Décision

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Ferguson et Clinique de physiothérapie Beauport

2008 QCCLP 812

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

13 février 2008

 

Région :

Québec

 

Dossiers :

293116-31-0607      315539-31-0704

 

Dossier CSST :

129314688

 

Commissaire :

Me Carole Lessard

 

Membres :

Alexandre Beaulieu, associations d’employeurs

 

Nicole Deschênes, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Katy Ferguson

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Clinique de physiothérapie Beauport

Hôpital Laval

 

Parties intéressées

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier : 293116-31-0607

 

[1]                Le 4 juillet 2006, madame Katy Ferguson (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par le biais de laquelle elle conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (le CSST), le 1er juin 2006, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 6 mars 2006 et déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle, le ou vers le 10 décembre 2005.

[3]                La CSST refuse ainsi de reconnaître la relation entre le diagnostic d’épicondylite gauche retenu à compter du 13 janvier 2006 et le travail de technologue en échographie cardiaque accompli par la travailleuse.

Dossier : 315539-31-0704

 

[4]                Le 13 avril 2007, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par le biais de laquelle elle conteste une décision rendue par la CSST, le 27 mars 2007, à la suite d’une révision administrative.

[5]                Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 12 janvier 2007 et déclare que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation, le 13 juin 2006.

[6]                L’audience s’est tenue à Québec, le 7 février 2008. Les parties étaient présentes et étaient respectivement représentées. Les témoignages de la travailleuse, de madame Annie Savoie, du docteur Pierre du Tremblay et du docteur Michel Blanchette sont entendus.

[7]                La cause a été mise en délibéré le 7 février 2008.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossier : 293116-31-0607

 

[8]                La représentante de la travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue le 1er juin 2006 et de déclarer que la travailleuse a subi une lésion professionnelle.

[9]                Elle entend démontrer que l’épicondylite gauche diagnostiquée à compter du 13 janvier 2006 est reliée au travail effectué par la travailleuse, à titre de technologue en échographie cardiaque.

Dossier : 315539-31-0704

 

[10]           La représentante de la travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue le 27 mars 2007 et déclarer que la travailleuse a subi une récidive, rechute ou aggravation, le 13 juin 2006.

[11]           Elle entend démontrer que les critères retenus par la jurisprudence pour les fins d’établir s’il y a survenance d’une récidive, rechute ou aggravation sont, en l’espèce, rencontrés.

L’AVIS DES MEMBRES

Dossier : 293116-31-0607

 

[12]           Le membre issu des associations d’employeurs et la membre issue des associations de travailleurs sont d’avis que la travailleuse s’est acquittée du fardeau de démontrer, par une preuve prépondérante, la relation causale entre la lésion diagnostiquée et son travail de technologue en échographie cardiaque.

[13]           À l’appui, référence est faite au témoignage du docteur du Tremblay qui a permis de mettre en relief les facteurs de risques qui sont, en l’espèce, à l’origine de l’épicondylite gauche de la travailleuse. Lorsque cet avis est mis en parallèle avec l’ensemble de la preuve soumise, il acquiert une valeur probante.

[14]           Les membres sont donc d’avis que la balance des probabilités milite en faveur de l’admissibilité de la réclamation produite par la travailleuse.

[15]           La Commission des lésions professionnelles devrait donc accueillir la requête de la travailleuse et infirmer la décision rendue le 1er juin 2006.

Dossier : 315539-31-0704

 

[16]           Le membre issu des associations d’employeurs et la membre issue des associations de travailleurs sont d’avis que la Commission des lésions professionnelles devrait accueillir la requête de la travailleuse, infirmer la décision rendue le 27 mars 2007 et déclarer qu’elle a subi une récidive, rechute ou aggravation, le 13 juin 2006.

[17]           En référence aux critères élaborés par la jurisprudence du tribunal, aux fins de la reconnaissance d’une récidive, rechute ou aggravation, ils sont d’avis que ceux-ci sont, en l’espèce, démontrés.

[18]           D’ailleurs, lors de la consolidation de la lésion initiale, en mars 2006, la travailleuse se plaignait toujours de douleurs résiduelles persistantes. Par conséquent, la reprise de ses activités au travail a rapidement engendré une reprise de la symptomatologie attribuable à l’épicondylite gauche qui s’est antérieurement manifestée en janvier 2006.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[19]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a subi une lésion professionnelle et ce, en référence au suivi médical qui fut initié pour une épicondylite gauche, le 13 janvier 2006.

[20]           Elle doit, ensuite, déterminer si la travailleuse a subi une récidive, rechute ou aggravation, le 13 juin 2006.

[21]           Aux fins d’apprécier ces questions, la Commission des lésions professionnelles retient de l’ensemble de la preuve documentaire et testimoniale les éléments pertinents suivants.

[22]           Le 14 janvier 2006, la travailleuse complète un formulaire de réclamation en faisant référence à des douleurs apparues au niveau de son coude gauche, en date du 10 décembre 2005. Elle précise qu’elle travaillait alors en échographie cardiaque. Elle est alors âgée de 36 ans.

[23]           Lors de son témoignage, elle indique qu’elle a obtenu son diplôme de technologue en radiologie, en 1989. À partir de cette date, elle eut l’opportunité d’accomplir des tâches de technologue en radiologie générale au sein de deux centres hospitaliers et ce, au cours des années 1989 et 1990. Ultérieurement, elle occupe un emploi de réceptionniste au sein de cliniques chiropratiques et de physiothérapie. Elle confirme ainsi qu’elle ne s’est pas adonnée à des activités de technologue en radiologie de 1990 à juin 2000. En fait, de telles activités sont reprises à partir de cette dernière date et ce, à temps partiel, au sein de différents centres hospitaliers de la région de Québec.

[24]           Aussi, ce n’est qu’à compter du mois d’avril 2001 qu’elle occupe un tel emploi au sein du centre hospitalier qui est partie intéressée au présent litige, soit l’Hôpital Laval (l’employeur). Elle y occupe d’abord un emploi de technologue en radiologie générale et ce, à temps partiel.

[25]           Au cours de l’été 2001, elle est formée plus spécifiquement pour agir au niveau du bloc opératoire. Par conséquent, elle travaille une semaine en radiologie générale alors que l’autre semaine est consacrée au bloc opératoire, le tout de manière à parvenir à compléter 35 heures par semaine et ce, au sein des trois centres hospitaliers qui l’ont embauchée, depuis juin 2000, soit le Centre hospitalier St-Sacrement, le Centre hospitalier Christ-Roy et enfin, l’Hôpital Laval. À la fin de l’été 2001, elle est embauchée, à temps plein, par ce dernier centre hospitalier.

[26]           Celui-ci lui offre une formation plus spécialisée en échographie cardiaque, laquelle formation a débuté, en fait, en septembre 2005. La durée prévue de cette formation est de trois mois. Aussi, occupe-t-elle un tel emploi, à temps partiel, le reste du temps devant toujours être consacré à ces tâches de technologue en radiologie générale.

[27]           Elle précise, par la même occasion, que le temps plus particulièrement consacré à l’échographie cardiaque, en décembre 2005, devait être à raison de deux ou trois jours par semaine. Aussi, est-ce à compter du mois de janvier 2006 qu’elle occupe, à temps plein, un poste de technologue en échographie cardiaque. Elle consacre alors 35 heures par semaine à l’exécution de cette même tâche.

[28]           Or, c’est au cours du mois de novembre 2005 que se manifeste sa symptomatologie au niveau de l’avant-bras gauche. Elle indique qu’il s’agit alors davantage d’une sensation d’inconfort laquelle est plus particulièrement ressentie lorsqu’elle exerce une pression avec la sonde.

[29]           Elle affirme que ce tableau douloureux évolue, ensuite, graduellement, de manière telle qu’elle ressent de plus en plus d’élancements au niveau de l’avant-bras accompagnés d’une sensation d’irritation, de brûlure ainsi que d’une perte de force et ce, lorsqu’elle fait usage de la sonde. En fait, cette symptomatologie s’avère plus constante et persistante à compter du mois de décembre 2005 et ce, peu importe qu’elle accomplisse alors des activités impliquant un effort ou non puisque les douleurs se font sentir même lorsqu’elle est au repos.

[30]           En date du 13 janvier 2006, les douleurs s’avèrent insupportables et incapacitantes; elles sont alors localisées au niveau de l’avant-bras gauche et ce, d’une manière telle qu’elles se manifestent jusqu’au niveau des doigts. Aussi, s’agit-il de douleurs générant une perte de force importante au niveau du poignet et rendant de plus en plus difficile le maniement de la sonde. La travailleuse affirme, par la même occasion, qu’elle décide de consulter pour cette même raison.

[31]           L’attestation médicale complétée par le docteur Auger, le 13 janvier 2006, mentionne alors les diagnostics d’épicondylite et d’épitrochléite gauche. Celui-ci prescrit alors des anti-inflammatoires, l’application de glace, le port d’une orthèse, des traitements de physiothérapie ainsi que l’exécution de travaux légers.

[32]           Le suivi médical ainsi initié référera ensuite au diagnostic d’épicondylite gauche, lequel diagnostic d’ailleurs ne fit l’objet d’aucune contestation. Le diagnostic d’épitrochléite ne sera pas maintenu, en définitive.

[33]           Le 3 mars 2006, un rapport final est complété par le docteur Auger; la lésion diagnostiquée est consolidée à cette même date, sans atteinte permanente et sans limitation fonctionnelle.

[34]           La travailleuse indique avoir repris, à temps plein, le travail de technologue en échographie cardiaque. Elle indique, toutefois, qu’elle ressentait alors des douleurs qu’elle qualifie de légères; il s’agissait alors d’une sensation d’élancement ou enfin, d’irritation.

[35]           Or, après un certain temps, cette symptomatologie s’est avérée persistante et s’apparenterait, de plus en plus, à la phase aigue qu’elle connut initialement, en janvier 2006.

[36]           La travailleuse indique avoir alors consulté à l’urgence de l’Hôpital Laval. Tel qu’il appert de l’attestation médicale complétée par le docteur Fillion, le 14 juin 2006, on peut lire que la travailleuse connaît une reprise de la symptomatologie attribuable à son épicondylite externe gauche. Le médecin recommande alors qu’elle ne travaille pas en échographie cardiaque pendant au moins un mois. Aussi, indique-t-il qu’il s’avère plus approprié de la réaffecter à des travaux allégés. De plus, il lui apparaît souhaitable qu’on procède à une évaluation du poste de travail régulièrement occupé par la travailleuse.

[37]           La travailleuse indique avoir repris ses tâches de technologue en radiologie générale. À partir de ce moment, sa symptomatologie s’est estompée graduellement, sauf qu’elle la ressentait au moment d’effectuer certains mouvements, soit plus particulièrement ceux consistant à manipuler les plaques de métal dont le poids s’évalue environ à quatre livres.

[38]           Au cours du mois d’août 2006, elle prend ses vacances. Au cours de cette même période, le tableau douloureux s’améliore considérablement. À son retour de vacances, en septembre 2006, elle reprend ses tâches de technologue en échographie, à temps plein, sauf qu’en pratique, elle parvient à échanger certaines journées avec une autre technologue en radiologie générale. De cette manière, elle travaille une ou deux journées en radiologie générale et ne consacre qu’environ 14 heures par semaine à l’échographie cardiaque.

[39]           Or, ses douleurs s’accentuent graduellement. Lorsqu’elle consulte le docteur Auger, en date du 26 octobre 2006, ce dernier recommande alors de cesser complètement les tâches en échographie cardiaque et d’éviter des activités qui impliquent de manipuler des charges.

[40]           La travailleuse affirme que sa condition s’est nettement améliorée à partir de ce dernier moment et ce, jusqu’à la reprise, à temps plein, de son poste de technologue en échographie cardiaque, en mars 2007.

[41]           Tel qu’il appert du rapport médical complété par le docteur Auger, le 24 novembre 2006, une amélioration de la symptomatologie est alors rapportée et ce, en rapport avec la diminution des activités qu’il considère à l’origine de celle-ci.

[42]           Enfin, la travailleuse affirme que depuis son retour au travail, en mars 2007, ses problèmes douloureux n’ont pas récidivé. Elle explique que la formation de deux nouvelles technologues en échographie cardiaque font en sorte qu’elle ne consacre que deux jours par semaine à cette spécialité alors que le reste de la semaine est consacré à la radiologie générale.

[43]           Afin de bien illustrer l’aménagement du poste de technologue en échographie ainsi que les tâches à accomplir à ce titre, la travailleuse réfère aux photos déposées (Pièce T-1, en liasse).

[44]           Cette illustration permet de constater que la technologue est assise sur une chaise, placée à droite de la table d’examen, laquelle chaise est ajustable en hauteur. Devant la chaise, est placé un écran muni d’un clavier. Quant au patient, il est couché sur la table d’examen qui est situé à la gauche de la travailleuse. Comme outil du travail, le technologue dispose d’une sonde; la travailleuse indique qu’elle doit maintenir celle-ci avec sa main gauche puisqu’elle est gauchère. Tel qu’il appert des photos, le maintien de la sonde se fait entre le pouce et les autres doigts.

[45]           La Commission des lésions professionnelles constate qu’il s’agit d’un mouvement de préhension avec pince. La travailleuse explique que la sonde sert à obtenir une image sur le moniteur. Par conséquent, il importe de déplacer celle-ci sur la partie du corps dont on veut plus particulièrement obtenir une image pour ensuite l’y maintenir de façon suffisante, afin de capter, de manière très précise, toutes les images nécessaires.

[46]           La travailleuse convient qu’il y a application de gel, au départ, sur la sonde, et ce, de manière à favoriser un mouvement de va et vient sur le corps du patient. Elle rappelle que lorsque la sonde a permis de trouver une image, il importe de maintenir celle-ci dans la meilleure position possible, le tout, sans bouger, et ce, tout en exerçant une pression suffisante.

[47]           En référence aux premières photos déposées (photo numéro 1), la travailleuse explique qu’elle positionne alors la sonde sous le sternum. Aussi, aux fins de maintenir cette sonde, dans cette position, elle doit exercer une certaine pression.

[48]           Tel que commenté par les docteurs du Tremblay et Blanchette, le positionnement en cause implique une légère flexion du coude avec le poignet qui est en position neutre ou avec une légère flexion, alors que la sonde est maintenue avec une préhension de la main par mécanisme de pince digitale.

[49]           Pour effectuer le reste de l’examen, elle explique que le patient doit ensuite se tourner sur le côté gauche puisque le début de l’examen, tel que commenté plus amplement ci-haut, s’effectuait alors que ce dernier était couché sur le dos. Elle explique qu’elle doit alors positionner la sonde sur le sternum et qu’elle effectue, ensuite, de petites rotations de manière à chercher l’image la plus précise possible. Aux fins d’obtenir pareilles précisions, une pression doit être exercée sur la sonde et ce, tout en maintenant celle-ci le temps nécessaire pour parfaire cette première partie de l’examen. Quant à la durée, elle l’évalue à environ 20 minutes.

[50]           Toujours en référence aux photos déposées (photos numéro 1), il est loisible de constater que le coude de la travailleuse prend appui sur la table d’examen. Tel que commenté par les docteurs du Tremblay et Blanchette, la sonde est manipulée avec la main gauche qui effectue un mouvement de préhension avec pince, alors que le coude effectue une flexion d’environ 80 degrés et que le poignet est en dorsiflexion. La dorsiflexion est alors moins prononcée que lors de l’accomplissement de la première partie de l’examen.

[51]           La travailleuse apporte alors le commentaire voulant que son appui du coude sur la table d’examen ne s’avère pas toujours possible et ce, compte tenu de la taille du patient ou de la patiente. Elle explique que lorsque l’individu présente une surcharge pondérale, il s’avère impossible d’appuyer son coude et ce, compte tenu de l’étroitesse de la table. Par conséquent, le maniement et le positionnement de la sonde se fait pendant environ 20 minutes et ce, sans que son avant-bras puisse prendre appui, pendant cette même période.

[52]           Une fois la première partie de l’examen terminée, débute la seconde partie dont la durée est également de 20 minutes. La travailleuse réfère alors aux photos déposées (photos, page 2) qui permettent d’illustrer le positionnement alors requis pour effectuer cette partie de l’examen.

[53]           La sonde doit alors être introduite dans le petit orifice qui se trouve sur le dessus de la table d’examen; aussi aux fins de capter l’image, elle doit effectuer un mouvement de pression. Pour les fins de chercher d’autres images, elle doit tourner la sonde d’un quart de tour et maintenir celle-ci le temps nécessaire. Le mouvement alors effectué par la travailleuse et tel que commenté par les docteurs du Tremblay et Blanchet, est toujours un mouvement de préhension avec pince, le poignet étant alors en légère supination.

[54]           La travailleuse rappelle que le Centre hospitalier Laval  est un centre spécialisé en maladies cardiaques; aussi, les cardiologues, en poste, requièrent des examens très minutieux et qui s’avèrent, en somme, davantage complets que ceux généralement accomplis dans d’autres institutions. La durée de chaque examen s’avère donc plus longue.

[55]           Elle indique, par la même occasion, que son travail consiste à capter davantage d’images et qu’il requiert d’effectuer, par la même occasion, davantage de calculs.

[56]           En ce qui a trait à la clientèle qui vient de subir une chirurgie, elle indique que l’obtention d’images précises est difficile puisque le signal s’avère généralement moins bon. De plus, la clientèle qui présente un problème d’insuffisance cardiaque correspond, généralement, à une clientèle présentant une surcharge pondérale. Par conséquent, les examens effectués sur ces patients requièrent d’exercer davantage une pression sur la sonde et ce, afin de pouvoir positionner et maintenir celle-ci en place à l’endroit précis qui permet la captation d’images.

[57]           Lorsque appelée à préciser le nombre d’examens complets qu’elle fut appelée à effectuer, chaque jour, elle l’évalue à environ huit et ce, à compter du mois de décembre 2005.

[58]           Le 13 décembre 2006, la travailleuse est examinée par le docteur Pierre du Tremblay; ce dernier complète une expertise, à la même date. Lors de l’examen qu’il effectue alors, la lésion subie en juin 2006 n’est toujours pas consolidée, à son avis.

[59]           Quant à la question de  la relation entre cette lésion et les tâches accomplies par la travailleuse, il émet l’avis suivant :

« (…)

 

… Dans son travail à l’échographie, elle doit effectuer des examens sur un quart de travail de huit heures, à raison de sept ou huit patients par jour. Durant cette période, le premier mouvement s’effectue sur environ 25 minutes, elle doit maintenir sa sonde avec une force de préhension qui sous-entend également un mouvement en dorsiflexion au niveau du poignet et une déviation radiale, en plus de la pince qu’elle doit effectuer pour maintenir l’appareil. Le geste est maintenu durant toute cette période, sans pause. Par la suite, elle doit effectuer un mouvement pour maintenir la sonde dans une autre position, la différence se situe au niveau du mouvement du poignet où la dorsiflexion est moins prononcée mais la pince est toujours maintenue. Donc, elle doit effectuer ces gestes durant presque tout son quart de travail et, quant à nous et si l’on regarde la littérature, ces gestes sont des mouvements à risques de provoquer une épicondylite.

 

(…) »

 

 

[60]           Lors de son témoignage, le docteur du Tremblay explique que le mouvement effectué par la travailleuse pour manipuler la sonde et maintenir ensuite celle-ci pendant une période suffisamment longue et ce, tout en exerçant une pression, met à contribution les muscles épicondyliens.

[61]           Aussi, considère-t-il que cette pression doit être exercée pendant environ 40 à 45 inutes et ce, pour chaque patient. Cette activité est reprise, ensuite, sept à huit fois par jour. À son avis, le temps de récupération nécessaire s’avère nettement insuffisant.

[62]           Il est ainsi d’avis que le maintien prolongé d’une posture statique combiné à l’exercice d’une pression, implique une contraction exercée sur de longues périodes. Enfin, il ne peut omettre l’une des affirmations de la travailleuse voulant qu’une telle posture statique soit maintenue sans qu’elle puisse prendre appui sur la table d’examen.

[63]           À l’appui de sa conclusion, le docteur du Tremblay réfère à des extraits de littérature ayant trait à des études portant spécifiquement sur les facteurs de risques pouvant être associés au travail de technologue en échographie.

[64]           L’une de ces études[1] effectuée par le biais d’un sondage expédié auprès d’échographistes cardiaques du Manitoba permet de conclure à une prévalence de blessures, chez ces travailleurs, lesquelles se retrouvent localisées à différents sites, tels le cou, l’épaule, le coude et le poignet.

[65]           NIOSH, tel que cité dans cette étude, rappelle qu’il importe de bénéficier de durées de micropauses qui permettent une récupération suffisante, au niveau des structures sollicitées et ce, afin de contrer les risques de blessures; ainsi, pour 15 secondes de pression exercée de façon continue, il est recommandé de bénéficier d’une micropause d’une durée d’au moins 15 secondes. Par contre, pour 60 secondes d’efforts ou de pression exercée de façon continue, il est recommandé de bénéficier d’une période de repos compensatoire encore plus importante, soit d’au moins 100 secondes.

[66]           Le docteur du Tremblay rappelle que l’exercice d’un travail qui implique le maintien statique d’une posture contraignante est un facteur de risques reconnu pour l’apparition de troubles musculo-squelettiques, comme l’épicondylite. Aussi, le maintien d’une telle posture, durant des périodes prolongées, génère une contraction musculaire continue des muscles extenseurs du poignet qui se rattachent à l’épicondyle et ce, d’autant plus si s’ajoute l’application d’une pression, de manière continue.

[67]           De plus, référence est faite à un extrait de littérature[2], qui établit que seulement 53 % des technologues prennent appui, durant l’examen. Enfin, selon un échantillonnage de ces mêmes échographistes de la Colombie-Britannique, soit 1 095 technologues qui ont répondu à un sondage, 31 % s’infligent des blessures au niveau de l’avant-bras.[3].

 

[68]           Le docteur du Tremblay révère ensuite à une dernière étude qui conclut que le travail des technologues en échographie présente des risques de maladies musculo-squelettiques au niveau du membre supérieur chez un nombre significatif, de ces mêmes travailleurs. Selon les auteurs de cette étude, il y a lieu de parler de « Transducer user syndrome », qui se traduit en ces termes, soit le syndrome de l’utilisateur de la sonde à ultrason.[4] Chez ces mêmes utilisateurs, on répertorie davantage de symptômes au niveau du cou, de l’épaule, du coude, au poignet et de la main.

[69]           Le témoignage du docteur Blanchet fut ensuite entendu, à la demande de l’employeur. En référence à l’expertise qu’il a préalablement complétée en date du 16 janvier 2007, il y a lieu de retenir la conclusion alors émise en ces termes :

« (…)

 

Madame Ferguson tient donc la sonde en faisant une pince de sa main gauche et elle applique celle-ci sur la paroi thoracique du patient. Elle dit exercer une forte pression sur la paroi thoracique qu’elle doit garder immobile pendant environ 20 minutes dans une position et 20 minutes dans l’autre. Elle n’effectue aucun mouvement répétitif lors de cette manœuvre. Elle peut cependant effectuer des mouvements légers dans le but de se centrer et d’observer la région cardiaque. Le coude est en flexion d’environ 80 degrés, le poignet est en légère dorsiflexion. Il n’y pas de position contraignante en hyperflexion, hyperextension ou hyper-pronation-supination dans le cadre de son travail.

 

Je me suis rendu au département de radiologie de notre clinique et j’ai observé le docteur Lévesque effectuer une échographie. J’ai tenu la sonde dans mes mains et celle-ci est d’un poids relativement léger. De plus, la pression exercée sur la paroi thoracique lors d’une échographie est légère et le contact entre la sonde et la paroi thoracique est assuré par la gelée qui est appliquée sur la sonde. Cette pression n’excède pas 2 livres. D’ailleurs, une forte pression occasionnerait une douleur importante au patient qui vient d’être opéré pour un pontage cardiaque. Je n’ai donc pas retrouvé de facteurs de risque de développer une épicondylite chez cette patiente.

 

Je ne retiens par de relation entre le travail de madame Ferguson et le diagnostic d’épicondylite. L’épicondylite est une pathologie qui est relativement fréquente, qui peut se rencontrer chez 2 à 4 % des patients sans qu’elle soit nécessairement reliée à des mouvements répétitifs ou autres facteurs spécifiques.

 

(…) »

 

 

[70]           Lors de son témoignage, le docteur Blanchet rappelle que les amplitudes articulaires exigées pour manipuler la sonde peuvent être qualifiées, généralement, de légères à modérées, rappelant que des mouvements de flexion, de grande amplitude, ne sont nullement en cause.

 

[71]           En référence aux photos déposées (Pièce T-1, en liasse), il rappelle que la manipulation et le maintien de la sonde requièrent simplement un mouvement de préhension avec pince, qui est associé, tout au plus, à une légère dorsiflexion du poignet. Plus souvent qu’autrement, le poignet est en position neutre sans que s’associe un mouvement de déviation radiale.

[72]           À son avis, aucune posture contraignante n’est maintenue de façon soutenue sur une période de temps prolongée. Il estime qu’aucun effort n’est requis pour manier la sonde. Aussi, qualifie-t-il un tel effort de négligeable et ce, en référence à sa propre visite d’un poste de travail en cardiologie au cours de laquelle il put manipuler, personnellement, une telle sonde. Il souligne son constat voulant que la captation d’images se fait facilement et ce, en raison de l’application préalable de gel sur la sonde.

[73]           Quant à l’affirmation de la travailleuse voulant qu’elle ne puisse généralement pas appuyer son coude, sur la table d’examen, il émet l’avis que cet élément n’a aucune incidence importante eu égard au diagnostic d’épicondylite. Il explique que l’absence d’un tel appui risque davantage de léser la musculature de l’épaule que celle du coude.

[74]           Enfin, le docteur Blanchet rappelle qu’une épicondylite peut se manifester sans qu’on puisse identifier la cause précise. Il rappelle qu’il s’agit d’une pathologie que l’on retrouve dans la population, en général. En effet, selon les études médicales ayant trait à cette conclusion, on établit une prévalence des épicondylites, au sein de la population, entre 1 % et 3 %, et ce, sans qu’il y ait de facteurs de risques y associés.

[75]           Enfin, le docteur Blanchet convient également qu’une épicondylite peut être associée à des facteurs de risques. Or, encore faut-il qu’il y ait la combinaison d’un autre facteur, tel celui de la force. Par conséquent, l’identification d’une posture contraignante, à elle seule, ne peut suffire lorsqu’elle ne peut être combinée à cet autre facteur. À l’appui, référence est alors faite aux études connues et généralement citées à l’appui. (Cf. NIOSH).

[76]           Enfin, il émet de grandes réserves quant aux conclusions à tirer des études auxquelles fit référence le docteur du Tremblay. Aussi, rappelle-t-il que ces études s’inspirent uniquement de sondages et donc, de réponses apportées par les travailleurs visés par ces mêmes sondages sans qu’elles s’appuient sur des constats effectués, par des professionnels de la santé, au sein de suivis médicaux déjà en cours.

[77]           Par conséquent, ces mêmes études ne permettent pas de conclure à une prévalence de cas d’épicondylites chez les technologues en échographie cardiaque; aussi, ne permettent-elles pas d’identifier, de manière précise, les causes à l’origine de telles lésions au niveau du coude, chez ces mêmes technologues.

[78]           Référence est alors faite à l’ensemble de ces extraits de littérature déposés par le docteur du Tremblay et au sein desquels le diagnostic d’épicondylite n’est jamais spécifié.

[79]           Le docteur Blanchet considère, pour sa part, que les tâches accomplies par la travailleuse, comportent des micropauses qui permettent une période de repos suffisante à la musculature sollicitée. Aussi, il considère que les déplacements qui doivent être effectués avec la sonde et ce, afin d’identifier le positionnement qui permet de capter la meilleure image, permettent de telles micropauses.

[80]           Il retient donc que le technologue est appelé à faire régulièrement des mouvements dynamiques de la main et que le maintien d’une position statique ne survient qu’au moment de la prise de l’image. Enfin, il termine son opinion en rappelant que sa propre recherche d’études ou d’extraits de littératures médicales concluantes sur la question de la relation entre les tâches d’un technologue en échographie cardiaque et le diagnostic d’épicondylite est demeurée vaine et ce, tout simplement parce qu’il n’en existe aucune.

[81]           Quant au témoignage de madame Savoie, il fut à l’effet de confirmer qu’aucune réclamation ne fut produite, depuis 2001, par une technologue ou un technologue en échographie cardiaque. Enfin, madame Savoie rappelle qu’elle n’est au Service de santé et sécurité au travail du centre hospitalier que depuis 2001. Aussi, ignore-t-elle le fait qu’une telle réclamation aurait été préalablement produite en 1989 puisqu’elle n’était pas à l’emploi de l’employeur, à cette époque.

[82]           À l’article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[5] (la loi) sont énoncées les définitions suivantes :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

 

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[83]           Quant à la notion de maladie professionnelle, les articles 29 et 30 de la loi énoncent ce qui suit :

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

__________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[84]           De façon majoritaire, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles[6] conclut qu’il n’y a pas lieu d’appliquer l’article 29 de la loi en matière d’épicondylite ou d’épitrochléite puisque ces lésions ne sont nullement assimilables à une tendinite.

[85]           À la section IV de l’annexe I, le législateur a prévu que seule la lésion musculo-squelettique se manifestant par des signes objectifs telle la bursite, la tendinite ou la ténosynovite est réputée constituer une maladie professionnelle s’il est démontré que le travail implique des répétitions de mouvement ou de pression sur des périodes de temps prolongées.

[86]           Comme l’épicondylite n’y est pas prévue, la travailleuse ne peut donc bénéficier de la présomption énoncée à l’article 29 ci-haut.

[87]           La travailleuse a donc le fardeau de démontrer que sa maladie est caractéristique du travail qu’elle occupe ou qu’elle est reliée aux risques particuliers que comporte ce travail.

[88]           Faute de soumettre une preuve de nature épidémiologique établissant la probabilité d’une relation entre le type de travail exercé et la maladie en cause, la Commission des lésions professionnelles doit conclure que la travailleuse ne s’est pas acquittée du fardeau de démontrer que cette maladie est caractéristique de son travail.[7]

[89]           En effet, les études auxquelles fit référence le docteur du Tremblay ne permettent nullement d’associer et ce, en toute probabilité, le diagnostic d’épicondylite au travail de technologue en échographie cardiaque.

[90]           En effet, l’ensemble de ces études fait plutôt référence à des sondages auprès de ces travailleurs et permet tout au plus le constat d’une prévalence des lésions musculo-squelettiques, au niveau du membre supérieur ainsi qu’aux niveaux de l’épaule et du cou sans identifier, toutefois,  de manière plus précise, la lésion en cause, à savoir une épicondylite.

[91]           Reste à déterminer si la travailleuse s’est acquittée du fardeau de démontrer que la maladie qu’elle présente est reliée aux risques particuliers de son travail. Ainsi, la preuve offerte doit permettre d’identifier les risques que comporte le travail; aussi, la travailleuse doit démontrer un lien de cause à effet entre ces risques et la lésion identifiée.

[92]           En matière d’épicondylite, les mouvements généralement reconnus contributoires par la Commission des lésions professionnelles[8] sont ceux d’extension, de supination, de déviation radiale ou cubitale du poignet, contre résistance. Quant à la simple préhension, l’admissibilité demeure mitigée.[9]

[93]           La notion de risques particuliers du travail réfère, quant à elle, à l’association qui existe entre des risques définis propres au travail exercé et le développement d’une pathologie particulière.

[94]           De façon très claire, la Commission des lésions professionnelles[10] a retenu que l’épicondylite est associée à un travail qui implique l’usage de la force et davantage, si le travail comporte en plus l’accomplissement de mouvements répétitifs ou des postures contraignantes, de manière soutenue et sur des périodes de temps prolongées.

[95]           Selon l’étude de National Institute for Occupational Safety and Health[11]) la force doit coexister soit avec un problème postural ou avec la répétitivité.

[96]           Or, selon les mouvements exhibés par la travailleuse, lors de son témoignage, et tels que plus davantage illustrés par les photos déposées (Pièce T-1, en liasse), le mouvement principalement en cause est un mouvement de préhension avec pince, qui est tout au plus associé à une légère flexion du poignet; tel que reconnu par le docteur du Tremblay, les mouvements au niveau du poignet n’impliquent aucune amplitude extrême. En effet, celui-ci est généralement en position neutre ou en légère flexion. Le docteur du Tremblay convient ainsi qu’il n’a pu identifier de mouvement d’extension extrême du poignet.

[97]           La Commission des lésions professionnelles retient toutefois, du témoignage du docteur du Tremblay, que le mouvement de préhension avec pince est maintenu de manière statique, de manière prolongée et ce, tout en étant combiné à l’exercice d’une pression sur la sonde.

[98]           La Commission des lésions professionnelles doit considérer, entre autre élément, que la symptomatologie est apparue alors que la travailleuse complétait sa formation comme technologue en échographie cardiaque.

[99]           Or, elle était à exercer l’enseignement offert et voulant que la sonde doit être positionnée de manière précise afin d’obtenir les meilleurs images possibles, sur le moniteur. Aussi, afin de trouver une telle image, il lui appartient d’abord d’exercer des mouvements circulaires avec la sonde. Or, une fois que l’image recherchée est trouvée, la sonde doit être positionnée d’une manière telle qu’elle offre toujours la même image et ce, en exerçant une certaine pression. De plus, il importe d’exercer une pression d’autant plus importante lorsque le patient ou la patiente offre une certaine surcharge pondérale.

[100]       La travailleuse a bien expliqué et ce, de manière non contredite, qu’il importe d’appliquer une pression sur la sonde car sinon, il y a perte systématique de cette image.

[101]       La Commission des lésions professionnelles retient donc du témoignage de la travailleuse qui est demeuré crédible, en plus d’être non contredit, que le positionnement de la sonde, de manière statique, requiert d’exercer une certaine pression, de manière prolongée.

[102]       La Commission des lésions professionnelles retient ainsi que la première partie de l’examen requiert un tel positionnement pendant au moins 20 minutes alors que la seconde partie de l’examen requiert également une telle position statique, pendant 20 minutes additionnelles. D’ailleurs, en référence à l’une des études commentées par le docteur du Tremblay,[12] il y a lieu de retenir que le travail de technologue en échographie cardiaque requiert un positionnement statique du membre supérieur et ce, pendant plusieurs minutes consécutives.

[103]       En référence à un extrait de cette étude, il y a lieu de retenir ce qui suit : «  static contractions to maintain the arm in a fixed position while pressing the transducer against the patient ».

[104]       Enfin, la Commission des lésions professionnelles retient également, du témoignage de la travailleuse, que la clientèle desservie par le centre hospitalier présente, plus souvent qu’autrement, une surcharge pondérale, ce qui implique qu’une plus grande pression doit être exécutée sur la sonde.

[105]       La Commission des lésions professionnelles retient ainsi que la travailleuse est appelée à exercer une pression de façon constante et ce, pendant une période suffisamment prolongée alors qu’elle ne bénéficie d’aucun soutien, au niveau de son coude, durant la toute la période que dure l’examen.

[106]       De plus, la Commission des lésions professionnelles ne peut ignorer que le positionnement de la sonde requiert une grande précision, ce qui requiert, par conséquent, une forme de statisme.

[107]       Par conséquent, le mouvement de préhension avec pince combiné à la pression requise pour maintenir ce positionnement constitue, en l’espèce, un facteur de risque susceptible de causer une épicondylite.

[108]       Selon la preuve présentée, dans son ensemble, la relation entre l’épicondylite diagnostiquée à compter de janvier 2006 et les tâches accomplies par la travailleuse, depuis septembre 2005, est démontrée, de manière probante.

[109]       De plus, en réponse à l’argument soumis par le représentant de l’employeur voulant que la lésion soit apparue peu de temps après l’exercice des tâches de technologue en échographie cardiaque, la Commission des lésions professionnelles rappelle que la jurisprudence a déjà reconnu la survenance d’une lésion professionnelle et ce, même en raison d’une courte période d’exposition à des facteurs de risques et ce, plus particulièrement lorsque le contexte en cause est généralement un nouveau travail exercé. L’admissibilité peut alors être envisagée sous l’angle de la maladie professionnelle et ce, plus particulièrement sous l’égide de l’article 30 de la loi.[13]

[110]       La Commission des lésions professionnelles considère que la preuve a démontré le maintien d’une posture contraignante sur des périodes suffisamment importantes, à la fois, au cours d’une même journée et ce, sans qu’il y ait des périodes de repos suffisantes pour les structures sollicitées. En effet, le maintien statique de la sonde, en place, empêche de bénéficier de périodes de micropauses suffisantes.

[111]       La Commission des lésions professionnelles peut donc comprendre que l’apparition des douleurs ait pu survenir peu de temps après l’exposition en cause, d’autant plus que l’accomplissement de ces nouvelles tâches impliquait le maintien d’une posture contraignante, de manière soutenue et ce, pendant plusieurs minutes consécutives à la fois.

[112]       En somme, même s’il s’agit de tâches exercées sur des périodes de 20 ou 40 minutes, il n’en demeure pas moins qu’il s’agit de tâches qui comportent des sollicitations suffisantes et compatibles avec l’apparition de la lésion diagnostiquée et ce, compte tenu que la travailleuse ne pouvait bénéficier de périodes de repos compensatoires suffisantes.

[113]       De l’avis du docteur du Tremblay, le maintien d’une telle posture le fût sur d’assez longues périodes, quotidiennement, pour conclure qu’elle s’avère, en l’espèce, problématique et à risques pour le coude.

[114]       Par conséquent, lorsque cet avis du docteur du Tremblay est mis en parallèle avec l’ensemble de la preuve documentaire et testimoniale, il revêt une valeur probante et permet d’établir une relation, de manière prépondérante, entre la posture généralement adoptée par la travailleuse et la lésion diagnostiquée, à compter de janvier 2006.

[115]       La travailleuse s’est donc acquittée du fardeau de démontrer, par une preuve prépondérante, que la lésion diagnostiquée est reliée à des risques particuliers de son travail.

[116]       La Commission des lésions professionnelles écarte donc l’avis émis, en l’espèce, par le docteur Blanchet, puisque l’une des prémisses retenue par ce dernier et voulant que la travailleuse n’avait aucune pression à exercer sur la sonde, sur des périodes de temps prolongées, s’avère inexacte. De plus, sa propre expérience consistant à faire usage de la sonde quelques minutes, dans un contexte fort différent de celui en cause et l’amenant à émettre cette même conclusion, s’écarte des éléments mis en preuve dans le présent dossier. Son avis ne peut donc se voir conférer une valeur probante, pour ce même motif.

[117]       Reste à déterminer si la travailleuse a subi une récidive, rechute ou aggravation, le 13 juin 2006.

[118]       Bien que la lésion de la travailleuse ait été consolidée en mars 2006, il n’en demeure pas moins qu’une symptomatologie persistante résiduelle fut notée au moment de l’émission du rapport final.

[119]       Aussi, les affirmations de la travailleuse furent à l’effet qu’elle ressentait toujours un certain inconfort lorsqu’elle reprit son travail régulier, en mars 2006. Aussi, le fait d’être réexposée aux mêmes facteurs de risques fit en sorte qu’il y eut reprise graduelle de la même symptomatologie et ce, au même site que celui de la lésion subie, en janvier 2006.

[120]       L’article 2 de la loi qui comporte la définition de la lésion professionnelle indique qu’une telle lésion peut comprendre la récidive, la rechute ou l’aggravation.

[121]       Aussi, afin de prouver la rechute, récidive ou aggravation, la travailleuse  doit démontrer non seulement une détérioration objective de sa condition mais également un lien de causalité entre cette détérioration et la lésion professionnelle initiale[14].

[122]       La jurisprudence qui a évolué au sein de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) a défini la récidive, rechute ou aggravation comme une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes. La commissaire Anne Leydet résume bien[15] les critères développés pour apprécier si on est en présence d’une récidive, rechute ou aggravation :

« La reconnaissance d’une rechute d’une lésion implique nécessairement la preuve convaincante d’une relation entre l’épisode incapacitant initial, et celui que l’on veut voir qualifier de rechute.  Cette relation s’établit à partir de l’ensemble de la preuve.  Sur le plan médical, l’identité des sites de lésions, l’identité des diagnostics, la similitude de la symptomatologie, voire son évolution, sont des éléments de preuve favorisant l’existence d’une relation.  L’opinion circonstanciée des médecins consultés concluant à l’existence d’une relation sera recherchée.  Le fait qu’un suivi médical de la symptomatologie associée à la lésion aura été effectué entre l’épisode initial et l’épisode que l’on allègue constituer une rechute, militera en faveur de l’existence d’une relation.  Le laps de temps s’étant écoulé entre les deux épisodes sera également pris en considération.  Le témoignage du travailleur quant à l’évolution de sa symptomatologie, quoique de caractère profane, sera pris en ligne de compte, pour autant que ce témoignage soit crédible. (p. 12 et 13). »  [Sic]

 

 

[123]       La Commission des lésions professionnelles souligne, pertinemment, ce que la Commission d’appel énonçait en ces termes : « aucun des critères n’est à lui seul déterminant ».

[124]       Subséquemment à cette affaire, la Commission d’appel a établi huit paramètres servant de guide à l’admissibilité d’une telle réclamation; il s’agit de l’affaire couramment citée par la Commission d’appel et par la Commission des lésions professionnelles, l’affaire Boisvert et Halco inc.[16]. Ces paramètres y sont énumérés comme suit :

1.         La gravité de la lésion initiale;

2.         La continuité de la symptomatologie;

3.         L’existence ou non d’un suivi médical;

4.         Le retour au travail avec ou sans limitations fonctionnelles;

5.         La présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique;

6.         La présence ou l’absence de conditions personnelles;

7.         La compatibilité de la symptomatologie alléguée au moment de la rechute, récidive ou aggravation avec la nature de la lésion initiale;

8.         Le délai entre la rechute, récidive ou aggravation et la lésion initiale.

[125]       Par conséquent, le fardeau de preuve qui incombe à la travailleuse est d’établir, par une preuve prépondérante, qu’il y eut récidive, rechute ou aggravation, le 13 juin 2006 de la lésion professionnelle initialement subie.

[126]       Or, selon l’ensemble de la preuve soumise, la Commission des lésions professionnelles retient que l’exposition de la travailleuse aux mêmes facteurs de risques dès le mois de mars 2006 et ce, alors qu’il y avait persistance de la symptomatologie, a occasionné très rapidement une reprise évolutive, voire une réapparition ou enfin, une recrudescence de la lésion subie en janvier 2006 ou enfin, de ses symptômes. Aussi, s’agit-il d’une symptomatologie similaire à celle préalablement ressentie et ce, en plus que le diagnostic soit identique et qu’il vise le même site de lésion.

[127]       De plus, la Commission des lésions professionnelles retient qu’il s’est écoulé un court laps de temps entre la consolidation de la lésion et la nécessité de consulter pour des douleurs incapacitantes, en juin 2006.

[128]       Aussi, considère-t-elle crédible le témoignage de la travailleuse quant à l’évolution ou enfin, la reprise de sa symptomatologie depuis la reprise de ses activités au travail, en mars 2006.

[129]       Par conséquent, la preuve établit, de manière prépondérante, que la travailleuse a subi une récidive, rechute ou aggravation, le 13 juin 2006, de la lésion professionnelle initialement subie, en janvier 2006.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier : 293116-31-0607

 

ACCUEILLE la requête de madame Katy Ferguson, la travailleuse;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 1er juin 2006, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que madame Katy Ferguson a subi une lésion professionnelle et ce, en référence au suivi médical initié pour une épicondylite gauche, en date du 13 janvier 2006.

Dossier : 315539-31-0704

 

ACCUEILLE la requête de madame Katy Ferguson;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 27 mars 2007, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que madame Katy Ferguson a subi une récidive, rechute ou aggravation, le 13 juin 2006, en lien avec la lésion professionnelle initialement subie en janvier 2006.

 

 

__________________________________

 

CAROLE LESSARD

 

Commissaire

 

Me Dominique-Anne Bernier

GRONDIN, POUDRIER, BERNIER

Représentant de la partie requérante

 

Me Michel Héroux

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN

Représentant de la partie intéressée

(Hôpital Laval)

 



[1]           Muir, Marylou, KRYNKOW, Paul, CHASE, Robert, BOYCE, Dianne, Mclean, Daria, Occupational Musculoskeletal injuries: The nature, cause, and extent of occupational musculioskeletal injuries among sonographers - Recommendations for treatment and prevention, Vol. 20, no 5, septembre-octobre 2004, Journal Diagnostic medical sonography, p. 317.

[2]           RUSSO et coll. (2002). The prevalence of musculoskeletal symptoms among British Colombia sonographers, Applied Ergonomics, 33, pp. 383-393.

[3]           MURPHY, Carmel et RUSSO, Andre, Healthcare Benefit Trust, An Update on Ergonomic Issues in Sonography Report.

[4]           SCHOEFELD, et coll. (1999), Transducer user syndrome: an occupational hazard of the ultrasonographer, European Journal of Ultrasound, 10: 41-45.

[5]           L.R.Q. c. A-3.001.

[6]           Société canadienne des postes et Grégoire Larivière, [1994] C.A.L.P. 285 ; Meunier et Manufacture WCI Ltée, C.A.L.P. 45092-63-9209, 24 juillet 1995, E. Harvey; Cuisines de l’air et Nafissa Djerrah, 157483-31-0103, 24 octobre 2001, P. Simard.

[7]           Farel et Synel, [1990] 2 R.C.S. 311 ; Ville de Magog et CSST, [1996] C.A.L.P. 826 .

[8]           Cuisines de l’air et Nafissa Djerrah, 157483-31-0103, 24 octobre 2001, P. Simard.

[9]           Larry Rhéaume et Lallier Automobile Québec inc., 156440-31-0102 et 182092-31-0204, 25 juin 2003, C. Lessard.

[10]         Lise Baril et Serres du St-Laurent inc., 191449-32-0209, 4 juillet 2003, C. Lessard; Centre hospitalier affilié universitaire de Québec et France Bergeron, 175632-32-0112, 11 septembre 2002, C. Lessard; Institut de réadaptation en déficience physique du Québec et Lucette Chadefaud, 182366-32-0204, 10 septembre 2002, L. Langlois.

[11]          Musculoskeletal Disorders and Workplace Factors: A Critical Review of Epidemiologic Evidence for Work-Related Musculoskeletal Disorders of the Neck, Upper Extremity, and Low Back: Chapter 4 : Elbow Musculoskeletal Disorders (Epicondylitis) : Evidence for Work-Relatedness,  édition juillet 1997.

[12]          Précitée, note 3.

[13]          Société Chabot Métal Tech inc. et Éric Beaulieu, 157163-61-0103, 8 janvier 2002, G. Morin; Aliments Flamingo et Murielle Lepage, 111268-62A-9902, 29 octobre 1999, J. Landry; Isabelle Bolduc et Ferme des Becs-Fins inc., 118101-64-9906, 20 décembre 1999, R. Daniel; Luc Choquet et Kronos Canada inc., 102296-62-9806 et 124543-62-9910, 21 mars 2000, H. Marchand; Denis Audet et Hydro-Québec, 177852-32-0202, 13 janvier 2003, C. Lessard (requête en révision rejetée, 18 novembre 2003, H. Thériault).

[14]         Girard et Commission scolaire de Rouyn-Noranda, 159855-08-0104, 21 juin 2002, P. Prégent; Lafond et Ministère des Transport du Québec, 135466-04B-0003, 6 mars 2002, L. Boucher; Bourque et EBC-SPIE Coparticipation, 122073-09-9908, 1er septembre 2000, M. Carignan; requête en révision rejetée; Chamberland et Résidence Jean-de-la-lande, 132784-73-0002; 6 juillet 2000, L. Desbois; Lapointe et Decorterre inc. 102372-03B-9807, 14 mai 1999, P. Brazeau; Lapointe et Cie Minière Québec Cartier, [1989] C.A.L.P. 38 ; Boisvert et Halco inc., [1995] C.A.L.P. 19 ; Lafleur et Transport Shulman ltée, C.A.L.P. 29153-60-9105, 26 mai 1993, J. L’Heureux.

[15]         Rosetta La Fratta et Aéroservices V.T. inc., C.A.L.P. 28598-60-9104, 16 décembre 1993, A. Leydet.

[16]         [1995] C.A.L.P. 19 .

AVIS :
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