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RECTIFICATION D’UNE DÉCISION
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[1] La Commission des lésions professionnelles a rendu le 17 février 2005, une décision dans le présent dossier;
[2] Cette décision contient une erreur d’écriture qu’il y a lieu de rectifier en vertu de l’article 429.55 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, L.R.Q., c. A-3.001;
[3] Au paragraphe 39, nous lisons :
[39] Les membres issus des associations de travailleurs et des associations d’employeurs sont d’avis que la preuve est prépondérante pour conclure que le syndrome du canal carpien gauche qu’a présenté le travailleur est relié aux risques particuliers de son travail.
[4] Alors que nous aurions dû lire à ce paragraphe :
[39] Les membres issus des associations de travailleurs et des associations d’employeurs sont d’avis que la preuve est prépondérante pour conclure que le syndrome du canal carpien droit qu’a présenté le travailleur est relié aux risques particuliers de son travail.
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Alain Vaillancourt |
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Commissaire |
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Marcel Ledoux |
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Représentant de la partie requérante |
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Gérald Corneau |
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GCO SANTÉ ET SÉCURITÉ INC. |
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Représentant de Hôtel des gouverneurs Place Dupuis |
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Me Jean-François Gilbert |
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GILBERT, AVOCATS |
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Représentant de Casino du Lac-Leamy
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Me Claude Martin HEENAN BLAIKIE |
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Représentant de Hôtel Reine Élizabeth |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Saint-Hyacinthe |
17 février 2005 |
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Région : |
Yamaska |
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Dossier : |
228847-62B-0403 |
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Dossier CSST : |
123846909 |
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Commissaire : |
Alain Vaillancourt |
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Membres : |
André Chagnon, associations d’employeurs |
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Lucy Mousseau, associations syndicales |
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Pierre-André Brassard |
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Partie requérante |
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et |
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Canadien Pacifique Château Champlain Casino du Lac-Leamy Hôtel des gouverneurs Place Dupuis Hôtel Ramada (fermé) Hôtel Reine Élizabeth Manoir des sables Manoir Rouville-Campbell
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Parties intéressées |
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[1] Le 8 mars 2004, monsieur Pierre-André Brassard (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), rendue le 22 janvier 2004 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 25 avril 2003 et déclare que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle le 20 septembre 2002 et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[3] Le travailleur est présent et représenté à l’audience du 9 février 2005 à Saint - Hyacinthe. Seul le Manoir Rouville-Campbell, une des parties intéressées, s’est présenté à l’audience.
[4] L’Hôtel Reine Élizabeth est absent à l’audience mais son représentant a soumis une argumentation écrite que la Commission des lésions professionnelles a pris en considération avant de rendre sa décision.
[5] Le représentant du Casino du Lac-Leamy (le Casino) a demandé le rejet de la requête du travailleur à son égard compte tenu d’une transaction intervenue entre le Casino et le travailleur. Il a également transmis une argumentation que la Commission des lésions professionnelles a pris en considération aux fins de rendre sa décision.
[6] Les autres employeurs, bien que dûment convoqués, ne se sont pas présentés à l’audience.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[7] Le travailleur demande de reconnaître que son syndrome du canal carpien bilatéral constitue une maladie professionnelle.
MOYEN PRÉALABLE
[8] À l’encontre de la contestation du travailleur, le Casino soulève que le travailleur a renoncé à tout recours ou réclamation, de quelque nature que ce soit, résultant de son emploi chez lui et qu’en conséquence la Commission des lésions professionnelles devrait rejeter l’appel du travailleur à son égard.
LES FAITS SUR LE MOYEN PRÉALABLE
[9] Le travailleur a travaillé comme sous-chef cuisinier de janvier 1996 à mai 2000 pour le Casino. Le 7 avril 2000, les parties signent un document intitulé transaction et quittance dont la Commission des lésions professionnelles trouve pertinent de rapporter les passages suivants :
…
Attendu que sans admission de responsabilité de part et d’autre, les parties ont convenu d’une entente dans le but de prévenir ou mettre fin à tout litige les opposant;
Les parties conviennent que :
1. Le préambule fait partie intégrante des présentes;
2. Pierre-André Brassard recevra son salaire régulier pour la semaine du 27 mars 2000 au 2 avril 2000;
3. Pierre-André Brassard recevra les indemnités de vacances qu’il a accumulées durant l’année de référence (1er avril 1999 au 31 mars 2000) pour la période s’échelonnant du 1er mai 2000 au 30 avril 2000;
4. Pierre-André Brassard recevra son salaire régulier pour la période s’échelonnant du 1er mai 2000 au 21 mai 2000;
5. Durant la période du 27 mars 2000 au 21 mai 2000, Pierre-André Brassard n’a pas à fournir une prestation de travail au Casino de Hull;
6. La fin d’emploi officielle de Pierre-André Brassard est effective en date du 21 mai 2000;
7. La fin d’emploi de Pierre-André Brassard est de nature administrative;
8. Pierre-André Brassard recevra une indemnité supplémentaire correspondante à huit (8) semaines de salaire régulier. Le versement sera fait le 1er juin 2000;
9. Resto-Casino Inc. remet une lettre de référence à Pierre-André Brassard dont copie est jointe à la présente transaction;
10. Pierre-André Brassard reconnaît de plus que les sommes qui précèdent comprennent en particulier toute somme ou indemnité pouvant lui être due à titre de préavis de fin d’emploi, délai congé, salaire, vacances, congés, avantages sociaux, ou autre dommage de quelque nature que ce soit, en vertu de quelque loi, contrat, promesse, politique, réglementation, décret ou pratique de quelque nature que ce soit, ou autrement;
11. Conséquemment, Pierre-André Brassard donne quittance complète, finale et définitive à Resto-Casino inc., de même qu’à leurs administrateurs, officiers et employés, leurs héritiers, successeurs, compagnie liées et ayant droit respectifs, quant à tout recours, réclamation, demande, plainte, action ou droit d’action, de quelque nature que ce soit, résultant de son emploi ou de la fin de son emploi en date du 21 mai 2000;
12. Resto-Casino inc. donne également Pierre-André Brassard, ses héritiers, exécuteurs testamentaires et ayants droit, quittance complète, finale et définitive quant à tout recours, réclamation, demande, plainte, action ou droit d’action, de quelque nature que ce soit, résultant de sa relation d’emploi avec Pierre-André Brassard ou de la fin de ladite relation d’emploi en date du 21 mai 2000;
13. La présente transaction constitue une transaction selon les termes des articles 2631 et suivants du Code civil du Québec, et lie les parties, leurs héritiers, successeurs et ayants droit.
[10] La preuve soumise à l’audience révèle qu’au moment où le travailleur a signé cette transaction il n’éprouvait pas de symptômes aux poignets, lesquels ne sont apparus qu’à l’été 2003 et se sont intensifiés à l’automne 2003.
L’AVIS DES MEMBRES SUR LE MOYEN PRÉALABLE
[11] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de retenir le moyen préalable soulevé par le Casino. En raison de la transaction qu’il a signée, le travailleur ne peut faire valoir le travail qu’il a exercé au Casino comme étant en cause dans sa maladie professionnelle.
[12] Le membre issu des associations syndicales est d’avis de rejeter le moyen préalable soulevé par le Casino car la transaction ne pouvait viser un droit qui n’était pas né au moment où elle a été conclue car la loi est d’ordre public.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LE MOYEN PRÉALABLE
[13] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la transaction et quittance signée par le travailleur le 7 avril 2000 peut être interprétée comme contenant une renonciation du travailleur à formuler, dans le futur, une réclamation pour lésion professionnelle impliquant le Casino.
[14] Tout d’abord, il est utile de rappeler que la Commission des lésions professionnelles peut décider du moyen préalable soulevé par l’employeur car en vertu de l’article 377 de la loi, elle a compétence pour décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l’exercice de sa compétence.
377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.
Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.
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1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.
[15] Dans le présent cas, la Commission des lésions professionnelles est compétente pour décider si la transaction et quittance qu’il a signée le 7 avril 2000 empêche le travailleur de mettre en cause le travail qu’il a exercé au Casino pour faire reconnaître sa maladie professionnelle.
[16] Les parties s’opposent sur la portée et les conséquences de l’entente.
[17] L’employeur soutient qu’en raison des clauses 10, 11 et 13 de la transaction, la Commission des lésions professionnelles devrait décider qu’elle est sans compétence pour se prononcer sur l’existence d’une maladie professionnelle qui serait survenue chez lui.
[18] Par contre, le travailleur prétend que la situation qui prévalait en l’an 2000 est différente de celle de 2004, que le droit n’était pas né et actuel au moment où le travailleur a signé la transaction et qu’il serait contraire à l’ordre public que de considérer que la transaction dispose de son droit à prétendre à une maladie professionnelle au Casino. De plus, le travailleur soutient qu’il ne réclame rien au casino et que son recours ne le concerne pas directement, il vise plutôt la décision de la CSST.
[19] Selon la jurisprudence[2], c’est l’employeur qui a le fardeau de la preuve dans le présent cas, vu que c’est lui qui oppose la transaction à titre de moyen d’irrecevabilité du litige. Or, après avoir considéré la preuve documentaire et les prétentions des parties, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le Casino n’a pas satisfait à son fardeau de preuve.
[20] Contrairement à l’affaire Savaria et Bell Hélicoptère Textron[3], déposée par le représentant du Casino, il appert que dans le présent cas, le droit du travailleur n’était pas né ou actuel au moment où la transaction a été signée. Or, c’est lorsque le droit est né et actuel que les parties peuvent transiger sur des droits ou obligations qui leurs sont échus en vertu de la loi qui est d’ordre public.
[21] De plus, compte tenu de l’ensemble de la transaction, laquelle porte essentiellement sur la terminaison du lien d’emploi, la Commission des lésions professionnelles ne peut se convaincre qu’il faille interpréter l’expression « Pierre-André Brassard donne quittance complète, finale et définitive à Resto-Casino inc., de même qu’à leurs administrateurs, officiers et employés, leurs héritiers, successeurs, compagnie liées et ayant droit respectifs, quant à tout recours, réclamation, demande, plainte, action ou droit d’action, de quelque nature que ce soit, résultant de son emploi ou de la fin de son emploi en date du 21 mai 2000 » à une renonciation du travailleur à se voir reconnaître, comme lésion professionnelle, une maladie qui ne s’était pas encore manifestée.
[22] De toute façon, dans un cas comme en l’espèce, le bénéfice du doute doit bénéficier au travailleur tel que cela a été établi dans l’affaire Morneau et Dana (Div. Magog Plant Drive Train)[4] où le commissaire Gagnon s’exprime ainsi sur la question :
[37] Est-il utile de rappeler que la loi est une loi publique de protection qui vise, par son article 1, la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour un bénéficiaire, en l’occurrence un travailleur. Il faut donc interpréter, de manière large et libérale, tout différend qui aurait pour conséquence d’hypothéquer les droits de ce travailleur, en vertu de cette loi à caractère social. En cas de doute, le bénéfice doit être accordé à la partie qui a le plus à perdre, en l’occurrence le travailleur...
[23] De ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles rejette le moyen préalable soulevé par le Casino.
LES FAITS
[24] Le 10 mars 2003, à l’âge de 36 ans, le travailleur soumet une réclamation à la CSST visant à faire reconnaître sa lésion de syndrome du canal carpien droit pour laquelle il vient de subir une décompression le 7 mars 2003.
[25] Le travailleur était suivi pour cette condition par le Dr Simard depuis le 2 octobre 2002 et les engourdissements à la main droite avaient débuté à l’été et s’étaient aggravés depuis le mois de septembre 2002.
[26] Un électromyogramme, effectué le 9 décembre 2002, avait mis en évidence un syndrome du canal carpien bilatéral d’intensité modérée à sévère. Le neurologue proposait alors une chirurgie de décompression aux deux poignets « surtout si le patient veut continuer à faire un travail manuel ». Le neurologue suggérait au médecin de s’assurer qu’il n’y avait pas d’autres facteurs de risque en cause, tels le diabète ou l’hypothyroïdie.
[27] La preuve soumise à l’audience révèle que le travailleur n’a pas passé de tests pour vérifier s’il était atteint de l’une ou l’autre de ces maladies faute de temps, dit-il. Quoiqu’il en soit, à sa connaissance, il n’a pas de problèmes de santé.
[28] Le travailleur a été référé au Dr Daigle, orthopédiste, qui a diagnostiqué un syndrome du canal carpien à droite et l’a opéré pour cette condition. Le médecin a consolidé la lésion le 4 mai 2003 et complété un Rapport d’évaluation médicale dans lequel il pose un diagnostic de syndrome du canal carpien bilatéral. Il y mentionne également qu’après la chirurgie les symptômes à la main droite se sont résolus et qu’il y a eu amélioration à la main gauche, ce que confirme le travailleur à l’audience.
[29] Le médecin indique que le travailleur pourrait éventuellement bénéficier d’une décompression à gauche. Il ne suggère pas de limitations fonctionnelles mais accorde un déficit anatomo-physiologique de 3% (1% à droite et 1% à gauche pour un électromyogramme positif sans séquelles fonctionnelles ainsi que 1% pour la bilatéralité).
[30] Le travailleur attribue son syndrome du canal carpien bilatéral aux tâches qu’il a exercées dans les cuisines de restaurant depuis 1987.
[31] Son Curriculum vitae révèle qu’il a travaillé pour sept employeurs différents et qu’il a occupé des fonctions de premier cuisinier, sous-chef, sous-chef exécutif et chef exécutif.
[32] Le travailleur déclare que toutes ces fonctions exigeaient de nombreuses heures de travail de fait, il déclare qu’il travaille au moins 60 à 70 heures par semaine depuis 1990. Il déclare également que peu importe la fonction occupée, il a toujours effectué un travail impliquant les deux mains.
[33] Il attribue sa lésion à la main droite principalement à son outil de travail, un couteau, qu’il utilise pour dépecer et découper la viande et couper les légumes. Il mentionne qu’il utilise et a toujours utilisé son couteau un total de 6 à 8 heures par jour.
[34] Le travailleur mime la façon dont il saisit son couteau. Il le tient par le manche avec les trois derniers doigts et il pince la lame entre le pouce et l’index. Il mime des mouvements répétés de déviations du poignet et de légers mouvements de flexion et d’extension du poignet. Il soumet que tous ces mouvements s’effectuent avec effort.
[35] À l’occasion, particulièrement lorsqu’il désosse la viande, il tient le couteau comme un poignard et mime alors des mouvements du poignet dans tous les axes.
[36] De plus, il est en preuve que le travailleur utilise couramment une pince pour saisir les aliments ce qui implique un mouvement de cisaillement des doigts contre résistance.
[37] Le travailleur déclare que sa main gauche est également sollicitée car elle est utilisée pour stabiliser les légumes ou la viande. Elle est également sollicitée lors de la mise en place ou lorsqu’il manipule les assiettes. Il mime des mouvements de préhension des doigts et des mouvements de déviation et de flexion ou d’extension du poignet gauche.
[38] Le travailleur attribue également sa lésion à la manipulation et au transport occasionnel, mais quotidien, d’objets lourds à deux mains tels des chaudrons ou des poches de légumes.
L’AVIS DES MEMBRES
[39] Les membres issus des associations de travailleurs et des associations d’employeurs sont d’avis que la preuve est prépondérante pour conclure que le syndrome du canal carpien gauche qu’a présenté le travailleur est relié aux risques particuliers de son travail.
[40] Le membre issu des associations d’employeurs ne reconnaîtrait pas le syndrome du canal carpien gauche car d’une part, la preuve révèle que les symptômes sont disparus même si le travailleur poursuit le même travail et que d’autre part, la preuve est insuffisante pour conclure que le travail expose le travailleur à des risques de nature à provoquer un syndrome du canal carpien à ce poignet.
[41] Le membre issu des associations syndicales est d’avis de reconnaître le syndrome du canal carpien gauche en raison des nombreux mouvements de préhension que doit effectuer le travailleur de cette main.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[42] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle. La lésion professionnelle est ainsi définie à l’article 2 de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[43] Dans le présent cas, le travailleur prétend qu’il est atteint d’une maladie professionnelle, un syndrome du canal carpien bilatéral.
[44] Le diagnostic de syndrome du canal carpien n’est pas mentionné à l’annexe l de la loi de sorte que le travailleur ne peut bénéficier de la présomption de lésion professionnelle prévue à l’article 29 de la loi. Dans un tel cas, le travailleur doit démontrer que sa maladie est caractéristique de son travail ou qu’elle est reliée aux risques particuliers de celui-ci tel que le prévoit l’article 30 de la loi :
30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
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1985, c. 6, a. 30.
[45] La preuve soumise par le travailleur visait à démontrer que sa maladie était reliée aux risques particuliers de son travail.
[46] Un syndrome du canal carpien est une pathologie qui peut être causée par diverses maladies. D’ailleurs, le neurologue a suggéré au médecin du travailleur de lui faire passer des tests pour éliminer la possibilité que son syndrome du canal carpien soit attribuable à une pathologie systémique ou un état de santé particulier. Le travailleur n’a pas passé ces tests mais il a témoigné qu’il ne souffrait pas à sa connaissance de l’une des maladies que le neurologue suggérait d’éliminer. Cela constitue une preuve prépondérante et suffisante pour convaincre la Commission des lésions professionnelles que le travailleur ne souffre pas d’une maladie personnelle susceptible d’avoir causé son syndrome du canal carpien. Le travailleur n'a pas à présenter les résultats de tests de laboratoire ou une attestation de son médecin pour convaincre la Commission des lésions professionnelles qu’il ne présente pas une maladie donnée.
[47] Il est aussi connu que le syndrome du canal carpien est une condition qui est souvent sans étiologie, de sorte que le caractère professionnel doit être démontré de façon prépondérante d’autant que la condition est bilatérale ce qui est souvent un indice de condition personnelle.
[48] Dans le présent cas, la preuve est prépondérante pour conclure que le travail qu’a effectué le travailleur depuis 1987 implique des sollicitations musculo-squelettiques qui ont entraîné sa maladie.
[49] Dans sa décision rendue en révision administrative la CSST identifie les facteurs de risque susceptibles d’entraîner un syndrome du canal carpien :
Quant à sa causalité professionnelle, tant la littérature médicale que la jurisprudence identifient les mouvements répétitifs de flexion ou d’extension extrême du poignet, de déviation radiale ou cubitale répétée ou continue du poignet, des mouvements de préhension répétés d’objets avec pinces digitales, des mouvements de préhension pleine main. Les principaux facteurs de risque reliés au travail sont la posture, la force et la répétition ainsi que l’exposition au froid et aux vibrations segmentaires.
[50] Dans l’affaire Bouffard et Restaurant Le Charbon[5] la Commission des lésions professionnelles a procédé à une analyse de la jurisprudence et a identifié sensiblement les mêmes facteurs de risque :
[31] Pour la causalité professionnelle du syndrome du canal carpien, la jurisprudence[6] identifie les mouvements répétitifs de flexion ou d’extension complète du poignet, de déviation radiale ou cubitale répétée ou continue du poignet, des mouvements de préhension répétés d’objets avec pinces digitales, des mouvements de préhension pleine main et des mouvements de préhension forcés et prolongés de la main.
[51] La preuve révèle que depuis 1987, le travailleur exerce un travail bi-manuel et ce, plusieurs heures par jour.
[52] Dans le présent cas, la preuve révèle que le travailleur effectue depuis plusieurs années et ce plusieurs heures par jour et uniquement lorsqu’il utilise son couteau, des mouvements répétitifs de déviation du poignet droit, des mouvements de préhension forcés et prolongés des 3 derniers doigts de la main droite et des mouvements de préhension prolongés avec pince des deux premiers doigts.
[53] La preuve révèle que les sollicitations sont différentes du côté gauche mais que le travail sollicite également le poignet et la main gauches, de façon moindre que le côté droit, mais de façon suffisamment importante et suffisante pour avoir entraîné la maladie du travailleur. Le travail implique des mouvements de préhension prolongés de la main gauche accompagnés de flexion des doigts lorsque le travailleur tient les aliments qu’il coupe de la main droite. De même, les autres tâches telles la mise en place ou la manipulation des assiettes entraînent des mouvements de préhension répétés et forcés avec pince digitale ainsi que des mouvements répétés de déviation et de flexion ou d’extension du poignet gauche.
[54] De ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles conclut qu’il y a un lien probable entre le syndrome du canal carpien bilatéral du travailleur et le travail qu’il exerce depuis 1987.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en irrecevabilité de Casino du Lac-Lemay;
ACCUEILLE la requête de monsieur Pierre-André Brassard, le travailleur;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 22 janvier 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 20 septembre 2002 et qu’il a droit aux prestations prévues à la loi pour son syndrome du canal carpien bilatéral.
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Alain Vaillancourt |
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Commissaire |
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Marcel Ledoux |
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Représentant de la partie requérante |
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Gérald Corneau |
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GCO SANTÉ ET SÉCURITÉ INC. |
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Représentant de Hôtel des gouverneurs Place Dupuis |
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Me Jean-François Gilbert |
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GILBERT, AVOCATS |
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Représentant de Casino du Lac-Leamy
Me Claude Martin HEENAN BLAIKIE Représentant de Hôtel Reine Élizabeth |
[1] L.R.Q., c.A-3.001
[2] Morneau et Dana (Div.
Magog Plant Drive Train), C.L.P. 110069-05-9902, 00-11-
[3] C.L.P. 169363-64-0109, 7 juillet 2003, T. Demers
[4] Précitée, note 2
[5] C.L.P.
217502-32-0309, 21 janvier
[6] Claveau
& Provigo et CSST-Saguenay-Lac-St-Jean, CLP 117214-02-9905, 9 février
2000, P. Simard; Gouin & Les
Industries P.P.D. inc., CLP 128103-05-9912, 6 avril
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.