Bélanger et R.G. Phillips Group of compagnies |
2013 QCCLP 3416 |
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[1] Le 23 février 2012, monsieur François Bélanger (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 13 février 2012, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 20 décembre 2011. Elle déclare irrecevable la réclamation du travailleur puisqu’elle a été produite en dehors du délai prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et qu’aucun motif raisonnable ne fut présenté lui permettant de le relever de son défaut.
[3] Une audience se tient à Québec le 26 avril 2013. Le travailleur est présent et représenté. R.G. Phillips Group of Compagnies (l’employeur) est représentée. L’audience ne porte que sur la question du délai conformément à l’avis de convocation acheminé aux parties. La cause est mise en délibéré le même jour.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision rendue par la CSST le 13 février 2012 à la suite d’une révision administrative. Il demande d’être relevé de son défaut d’avoir agi dans le délai prévu à la loi. Il désire que sa réclamation soit déclarée recevable.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Conformément à l’article 429.50 de la loi, le soussigné a demandé et obtenu l’avis des membres qui ont siégé avec lui sur les questions faisant l’objet de la contestation ainsi que les motifs de cet avis.
[6] La membre issue des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la requête du travailleur devrait être accueillie.
[7] Selon eux, bien que la réclamation du travailleur soit tardive, il y a lieu d’appliquer les dispositions de l’article 352 de la loi et de le relever des conséquences de son défaut de respecter le délai imparti.
[8] À leur avis, le travailleur a fait la démonstration d’un motif raisonnable expliquant son retard. Par ailleurs, les membres sont d’avis que le travailleur n’a pas fait preuve de négligence eu égard aux faits particuliers du dossier.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[9] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la réclamation du travailleur déposée à la CSST le 29 novembre 2011 est recevable.
[10] Les articles 265 à 270 de la loi édictent ce qui suit :
265. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle ou, s'il est décédé ou empêché d'agir, son représentant, doit en aviser son supérieur immédiat, ou à défaut un autre représentant de l'employeur, avant de quitter l'établissement lorsqu'il en est capable, ou sinon dès que possible.
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1985, c. 6, a. 265; 1999, c. 40, a. 4.
266. Cet avis est suffisant s'il identifie correctement le travailleur et s'il décrit dans un langage ordinaire, l'endroit et les circonstances entourant la survenance de la lésion professionnelle.
L'employeur facilite au travailleur et à son représentant la communication de cet avis.
La Commission peut mettre à la disposition des employeurs et des travailleurs des formulaires à cette fin.
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1985, c. 6, a. 266.
267. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui le rend incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion doit remettre à son employeur l'attestation médicale prévue par l'article 199 .
Si aucun employeur n'est tenu de verser un salaire à ce travailleur en vertu de l'article 60, celui-ci remet cette attestation à la Commission.
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1985, c. 6, a. 267.
268. L'employeur tenu de verser un salaire en vertu de l'article 60 avise la Commission que le travailleur est incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée la lésion professionnelle et réclame par écrit le montant qui lui est remboursable en vertu de cet article.
L'avis de l'employeur et sa réclamation se font sur le formulaire prescrit par la Commission.
Ce formulaire porte notamment sur :
1° les nom et adresse du travailleur, de même que ses numéros d'assurance sociale et d'assurance maladie;
2° les nom et adresse de l'employeur et de son établissement, de même que le numéro attribué à chacun d'eux par la Commission;
3° la date du début de l'incapacité ou du décès du travailleur;
4° l'endroit et les circonstances de l'accident du travail, s'il y a lieu;
5° le revenu brut prévu par le contrat de travail du travailleur;
6° le montant dû en vertu de l'article 60 ;
7° les nom et adresse du professionnel de la santé que l'employeur désigne pour recevoir communication du dossier médical que la Commission possède au sujet du travailleur; et
8° si l'employeur conteste qu'il s'agit d'une lésion professionnelle ou la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion, les motifs de sa contestation.
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1985, c. 6, a. 268; 1999, c. 89, a. 53.
269. L'employeur transmet à la Commission le formulaire prévu par l'article 268, accompagné d'une copie de l'attestation médicale prévue par l'article 199, dans les deux jours suivant :
1° la date du retour au travail du travailleur, si celui-ci revient au travail dans les 14 jours complets suivant le début de son incapacité d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle; ou
2° les 14 jours complets suivant le début de l'incapacité du travailleur d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle, si le travailleur n'est pas revenu au travail à la fin de cette période.
Il remet au travailleur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.
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1985, c. 6, a. 269.
270. Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est incapable d'exercer son emploi pendant plus de 14 jours complets ou a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique ou, s'il décède de cette lésion, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la lésion ou du décès, selon le cas.
L'employeur assiste le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin.
Le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, remet à l'employeur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.
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1985, c. 6, a. 270.
[11] Il résulte de ces dispositions, qu’un travailleur victime d’une lésion professionnelle doit en aviser son supérieur immédiat avant de quitter l’établissement lorsqu’il en est capable, ou dès que possible.
[12] En outre, le travailleur incapable d’exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s’est manifestée sa lésion, doit remettre à son employeur l’attestation médicale prévue par l’article 199 de la loi. Dès ce moment, l’employeur doit aviser la CSST que le travailleur est incapable d’exercer son emploi et réclamer par écrit le montant qui lui est remboursable en vertu de l’article 60 de la loi. Cet avis de l’employeur se fait sur le formulaire prescrit par la CSST et est accompagné d’une copie de l’attestation médicale prévue par l’article 199 de la loi.
[13] Le travailleur doit par la suite produire sa réclamation à la CSST dans un délai de six mois de la survenance de la lésion. L’employeur doit assister le travailleur dans la rédaction de sa réclamation à la CSST et lui fournir les informations requises à cette fin.
[14] En l’espèce, le travailleur, un manutentionnaire à l’emploi de l’employeur depuis 2008, a produit une réclamation à la CSST le 29 novembre 2011, pour un événement survenu le 8 mars 2011.
[15] Sa réclamation à la CSST est accompagnée de différents documents médicaux, dont l’attestation médicale requise par la loi, datée du 18 mars 2011, relativement à un événement survenu le 8 mars 2011. La médecin traitant, docteure Thibault, fait état d’une chute et d’une entorse du genou droit post-traumatique. Elle signe un arrêt de travail.
[16] Le travailleur produit par ailleurs un rapport final de la médecin traitant recommandant un retour au travail régulier à compter du 25 avril 2011. Le dossier démontre que le travailleur a par ailleurs consulté le 29 septembre 2011 puisqu’il éprouve toujours des douleurs sous la rotule depuis sa chute.
[17] Lors de cette consultation médicale, la médecin traitant prescrit des anti-inflammatoires non stéroïdiens et formule une demande de résonance magnétique du genou droit. Cet examen pratiqué le 1er novembre 2011 révèle la présence d’une rupture partielle du ligament croisé antérieur et une déchirure du ménisque interne. C’est pourquoi, la médecin traitant signe un arrêt de travail à compter du 28 novembre 2011.
[18] Le 29 novembre 2011, le travailleur se présente à la CSST pour déposer le rapport médical du 28 novembre 2011. La CSST l’informe alors qu’elle n’a pas de dossier ouvert à son nom.
[19] Le 19 décembre 2011, l’agent d’indemnisation de la CSST communique avec le travailleur aux fins de colliger les informations relatives à l’admissibilité de la lésion. Le travailleur l’informe alors avoir remis l’attestation médicale prévue à la loi. Il indique que l’employeur a continué de lui payer son salaire normalement pendant une période de plus de six semaines, jusqu’à ce qu’il revienne au travail.
[20] L’agent d’indemnisation communique alors avec un représentant de l’employeur. Il consigne la note évolutive suivante au dossier de la CSST :
J’explique à l’E qu’une ADR devait être complétée pour la période des 14 premiers jours d’arrêt au mois de mars. L’E me dit que ses patrons ne voulaient pas faire ouvrir de dossier à la CSST et payer tout simplement le T durant son arrêt.
M. Savard me demande ce qu’il doit faire à l’avenir pour ne pas pénaliser les T car il dit se sentir mal dans la situation. J’explique les démarches et je lui mentionne que c’est important de sensibiliser les T à compléter les documents pour faire ouvrir leurs dossiers.
[21] Le 20 décembre 2011, la CSST refuse la réclamation produite parce qu’elle estime que le travailleur a produit sa réclamation en dehors des délais prévus à la loi et qu’il n’a pas présenté de motif raisonnable pour justifier son retard.
[22] Le 9 janvier 2012, le travailleur conteste cette décision. Il indique avoir informé immédiatement son employeur de l’accident. Il mentionne par ailleurs que le directeur des opérations de l’employeur lui a alors recommandé de quitter le travail et de se reposer pendant quelques jours. Il mentionne que l’employeur ne lui a alors pas proposé de compléter de documents se rapportant à son accident.
[23] Il indique qu’à la suite de chacune de ses visites médicales, il a remis la copie des documents médicaux à son employeur. Comme l’employeur continuait de le payer, il n’a pas cru bon vérifier auprès de la CSST pour savoir si son dossier y était ouvert.
[24] Le 25 janvier 2012, le directeur des opérations de l’employeur écrit une lettre à la CSST au regard du dossier du travailleur :
Bonjour. La présente est pour vous donner une explication de la situation. Monsieur Bélanger a subi un accident du travail le 8 mars 2011 et étant donné que le diagnostic médical n’annonçait rien de grave, nous lui avons versé son salaire régulier pendant son arrêt de travail jusqu’au 25 avril 2011. Par la suite monsieur Bélanger a eu des complications.
[25] Le 13 février 2012, la CSST confirme sa décision du 20 décembre 2011 à la suite d’une révision administrative, d’où le litige à la Commission des lésions professionnelles.
[26] Le 27 novembre 2012, la médecin traitant du travailleur écrit une lettre relatant le suivi médical du travailleur. Elle écrit ce qui suit :
M. Bélanger a eu un accident de travail le 8 mars 2011. Il a fait une chute de 10 pieds et a rebondi debout pour s’écraser sur ses deux genoux. Il a ressenti une douleur instantanée au genou D puis un gonflement articulaire a suivi.
M. Bélanger m’a consulté le 18 mars suivant avec un épanchement articulaire important.
Avec le repos, les anti-inflammatoires, le patient a présenté une amélioration satisfaisante avec un léger épanchement persistant. J’ai consolidé la lésion croyant que le tout allait continuer de s’améliorer. Cependant, à la reprise des activités régulières, il y a eu aggravation des symptômes.
J’ai fait passer de nouveaux examens dont la résonance magnétique en novembre 2011, qui a permis de préciser le diagnostic et d’orienter le patient vers un traitement chirurgical.
La lésion professionnelle ne pouvait donc pas être consolidée en avril 2011.
De plus, M. Bélanger a présent aussi un épanchement articulaire de son genou G, soit par surutilisation ou par suite de sa chute du 8 mars 2011. Une investigation supplémentaire serait souhaitable.
[27] À l’audience, le travailleur reprend essentiellement les éléments contenus dans sa lettre de contestation du 9 janvier 2012. Il indique avoir soumis l’attestation médicale requise par la loi et tous les rapports médicaux de consultation à son employeur, après chacune des consultations médicales. Il indique qu’il croyait que son employeur allait produire ses documents à la CSST.
[28] Il mentionne que son employeur ne lui a pas proposé de remplir de formulaire de réclamation et ne l’a pas non plus informé qu’il devait le faire. Il ajoute que lorsqu’il a quitté le travail peu après la survenance de son accident, son employeur lui a indiqué d’aller se reposer et qu’il s’occuperait de faire le nécessaire au regard de la lésion subie. Il mentionne être retourné au travail à la fin du mois d’avril 2011, mais avoir été incapable d’effectuer les tâches exigées.
[29] Sur les conseils de son employeur, il est alors retourné consulter son médecin traitant, lequel a requis un examen par résonance magnétique qui a révélé une déchirure du ménisque pour laquelle il fut mis en arrêt de travail à compter du 28 novembre 2011. Il indique n’avoir jamais effectué de demande à la CSST pour des accidents du travail antérieurs.
[30] Il mentionne qu’au cours des années 1990, son employeur d’alors l’avait dirigé vers des audiologistes pour une évaluation, laquelle avait donné lieu à une indemnisation de la CSST pour surdité professionnelle. Il ajoute que ce n’est toutefois pas lui qui avait amorcé la réclamation à la CSST.
[31] Il indique qu’entre le moment où il est revenu au travail à la fin du mois d’avril 2011 et sa réclamation à la CSST le 29 novembre 2011, il éprouvait des douleurs dans l’exécution de ses tâches. Il croyait toutefois que celles-ci s’estomperaient avec le temps. Lorsqu’il constate qu’il a de la difficulté à marcher, il se décide alors à consulter à nouveau le 29 septembre 2011. Il est par la suite informé par sa médecin traitant, le 28 novembre 2011, qu’il devra subir une chirurgie, ce qui l’amène à déposer sa réclamation.
[32] La contestation du travailleur est-elle bien fondée?
[33] Dans le présent dossier, il est manifeste que le dépôt de la réclamation du travailleur à la CSST effectué le 29 novembre 2011 survient après l’expiration du délai de six mois prescrit par la loi. Conséquemment, le tribunal conclut que la réclamation du travailleur est tardive. D’ailleurs, la représentante du travailleur admet ce fait.
[34] Elle prétend toutefois qu’il y a lieu d’appliquer les dispositions de l’article 352 de la loi et de relever le travailleur des conséquences de son défaut de respecter le délai prévu à l’article 270 de la loi.
[35] L’article 352 de la loi édicte ce qui suit :
352. La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.
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1985, c. 6, a. 352.
[36] Dans plusieurs affaires, le tribunal a circonscrit la notion de motif raisonnable. Ainsi, il appert que dans le cadre de son appréciation de cette notion, le tribunal doit considérer un ensemble de facteurs susceptibles d’indiquer, à partir des faits, des démarches, des comportements, de la conjoncture et des circonstances, si une personne a un motif non farfelu, crédible, faisant preuve de bon sens, de mesure et de réflexion[2], pour être relevé de son défaut.
[37] En l’espèce, le tribunal estime que le travailleur a démontré un tel motif.
[38] En effet, il résulte de l’ensemble de la preuve administrée que le travailleur a pu croire erronément que l’employeur avait acheminé à la CSST l’attestation médicale requise par la loi, délivrée le 18 mars 2011. Or, tel ne fut pas le cas.
[39] Le tribunal estime que le travailleur n’a pas été négligent en ne s’informant auprès de la CSST pour vérifier si l’employeur avait agi conformément à la loi. Il appert en effet qu’il a reçu son plein salaire pendant toute la durée de son absence entre le 8 mars 2011 et le 25 avril 2011. Il remettait en outre à son employeur chacun des rapports médicaux qu’il obtenait lors de ses visites médicales de suivi.
[40] Certes, il n’a pas consulté de médecin après le rapport final émis par sa médecin traitant le 25 avril 2011. Toutefois, il a clairement signifié à son employeur les difficultés qu’il éprouvait à exercer son travail. De plus, ce dernier n’exigeait pas qu’il remplisse chacune de ses tâches habituelles. En outre, le travailleur a indiqué qu’il espérait que la douleur s’estompe avec le temps.
[41] Dès qu’il a connu les résultats de l’examen par résonance magnétique passé le 1er novembre 2011 et qu’il a compris l’étendue et la nature de sa lésion, il a formulé sa réclamation à la CSST puisque sa médecin traitant le mettait alors en arrêt de travail.
[42] De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, c’est à ce moment que le travailleur avait un intérêt à présenter sa réclamation à la CSST puisque dorénavant il n’était plus en mesure d’effectuer ses tâches.
[43] Cette question de l’intérêt réel et actuel à soumettre une réclamation fut débattue dans une multitude de litiges, aux fins d’apprécier le motif raisonnable soumis par les travailleurs pour expliquer leur retard à produire une réclamation dans le délai de six mois prévu à la loi.
[44] Dans l’affaire Bonnenfant et Fondation Pétrifond Cie ltée et Géodex inc.[3], la Commission des lésions professionnelles analyse plusieurs décisions portant sur cette question. Elle conclut qu’un travailleur soumettant sa réclamation à la CSST lorsqu’il devient incapable de travailler ne peut perdre ses droits s’il n’a subi aucune perte de salaire et que les médicaments pris pour soulager la lésion étaient remboursés par son assureur.
[45] En l’espèce, telle est la situation vécue par le travailleur. Il a attendu un arrêt de travail pour produire sa réclamation à la CSST.
[46] La preuve non contredite révèle par ailleurs que l’employeur n’a pas prêté assistance au travailleur afin de remplir son formulaire de réclamation prévu à la loi et ne lui a pas non plus fourni d’information à cet effet bien qu’il ait été informé de la lésion et ait reçu l’attestation médicale prévue à la loi.
[47] Or, à de multiples reprises, la Commission des lésions professionnelles a également relevé un travailleur de son défaut d’agir dans le délai en raison du manquement par l’employeur à son devoir d’assistance prévu à l’alinéa 2 de l’article 270 de la loi[4] ou de la communication d’informations ambiguës.
[48] Certes, le devoir d’assistance qu’impose l’article 270 de la loi n’implique pas que l’employeur doive inciter un travailleur à soumettre une réclamation pour une lésion professionnelle ou décider pour lui de soumettre cette réclamation[5]. Il doit toutefois lui fournir les informations requises à cette fin.
[49] En l’espèce, le tribunal estime que le travailleur, visiblement peu informé sur le processus de réclamation à la CSST, peut avoir été induit en erreur, de bonne foi, par la dénonciation à son employeur de la lésion dont il fut victime, la remise de l’attestation médicale prévue à la loi et la poursuite du versement de son salaire pendant la période du 8 mars 2011 au 25 avril 2011.
[50] Dans les circonstances, vu ce qui précède, le tribunal estime que le retard du travailleur peut s’expliquer par la conjoncture. Il ne doute aucunement de sa sincérité. Il ne prête pas non plus à l’employeur d’intension malveillante dans la gestion du dossier.
[51] La Commission des lésions professionnelles estime donc que le travailleur a démontré un motif raisonnable pour être relevé des conséquences de son défaut d’avoir présenté sa réclamation dans le délai imparti à la loi.
[52] Conclure autrement causerait préjudice au travailleur et irait à l’encontre des enseignements de la Cour supérieure, en pareille matière[6] :
[57] Il faut que les organismes administratifs cessent d’être plus rigides que les tribunaux de droit commun, quant à la procédure. Rarement devant un tribunal ordinaire, un justiciable perd un droit à cause de la procédure. L’article 352 de ladite loi permet de prolonger un délai lorsqu’on a des motifs raisonnables. Tout cet imbroglio dans lequel se trouve la demanderesse n’est-il pas un motif raisonnable?
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur François Bélanger, le travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 13 février 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE recevable la réclamation produite par le travailleur le 29 novembre 2011;
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour qu’elle décide, conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles de l’admissibilité de la réclamation déposée par le travailleur le 29 novembre 2011.
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René Napert |
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Madame Céline Bélanger |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Ariane-Sophie Blais |
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GRAVEL, BERNIER, VAILLANCOURT |
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Représentante de la partie intéressée |
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] Roy c. Communauté urbaine de Montréal, [1990] C.A.L.P. 916 .
[3] C.L.P. 269913-61-0508, 14 juillet 2006.
[4] Lemire et Dollarama #37, C.L.P. 91329-04-9709, 11 janvier 1999, M. Carignan; Blacksmith et Produits Forestiers Nabakatuk inc., C.L.P. 146383-10-0009, 8 novembre 2000, M. Duranceau; Exceldor Coop. Agricole GR Dorchester et Bolduc-Lachance, [2005] C.L.P. 244 ; C.H. Maisonneuve et Deloge, C.L.P. 225399-71-0312, 18 juillet 2005, L. Couture; Landry et Construction LFG inc., C.L.P. 352989-62C-0807 16 février 2010, B. Roy.
[5] Dyall et Ville de Hamstead, C.A.L.P. 57743-62-9403, 7 mars 1996, G. Perreault; Boisvert et Tech-Mobile 1996 inc. et CSST, C.L.P. 110524-71-9902, 14 juin 1999, C. Racine; Vallée et Forpan (Div. Panneaux Gauffrés), C.L.P. 107003-08-9811, 24 octobre 2000, P. Prégent; Perreault et S.T.M. (Réseau des autobus), C.L.P. 8 octobre 2004, T. Demers; Poirier et Ascolectric (Div. De Trv Électricité), C.L.P. 239270-64-0407, 25 février 2005, T. Demers; Lacombe et Aliments Original Division Cantin inc., C.L.P. 296125-31-0608, 26 septembre 2007, S. Sénéchal; Gagné et Gestion Roy Beaulieu, C.L.P. 353626-01A-0807, 1er avril 2009, M. Lamarre; Garrett et Sonaca Canada inc., C.L.P. 387358-64-0908, 10 mars 2010, R. Daniel.
[6] Cormier c. Commission des lésions professionnelles, C.S. Québec, 200-17-009443-086, 12 février 2009, j. Pronovost.
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