Décision

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Jacques c. 189346 Canada inc. (Pétroles Therrien inc.)

2017 QCCS 4020

JG 1744

 
COUR SUPÉRIEURE

(Chambre des actions collectives)

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

québec

 

N° :

200-06-000102-080

 

DATE :

Le 30 août 2017

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

BERNARD GODBOUT, j.c.s.

 

 

simon jacques

marcel lafontaine

association pour la protection automobile

 

Demandeurs

 

c.

189346 canada inc., anciennement connue sous le nom de

les pétroles therrien inc. et al

 

Défendeurs

____________________________________________________________________________________

 

JUGEMENT

Sur une demande pour approbation d’une entente de règlement et

des honoraires des avocats des représentants

______________________________________________________________________

[1]       Le 30 novembre 2009, notre Cour, alors présidée par Mme la juge Dominique Bélanger (maintenant à la Cour d'appel), autorisait l'exercice de la présente action collective fondée sur l'article 36 (1) a) de la Loi sur la concurrence (L.R.C. 1985, c. C-34)[1] et le régime de la responsabilité civile, reprochant aux défendeurs d’avoir comploté pour contrôler et fixer le prix à la pompe de l'essence ordinaire, intermédiaire et super dans les villes mentionnées et pour la période visée à la description du groupe suivant, soit :

« toutes les personnes physiques ou morales de droit privé, sociétés, associations ou tous autres groupements sans personnalité juridique qui ont acheté de l’essence à au moins une reprise entre le 1er janvier 2001 et le 30 juin 2006 sur le territoire de la ville de [Victoriaville (Groupe A) ou Thetford Mines (Groupe B) ou Sherbrooke (Groupe C) ou Magog (Groupe D)] »[2]

[2]       Le 17 décembre 2015, le Tribunal ordonnait la scission de l'instance afin que soit déterminé le montant des dommages avant même qu’il soit décidé de la question de la responsabilité des défendeurs et fixait l'instruction du 31 octobre au 16 décembre 2016.

[3]       C'est dans ce contexte qu'une conférence de règlement à l'amiable, selon les articles 161 et suivants du Code de procédure civile (« C.p.c. »), a été tenue les 18 et 19 octobre 2016 sous la présidence de M. le juge Alain Michaud. Les demandeurs (représentants des membres du groupe) et certains des défendeurs (les défendeurs participants à l’Entente) ont alors convenu des bases d'un règlement qu'ils ont par la suite élaboré et complété le 17 mai 2017, date à laquelle une Ordonnance visant la publication d'un avis aux membres les informant de l'Entente a été prononcée. Cet avis a été publié dans les journaux suivants :

                     i.        La Tribune (Sherbrooke), édition du samedi 20 mai 2017;

                    ii.        Le Courrier Frontenac (Thetford Mines), édition du mercredi 24 mai 2017;

                   iii.        Le Reflet du Lac (Magog), édition du mercredi 24 mai 2017; et

                   iv.        La Nouvelle Union (Victoriaville), édition du mercredi 24 mai 2017.

[4]       Lors de l'instruction de la demande pour approbation de l'Entente et des honoraires des avocats des représentants qui s'est tenue le 22 juin 2017, aucun commentaire n’a été émis et aucune contestation n’a été soulevée de la part de l’un ou l’autre des membres.

[5]       Selon les articles 590, 593 et 598 C.p.c., l'Entente, qui est une transaction au sens de l’article 2631 du Code civil du Québec (« C.c.Q. »)[3], doit être approuvée par le Tribunal qui fixe les honoraires des avocats des représentants ainsi que les débours :

590. La transaction, l’acceptation d’offres réelles ou l’acquiescement ne sont valables que s’ils sont approuvés par le tribunal. Cette approbation ne peut être accordée à moins qu’un avis n’ait été donné aux membres.

Dans le cas d’une transaction, l’avis mentionne que celle-ci sera soumise à l’approbation du tribunal à la date et au lieu qui y sont indiqués; il précise la nature de la transaction et le mode d’exécution prévu ainsi que la procédure que suivront les membres pour prouver leur réclamation. L’avis informe aussi les membres qu’ils peuvent faire valoir au tribunal leurs prétentions sur la transaction proposée et sur la disposition du reliquat, le cas échéant. Le jugement qui approuve la transaction détermine, s’il y a lieu, les modalités de son exécution.

[…]

593. Le tribunal peut accorder une indemnité au représentant pour le paiement de ses débours de même qu’un montant pour le paiement des frais de justice et des honoraires de son avocat, le tout payable à même le montant du recouvrement collectif ou avant le paiement des réclamations individuelles.

Il s’assure, en tenant compte de l’intérêt des membres du groupe, que les honoraires de l’avocat du représentant sont raisonnables; autrement, il peut les fixer au montant qu’il indique.

Il entend, avant de se prononcer sur les frais de justice et les honoraires, le Fonds d’aide aux actions collectives que celui-ci ait ou non attribué une aide au représentant. Le tribunal prend en compte le fait que le Fonds ait garanti le paiement de tout ou partie des frais de justice ou des honoraires.

[…]

598. La liquidation, la distribution ou l’attribution du montant recouvré collectivement se fait après le paiement, dans l’ordre, des créances suivantes :

1°  les frais de justice, y compris les frais d’avis et la rémunération de la personne chargée de la liquidation ou de la distribution;

2°  les honoraires de l’avocat du représentant dans la mesure fixée par le tribunal;

3°  les débours du représentant dans la mesure fixée par le tribunal.

[Soulignements ajoutés]

[6]       Le Fonds d’aide aux actions collectives, qui a versé une aide financière de 577 012,41 $ qui doit lui être remboursée, a avisé, par sa représentante, Me Frikia Belogbi, qu’il n’avait aucun autre commentaire à formuler outre ceux exprimés dans sa lettre du 21 juin 2017 adressée aux avocats des demandeurs et dont le soussigné a reçu copie.

[7]       Il y a donc lieu de traiter premièrement de l'Entente et deuxièmement de disposer de la question des honoraires des avocats des représentants et des débours.


l'entente

[8]       La jurisprudence établit clairement qu'avant d'approuver une transaction, le Tribunal doit s'assurer qu'elle est juste, équitable et qu'elle s'inscrit dans le meilleur intérêt des membres du groupe[4].

[9]       Les critères d’analyse auxquels il est habituellement fait référence sont les suivants :

§  les probabilités de succès du recours;

§  l'importance et la nature de la preuve administrée;

§  les termes et les conditions de la transaction;

§  la recommandation des procureurs et leur expérience;

§  le coût des dépenses futures et la durée probable du litige;

§  la recommandation d'une tierce personne neutre, le cas échéant;

§  le nombre et la nature des objections à la transaction;

§  la bonne foi des parties;

§  l'absence de collusion[5].

[10]    Notre collègue, M. le juge André Prévost, écrit au sujet de ces critères ce qui suit :

[21] L'analyse de ces critères constitue un exercice délicat puisque l'habituel débat contradictoire fait place à l'unanimité des parties qui ont signé la transaction et qui ont tout intérêt à la voir approuvée par le tribunal.  D'une part, le juge n'a généralement qu'une connaissance limitée des circonstances et des enjeux du litige.  D'autre part, il doit en principe encourager le règlement des litiges par la voie de la négociation, ceci étant généralement dans le meilleur intérêt des parties.  Le Tribunal doit donc se montrer vigilant[6].

[11]    Sous réserve qu’elle ne soit pas contraire à l’ordre public, le Tribunal approuvera la transaction après avoir vérifié qu’elle satisfait les critères et qu’elle répond aux meilleurs intérêts, non seulement des représentants qui la présentent, mais des membres qui, rappelons-le, seront liés par cette entente une fois qu’elle aura été approuvée[7].

[12]    Il est donc opportun, comme le suggère notre collègue, M. le juge Brian Riordan, de vérifier quels sont les avantages et les inconvénients de la transaction pour les membres[8].

[13]    L'Entente entre les demandeurs et certains des défendeurs prévoit essentiellement que ces derniers acceptent de payer en argent et en bons de remboursement une compensation équivalant à 17 307 048,00 $ de laquelle seront soustraits les honoraires des avocats des représentants qui représentent 32.5 % du montant de la compensation, soit 5 624 790,60 $, plus le paiement des débours (975 405,54 $) et une avance pour les honoraires des avocats visant à poursuivre l’instance (480 000,00 $), incluant les frais d'experts, ainsi que les taxes applicables (1 059 632,90 $), soit la somme de 8 139 829,04 $.

[14]       Une fois ces paiements effectués, le solde de la compensation, soit 9 167 218,96 $ sera affecté à la distribution de bons de remboursement d'une valeur de 10,00 $ chacun.

[15]       Les bons de remboursement seront distribués, sans qu’une preuve de réclamation soit requise, aux personnes des villes mentionnées par (i) la remise d’un bon de remboursement lors d’un achat de 20,00 $ ou plus d’essence dans les établissements participants à des dates à être éventuellement déterminées sur une période approximative de 2 ans; et/ou (ii) la distribution par Postes Canada de bons de remboursement dans les villes concernées. Tous les bons de remboursement auront une date limite d’utilisation d’un an après leur émission. Un montant équivalent à 5% de la valeur totale des bons de remboursement émis pourra être conservé par les défendeurs qui émettront des bons de remboursement pour couvrir certains frais d’administration et débours qu’ils devront assumer. Les bons de remboursement inutilisés (déduction faite des frais d’administration et des débours) constitueront un reliquat qui sera partagé conformément à l’Entente entre le Fonds d’aide aux actions collectives et la demanderesse, l’Association pour la protection automobile.

[16]       L'approbation de cette Entente se présente ici quelque peu différemment des cas usuels. En effet, l'Entente est intervenue entre les demandeurs et certains des défendeurs seulement, identifiés à l'Annexe « A » de celle-ci, soit : Couche-Tard (Couche-Tard inc., Alimentation Couche-Tard inc., Depan-Escompte Couche-Tard inc.), 134553 Canada inc., la Coop Fédérée, Olco (Groupe Pétrolier Olco ULC, anciennement connue sous le nom de Groupe Pétrolier Olco inc. inc.), Pétroles Global (Les Pétroles Global inc., Les Pétroles Global (Québec) inc.), Pétroles Cadrin (Les Pétroles Cadrin inc.), Pétroles Therrien (189346 Canada inc., anciennement Les Pétroles Therrien inc., 4244389 Canada inc. (anciennement Distributions Pétrolière Therrien inc.)), Philippe Gosselin & Associés Ltée, Irving Oil Limited, 2429-7822 Québec inc. (Accomodation Domon enr.), 9029-6815 Québec inc. (Garage Roberge et Fils enr.), Société coopérative agricole des Bois-Francs, Ultramar Ltée, Pétrolière impériale ltée, Provigo Distribution inc.

[17]       La participation des défendeurs au paiement de la compensation est prévue à l’Annexe « C », dont on demande la confidentialité.

[18]       Le procès doit se poursuivre à l'égard des autres défendeurs non participants à l'Entente qui sont énumérés à l'Annexe « B ».

[19]       Il ne saurait donc être question de discuter du recours lui-même, des probabilités de succès, de l’importance et de la nature de la preuve, de même que de la durée probable du litige.

[20]       Toutefois, cette Entente est intervenue dans le cadre d'une conférence de règlement à l'amiable, présidée par un juge de la Cour supérieure et à laquelle participaient des avocats de grande expérience, accompagnés pour certains de leurs clients respectifs.

[21]       Ces avocats, qui de part et d’autre, recommandent sans réserve l’approbation de la transaction, sont sans conteste et de toute évidence, des avocats chevronnés qui n’ont eu que pour seul guide et seul objectif tout au long du déroulement de l’instance les intérêts de leurs clients respectifs. Leur recommandation n’est donc aucunement mise en doute. Les efforts dispensés à résoudre ce litige font la preuve de leur bonne foi et de celle des parties qu’ils représentent.

[22]       Enfin, bien que cela ne soit pas un critère déterminant, aucun commentaire n’a été émis et aucune contestation n'a été soulevée à la suite de la publication des avis.

[23]       Mais, au-delà de ces critères usuellement reconnus, cette Entente est aussi avantageuse pour les membres, quoique certains pourraient prétendre que le montant de la compensation aurait pu être supérieur. Une transaction est un compromis de part et d’autre qui met fin à un litige. De plus, dans le présent cas, l’Entente s’applique indistinctement à toute la population des quatre villes concernées, selon une répartition monétaire qui prend en compte la population de chacune d’elles[9], sans que les citoyens qui veulent s’en prévaloir aient à présenter une preuve d’achat d’essence pendant la période visée (du 1er janvier 2001 au 30 juin 2006). Cette approche, qui bénéficie à l’ensemble des citoyens des quatre villes, facilite l’exécution de la transaction et il appartiendra à chaque citoyen, quel qu’il soit, d’être vigilant afin de bénéficier des avantages et davantage de cette Entente.

[24]       L’Entente sera donc approuvée, sous réserve de ce qui suit.

les honoraires des avocats des représentants

Énoncé des principes et le contexte

[25]       Tel qu’énoncé précédemment, l’article 593 C.p.c. prévoit que le tribunal peut accorder un « montant pour le paiement des frais de justice et des honoraires de son [le représentant] avocat ». L’article poursuit « Il [le tribunal] s’assure, en tenant compte de l’intérêt des membres du groupe, que les honoraires de l’avocat du représentant sont raisonnables; autrement, il peut les fixer au montant qu’il indique ».

[26]       Par ailleurs, le Code de déontologie des avocats (RLRQ, c. B-1, r. 3.1) énonce, à l'article 101, le principe selon lequel « L'avocat demande et accepte des honoraires et des débours justes et raisonnables. Il en est de même des avances demandées au client. »

[27]       Le Code « précise », à l'article 102, que « les honoraires sont justes et raisonnables s'ils sont justifiés par les circonstances et proportionnés aux services professionnels rendus […] », prenant en considération les facteurs suivants :

a.   l'expérience;

b.   le temps et l'effort requis et consacré à l'affaire;

c.    la difficulté de l'affaire;

d.   l'importance de l'affaire pour le client;

e.   la responsabilité assumée;

f.     la prestation de services professionnels inhabituels ou exigeant une compétence particulière ou une célérité exceptionnelle;

g.   le résultat obtenu;

h.   les honoraires prévus par la loi ou les règlements;

i.     les débours, honoraires, commissions, ristournes, frais ou autres avantages qui sont ou seront payés par un tiers relativement au mandat que lui a confié le client.

[28]       Généralement, les honoraires payés à l’avocat du représentant sont déterminés par la convention que ces derniers signent habituellement au début du mandat. Même si cette convention d’honoraires bénéficie d’une présomption de validité, elle est sans effet à l’égard des tiers, dont les membres du groupe (art. 1440 C.c.Q)[10].

[29]       C’est, entre autres, pour cette raison que le Tribunal, qu’il accueille l’action collective à la suite d’une instruction ou suivant un règlement, doit « fixer » le montant des honoraires de l’avocat du représentant et prévoir les modalités de paiement (art. 598 C.p.c.).

[30]       Toutefois, il est semble-t-il reconnu que dans le cas d'une entente d’honoraires à pourcentage conclue au début d’un mandat, l'analyse de certains critères énoncés précédemment, notamment ceux prévus aux paragraphes c) à f) devrait s'effectuer à la lumière des circonstances prévalant au moment de la conclusion de cette entente et non au moment du règlement ou du jugement.

[31]       Cet énoncé, qui n’a pas été remis en question jusqu’à maintenant, pose problème.

[32]       En effet, à quoi sert de confier au Tribunal le soin de « fixer les honoraires » s'il ne peut vérifier s’ils « sont justifiés par les circonstances et proportionnés aux services professionnels rendus (et non à rendre) ».

[33]       Bref, cet énoncé peut « restreindre » le Tribunal dans l'exercice de son devoir de « fixer » les honoraires de l’avocat, soit de vérifier s'ils sont « justes et raisonnables », c’est-à-dire s’ils « sont justifiés par les circonstances et proportionnés aux services professionnels rendus », comme l’impose le Code de déontologie à ce dernier.

[34]       Une action collective demeure telle quelle jusqu'à la fin du processus, eu égard à tous ses aspects. Et, lorsque les deuxième et troisième paragraphes de l'article 598 C.p.c. précisent que « la distribution du montant recouvré collectivement se fait après le paiement, dans l’ordre, des créances suivantes : […] » (les honoraires de l’avocat et les débours du représentant) « dans la mesure fixée par le tribunal », cela ne peut signifier autre chose que le Tribunal dispose du pouvoir d'apprécier le caractère juste et raisonnable des honoraires, qu’ils aient été ou non préalablement convenus.

[35]       D'ailleurs, on remarque à la lecture de nombreux jugements sur la question que de façon générale et plus particulièrement dans le présent dossier, les avocats soulèvent essentiellement deux arguments qui, en principe, ne peuvent être analysés qu’à la fin du dossier. Le premier, c'est que n'ayant perçu aucuns honoraires à ce jour, ils ont financé le recours. Le second, c'est le temps réellement consacré au dossier et le montant des honoraires correspondant, ce que l’on appelle généralement les « travaux en cours ».

[36]       Bref, étant donné les articles 593, 2e al. et 598 C.p.c. [11], et plus particulièrement les articles 101 et 102 du Code de déontologie des avocats qui proposent des critères d’analyse, le Tribunal doit, malgré une convention d’honoraires à pourcentage, s’assurer que les honoraires demandés sont justes et raisonnables, c’est-à-dire qu’ils « sont justifiés par les circonstances et proportionnés aux services professionnels rendus ».

[37]       À cette étape, la situation du juge est toutefois particulière. En effet, pendant le déroulement de l’instance, l’avocat du représentant agit dans le meilleur intérêt de celui-ci et, en principe, des membres du groupe. Une fois l’action adjugée ou réglée hors Cour, ce même avocat s’adresse au Tribunal mais, cette fois-ci, en fonction de ses intérêts personnels qui peuvent à l’occasion être opposés à ceux des membres, bénéficiaires d’un jugement favorable ou d’une entente. Il revient donc au Tribunal de fixer des honoraires qui aient à la fois un caractère juste et raisonnable eu égard aux intérêts des membres et de l’avocat. Ce qui pourrait même signifier que, dans le cas d’un règlement hors Cour prévoyant le paiement aux membres d’une compensation par le défendeur, ce dernier ait des représentations à formuler s’il a intérêt à ce qu’une plus grande partie du montant qu’il paie soit distribuée aux membres, pour quelques raisons que ce soit.

[38]       L’analyse des honoraires proposés par l’avocat du représentant dans le cadre d’une action collective est un exercice difficile et délicat. Le juge doit faire preuve d’une grande écoute, d’une certaine perspicacité et avoir une connaissance minimale de ce que représente l’exercice de la profession d’avocat dans le contexte d’une pratique en matière contentieuse. Il doit s’assurer que sa décision rejoint les préoccupations et les intérêts de toutes les parties impliquées et surtout veiller à ce que l’action collective qui, rappelons-le, n’est qu’un « moyen de procédure », demeure une mesure efficace d’accès à la justice dont l’aboutissement, le cas échéant, n’aura pas un simple caractère illusoire ou aléatoire pour les membres.

[39]       La lecture de plusieurs jugements démontre que les juges saisis de cette question d’honoraires expliquent généralement le contexte de la situation, énumèrent les règles de droit qui s’appliquent et précisent que leur rôle, à titre de « gardien et de protecteur des droits des membres », leur impose cet « exercice délicat », il est vrai.

[40]       Pourtant, cet exercice demeure essentiellement une question d'analyse strictement factuelle, eu égard à ce que révèle la preuve.

[41]       En effet, l'analyse du caractère juste et raisonnable des honoraires et débours ne se fait pas dans l'abstrait. Cette analyse, quoiqu'elle comporte une « certaine dose de subjectivité et de discrétion » étant donné certains des critères, doit se faire, autant que possible, à partir des faits que révèle la preuve.

[42]       Privé de cette preuve, le Tribunal ne peut d'aucune façon apprécier le caractère « juste et raisonnable » des honoraires et, le cas échéant, « fixer (ces) honoraires et les débours ».

[43]       Qu’en est-il dans le présent cas:

 

§  Le montant du règlement en capital, intérêts, frais, dépenses, débours, honoraires et taxes, soit le montant de la compensation est de :.............................................................

17 307 048,00 $

 

§  Les honoraires représentent 32.5 % du montant de la compensation et s'élèvent à la somme de 5 624 790,60 $, plus taxes, soit:.............................................................................

6 467 102,99 $

 

§  Les débours s'élèvent à la somme de 975 405,54 $, plus taxes, soit :....................................................................................

1 120 846,05 $

 

§  À titre d'avance pour poursuivre les procédures dans le dossier un montant de 480 000 $, plus taxes, soit :.................

551 880,00 $

[44]       Pour résumer, sur le montant de la compensation de 17 307 048,00 $, les avocats demandent de retenir à titre d'honoraires, de débours, d'avance et taxes un montant de 8 139 829,04 $, soit 47 % du montant de la compensation, laissant ainsi un solde de 9 167 218,96 $, soit 53 % du montant de la compensation, pour distribution aux membres du groupe.

[45]       Selon les avocats des représentants, ces honoraires et débours sont justes, raisonnables, justifiés par les circonstances et proportionnés aux services professionnels rendus, rencontrant ainsi l'ensemble des critères énoncés ci-dessus.

[46]       Ils soulèvent l’importance et la difficulté du dossier, de même que le temps et l’effort consacrés à l’affaire, plus particulièrement le fait que deux jugements sur des questions d’accès à la preuve détenue par le Bureau de la concurrence ont été portés jusqu’en Cour suprême du Canada.

[47]       À cela, ils ajoutent qu'il était prévu qu'ils n’auraient droit à des honoraires qu’advenant un jugement favorable ou une entente hors Cour seulement, ayant ainsi financé le recours pendant plus de neuf ans.

[48]       Quant à cette affirmation, il ne faut pas perdre de vue que dans le présent cas, les avocats eux-mêmes ont accepté d'être rémunérés advenant un jugement favorable ou un règlement monétaire seulement. Face à une défaite, aucuns honoraires n'auraient été perçus. La question du financement du recours ne se pose donc pas, d'autant plus qu'elle ne fait pas partie des critères d'analyse qui permettent de vérifier si les honoraires sont « justes et raisonnables ».

[49]       Cela ne veut pas dire que le financement d’une action collective ne peut pas être discuté entre les représentants et leurs avocats. Mais, ce n'est pas nécessairement une question reliée aux honoraires, comme il est proposé généralement et notamment dans le présent cas. Le financement d’une action collective pourrait éventuellement être discuté et traité comme étant une réelle question de financement qui a ses propres considérations, indépendamment de celles des honoraires.

[50]       Par ailleurs, le temps consacré au dossier et les honoraires correspondants est effectivement une question d'intérêt, d'autant plus que c'est l'un des critères prévus pour l'analyse du caractère juste et raisonnable des honoraires.

[51]       Mais, préalablement à l’analyse des critères, il convient de relire les sources de la demande.

Les conventions

[52]       Trois conventions sont produites au soutien de la demande. Une première, intitulée « Convention de co-représentation intervenue ce 22ième jour de novembre 2008 »[12] dispose des règles de co-représentation que se sont donnés les cabinets LeBel Avocats inc. et Paquette Gadler inc.

[53]       Les demandeurs ne sont pas partie à cette convention qui ne peut en conséquence leur être imposée.

[54]       Une deuxième, intitulée « Convention de représentation professionnelle et d'honoraires »[13] intervenue le 15 janvier 2009 entre les demandeurs d'une part, soit MM. Simon Jacques, Marcel Lafontaine et Association pour la Protection automobile et les avocats d'autre part, Me Pierre LeBel et Me John A. Gadler prévoit, entre autres, que :

4.   En considération des services qui seront rendus par les Procureurs en relation avec le Mandat, les Co-Requérants conviennent que les Procureurs auront le droit de retenir et d'être payés sur les sommes perçues pour et/ou au bénéfice des Co-Requérants et des membres du Groupe, les déboursés et honoraires extra-judiciaires suivants :

[…]

b)   Des honoraires extra-judiciaires (collectivement les « Honoraires Extra-Judiciaires ») égaux à VINGT-CINQ POURCENT (25 %) de toutes sommes perçues pour et/ou au bénéfice des Co-Requérants et des membres du Groupe sous quelque forme que ce soit, notamment par transaction, jugement ou autrement, plus les taxes applicables (collectivement les «Sommes Perçues»);

[…]

[55]       Une troisième convention[14] est intervenue le 6 septembre 2016, qui précise être : (i) un « Addendum à la Convention de co-représentation intervenue en date du 22 novembre 2008 entre Paquette Gadler inc. et LeBel Avocats inc., (ii) un « Addendum à la Convention de représentation professionnelle et d’honoraires intervenue en date du 15 janvier 2009 entre Paquette Gadler Inc. et LeBel Avocats Inc. », et (iii) un « Addendum à la Convention de représentation professionnelle et d’honoraires intervenue en date du 30 mai 2012 entre Paquette Gadler inc. et LeBel Avocats Inc. »[15], règle l'arrivée de Me Pierre LaTraverse au dossier, plus particulièrement en ce qu'elle prévoit que:

2.   Les parties conviennent, par les présentes, que Me Pierre LaTraverse et le cabinet LaTraverse Avocats inc. agiront à compter de la date des présentes comme avocats-conseils dans les Actions Collectives;

[…]

5.   En considération des services d'avocats-conseils qui seront rendus, le cabinet LaTraverse Avocats inc. sera rémunéré sur les bases ci-après en relation avec les Actions Collectives et aura le droit de retenir et d'être payé sur les sommes perçues pour et/ou au bénéfice des Requérants et des membres des groupes pour leurs honoraires et déboursés :

[…]

5.2.   Des honoraires extra-judiciaires établis, sans double emploi, selon la méthodologie suivante :

a)   7.5 % de toute somme perçue (collectivement les « sommes perçues ») pour et/ou au bénéfice des Représentants et des Membres des Groupes sous quelque forme que ce soit, notamment par transaction, jugement ou autrement, plus les taxes applicables, sur la première portion de 5 000 000 $ des sommes perçues dans les Actions Collectives;

b)   5 % des sommes perçues pour et/ou au bénéfice des Représentants et des Membres des Groupes sous quelque forme que ce soit, notamment par transaction, jugement ou autrement, plus les taxes applicables, sur la portion des sommes perçues entre 5 000 001 $ et de 12 500 000 $ dans les Actions Collectives;

c)   7.5 % des sommes perçues pour et/ou au bénéfice des Représentants et des Membres des Groupes sous quelque forme que ce soit, notamment par transaction, jugement ou autrement, plus les taxes applicables, sur la portion des sommes perçues excédant 12 500 000 $ dans les Actions Collectives;

5.3.   Les honoraires extra-judiciaires de LaTraverse Avocats inc. seront traités séparément des honoraires extra-judiciaires des Procureurs aux fins du paiement éventuel à être effectué. Pour plus de précisions, si un désaccord survenait entre les Procureurs aux fins de la détermination de leur part respective des honoraires, ceci n'aura aucun effet sur la rémunération due à LaTraverse Avocats inc. et la somme due au cabinet LaTraverse Avocats inc. sera payée sans délai, sujet à l'approbation du Tribunal;

6.   En considération des services rendus et qui seront rendus par les Procureurs dans le cadre des actions Collectives, les Représentants conviennent que les Procureurs auront dorénavant le droit de retenir et d'être payés sur les sommes perçues pour et au bénéfice des Représentants et des Membres des Groupes dans les Actions Collectives des honoraires extra-judiciaires suivants :

-   des honoraires extra-judiciaires (collectivement les « Honoraires Extra-Judiciaires ») égaux à trente-deux virgule cinq pourcent (32,5 %), en lieu et place du vingt-cinq pourcent (25,0 %) originalement prévu, de toute somme perçue (collectivement les « Sommes Perçues ») pour et/ou au bénéfice des Représentants et des Membres des Groupes sous quelque forme que ce soit, notamment par transaction, jugement ou autrement, plus les taxes applicables, dans les Actions Collectives, étant entendu que les honoraires extra-judiciaires payables au cabinet LaTraverse Avocats inc. en vertu des dispositions du paragraphe 5.2 des présentes font partis [sic] des Honoraires Extra-Judiciaires;

[…]

[56]       Une convention d’honoraires entre les représentants et leurs avocats est évidemment une bonne indication de ce que devraient être les honoraires. Toutefois, le représentant, qui agit pour le compte d’autrui, ne peut à lui seul supporter cette responsabilité, d’autant plus que la convention d’honoraires à laquelle il adhère n’est pas opposable aux membres du groupe, d’où la nécessité que le Tribunal approuve ces honoraires aux termes d’une analyse.

Analyse

[57]       L’expérience des avocats des demandeurs, l’importance de l’affaire, les difficultés rencontrées et les responsabilités qu’ils ont assumées ne posent ici aucun problème.

[58]       En effet, il s’agit bel et bien d’un dossier qui soulève des questions importantes dont la conclusion peut être grandement conséquente, faisant ainsi en sorte que les avocats, de part et d’autre, y ont consacré des efforts considérables.

[59]       Ce que ce dossier présente de particulier, c’est qu’une grande partie de la preuve que voulait présenter les demandeurs à l’instruction se trouvait entre les mains du Directeur du Bureau de la concurrence.

[60]       Les difficultés rencontrées pour l’obtention de cette preuve, que le soussigné ne veut d’aucune façon commenter, a amené la Cour suprême du Canada à prononcer un arrêt, il est vrai, fort important pour la conduite de nombreuses affaires judiciaires, ce que soulèvent d’ailleurs à juste titre les avocats des demandeurs[16].

[61]       Par ailleurs, selon ces mêmes avocats, les honoraires tels qu'ils sont indiqués aux travaux en cours de leurs cabinets respectifs s'élèvent à la somme de 10 339 889,30 $ pour un nombre total de 32,040 heures effectuées entre le 13 juin 2008 et le 15 juin 2017, soit une période de 9 ans.

[62]       Les relevés des travaux en cours des différents cabinets d'avocats démontrent effectivement qu’ils ont accumulé les heures et honoraires suivants :

Cabinet

Heures

Honoraires

Pièces

Paquette Gadler

15 949,73

5 808 586,75 $

R-3 A

2 250,52

974 114,00 $

R-3 B

LeBel Avocats

7 306,70

1 644 332,50 $

R-3 C

Bernier Beaudry

6 034,45

1 641 770,35 $

R-3 E

LaTraverse Avocats

498,50

271 085,70 $

R-3 F

 

TOTAL :

10 339 889,30 $

 

[63]       Les débours représentent les montants suivants :

§  Paquette Gadler............................................ 787 625,09 $

§  LeBel Avocats................................................. 80 606,06 $

§  Bernier Beaudry............................................ 110 118,15 $

§  LaTraverse Avocats.......................................... 2 551,85 $

[64]       Enfin, on demande une somme de 480 000,00 $ à titre d'avance dont un montant de 280 000 $ annoncé par l'expert et un montant de 200 000,00 $ par les avocats (Annexe « D » de l'Entente).

[65]       Concernant les travaux en cours, on remarque que plusieurs avocats, dont six avocats que l’on peut qualifier de seniors (peut-être pas Me Lalancette au début), sont impliqués dans le présent dossier, à savoir :

§  Me Guy Paquette, facturant de 500 $ à 600 $ pour 4862.37 heures;

§  Me John Gadler, de 450 $ à 550 $ pour 3275.53 heures;

§  Me Pierre LeBel, de 375 $ à 500 $ pour 2419.59 heures;

§  Me Claudia Lalancette, de 225 $ à 400 $ pour 5198.42 heures;

§  Me Roger Beaudry, de 360 $ à 500 $ pour 94.13 heures;

§  Me Pierre LaTraverse, 585 $ pour 446.90 heures.

[66]       Il n'est pas question ici de faire un exercice pointilleux des montants des travaux en cours et des débours. Toutefois, en ce qui concerne les honoraires, on constate que six avocats, considérés comme avocats seniors, ont fait un nombre d'heures appréciable, allant généralement de 2400 heures à 4800 pour trois d’entre eux à un taux horaire variant de 375 $ à 600 $ au cours de la période du 13 juin 2008 au 15 juin 2017.

[67]       Par ailleurs, étant donné le nombre d'avocats qui ont été impliqués à quelque moment que ce soit dans le dossier (soit plus ou moins 18 avocats qui ont effectué individuellement un nombre d’heures considérable), il n'est pas improbable qu'il y ait eu dédoublement de temps. Donc, le montant allégué de 10 339 889,30 $ en travaux en cours n'est pas nécessairement représentatif.

[68]       Le soussigné est évidemment conscient que dans un cabinet d’avocats il peut y avoir un roulement de personnel et que la partie défenderesse, qui compte plusieurs défendeurs, était représentée par un nombre appréciable d’avocats, soient plus de 30 cabinets d’avocats d’impliqués. Raison de plus pour s’assurer d’une gestion efficace des ressources et voir à ce que chaque avocat impliqué ait un rôle spécifique à jouer, eu égard à sa spécialité. Cette preuve n’a pas été présentée.

[69]       Par ailleurs, cela ne veut pas dire que le représentant ne doit retenir que les services d’un seul avocat ou cabinet d’avocats !

[70]       Mais si plusieurs avocats ou cabinets d’avocats sont nécessaires, cette nécessité doit minimalement être démontrée sinon, l’on peut se retrouver dans la situation où le représentant, tentant d’agir au mieux des intérêts des membres du groupe qu’il représente, fasse en sorte que, bien involontairement de sa part, les honoraires qui en résulte perdent leur caractère juste et raisonnable à l’égard de ces mêmes membres.

[71]       Quoi qu'il en soit, trois items invitent au questionnement, soit :

-       Les photocopies;

-       Les avances;

-       La convention intervenue le 6 septembre 2016.

Les photocopies

[72]       Il est certes normal que les avocats soient remboursés des montants qu’ils ont avancés dans le cadre de l’exécution de leur mandat, tels les frais d’huissiers, de déplacement, d’hébergement, de repas, de sténographie, de messagerie et autres de même nature, là n’est pas la question.

[73]       Toutefois, il y a un montant que l’on présente habituellement comme une dépense étant donné qu’il y a certainement un coût associé à la démarche, mais qui, la plupart du temps, fait sourciller. Ce sont les frais de photocopies dont le présent dossier donne l’occasion de questionner.

[74]       Il est réclamé à titre de frais de photocopies, télécopies et impressions, un montant de 246 397,69 $[17], sans préciser quel est le coût réel et sans compter que le cabinet Paquette Gadler facture en plus des coûts d’impression au montant de 15 494,50 $ (pièce R-3A).

[75]       Il est évident que dans le cheminement d’un dossier, les photocopies sont nécessaires. Toutefois, le montant réclamé devrait représenter le coût réel ou être davantage expliqué.

[76]       Ici, il est vrai que l’item « frais divers » du cabinet Bernier Beaudry comprend aussi les interurbains et timbres-poste. Encore là, on ignore le coût exact quoique maintenant avec les courriels, ces coûts ont grandement diminué. À titre d’exemple, le cabinet Paquette Gadler réclame la somme 1 331,30 $ pour frais d’interurbains (pièce R-3A).

[77]       Dans les circonstances, de façon bien arbitraire, un montant de 100 000 $ sera retranché, laissant un montant déjà appréciable de 146 397,69 $ pour cet item.

Avances pour honoraires et frais d’experts

[78]       Un montant de 551 880,00 $ est demandé à titre d’avances, soit 280 000,00 $ par l’expert et 200 000,00 $ par les avocats, incluant les taxes. Ce montant soulève certaines interrogations.

[79]       Un montant de 475 137,16 $ a déjà été réclamé pour rembourser les frais d’experts. C’est d’ailleurs un débours que le Fonds d’aide aux actions collectives a financé. À la date du règlement, soit le 19 octobre 2016, il était prévu que l’instruction devait avoir lieu du 31 octobre 2016 au 16 décembre 2016. Bref, que la préparation du témoignage de l’expert et son témoignage pouvaient éventuellement être facturés.

[80]       Étant donné que le montant de 280 000,00 $ est difficilement compréhensible en ce qui a trait au présent dossier seulement, un montant de 250 000,00 $ sera donc retranché.

La convention intervenue le 6 septembre 2016

[81]       La convention intervenue le 6 septembre 2016 précise que le mandat de Me Pierre LaTraverse débute à cette date. Il aurait droit à des honoraires de 990 352,00 $ soit : (5 000 000,00 $ X 7.5% = 375 000,00 $ et 12 307 048,00 $ X 5% = 615 352,00 $).

[82]       Le projet de compte d’honoraires de Me LaTraverse (pièce R-3F), démontre que ses travaux en cours au 15 juin 2017 s’élèvent à la somme de 271 085,70 $. Les honoraires prévus à la convention (990 352,00 $) sont donc 3.65 fois plus élevés et représentent une différence de 719 266,30 $.

[83]       Sans remettre en question d’aucune façon la qualité du travail et des interventions de Me LaTraverse, bien au contraire, cette situation n’est pas juste et raisonnable à l’égard des membres du groupe.

[84]       Mais il y a plus. La convention du 6 septembre 2016 augmente de 25% à 32.5% le pourcentage des honoraires de tous les avocats sur le montant total du règlement, malgré que Me LaTraverse ne touche pas en réalité 7.5% du montant du règlement. En effet, Me LaTraverse devrait percevoir 7.5% du premier 5 000,000 $ et 5% sur la tranche se situant entre 5 000 001,00 $ à 12 500 000,00 $, faisant ainsi en sorte qu’il percevrait en réalité 5.72% du montant de la compensation. Le pourcentage de 25% initialement prévu est donc ainsi augmenté à 26.78% (32.5% - 5.72%).

[85]       La conséquence pratique, on l’a vu précédemment, fait ainsi en sorte que si on ajoute aux honoraires les débours, avances et taxes, la répartition de la compensation est de 47% pour les avocats des représentants et 53% pour les membres du groupe.

[86]       Ce constat soulève deux questions : quel devrait être le montant d’honoraires « justes et raisonnables » en ce qui concerne Me LaTraverse? Et, l’augmentation du pourcentage d’honoraires de 25% à 26.78% est-elle justifiée ?

[87]       Conscient que nous sommes ici en présence d’une convention d’honoraires à pourcentage et non à taux horaire, mais considérant la date du début du mandat de Me LaTraverse, soit le 6 septembre 2016, son taux horaire de 585,00 $ et le nombre d’heures travaillées, soit 446.90, fixer ses honoraires à 438 750,00 $ (soit 1.5 fois son taux horaire multiplié par 500 heures)[18] est certes juste à son égard et davantage raisonnable à l’égard des membres.

[88]       Malgré la convention (pièce R-4C), les honoraires de Me Pierre LaTraverse seront donc fixés à la somme de 438 750,00 $ faisant ainsi en sorte qu’un montant de 551 602,00 $ sera retranché de ses honoraires. Cette rémunération équivaut à 2.53% du montant de la compensation.

[89]       Incidemment, il y a lieu de questionner le fait que l’on augmente le 6 septembre 2016 de 25% à 26.78% le pourcentage des honoraires des avocats, à l’exclusion de Me LaTraverse, sans justification.

[90]       Pourquoi au moment où l’on associe une ressource complémentaire, l’on augmente du même coup le pourcentage des honoraires des autres avocats? Pourtant, ce genre de convention d’honoraires devrait, en principe, prévoir une échelle décroissante selon laquelle le pourcentage des honoraires diminue en fonction de l’augmentation du montant du règlement, préservant ainsi, dans une certaine mesure, le caractère raisonnable de ces honoraires.

[91]       Le pourcentage de 25% sera donc rétabli, faisant ainsi en sorte que les honoraires correspondants seront de 4 326 762,00 $. Le montant total des honoraires sera donc de 4 765 512,00 $ (4 326 762,00 $ + 438 750,00 $) au lieu de 5 624 790,60 $, soit une différence de 859 278,60 $.


[92]       Pour résumer et prenant en considération le montant les taxes, les montants suivants seront retranchés:

§   Photocopies           100 000,00 $ + TPS et TVQ...................... 114 975,00 $

§   Avances                  250 000,00 $ + TPS et TVQ...................... 287 437,50 $

§   Honoraires              859 278,60 $ + TPS et TVQ...................... 987 955,57 $

                                        TOTAL :..................................................... 1 390 368,07 $

[93]       La répartition de la compensation sera donc de 6 749 460,97 $ (8 139,829,04 $ - 1 390 368,07 $) en honoraires, débours, avance et taxes et 10 557 587,03 $ (9 167 218,96  $ + 1 390 368,07 $) au bénéfice des membres faisant ainsi en sorte que la répartition de la compensation est maintenant de 39% en honoraires, débours, avances et taxes et de 61% au bénéfice des membres.

[94]       Enfin, les honoraires ainsi fixés « (tiennent) compte de l’intérêt des membres du groupe» et sont davantage «justes et raisonnables» tant à l’égard de ces derniers que des avocats des représentants.

[95]       Au-delà du caractère juste et raisonnable des honoraires, le Tribunal doit veiller à ce que l’action collective, un véhicule procédural, demeure une voie d’accès à la justice. Il est bien évident ici qu’aucun citoyen n’aurait intenté un recours individuel contre tous les défendeurs pour obtenir un bon de remboursement de 10 $, d’où l’existence et la justification de l’action collective qui doit demeurer non seulement une voie d’accès à la justice au moment de l’institution des procédures, mais également au moment de l’exécution à la suite d’un jugement ou d’un règlement hors Cour favorable aux membres.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[96]    ACCUEILLE la demande pour approbation de l’Entente et les honoraires des avocats des représentants incluant ses annexes « A », « B », « C », « D », « E », « F », « G », « H » et « H-1 » (collectivement, l’« Entente »). Cette Entente et ses annexes sont jointes au présent jugement à l’exclusion de l’annexe « C » sous scellés et de l’annexe « F » qui est la demande d’approbation.

[97]    DÉCLARE que l’Entente constitue une transaction au sens de l’article 2631 C.c.Q. liant les membres des villes de Victoriaville, Thetford Mines, Sherbrooke et Magog et les défendeurs participants;

[98]    APPROUVE l’Entente; DÉCLARE cette Entente exécutoire à l’égard des parties et des membres des villes de Victoriaville, Thetford Mines, Sherbrooke et Magog;

[99]    PREND ACTE de l’entente de confidentialité prévue à l’article 4.1.3 de l’Entente; ORDONNE la mise sous scellés de l’annexe « C » de l’Entente et ORDONNE à toute personne ayant obtenu l’annexe « C » ou toute information qui en découle de ne pas en divulguer le contenu, en tout ou en partie, directement ou indirectement, de quelque façon que ce soit, sauf dans les cas d’exceptions prévues audit article;

[100] ORDONNE aux parties à l’Entente et aux membres des villes de Victoriaville, Thetford Mines, Sherbrooke et Magog de se conformer à l’Entente telle qu’elle est approuvée;

[101] FIXE les honoraires des avocats des représentants à 4 765 512 00 $ (soit le montant proposé de 5 624 790,60 $ - 859 278,60 $) représentant 27.5% de la somme 17 307 048,00 $, plus les taxes applicables;

[102] FIXE le montant des débours des avocats des représentants au montant de 875 405,54 $ (soit le montant proposé de 975 405,54 $ - 100 000,00 $), plus les taxes applicables;

[103] AUTORISE les avocats Bernier Beaudry inc. à conserver dans leur compte en fidéicommis un montant 230 000,00 $ (soit le montant proposé de 480 000,00 $ - 250 000,00 $) à même le montant de la compensation à titre d’avance d’honoraires et débours, plus les taxes applicables, aux fins de la continuation du présent dossier judiciaire;

[104] PREND ACTE de l’engagement des cabinets Bernier Beaudry inc. et Paquette Gadler inc. de rembourser au Fonds d’aide aux actions collectives le montant 577 012,41 $ et ce, dans les trente (30) jours du paiement des honoraires des avocats des représentants fixés par le Tribunal;

[105] PREND ACTE de l’engagement des défendeurs participants de payer leur quote-part respective de la compensation conformément à l’Entente et au présent jugement, laquelle totalise 17 307 048,00 $, le paiement de la compensation étant réparti comme suit :

A.    Dans un délai de dix (10) jours du présent jugement conformément à l’Entente et à son annexe « C », les défendeurs participants paieront leur quote-part respective des honoraires des avocats des représentants des membres à l’ordre de Bernier Beaudry inc. en fidéicommis, soit :

 

                    i.       4 765 512,00 $ à titre d’honoraires, plus les taxes applicables;

 

                  ii.       875 405,54 $ à titre de débours encourus, plus les taxes applicables;

 

                 iii.          230 000,00 $ à titre d’avance pour honoraires et débours à venir, plus les taxes applicables;

 

B.   Après la date d’entrée en vigueur et conformément à son annexe « C », les défendeurs participants paieront leur quote-part respective du solde de la compensation en bons de remboursement;

 

[106] PREND ACTE de l’engagement des défendeurs participants de veiller à ce que les bons de remboursement soient distribués aux membres et puissent être utilisés par ces derniers conformément au plan de distribution prévu à l’Entente;

[107] PREND ACTE de l’engagement des défendeurs participants de faire rapport aux avocats des représentants et au Tribunal aux dates prévues à l’Entente quant à l’évolution du programme de distribution des bons de remboursement;

[108] PREND ACTE de l’engagement des défendeurs participants émettant des bons de remboursement, conformément à l’Entente et advenant l’existence d’un reliquat en découlant, de remettre, après avoir versé au Fonds d’aide aux actions collectives, le pourcentage qui lui est dû conformément à l’article 1, paragraphe 1er du Règlement sur le pourcentage prélevé par le Fonds d’aide aux actions collectives, le solde du reliquat à raison de deux tiers (2/3) du solde à l’Association pour la protection automobile et un tiers (1/3) du solde au Fonds d’aide aux actions collectives;

[109] DÉCLARE que, conformément à l’Entente, les demandeurs représentants renoncent expressément à la solidarité, incluant toute obligation in solidum le cas échéant, à l’égard des défendeurs participants et de toutes personnes qui ne sont pas parties à l’Entente, incluant les défendeurs non participants, relativement aux réclamations quittancées;

[110] DÉCLARE que, conformément à l’Entente, les demandeurs représentants ne pourront pas réclamer des défendeurs non-participants, ou de toutes personnes qui ne sont pas parties à l’Entente, des dommages, intérêts ou frais ou encore toute autre forme de contribution ou d’indemnité relativement aux réclamations quittancées;

[111] DÉCLARE que, conformément à l’Entente, toute demande en garantie, mise en cause ou autre intervention forcée visant à obtenir une contribution ou une indemnité d’une ou plusieurs parties libérées ou se rapportant aux réclamations quittancées sera irrecevable et pourra être rejetée sommairement par une demande en rejet;

[112] LE TOUT sans frais de justice.

 

 

 

 

BERNARD GODBOUT, j.c.s.

 

 

 

Pour les demandeurs

Bernier Beaudry inc.

Paquette Gadler inc.

LaTraverse Avocats inc.

 

 

Pour les défendeurs

Stikeman Elliott

Davies Ward Phillips & Vineberg

Miller Thomson

Gowling WLG

Olser Hoskin & Hartcourt

McMillan

O'Brien Avocats

Gravel Bernier Vaillancourt

LCM Avocats

Chenette Boutique de Litige inc.

Borden Ladner Gervais

Pateras & Iezzoni inc.

Les avocats Morin & Associés inc.

Me Louis Belleau

Tremblay Bois Mignault Lemay

Lamarre Linteau et Montcalm

Me Jean Berthiaume

Arnault, Thibault Cléroux

Me Roxane Hardy

DeBlois Avocats     

Clyde & Cie Canada

Paradis Dionne

Jean Beaudry & Associés

Stein Monast

Chabot & Associés

Roy Gervais Beauregard

Me Claude Brulotte

Monty Coulombe

Me Pierre Lessard

Côté Carrier et associés

Langlois, avocats

Therrien Couture

Belleau Lapointe

Desprès Loiselle Goulet

Plourde Côté

 

 

Date d’audience :

22 juin 2017

 

 



[1]      (1) : Toute personne qui a subi une perte ou des dommages par suite :

             a)      soit d’un comportement allant à l’encontre d’une disposition de la partie VI;

             […]

      peut, devant tout tribunal compétent, réclamer et recouvrer de la personne qui a eu un tel comportement ou n’a pas obtempéré à l’ordonnance une somme égale au montant de la perte ou des dommages qu’elle est reconnue avoir subis, ainsi que toute somme supplémentaire que le tribunal peut fixer et qui n’excède pas le coût total, pour elle, de toute enquête relativement à l’affaire et des procédures engagées en vertu du présent article.

Partie VI

45 (1) Commet une infraction quiconque, avec une personne qui est son concurrent à l’égard d’un produit, complote ou conclut un accord ou un arrangement :

      a) soit pour fixer, maintenir, augmenter ou contrôler le prix de la fourniture du produit;

[2] Ordonnance du 17 mai 2017.

[3] Art. 2631 La transaction est le contrat par lequel les parties préviennent une contestation à naître, terminent un procès ou règlent les difficultés qui surviennent lors de l’exécution d’un jugement, au moyen de concessions ou de réserves réciproques.

[4] Bouchard c. Abitibi Consolidated, REJB 2004-66455 (C.S.) par. 16 (j. Y. Alain).

[5] Pellemans c. Lacroix, 2011 QCCS 1345, par. 20 (j. A. Prévost).

[6] Id.

[7] Art. 591.  Le jugement sur l’action collective décrit le groupe qu’il vise et lie les membres qui ne sont pas exclus.

[8] Conseil québécois sur le tabac et la santé c. JTI-MacDonald Corp., 2011 QCCS 4981, par. 49-50.

[9] Selon le Répertoire des municipalités du Québec du ministère des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire, la population de chacune des villes concernées est la suivante : Sherbrooke : 166,633; Victoriaville : 45 610; Magog : 26 614 et Thetford Mines : 25,647.

[10]   Art. 1440 C.c.Q. : Le contrat n’a d’effet qu’entre les parties contractantes; il n’en a point quant aux tiers, excepté dans les cas prévus par la loi.

[11]   Art. 593. […]

      Il s’assure, en tenant compte de l’intérêt des membres du groupe, que les honoraires de l’avocat du représentant sont raisonnables; autrement, il peut les fixer au montant qu’il indique.

      Art. 598 C.p.c. : La liquidation, la distribution ou l’attribution du montant recouvré collectivement se fait après le paiement, dans l’ordre, des créances suivantes:

[…]

2°  les honoraires de l’avocat du représentant dans la mesure fixée par le tribunal;

[…]

[12]    Pièce R-4 A.

[13]    Pièce R-4 B.

[14]    Pièce R-4 C.

[15]    Il s’agit d’une autre action collective de même nature dont l’exercice a été autorisé par un jugement de notre Cour alors présidée par Mme la juge Dominique Bélanger (maintenant à la Cour d’appel), le 6 septembre 2012.

[16] Pétrolière impériale c. Jacques [2014] 3 R.C.S. 287.

[17]    Pièce R-3A : déboursés de Paquette Gadler inc. : photocopie et impression……164 309,17 $

      Pièce R-3E :: déboursés de Bernier Beaudry inc. : frais divers (photocopie,

      télécopie, interurbain, timbre-poste)……………… …………………………………...82 088,52 $

      Total : …………………………………………………………………………………....246 397,69 $

                         

[18] 585 $ X 1.5 X 500 heures = 438 750 $.

AVIS :
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