Wal-Mart Canada et Commission de la santé et de la sécurité du travail-Estrie |
2015 QCCLP 1367 |
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Dossier 530483-05-1401
[1] Le 3 janvier 2014, Wal-Mart Canada (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 2 décembre 2013 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 17 octobre 2013 et déclare que l’imputation du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie par le travailleur le 13 août 2009 demeure inchangée.
[3] La CSST confirme également la décision rendue le 21 octobre 2013 et déclare que l’imputation au dossier de l’employeur demeure inchangée.
Dossier 533395-05-1402
[4] Le 7 février 2014, Wal-Mart Canada (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 21 janvier 2014 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[5] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 11 novembre 2013 et déclare qu’elle est justifiée de refuser de déterminer à nouveau l’imputation du coût des prestations.
[6] L’employeur qui est représenté lors de l’audience tenue à Sherbrooke le 30 janvier 2015 procède par argumentation verbale. Pour sa part, la CSST a avisé le tribunal de son absence par une lettre du 13 janvier 2015 et elle a transmis des documents le 22 janvier 2015 ainsi qu’une argumentation écrite et des notes et autorités le 29 janvier 2015.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
[7] L’employeur demande de lui accorder un transfert partiel du coût des prestations selon le premier alinéa de l’article 326 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) en raison du délai administratif pris par la CSST pour administrer le dossier.
[8] L’employeur demande également d’accorder un partage du coût des prestations en vertu de l’article 329 de la loi en considérant que le travailleur était handicapé avant la survenance de la lésion professionnelle.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[9] Le tribunal doit évaluer si l’employeur peut obtenir un transfert partiel du coût des prestations en vertu de l’alinéa 1 de l’article 326 de la loi et un partage du coût des prestations selon l’article 329 de la loi.
[10] Pour justifier sa position concernant l’application du premier alinéa de l’article 326 de la loi, le représentant de l’employeur plaide que la CSST a commis des fautes et a fait preuve de négligence dans le traitement administratif du dossier. Il assimile le tout à de la malversation qui a causé un dépassement du délai préjudiciable à l’employeur.
[11] Le tribunal doit donc évaluer en premier lieu si l’article 326 de la loi permet d’accorder le transfert partiel demandé par l’employeur.
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[12] Afin de soutenir ses allégations, le représentant de l’employeur demande d’appliquer les principes de l’affaire Supervac 2000[2] et demande que toutes prestations imputées au dossier financier de l’employeur à compter du 31 mai 2010 ne devraient pas l’être puisqu’elles ne sont pas reliées à la lésion professionnelle, mais au délai administratif pris par la CSST pour consolider la lésion et rendre une décision de capacité.
[13] Il souligne entres autres que la CSST a pris une année et demie pour demander un avis au membre du bureau d’évaluation médicale concernant les séquelles permanentes de la lésion qui résulte d’un événement somme toute banal comme le souligne la décision du tribunal du 29 août 2013.
[14] À cet effet, il allègue que la CSST a provoqué des délais déraisonnables en tardant à diriger le dossier au membre du bureau d’évaluation médical afin qu’il se prononce sur l’atteinte permanente et qu’elle puisse rendre une décision de capacité d’une manière simultanée.
[15] Après une revue attentive de la preuve documentaire, le tribunal ne fait pas la même lecture que le représentant de l’employeur en ce qui a trait à la qualification du délai administratif et du comportement de la CSST.
[16] Pour en venir à une telle conclusion, le tribunal juge important de reprendre certains des faits qui ressortent de la preuve documentaire versée au dossier.
[17] Rappelons que le travailleur, qui est âgé de 44 ans et occupe l’emploi de gérant de département pour l’employeur, subit une entorse cervico-dorsale en décrochant un support à pêche avec un collègue le 13 août 2009.
[18] À la suite de cet accident du travail reconnu par la CSST, le travailleur est en arrêt de travail et soigné par traitements conservateurs.
[19] L’employeur fait examiner le travailleur par le docteur Turcotte le 10 novembre 2009 et ce dernier recommande une résonnance magnétique afin d’éliminer une pathologie à la région cervicale.
[20] Celle-ci est passée le 9 décembre 2009 et fait ressortir que le travailleur est porteur d’un petit complexe disco-ostéophytique postérieur au niveau C6-C7 sans sténose ni hernie.
[21] L’examen tomodensitométrie effectué la même journée s’avère normal à l’exception d’une légère atrophie pour l’âge.
[22] Le travailleur est aussi vu en physiatrie et traité par blocs facettaires à la région cervicale.
[23] Le 11 mars 2010, le docteur Turcotte examine à nouveau le travailleur pour le compte de l’employeur. À la suite de cet examen, il retient que la lésion est consolidée en date de celui-ci. Il ne rapporte aucun antécédent lorsqu’il décrit la condition du travailleur.
[24] Le 20 avril 2010, l’agente de la CSST transmet une demande au bureau d’évaluation médical.
[25] Le 9 juin 2010, le docteur Réjean Grenier, membre du bureau d’évaluation médicale examine le travailleur et considère que la lésion n’est pas consolidée. Au niveau des antécédents, il rapporte que les affirmations du travailleur à l’effet que ce dernier n’a jamais présenté de problème cervico-dorsal avant l’événement.
[26] Il suggère une approche globale pour traiter la douleur chronique du travailleur.
[27] Le 23 juin 2010, la CSST rend une décision pour reprendre cet avis. Cette décision contestée par l’employeur le 23 juillet 2010 donne lieu à la décision de la CSST en révision administrative du 30 juillet 2010, elle-même contestée par l’employeur le 7 septembre 2010.
[28] Le 26 novembre 2010, l’employeur convoque le travailleur afin que ce dernier soit examiné par le docteur Marc Goulet.
[29] Celui-ci examine le travailleur le 7 décembre 2010 et il retient que l’entorse cervico-dorsale est résolue. Il suggère de consolider la lésion le 13 août 2009. Au niveau des antécédents, il souligne que le travailleur a été traité à l’âge de 20 ans pour une pathologie à la cheville. Aussi, il rapporte les propos du travailleur à l’effet que ce dernier n’a jamais eu de douleur au cou alors qu’il a exercé de façon régulière son travail pendant 5 ans.
[30] Dans des notes complémentaires, le docteur Goulet retient l’absence de déficit anatomophysiologique et l’absence de limitations fonctionnelles. Il suggère cependant d’éliminer toute pathologie vasculaire ou cérébrale avant de statuer de façon définitive sur l’existence ou non de limitations fonctionnelles pour une condition personnelle.
[31] Le 22 février 2011, le docteur Laframboise remplit un rapport médical à l’attention de la CSST portant le numéro 56770. Dans ce rapport qui est reçu par la CSST le 8 mars 2011, la période de consolidation est prolongée.
[32] Le 15 mars 2011, l’employeur remplit aussi une lettre pour transmettre au docteur Laframboise l’expertise ainsi que les notes complémentaires du docteur Goulet. Celles-ci sont transmises par télécopieur par le représentant de l’employeur au docteur Laframboise le 17 mars 2011. Dans la lettre transmise par télécopieur, le représentant de l’employeur informe le docteur Goulet que le rapport du 22 février 2011 est contesté et qu’il peut transmettre sa position à la CSST dans un autre formulaire.
[33] À la suite du dépôt de ces documents, le docteur Patrice Laframboise, médecin qui a charge du travailleur, remplit un rapport complémentaire le 7 avril 2011. Ce dernier retient que d’autres diagnostics pourraient expliquer la douleur chronique du travailleur comme un dérangement intervertébral cervicodorsal chronique ou une algodystrophie sympathique réflexe.
[34] Le docteur Laframboise relate aussi que le travailleur présente une atteinte significative à la région cervicale avec des limitations dans son quotidien, mais précise qu’en raison de la complexité du dossier, il s’en remet aux expertises de la CSST pour trancher le litige.
[35] Le 7 avril 2011, le tribunal rend une décision[3] et consolide la lésion du 13 août 2009 avec suffisance de traitements depuis le 31 mai 2010. Lors de cette audience, l’employeur fait témoigner le docteur François Turcotte.
[36] Le tribunal retient de manière subsidiaire que si une consultation en neurologie entraîne l’émission d’un nouveau diagnostic, le travailleur pourra demander à la CSST de se prononcer sur le lien de causalité avec l’accident du 13 août 2009.
[37] Le 20 avril 2011, l’agent de la CSST transmet à l’employeur par télécopieur le rapport du 7 avril 2011 du docteur Laframboise.
[38] Le 26 avril 2011, l’agent de la CSST consulte le médecin du service médical afin de donner suite à la décision du tribunal du 7 avril 2011 et il est décidé de procéder à une expertise en neurologie.
[39] Le 29 avril 2011, la représentante de l’employeur, madame Boiteau est informée de la situation par un message laissé dans sa boîte vocale.
[40] Un autre message est laissé à madame Boiteau le 11 mai 2011 afin de l’informer sur une demande effectuée au docteur Laframboise pour qu’il se prononce sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles de l’entorse cervico-dorsale ainsi que de la référence pour obtenir l’expertise médicale d’un neurologue.
[41] Le 28 mai 2011, le docteur Richard R. Delisle, neurologue, adresse une expertise médicale au docteur Paul Paradis, médecin du service médical de la CSST. Pour ce qui est des antécédents, il souligne qu’ils sont absents.
[42] Le docteur Delisle suggère de compléter son examen neurologique par d’autres investigations en ophtalmologie ainsi que de passer une résonance magnétique cérébrale ainsi qu’un électromyogramme des membres supérieurs. Il retient donc qu’il est trop tôt pour se prononcer sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles des cervicalgies d’étiologie indéterminée.
[43] Le 6 juin 2011, monsieur Luc Bonnet, représentant de l’employeur s’informe à l’agent de la CSST concernant le droit du travailleur de continuer de recevoir une indemnité de remplacement du revenu à la suite de la décision du tribunal du 7 avril 2011.
[44] L’agent l’informe alors qu’il ne peut cesser le versement de l’indemnité de remplacement du revenu avant de connaître si une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles découlent de l’ensemble des lésions au dossier.
[45] Le 7 juin 2011, le docteur Laframboise remplit un rapport d’information médicale complémentaire. Dans ce rapport, le docteur Laframboise retient que la lésion entraîne une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Il mentionne que la douleur chronique entraîne « une incapacité de levée de chargement et mobilité de la colonne cervicale ». Il précise que le travailleur ne peut lever des charges avec le bras ni travailler la tête penchée.
[46] Le 10 juin 2011, l’agent de la CSST reçoit l’expertise du docteur Richard R. Delisle et discute du dossier avec le médecin du service médical le 15 juin 2011.Une copie du rapport est transmise au docteur Patrice Laframboise afin d’obtenir sa position concernant les suggestions du docteur Delisle.
[47] Le 27 juin 2011, la secrétaire du docteur Laframboise avise la CSST que le cabinet médical déménage et que le travailleur devrait obtenir un rendez-vous médical vers le 11 juillet 2011.
[48] Le 4 juillet 2011, un rapport d’information médicale complémentaire du 7 juin 2011 du docteur Patrice Laframboise est reçu à la CSST. Le 5 juillet 2011, l’agent de la CSST communique avec la représentante de l’employeur madame Boiteau pour l’aviser qu’une copie du rapport d'information complémentaire ainsi qu’une copie de l’expertise de la CSST sont transmises la journée même par télécopieur.
[49] Le 12 juillet 2011, Dion Durrell transmet par télécopieur une contestation du rapport du 22 février 2011 du docteur Laframboise et inclut le rapport cité et celui du docteur Marc Goulet daté du 7 décembre 2010. Ce document adressé à l’agent de la CSST par télécopieur est daté du 15 mars 2011.
[50] Le 13 juillet 2011, l’agent de la CSST relate une discussion avec la représentante de l’employeur, madame Marise Boiteau qui l’informe de la transmission par télécopieur d’une contestation médical du dossier.
[51] Il est indiqué que madame Boiteau est en désaccord avec l’autorisation des examens recommandés par le docteur Delisle ainsi qu’avec l’orientation du dossier. L’agent relate que les indemnités de remplacement du revenu ne seront pas imputées au dossier s’il est démontré l’absence de limitations fonctionnelles en lien avec l’entorse cervicale et avec la condition neurologique.
[52] Le 14 juillet 2011, l’agent de la CSST achemine au docteur Laframboise un formulaire « rapport complémentaire » ainsi que la demande de l’employeur visant à obtenir l’avis d’un membre du bureau d’évaluation médicale. Elle envoie aussi une copie du même message par télécopie à l’employeur.
[53] Le 27 juillet 2011, l’agent de la CSST transmet au membre du bureau d’évaluation médicale la demande qui oppose le rapport du docteur Goulet à celui du docteur Laframboise.
[54] Le 5 août 2011, le docteur Laframboise expédie à la CSST un rapport d’information médicale complémentaire dans lequel il exprime entre autres la difficulté à pouvoir trouver une solution thérapeutique satisfaisante pour contrôler les douleurs du travailleur.
[55] Il reprend la recommandation du docteur Delisle afin d’obtenir des examens complémentaires d’imagerie pour objectiver les douleurs du travailleur.
[56] Aux notes évolutives de l’agent de la CSST du 10 août 2011, ce dernier mentionne qu’il a reçu le rapport du 5 août 2011 du docteur Laframboise et consulte le lendemain le docteur Paradis, médecin du service médical de la CSST.
[57] Après la consultation du 11 août 2011, l’agent communique au cours de la même journée avec un centre de radiologie afin de procéder aux examens recommandés.
[58] L’examen par résonance magnétique est donc effectué le 29 août 2011 afin d’investiguer une cervicalgie et un engourdissement du membre supérieur droit. Un des objectifs indiqués est d’éliminer des signes de dissection vertébrale gauche. Les résultats de cet examen sont reçus le 31 août 2011. Le radiologiste rapporte l’absence de lésion pour expliquer les symptômes du travailleur.
[59] Le 6 septembre 2011, le docteur Michel Lebel, neurologue, remplit un rapport afin de transmettre son interprétation de l’étude électromyographique effectuée. Il retient que l’étude est normale. Il relate une légère neuropathie sensitive du nerf médian droit au poignet subclinique sans manifestation de symptôme relié à cette condition et précise qu’il s’agit d’une condition inopinée qui n’a pas de relation avec la problématique pour laquelle il est adressé.
[60] L’étude électromyographique du 6 septembre 2011 est reçue à la CSST le 27 septembre 2011.
[61] L’agent de la CSST communique avec la secrétaire du docteur Laframboise le 28 septembre 2011 afin de faire un état de situation du dossier. Lors de cette communication téléphonique, l’agent relate que la CSST demandera une consultation en ophtalmologie pour investiguer le problème de myosis de la pupille gauche et que ces résultats seront transmis au neurologue Delisle pour obtenir une opinion complémentaire.
[62] La CSST initie une demande d’expertise en ophtalmologie au docteur Pierre Blondeau telle qu’elle le rapporte aux notes évolutives du 29 septembre 2011.
[63] Le 4 octobre 2011, l’avis qui fait suite à l’examen du 27 septembre 2011 du docteur Jean-Maurice d’Anjou, membre du bureau d’évaluation médicale, est transmis à la CSST.
[64] Au niveau des antécédents, il mentionne un accident de travail en 1991 avec une récidive, rechute ou aggravation en 1993 entraînant un arrêt de travail de 5 ans pour une entorse de la cheville gauche pour laquelle il a subi 4 chirurgies.
[65] Dans cet avis, le docteur d’Anjou confirme l’absence d’atteinte permanente pour l’entorse cervico-dorsale consolidée le 31 mai 2010 et l’absence de limitations fonctionnelles. Il précise que les limitations fonctionnelles ne peuvent être accordées pour la douleur du travailleur et s’en remet aux autorités compétentes pour évaluer l’aspect psychologique ou psychiatrique.
[66] Le 11 octobre 2011, le médecin du service médical de la CSST transmet une demande d’information médicale complémentaire au neurologue Delisle.
[67] Le 25 octobre 2011, le docteur Delisle retient que la cervicalgie est d’origine indéterminée après avoir pris connaissance des différents examens complémentaires.
[68] Il confirme que la lésion entraîne un déficit anatomophysiologique de 0 % et aucune limitation fonctionnelle et réitère sa recommandation d’une évaluation en ophtalmologie pour une petite anisocorie de la pupille gauche qui selon lui devrait être transmise au médecin traitant bien que selon lui cette évaluation ne changera pas ses conclusions.
[69] La même journée, l’agent de la CSST rend la décision qui fait suite à l’avis du membre du bureau d’évaluation médicale du 4 octobre 2011 et confirme que la CSST continuera de verser l’indemnité de remplacement du revenu tant qu’elle n’aura pas statué sur le diagnostic à retenir sur le plan neurologique.
[70] Le 26 octobre 2011, un premier rendez-vous est pris en ophtalmologie pour le 21 novembre 2011. Ce rendez-vous est reporté au 23 novembre 2011.
[71] Le 16 novembre 2011, la CSST reçoit le rapport d’information médicale complémentaire du neurologue Delisle.
[72] Le 16 novembre 2011, la CSST indique qu’elle conteste le rapport complémentaire du 7 avril 2011 du docteur Laframboise avec celui du docteur Delisle.
[73] Le 23 novembre 2011, la représentante de l’employeur se questionne sur les motifs qui justifient de demander un arbitrage médical considérant les résultats des différents examens puisque l’évaluation en ophtalmologie ne modifiera pas les conclusions du docteur Delisle. Un message à cet effet est laissé dans la boîte vocale de l’agent.
[74] L’agent de la CSST laisse à son tour un message dans la boîte vocale de la représentante de l’employeur et indique que l’arbitrage sur l’aspect neurologique vise à contester le rapport complémentaire du docteur Laframboise du 7 avril 2011 et que pour ce qui est de la référence en ophtalmologie, la CSST doit honorer ses engagements à l’égard des spécialistes et que cette évaluation pourrait aussi être transmise au bureau d’évaluation médical.
[75] La même journée, le docteur Pierre Blondeau remplit un rapport en ophtalmologie et rapporte la conclusion suivante :
Suite à cet événement, le patient semble avoir présenté des épisodes de migraines pour quelque temps. Cependant, ceci est revenu à la normale. L’anisocorie notée est une anisocorie fonctionnelle. II n’a donc pas de Horner qui aurait pu être relié au traumatisme. La vision du patient est tout à fait normale. Donc, aucune séquelle ne peut être reliée à cet événement.
[sic]
[76] Le 25 novembre 2011, l’agent de la CSST Antonin Roy relate une discussion avec la représentante de l’employeur, madame Boiteau.
[77] Il confirme que la CSST est en attente d’une réponse du docteur Laframboise concernant les conclusions de l’expert sur le plan neurologique et que si ce dernier est en désaccord avec celles-ci, le dossier suivra son cours au bureau d’évaluation médicale. Dans le cas contraire, la CSST appliquera les conclusions en conséquence.
[78] Lors de cette discussion, la représentante de l’employeur affirme qu’elle présentera une demande de partage selon l’article 326 puisque l'employeur a été obéré injustement en raison d’une condition intercurrente.
[79] La même journée, le docteur Laframboise adresse une lettre à la CSST afin d’exposer son opinion de la manière suivante :
J’ai pris connaissance du rapport du Dr. Richard Delisle. Je suis déjà au fait des examens négatifs qu’il évoque dans son rapport du 26 octobre. Je tiens à vous préciser que l’évaluation en ophtalmologie a déjà eu lieu auprès du Dr. Esper le 24 août 2011. Dans son impression, il conclut à un syndrome d’Horner peu probable mais possiblement secondaire au trauma cervical. Je joins copie de ce rapport. Je ne m’attendais pas avec ces examens à trouver une explication à la douleur cervicale dont le patient se plaint depuis son accident du 13 août 2009.
J’ai revu le patient le 24 novembre dernier et il se plaint toujours d’une douleur cervicale invalidante. Je ne crois plus dans ce dossier pouvoir être capable d’apporter un traitement curatif. Depuis plus d’un an, je me concentre et le patient en est au fait pour tenter une analgésie palliative à sa douleur chronique. J’ai cessé Topamax qui ne semble pas apporter de soulagement pour Celexa 20mg po die (médicament de 3e ligne selon le guide québécois de la douleur chronique). J’ai expliqué la situation au patient et je crois que nous en sommes contraints à tenter des mesures alternatives soit en ostéopathie ou acupuncture. Le patient est grandement affecté psychologiquement par sa condition médicale et sociale qui en découle. Je crois qu’il souffre d’un trouble d’adaptation avec humeur dépressive. J’ai demandé une consultation en psychologie pour un support psychologique. Je constate bien entendu que l’évaluation en expertise s’appuie surtout sur l’absence d’amplitude ce qui établit le DAP à 0%.
Néanmoins, selon mon jugement clinique, lorsque je constate les atteintes fonctionnelles significatives associées à la douleur cervicale invalidante, je ne vois pas ce patient retourner à un travail rémunérateur dans ces circonstances. Je vous prie de considérer une réévaluation fonctionnelle de ce patient pour objectiver cette atteinte fonctionnelle puisque les évaluations standards m’apparaissent sous évaluer l’ampleur de la problématique (elles n’évaluent aucunement l’impact fonctionnel de la douleur chronique que subit le patient). Je devrai me résoudre bientôt à consolider le dossier avec séquelles même si les experts infirment cette atteinte fonctionnelle. Je m’attendrai que la CSST dégage les ressources nécessaires cohérentes pour évaluer cette atteinte fonctionnelle inhérente à cette douleur. Je ne vois pas un retour au travail, mais éventuellement des mesures de reclassement.
Espérant le tout conforme et vous prie d’agréer, Monsieur, mes salutations les plus distinguées.
[sic]
[80] Le 30 novembre 2011, l’employeur demande à la CSST de reconsidérer sa décision du 25 octobre 2011 et de déclarer que l’indemnité de remplacement du revenu doit se terminer le 31 mai 2010.
[81] Le 12 décembre 2011, l’agent de la CSST rapporte aux notes évolutives qu’il a reçu l’expertise en ophtalmologie du 23 novembre 2011, le 29 novembre 2011.
[82] La même journée, l’agent procède à l’analyse d’une demande d’une procédure d’évaluation médicale et retient après analyse du rapport du 25 novembre 2011 du docteur Laframboise reçu le 1er décembre 2011 qu’il y a toujours un litige pour ce qui est de l’aspect neurologique du dossier.
[83] L’agent transfère donc le dossier au bureau d’évaluation médicale et remplit le formulaire administratif à cet effet.
[84] Le 15 décembre 2011, la CSST en révision administrative confirme la décision du 25 octobre 2011. Cette décision est contestée par l’employeur le 22 décembre 2011.
[85] La même journée, l’agent de la CSST prépare également un formulaire administratif afin de demander une autre procédure d’évaluation médicale pour ce qui est de la condition ophtalmologique dans laquelle il oppose l’opinion du docteur Blondeau du 23 novembre 2011 à celle du docteur Laframboise du 25 novembre 2011.
[86] Le 27 décembre 2011, l’électromyogramme effectué pour investiguer l’engourdissement des membres supérieurs est interprété normal sans évidence de radiuculopathie.
[87] Le 4 janvier 2012, la CSST refuse de reconsidérer sa décision du 25 octobre 2011. Cette décision est contestée le 11 janvier 2012.
[88] Le 9 février 2012, le médecin du service médical de la CSST transmet la demande suivante au docteur Laframboise :
Afin d’accélérer le traitement de ce dossier et à la suite des consultations obtenues en ophtalmologie et en neurologie, dont vous avez reçu copie, nous aimerions savoir si vous êtes toujours d’avis de maintenir le diagnostic de syndrome d’algodystrophie réflexe.
Nous vous remercions de votre collaboration et espérons recevoir vos conclusions dans les meilleurs délais. Vous pouvez répondre directement sur le présent formulaire et nous le retourner par télécopieur au (819) 821-7022.
[89] Le 14 février 2012, le médecin du service médical de la CSST demande une opinion médicale au docteur Alain Sirois afin qu’il se prononce sur les aspects médicaux reliés au diagnostic de troubles d’adaptation avec humeur dépressive. Pour justifier cette demande, le médecin du service médical se sert de l’opinion du docteur Réjean Grenier membre du bureau d’évaluation médical ainsi qu’au rapport du 24 novembre 2011 du docteur Patrice Laframboise.
[90] Le 28 février 2012, le docteur Laframboise transmet par télécopieur un rapport d’information complémentaire dans lequel il relate ceci :
Ce patient présente toujours une douleur cervicale hors de proportion avec les constations para cliniques qui ont été effectuées ce jour. Aucune analgésie malgré diverses tentatives ne semble venir à bout de cette douleur. Compte tenu de ces données , le diagnostic de syndrome d’algodystrophie réflexe doit être maintenu.
[sic]
[91] Le 28 février 2012, l’agente de la CSST relate une discussion avec la directrice du bureau d’évaluation médicale. Cette dernière indique que la demande du 12 décembre 2011 porte à confusion et des corrections sont apportées afin de favoriser l’administration du dossier pour ce qui est de la condition neurologique. Les diagnostics à évaluer sont ceux d’impatience des membres supérieurs et algodystrophie.
[92] En ce qui a trait à la demande en ophtalmologie, la directrice du bureau d’évaluation médical indique qu’elle ne la retrouve pas.
[93] L’agente indique qu’un rapport complémentaire concernant le diagnostic d’Horner sera produit par le médecin traitant.
[94] Le 19 mars 2012, le docteur Laframboise remplit un rapport d’information complémentaire concernant la condition ophtalmique :
J’ai pris connaissance du rapport du Dr. Pierre Blondeau. L’évaluation en ophtalmologie avait été effectuée à la demande des experts au dossier. Comme je pouvais le présentir, il n’y a pas de pathologie ophtalmologique pouvant expliquer la symptomatologie actuelle du patient. Toutefois je maintiens les mêmes diagnostics et impressions.
[sic]
[95] Le 21 mars 2012, le docteur Alain Sirois, psychiatre remplit un rapport d’expertise médicale. Il retient le diagnostic d’épisode dépressif majeur sévère avec mélancolie et précise que la lésion n’est pas consolidée et qu’elle requiert des traitements. Au niveau des antécédents médicaux, il relate que le travailleur n’a jamais consulté pour des problèmes psychologiques ou psychiatriques et il conclut que l’histoire personnelle n’est pas révélatrice d’une condition préexistante qui aurait pu le prédisposer à développer une lésion psychologique.
[96] Le 2 avril 2012, le membre du bureau d’évaluation médicale Thien Vu Mac, orthopédiste se prononce sur les différents aspects médicaux du dossier. Il retient qu’il n’y a pas de diagnostic d’algodystrophie sympathique réflexe, ni syndrome de douleur régionale complexe, mais un syndrome de douleur chronique au niveau cervical.
[97] Il consolide la lésion au 19 mars 2012 avec un déficit anatomophysiologique de 2 % et des limitations fonctionnelles.
[98] Le 10 mai 2012, le docteur Paul Paradis fait le bilan d’une discussion téléphonique avec le docteur Laframboise. Il relate que ce dernier a pris connaissance de l’expertise psychiatrique du docteur Alain Sirois et du docteur Thien Vu Mac du bureau d’évaluation médicale et qu’il produira un rapport final pour consolider la lésion pour ce qui est du volet physique.
[99] Le 29 mai 2012, le docteur Laframboise consolide la lésion en indiquant qu’elle entraîne une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Il indique qu’il ne produira pas le rapport d’évaluation.
[100] Le 6 juin 2012, le docteur Laframboise répond à la demande du docteur Paradis de la manière suivante :
J’ai pris connaissance du rapport d’expertise du Dr. Alain Sirois,psychiatre du 21 mars 2012. Suite à la réception et lecture des conclusions, j’ai effectué un suivi avec le patient à mon bureau le 29 mai 2012. Sa condition mentale s’est détériorée et j’arrive avec le même diagnostic, à savoir un épisode dépressif majeur sévère (avec mélancolie). Concernant les autres sujets infirmés, à savoir date de consolidation, existence d’atteinte permanente à l’intégrité psychique et le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité pspychique selon le barème des dommages corporels, le psychiatre arrive à la même conclusion que moi (non infirmé).
Concernant la nature, nécessité, suffisance, durée des soins ou traitements administrés ou prescrits, j’ai prescrit Effexor 150mg po die pour traiter la condition clinique modifiée.
J’effectuerai le suivi dans les prochaines semaines pour évaluer la réponse clinique. Espérant le tout conforme.
[sic]
[101] La même journée, la CSST rend une décision qui donne suite à l’avis du membre du bureau d’évaluation médical et confirme que la lésion entraîne une atteinte permanente de 2,20 %.
[102] Le 8 juin 2012, la CSST accepte le nouveau diagnostic d’épisode dépressif majeur sévère avec mélancolie.
[103] Le 12 juin 2012, la psychologue Sophie Rioux produit un compte rendu des différentes rencontres intervenues avec le travailleur.
[104] Le 17 août 2012, le tribunal rend une décision[4] qui infirme la décision de la CSST du 15 décembre 2011, déclare que le travailleur est redevenu capable d’exercer son emploi à compter du 25 octobre 2011 et qu’il a droit à la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 25 octobre 2011 puisque le délai pour exercer son droit de retour au travail est expiré.
[105] Le 26 septembre 2012, l’agent de la CSST retient que le nouveau diagnostic de syndrome de douleur chronique retenu par le membre du bureau d’évaluation médicale était présent avant la date de capacité du 25 octobre 2011, laquelle date a été fixée le 17 août 2012 par le tribunal pour le diagnostic d’entorse cervico-dorsale. Il confirme donc que la CSST crée une rechute, récidive ou aggravation administrative afin d’inclure ce nouveau diagnostic de douleur chronique au niveau cervical consolidé le 19 mars 2012 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.
[106] Le 27 septembre 2012, le docteur Denis Lepage, psychiatre rempli une expertise pour le compte de l’employeur. Ce dernier retient que la lésion n’est pas consolidée. Il relate que le travailleur nie toute forme d’antécédents.
[107] Il retient entre autres ceci :
Ce tableau est manifestement réactionnel, peut-être en partie aux douleurs, mais aussi, et le plus probablement surtout au harcèlement dont il se perçoit la victime, tant du système médico-administratif que de son employeur: devant docteur Turcotte il adresse des reproches à sa compagnie; docteur Grenier fait état d’agressivité; devant docteur Sirois il attribue sa réaction au fait qu’on dit qu’il n’a rien et qu’on le tient pour un profiteur; devant moi il dénonce la prise de photos par l’employeur trois mois après l’accident. Ce qui n’est pas en lien direct ni logique avec l’accident.
Cette réaction à tonalité dépressive et irritable se complique actuellement d’un abus de cannabis.
Par ailleurs, en l’absence d’indice de facticité délibérée, le caractère atypique et inexplicable de ses douleurs, qu’on a souligné à répétition, correspond à un trouble somatoforme douloureux, c’est-à-dire une condition douloureuse qui répond, en partie du moins, au jeu de facteurs psychologiques. À moins d’un événement particulièrement traumatique sur le plan psychologique, ces facteurs ne sont pas l’effet direct ou logique de l’accident même, ils constituent plutôt la contribution de la personne à sa condition, et correspondent à ce que le réclamant ajoute inconsciemment à sa lésion: au regard d’un incident en soi «banal » (douleur apparue en décrochant une tablette) survenu dans un contexte occupationnel non problématique, je ne vois pas qu’il en est autrement dans ce cas-ci.
[sic]
[108] Le 28 septembre 2012, l’employeur demande la reconsidération de la décision du 8 juin 2012 en se fondant sur la décision du tribunal du 17 août 2012.
[109] Le 3 octobre 2012, l’employeur demande de transférer la totalité du coût des prestations à l’ensemble des employeurs à compter du 31 mai 2010 puisque le seul diagnostic reconnu est une entorse cervico-dorsale qui n’a pas entraîné d’atteinte permanente, ni limitations fonctionnelles comme l’a confirmé la décision du tribunal dans sa décision du 17 août 2012. L’employeur justifie également le dépassement du délai pour faire une demande de transfert par cette décision du tribunal.
[110] Le 19 octobre 2012, la CSST refuse de reconsidérer la décision du 8 juin 2012 et souligne que lors de l’audience devant le tribunal, les décisions du 16 mai et du 8 juin 2012 ne sont pas mentionnées et s’en remet à la note du 26 septembre 2012 quant à la démarche suivie par la CSST.
[111] Le 24 octobre 2012, l’employeur demande à la CSST de rendre une nouvelle décision confirmant une rechute, récidive ou aggravation du 25 octobre 2011 avec le diagnostic d’épisode dépressif majeur sévère avec mélancolie.
[112] Le 31 octobre 2012, la CSST répond à la lettre du 24 octobre 2012 et rappelle qu’une décision a déjà été rendue le 8 juin 2012. Dans cette réponse, la CSST explique que sa position administrative est justifiée par le fait que la décision du tribunal a été rendue alors que les diagnostics de syndrome douloureux et trouble d’adaptation devenu épisode dépressif majeur étaient encore actifs et ont été acceptés et reconnus par la suite.
[113] Le 1er novembre 2012, l’employeur conteste la décision rendue le 26 septembre 2012 tandis que le 19 novembre 2012, il conteste la décision rendue le 19 octobre 2012. Le 30 novembre 2012, l’employeur conteste la décision du 31 octobre 2012.
[114] Le 18 décembre 2012, l’employeur demande à la CSST de tenir compte d’une condition personnelle du point de vue psychologique et physique afin d’ajuster l’imputation du coût des prestations de la lésion en conséquence. Il allègue que cette condition qui dévie de la norme biomédicale a prolongé la période de consolidation et a été un facteur qui a contribué au développement de la lésion.
[115] Le 21 décembre 2012, la CSST déclare irrecevable la demande de révision du 1er novembre 2012 et déclare qu’elle est justifiée de refuser de reconsidérer la décision du 8 juin 2012.
[116] Le 3 janvier 2013, la CSST déclare irrecevable la demande de révision du 30 novembre 2012.
[117] Le 2 avril 2013, madame Rioux produit un second rapport des interventions effectuées en psychothérapie.
[118] Le 19 juin 2013, le médecin du service médical de la CSST demande au docteur Sirois de revoir à nouveau le travailleur afin d’évaluer si ce dernier a atteint un plateau thérapeutique et d’évaluer aussi s’il conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[119] Le 11 juillet 2013, le docteur Sirois produit son rapport et confirme que la lésion n’est pas encore consolidée. Au niveau des antécédents, il souligne qu’ils sont absents avant la lésion professionnelle.
[120] Le 29 août 2013, le tribunal rend une décision[5] qui déclare que le syndrome de douleur chronique cervical n’est pas en relation avec l’événement du 13 août 2009 et déclare que le diagnostic d’épisode dépressif majeur sévère avec mélancolie n’est pas en relation avec l’événement du 13 août 2009.
[121] Le 17 octobre 2013, la CSST rend une décision pour confirmer que l’employeur n’a pas démontré que le travailleur présentait un handicap lorsque sa lésion professionnelle s’est manifestée. Cette décision est contestée par l’employeur le 12 novembre 2013.
[122] Le 21 octobre 2013, la CSST rend une décision pour refuser le transfert d’imputation demandé le 3 octobre 2012. Cette décision est contestée par l’employeur le 18 novembre 2013.
[123] Les contestations du 12 et du 18 novembre 2013 donnent lieu à la décision en révision administrative du 2 décembre 2013 dont est saisi le tribunal dans la présente affaire.
[124] Le 11 novembre 2013, la CSST rend une décision pour refuser de déterminer à nouveau l’imputation du coût des prestations. Cette décision est contestée par l’employeur le 9 décembre 2013. La contestation du 9 décembre 2013 donne lieu à la décision en révision administrative du 21 janvier 2014 dont est saisi le tribunal dans la présente affaire.
[125] Selon les faits de la présente affaire, le tribunal ne voit pas dans quelle mesure le délai pris par la CSST pour assurer le suivi du dossier pourrait en être un qui résulte de circonstances exceptionnelles, lesquelles peuvent briser le lien direct entre la lésion et l’imputation du coût des prestations versées[6].
[126] A cet effet, le tribunal doit faire sa propre analyse des faits selon le dossier tel que constitué puisque certains commentaires rapportés aux décisions déjà rendues par le tribunal n’ont pas été effectués dans le contexte de l’analyse du litige qui doit être décidé dans la présente affaire.
[127] La chronologie des faits démontre que la CSST a suivi d’une manière régulière le dossier en communiquant d’une manière périodique avec le médecin qui a charge et la représentante de l’employeur de l’époque.
[128] Après l’avis du docteur Grenier, membre du bureau d’évaluation médicale qui ne consolidait pas la lésion, il s’est écoulé 5 mois avant que l’employeur ne convoque le travailleur pour rencontrer le docteur Goulet.
[129] Par la suite, la CSST a fait les références qu’elles devaient faire en utilisant les services du médecin du service médical pour assurer le suivi des différentes investigations médicales en cours.
[130] Lorsque l’agent de la CSST reçoit en juillet 2011 la contestation de l’employeur concernant les aspects médicaux de la lésion, il consigne les informations complémentaires obtenues de la représentante de l’employeur et enclenche les procédures pour transmettre rapidement le dossier au bureau d’évaluation médical, le tout se faisant deux semaines plus tard.
[131] Le suivi régulier se poursuit par la suite avec les différentes contestations et décisions rendues.
[132] Il est donc inexact de prétendre que le délai administratif pris par la CSST pour soumettre la demande de l’employeur au membre du bureau d’évaluation médicale représente une année et demie alors qu’il ne s’est écoulé que quelques semaines.
[133] Le délai allégué est imputable en grande partie aux démarches qui ont été prises par l’employeur pour préparer la contestation, convoquer le travailleur, le faire examiner et obtenir de la part du médecin qui à charge les informations médicales pour compléter le processus de contestation.
[134] Aussi, le tribunal a eu à se prononcer à différentes reprises en cours d’évolution de la lésion et la décision rendue le 17 août 2012 campe les droits des parties en ce qui a trait à la capacité du travailleur à exercer son emploi ainsi qu’au versement de l’indemnité de remplacement du revenu, le travailleur ayant droit à celle-ci jusqu’à la fin de la période prévue puisque le droit de retour au travail est expiré.
[135] La CSST confirme dans son argumentaire du 15 janvier 2015 et selon les documents déposés que l’indemnité de remplacement du revenu a été versée jusqu’au 25 octobre 2012, donnant ainsi suite à ce que le tribunal avait déclaré le 17 août 2012.
[136] Par ailleurs dans ces documents se retrouve également la confirmation que l’employeur n’est plus imputé pour les frais relatifs au dossier depuis le 31 mai 2010, respectant ainsi le sens des décisions rendues par le tribunal.
[137] La décision du tribunal du 29 août 2013 a mis également un terme d’une manière finale et irrévocable à tout ce qui demeurait flottant dans ce dossier.
[138] Le tribunal conçoit que le dossier s’est étendu dans le temps en raison de la difficulté à pouvoir circonscrire l’évolution de la lésion, mais il ne voit ni fautes, ni négligence et certainement pas de la malversation dans les actions prises par la CSST pour assurer la gestion du dossier.
[139] L’application de la loi ne peut certainement pas donner ouverture à une injustice comme le prévoit l’article 326 de la loi.[7]
[140] Le représentant de l’employeur se réfère à une affaire[8] qui présente des similitudes pour demander un transfert partiel du coût des prestations à compter de la date de la consolidation de la lésion professionnelle.
[141] Dans l’affaire citée précédemment, le tribunal a transféré le coût des prestations à compter de la date de la consolidation de la lésion qui était le 23 novembre 2009 en s’inspirant de l’affaire Supervac 2000[9] alors qu’une décision du tribunal avait déclaré que la travailleuse était capable d’exercer son emploi à compter du 9 février 2011 et qu’elle avait droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à cette date.
[142] Avec respect pour opinion contraire, le tribunal est plutôt d’avis que le premier alinéa de l’article 326 de la loi ne s’applique pas dans une situation comme celle de la présente affaire.
[143] Si le tribunal devait considérer que le coût des prestations versées après le 31 mai 2010 ne devrait pas l’être, ceci irait à l’encontre de la décision rendue par le tribunal le 17 août 2012 qui établit plutôt que l’indemnité de remplacement du revenu doit se poursuivre pour la période qui tient compte de l’expiration du droit de retour au travail.
[144] Cette décision qui revêt un caractère final et irrévocable a été rendue après que les parties aient eu l’occasion par un débat contradictoire de soumettre leurs positions respectives.
[145] Le tribunal ne peut corriger cette situation juridique qui établit les balises pour le versement de l’indemnité de remplacement du revenu associée étroitement à la lésion professionnelle et campe également ce qui doit être imputé financièrement à l’employeur.
[146] C’est la position qui a été retenue dans une autre affaire[10] accueillie dans le cadre d’une révision révocation alors qu’il a été décidé qu’en statuant sur l’imputation, le tribunal devait tenir compte du caractère final et irrévocable d’une autre décision rendue quant à la date à partir de laquelle un travailleur est capable d’exercer son emploi.
[147] Sans remettre en question qu’il arrive des situations qui justifient d’appliquer le premier alinéa de l’article 326 en raison des situations particulières décrites parce que celles-ci ne peuvent être associées directement à la lésion professionnelle reconnue, le tribunal conçoit mal qu’il doive retirer le coût des prestations qui font suite à une décision qui détermine la capacité d’un travailleur à reprendre son emploi et qui établit les balises pour l’extinction de son droit à l’indemnité de remplacement du revenu.
[148] Concernant la décision qui refuse de déterminer à nouveau l’imputation du coût des prestations, le tribunal considère qu’en refusant la demande de transfert alors qu’est pris en compte l’ensemble du dossier, le questionnement quant à la présence d’un fait essentiel n’a pas à être débattu plus à fond.
[149] En ce qui a trait à la demande de l’employeur pour reconnaître que l’article 329 de la loi devrait s’appliquer, voici ce que prévoit le législateur à ce sujet:
329. Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.
L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35.
[150] Le travailleur déjà handicapé au sens de l’article 329 de la loi est donc celui qui, avant la manifestation de la lésion professionnelle, présente une déficience physique ou psychique qui entraîne des effets sur la production de cette lésion ou sur ses conséquences[11].
[151] Cette démarche en deux temps est reprise de manière fortement majoritaire par le tribunal depuis de nombreuses années.
[152] Il en résulte que pour bénéficier du partage de coûts prévu à l’article 329 de la loi, l’employeur doit d’abord établir par une preuve prépondérante que le travailleur présentait une déficience physique ou psychique avant la survenance de la lésion.
[153] Selon la jurisprudence, une telle déficience est une perte de substance ou une altération d’une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique et correspond à une déviation par rapport à une norme biomédicale. Elle peut être congénitale ou acquise et peut exister à l’état latent sans s’être manifestée avant la survenance de la lésion. Cette déficience n’a pas besoin de s’être manifestée ou d’être connue ni même d’avoir affecté la capacité de travail ou personnelle du travailleur avant la manifestation de la lésion[12].
[154] Puis, l’employeur doit démontrer que la déficience a joué un rôle déterminant dans la production de la lésion ou sur ses conséquences. À cet égard, la jurisprudence[13] a établi certains critères permettant d’apprécier la relation entre la déficience et la production de la lésion ou ses conséquences.
[155] Les critères généralement retenus sont les suivants : la nature et la gravité du fait accidentel, le diagnostic initial de la lésion professionnelle, l’évolution du diagnostic et de la condition du travailleur, la compatibilité entre le plan de traitement prescrit et le diagnostic de la lésion professionnelle, la durée de la période de consolidation compte tenu de la nature de la lésion professionnelle, la gravité des conséquences de la lésion professionnelle et les opinions médicales à ce sujet.
[156] Aucun de ces critères n’est à lui seul déterminant, mais pris ensemble, ils permettent de se prononcer sur le bien-fondé de la demande de l’employeur.
[157] Dans la présente affaire, le représentant de l’employeur ne produit aucune preuve médicale et la documentation médicale versée au dossier ne permet pas non plus de conclure que le travailleur était porteur d’un handicap avant la manifestation de sa lésion professionnelle.
[158] Les antécédents rapportés par les docteurs Grenier, Goulet, Delisle et d’Anjou ne sont d’aucune utilité pour la présente affaire. Le seul problème personnel mentionné concerne une autre structure anatomique à savoir la cheville du travailleur.
[159] Quant au docteur Turcotte, médecin qui s’est prononcé au dossier sur l’aspect médical et qui a aussi témoigné lors de l’audience du 7 avril 2011, il relie les douleurs du travailleur à une condition personnelle d’impatience des membres supérieurs, mais ne fournit pas plus de renseignements pour expliquer en quoi cette condition pourrait constituer une déficience comme l’exige la jurisprudence du tribunal.
[160] Lorsque le tribunal a rendu sa décision le 29 août 2013, il a été établi que le syndrome de douleur chronique au niveau cervical qui a été retenu par le docteur Mac et qui a pu avoir un impact défavorable sur l’évolution de la lésion n’a finalement pas été reconnu en lien avec cette même lésion professionnelle. La CSST a tenu compte de cette orientation juridique pour retirer du dossier les coûts qui pouvaient être reliés à cette condition comme le démontrent les documents cités précédemment.
[161] Le représentant de l’employeur plaide que la longue période de consolidation pour une entorse cervicale sans séquelles permanentes qui résulte d’un événement banal aurait dû être consolidée à l’intérieur d’une période de 6 semaines.
[162] Le tribunal rappelle qu’une argumentation aussi savante et judicieuse ne remplacera jamais une analyse médicale telle qu’exigée par la jurisprudence et les règles du fardeau de la preuve en vigueur[14].
[163] Il revient à l’employeur de démontrer par une preuve factuelle et médicale, l’existence de la déficience et de ses effets.
[164] L’existence et la détermination d’un handicap ne peuvent simplement être déduites à la lecture de la documentation médicale puisque cela ira à l’encontre de la preuve prépondérante requise exigée par le tribunal[15].
[165] L’employeur plaide également que le travailleur a un problème de nature psychologique qui a influencé sur la période de consolidation.
[166] Encore une fois pour ce type de pathologie, il y a absence au dossier d’éléments démontrant que le travailleur était porteur de cette condition avant la manifestation de sa lésion professionnelle.
[167] Les expertises des docteurs Sirois et Lepage vont dans ce sens et la reconnaissance de ce type de lésion a été refusée en raison de l’absence de relation avec la lésion professionnelle reconnue et la CSST en a tenu compte comme exposer antérieurement pour retirer du dossier les coûts qui ne sont pas reliés à la lésion professionnelle afin d’appliquer les décisions rendues par le tribunal.
[168] En l’absence d’explications de nature médicale pour démontrer comment la condition psychologique du travailleur pourrait constituer un handicap, le tribunal ne peut faire ce lien lui-même selon la preuve déposé au dossier.
[169] Une prolongation anormale de la période de consolidation ne suffit pas, en soi, pour permettre de conclure que le travailleur était déjà handicapé. La période de consolidation ne doit pas être prise en considération qu'après qu'il a été établi que le travailleur était déjà handicapé, et seulement aux fins de déterminer s'il existe une relation entre ce handicap et la lésion professionnelle ou ses conséquences[16].
[170] Dans cette affaire, le représentant de l’employeur insiste particulièrement sur cet aspect du dépassement de la période de consolidation eu égard au type de lésion sans toutefois établir par une preuve médicale prépondérante que le travailleur était déjà handicapé avant la survenance de la lésion professionnelle reconnue.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 530483-05-1401
REJETTE la requête de Wal-mart Canada, l’employeur;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 2 décembre 2013 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’imputation du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie par le travailleur le 13 août 2009 demeure inchangée.
Dossier 533395-05-1402
REJETTE la requête de Wal-mart Canada, l’employeur;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 21 janvier 2014;
DÉCLARE que la CSST était justifiée de refuser de déterminer à nouveau l’imputation du coût des prestations de la lésion professionnelle du 13 août 2009.
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Michel-Claude Gagnon |
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Me André Leduc |
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André Leduc, Avocat |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Marily Larivière |
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Vigneault Thibodeau Bergeron |
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Représentante de la partie intéressée |
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[1] RLRQ, c. A-3.001.
[2] 2013 QCCLP 6341, requête en révision judiciaire rejetée 2014, QCCS 6379, requête pour permission d’appeler accueillie, 2015 QCCA 248.
[3] C.L.P. 418951-05-1009, 7 avril 2011, M. Allard.
[4] 2012 QCCLP 5300.
[5] 2013 QCCLP 6506.
[6] 2014 QCCLP 1033.
[7] 2012 QCCLP 5772.
[8] 2015 QCCLP 317.
[9] Précitée, note 2.
[10] Camions Lussicam Trans-Canada inc. et CSST, C.L.P. 456430-62B-1111, 10 juin 2013, J. David (révision accueillie).
[11] Municipalité Petite-Rivière St-François et CSST, [1999] C.L.P. 779.
[12] Voir notamment Municipalité Petite-Rivière St-François et CSST, précitée, note 9; Les entreprises Cara du Québec ltée, C.L.P. 396192-61-0912, 11 août 2010, D. Armand; Hydro-Québec (Gestion des invalidités du travail), C.L.P. 401530-61-1002, 12 octobre 2010, M. Cuddihy; Sécurité Kolossal inc., C.L.P. 345471-71-0804, 14 octobre 2010, S. Arcand.
[13] Centre hospitalier de Jonquière et CSST, C.L.P. 105971-02-9810, 13 janvier 2000, C. Racine.
[14] J.B. Deschamps (impressions Piché), C.L.P. 336958-31-0712, 3 novembre 2008, J.L. Rivard.
[15] Commission scolaire de la Seigneurie-des-Mille-Îles, C.L.P. 317697-64-0705, 14 août 2008, R. Daniel, (08LP-129).
[16] Arcand & Fils inc. et CSST, [1991] C.A.L.P. 699; C.H. Maisonneuve-Rosemont et Richemond-Frédérique, [1995] C.A.L.P. 1133; MacMillan Bathurst inc. et CSST, [1996] C.A.L.P. 393, révision rejetée, C.A.L.P. 64786-60-9412, 24 octobre 1996, L. Thibault, (J8-09-50); Sodexho Canada inc. et CSST, C.A.L.P. 68658-02-9504, 3 octobre 1996, R. Chartier, (J8-09-09); Auto Haulaway inc. et Ross, C.A.L.P. 61496-03-9408, 23 septembre 1996, M. Carignan, (J8-08-23).
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