Blouin et CHUQ (Pav. St-Fr. D'Assise-SST) |
2007 QCCLP 1086 |
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[1] Le 17 février 2006, M. Denis Blouin, le travailleur, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 8 février 2006 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2]
Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la plainte déposée par
le travailleur en vertu de l’article
[3] Une audience est tenue le 18 septembre 2006 à Québec à laquelle assistent le travailleur et son représentant de même que le C.H.U.Q. (Pav. St-Fr. D’Assise-SST), l’employeur, dûment représenté.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4]
Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de
déclarer que la plainte logée en vertu de l’article
L’AVIS DES MEMBRES
[5]
Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des
associations d'employeurs sont d’avis que, conformément aux articles
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6]
La Commission des lésions professionnelles doit se prononcer sur le bien-fondé
de la plainte logée par le travailleur en vertu de l’article
[7] Les articles pertinents à la solution de ce litige sont les suivants :
32. L'employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la présente loi.
Le travailleur qui croit avoir été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l'article 253.
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1985, c. 6, a. 32.
235. Le travailleur qui s'absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle :
1° continue d'accumuler de l'ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable et du service continu au sens de cette convention et au sens de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1);
2° continue de participer aux régimes de retraite et d'assurances offerts dans l'établissement, pourvu qu'il paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, auquel cas son employeur assume la sienne.
Le présent article s'applique au travailleur jusqu'à l'expiration du délai prévu par le paragraphe 1° ou 2°, selon le cas, du premier alinéa de l'article 240.
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1985, c. 6, a. 235.
239. Le travailleur qui demeure incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle et qui devient capable d'exercer un emploi convenable a droit d'occuper le premier emploi convenable qui devient disponible dans un établissement de son employeur.
Le droit conféré par le premier alinéa s'exerce sous réserve des règles relatives à l'ancienneté prévues par la convention collective applicable au travailleur.
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1985, c. 6, a. 239.
242. Le travailleur qui réintègre son emploi ou un emploi équivalent a droit de recevoir le salaire et les avantages aux mêmes taux et conditions que ceux dont il bénéficierait s'il avait continué à exercer son emploi pendant son absence.
Le travailleur qui occupe un emploi convenable a droit de recevoir le salaire et les avantages liés à cet emploi, en tenant compte de l'ancienneté et du service continu qu'il a accumulés.
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1985, c. 6, a. 242.
[8] Aux fins de la présente, les parties, référant à la décision rendue par la CSST, admettent ce qui suit en faisant les correctifs et adaptations nécessaires suivantes :
« Par un accord intervenu à la Commission des lésions professionnelles, en date du 15 février 1999 et entériné par la commissaire Ginette Godin, dans sa décision du 23 mars 1999, les parties convenaient de ce qui suit (pièce T-1) :
- Le 15 février 1991, le travailleur a subi une lésion professionnelle, soit une entorse à la cheville droite, reconnue par la CSST dans le dossier portant le numéro 100360783;
- Le 5 juillet 1991, le travailleur a subi une lésion professionnelle, soit une entorse à la cheville droite, reconnue par la CSST dans le dossier portant le numéro 101461580;
- Le 22 mai 1997, le travailleur s’est infligé une entorse à la cheville droite, telle qu’il appert de l’attestation médicale du docteur Légaré. Ce diagnostic est accepté par la CSST en relation avec l’accident du travail survenu le 22 mai 1997;
- Le travailleur retourne à son travail régulier le 26 mai 1997;
- Le 18 septembre 1997, le docteur Pierre Du Tremblay, médecin traitant du travailleur, émet un rapport médical faisant état d’un diagnostic d’ostéochondrite de l’astragale droite post-entorse pour lequel une arthrotomie fut effectuée le 24 octobre 1997;
- Les parties s’en remettent à l’opinion médicale du docteur Du Tremblay, médecin traitant du travailleur datée du 19 février 1999, déposée au soutien des présentes, et reconnaissent que l’ostéochondrite de l’astragale droite diagnostiquée le 18 septembre 1997 est secondaire à des traumatismes en inversion au niveau de la cheville et donc post-traumatique des entorses à répétition subies par le travailleur les 15 février 1991 et 5 juillet 1991. [sic]
De plus, les conclusions recherchés par les parties et accueillies par la commissaire se lisaient comme suit :
ACCUEILLIR la contestation du travailleur monsieur Denis Blouin;
INFIRMER la décision rendue le 23 juin 1998 par la CSST à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARER que le travailleur a subi le 18 septembre 1997 une rechute, récidive ou aggravation des lésions professionnelles du 5 février 1991 (100360783) et du 5 juillet 1991 (101461580);
DÉCLARER que le travailleur a droit aux prestations prévues par la loi. »
Au moment de sa lésion professionnelle, en date du 22 mai 1997, le travailleur exerçait la fonction d’infirmier-auxiliaire au CHUQ, pavillon de St-François.
« Au cours du mois de décembre 1997, le CHUQ et trois syndicats représentant des infirmières auxiliaires ont convenu par entente des modalités de recyclage pour un groupe d’infirmières auxiliaires compte tenu, entre autres, du désir des parties et de ces personnes salariées de travailler comme infirmières (pièce T-2).
Dans une correspondance de M. François Gamache de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de Québec, adressée à Mme Nathaly Ruel, du département des mouvements de main d’œuvre du CHUQ, ce dernier confirmait l’inscription de certaines personnes, dont celle du travailleur, sur la liste de replacement du service régional de main d’œuvre, et ce, en date du 18 janvier 1998. Ledit programme de recyclage s’est échelonné du 20 janvier 1998 au 9 juin 2000 (pièce T-2).
« Avant le début du programme de recyclage, le travailleur était au maximum de l’échelle des infirmières auxiliaires, soit 670,63 $ (taux horaire de 18,50 $) pour un temps complet (groupe 325 : 36,25 heures/semaine) et à la fin du programme, il fut intégré dans l’échelle salariale des infirmières au quatrième échelon (pièces T-3 et T-4).
Le 5 juillet 2000, il y a eut réactivation de la symptomatologie de la lésion du travailleur qui fut consolidée en date du 26 novembre 2001 avec une atteinte permanente ainsi que l’aggravation des limitations fonctionnelles déjà existantes. Par la suite, la Commission, en date du 12 mars 2002, émettait la décision à l’effet que le travailleur pouvait bénéficier du programme de la réadaptation professionnelle (pièce T-5).
Puis, le 25 juillet 2003, la Commission déterminait à titre d’emploi convenable celui d’infirmier en santé communautaire. À cet effet, le travailleur fut autorisé à s’inscrire à un certificat universitaire en santé communautaire à l’Université Laval afin de lui permettre d’exercer l’emploi convenable déterminé (pièce T-6). Cependant, ce certificat ne fut jamais complété. »
En juillet 2004, lors de son retour au travail, l’employeur rémunère le travailleur au taux horaire de 20,80 $ (754,00 $ par semaine), soit au 4e échelon des infirmières (pièce T-7).
Puis, en date du 28 août 2004, la Commission déterminait comme emploi convenable le poste d’infirmier en toxicologie (pièce T-12).
« Pour terminer, le travailleur signe une plainte en vertu
de l’article
[9] Aux fins de la présente, il y a également lieu de référer aux dispositions de la convention collective pertinentes au présent cas relativement à la rémunération, à l’ancienneté et à l’avancement dans les échelles de salaire, soit aux articles 31.01, 31.02 et 32.11, lesquels se lisent comme suit :
31.01 Rémunération
L’infirmière-auxiliaire, l’infirmière certifiée, la garde-bébé ou la puéricultrice devenue infirmière reçoit dans son nouveau titre d’emploi, le salaire prévu à l’échelle de ce titre d’emploi immédiatement supérieur à celui qu’elle recevait dans le titre d’emploi qu’elle quitte. Aux fins de salaire seulement, elle est alors réputée posséder comme infirmière le nombre d’années d’expérience correspondant à sa situation dans l’échelle de salaire de l’infirmière.
31.02 Ancienneté
La salariée ainsi recyclée se voit reconnaître, à l’obtention d’un poste dans un titre d’emploi prévu à la présente convention collective, la totalité de l’ancienneté acquise dans l’unité d’accréditation à laquelle elle appartenait. Aux fins de son replacement dans un poste d’un titre d’emploi prévu à la présente convention collective, l’infirmière-auxiliaire, l’infirmière certifiée, la garde-bébé ou la puéricultrice recyclée dans le cadre du régime de sécurité d’emploi se voit reconnaître son ancienneté conformément aux dispositions dudit régime.
32.11 Avancement dans les échelles de salaire
Si le nombre d’échelons de l’échelle le permet, à chaque fois qu’une salariée complète une année d’expérience, elle est portée à l’échelon supérieur à celui qu’elle détient. […]
[10] Le 13 décembre 2000, le Service des ressources humaines chez l’employeur complète un formulaire « Changements au dossier de l’employé » sur lequel on y précise que le travailleur est classé dans le corps d’emploi # 2471, soit celui d’infirmier ou d’infirmière à l’échelon 4 dont la date d’application est le 15 septembre 2000. À la section « Remarques » du document on y précise que le travailleur devient infirmier autorisé au 15 septembre 2000 et qu’il doit être payé rétroactivement à partir de cette date.
[11] Dans son témoignage, le travailleur explique que dans le cadre d’une entente particulière entre les parties syndicales et l’employeur, il s’est porté volontaire pour suivre le cours de recyclage en techniques infirmières. Au cours de cette période de formation, son employeur lui verse le salaire comme si il exerçait son travail d’infirmier-auxiliaire. La formation prenant fin le 9 juin 2000, il travaille alors comme candidat à la profession d’infirmier à titre d’aide-infirmier sous la supervision d’une infirmière licenciée. À cette époque, il n’est pas affecté à un poste de travail spécifique et il bénéficie des dispositions de la convention collective pour la sécurité d’emploi.
[12] Il réfère au document produit par le Service des ressources humaines en décembre 2000, selon lequel l’employeur a procédé, en décembre 2000, à la révision de son salaire rétroactivement au 15 septembre 2000. Il souligne que cette révision salariale fait suite à l’information voulant qu’il a réussi l’examen fait en septembre 2006 pour l’obtention de son droit de pratique d’infirmier, de sorte que l’employeur décide de l’intégrer dans ce corps d’emploi avec le salaire correspondant à l’échelon 4.
[13]
La Commission des lésions professionnelles souligne que, conformément à
l’article
[14]
Quant à l’article
[15] En effet, il ressort de la preuve que l’employeur reclassifie le travailleur en décembre 2000 dans un poste d’infirmier et l’intègre à l’échelon 4 rétroactivement au 15 septembre 2000.
[16] Le travailleur, absent pour une lésion professionnelle depuis juillet 2000, reprend le travail chez l’employeur en août 2004. Il occupe l’emploi convenable retenu et disponible chez son employeur, soit celui d’infirmier en toxicologie. Sa classification acquise depuis septembre 2000 dans le corps d’emploi d’infirmier demeure inchangée. Son salaire correspond également à l’échelon 4 qui lui avait été reconnu par l’employeur en 2000.
[17]
Or, la Commission des lésions professionnelles estime que, conformément
au 2e alinéa de l’article
[18] Ainsi, en appliquant le principe énoncé à l’article 242 au moment du retour au travail, il faut créer une fiction pour que le travailleur se retrouve, lors de son retour au travail, dans une situation similaire à celle où il se serait retrouvé s’il ne s’était pas absenté en raison d’une lésion professionnelle. Pour se faire, il faut nécessairement considérer des heures non travaillées comme étant des heures travaillées dans son emploi, aux fins de calculer le salaire et les avantagés liés à son emploi convenable auxquels le travailleur a droit à son retour au travail. Conclure autrement irait à l’encontre de l’objectif recherché par le législateur et c’est, par conséquent, cette interprétation que la Commission des lésions professionnelles doit retenir[3].
[19] Ainsi, nonobstant son absence pour une lésion professionnelle, les heures travaillées à titre d’infirmier depuis septembre 2000 lui aurait certes permis d’accéder, au fil du temps, à un échelon supérieur selon la progression prévue à la convention collective.
[20]
Il y a donc lieu de conclure que l’employeur a imposé une sanction
contraire à l’article
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de M. Denis Blouin;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 8 février 2006 à la suite d’une révision administrative;
ORDONNE au C.H.U.Q. (Pav. St-Fr. D’assise-SST) de rémunérer M. Denis Blouin selon l’échelle 8 pour tenir compte de la période d’absence du travail comme étant des heures travaillées;
RÉSERVE sa compétence, s’il y a lieu, pour déterminer le quantum du salaire à verser à M. Denis Blouin.
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HÉLÈNE THÉRIAULT |
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Commissaire |
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Me Sophie Cloutier |
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GRONDIN, POUDRIER, BERNIER |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Danielle Gauthier |
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HEENAN BLAIKIE |
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Représentante de la partie intéressée |
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