Huard et Société canadienne des postes |
2008 QCCLP 1894 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 22 mars 2007, madame Lyne Huard (la travailleuse) présente une requête en révision de la décision qui a été rendue le 21 février 2007 par la Commission des lésions professionnelles.
[2] Le dispositif de cette décision se lit ainsi :
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
[…]
ACCUEILLE le moyen préalable soulevé par l’employeur, Société canadienne des postes;
MODIFIE la décision rendue le 17 janvier 2004 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
ANNULE les décisions rendues le 31 octobre 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail;
DÉCLARE que la lésion professionnelle de madame Lyne Huard, la travailleuse, est consolidée le 20 juin 2002, que la travailleuse a reçu suffisamment de soins à cette date et qu’elle ne conserve ni atteinte permanente ni limitations fonctionnelles de sa lésion professionnelle;
[…]
[3] À l’audience sur la requête en révision, la travailleuse est présente ainsi que sa procureure. L’employeur, Société canadienne des postes, est représenté.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision qui a été rendue le 21 février 2007 au motif que cette décision comporte des erreurs manifestes et déterminantes de droit et de faits, lesquelles sont assimilables à des vices de fond de nature à l’invalider.
[5] Les erreurs reprochées sont énoncées comme suit dans la requête :
[…]
i) La Commission a commis une erreur manifeste ayant un effet déterminant sur l’issue du litige en concluant à la validité du rapport complémentaire;
ii) La Commission a commis une erreur manifeste ayant un effet déterminant sur l’issue du litige en statuant au-delà de la question qui lui était posée et en se prononçant sur le fond du litige;
[6] Dans ses conclusions, la travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de rejeter le moyen préalable soulevé par l’employeur portant sur l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale, de déclarer que la procédure d’évaluation médicale est régulière et de convoquer les parties à une audience sur le fond du dossier.
L’AVIS DES MEMBRES
[7]
Conformément à l’article
[8] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la requête en révision doit être accueillie. Il estime que la Commission des lésions professionnelles aurait dû conclure à l’invalidité du rapport complémentaire du docteur Soucy, déclarer que la procédure d’évaluation médicale était régulière et convoquer les parties à une audience sur le fond du dossier, étant donné que les parties avaient convenu de procéder uniquement sur le moyen préalable soulevé par l’employeur.
[9] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la requête doit être rejetée. Il estime qu’aucun motif de révision n’a été démontré.
LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[10] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a démontré un motif donnant ouverture à la révision demandée.
[11]
L’article
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[12]
Par ailleurs, l’article
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[13]
Dans le cas présent, la requête en révision de la travailleuse est basée
sur le troisième paragraphe de l’article
[14] Selon une jurisprudence bien établie de la Commission des lésions professionnelle depuis les décisions de principe rendues dans les affaires Donohue[2] et Franchellini[3], la notion de « vice de fond … de nature à invalider la décision » signifie une erreur manifeste de droit ou de faits ayant un effet déterminant sur le sort du litige.
[15] Dans l’arrêt Fontaine[4], la Cour d’appel a eu l’occasion de discuter de la notion de vice de fond et d’y apporter certaines précisions. L’Honorable juge Morissette, qui s’exprime au nom de la Cour, y mentionne que « … la gravité, l’évidence et le caractère déterminant d’une erreur sont des traits distincts susceptibles d’en faire un vice de fond de nature à invalider [une] décision ». Il parle également d’une « erreur manifeste … voisine d’une forme d’incompétence » pour qualifier le vice de fond. On comprend qu’il ne peut s’agir d’une simple question d’appréciation des faits ou d’interprétation du droit. Cet arrêt invite la Commission des lésions professionnelles à la plus grande retenue dans l’exercice de son pouvoir de révision interne. Il y a lieu de citer l’extrait suivant des propos du juge Morissette concernant la notion de vice de fond :
[…]
On voit donc que la gravité, l’évidence et le caractère déterminant d’une erreur sont des traits distincts susceptibles d’en faire « un vice de fond de nature à invalider [une] décision. »
[51] En ce qui concerne la raison d’être de la révision pour un vice de fond de cet ordre, la jurisprudence est univoque. Il s’agit de rectifier les erreurs présentant les caractéristiques qui viennent d’être décrites. Il ne saurait s’agir de substituer à une première opinion ou interprétation des faits ou du droit une seconde opinion ni plus ni moins moins défendable que la première51. Intervenir en révision pour ce motif commande la réformation de la décision par la Cour supérieure car le tribunal administratif «commits a reviewable error when it revokes or reviews one of its earlier decisions merely because it disagrees with its findings of fact, its interpretation of a statute or regulation, its reasoning or even its conclusions»52. L’interprétation d’un texte législatif «ne conduit pas nécessairement au dégagement d’une solution unique»53 mais, comme «il appart[ient] d’abord aux premiers décideurs spécialisés d’interpréter»54 un texte, c’est leur interprétation qui, toutes choses égales d’ailleurs, doit prévaloir. Saisi d’une demande de révision pour cause de vice de fond, le tribunal administratif doit se garder de confondre cette question précise avec celle dont était saisie la première formation (en d’autres termes, il importe qu’il s’abstienne d’intervenir s’il ne peut d’abord établir l’existence d’une erreur manifeste et déterminante dans la première décision)55. Enfin, le recours en révision «ne doit […] pas être un appel sur la base des mêmes faits» : il s’en distingue notamment parce que seule l’erreur manifeste de fait ou de droit habilite la seconde formation à se prononcer sur le fond, et parce qu’une partie ne peut «ajouter de nouveaux arguments» au stade de la révision56.
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51 Voir l’arrêt Godin, supra, note 12, paragr. 47 (le juge Fish) et 165 (le juge Chamberland) et l’arrêt Bourassa, supra, note 10, paragr. 22
52 Ibid., paragr. 51.
53 Arrêt Amar, supra, note 13, paragr. 27.
54 Ibid., paragr. 26
55 Supra, note 10, paragr. 24.
56 Ibid., paragr. 22.
[16] L’erreur manifeste a été interprétée comme étant celle qui méconnaît une règle de droit, applique un faux principe, statue sans preuve, néglige un élément de preuve important ou adopte une méthode qui crée une injustice certaine[5].
[17] C’est à la lumière de ces principes que les motifs invoqués par la travailleuse, au soutien de sa requête, seront examinés mais auparavant, rappelons brièvement les faits.
[18] La travailleuse subit une lésion professionnelle le 9 juillet 2001, alors qu’elle s’inflige une fracture de la onzième côte gauche en déposant un sac lourd sur une table de travail.
[19] Elle consulte, à plusieurs reprises, à l’urgence du Centre hospitalier Lasalle et voit différents médecins dont le docteur Éric Soucy, qui la voit plus souvent que les autres et que l’on considère comme le médecin qui a charge. Le docteur Soucy la dirige en physiothérapie et recommande des travaux légers.
[20] Le 20 mars 2002, le docteur Soucy note une absence d’amélioration et des douleurs persistantes. Il se questionne sur l’existence d’une cellulalgie au niveau du thorax et poursuit la recommandation de travaux légers pour un mois.
[21] Le 14 mai 2002, le médecin de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) communique avec le docteur Soucy afin de faire le point sur la condition de la travailleuse. Selon ce qui est rapporté de cette conversation téléphonique aux notes évolutives, le docteur Soucy considère que la travailleuse a atteint un plateau thérapeutique et il a de la difficulté à expliquer la persistance de douleur résiduelle. Il demande à la CSST une expertise de support.
[22] C’est ainsi que la travailleuse est évaluée le 20 juin 2002 par le docteur Marc Goulet, chirurgien orthopédiste, lequel conclut que la lésion est consolidée à la date de son examen, qu’aucun traitement additionnel n’est requis et que la travailleuse ne conserve aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles de sa lésion.
[23] Le rapport d’expertise du docteur Goulet est transmis au docteur Soucy le 9 juillet 2002. La CSST lui indique qu’il dispose d’un délai de 30 jours pour produire un rapport complémentaire.
[24] Sans revoir la travailleuse, le docteur Soucy produit un rapport complémentaire qu’il signe en date du 23 juillet 2002 et qui se lit comme suit :
Je suis en tout point d’accord avec le rapport d’expertise.
[25] Bien qu’il soit signé en date du 23 juillet 2002, ce n’est cependant que le 26 août 2002 que ce rapport est reçu à la CSST, tel qu’en fait foi l’estampille de la CSST apposée sur ledit rapport.
[26] Il appert du dossier médical qu’à la même période, soit le 6 juillet et le 8 août 2002, la travailleuse consulte de nouveau à l’urgence où elle voit le docteur Vinh, lequel fait état d’une fracture avec douleur persistante et la dirige en orthopédie. Il poursuit, lors des deux consultations, la recommandation de travaux légers.
[27] Le 30 août 2002, la CSST décide de transmettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale. La travailleuse est évaluée le 8 octobre 2002 par le docteur Pierre Lacoste, physiatre, lequel fixe la date de consolidation au 20 juillet 2002 et considère que les traitements ont été suffisants. Il souligne, toutefois, que la travailleuse pourrait recevoir des analgésiques mineurs et au besoin, des infiltrations. Il conclut à l’existence d’un déficit anatomo-physiologique qu’il évalue à 1,5% et émet des limitations fonctionnelles.
[28] La CSST entérine cet avis dans une décision du 31 octobre 2002, laquelle est confirmée, le 17 janvier 2003, à la suite d’une révision administrative. La travailleuse et l’employeur contestent tous deux cette décision devant la Commission des lésions professionnelles.
[29] Lors de l’audience au mérite, l’employeur soulève l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale et les parties conviennent de procéder uniquement sur ce moyen préalable, tel qu’il appert du paragraphe suivant de la décision qui a été rendue le 21 février 2007 :
[6] Les parties conviennent de procéder uniquement sur le moyen préalable soulevé par la procureure de l’employeur portant sur l’irrégularité de la procédure d’évaluation médicale ayant mené au rapport du membre du Bureau d'évaluation médicale émis le 15 octobre 2002. L’employeur soutient que le processus est irrégulier et que la décision qui fait suite à l’avis du Bureau d'évaluation médicale est nulle et sans effet. Ainsi, la CSST était liée par l’opinion du médecin traitant énoncée dans son rapport complémentaire du 23 juillet 2002.
[30] La position des parties sur cette question est résumée aux paragraphes suivants de la décision :
[23] La procureure de l’employeur prétend que la décision
rendue par la CSST à la suite de l’avis émis par le membre du Bureau
d'évaluation médicale doit être annulée puisque la procédure d'évaluation
médicale est irrégulière. Essentiellement, l’employeur plaide que la CSST ne
pouvait pas soumettre le dossier au Bureau d'évaluation médicale puisqu’il y
avait absence de divergence entre le médecin désigné par la CSST et le médecin
traitant de la travailleuse sur l’un des sujets prévus à l’article
[24] La procureure de la travailleuse soumet pour sa part que
c’est à juste titre que la CSST a soumis le dossier au Bureau d'évaluation
médicale puisqu’il subsistait un désaccord entre le médecin désigné et le
médecin traitant sur plusieurs sujets prévus à l’article
[25] En réplique à l’argument du délai concernant le rapport
complémentaire visé par l’article
[31] Comme on peut le constater, tout repose sur la validité du rapport complémentaire du docteur Soucy et son caractère liant.
[32] Après considération des arguments soumis de part et d’autre et à la lumière des dispositions législatives applicables, la commissaire qui entend l’affaire (la première commissaire) arrive à la conclusion que le rapport du docteur Soucy est valide, qu’il lie la CSST et que la procédure d’évaluation médicale est irrégulière.
[33] Dans la décision qui a été rendue, la première commissaire répond, point par point, à l’argumentation de la procureure de la travailleuse.
[34] Le premier argument soulevé par la procureure de la travailleuse concernait le délai de production du rapport complémentaire du docteur Soucy. Comme ce rapport n’avait pas été produit dans un délai de 30 jours, elle faisait valoir que la CSST n’était pas liée par celui-ci et qu’elle ne devait pas en tenir compte. La première commissaire écarte cet argument pour les motifs suivants :
[39] Toutefois, qu’en est-il lorsque ce rapport est produit en dehors du délai de 30 jours prévu à cette disposition?
[40] En tout respect pour l’opinion émise par la procureure de la travailleuse, la Commission des lésions professionnelles estime que la décision qu’elle soumet dans l’affaire Bérubé et Pétro Canada4 démontre plutôt que malgré sa production tardive, le rapport complémentaire doit être pris en considération.
[41] En effet, dans cette affaire, la CSST n’avait pas reçu
le rapport complémentaire visé à l’article
[42] Tout comme dans les autres décisions soumises par la
procureure de la travailleuse, c’est l’existence d’une divergence entre les
opinions médicales qui justifie le recours à la procédure d'évaluation
médicale, indépendamment du délai prévu à l’article
[43] La Commission des lésions professionnelles estime donc
que pour déterminer si un rapport complémentaire visé par l’article
[44] Pour discuter de cette question, il est utile de
rappeler que les dispositions de la loi au chapitre de la procédure
d'évaluation médicale permettent de constater que le législateur reconnaît la
primauté de l’opinion émise par le médecin qui a charge du travailleur. En
effet, son opinion lie la CSST sur les cinq points prévus à l’article
[45] La CSST et l’employeur peuvent se prévaloir de la
procédure d'évaluation médicale lorsqu’il y a désaccord ou contestation de
l’opinion du médecin traitant sur l’un des cinq points prévus à l’article
[46] Dans cet esprit, la jurisprudence a confirmé à de
nombreuses reprises, tel qu’elle le fait dans l’affaire Gauthier et Ville
de Shawinigan5, que la CSST ne peut, par le biais de la
procédure d'évaluation médicale devant le Bureau d'évaluation médicale,
remettre en cause l’un des éléments prévus à l’article
[47] S’il n’y a pas de litige sur des questions médicales, il n’y a pas lieu de poursuivre la procédure d'évaluation médicale et demander un avis au Bureau d'évaluation médicale.
[48] La Commission des lésions professionnelles estime qu’il
n’y a pas davantage lieu de poursuivre la procédure d'évaluation médicale même
si l’information qui confirme qu’il n’y a plus de litige sur des questions
médicales est connue après l’expiration du délai prévu à l’article
[49] Le but de la procédure d'évaluation médicale doit être
considéré pour décider de la question en litige et déterminer le sens à donner
à l’existence d’un délai comme celui prévu à l’article
[50] D’ailleurs, la jurisprudence soumise par la procureure
de la travailleuse, qui discute de l’article
[51] Ces considérations amènent la Commission des lésions
professionnelles à conclure que même si le rapport complémentaire du docteur
Soucy a été produit le 26 août 2002 et qu’il ne respecte pas le délai de
30 jours prévu à l’article
_____________
4 C.L.P.
5 C.L.P.
[35] Le second argument soulevé par la procureure de la travailleuse concernait la motivation du rapport complémentaire du docteur Soucy, motivation totalement absente selon elle. Elle faisait valoir, entre autres, que le rapport complémentaire du docteur Soucy n’était pas suffisamment motivé ou explicite pour que l’on puisse en déduire qu’il s’était prononcé sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. La première commissaire écarte également cet argument. Elle ne reprend pas, dans la décision, tout l’argumentaire développé par la procureure de la travailleuse concernant cette question mais elle y répond aux paragraphes suivants :
[52] Or, dans ce rapport, le docteur Soucy indique clairement, et sans ambiguïté, qu’il est d’accord avec tous les points sur lesquels le docteur Goulet s’est prononcé dans son rapport du 20 juin 2002. La Commission des lésions professionnelles considère que de la sorte, le médecin traitant s’est prononcé sur l’existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles puisqu’il donne son accord sur ces sujets qui avaient été traités par le docteur Goulet.
[53] La lecture de l’opinion du docteur Soucy ne comporte aucun élément qui pourrait requérir une interprétation. Il s’agit d’un avis clair et précis qui n’a pas à être interprété davantage. La Commission des lésions professionnelles convient que lorsqu’il y a ambiguïté dans la rédaction de l’opinion du médecin traitant, tel que cela s’est présenté dans l’affaire Bérubé et Pétro Canada6, il peut y avoir matière à interprétation. Toutefois, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, ce n’est pas le cas dans la présente affaire en raison du texte clair et précis consigné par le docteur Soucy.
_____________
6 Précitée, note 4.
[36] Les raisons qui amènent la première commissaire à conclure à la validité du rapport complémentaire du docteur Soucy sont bien expliquées. Tant en ce qui concerne le délai que la motivation de ce rapport complémentaire, la conclusion de la première commissaire repose sur une interprétation du droit applicable qui trouve appui dans la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles même si cette jurisprudence n’est pas unanime. Elle tient compte également de son appréciation des faits et plus particulièrement de son appréciation du rapport complémentaire du docteur Soucy, lequel a été considéré clair, précis et ne donnant lieu à aucune interprétation dans le contexte. Comme l’a rappelé le juge Morissette dans l’arrêt Fontaine[6], il n’appartient pas au commissaire siégeant en révision de substituer son opinion à celle du premier commissaire en ce qui concerne l’appréciation des faits ou l’interprétation du droit car il ne s’agit pas d’un appel. Seule une erreur manifeste et déterminante de droit ou de faits peut justifier le commissaire en révision d’intervenir mais aucune erreur de cette nature n’a été commise dans le cas présent. Il s’agit uniquement d’une question d’appréciation des faits et d’interprétation du droit et cela ne constitue pas un motif de révision.
[37] Dans le cadre de sa requête en révision, la procureure de la travailleuse soumet de nouveaux arguments pour convaincre le tribunal que le rapport complémentaire du docteur Soucy n’est pas valide. Au délai et à l’absence de motivation, elle ajoute que le docteur Soucy n’a pas examiné la travailleuse de façon contemporaine à son rapport. Elle remet aussi en cause la qualité de médecin traitant du docteur Soucy. Ces arguments n’ont pas été plaidés devant la première commissaire. Or, le recours en révision n’étant pas un appel, une partie « ne peut ajouter de nouveaux arguments au stade de la révision » comme l’a aussi rappelé le juge Morissette dans l’arrêt Fontaine. Par conséquent, il n’y a pas lieu de discuter de ces nouveaux arguments.
[38] Le second motif invoqué par la travailleuse au soutien de sa requête en révision concerne la compétence de la Commission des lésions professionnelles.
[39] Ayant conclu que le rapport complémentaire du docteur Soucy était valide, la première commissaire a non seulement accueilli le moyen préalable soulevé par l’employeur mais elle s’est aussi prononcée sur la date de consolidation de la lésion professionnelle, la suffisance des soins ou traitements, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles au paragraphe [54] de la décision :
[54] Considérant ces éléments, la Commission des lésions professionnelles estime qu’en l’absence de désaccord entre l’opinion du médecin traitant et celle du médecin désigné par la CSST, il n’y avait pas lieu pour la CSST de soumettre le dossier au Bureau d'évaluation médicale. La procédure d'évaluation médicale est irrégulière et les décisions qui font suite à l’avis émis par le membre du Bureau d'évaluation médicale doivent être annulées. La CSST demeure liée par les conclusions émises par le médecin qui a charge dans son rapport complémentaire du 26 août 2002. De la sorte, la lésion de la travailleuse est consolidée le 20 juin 2002, la travailleuse a reçu suffisamment de traitements à cette date et elle ne conserve ni atteinte permanente ni limitations fonctionnelles de sa lésion professionnelle du 9 juillet 2001.
[40] Étant donné que les parties avaient convenu de procéder uniquement sur le moyen préalable, la procureure de la travailleuse soumet que la première commissaire a excédé sa juridiction en statuant sur le fond du dossier en ce qui concerne les questions d’ordre médical et que, de ce fait, la travailleuse a été privée du droit d’être entendue, n’ayant pu soumettre de preuve ni d’arguments relativement à ces questions.
[41]
Le tribunal n’est pas de cet avis. Dans la mesure où le rapport du
docteur Soucy est valide et que la procédure d’évaluation médicale est
irrégulière, comme en a conclu la première commissaire, la CSST est liée par
les conclusions émises par le médecin traitant dans son rapport complémentaire
conformément à l’article
[42] La situation aurait été différente si la première commissaire avait rejeté le moyen préalable et avait conclu que la procédure d’évaluation médicale était régulière. Dans un tel cas, elle n’aurait pu se prononcer sur les questions d’ordre médical contestées et aurait été tenue d’ordonner la convocation d’une audience sur le fond du dossier puisque les parties en avaient convenu ainsi.
[43] Dans le cas présent, il n’y a pas eu d’erreur de compétence de la part de la première commissaire.
[44] Rien ne justifie le tribunal d’intervenir pour réviser la décision qui a été rendue le 21 février 2007.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision de la travailleuse, madame Lyne Huard.
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Me Mireille Zigby |
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Commissaire |
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Me Céline Allaire |
PHILION, LEBLANC, BEAUDRY |
Procureure de la partie requérante |
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Me Stéphanie Germain |
Procureure de la partie intéressée |
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JURISPRUDENCE DÉPOSÉE PAR LA TRAVAILLEUSE
Cyr et G.A. Boulet
inc., C.L.P.
Lévesque c. Les
Toitures P.L.C. inc.,
Rousseau et Boiseries
du Saint-Laurent inc., C.L.P.
Jakian et Howmet
Cercast Canada inc., C.L.P.
Lapointe c. Commission
des lésions professionnelles (C.A.)
Sifonios c. Circul-Aire
inc. C.L.P.
Nadeau c. Commission des lésions professionnelles [2003] C.L.P. 1253 (C.S.)
Joron c. Rouleau, (C.S.)
Montréal
JURISPRUDENCE DÉPOSÉE PAR L’EMPLOYEUR
Marceau et Gouttière
Rive-Sud Fabrication inc., C.L.P.
Paquette et Aménagement
Forestier LF, C.L.P.
Saint-Germain et
Finition Laurier inc., C.L.P.
Gauthier et Ville de
Shawinigan, C.L.P.
Martin et Garage
Maurice Arguin enr., C.L.P.
Guillemette et Kruger
inc., C.L.P.
Goderre et R.H. Nugent
Équipement Rental limitée, C.L.P.
Morin et José &
Georges inc., C.L.P.
Grignano et Récital
Jeans inc., C.L.P.
Huaracha et Riviera Fur
Styles inc., C.L.P.
Fontaine c. Commission
des lésions professionnelles
Milfort et Montréal Aéroport Hiltion, C.L.P. 136490-71-0004-R, 17 août 2001, M. Zigby
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve,
[3] Franchellini
et Sousa
[4] Commission de la santé et de la sécurité du travail c. Fontaine,
[5] Desjardins
et Réno-Dépôt inc.
[6] Déjà cité, note 4.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.