semblait pas avoir été contestée. Ce fut le cas dans l’affaire Mongrain et CHUM (Pavillon Notre-Dame)[8] où la Commission des lésions professionnelles écrit :
[53] Dans un premier temps, le tribunal est d’avis que le diagnostic retenu par le membre du Bureau d’évaluation médicale doit être modifié afin de tenir compte de la réalité de la blessure subie par le travailleur lors de l’événement du 10 juillet 2005.
[54] À cet égard, le tribunal note que le représentant du travailleur ne semblait pas vouloir remettre en question spécifiquement cette question, du fait que le rapport final du médecin du travailleur, daté du 18 juillet 2006, reprenait le diagnostic d’entorse lombaire. Cependant, les propos qu’il a tenus à l’audience permettent au tribunal de considérer que dans les faits, la date de consolidation qu’il désire voir repousser dépend de cette question du diagnostic et qu’elle tient même compte et doit être établie en fonction de la variabilité des diagnostics posés dans tout le dossier. Cette question du diagnostic est sous-jacente à la question de la consolidation. Le tribunal est donc d’avis que les circonstances particulières du cas sous étude commandent que soit précisée cette question du diagnostic.
[55] Le tribunal est aussi d’avis que puisque la décision contestée aborde tous les sujets médicaux visés à l’article 212 de la loi, et que cette décision fait suite à l’avis du Bureau d’évaluation médicale, la Commission des lésions professionnelles a donc compétence en vertu de l’article 359 de la loi sur ces sujets. De plus, l’article 377 de la loi confère à la Commission des lésions professionnelles le pouvoir de rendre la décision qui aurait dû être rendue. La soussignée est au courant qu’une controverse existe au sein du tribunal quant à la source de la compétence du tribunal sur une question donnée. La compétence de la Commission des lésions professionnelles vient-elle de la décision rendue ou de la demande faite par la partie?
[148] Conformément à l’article 377 de la loi, la Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de confirmer, modifier ou d’infirmer la décision contestée devant elle et de rendre la décision, l’ordre ou l’ordonnance qui aurait dû être rendu en premier lieu. L’article 377 est libellé comme suit :
377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.
Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.
[149] La Commission des lésions professionnelles est compétente pour exercer ces pouvoirs prévus à l’article 377 de la loi lorsqu’elle est valablement saisie d’une contestation, tel que prévu à l’article 359 de la loi libellé comme suit :
359. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358 peut la contester devant la Commission des lésions professionnelles dans les 45 jours de sa notification.
[150] Dans la présente cause, la procureure de la travailleuse a soutenu, tout au long de la première journée d’audience, que la lésion professionnelle n’était pas consolidée étant donné la présence d’une lésion psychique intercurrente. Subsidiairement, elle demandait de retenir la date de consolidation proposée par le deuxième membre du Bureau d'évaluation médicale, soit le 14 janvier 2008, pour les lésions d’ordre physique, mais de repousser la date de capacité à exercer l’emploi en raison de la présence d’une lésion d’ordre psychique.
[151] Pour la Commission des lésions professionnelles, il n’y a ici aucune ambiguïté, aucune interprétation, aucune zone grise quant à la possibilité pour la Commission des lésions professionnelles de déterminer la date de consolidation de la lésion d’ordre physique. Dans l’exercice de ce pouvoir, la Commission des lésions professionnelles est justifiée de prendre en compte toute la preuve offerte par les parties, d’autant plus que l’employeur avait déjà, légalement, saisi le tribunal de sa requête. Le moyen préliminaire de la travailleuse est rejeté.
[152] Ainsi, la Commission des lésions professionnelles doit décider si les lésions professionnelles d’ordre physique, soit une entorse au poignet gauche et une entorse musculaire au trapèze gauche, sont consolidées soit le 27 septembre 2007, correspondant à l’examen du docteur Serge Piette, soit le 22 octobre 2007, correspondant au premier examen pratiqué par le docteur Jacques Paradis, soit le 14 janvier 2008, date retenue par le membre du Bureau d'évaluation médicale, et correspondant à la date du deuxième examen du docteur Jacques Paradis.
[153] La Commission des lésions professionnelles retient que sur le plan physique, les parties ne contestent ni les diagnostics déterminés, ni le fait que les lésions d’ordre physique ne laissent aucune atteinte permanente ni limitation fonctionnelle à la travailleuse, ni la fin des traitements.
[154] Ainsi, en sus des éléments de preuve rapportés plus haut, la Commission des lésions professionnelles ajoute les principaux éléments de preuve suivants aux fins de rendre sa décision concernant les lésions d’ordre physique.
[155] La Commission des lésions professionnelles a entendu le témoignage du docteur Jacques Paradis. Son examen musculosquelettique était strictement normal le 22 octobre 2007 et superposable à celui du docteur Piette du 27 septembre 2007. Il suggère donc la date de consolidation proposée par le docteur Piette, soit le 27 septembre 2007.
[156] Après l’examen du docteur Piette, le dossier de la travailleuse a été acheminé à un membre du Bureau d'évaluation médicale. L’expertise du docteur Paradis du 22 octobre 2007 n’a pas été acheminée au Bureau d’évaluation médicale, à cette époque.
[157] La travailleuse ne s’est pas présentée le 4 décembre 2007 devant le membre du Bureau d'évaluation médicale. Le 18 décembre 2007, le docteur Garry Greenfield signe son avis à titre de membre du Bureau d'évaluation médicale, à partir des éléments au dossier.
[158] Dans son avis, le docteur Greenfield a les documents du suivi médical de la travailleuse jusqu’au 16 octobre 2007. Compte tenu que la travailleuse disait au docteur Piette ressentir toujours de la douleur au niveau du poignet gauche, le docteur Greenfield ne consolide pas les lésions. Il recommande une radiographie du poignet gauche, un programme de physiothérapie, un programme d’ergothérapie en conjonction avec un retour au travail progressif et le port d’une orthèse au besoin. Hormis l’ergothérapie, tout ça avait déjà été fait.
[159] Toutefois, le 23 octobre 2007, la travailleuse a fait quelques heures de travail clérical en assignation temporaire, mais a cessé cette assignation temporaire à la suite d’une exacerbation de douleurs. Le docteur Arihan a recommandé un nouvel arrêt de travail. La Commission des lésions professionnelles mentionne cet élément, car il est postérieur à l’examen du docteur Paradis du 22 octobre 2007.
[160] Le 14 janvier 2008, le docteur Paradis examine une deuxième fois la travailleuse à titre de médecin désigné par l'employeur. Ce jour-là, son examen objectif est tout à fait normal et superposable à son examen précédent, soit celui du 22 octobre 2007 qui, lui-même, était superposable à l’examen pratiqué par le docteur Piette le 27 septembre 2007. Il recommande donc de retenir la date de consolidation du 22 octobre 2007. Les traitements de physiothérapie ayant été cessés par le médecin ayant charge depuis la fin novembre 2007, il est d’avis qu’il n’y a plus de nécessité de soins à partir de cette date.
[161] Le 20 février 2008, le docteur Paradis amende cette expertise médicale quant à la date de consolidation de la lésion professionnelle d’ordre physique, compte tenu d’une remarque d’une agente de la CSST[9].
[162] Le dossier de la travailleuse est à nouveau soumis à un membre du Bureau d'évaluation médicale le 23 avril 2008.
[163] Le docteur Richard Knight, orthopédiste, signe son avis le 30 avril 2008. La travailleuse s’est présentée à sa convocation et le docteur Knight a eu l’occasion d’examiner la travailleuse. L’examen, sur le plan musculosquelettique, est normal de même que l’examen neurologique. Il est donc d’avis de retenir la date de consolidation proposée par le docteur Paradis, soit le 14 janvier 2008, tant pour l’entorse du poignet que l’entorse musculaire du trapèze gauche. Il rappelle que même le docteur Arihan, au mois de décembre 2007, notait une amélioration satisfaisante sur le plan physique.
[164] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, il n’y a pas lieu de retenir, comme date de consolidation, la date de l’examen pratiqué par le docteur Piette, soit le 27 septembre 2007. Rappelons qu’à cette date, la travailleuse recevait toujours des traitements de physiothérapie et que son médecin a noté une nette amélioration après cette date.
[165] Quant à la date de consolidation proposée par le premier examen du docteur Paradis, soit le 22 octobre 2007, la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir cette date puisque le 23 octobre 2007, la travailleuse soutient avoir connu une exacerbation des douleurs à la suite d’une assignation temporaire au travail. Même s’il s’agissait d’un travail clérical, le médecin ayant charge a recommandé à nouveau un arrêt total du travail et la poursuite des traitements de physiothérapie. C’est en raison de ces faits que la Commission des lésions professionnelles ne peut retenir la date du 22 octobre 2007.
[166] Bien qu’à compter du 4 décembre 2007, et de façon certaine à partir du 11 décembre 2007, le docteur Arihan, dans ses notes cliniques (pièce P-19), décrit une nette amélioration sur le plan physique, il recommande un retour au travail progressif sur une période s’échelonnant sur environ un mois. La travailleuse n’a pas effectué un retour au travail progressif. L’examen du docteur Paradis, pratiqué le 14 janvier 2008, démontre un état normal sur le plan musculosquelettique, tout comme celui pratiqué par le docteur Knight, le 30 avril 2008. Or, la date du 14 janvier 2008 correspond à la période d’un mois proposé par le docteur Arihan, le 11 décembre 2007, pour permettre un retour progressif au travail. C’est pourquoi, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, il y a lieu de retenir le 14 janvier 2008 comme date de consolidation des lésions professionnelles d’ordre physique.
[167] Il y a lieu de déclarer que les lésions d’ordre physique sont consolidées le 14 janvier 2008, sans nécessité de soins, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle et que la travailleuse avait la capacité, du moins en ce qui concerne les lésions d’ordre physique, de reprendre son travail régulier à cette date.
Dossiers 354597-62-0807 et 361663-62-0810 : la lésion d’ordre psychique.
[168] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a présenté une lésion psychologique, soit un trouble de l’adaptation avec anxiété et humeur dépressive le 18 décembre 2007. La Commission des lésions professionnelles devra dans un deuxième temps décider, le cas échéant, si cette lésion psychique est une lésion professionnelle.
[169] Rappelons que la CSST a rendu une décision le 13 mars 2008 déclarant que le diagnostic d’état de dépression majeure n’était pas en relation avec l’accident du travail survenu le 15 septembre 2007. Cette décision a été confirmée par une décision rendue à la suite d’une révision administrative contestée par la travailleuse (354597-62-0807).
[170] Malgré ce refus, à la demande de l’employeur et à bon droit, le dossier de la travailleuse a été soumis à un membre du Bureau d’évaluation médicale qui a conclu que la travailleuse ne présentait aucune lésion d’ordre psychique. La décision de la CSST donnant suite à cet avis est aussi contestée par la travailleuse (361663-62-0810).
[171] La procureure de l’employeur a soulevé un moyen préliminaire dans ces dossiers. Elle soutient que la Commission des lésions professionnelles ne possède pas la compétence pour statuer sur l’admissibilité d’une réclamation de la travailleuse pour une lésion psychique en lien avec du harcèlement en milieu de travail (de 2006 à 2008), ou l’exercice abusif du droit de gérance de l’employeur (le refus d’autoriser le retour progressif sur le quart de soir). Elle soutient qu’en l’absence d’une réclamation de la travailleuse à la CSST pour ces faits autres que ceux invoqués dans le cadre de l’événement du 15 septembre 2007, la Commission des lésions professionnelles devrait retourner le dossier à la CSST afin qu’elle statue sur le bien-fondé de la demande de la travailleuse et attribue un nouveau numéro de dossier à cette réclamation.
[172] La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il y a lieu de rejeter ce moyen préliminaire soulevé par l’employeur, et ce, pour les motifs suivants.
[173] D’abord, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a établi que le fait de ne pas utiliser le formulaire de réclamation prescrit par la CSST n’avait pas nécessairement pour effet d’emporter la déchéance du droit d’un travailleur[10]. Un tel formalisme n’a effectivement pas sa place dans une loi à caractère social. Ce formalisme a même été clairement écarté par le législateur à l’article 353 de la loi.
[174] La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a reconnu que, dans certaines circonstances, un rapport médical émis par le médecin ayant charge pouvait s’avérer suffisant pour équivaloir au dépôt d’une réclamation à la CSST[11].
[175] La Commission des lésions professionnelles a réitéré que l’absence d’un formulaire de réclamation n’emporte pas la déchéance du droit d’un travailleur. Dans certaines circonstances, les rapports médicaux acheminés à la CSST peuvent suffire pour équivaloir à une réclamation[12].
[176] Tous ces principes ont d’ailleurs été récemment réitérés par la Commission des lésions professionnelles. Notamment, dans l’affaire Chenail[13], la Commission des lésions professionnelles référait à une autre décision récente résumant la jurisprudence sur toute cette question de l’obligation de production d’une réclamation. La Commission des lésions professionnelles écrit :
[28] Plus récemment, la Commission des lésions professionnelles5 résumait la jurisprudence sur toute cette question de production d’une réclamation :
[27] La soussignée constate, toutefois, qu’il a été décidé à maintes reprises que le dépôt d'un formulaire de réclamation n'est pas obligatoire lorsque la preuve révèle que l'employeur est informé de l'existence de la réclamation du travailleur7 ou lorsque le travailleur transmet à la CSST le détail de sa réclamation au moyen d'une lettre8 ou d'un autre document9, tel qu'un rapport médical de son médecin10.
[28] Le même principe s'applique lorsque le dossier du travailleur est déjà ouvert et qu'un nouveau rapport médical est déposé11.
[29] À maintes reprises, la Commission d'appel et la Commission des lésions professionnelles ont reconnu que l'existence d'une réclamation sur un formulaire prescrit par la CSST appartient au domaine des formalités administratives12.
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7 Tessier et S.T.C.U.M., C.A.L.P. 08999-62-8808, 3 septembre 1991, S. Lemire
8 Dionne et Simard & Beaudry inc., C.A.L.P. 33779-60-9111, 25 avril 1995, M. Cuddihy
9 Nedco et Bouaouinate, C.A.L.P. 57707-60-9402, 16 octobre 1995, J.-C. Danis
10 Villeneuve et St-Raymond Paper, C.A.L.P. 19779-02-9006, 14 décembre 1993, P. Brazeau ; Bélisle et Ross Finlay ltée, C.A.L.P. 58768-08-9405, 6 décembre 1995, Y. Tardif ; Metal Laurentide inc. et Rodrigue, C.L.P. 101407-03-9806, 23 novembre 1998, M.-A. Jobidon ; Wal-Mart Canada inc. et Lamontagne, C.L.P. 149724-03B-0011, 8 mars 2001, M. Cusson ; D'Ascoli et Atco international (fermé), C.L.P. 179066-61-0202, 30 janvier 2003, B. Lemay ; Mathieu et Forestiers Picard 1990 inc., C.L.P. 234276-03B-0405, 4 avril 2005, C. Lavigne.
11 Galipeau c. Bureau de révision paritaire des Laurentides, précitée, note 5 ; Siano et Alimentation Somerled inc., précitée, note 6 ; Berrafato et Coffrages Industriels ltée, C.A.L.P. 35815-60-9201, 11 mars 1996, T. Giroux ; Dumont et Construction Montclair Canada inc., C.A.L.P. 47860-62-9212, 21 juin 1996, M. Zigby ; Chabot et Papeterie Reed ltée, C.A.L.P. 68260-03-9504, 26 juin 1996, M. Carignan ; St-Laurent et Asea Brown Boveri inc., C.A.L.P. 69903-05-9505, 18 novembre 1996, S. Lemire ; Poitras et Christina Canada inc., C.L.P. 100370-62-9803, 29 juin 1999, H. Marchand, révision rejetée, 7 mars 2000, M. Zigby, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Longueuil, 505-05-006180-001, 9 janvier 2001, j. Tremblay ; Silva et VK Mason inc., C.L.P. 139391-71-0005, 23 mars 2001, J.-C. Danis ; Sœurs de Ste-Croix (Pavillon St-Joseph) et Cadorette, [2003] C.L.P. 917 ; Bidnyk et Brasserie Labatt ltée, C.L.P. 235552-72-0405, 25 mai 2005, C.-A. Ducharme ; Girard et Jacques Labranche (inconnue), C.L.P. 160999-08-0105, 27 octobre 2006, Monique Lamarre ; Renaud et 3218643 Canada inc. (Le Parmesan), C.L.P. 297340-07-0608, 7 mars 2007, M. Langlois, (06LP-284) ; Philippe et Bowater Pâtes et papiers (Gatineau), [2007] C.L.P. 48 .
12 Girard et Jacques Labranche (inconnue), précitée, note 11 ; CSST et Sears Canada inc., C.A.L.P. 48778-05-9302, 12 décembre 1996, B. Roy ; Soeurs de Ste-Croix (Pavillon St-Joseph) et Cadorette, précitée, note 11 ; D'Ascoli et Atco international (fermé), précitée, note 10.
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5 2011 QCCLP 6400 .
[177] Par ailleurs, l’employeur soutient que puisque la CSST a examiné le nouveau diagnostic de lésion d’ordre psychique quant à une relation causale possible avec l’événement du 15 septembre 2007, alors la Commission des lésions professionnelles n’aurait pas la compétence ni le pouvoir d’examiner toutes autres formes de lésion professionnelle pouvant être soumises par la travailleuse.
[178] La Commission des lésions professionnelles ne partage pas cette conclusion de l’employeur. Il est en effet de jurisprudence clairement établie que la Commission des lésions professionnelles peut examiner et qualifier une lésion sous une forme ou une autre, telle que définie à l’article 2 de la loi. Cette conclusion s’impose de la lecture de l’article 377 de la loi et du principe de l’audience de novo devant la Commission des lésions professionnelles. Au contraire, refuser d’examiner la preuve et la qualification d’une lésion professionnelle sous un autre angle que celui examiné par la CSST, équivaudrait à un déni de justice, à une erreur manifeste de droit. Ce qui est fondamental dans une telle situation, c’est de s’assurer que les règles de justice naturelle, à l’égard de toutes les parties, sont respectées. C’est ce que rappelait la Commission des lésions professionnelles dans une décision relative à une requête en révocation, dans l’affaire Charette[14], où elle s’exprime comme suit :
[10] Après examen du dossier et écoute de l'enregistrement de l'audience initiale, il ressort que, même si madame Charrette disait s'être blessée au travail, sa réclamation a été traitée par la CSST sous l'angle d'une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 20 mai 1993 et l'audience initiale a porté uniquement sur cette question. Comme le soumet la représentante de la CSST, l'hypothèse d'un accident du travail n'a jamais été soulevée lors de l'audience.
[11] Le premier commissaire pouvait malgré tout aborder le litige sous cet angle, mais il devait alors en informer les parties et notamment la CSST, que ce soit lors de l'audience ou en cours de délibéré, afin de leur permettre de soumettre leurs arguments concernant cette hypothèse.
[12] Dans la décision Dicom Express inc. (Gojit Montréal) et Giguère3 qui concerne la même problématique, la Commission des lésions professionnelles expose à ce sujet ce qui suit :
[14] D’emblée il est important de rappeler qu’un commissaire saisi de l’admissibilité d’une lésion professionnelle a le pouvoir de la qualifier sous une forme ou une autre. La loi reconnaît qu'une lésion professionnelle peut prendre plusieurs formes, dont l'accident du travail, la maladie professionnelle ou la rechute, récidive ou aggravation de l'une ou l'autre de ces formes de lésion. En vertu de l'article 377, la Commission des lésions professionnelles a compétence pour rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu et peut donc arriver à une conclusion différente de la CSST2, et ce, peu importe les prétentions des parties.
[15] Toutefois ce faisant la Commission des lésions professionnelles doit permettre aux parties de se faire pleinement entendre, de soumettre une preuve et des arguments à ce sujet. Dans le présent dossier, à aucun moment le commissaire n’a offert cette possibilité à l’employeur. Le commissaire aurait dû demander aux parties, particulièrement à l’employeur, s’il avait des commentaires à formuler sur la possibilité d’apprécier la preuve sous l’angle d’une maladie professionnelle et lui offrir également la possibilité de produire une preuve à ce sujet. Ce qui n’a pas été fait.
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2 G.G. Construction & Location inc. c. CALP, [1987] C.A.L.P. 244 (C.S.); Lessard et Société des alcools du Québec, C.A.L.P. 60390-62-9406, 15 février 1996, L. Thibault; Labranche et Provigo (div. Maxi & cie), C.L.P. 123655-71-9909, 16 octobre 2001, M.-H. Côté; Ville de Rimouski et Proulx, C.L.P. 171223-01A-0110, 21 mai 2004, J.-F. Clément
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3 Précitée, note 3.
[nos soulignements]
[179] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que la présente affaire se distingue de la décision Curadeau[15] à laquelle référait l’employeur. Dans cette affaire, la travailleuse cherchait notamment à faire remonter la reconnaissance d’une lésion professionnelle au 5 décembre 1996 plutôt qu’au 7 juillet 2006 et de faire déclarer qu’elle avait droit à tous les avantages prévus à la loi depuis 1996. Dans ce dossier fort complexe, à décisions multiples, dans un contexte très particulier, la Commission des lésions professionnelles a décidé que la demande de la travailleuse, telle que formulée, était irrecevable notamment parce que la CSST n’avait jamais eu l’occasion d’examiner le bien-fondé de cette nouvelle prétention de la travailleuse.
[180] C’est dans ce souci d’équité procédurale, du respect des règles de justice naturelle, et du respect des droits prévus à la loi, que la Commission des lésions professionnelles a refusé d’examiner la relation causale entre un nouveau diagnostic postérieur à la décision rendue à la suite d’une révision administrative et un événement initial. Dans une telle situation, ni l’employeur ni la CSST n’avait eu l’occasion d’exercer leur droit à l’examen médical. C’est en ce sens que décidait la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Cloutier[16] en refusant l’analyse d’un nouveau diagnostic, sans qu’il y ait eu une décision de la CSST au préalable sur ce diagnostic.
[181] Dans la présente cause, l’employeur est loin d’être pris par surprise par la prétention de la travailleuse. Dès l’examen par le docteur Laperrière, la travailleuse laissait entendre que sa condition psychique était, selon elle, en lien avec les troubles relationnels au travail. L’employeur s’est même prévalu de son droit à demander l’avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale. L’employeur a eu l’occasion d’entendre toutes les prétentions de la travailleuse et de faire valoir les siennes. Son droit au respect des règles de justice naturelle a été protégé. Retourner le dossier à la CSST afin qu’elle attribue un autre numéro administratif à cette « nouvelle » réclamation de la travailleuse, n’ajouterait en rien à la preuve qui a été faite par les parties et serait contraire à une saine gestion de la justice administrative.
[182] Ainsi, dans la présente cause, la Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’en vertu des articles 359 et 377 de la loi, elle a la compétence, le devoir et le pouvoir d’examiner si la travailleuse présente une lésion d’ordre psychique et si cette lésion est, le cas échéant, une lésion professionnelle.
[183] La Commission des lésions professionnelles entend d’abord décider si la travailleuse a présenté un trouble d’adaptation avec anxiété et humeur dépressive (trouble de l’adaptation) au mois de janvier 2008. C’est le diagnostic que veut faire reconnaître la travailleuse. Dans un deuxième temps, la Commission des lésions professionnelles devra déterminer si cette lésion d’ordre psychique est une lésion professionnelle, le cas échéant.
[184] Aux fins de déterminer si la travailleuse était atteinte d’une lésion d’ordre psychique, c’est la règle générale de la prépondérance de la preuve qui s’applique.
[185] À ce titre, la représentante de la travailleuse soutient que la preuve médicale établit que la travailleuse a bel et bien eu une pathologie psychiatrique telle que confirmée par les docteurs Arihan, Dragin, Lamanque, Parent et Béliveau. Elle soutient que cette pathologie psychiatrique a nécessité un traitement pharmacologique par la prise d’Effexor, d’Ativan et de Desyrel. La travailleuse a également bénéficié d’un suivi en psychothérapie auprès des psychologues Michel Lemieux et Micheline Frenette.
[186] La représentante de l'employeur soutient au contraire que la preuve médicale établit que la travailleuse n’a présenté aucune pathologie d’ordre psychique. Ce n’est que le 25 janvier 2008 où un diagnostic de dépression est posé par le médecin ayant charge sur un rapport médical CSST. Or, le docteur René Laperrière, ayant examiné la travailleuse le 22 janvier 2008, et le docteur Suzanne Benoît, ayant examiné la travailleuse le 27 août 2008, tous deux psychiatres, concluent que la travailleuse ne présentait aucune pathologie psychiatrique.
[187] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que la preuve médicale prépondérante établit que la travailleuse a été affectée d’un trouble d’adaptation, et ce, bien avant le 25 janvier 2008. Les notes cliniques du docteur Arihan (pièce T-19) indiquent que lors d’une visite du 13 novembre 2007, la travailleuse s’est présentée à son bureau dans un état déprimé et en pleurs. La travailleuse lui explique qu’elle avait perdu son travail à l’hôpital[17]. Elle présente des problèmes financiers sévères. Le docteur Arihan retient un diagnostic de dépression et d’état anxieux. Il prescrit de l’Effexor et un autre médicament. Il écrit que la travailleuse doit voir un psychologue. Ce diagnostic n’apparaît pas au rapport médical CSST émis ce jour-là.
[188] Le 11 décembre 2007, selon sa note clinique, le docteur Arihan écrit que la travailleuse le consulte aujourd’hui en pleurant et dans un état déprimé. Elle se plaint du traitement qu’elle reçoit au travail et craint d’être congédiée alors qu’elle est incapable de travailler. Le docteur Arihan recommande un retour progressif au travail et précise que le problème actuel de la travailleuse n’a rien à voir avec la CSST. Le docteur Arihan ne mentionne pas l’état déprimé au rapport médical CSST ce jour-là.
[189] Le 18 décembre 2007, le docteur Arihan, dans ses notes cliniques, consigne que la travailleuse cesse de travailler encore. Elle se plaint d’un traitement abusif au travail. Il précise qu’il n’a aucune idée de ce qu’il y a derrière ces faits, mais selon lui, il y a d’autres choses qui perturbent la travailleuse, notamment, des difficultés financières. Dans ses notes cliniques, il retient un diagnostic d’état dépressif situationnel. Il rappelle à la travailleuse qu’il la suit pour son problème d’ordre physique, mais pas pour ses problèmes d’ordre psychologique.
[190] À l’attestation médicale qu’il produit le 18 décembre 2007 sur les formulaires CSST, le docteur Arihan écrit que physiquement, la guérison est satisfaisante, mais que moralement et psychologiquement « résultat son douleur » [sic]. Il ne pose aucun diagnostic précis concernant la lésion d’ordre psychique, contrairement à ce qu’il fait dans ses notes cliniques.
[191] C’est à la suite de cet examen pratiqué le 18 décembre 2007 que l'employeur mandate le docteur Laperrière, psychiatre, pour examiner la travailleuse le 22 janvier 2008. L'employeur lui a fait parvenir le dossier médical antérieur de la travailleuse qu’il a en sa possession. Le docteur Laperrière est informé du dossier disciplinaire de la travailleuse chez l’employeur. Le médecin passe en revue le dossier médical et procède à son entrevue. À la section Diagnostic, il est d’avis que la travailleuse ne lui a pas dit la vérité en affirmant qu’elle n’avait jamais fait de dépression en 1995 ni en 1998. Sur cet aspect précis, mentionnons que la travailleuse a témoigné à l’audience que le diagnostic prédominant à ces deux époques était celui de trouble d’adaptation avec humeur anxiodépressive et non celui de dépression.
[192] Le docteur Laperrière retient que la travailleuse a un affect tout à fait normal et qu’elle n’a pas vu la pertinence de prendre quelque médication que ce soit ni consulter aucun psychiatre ou autre professionnel de la santé en regard de la sphère psychique. Or, la travailleuse ne semble pas lui avoir dit que depuis le mois de novembre 2007, le docteur Arihan a prescrit de l’Effexor et recommandé qu’elle voit un psychologue.
[193] Il conclut que la travailleuse présente une colère et une irritation de ne pas avoir le quart de travail qu’elle désire, soit le quart de soir. Toutefois, ceci n’est pas une pathologie psychiatrique.
[194] Le 27 août 2008, le docteur Suzanne Benoît, psychiatre, examine la travailleuse en sa qualité de membre du Bureau d'évaluation médicale. La travailleuse lui mentionne avoir suivi quelques sessions de psychothérapie auprès du psychologue Michel Lemieux, à partir du programme d’aide aux employés en vigueur chez l'employeur. Selon la preuve, la travailleuse a suivi six séances à partir de la fin janvier 2008 auprès du psychologue Lemieux.
[195] La travailleuse raconte également au docteur Benoît qu’elle a pris de l’Effexor à deux ou trois reprises en avril 2008, mais qu’elle a cessé à cause de vomissements reliés au stress. Avec l’accord de son médecin traitant, lui dit-elle, ils ont conclu qu’il était inutile qu’elle prenne cette médication puisqu’elle ne pouvait l’absorber.
[196] Sur cet aspect, certaines précisions s’imposent. La Commission des lésions professionnelles constate que la première fois que la travailleuse s’est vu prescrire de l’Effexor, c’est par le docteur Arihan, au mois de novembre 2007, tel que rapporté ci-haut. La seconde fois, par le docteur Dragin, lors d’une consultation le 6 mars 2008. À cette occasion, la travailleuse aurait souhaité que le docteur Dragin, qui avait déjà été son médecin traitant dans le passé, la suive pour son dossier CSST. Le docteur Dragin lui a expliqué qu’il ne pouvait devenir son médecin traitant. C’est donc la deuxième ordonnance pour l’Effexor. La travailleuse ne semble pas en avoir informé le docteur Benoît lors de son examen en août 2008.
[197] La troisième ordonnance pour une thérapie pharmacologique est le 26 septembre 2008. Selon les notes cliniques du docteur Lamanque du CLSC (pièce T-24), que la travailleuse a consulté, il lui prescrit de l’Effexor, de l’Ativan et un suivi psychologique. Cette même prescription est réitérée le 10 octobre 2008. Il ajoute le médicament Desyrel. Le docteur Lamanque diagnostique un trouble d’adaptation avec humeur anxiodépressive.
[198] Par ailleurs, lors de l’examen du docteur Benoît, la travailleuse lui raconte que le 11 décembre 2007, son médecin recommandait un retour au travail progressif sur le quart de soir puisque cela était moins exigeant et que cela augmentait les succès lors de la réintégration au travail. Elle a toutefois essuyé un refus de sa supérieure, madame Mélanie Dubé, concernant son retour au travail sur le quart de soir. Elle s’est sentie désemparée et confuse et se demandait pourquoi on s’en prenait à elle de la sorte.
[199] Selon le docteur Benoît, elle comprend que la travailleuse a toujours voulu, pendant son arrêt de travail, retourner travailler dans des conditions acceptables selon ses termes à elle. Elle est blessée, elle vit des émotions difficiles, mais si elle pouvait retourner, selon les termes de la travailleuse, dans des conditions acceptables de travail et si on cessait de s’en prendre à elle, si le litige pouvait être réglé avec l'employeur, la travailleuse serait bien contente de refaire son travail de préposée.
[200] Lors de cet examen, la travailleuse dit au docteur Benoît qu’elle continue à vivre une certaine souffrance, à vivre des émotions difficiles, de la tristesse, de l’humiliation, du ressentiment dès qu’elle est confrontée au litige ou ce qui lui rappelle le litige qui l’oppose à son employeur. Elle se sent seule, abandonnée, elle ravale beaucoup, elle aimerait se confier cependant. La travailleuse lui dit que dans un monde idéal, elle aimerait que l'employeur admette ses torts, mais elle a l’impression que la blessure va toujours être là. À cette époque, la travailleuse est en attente d’une audience pour les deux plaintes qu’elle a déposées à la CSST contre son employeur et elle dit que sa vie est donc en suspens. La travailleuse lui dit que quelle que soit la décision qui sera prise lors de l’audience, cela va l’obliger à tourner la page. Si elle perd, elle se réoriente; si elle gagne, il faudra voir dans quelle mesure les conditions de travail vont être acceptables.
[201] La travailleuse lui dit que sa concentration est variable, de même que son sommeil.
[202] Lors de son examen mental, le docteur Benoît note, tout comme le docteur Laperrière, que tant qu’elle ne parle pas avec la travailleuse du litige qui l’oppose à l'employeur, son attitude est tout à fait cordiale et ouverte. Elle exprime cependant une certaine émotivité, caractérisée par de la colère, un sentiment d’injustice, d’humiliation, de dévalorisation, de culpabilité et d’anxiété lorsque ce litige est abordé. Toutefois, selon le docteur Benoît, cette souffrance n’est pas dévastatrice ni envahissante et n’empêche pas la travailleuse de se concentrer.
[203] À la section de son impression diagnostique, dans l’axe I, le docteur Benoît est d’avis que la travailleuse démontre une souffrance authentique, mais qui n’atteint toutefois pas l’intensité qui justifie que l’on retienne un diagnostic psychiatrique. Il y a très certainement un problème relationnel avec l'employeur qui pourrait être retenu à l’axe I. Elle est d’avis qu’il n’y a aucune pathologie psychiatrique et qu’il n’y a pas lieu de se prononcer sur une date de consolidation.
[204] Cependant, même si elle est d’avis que la travailleuse ne présente aucune pathologie psychiatrique, le docteur Benoît recommande, afin qu’elle soit moins envahie et ait une meilleure qualité de vie au niveau émotif, que la travailleuse consulte quelqu’un qui pourrait l’aider à être moins blessée par ce conflit.
[205] Ce dernier conseil du docteur Benoît ne sera suivi par la travailleuse qu’en 2009. Du mois de mars 2009 jusqu’au mois de juin 2009, elle a suivi quelques séances de psychothérapie auprès de madame Micheline Frenette, psychologue.
[206] Par la suite, la travailleuse est examinée par le docteur Lionel Béliveau, psychiatre, le 28 juin 2010, en vue de l’audience à la Commission des lésions professionnelles. L’expertise du docteur Béliveau, datée du 27 juin 2010, est déposée à l’audience (pièce T-26)[18].
[207] Dans son expertise médicale, le docteur Béliveau fait état du suivi médical de la travailleuse par le docteur Arihan depuis le 15 septembre 2007. Il y rapporte également de longs extraits de l’expertise du docteur Laperrière, Benoît, de même que des notes de la psychologue Frenette. Madame Frenette note que, selon la travailleuse, sa dépression majeure est reliée à de la violence psychologique, à de l’injustice et au stress relié au travail. Le docteur Béliveau précise qu’il ne retrouve, dans les rapports de madame Frenette, aucune donnée pertinente et objective lui permettant d’objectiver les allégations de la travailleuse quant au mauvais traitement dont elle se dit avoir été victime de la part de son employeur.
[208] À la section de l’État actuel, le docteur Béliveau écrit que la travailleuse rapporte qu’elle continue à présenter une symptomatologie d’anxiété et de dépression en relation avec le fait d’avoir été traitée injustement et harcelée par les représentants de son employeur, avec comme conséquence, de se retrouver sans revenu. Elle continue à souffrir d’insomnie, à être fatiguée, à manquer d’appétit et d’intérêt dans la vie, à s’isoler. Elle ne présente toutefois pas d’idées noires ni suicidaires. Elle ne prend plus d’Effexor depuis environ neuf mois et a bénéficié de cinq ou six sessions de thérapie avec madame Frenette, manquant de ressources financières pour assumer les honoraires de la psychologue.
[209] Après avoir procédé à son examen mental, le docteur Béliveau retient le trouble de l’adaptation avec à la fois anxiété et humeur dépressive, d’intensité modérément sévère. Ce diagnostic serait en relation avec les mesures disciplinaires injustifiées, incluant le congédiement et l’abus de pouvoir dont elle se plaint avoir été victime de la part des représentants de son employeur. Il écarte le diagnostic de dépression majeure ou encore celui d’état de stress post-traumatique. Après cette expertise du docteur Béliveau, il n’y a aucun autre suivi médical spécifique se rapportant à une lésion psychique chez la travailleuse. La travailleuse dépose un rapport final, daté du 19 mai 2012, rédigé par le docteur Dragin, où il consolide un trouble d’adaptation, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle (pièce T-28)[19].
[210] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, la preuve médicale prépondérante établit que la travailleuse a présenté un trouble d’adaptation avec anxiété et humeur dépressive, et ce, depuis au moins le 13 novembre 2007 comme en témoigne la note clinique du docteur Arihan à cette date. Déjà à cette date, le médecin ayant charge trouve justifié de recommander un traitement pharmacologique et un suivi en psychothérapie. Les docteurs Dragin et Lamanque recommandent également un traitement pharmacologique pour traiter une lésion d’ordre psychique. Le docteur Béliveau retient également, même si son examen n’a lieu qu’en juillet 2010, que la travailleuse présente un trouble d’adaptation. De plus, tel que le soutenait la procureure de la travailleuse, l’avis du docteur Benoît est quelque peu contradictoire. En effet, le docteur Benoît conclut que la souffrance psychique, quoiqu’authentique, n’est pas envahissante. Mais elle ajoute, et c’est là la contradiction, que la travailleuse pourrait être moins envahie et avoir une meilleure qualité de vie au niveau émotif, si elle consultait quelqu’un pour l’aider à être moins blessée par le conflit l’opposant à son employeur.
[211] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, les médecins ne peuvent avoir prescrit une médication visant à traiter une lésion d’ordre psychique, tel un trouble de l’adaptation, sans qu’il y ait eu des signes cliniques suffisamment sérieux pour les justifier. Il est vrai cependant que la travailleuse ne semble pas avoir été assidue, quelle qu’en soit la raison, dans le suivi pharmacologique proposé par les différents médecins qu’elle a consultés. Cela ne peut suffire cependant à écarter tout diagnostic d’ordre psychique compte tenu des symptômes notés par les médecins ayant examiné la travailleuse. Ainsi, la Commission des lésions professionnelles conclut que la travailleuse a présenté un trouble de l’adaptation avec anxiété et humeur dépressive depuis au moins le 13 novembre 2007.
[212] La Commission des lésions professionnelles doit maintenant décider si ce trouble d’adaptation est une lésion professionnelle. À l’audience, la travailleuse a témoigné que c’est à la suite du refus catégorique de madame Mélanie Dubé, lors d’une conversation téléphonique le ou vers le 12 décembre 2007, de lui autoriser un retour progressif au travail sur le quart de soir, qu’elle a psychologiquement craqué.
[213] La preuve médicale au dossier ne soutient pas cette affirmation de la travailleuse. Tel que rapporté précédemment, les notes cliniques du docteur Arihan en date du 13 novembre 2007 relatent des symptômes d’une personne qui a craqué psychologiquement : elle est dans un état déprimé, elle pleure et présente des problèmes financiers sévères. C’est à cette occasion que le docteur Arhian prescrit de l’Effexor et recommande de voir un psychologue. Ce n’est donc pas le refus de madame Dubé de lui autoriser un retour progressif au travail sur le quart de soir qui est à l’origine de la lésion psychique, du moins, ce n’est pas la preuve au dossier.
[214] Subsidiairement, même si la preuve avait révélé que c’est le refus de l’employeur qui avait provoqué la lésion psychique chez la travailleuse, la Commission des lésions professionnelles n’aurait pas plus conclu qu’il s’agit d’une lésion professionnelle.
[215] Lorsque l’employeur a offert un retour progressif au travail sur le quart de jour plutôt que sur le quart de soir, il exerçait son droit de gérance. La preuve établit que, selon la convention collective en vigueur à l’époque, le quart de travail n’est pas un élément constitutif du poste occupé. De plus, la travailleuse avait déjà été assignée sur le quart de jour depuis sa réintégration en septembre 2007. La Commission des lésions professionnelles ne peut conclure que l’employeur a exercé de façon abusive son droit de gérance en offrant un retour au travail progressif sur le quart de jour plutôt que sur le quart de soir. La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles s’est penchée sur les paramètres permettant d’analyser si l’exercice du droit de gérance par un employeur l’a été de manière abusive. Dans l’affaire Denis et Ville de Gaspé[20], la Commission des lésions professionnelles écrit :
[31] Il est généralement reconnu dans la jurisprudence que l’employeur a un droit de gérance, mais qu’il doit l’exercer dans le respect du travailleur et de ses droits. Ainsi, la surveillance, la supervision et même l’imposition de mesures disciplinaires relèvent du droit de gérance de l’employeur. Mais, dans la mesure où l’exercice de ce droit demeure dans les limites de ce qui est acceptable, justifié, non-discriminatoire et «normal» dans le monde du travail. Ainsi, une surveillance exagérée, un langage injurieux, une attitude humiliante ou des mesures, en fait, qui ne sont pas respectueuses du travailleur ou discriminatoires, seront considérées constituer un exercice abusif de l’autorité. Et l’exercice abusif de l’autorité n’est pas normal et prévisible dans le cadre du travail et peut ainsi être considéré comme un événement imprévu et soudain. […]
[nos soulignements]
[216] La Commission des lésions professionnelles ne peut retrouver dans l’offre d’un retour progressif au travail sur le quart de jour aucune preuve de l’exercice abusif du droit de gérance par l’employeur, c’est-à-dire inacceptable, injustifié, discriminatoire, anormal.
[217] Par ailleurs, la travailleuse a témoigné à l’audience que, selon elle, les tâches d’une préposée aux bénéficiaires sont plus lourdes sur le quart de jour que celles sur le quart de soir. Elle a assigné monsieur Denis Major, vice-président du syndicat, qui a témoigné sur les différences entre les tâches d’une préposée aux bénéficiaires sur le quart de jour et celles sur le quart de soir.
[218] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que le retour progressif au travail concerne la capacité de la travailleuse de faire les tâches de son emploi. Le médecin ayant charge se prononce sur la capacité d’exercer des tâches et il n’a pas à et ne peut s’immiscer, bien malgré lui, dans le droit de gérance d’un employeur. Pour la Commission des lésions professionnelles, il est clair que c’est à la demande de la travailleuse que le docteur Arihan a spécifié un retour progressif au travail sur le quart de soir.
[219] Or, l’employeur n’a aucune obligation, en vertu de la loi, de donner suite à une suggestion ou à une recommandation du médecin ayant charge de réintégrer la travailleuse à temps partiel ou à un retour progressif au travail. L’employeur a une entière discrétion de donner suite ou pas à une telle recommandation du médecin. C’est là son droit de gérance. Il n’est pas tenu d’offrir un retour progressif, peu importe le quart de travail.
[220] Quoiqu’il en soit, cette demande de la travailleuse de revenir sur le quart de soir a fait réagir l’employeur. Le 17 décembre 2007, madame Morasse écrit une lettre au docteur Arihan qu’elle expédie par télécopieur (pièce P-42). Dans cette lettre, l’employeur fait état du dossier disciplinaire de la travailleuse, de son congédiement puis de sa réintégration sur le quart de jour. L’employeur écrit que c’est par préférence que la travailleuse veut le quart de soir.
[221] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, la travailleuse n’avait pas à utiliser le docteur Arihan pour exprimer sa préférence à un emploi sur le quart de soir. L’employeur n’avait pas, quant à lui, à plaider sa cause au docteur Arihan. Toutefois, que l’employeur n’ait pas offert un retour progressif au travail sur le quart de soir ne constitue pas l’exercice abusif de son droit de gérance, car il n’a aucune obligation de le faire en vertu de loi.
[222] La travailleuse a également soulevé que sa lésion psychique découlait du harcèlement psychologique dont elle a été victime de la part de son employeur de 2006 à 2008.
[223] La Commission des lésions professionnelles a discuté avec les procureurs des parties, lors des conférences téléphoniques préparatoires, quant à la pertinence d’entendre une preuve concernant les mesures disciplinaires et le premier congédiement, en mai 2007, de la travailleuse. La transaction intervenue entre les parties, l’entente de la dernière chance, mettait fin à tous les griefs. La procureure de la travailleuse a alors insisté sur la pertinence d’administrer cette preuve afin que la Commission des lésions professionnelles puisse évaluer la prétention de harcèlement dont la travailleuse se dit victime.
[224] C’est dans ce contexte qu’une longue preuve fut administrée par la travailleuse, nécessitant une contre-preuve de l’employeur et portant essentiellement sur les avis disciplinaires et les mesures disciplinaires ayant conduit au premier congédiement de la travailleuse en mai 2007. La Commission des lésions professionnelles ne rapportera pas cette preuve dans la présente décision puisque d’une part, il n’y a aucun harcèlement psychologique établi par cette preuve. D’autre part, cette preuve a servi essentiellement à exprimer le désaccord de la travailleuse quant à la façon dont l’employeur a exercé son droit de gérance, et son désaccord quant aux sanctions imposées. Or, tous ces litiges ont été réglés par une transaction, l’entente de la dernière chance, signée en toute connaissance de cause par la travailleuse où le bien-fondé des mesures disciplinaires y est, en quelque sorte, admis par les parties signataires. La Commission des lésions professionnelles n’a pu déceler dans cette preuve un comportement, une situation de fait ou répétition de fait s’apparentant à du harcèlement psychologique de la part de l’employeur.
[225] La preuve n’établit pas non plus que la travailleuse a été victime de harcèlement psychologique ou que l’employeur a exercé son droit de gérance de manière abusive après sa réintégration au travail en septembre 2007, soit des situations qui seraient assimilables à une succession d’événements imprévus et soudains, au sens de la loi.
[226] Dans le contexte d’une réintégration au travail à la suite d’une entente de la dernière chance, visant à gérer l’absentéisme de la travailleuse, il est évident que l’employeur assure un suivi et une gestion serrée en cas d’absence. Le fait que l’employeur a cru, de bonne foi, que l’entente de la dernière chance lui permettait d’exiger de la travailleuse la production des rapports médicaux pour sa lésion professionnelle n’a pas pour effet que ces demandes deviennent, en rétrospective, anormales ou discriminatoires. Dans la mesure où l’employeur a exercé son droit de gérance en application de l’entente de la dernière chance, il ne s’agit pas d’un exercice abusif même si, ultimement, le tribunal ne lui donne pas raison en application de la loi, mais sans remettre la validité de l’entente en question. Il n’y a donc ni abus du droit de gérance ni harcèlement psychologique.
[227] Quant au congédiement du 29 janvier 2008, qu’il ait été légal ou pas au sens de la loi, il ne peut être la cause de la lésion psychique diagnostiquée chez la travailleuse puisque ce diagnostic est bien antérieur au congédiement.
[228] La Commission des lésions professionnelles conclut que le trouble d’adaptation avec anxiété et humeur dépressive n’est pas une lésion professionnelle.
[229] Puisque la lésion professionnelle est consolidée le 14 janvier 2008, sans atteinte et sans limitation fonctionnelle, la travailleuse n’a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu payable en vertu de la loi puisqu’elle est capable, à partir de cette date, du moins en ce qui concerne sa lésion professionnelle, d’exercer son emploi. Sa lésion d’ordre psychique, d’origine personnelle, ne donne aucun droit à la travailleuse à la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu en vertu de la loi.
Dossier 471796-62-1205 : les plaintes en vertu de l’article 32.
[230] La Commission des lésions professionnelles entend d’abord décider si le congédiement de la travailleuse, le 29 janvier 2008, contrevient à l’article 32 de la loi libellé comme suit :
32. L'employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la présente loi.
Le travailleur qui croit avoir été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l'article 253 .
[231] La loi contient une présomption en faveur du travailleur lorsqu’il établit que l’employeur lui a imposé une sanction dans les six mois suivant la survenance de la lésion professionnelle. Cette présomption est édictée à l’article 255 de la loi libellé comme suit :
255. S'il est établi à la satisfaction de la Commission que le travailleur a été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans l'article 32 dans les six mois de la date où il a été victime d'une lésion professionnelle ou de la date où il a exercé un droit que lui confère la présente loi, il y a présomption en faveur du travailleur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice de ce droit.
Dans ce cas, il incombe à l'employeur de prouver qu'il a pris cette sanction ou cette mesure à l'égard du travailleur pour une autre cause juste et suffisante.
[232] Les parties admettent que la travailleuse bénéficie de l’application de cette présomption : elle a été victime d’une lésion professionnelle le 15 septembre 2007 et elle a été congédiée le 29 janvier 2008, donc à l’intérieur de la période de six mois prévue à l’article 255 de la loi. L’employeur doit prouver qu’il a congédié la travailleuse pour une autre cause juste et suffisante. L’employeur invoque, comme cause juste et suffisante au congédiement, le non-respect par la travailleuse de l’entente de la dernière chance. À ce stade-ci, il convient de reproduire la lettre de congédiement signifiée à la travailleuse le 29 janvier 2008 :
Le 17 octobre 2007, nous vous avons avisé de respecter l’entente de règlement de grief de dernière chance qui permettait votre retour au travail (entente du 23 août 2007). Nous vous avons rappelé votre engagement à aviser votre infirmière chef et à fournir les informations additionnelles avec diligence.
Malgré ce rappel, nous constatons que vous ne respectez pas les conditions de l’entente de dernière chance signée le 23 août 2007. Le 11 janvier 2008, vous nous avez informés que votre prochain rendez-vous était planifié pour le 15 janvier 2008. Le 16 janvier 2008, nous vous avons demandé de nous transmettre votre certificat médical. Vous nous avez dit que vous aviez consulté un orthopédiste le 16 janvier 2008, que vous n’avez pas rencontré votre médecin traitant le 15 janvier 2008 et que votre prochain rendez-vous était reporté le 18 janvier 2008. Malgré la consultation auprès de l’orthopédiste le 16 janvier 2008, vous n’avez pas présenté de certificat médical.
Le 25 janvier 2008, vous nous informez que vous venez de voir votre médecin traitant et qu’il vous est impossible de nous transmettre votre certificat médical, maintenant, et vous vous engagez à nous le transmettre avant le 28 janvier 2008.
De plus, le dernier certificat médical soit, celui du 18 décembre 2007, votre médecin traitant indiquait comme traitement, de consulter le programme d’aide aux employés. Le 14 janvier 2008, vous avez mentionné au Docteur Paradis, médecin expert du service de santé, que vous n’avez pas l’intention de les consulter. Ce geste contrevient à assurer une saine guérison et à assurer un retour au travail.
Considérant que malgré notre rappel du 17 octobre 2007, vous ne transmettez pas les documents dans un délai raisonnable et avec diligence et conformément à l’entente signée le 23 août 2007, paragraphe 5, et que vous ne prenez pas tous les moyens pour assurer votre rétablissement, nous mettons fin, à votre emploi en date d’aujourd’hui.
[233] Un des motifs invoqués par l’employeur dans cette lettre de congédiement, à l’avant-dernier paragraphe, concerne le refus de la travailleuse d’avoir consulté le programme d’aide aux employés tel que recommandé par son médecin traitant le 18 décembre 2007 et d’avoir dit au docteur Paradis, lors de l’examen du 14 janvier 2008, qu’elle n’avait pas l’intention de consulter le programme d’aide aux employés.
[234] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, ces deux faits invoqués par l’employeur sont inexistants ou inexacts. Ils ne peuvent constituer une cause juste et suffisante au congédiement. Le docteur Arihan n’a pas dirigé la travailleuse au programme d’aide aux employés à l’attestation médicale rédigée le 18 décembre 2007. D’autre part, dans son expertise rédigée à la suite du 14 janvier 2008, le docteur Paradis rapporte que la travailleuse aurait téléphoné à son syndicat concernant le programme d’aide aux employés. Le docteur Paradis rapporte que le syndicat lui aurait déconseillé de rencontrer le programme d’aide aux employés pour des motifs de confidentialité. La Commission des lésions professionnelles ne peut conclure, à partir de l’expertise du docteur Paradis, que la travailleuse lui a dit qu’elle n’avait pas l’intention de consulter par l’entremise du programme d’aide aux employés. D’ailleurs, elle a effectivement consulté monsieur Lemieux par ce programme, à partir de janvier 2008.
[235] Subsidiairement, même si la Commission des lésions professionnelles avait conclu que ces faits sont exacts, le refus de la travailleuse de suivre une recommandation de son médecin n’est pas une situation qui est visée à l’entente de la dernière chance. L’employeur ne peut donc prétendre que ce refus, s’il avait existé, contrevient à l’entente de la dernière chance. Aucune clause de cette entente n’a été invoquée par l’employeur pour justifier ce reproche adressé à la travailleuse. La Commission des lésions professionnelles n’a aucune explication de l’employeur sur comment l’entente de la dernière chance lui permet de congédier la travailleuse si elle ne prend pas tous les moyens pour assurer son rétablissement.
[236] Reste à examiner l’autre motif invoqué par l’employeur dans la lettre de congédiement. L’employeur reproche à la travailleuse de ne pas transmettre les documents, soit les rapports médicaux, dans un délai raisonnable et avec diligence conformément à l’entente de la dernière chance, plus spécifiquement au paragraphe 4. Ainsi, en application du paragraphe 5 de cette entente, l’employeur procède au congédiement.
[237] La preuve établit, sans l’ombre d’un doute, que cette entente de la dernière chance constitue une transaction au sens de l’article 2631 du Code civil du Québec, soit un contrat par lequel les parties ont terminé un procès, ont réglé leur litige concernant les griefs. D’ailleurs, le paragraphe 15 de cette entente spécifie qu’il s’agit d’une transaction au sens du Code civil du Québec.
[238] La validité de cette entente de la dernière chance ne peut être remise en cause devant la Commission des lésions professionnelles. Il ne fait aucun doute que cette entente de la dernière chance est une transaction par laquelle les parties ont définitivement mis fin au litige, soit les griefs, opposant la travailleuse et son employeur.
[239] Il ne fait aucun doute que cette entente de la dernière chance est un contrat tout à fait valide intervenu entre les parties. La véritable question que soulève le présent cas, est de déterminer si cette entente, quoique valablement conclue entre les parties, s’applique toutefois dans le cas d’une absence pour lésion professionnelle par rapport aux faits soumis.
[240] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, toutes les modalités de l’entente de la dernière chance continuent de s’appliquer même dans le cas d’une lésion professionnelle, en autant que la mesure disciplinaire n’est pas directement reliée à la lésion professionnelle ou à l’exercice d’un droit découlant de la loi.
[241] Dans le cas qui nous occupe, l’employeur reproche à la travailleuse de ne pas avoir fourni un rapport médical avec diligence après une visite médicale, pour chacune de ses absences. Autrement dit, l’employeur reproche à la travailleuse de ne pas lui transmettre les documents médicaux dans un délai raisonnable et avec diligence, et ce, contrairement au paragraphe 4 de l’entente.
[242] Plus particulièrement, l’employeur reproche à la travailleuse de ne pas lui avoir fourni de certificat médical après celui du 18 décembre 2007, de ne pas avoir avisé l’employeur de l’absence de rendez-vous médical le 15 janvier 2008, de ne pas lui avoir fourni le rapport médical à la suite de la visite auprès du docteur Sutton le 16 janvier 2008[21] et finalement, de ne pas lui avoir expédié le rapport médical du 25 janvier 2008 dans le délai convenu, soit le 28 janvier 2008.
[243] Selon l’employeur, le défaut de la travailleuse d’avoir fourni dans un délai raisonnable les rapports médicaux concernant le suivi de sa lésion professionnelle justifie, en application de l’entente de la dernière chance, le congédiement du 29 janvier 2008.
[244] L’entente de la dernière chance ne réfère pas spécifiquement aux absences de la travailleuse en cas de lésion professionnelle. Or, la loi en est une d’ordre public, tel que décrété à l’article 4 de la loi, libellé comme suit :
4. La présente loi est d’ordre public.
Cependant, une convention ou une entente ou un décret qui y donne effet peut prévoir pour un travailleur des dispositions plus avantageuses que celles que prévoit la présente loi.
[245] Dans le contexte d’une loi d’ordre public, selon cet article, les parties peuvent en tout temps, notamment par entente, y déroger en autant que cette entente soit plus avantageuse pour un travailleur que ce qui est prévu à la loi.
[246] Dans le contexte d’une loi d’ordre public, les parties peuvent renoncer, notamment par une entente, à la protection offerte par la loi, en autant que cette renonciation concerne des droits nés et actuels comme c’est le cas dans une transaction au sens du Code civil du Québec.
[247] Cet enseignement nous vient de la Cour suprême du Canada.
[248] La procureure de la travailleuse a référé la Commission des lésions professionnelles à un jugement de la Cour suprême dans l’arrêt Garcia Transport ltée[22]. Dans cette affaire, la Cour suprême du Canada devait décider si la requérante pouvait se prévaloir d’une disposition législative d’ordre public, malgré une entente par laquelle elle avait renoncé à invoquer le droit protégé. L’Honorable juge Claire L’Heureux-Dubé, rendant le jugement pour la cour écrit :
La première et la plus importante conséquence est qu’on ne peut, en principe, renoncer au bénéfice d’une loi d’ordre public. L’article 13 C.c.B.-C. est très explicite à cet égard :
13. On ne peut déroger par des conventions particulières aux lois qui intéressent l’ordre public ou les bonnes mœurs.
[…]
La règle générale veut que la renonciation ne soit valide que si elle intervient après que la partie, en faveur de laquelle la loi a été édictée, a acquis le droit qui découle de cette loi. C’est alors, et alors seulement, que la partie la plus faible, tel le débiteur en l’espèce, peut faire un choix éclairé entre la protection que la loi lui accorde et les avantages qu’elle compte obtenir de son cocontractant en échange de la renonciation à cette protection, comme l’explique Gégout, loc. cit., fasc. 2, à la p. 10:
…l’apparition de plus en plus fréquente de règles de protection dans l’ordre public économique a multiplié les cas où les parties peuvent renoncer à un ordre public édicté dans leur seul intérêt. Mais il faut s’entendre sur la portée de cette affirmation: l’ordre public protecteur intervient pour assurer l’entière liberté du contractant le plus faible contre le contractant le plus fort; il manquerait complètement son but si la personne protégée pouvait y renoncer au moment où elle contracte. [...] Il faut qu’en toute connaissance de cause, au moment où la protection doit produire ses effets, l’intéressé ne risque plus de subir les pressions de son adversaire.
C’est pourquoi la renonciation à une protection légale d’ordre public ne peut se concevoir que pour des droits acquis. La loi n’impose pas de droits aux individus, mais leur permet de les acquérir: elle n’interdit que la renonciation à un droit qui n’est pas encore né: la seule condition de validité de la renonciation à ces droits est l’accomplissement de leurs conditions d’acquisition. [Je souligne.]
[…]
Pour conclure sur ce point, disons qu’il est possible de renoncer à une disposition d’ordre public économique de protection puisque sa violation n’est sanctionnée que par une nullité relative. En raison de la nature même de la protection accordée, toutefois, cette renonciation n’est valide que si elle est consentie après l’acquisition du droit et non avant.
[249] Afin de déterminer si l’employeur pouvait exiger les rapports médicaux de la travailleuse, sous peine de sanction, la démarche analytique à faire est la suivante. Il faut se demander, dans un premier temps, si la loi oblige la travailleuse à remettre les certificats médicaux à son employeur lors d’un suivi pour une lésion professionnelle. Si tel est le cas, une telle exigence de l’employeur ne serait donc pas contraire à ce que prévoit la loi.
[250] Si la loi n’impose pas une telle obligation, il faut alors se demander si cette exigence, par l’entente signée, est plus avantageuse pour la travailleuse ou encore si cette obligation a pour but de mettre fin à un litige concernant des droits nés et actuels. Dans ces deux cas, l’article 4 de la loi serait alors respecté, et l’exigence de remettre les certificats médicaux serait opposable à la travailleuse dans la présente cause.
[251] Comme l’a soumis la procureure de la travailleuse, la loi limite spécifiquement à deux occasions où un travailleur doit remettre un rapport médical à son employeur, ou l’en informer de son contenu. Il doit d’abord remettre le rapport médical initial (article 199 de la loi) rédigé par son médecin ayant charge, tel que prévu à l’article 267 de la loi :
267. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui le rend incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion doit remettre à son employeur l'attestation médicale prévue par l'article 199 .
Si aucun employeur n'est tenu de verser un salaire à ce travailleur en vertu de l'article 60, celui-ci remet cette attestation à la Commission.
[252] Le travailleur a également l’obligation d’informer sans délai son employeur (et non pas de remettre un rapport médical final) lorsqu’il est informé par son médecin de la date de consolidation de la lésion et s’il garde ou non des limitations fonctionnelles, tel que stipulé à l’article 274 de la loi :
274. Lorsqu'un travailleur est informé par le médecin qui en a charge de la date de consolidation de la lésion professionnelle dont il a été victime et du fait qu'il en garde quelque limitation fonctionnelle ou qu'il n'en garde aucune, il doit en informer sans délai son employeur.
S'il s'agit d'un travailleur visé dans la section II du chapitre VII, celui-ci doit aussi en informer sans délai la Commission de la construction du Québec.
[253] Hormis ces deux obligations, l’une de remettre le rapport médical initial (ce qu’a fait la travailleuse) et l’autre d’informer l’employeur de la consolidation de la lésion, la loi n’impose aucune obligation au travailleur de remettre les rapports médicaux à son employeur (ou à son service de santé), concernant le suivi de sa lésion professionnelle.
[254] Au contraire, la loi a prévu tout un mécanisme spécifique par lequel l’employeur peut avoir, indirectement, accès à l’information médicale du travailleur concernant la lésion professionnelle. L’employeur doit, afin d’obtenir des informations concernant l’aspect médical de la lésion professionnelle, désigner un professionnel de la santé (habituellement un médecin) conformément à l’article 38 de la loi, libellé comme suit :
38. L'employeur a droit d'accès, sans frais, au dossier que la Commission possède au sujet de la lésion professionnelle dont a été victime le travailleur alors qu'il était à son emploi.
Un employeur à qui est imputé, en vertu du premier alinéa de l'article 326 ou du premier ou du deuxième alinéa de l'article 328, tout ou partie du coût des prestations dues en raison d'une lésion professionnelle, de même qu'un employeur tenu personnellement au paiement de tout ou partie des prestations dues en raison d'une lésion professionnelle ont également droit d'accès, sans frais, au dossier que la Commission possède au sujet de cette lésion.
Lorsqu'une opération visée à l'article 314.3 est intervenue, un employeur impliqué dans cette opération a également droit d'accès, sans frais, au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont le coût sert à déterminer sa cotisation à la suite de cette opération.
L'employeur peut autoriser expressément une personne à exercer son droit d'accès.
Cependant, seul le professionnel de la santé désigné par cet employeur a droit d'accès, sans frais, au dossier médical et au dossier de réadaptation physique que la Commission possède au sujet de la lésion professionnelle dont a été victime ce travailleur.
La Commission avise le travailleur du fait que le droit visé au présent article a été exercé.
[255] Les articles 200 à 203 de la loi prévoient que c’est le médecin qui a charge du travailleur qui doit expédier à la CSST les rapports médicaux concernant le suivi de la lésion professionnelle.
[256] En vertu de l’article 215, c’est la CSST qui transmet au professionnel de la santé désigné par l’employeur les copies des rapports médicaux qu’elle reçoit concernant le suivi médical de la lésion professionnelle. Cet article est libellé comme suit :
215. L'employeur et la Commission transmettent, sur réception, au travailleur et au médecin qui en a charge, copies des rapports qu'ils obtiennent en vertu de la présente section.
La Commission transmet sans délai au professionnel de la santé désigné par l'employeur copies des rapports médicaux qu'elle obtient en vertu de la présente section et qui concernent le travailleur de cet employeur.
[257] Selon l’article 39 de la loi, le professionnel de la santé désigné par l’employeur ne transmet pas les rapports médicaux qu’il reçoit de la CSST à l’employeur, mais lui en fait plutôt un résumé pour lui permettre d’exercer ses droits. Cet article est libellé comme suit :
39. Le professionnel de la santé fait rapport à l'employeur qui l'a désigné au sujet du dossier médical et de réadaptation physique d'un travailleur auquel la Commission lui donne accès; il peut, à cette occasion, faire à cet employeur un résumé du dossier et lui donner un avis pour lui permettre d'exercer les droits que lui confère la présente loi.
La personne à qui le professionnel de la santé fait rapport ne doit pas utiliser ou communiquer les informations et l'avis qu'elle reçoit à cette occasion à d'autres fins que l'exercice des droits que la présente loi confère à l'employeur.
[258] Comme le soulignait la procureure de la travailleuse, dès 1992, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles, à laquelle la présente commission a succédé, a rendu une décision quant aux droits d’accès de l’employeur aux rapports médicaux et dossier médical concernant la lésion professionnelle. Dans l’affaire E. D. Brunet et Fils ltée[23], la commissaire écrit :
Le législateur n’enjoint aucunement la Commission de transmettre automatiquement à l’employeur, le dossier médical d’un travailleur réclamant auprès de celle-ci. Au contraire, l’employeur ne bénéficie d’aucun droit d’accès direct au dossier médical du travailleur. L’employeur ne peut être, en vertu des articles 38 et 39 de la loi, qu’informé de ce que contient le dossier par l’entremise d’un professionnel de la santé qu’il lui est loisible de désigner. L’employeur n’a pas, comme le souligne le procureur de l’employeur en l’instance, l’obligation de procéder è une telle désignation. Mais à défaut d’exercer cette option de désignation, l’employeur ne pourra d’aucune autre façon (hormis l’obtention d’une autorisation du travailleur lui-même) avoir accès aux documents médicaux qui lui permettront d’exercer certains des droits que la loi lui confère, dont la contestation à l’arbitrage.
Les articles 199 à 225 de la loi énoncent la procédure d’évaluation médicale, et de façon plus spécifique aux articles 212 à 220, la procédure de contestation menant à l’arbitrage médical. Cette procédure ne peut être initiée qu’à partir des rapports médicaux obtenus par l’un ou l’autre des intervenants (l’employeur, le travailleur et la Commission), et qui concernent le travailleur. Or, c’est, selon l’article 215, au professionnel de la santé désigné par l’employeur, en vertu de l’article 38, et nul autre, que la Commission transmet les rapports médicaux en question. Donc pas de désignation, pas de transmission.
[259] La lecture des dispositions de la loi permet de conclure que la travailleuse n’avait aucune obligation en vertu de la loi de transmettre les rapports médicaux concernant le suivi de sa lésion professionnelle. Certes, elle pouvait, comme elle l’a fait à plusieurs occasions lors de son suivi médical, envoyer de son propre gré le rapport médical à l’employeur, comme en témoigne les notes de madame Morasse.
[260] La Commission des lésions professionnelles constate que l’entente de la dernière chance ne spécifie pas qu’elle s’applique aussi pour les absences pour lésion professionnelle. Cette entente est signée le 23 août 2007 et est donc antérieure à la lésion professionnelle subie le 15 septembre 2007.
[261] La Commission des lésions professionnelles partage l’avis de la procureure de la travailleuse qui invoque, qu’au moment de la signature de l’entente, les droits de la travailleuse en vertu de la présente loi n’étaient pas encore nés ni actuels. Par conséquent, la travailleuse ne pouvait renoncer aux droits et bénéfices que lui offre la loi lors de la signature de l’entente. Tel que dit précédemment, une telle renonciation n’est valide que si elle est consentie après l’acquisition du droit et non avant. C’est le principe que rappelait la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Éthier et Aplix Fasterners inc.[24]. Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles confirmait qu’un travailleur pouvait renoncer à un droit prévu à la loi dans la mesure où cette renonciation est postérieure au droit né et actuel, voici comme s’exprime la Commission des lésions professionnelles :
[19] Les parties peuvent transiger sur des droits et obligations qui découlent d’une loi d’ordre public pourvu que le droit sur lequel porte la transaction soit né et actuel4.
[…]
[22] Dans l’affaire Brassard et Canadien Pacifique Château Champlain6, où il s’agit d’une réclamation pour un syndrome du canal carpien s’étant manifesté le 20 septembre 2002 alors que les parties ont signé une transaction le 7 avril 2000, la Commission des lésions professionnelles estime que les parties ne peuvent transiger, entre autres, parce que la maladie ne s’était pas encore manifestée au moment de la transaction. Elle déclare que :
[20] Contrairement à l’affaire Savaria et Bell Hélicoptère Textron3, déposée par le représentant du Casino, il appert que dans le présent cas, le droit du travailleur n’était pas né ou actuel au moment où la transaction a été signée. Or, c’est lorsque le droit est né et actuel que les parties peuvent transiger sur des droits ou obligations qui leurs sont échus en vertu de la loi qui est d’ordre public.
[21] De plus, compte tenu de l’ensemble de la transaction, laquelle porte essentiellement sur la terminaison du lien d’emploi, la Commission des lésions professionnelles ne peut se convaincre qu’il faille interpréter l’expression « Pierre-André Brassard donne quittance complète, finale et définitive à Resto-Casino inc., de même qu’à leurs administrateurs, officiers et employés, leurs héritiers, successeurs, compagnie liées et ayant droit respectifs, quant à tout recours, réclamation, demande, plainte, action ou droit d’action, de quelque nature que ce soit, résultant de son emploi ou de la fin de son emploi en date du 21 mai 2000 » à une renonciation du travailleur à se voir reconnaître, comme lésion professionnelle, une maladie qui ne s’était pas encore manifestée.
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3 C.L.P. 169363-64-0109, 7 juillet 2003, T. Demers
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4 Voir notamment : Royal Trust Company et Federal Business Development Bank c. Garcia Transport ltée, [1992] 2 R.C.S., p. 499; Degré et Centre hospitalier Douglas, C.L.P. 147040-72-0009, 7 février 2002, M.-H. Côté; Morel et Rovibec, C.L.P. 173667-04B-0111, 29 avril 2003, J.-F. Clément.
6 C.L.P. 228847-62B-0403, 17 février 2005, Alain Vaillancourt.
[262] Comme l’indique l’article 4 de la loi, les parties peuvent y déroger, par une entente privée, en prévoyant des dispositions plus avantageuses pour la travailleuse que celles que prévoit la loi, et ce, en tout temps.
[263] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, le fait que l’employeur exige de la travailleuse qu’elle lui transmette tous les rapports médicaux reliés au suivi de la lésion professionnelle, et ce dans un délai raisonnable, alors que la loi n’exige nullement une telle transmission, fait en sorte que cette exigence contenue à l’entente de la dernière chance est désavantageuse pour la travailleuse. En effet, l’entente de la dernière chance crée une obligation qui est inexistante dans la loi, par rapport à des droits qui ne sont ni nés ni actuels lors de la conclusion de cette entente.
[264] La procureure de l’employeur soumet qu’il est exact que la loi ne mentionne pas que la travailleuse doive remettre tous ses rapports médicaux à l’employeur, pas plus qu’elle ne lui interdit de le faire. Elle soutient que puisqu’aucune disposition ne porte spécifiquement sur cette question, l’entente privée ne dérogerait pas à la loi. Elle soutient que pour déroger à la loi, encore faut-il enfreindre un droit prévu dans cette loi, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.
[265] Avec respect, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’article 4 de la loi protège à la fois les droits, et les obligations des parties. De façon logique, l’absence d’obligation de faire comporte le droit de ne pas faire. Ainsi, quand la loi n’impose pas que la travailleuse ait à remettre les rapports médicaux à son employeur, cette situation comporte le droit de ne pas remettre les rapports médicaux à son employeur pendant le suivi de la lésion professionnelle, sans risquer une sanction.
[266] La procureure de l’employeur soutient que l’article 38 de la loi n’empêche pas l’employeur d’exiger de la travailleuse qu’elle lui remette des certificats médicaux directement. Avec respect, la Commission des lésions professionnelles ne partage pas cette conclusion. L’employeur peut certes demander à la travailleuse qu’elle lui remette les certificats médicaux pendant son suivi médical. Elle peut, de son propre gré, accepter. Si elle refuse, ce refus de la travailleuse n’emporte aucune sanction. Seul le professionnel de la santé désigné a le droit de recevoir les rapports médicaux.
[267] L’employeur peut continuer d’exercer son droit de gérance, en tout temps, en autant que les dispositions de la loi sont respectées. Les parties peuvent aussi, une fois que des droits sont nés et actuels, déroger et renoncer à certains droits protégés par la loi par la signature d’une transaction. Ce n’est pas le cas en l’espèce.
[268] De plus, la procureure de l’employeur soumet que puisque c’est l’employeur qui assume le versement des indemnités de remplacement du revenu à la travailleuse en matière de lésion professionnelle et que par la suite il est remboursé par la CSST, et ce, en application de l’article 23.19 de la convention collective en vigueur entre les parties, il s’agirait là d’une disposition plus avantageuse pour la travailleuse. Or, pour avancer les indemnités de remplacement du revenu, elle soutient que l’employeur a besoin des certificats médicaux, car la production de ces certificats médicaux est le corollaire à l’avance des indemnités de remplacement du revenu payés directement par l’employeur.
[269] La Commission des lésions professionnelles ne partage pas cette conclusion. D’abord, l’article 46 de la loi édicte une présomption d’incapacité d’exercer l’emploi tant que la lésion professionnelle n’est pas consolidée. À moins de preuve contraire, la travailleuse est donc présumée incapable d’exercer son emploi pendant toute cette période. D’autre part, la Commission des lésions professionnelles reconnaît que l’employeur est un substitut d’agent payeur des indemnités de remplacement du revenu dans le cas d’une lésion professionnelle. Là s’arrête son rôle. Les dispositions de la convention collective n’ont pas pour effet de modifier la nature de l’article 349 de la loi, qui détermine que la CSST a la compétence exclusive pour examiner et décider de toutes questions visées dans la loi. Comme agent payeur substitut à la CSST, l’employeur n’a pas plus de droit en vertu de la loi qu’un autre employeur qui n’a pas choisi de faire une telle entente avec la CSST.
[270] Cela étant dit, l’employeur ne perd pas pour autant son droit de gérance qu’il peut exercer en conformité avec la loi. Il peut demander, notamment, la suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour une des situations visées à l’article 142 de la loi, libellé comme suit :
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :
1° si le bénéficiaire :
a) fournit des renseignements inexacts;
b) refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;
2° si le travailleur, sans raison valable :
a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;
b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;
c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;
d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;
e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;
f) omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274 .
[271] La procureure de l’employeur soutenait que l’article 142 de la loi conférait, en quelque sorte, un pouvoir discrétionnaire à la CSST, et n’assurait pas l’application d’une sanction en cas de contravention. Est-il nécessaire de rappeler, qu’en vertu de l’article 349 de la loi, la CSST a compétence exclusive, après analyse de la situation, pour décider de ces demandes et que l’employeur conserve son droit de contester sa décision.
[272] Ainsi, même si les parties ont signé une entente de la dernière chance qui est tout à fait valide, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que les dispositions de cette entente, concernant la remise des certificats médicaux à l’employeur, ne s’appliquent pas à la lésion professionnelle survenue postérieurement à la conclusion de cette entente. Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’employeur a congédié la travailleuse parce qu’elle a exercé un droit que lui confère la présente loi, soit celui de ne pas remettre à son employeur, à sa demande, les rapports médicaux concernant sa lésion professionnelle. Le congédiement doit donc être annulé parce qu’il contrevient à l’article 32 de la loi.
[273] Tel que convenu avec les parties lors de l’audience, l’enquête concernant la somme à laquelle la travailleuse pourrait avoir droit concernant le salaire et les avantages dont elle a été privée, dans la mesure où la travailleuse ne veut pas la réintégration dans son emploi, fera l’objet d’une nouvelle convocation.
[274] Quant à la plainte de la travailleuse en vertu de l’article 32 de la loi concernant le refus de l’employeur de lui permettre un retour progressif sur le quart de soir, la travailleuse a déclaré qu’elle n’a aucune conclusion spécifique à demander dans ce litige.
[275] Cependant, la Commission des lésions professionnelles tient à confirmer tel que l’en a décidé la conciliatrice-décideuse de la CSST, que l’employeur n’a aucune obligation en vertu de la loi d’accepter un retour au travail partiel ou progressif et que par conséquent, ce refus ne constitue pas une mesure disciplinaire au sens de la loi.
[276] La Commission des lésions professionnelles tient également à souligner et à confirmer que la travailleuse n’a aucun droit d’exiger que l’employeur lui offre un retour au travail sur le quart de soir, du moins la preuve n’en a pas été faite.
[277] La Commission des lésions professionnelles confirme donc qu’il y a lieu de rejeter la plainte de la travailleuse concernant le refus de l’employeur de lui permettre un retour progressif au travail sur le quart de soir.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossiers 341149-62-0802 et 352129-62-0806
ACCUEILLE en partie la requête de Centre hospitalier de l’Université de Montréal - Pavillon Mailloux ;
REJETTE la requête de madame Chantal Chartrand;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 18 juin 2008, à la suite d’une révision administrative;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 19 février 2008, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’entorse au poignet gauche et l’entorse musculaire du trapèze gauche sont consolidées le 14 janvier 2008, sans atteinte permanente, sans limitation fonctionnelle, sans nécessité de soins;
DÉCLARE que madame Chantal Chartrand est capable de refaire son emploi de préposée aux bénéficiaires depuis le 14 janvier 2008;
CONFIRME que la travailleuse n’a pas à rembourser les prestations reçues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail après 14 janvier 2008 en raison de sa bonne foi;
CONFIRME que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est fondée de réclamer de madame Chantal Chartrand la somme de 140,56 $ à titre de trop perçu pour la période du 7 au 8 mai 2008.
Dossiers 354597-62-0807 et 361663-62-0810
REJETTE les requêtes de madame Chantal Chartrand;
DÉCLARE que le trouble d’adaptation avec anxiété et humeur dépressive n’est pas une lésion professionnelle en relation avec l’accident du travail survenu le 15 septembre 2007 ni en raison d’aucun autre événement survenu au travail entre 2006 et 2008;
DÉCLARE que madame Chantal Chartrand n’a pas droit aux bénéfices prévus à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en relation avec le diagnostic de trouble d’adaptation avec anxiété et humeur dépressive.
Dossier 471796-62-1205
ACCUEILLE en partie la requête de madame Chantal Chartrand;
MODIFIE la décision de la conciliatrice-décideuse de la Commission de la santé et de la sécurité du travail datée du 18 mai 2012;
DÉCLARE que la plainte de madame Chantal Chartrand, datée du 20 décembre 2007, n’est pas fondée;
DÉCLARE que la plainte de madame Chantal Chartrand, datée du 31 janvier 2008, est fondée;
ANNULE le congédiement du 29 janvier 2008;
RETOURNE le dossier au maître des rôles afin que les parties soient convoquées, à défaut de s’entendre entre elles, pour la somme reliée au salaire et aux avantages liés à l’emploi auxquels pourrait avoir droit madame Chantal Chartrand, à la suite de l’annulation du congédiement.
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Line Vallières |
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Me Anne-Marie Bertrand |
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MONETTE, BARAKETT & ASSOCIÉS |
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Représentante de l’employeur |
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Me Myriam Bohémier |
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MYRIAM BOHÉMIER AVOCATE |
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Représentante de la travailleuse |
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Me Lucie Rouleau |
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VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON |
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Représentante la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] L’assesseur médical de la Commission des lésions professionnelles a été présent qu’à l’audience des dossiers 341149 et 352129.
[3] Au moment de l’audience des présents dossiers, le docteur Piette était décédé.
[4] L.R.Q. c. C-27.
[5] Chartrand c. Syndicat des employé-es du Centre hospitalier de l’Université de Montréal - C.S.N. et Centre hospitalier de l’Université de Montréal, 2010, QCCRT 0160.
[6] Chartrand c. CRT, 2010, QCCS 6845.
[7] Chartrand c. Syndicat des employé-es du Centre hospitalier de l’Université de Montréal - C.S.N. et Centre hospitalier de l’Université de Montréal, 2011, QCCRT 0222.
[8] C.L.P. 281320-62-0602, 15 février 2007, L. Couture.
[9] Voir l’explication au paragraphe 114 de la présente décision.
[10] Manicone et Lajeunesse, C.L.P. 311920-71-0703, 19 février 2009, L. Vallières.
[11] D’Ascoli et Atco International, C.L.P. 179066-61-0202, 30 janvier 2003, B. Lemay.
[12] Laframboise et Coop. de Taxis de Montréal, C.L.P. 385733-71-0907, 15 juillet 2010, B. Roy.
[13] Chenail et Autobus Venise, 2013 QCCLP. 39 .
[14] Charette et Kateri School, C.L.P. 287572-01A-0603, 25 janvier 2008, C.-A. Ducharme.
[15] Curadeau et Saladexpress 1995 inc., C.L.P. 278116-64-0512, 17 octobre 2007, J.-F. Martel.
[16] Cloutier et Confection Dynastie enr., C.L.P. 238504-64-0407, 22 février 2006, J.-F. Martel.
[17] La travailleuse n’avait pas perdu son emploi à cette date. La travailleuse explique ces inexactitudes par le fait que ce médecin parlait peu français. C’est sans doute les difficultés de communication entre elle et ce médecin qui expliquent cette note du médecin.
[18] Au moment de l’audience de ces dossiers, le docteur Lionel Béliveau était décédé.
[19] La travailleuse a témoigné qu’elle avait suivi des ateliers de formation, dispensés par sa procureure, portant sur le cadre de la pensée et le harcèlement, ce qui l’avait beaucoup aidée. Il ne s’agit pas d’un traitement médical ni d’un soin.
[20] C.L.P. 185324-01B-0205, 21 décembre 2003, L. Desbois.
[21] La travailleuse n’a jamais elle-même reçu un rapport du docteur Sutton. Ce médecin a écrit son rapport de consultation qu’il a expédié au médecin traitant, le docteur Arihan (pièce P-34).
[22] Garcia Transport ltée c. Cie Royal Trust, [1992] 2 R.C.S. 499 ; notons que depuis l’adoption du nouveau code civil, l’équivalent de l’article 13 du Code civil du Bas-Canada se retrouve maintenant à l’article 9 du Code civil du Québec.
[23] E.D. Brunet et Fils ltée et Paquette, C.A.L.P. 17505-07-9002, 10 mars 1992, A. Leydet.
[24] C.L.P. 343734-07-0803, 24 avril 2009, S. Séguin.
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