Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

MONTRÉAL

MONTRÉAL, le 4 juin 2001

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

123809-71-9909-R

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Lucie Landriault, avocate

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Sarto Paquin,

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Christiane Rioux,

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

113948566

AUDIENCE TENUE LE :

28 février 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Montréal

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE PRÉSENTÉE EN VERTU DE L'ARTICLE 429.5 6 DE LA LOI SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET LES MALADIES PROFESSIONNELLES (L.R.Q., chapitre A-3.001)

 

 

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ANDRÉ RIENDEAU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

QUALIT-T-GALV INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL - MONTRÉAL 4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 8 novembre 2000, monsieur André Riendeau (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision en vertu de l'article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la Loi), à l'encontre d'une décision rendue le 26 septembre 2000 par la Commission des lésions professionnelles.

[2]               Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles accueille la contestation du travailleur, infirme la décision du 17 décembre 1999 rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative, et conclut qu’il a subi une lésion professionnelle le 16 décembre 1998, en application de l’article 28 de la Loi.

[3]               Le 13 novembre 2000, la CSST dépose aussi une requête en révision à l’encontre de la décision du 26 septembre 2000 de la Commission des lésions professionnelles.

[4]               À l’audience sur les requêtes en révision, le travailleur est présent et représenté.  Quali-T Galv inc. (l’employeur) et la CSST sont représentés.

L'OBJET DE LA REQUÊTE

[5]               Le travailleur demande la révision de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 26 septembre 2000.  Il demande de déclarer que le diagnostic de hernie discale L4-L5 est relié à sa lésion professionnelle du 16 décembre 1998.

[6]               Le travailleur soutient que le commissaire a commis une erreur dans l’appréciation de la preuve en concluant que le diagnostic de hernie discale L4-L5 n'est pas relié à sa lésion professionnelle.

[7]               À l’audience, il ajoute un motif au soutien de sa requête en révision en invoquant la survenance d’un fait nouveau, soit un rapport d’évaluation médicale du 13 novembre 2000 du docteur Tinco Tran, chirurgien orthopédiste.

[8]               La CSST, pour sa part, demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision du 26 septembre 2000 et de déclarer que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 16 décembre 1998.

[9]               La CSST invoque que la décision est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider.  Selon elle, le commissaire a commis une erreur manifeste de droit en concluant à l’application de l’article 28 de la Loi, alors que le travailleur n’invoquait pas la survenance d’une nouvelle lésion professionnelle.  La preuve ne permettait d’ailleurs pas de conclure à la survenance d’un nouvel événement.  Le travailleur alléguait la survenance d’une récidive, rechute ou aggravation d’une lésion professionnelle initiale.  La Commission des lésions professionnelles devait analyser la réclamation du travailleur en fonction des critères élaborés par la jurisprudence pour conclure à la survenance d’une récidive, rechute ou aggravation.  N’eut été de cette erreur, la contestation du travailleur aurait été rejetée puisque, selon la preuve prépondérante, la lésion du 16 décembre 1998 n’est pas reliée à la lésion du 21 octobre 1997.

L'AVIS DES MEMBRES

[10]           Les membres issus des associations d’employeurs et syndicales sont d’avis que la décision du 26 septembre 2000 est entachée d’une erreur manifeste de droit qui justifie la révision.  Quant au fond du litige, ils sont d’avis que le travailleur a présenté le 16 décembre 1998 une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale.

[11]           La membre issue des associations syndicales précise que le diagnostic de hernie discale L4-L5 doit être reconnu comme étant relié à la lésion professionnelle.  Les médecins traitants, les docteurs Chan et Dahan, sont d'avis qu'en plus de l'entorse lombaire, il y a des signes cliniques de hernie discale au niveau L4-L5, et la résonance magnétique a confirmé la présence d'une hernie sous ligamentaire à ce niveau.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[12]           La Commission des lésions professionnelles doit décider s'il y a lieu de réviser la décision qu'elle a rendue le 26 septembre 2000.

[13]           Le pouvoir de révision ou de révocation d'une décision est prévu à l'article 429.56 de la Loi qui énonce les motifs spécifiques donnant ouverture à une requête en révision. Cet article se lit ainsi :

429.56  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

  lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.


Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

____________________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[14]           La jurisprudence des tribunaux supérieurs et de la Commission des lésions professionnelles a déterminé que les termes « vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision » doivent s'interpréter dans le sens d'une erreur manifeste de droit ou de fait ayant un effet déterminant sur l'issue de la contestation[1].

[15]           Or, le recours en révision ou en révocation est exceptionnel dans la mesure où l'article 429.29 de la Loi stipule qu'une décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel.

[16]           Dans le cas présent, la Commission des lésions professionnelles conclut que la requête en révision du travailleur doit être rejetée pour les motifs suivants.

[17]           Le premier motif, à l’effet que le commissaire a mal apprécié la preuve médicale en ne retenant pas la relation entre le diagnostic de hernie discale L4-L5 et la lésion, constitue un appel déguisé.  En effet, le travailleur est tout simplement en désaccord avec la décision.  Il n’a pas démontré que la décision est entachée d'une erreur manifeste sur ce point et que cette erreur a eu effet déterminant sur le sort du litige.

[18]           Quant à son deuxième motif, soit le « fait nouveau » que constituerait le rapport d’évaluation médicale du docteur Tran, ce document est postérieur à la décision de la Commission des lésions professionnelles du 26 septembre 2000, et n’aurait pu être connu avant la décision puisqu’il n’existait pas (article 429.56 1 de la Loi).

[19]           Par ailleurs, la requête en révision de la CSST doit être accueillie puisque, comme elle l’allègue, la décision du 26 septembre 2000 est entachée d’une erreur manifeste de droit.

[20]           En effet, le commissaire a appliqué l’article 28 de la Loi qui présume d’une lésion professionnelle lorsqu’une blessure arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail.  Or, il devait statuer non pas sur la survenance d’une lésion initiale, mais statuer sur la présence d’une récidive, rechute ou aggravation ce cette lésion initiale.  Pour ce faire, il devait appliquer, comme le plaidait l’employeur, les critères élaborés par la jurisprudence en cette matière, puisque la Loi ne circonscrit pas comme tel la notion de récidive, rechute ou aggravation.  De plus, il revenait au travailleur de prouver, par une preuve prépondérante, la survenance d’une récidive, rechute ou aggravation, puisqu’il ne bénéficiait pas d’une présomption légale.

 

[21]           La Commission des lésions professionnelles ajoute que si le commissaire voulait conclure que le travailleur avait subi une nouvelle lésion en octobre 1998 ou en décembre 1998 en effectuant son travail lourd, il devait décrire les circonstances de la survenance de cette lésion.  Or, il ne l'a pas fait.

[22]           Cette erreur quant à la norme légale à appliquer constitue une erreur manifeste de droit qui est déterminante sur l’issue du litige, puisque la décision se fonde entièrement sur ce motif.

[23]           En conséquence, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision conclut que la décision du 26 septembre 2000 doit être révisée, et procède à rendre la décision qui aurait dû être rendue.

[24]           Après avoir pris connaissance du dossier, ainsi que des témoignages et arguments des parties en écoutant l’enregistrement de l’audience devant le premier commissaire, la soussignée retient les éléments de preuve suivants comme étant prépondérants.

[25]           Le travailleur qui est âgé de 32 ans, travaille pour l’employeur dans l'industrie du métal depuis dix ans.  Il travaille comme opérateur de ponts roulants et décapeur.  Il s'agit d'un travail exigeant qui implique la manipulation de pièces de métal de 100 livres et plus.

[26]           Le 21 octobre 1997, le travailleur développe une douleur lombaire en tirant sur des plaques de métal de 210 livres pour les brocher et les mettre au sol.

[27]           Le 29 octobre 1997, le docteur Richer pose un diagnostic d’entorse lombaire.  Il note que l'examen neurologique est normal et que la manœuvre de Tripode est négative.  Le médecin recommande des travaux légers.  Dans ses notes du 6 novembre 1997, il écrit qu'il n'y a pas de parésie ni paresthésie aux membres inférieurs mais qu'il y a une irradiation de la douleur lombaire à la cuisse droite.  Le Lasègue est négatif.

[28]           Le 13 novembre 1997, le travailleur consulte la docteure Jacqueline Chan, physiatre, qui le suivra principalement à compter de cette date.  Elle maintient le diagnostic d’entorse lombaire.  Le 13 novembre 1997 donc, elle indique que le travailleur se plaint d'une douleur au rachis lombaire qui s'irradie à la face externe de la cuisse droite, associée à des engourdissements.  La douleur irradie également aux aines.  L'examen clinique révèle une douleur à la charnière lombo-sacrée.  La mobilité lombaire est bien préservée, et l’examen neurologique aux deux membres inférieurs est normal.  Le " Straight leg raising " (SLR) bilatéral est positif à 60 degrés.

 

 

[29]           Le 20 novembre 1997, le docteur Richer indique que le travailleur n'a plus de douleur para lombaire bilatérale, mais demeure avec une douleur médiane.  Il recommande un arrêt de travail d'une semaine puisque les travaux légers sont assez forçants.  Le travailleur retourne aux travaux légers par la suite et sera mis à pied en décembre 1997, faute de travaux légers.

[30]           La CSST reconnaît que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 21 octobre 1997 lors de la levée de charges lourdes.

[31]           Le 4 décembre 1997, le docteur Richer note que le Tripode et le Lasègue provoquent une douleur au niveau de la sacro-iliaque gauche mais non pas le long du nerf sciatique.  Ces tests sont donc négatifs.

[32]           Le travailleur reçoit des traitements de physiothérapie, et prend des anti-inflammatoires et des analgésiques.  Il est peu amélioré.

[33]           Le 11 décembre 1997, la docteure Chan indique que la douleur lombaire persiste et s'irradie à la face externe de la cuisse droite et à l'aine droite et parfois à la cuisse gauche.  La docteure Chan recommande alors des infiltrations épidurales et des blocs facettaires à droite.  Le 8 janvier 1998, le travailleur se plaint des mêmes douleurs.

[34]           Le 27 janvier 1998, une tomodensitométrie de la colonne lombo-sacrée révèle ce qui suit :

En L4-L5, légère voussure discale postéro-médiane s'ajoutant à un léger bombement discal diffus ayant l'aspect d'une petite hernie à grand rayon de courbure, le tout entraîne une légère diminution de calibre du sac dural qui mesure environ 8mm en antéro-postérieur par 10mm en latéro-latéral à la hauteur de la partie inférieure du disque.  Il s'agit donc d'une petite hernie de signification clinique incertaine.  Les foramen sont bien conservés.

 

En L5-S1, légère asymétrie des éléments postérieurs de telle sorte que le foramen gauche se trouve de petit calibre à cause de la forme des structures osseuses mais il y n'y a pas de signe d'arthrose significative ni d'hernie.  Le foramen droit apparaît de calibre et d'aspect normaux.  La racine gauche L5 passe donc dans un foramen qui apparaît petit de façon congénitale et pourrait être irritée à ce niveau.  Le récessus apparaît petit de façon congénitale et pourrait être irritée à ce niveau.  Le récessus latéral gauche est aussi un peu diminué et la racine S1 pourrait elle aussi être un peu irritée à cause de ce petit calibre du récessus à la hauteur de la marge inférieure du sac.  Le sac dural et les racines droites L5 et S1 apparaissent bien conservés.  Pas de hernie démontrée à ce niveau.

 

 

 

[35]           À la suite de la tomodensitométrie, la docteure Chan maintient le diagnostic d’entorse lombaire.  Le 5 février 1998, elle note une douleur au rachis lombaire gauche sans sciatalgie, et le 5 mars 1998, il y a une douleur à l'aine bilatéralement.

[36]           Fin mars 1998, le travailleur tente un retour à son travail régulier sans succès.  Il ne pourra effectuer de travaux légers puisqu'ils ne sont pas disponibles.  Le 2 avril 1998, la docteure Chan prévoit un retour au travail régulier le 20 avril 1998 que le travailleur effectue avec beaucoup de douleur et pour laquelle la docteure Chan recommande le 4 mai 1998 des blocs facettaires.  Le 14 mai 1998, elle recommande un arrêt de travail en raison de l'aggravation de l'entorse lombaire.

[37]           Le 18 mai 1998, le docteur T. Dahan procède à une infiltration épidurale neuroforaminale en L5-S1 gauche, et une autre par approche interlaminaire au niveau L4-L5 gauche.  Comme il l'indiquera dans un rapport d'évaluation postérieur du 6 avril 1999, le travailleur présente à ce moment un blocage à la flexion lombaire avec une sensibilité segmentaire vertébrale maximale à L4-L5 et un Lasègue positif bilatéralement mais latéralisé vers la gauche. La même douleur est aggravée par la manœuvre de Kernig cervicale.  Devant des signes cliniques qu'il dit suggestifs d'une hernie discale avec irritation de la racine L5 gauche, il retient un diagnostic de hernie discale L4-L5 avec atteinte L5 gauche.  Selon lui, l'injection épidurale neuroforaminale L5 gauche a diminué nettement la sévérité des douleurs radiculaires ressenties par le patient durant cinq à six mois.

[38]           Le 16 juin 1998, il y a un retour au travail régulier recommandé par la docteure Chan.

[39]           Le 9 juillet 1998, la docteure Chan produit un rapport final pour une entorse lombaire qu'elle consolide sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitation fonctionnelle.  Le rapport indique toutefois que la « lombalgie persiste ».  Dans ses notes de consultation du même jour, elle écrit ceci :

Ce patient continue à se plaindre de persistance de douleur au rachis lombaire associée parfois à des blocages et dérobages des deux membres inférieurs.  Il est capable quand même de continuer à faire son travail régulier.

 

Je consolide la lésion aujourd'hui.

 

Si jamais il y a aggravation, il devrait déclarer une récidive.  (sic)

 

 

[40]           Le 6 octobre 1998, en travaillant sur des glissières empilées les unes sur les autres, la douleur du travailleur augmente de façon importante.  Il consulte à l'urgence où le docteur Blanchet indique qu'il y a une récidive de lombalgie avec paresthésie au membre inférieur droit.  Il note la présence d'un spasme para-lombaire.  Il retient un diagnostic d'entorse légère lombaire sur hernie L4-L5.  Le travailleur produit à la CSST une réclamation pour une douleur progressive de plus en plus intense.

 

[41]           Le 15 octobre 1998, la docteure Chan produit à la CSST un rapport médical pour une  « entorse lombaire, aggravation » et recommande une épidurale ou des blocs facettaires.  Dans ses notes de consultation, elle indique que le travailleur se plaint d'aggravation de la douleur lombaire associée parfois à des blocages et des dérobades aux deux membres inférieurs.  À l'examen clinique, elle note une douleur à la charnière lombo-sacrée.  L'examen neurologique est normal, il n'y a pas de signe de Lasègue, mais elle retourne le travailleur au docteur Dahan pour une infiltration qu'il ne recevra pas, faute de moyens financiers.  Il y a un arrêt de travail de quelques jours.  Bien que la CSST analyse cette réclamation, elle retarde sa décision.

[42]           Le 2 novembre 1998, la docteure Chan produit un nouveau rapport pour une entorse lombaire et recommande à nouveau une infiltration, cette fois à l'hôpital.

[43]           Le 23 novembre 1998, le docteur A. Perez que le travailleur consulte le retourne à la docteure Chan pour éviter la multiplication des intervenants.

[44]           Le 14 décembre 1998, la CSST reçoit un « avis de l’employeur et demande de remboursement » pour une récidive, rechute ou aggravation du 23 novembre 1998.

[45]           Le 17 décembre 1998, le docteur Dahan produit un rapport médical à la CSST pour une hernie discale L4-L5.  Il procède à une infiltration, donne au travailleur un congé de deux jours et recommande un retour aux travaux légers.

[46]           Le 23 décembre 1998, la CSST reçoit un « avis de l’employeur et demande de remboursement » pour une récidive, rechute ou aggravation du 17 décembre 1998.

[47]           Le 7 janvier 1999, la docteure Chan indique que malgré l'infiltration intra-neuroforaminale L5 gauche du docteur Dahan, le travailleur n'est pas amélioré.  Il continue de se plaindre de lombosciatalgie.  Après avoir revu le dossier avec le travailleur, elle souligne le fait qu'il y a eu plusieurs traitements sans amélioration, et que son problème récidive facilement.  Elle consolide la lésion avec séquelles.  Un rapport final est donc produit le 7 janvier 1999 pour une entorse lombaire avec hernie L4-L5 gauche.  Elle recommande la réadaptation.  Le travailleur est référé au docteur Dahan pour le rapport d'évaluation médicale.

[48]           Le 6 avril 1999, le docteur Dahan évalue le travailleur en regard d'un diagnostic de hernie discale L4-L5.  Il indique que la tomodensitométrie de janvier 1998 a montré une hernie discale L4-L5 ainsi que des malformations congénitales latéralisées vers la droite qui semblent peu pertinentes aux douleurs sciatiques prédominantes vers la gauche.  Son examen au moment de l'évaluation montre une diminution de la flexion lombaire, et une sensibilité vive au niveau L4-L5.  À l'examen neurologique, il note un Lasègue positif à 60 degrés à gauche et produisant une douleur au territoire L5 gauche, aggravée par la manœuvre de Kernig cervicale.  La manœuvre de Lasègue à droite produit une douleur lombaire inférieure et fessière droite et gauche.  Il conclut que le travailleur présente une hernie discale L4-L5 confirmée par la tomodensitométrie ainsi qu'à l'examen clinique.

[49]           Le 10 mai 1999, un examen de résonance magnétique montre une discopathie aux niveaux L4-L5 et L5-S1, en plus de hernies discales postéro-médiane et postéro-latérale gauches en L4-L5.  Il y aussi une hernie discale postéro-latérale gauche en L5-S1, et de l'arthrose inter-apophysaire L5-S1 gauche et L4-L5 gauche.

[50]           Le 1er juin 2000, le docteur Rajakumar produit une lettre dans laquelle il se dit d'avis que le travailleur a présenté le 17 décembre 1998 une aggravation de sa symptomatologie de sorte qu'en plus d'une lésion au niveau L4-L5, il a maintenant une lésion au niveau L5-S1.  L’examen du docteur Rajakumar n’est pas produit.

[51]           À l’audience, le docteur Vézina souligne le caractère bénin de l’événement du 21 octobre 1997.  Il souligne de plus l’absence de signes cliniques de hernie discale.  Aux examens, les manœuvres de mise en tension radiculaire ne décrivent pas de douleur radiculaire dans les membres inférieurs.  Les trouvailles radiologiques tant à la tomodensitométrie de janvier 1998 qu'à l'examen de résonance magnétique de mai 1999 révèlent, selon lui, une condition personnelle.  Enfin, un spasme relève plus d'une entorse que d'une hernie discale.

[52]           La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne définit pas les termes récidive, rechute ou aggravation.  La jurisprudence de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles et de la Commission des lésions professionnelles interprète cette notion comme une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d'une lésion ou de ses symptômes. Or, la preuve doit établir une relation entre la lésion initiale et la lésion alléguée par le travailleur comme étant une récidive, rechute ou aggravation. Différents critères permettent d'établir cette relation: la similitude du site des lésions, la continuité des douleurs et des symptômes, la similitude ou la compatibilité des diagnostics, le suivi médical, le délai entre la récidive, rechute ou aggravation et la lésion initiale. Le degré de sévérité du traumatisme initial, le retour au travail avec ou sans limitations fonctionnelles, la présence ou non d'une atteinte permanente à l’intégrité physique, l'absence ou la présence d'une condition personnelle, sont d'autres éléments qui servent de guide pour établir une relation entre une lésion initiale et une récidive, rechute ou aggravation. Aucun de ces critères n'est à lui seul décisif, mais, pris ensemble, ils permettent d'évaluer l'existence d'une récidive, rechute ou aggravation.

[53]           Enfin, il appartient au travailleur d'établir par une preuve médicale prépondérante une relation entre la pathologie présentée lors de la récidive, rechute ou aggravation et la lésion professionnelle initiale[2].

[54]           Dans un premier temps, la Commission des lésions professionnelles rappelle qu'elle est liée par le diagnostic ou les diagnostics émis par le médecin qui a charge du travailleur.

[55]           Dans le cas du travailleur, la docteure Chan, médecin qui a charge du travailleur et qui a assuré son suivi, a, dans son rapport final, retenu deux diagnostics, soit entorse lombaire et hernie discale L4-L5.

[56]           Bien que la Commission des lésions professionnelles soit liée par les diagnostics posés par le médecin, c'est à la Commission des lésions professionnelles qu'il revient de décider s'il y a un lien entre ces diagnostics et la lésion professionnelle, cette question n’étant pas strictement d’ordre médical.

[57]           En ce qui concerne le diagnostic d'entorse lombaire, la Commission des lésions professionnelles considère que la preuve prépondérante milite en faveur d'une relation entre la récidive, rechute ou aggravation de la lésion le 16 décembre 1998 et la lésion initiale du 21 octobre 1997.

[58]           En effet, l'entorse lombaire du 21 octobre 1997 avait été consolidée le 9 juillet 1998 par la docteure Chan qui a permis un retour au travail régulier malgré que la lombalgie persistait et que le travailleur présentait des blocages et dérobades aux membres inférieurs.  Or, le travailleur a continué à ressentir les mêmes douleurs qu'auparavant malgré la consolidation de sa lésion du 21 octobre 1997.  En effet, cette lésion du 21 octobre 1997 n'est jamais rentrée dans l'ordre. Elle était dès le 13 novembre 1997 accompagnée d’irradiation aux fesses, aux cuisses, aux aines, tantôt à droite, tantôt à gauche, et tantôt bilatéralement malgré que le docteur Vézina et le médecin du bureau médical de la CSST aient affirmé que la lésion était à droite lors de ce premier épisode.  De plus, l’entorse lombaire s’est installée sur une condition de dégénérescence discale révélée à la tomodensitométrie et qui avait été asymptomatique jusqu’au 21 octobre 1997.

[59]           Le 6 octobre 1998, il y a recrudescence de la lésion alors que le travailleur effectue son travail lourd.  Le suivi médical a repris trois mois donc après la consolidation.

[60]           Bien que le travailleur ait repris son travail jusqu’au 17 décembre 1998, il a dû arrêter puisqu’il était incapable de continuer à effectuer ce travail lourd en raison de sa lésion professionnelle.

[61]           D'autre part, le travailleur n'avait aucun antécédent à la colonne lombaire avant sa lésion du 21 octobre 1997, lésion qui est survenue chez un travailleur présentant une dégénérescence discale lombaire.

[62]           La Commission des lésions professionnelles considère que les critères permettant de reconnaître une récidive, rechute ou aggravation sont présents en l'espèce.

[63]           En effet, il s'agit du même site de lésion et de la même symptomatologie.  Le délai de trois mois entre la consolidation de la lésion antérieure et la rechute est relativement court, et le suivi médical a repris dès octobre 1998, dans les trois mois.  Le fait que la lésion du travailleur ait été consolidée sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitation fonctionnelle n'est pas un obstacle dans le cas présent à la reconnaissance de la rechute.  En effet, la lésion était toujours symptomatique au moment de la consolidation le 9 juillet 1998 alors que la docteure Chan indiquait que la lombalgie, les dérobades et les blocages persistaient.  Elle a même jugé utile d'indiquer que le travailleur pourrait, s’il y avait aggravation, faire une réclamation pour rechute.

[64]           La Commission des lésions professionnelles conclut en l’espèce que le travailleur a présenté le 16 décembre 1998, une récidive, rechute ou aggravation sous la forme de séquelles d’entorse lombaire.

[65]           Quant au diagnostic de hernie discale L4-L5, la Commission des lésions professionnelles considère qu'il n'est pas relié à la lésion du 21 octobre 1997.  En effet, ce diagnostic est retenu une seule fois par le médecin qui a charge, la docteure Chan, dans le rapport final du 7 janvier 1999 au moment où elle consolide la lésion.  Ni elle ni le docteur Richer n'avait posé ce diagnostic au moment de la lésion initiale, aucun des examens objectifs n'ayant révélé de signe clinique de hernie discale.  Une seule fois, le 13 novembre 1997, la docteure Chan avait indiqué un " Straight leg raising " SLR positif bilatéralement à 60 degrés, sans toutefois indiquer si la douleur était irradiée dans les membres inférieurs.  Or, comme le note le docteur Vézina à l'audience, l’absence d’irradiation dans les membres inférieurs est significative d’une manœuvre négative.  Seul le docteur Dahan avait retenu un diagnostic de hernie discale le 18 mai 1998 en présence d'un Lasègue positif.  Or, quelques jours avant, le 14 mai 1998, la docteure Chan ne fait aucune mention d'un Lasègue positif au moment de la consultation.

 

[66]           À compter du 6 octobre 1998, la docteure Chan n'a pas retenu le diagnostic de hernie discale.  Aucun de ses examens ne montre de signe clinique de hernie discale malgré les changements radiologiques retrouvés à la résonance magnétique de mai 1999.  Bien que la docteure Chan retienne le diagnostic de hernie discale le 7 janvier 1999, il n'y a aucune indication de ce qu'elle retrouve à l'examen clinique, et donc aucun signe clinique de hernie discale L4-L5.

[67]           L'ensemble de ces éléments amènent la Commission des lésions professionnelles à conclure que, selon la preuve prépondérante, la hernie discale L4-L5 diagnostiquée le 7 janvier 1999 n'est pas reliée à la lésion initiale du 21 octobre 1997.

[68]           En conclusion, la Commission des lésions professionnelles retient que le travailleur a présenté le 16 décembre 1998, une récidive, rechute ou aggravation de la nature de séquelles d'entorse lombaire.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révision de monsieur André Riendeau;

ACCUEILLE la requête en révision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail;

RÉVISE la décision du 26 septembre 2000;

INFIRME la décision du 17 décembre 1999 rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur André Riendeau a subi, le 16 décembre 1998, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion initiale du 21 octobre 1997.

 

 

 

 

Me Lucie Landriault

 

Commissaire

 

 

 


 

 

 

 

SYNDICAT DES MÉTALLOS (LOCAL 8990)

(M. Alain Croteau)

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

DUNTON RAINVILLE

(Me Richard Auclair)

 

Représentant de la partie intéressée

 

 

 

PANNETON LESSARD

(Me Marie-Claude Pilon)

 

Représentante de la partie intervenante

 

 

 



[1]           Produits forestiers Donohue inc.  et Villeneuve [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Fernando Sousa [1998] C.L.P. 783 .

[2]           Ardagna et Lussier centre de camion Ltée, [1990] C.A.L.P. 1234 ; Pedro et Construction Easy Pilon inc. et CSST, [1990] C.A.L.P. 776 ; Larouche et Commission scolaire Ste-Croix, [1990] C.A.L.P. 261 ; Lapointe et Cie minière Québec Cartier, [1989] C.A.L.P. 38 ; Panval inc et Bastion, [1991] C.A.L.P. 1199 .

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.