Dufour et Robert Bury cie ltée |
2011 QCCLP 7711 |
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Dossier 383065-63-0907
[1] Le 6 juillet 2009, monsieur Martin Dufour (le travailleur) dépose auprès de la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 28 mai 2009, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme deux décisions qu’elle a initialement rendues le 18 mars 2009 et le 3 avril 2009. La CSST déclare que le travailleur a la capacité d’exercer l’emploi convenable de préposé à l’entrepôt chez son employeur, à compter du 17 mars 2009. La CSST déclare également qu’elle est justifiée de refuser de reconsidérer une décision qu’elle a initialement rendue le 4 août 2008 concernant la base salariale du travailleur.
Dossier 388815-63-0909
[3] Le 15 septembre 2009, le travailleur dépose auprès de la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 10 septembre 2009, à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision du travailleur d’un avis de paiement émis le 4 août 2008 parce qu’elle a été produite hors délai et qu’aucun motif raisonnable n’a été démontré pour relever le travailleur de son défaut.
Dossier 392918-63-0911
[5] Le 2 novembre 2009, le travailleur dépose auprès de la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 27 octobre 2009, à la suite d’une révision administrative.
[6] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 5 octobre 2009 et elle déclare que le travailleur est tenu d’accomplir l’assignation temporaire proposée par l’employeur à compter du 21 septembre 2009.
[7] Une audience est tenue à Joliette le 12 octobre 2011 à laquelle assistent l’employeur, le travailleur et leurs représentants respectifs. La CSST est intervenue dans le dossier portant le numéro 383065-63-0907 et elle a avisé le tribunal de son absence à l’audience.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 383065-63-0907
[8] Le travailleur se désiste de sa contestation concernant sa capacité d’exercer l’emploi convenable de préposé à l’entrepôt chez son employeur à compter du 17 mars 2009. Quant à l’autre litige de la décision contestée, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) de déclarer que la base salariale qui doit servir au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu s’établit sur le revenu brut annuel de 45 056,18 $.
Dossier 388815-63-0909
[9] Le travailleur demande au tribunal de déclarer qu’il avait un motif raisonnable pour le relever de son défaut de contester l’avis de paiement du 4 août 2008 dans le délai prévu par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et que le montant de l’indemnité de remplacement du revenu doit être établi sur le revenu brut annuel de 52 288,72 $.
Dossier 392918-63-0911
[10] Le travailleur demande au tribunal d’infirmer la décision rendue par la CSST le 27 octobre 2009 et de déclarer qu’il n’était pas tenu de faire l’assignation temporaire proposée par son employeur à compter du 21 septembre 2009.
L’AVIS DES MEMBRES
[11] Conformément aux dispositions de l’article 429.50 de la loi, le soussigné a obtenu l’avis des membres qui ont siégé auprès de lui sur la question faisant l’objet de la présente contestation.
[12] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que le tribunal devrait accueillir en partie les requêtes du travailleur. Dans un premier temps, l’employeur a admis à l’audience qu’il avait fait une erreur sur la déclaration du revenu brut annuel du travailleur. Donc, il s’agit d’un fait essentiel qui donne ouverture à la reconsidération de la base salariale qui devant servir au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur.
[13] Dans un second temps, les membres sont d’avis que la décision rendue par la CSST le 10 septembre 2009, à la suite d’une révision administrative, devient sans objet puisqu’elle vise le même objet que la décision précédente et ils sont d’avis que le tribunal doit accueillir la requête du travailleur sur la question de la base salariale qui doit servir au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu.
[14] Par ailleurs, les membres sont d’avis que le tribunal devrait accueillir la contestation du travailleur concernant l’assignation temporaire proposée par son employeur à compter du 21 septembre 2009. Le travailleur n’était pas tenu de faire cette assignation puisqu’il la contestait selon la procédure prévue par la loi. Par ailleurs, cette assignation temporaire n’est plus valide puisqu’elle n’est plus autorisée par le médecin qui a charge du travailleur en date de la présente décision.
LES FAITS
[15] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST était justifiée ou non de refuser de reconsidérer l’avis de paiement qu’elle a émis le 4 août 2008. Le cas échéant, le tribunal doit décider quel est le revenu brut annuel devant servir de base au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur.
[16] S’il y a lieu, le tribunal doit décider si le travailleur a un motif raisonnable pour le relever de son défaut de contester l’avis de paiement du 4 août 2008 dans le délai prévu par la loi et, le cas échéant, quel est le revenu brut annuel devant servir au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu.
[17] Le tribunal doit également décider si le travailleur était tenu d’accomplir l’assignation temporaire proposée par son employeur à compter du 21 septembre 2009.
[18] De l’ensemble de la preuve au dossier constitué par la CSST ainsi que celle présentée à l’audience, le tribunal retient les éléments suivants.
[19] Le travailleur est camionneur pour l’employeur. Le 3 juillet 2008, il subit un accident du travail. Ce jour-là, alors qu’il circule avec son camion remorque sur une route secondaire, il voit quatre à cinq automobiles venir en sens inverse. Il est un peu avant un pont et remarque une auto qui effectue un dépassement, mais qui ne revient pas dans sa voie. Il fait donc une manœuvre d’évitement en tassant son camion sur l’accotement, mais l’automobile le suit dans sa trajectoire et percute son camion. Il s’agit d’un face à face. Le travailleur n’est pas blessé physiquement. Il sort de son camion pour aller voir l’état de la personne impliquée dans l’autre véhicule. Il se retrouve devant une personne décédée qui a la tête pratiquement arrachée. D’autres personnes circulant sur la route viennent voir ce qui se passe. Deux d’entre elles sont reparties en ambulance en raison d’un traumatisme psychologique.
[20] Le travailleur a complété le formulaire d’usage pour une réclamation à la CSST le 7 juillet 2008. L’employeur a complété le formulaire Avis de l’employeur et demande de remboursement le 18 juillet 2008. Sur ce dernier formulaire, l’employeur a inscrit un montant de 40 560 $ à titre de salaire annuel brut pour les 12 derniers mois.
[21] Le 30 juillet 2008, la CSST rend une décision par laquelle elle accepte la réclamation du travailleur pour l’accident du travail du 3 juillet 2008. La CSST déclare que le travailleur a subi une lésion professionnelle pour laquelle il est suivi pour un stress post-traumatique.
[22] La lésion est consolidée le 3 février 2009 avec une atteinte permanente à l’intégrité psychique de 5 % et des limitations fonctionnelles, soit de ne plus conduire de camion.
[23] Les notes évolutives au dossier, datées du 4 février 2009, font état d’une conversation entre le travailleur et l’agente de la CSST au dossier. Le travailleur manifeste ses inquiétudes concernant un éventuel emploi convenable de préposé à l’entrepôt chez l’employeur et il craint d’être mis à pied prochainement parce que son salaire est plus élevé que celui que reçoit habituellement un préposé à l’entrepôt. Les mêmes notes évolutives font état des éléments suivants :
(T) se pose des questions sur sa base salariale, il dit qu’il faisait (plus ou moins) 52000$/an. Je vérifie au dossier et l’(E) nous a indiqué sur l’ADR le revenu des 12 derniers mois. Je lui explique que le délai de contestation est expiré et que nous ne pouvons changer cette base.
Il peut toujours nous faire parvenir une lettre de contestation mais la R.A. devrait lui donner la même raison.
[24] Le 18 mars 2009, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que le travailleur a la capacité d’exercer l’emploi convenable de préposé à l’entrepôt chez son employeur à compter du 17 mars 2009 au revenu annuel de 38 500 $ et que l’indemnité de remplacement du revenu a pris fin le 23 janvier 2009, puisque l’emploi est disponible et que le travailleur l’occupe.
[25] Le 24 mars 2009, maître Sophie Mongeon, alors représentante du travailleur, transmet une correspondance à la CSST dans laquelle elle demande une reconsidération de la base salariale du travailleur. Elle joint à sa demande des avis de cotisation de Revenu Québec qui font état d’un revenu annuel d’emploi de 52 288,72 $ pour l’année 2007 et de 49 001,12 $ pour l’année 2006.
[26] Le 3 avril 2009, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse de reconsidérer l’avis de paiement du 4 août 2008. Cette décision sera maintenue en révision administrative le 28 mai 2009. Il s’agit de l’une des décisions en litige devant le tribunal.
[27] Le 27 août 2009, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 12 mai 2009, soit une récidive, rechute ou aggravation en relation avec l’événement du 3 juillet 2008. Cette lésion est consolidée le 27 octobre 2010 avec une atteinte permanente additionnelle à l’intégrité psychique de 10 % et des limitations fonctionnelles additionnelles, soit de ne plus travailler à proximité de chariot élévateur ou de camion en marche.
[28] Le 12 décembre 2010, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que le travailleur a la capacité d’exercer l’emploi convenable de manœuvre en terrassements et aménagements paysagers à compter du 14 décembre 2010 et que cet emploi pourra procurer au travailleur un revenu annuel de 25 006,34 $. Le travailleur a ainsi droit à une indemnité réduite de remplacement du revenu à compter du 13 décembre 2011, soit un montant de 7 331,53 $ par année.
[29] À l’audience, le représentant de l’employeur a admis qu’il y avait une erreur sur le formulaire Avis de l’employeur et demande de remboursement. L’employeur a déposé au dossier du tribunal un état des revenus bruts du travailleur pour les 12 mois précédant l’accident du travail, soit pour la période du 3 juillet 2007 au 3 juillet 2008. Ce document indique que les revenus bruts du travailleur pour cette période sont de 45 056,18 $.
[30] Le travailleur a témoigné à l’audience. Il a relaté les circonstances entourant sa réclamation à la CSST suite à son accident du 3 juillet 2008. Le 7 juillet 2008, il a signé le formulaire Réclamation du travailleur, mais ce n’est pas lui qui l’a complété. Le travailleur a affirmé que le formulaire Avis de l’employeur et demande de remboursement a été confectionné en son absence et qu’il n’a pas pu vérifier le montant inscrit comme revenu annuel.
[31] Le travailleur était très stressé suite à son accident du travail. Il recevait des traitements pour sa condition psychologique. Lorsqu’il a reçu son premier chèque de la CSST, il savait que l’indemnité serait moins élevée que sa rémunération habituelle, mais il n’était pas en mesure d’évaluer si le montant versé par la CSST correspondait à ce qu’il avait droit en vertu de la loi. Par ailleurs, le travailleur pensait que la CSST ne tenait pas compte des heures supplémentaires. Le travailleur avait égaré le premier Avis de paiement qu’il a reçu et il ne se souvient plus si celui-ci indiquait sur quelle base salariale la CSST établissait son calcul. Le travailleur croit que l’avis de paiement ne contenait pas d’indication voulant qu’il puisse en demander la révision dans les 30 jours.
[32] Par ailleurs, dans les semaines précédant la décision de la CSST concernant sa capacité d’exercer l’emploi convenable de préposé à l’entrepôt chez l’employeur à un salaire moindre, le travailleur s’est interrogé sur les calculs effectués par la CSST et il a fait des vérifications auprès de son agente au dossier. C’est à ce moment qu’il a réalisé que la CSST a effectué ses calculs en se basant sur le salaire déclaré par l’employeur sur le formulaire d’usage et que ce montant ne tenait pas compte des heures supplémentaires qu’il a effectuées au cours des 12 mois précédant l’accident du travail du 3 juillet 2008.
[33] À ce stade, le tribunal a en main toute la preuve utile pour disposer des litiges dans les présents dossiers.
LA BASE SALARIALE
[34] L’article 365 énonce ce qui suit :
365. La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle-ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.
Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les personnes à qui elle a notifié cette décision.
Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX.
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1985, c. 6, a. 365; 1992, c. 11, a. 36; 1996, c. 70, a. 43; 1997, c. 27, a. 21.
[35] Le deuxième alinéa de l’article 365 de la loi permet au travailleur de demander à la CSST de reconsidérer l’avis de paiement du 4 août 2008. Le travailleur a le fardeau de démontrer que cette décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel et que sa demande de reconsidération a été présentée dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.
[36] Dans le présent dossier, la CSST a effectué le calcul de l’indemnité de remplacement du revenu en se basant sur les informations contenues au formulaire Avis de l’employeur et demande de remboursement, lesquelles avaient été fournies par l’employeur sur la base du contrat de travail du travailleur chez l’employeur au moment de l’accident. Ce montant ne tenait pas compte du salaire réellement gagné par le travailleur au cours des 12 mois précédant l’accident du travail. Par ailleurs, l’employeur a admis à l’audience qu’il avait fait une erreur sur le montant déclaré. Après vérification, le revenu brut du travailleur au cours des 12 mois précédant l’accident du travail du 3 juillet 2008 est de 45 056,18 $.
[37] La preuve démontre que le travailleur n’a pas pu vérifier le montant indiqué par l’employeur dans le formulaire prescrit puisqu’il a été confectionné en son absence et qu’il a été transmis à la CSST sans qu’il puisse valider les montants inscrits. Le travailleur a égaré l’Avis de paiement du 4 août 2008 et il ne se souvient pas si cet avis faisait mention du revenu brut qui a servi à établir l’indemnité de remplacement du revenu.
[38] Le 4 février 2009, en effectuant des vérifications auprès de la CSST, le travailleur constate que l’employeur n’a pas indiqué sur le formulaire d’usage le revenu brut réel qu’il a tiré de son emploi au cours des 12 mois précédant sa lésion professionnelle. Puisque le travailleur est informé verbalement que son délai de contestation est « expiré », il consulte une avocate peu de temps après. Le 24 mars 2009, la représentante du travailleur dépose une demande de reconsidération auprès de la CSST. Le 19 août 2009, le travailleur dépose auprès de la CSST une demande de révision de l’Avis de paiement du 4 août 2008.
[39] La CSST a refusé de reconsidérer la base salariale du travailleur pour le motif qu’au moment où elle a émis le premier chèque, le travailleur avait en sa possession ses rapports d’impôt des années 2006 et 2007 et il ne les a pas présentés.
[40] Le travailleur savait ce qu’il a gagné dans les années précédant sa réclamation à la CSST, mais il ignorait si la CSST disposait de cette information et de quelle façon elle établissait l’indemnité de remplacement du revenu.
[41] À première vue, le travailleur a manqué de vigilance dans le suivi de son dossier. S’il avait pris soin de faire les vérifications utiles dès la réception du premier chèque de la CSST, il aurait pu demander des corrections à ce moment. Toutefois, plusieurs éléments expliquent le comportement du travailleur. Dans un premier temps, celui-ci a été suivi pour un stress post-traumatique. Le tribunal en déduit que cet état psychologique pouvait affecter sa vigilance, en particulier dans la période contemporaine à l’événement du 3 juillet 2008. Le travailleur ignorait par ailleurs le salaire annuel brut que l’employeur avait déclaré à la CSST.
[42] C’est dans le cours du processus de réadaptation que le travailleur a réalisé que la base salariale utilisée par la CSST ne correspondait pas à ses revenus réels. Le tribunal est d’avis qu’il ne fait pas de doute que le revenu brut annuel du travailleur constitue un fait essentiel au sens de l’article 365 de la loi.
[43] Le tribunal est aussi d’avis qu’il a été porté à la connaissance du travailleur que la CSST n’utilisait pas la bonne base salariale que le 4 février 2009, soit au moment où il a communiqué avec l’agente de la CSST au dossier afin de faire des vérifications. La demande de reconsidération du travailleur a été déposée à la CSST le 24 mars 2009, soit dans les 90 jours de sa connaissance de l’erreur de l’employeur.
[44] Le travailleur a été victime d’une erreur commise de bonne foi par l’employeur puisque celui-ci n’a pas inscrit le bon montant dans le formulaire prescrit. De l’avis du soussigné, il serait contraire à l’équité et au mérite réel du cas soumis[2] que de conclure à la perte des droits du travailleur en raison de l’erreur commise par son employeur. Dans les circonstances, la CSST aurait dû reconnaître l’existence d’un fait essentiel et modifier la base du revenu brut du travailleur en s’appuyant sur le 2e alinéa de l’article 365 de la loi[3].
[45] Puisque le tribunal conclut que la CSST devait reconsidérer la base salariale du travailleur pour le calcul de l’indemnité de remplacement du revenu, il n’y a pas lieu d’analyser la contestation du travailleur de la décision rendue par la CSST le 10 septembre 2009, à la suite d’une révision administrative. Cette contestation du travailleur visait la même finalité que sa contestation de la décision de la CSST refusant de reconsidérer l’Avis de paiement du 4 août 2008. Cette contestation devient donc sans objet.
[46] Les revenus bruts du travailleur au cours des 12 mois précédant sa lésion professionnelle sont de 45 056,18 $ et c’est ce montant qui doit servir au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur.
L’assignation temporaire
[47] Le tribunal doit maintenant décider si le travailleur était tenu d’accomplir l’assignation temporaire proposée par son employeur et autorisée par son médecin le 17 septembre 2009.
[48] Les articles 179 et 180 de la loi se lisent comme suit :
179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que :
1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;
2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et
3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.
Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.
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1985, c. 6, a. 179.
180. L'employeur verse au travailleur qui fait le travail qu'il lui assigne temporairement le salaire et les avantages liés à l'emploi que ce travailleur occupait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle et dont il bénéficierait s'il avait continué à l'exercer.
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1985, c. 6, a. 180.
[49] Le 17 septembre 2009, le docteur Alain Boudrias, médecin qui a charge du travailleur, a autorisé une assignation temporaire du travailleur pour deux semaines à compter du 21 septembre 2009. Le travailleur devait occuper un poste de préposé à l’entrepôt sans la conduite de chariot élévateur. Le dossier constitué de la CSST ne contient aucune indication voulant que le médecin du travailleur ait maintenu l’assignation temporaire après les deux semaines autorisées.
[50] Un travailleur qui n’est pas d’accord avec son médecin quant à sa capacité d’effectuer l’assignation temporaire peut se prévaloir de la procédure prévue aux articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail[4]. Ces articles se lisent comme suit :
37. Si le travailleur croit qu'il n'est pas raisonnablement en mesure d'accomplir les tâches auxquelles il est affecté par l'employeur, il peut demander au comité de santé et de sécurité, ou à défaut de comité, au représentant à la prévention et à l'employeur d'examiner et de décider la question en consultation avec le médecin responsable des services de santé de l'établissement ou, à défaut de médecin responsable, avec le directeur de santé publique de la région où se trouve l'établissement.
Absence de comité.
S'il n'y a pas de comité ni de représentant à la prévention, le travailleur peut adresser sa demande directement à la Commission.
La Commission rend sa décision dans les 20 jours de la demande et cette décision a effet immédiatement, malgré une demande de révision.
1979, c. 63, a. 37; 1985, c. 6, a. 525; 1992, c. 21, a. 302; 2001, c. 60, a. 167.
Révision.
37.1. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue en vertu de l'article 37 peut, dans les 10 jours de sa notification, en demander la révision par la Commission conformément aux articles 358.1 à 358.5 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (chapitre A-3.001).
1985, c. 6, a. 525; 1997, c. 27, a. 37.
Procédure urgente.
37.2. La Commission doit procéder d'urgence sur une demande de révision faite en vertu de l'article 37.1.
La décision rendue par la Commission sur cette demande a effet immédiatement, malgré qu'elle soit contestée devant la Commission des lésions professionnelles.
1985, c. 6, a. 525; 1997, c. 27, a. 38.
Contestation.
37.3. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 37.1 peut, dans les 10 jours de sa notification, la contester devant la Commission des lésions professionnelles.
1985, c. 6, a. 525; 1992, c. 11, a. 48; 1997, c. 27, a. 39.
[51] Selon la preuve au dossier, il n’existe pas de comité de santé et de sécurité ni de représentant à la prévention chez l’employeur. Conformément à ce qui est prévu à l’article 37 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, le 22 septembre 2009, la représentante du travailleur s’est adressée directement à la CSST pour contester l’assignation temporaire.
[52] Le 5 octobre 2009, monsieur Michel Choquette, directeur en santé et sécurité du travail à la CSST, rend une décision dans laquelle il conclut que l’assignation temporaire proposée par l’employeur respecte les exigences de l’article 179 de la loi et que le travailleur est tenu d’exécuter les tâches prévues par cette assignation. Le 7 octobre 2009, le travailleur demande une révision de cette décision. Le 27 octobre 2009, la révision administrative de la CSST confirme cette décision et elle déclare que le travailleur est tenu d’accomplir l’assignation temporaire proposée par son employeur à compter du 21 septembre 2009. Le 2 novembre 2009, le travailleur dépose auprès de la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste cette décision.
[53] Le tribunal tient à préciser que tous les délais prévus par la procédure prescrite ont été respectés.
[54] Une assignation temporaire conforme à la loi doit être autorisée par le médecin qui a charge du travailleur et rencontrer les exigences prévues à l’article 179 de la loi qui sont les suivantes :
1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;
2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et
3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.
[55] Le travailleur n’a pas présenté de preuve permettant au tribunal de conclure qu’il n’était pas en mesure d’effectuer l’assignation temporaire proposée par l’employeur. Le dossier constitué de la CSST ne contient pas d’élément qui puisse amener le tribunal à conclure que l’assignation proposée par l’employeur ne rencontre pas les exigences de l’article 179 de la loi. Le tribunal doit donc conclure que le travailleur pouvait effectuer l’assignation temporaire proposée par son employeur.
[56] Le dernier alinéa de l’article 179 de la loi prévoit que le travailleur qui n’est pas d’accord avec son médecin et qui s’est prévalu de la procédure prévue à la Loi sur la santé et la sécurité du travail n’est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport de son médecin n’est pas confirmé par une décision finale. Le travailleur conserve ainsi son droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à la décision finale. En effet, le recours prévu à l’article 37 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail doit céder le pas au texte de l’article 179 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. L’article 179 indique la marche à suivre pour contester une assignation temporaire, mais il précise que « dans ce cas, il n’est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n’est pas confirmé par une décision finale. » C’est la présente décision qui doit être considérée « finale » au sens de l’article 179 de la loi.
[57] Le travailleur est, en principe, tenu de faire l’assignation temporaire proposée par son employeur et autorisée par son médecin, mais seulement à compter de la date de la présente décision. Le tribunal doit donc actualiser son appréciation de la validité de l’assignation temporaire proposée par l’employeur à la date de la présente décision.
[58] En date du 17 septembre 2009, le médecin du travailleur n’a autorisé l’assignation temporaire que pour deux semaines à compter du 21 septembre 2009 et il n’a pas renouvelé cette assignation par la suite. En date de la présente décision, l’assignation temporaire ne rencontre donc plus l’une des conditions essentielles à sa validité, soit l’autorisation du médecin qui a charge du travailleur. Le travailleur ne peut être tenu de faire une assignation temporaire qui n’existe plus.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 383065-63-0907
ACCUEILLE en partie la requête de monsieur Martin Dufour, le travailleur;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 28 mai 2009, à la suite d’une révision administrative;
PREND ACTE du désistement du travailleur concernant sa capacité d’exercer l’emploi convenable de préposé à l’entrepôt chez son employeur à compter du 17 mars 2009;
DÉCLARE que le revenu brut du travailleur devant servir au calcul de l’indemnité de remplacement du revenu, suite à la lésion professionnelle du 3 juillet 2008, est de 45 056,18 $;
Dossier 388815-63-0909
DÉCLARE sans objet la contestation de monsieur Martin Dufour, le travailleur;
DÉCLARE sans effet la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 10 septembre 2009, à la suite d’une révision administrative;
Dossier 392918-63-0911
ACCUEILLE la requête de monsieur Martin Dufour, le travailleur;
CONFIRME en partie la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 27 octobre 2009, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur est capable de faire l’assignation temporaire proposée par son employeur à compter du 21 septembre 2009 pour les deux semaines autorisées par son médecin;
et
DÉCLARE que le travailleur n’était pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur le 21 septembre 2009.
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Paul Champagne |
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Me Lysanne Dagenais |
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Avocate |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Christian Létourneau |
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Fraser Milner Casgrain |
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Représentant de la partie intéressée |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.