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[1] Le 2 septembre 2005, la travailleuse, madame Caterina Bella, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 16 août 2005 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST en maintient une autre initialement rendue le 30 juin 2005 qui en corrige une autre rendue le 23 juin 2005 pour modifier la date de suspension du versement à madame Bella d’une indemnité de remplacement du revenu à partir du 15 juin 2005 plutôt que du 18 mai 2005 parce que celle-ci n’est pas disponible pour élaborer son plan de réadaptation.
[3] Une audience est tenue à Montréal le 17 octobre 2005. Madame Bella et son procureur sont présents. L’employeur prévient qu’il ne se présentera pas.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Madame Bella demande que la CSST ne suspende pas le versement de son indemnité pendant toute la durée de son absence parce qu’elle a un motif raisonnable à faire valoir pour justifier sa non-disponibilité à l’élaboration de son plan de réadaptation.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales rejetteraient la requête de madame Bella parce qu’elle n’a pas de motifs valables qui justifient qu’elle s’absente jusqu’au 20 août 2005.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] L’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit :
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :
1° si le bénéficiaire:
a) fournit des renseignements inexacts;
b) refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;
2° si le travailleur, sans raison valable:
a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;
b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;
c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;
d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;
e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;
f) omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274.
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1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
[7] Les faits démontrent que madame Bella est à l’emploi de Joseph Ribkoff inc. depuis un an lorsqu’elle allègue être victime d’une lésion professionnelle le 17 février 2003.
[8] Elle est couturière et âgée de 56 ans.
[9] Un Bureau d’évaluation médicale tenu le 7 février 2005 retient les diagnostics suivants : tendinite moyen fessier droit, blocage sacro-iliaque droit, maladie lombaire dégénérative (condition personnelle). Ces lésions sont consolidées le 2 novembre 2004 avec une atteinte permanente de 2,2 % et des limitations fonctionnelles.
[10] La décision qui donne suite à l’avis rendu par le Bureau d’évaluation médicale est devenue finale et lie donc la Commission des lésions professionnelles.
[11] Madame Bella est admise dans un programme de réadaptation offert par la CSST, compte tenu des séquelles laissées par la lésion subie qui l’empêchent d’occuper son emploi de couturière.
[12] Le 19 mai 2005, elle transmet l’avis suivant à la CSST :
La présente et pour certifie que Mme Caterina Bella elle ait au chevet de sa mère en Italie car elle trait malade, elle parti le 18 mai 2005 pour l’Italie pour 3 mois. Nous vous faisons parvenir le rapport médical du Dr Évelyne Huglo et le rapport de physio de la clinique de Physiothérapie Universelle de Lasalle.
[sic]
[13] Le représentant de madame Bella affirme avoir communiqué avec son agent à la CSST pour l’informer de ce voyage dès le mois de mars 2005. Le dossier ne contient aucune note à cet effet.
[14] Le dossier contient un certificat du docteur É. Huglo du 16 mai 2005 attestant que la mère de madame Bella souffre d’un décollement de la rétine et de cécité et qu’elle a besoin d’une intervention urgente.
[15] Le dossier contient aussi un billet d’avion confirmant que madame Bella s’est envolée vers l’Italie le 18 mai 2005. À l’audience, elle confirme être revenue au Canada le 20 août 2005.
[16] Le départ n’est donc pas précipité; il s’agit plutôt d’un voyage planifié et il aurait été facile de prévenir la CSST.
[17] Le conseiller en réadaptation responsable du dossier de madame Bella note le 20 juin 2005 :
Considérant que nous avons procédé avec mme Bella à l’évaluation des possibilités de retour au travail chez son employeur;
Considérant que nous avons été informé par son représentant dans une lettre datée du 19 mai 2005 et reçu le 26 mai 2005 que madame avait quitté le pays le 18 mai, pour 3 mois, pour se rendre en Italie pour des raisons personnelles, et sans obtenir d’autorisation préalable de la CSST;
Considérant que nous devons poursuivre le processus de réadaptation; soit l’exploration des possibilités professionnelles, suite à son admission en réadaptation le 13 juin 2005;
Considérant que madame n’est pas disponible pour poursuivre ce processus;
Considérant qu’après vérification auprès du BM, la présence auprès de sa mère suite à une telle opération ne devrait être requise que pour 1 semaine pour ce type de condition.
Nous suspendons l’IRR en vertu de l’art. 142.1b) et d) à partir du 14 juin 2005.
[sic]
[18] Madame Bella déclare à l’audience que lorsqu’elle arrive en Italie, sa mère est sortie de l’hôpital la veille; elle vient d’y passer deux semaines à la suite de ce qui semble être un accident cérébrovasculaire.
[19] À cause de cet accident, elle ne peut subir l’intervention projetée.
[20] Madame Bella reste tout de même auprès de sa mère jusqu’au 20 août 2005 parce que sa mère est déprimée, car elle ne voit plus.
[21] La mère de madame Bella a 78 ans; elle habite avec son mari qui a 84 ans. Le frère de madame Bella habite à proximité et visite souvent ses parents.
[22] Lorsque madame Bella quitte en août 2005, les services d’une aide ont été retenus.
[23] La Commission des lésions professionnelles doit donc décider si les motifs invoqués par madame Bella pour justifier sa non-disponibilité du 18 mai au 20 août 2005 sont raisonnables.
[24] La Commission des lésions professionnelles constate d’abord que la raison invoquée par madame Bella pour justifier son absence n’est pas celle pour laquelle elle s’absente.
[25] En effet, sa mère ne subit pas l’intervention prévue, en raison d’un autre problème de santé qui nécessite une hospitalisation de deux semaines, terminée lorsque madame Bella arrive en Italie.
[26] Madame Bella reste auprès de sa mère pendant trois mois. Lorsqu’elle revient en août 2005, les services d’une aide ont été retenus.
[27] Comment se justifie la période de trois mois de non-disponibilité?
[28] Ce délai a été fixé unilatéralement par madame Bella, sans le consentement préalable de la CSST et lorsqu’elle rentre en août 2005, sa mère est encore aveugle et les autres conditions n’ont pas changé.
[29] Pourquoi les services d’une aide n’ont-ils été retenus qu’en août 2005? La preuve ne démontre pas qu’il a été impossible de trouver cette aide plus rapidement.
[30] Mis à part le désir fort légitime de madame Bella de rester auprès de sa mère, la preuve ne démontre pas de motif qui justifie cette absence de trois mois.
[31] Pourquoi trois mois? Pourquoi pas six mois ou un mois et demi? Quelle est la limite?
[32] Faut-il rappeler que la CSST a besoin de la collaboration du travailleur pour mettre en œuvre un programme individualisé de réadaptation? Quitter le pays sans préavis ni consentement de la CSST est contraire à cet objectif. Cela équivaut à nier l’obligation pour le travailleur d’être disponible et à mettre la CSST devant un fait accompli sur lequel elle n’a pas de contrôle.
[33] Madame Bella demande en plus à la CSST de continuer à lui verser une indemnité pendant son absence, ce qui est totalement contraire à l’objectif poursuivi.
[34] La CSST a accordé à madame Bella la période du 18 mai au 15 juin 2005, ce qui apparaît raisonnable pour que sa mère récupère et que le fonctionnement de la vie de ses parents soit organisé.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de la travailleuse, madame Caterina Bella;
CONFIRME la décision rendue le 16 août 2005 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est bien fondée de suspendre le versement à madame Bella d’une indemnité de remplacement du revenu à compter du 15 juin 2005 jusqu’à son retour.
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Yolande Lemire |
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Commissaire |
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Yvon Parent |
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CENTRE PROF. YVON PARENT CONSULTANT |
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Représentant de la partie requérante |
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