McCain Foods et Ping |
2011 QCCLP 5458 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 16 décembre 2010, l’employeur, McCain Foods, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision visant la décision rendue par le tribunal le 1er novembre 2010 en rapport avec les dossiers mentionnés en rubrique.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette deux contestations formulées par l’employeur concernant les droits de madame Wu Yu Ping, la travailleuse, de recevoir certaines prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) en raison de la lésion professionnelle du 15 février 2008. En voici les conclusions :
Dossier 389429-71-0909
REJETTE la requête formulée le 22 septembre 2009 par McCain Foods (div. Wong Wing), l’employeur;
CONFIRME la décision rendue le 14 septembre 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que madame Wu Yu Ping a droit aux mesures de réadaptation prévues à Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était justifiée de suspendre le versement des indemnités de remplacement du revenu prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et d’interrompre le processus de réadaptation.
Dossier 412605-71-1006
REJETTE la requête formulée le 9 juin 2010 par McCain Foods (div. Wong Wing);
CONFIRME la décision redue le 19 mai 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que l’emploi d’assembleuse de petits articles constitue un emploi convenable et que la travailleuse pouvait l’exercer à compter du 4 mars 2010;
DÉCLARE que la travailleuse a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu au plus tard jusqu’au 4 mars 2011.
[3] À l’audience tenue le 9 mai 2011 à Montréal, l’employeur est représenté. La travailleuse est présente et accompagnée de sa fille qui agit comme interprète.
L’OBJET DES REQUÊTES
[4] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision rendue par le premier juge administratif parce que celle-ci est entachée de vices de fond de nature à l’invalider.
[5] L’employeur souhaite que ses contestations soient accueillies et les décisions rendues par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative soient infirmées. Il requiert que le tribunal déclare que la CSST ne pouvait pas « suspendre le processus de réadaptation et devait poursuivre unilatéralement le processus » et que la travailleuse était capable d’exercer son emploi le 21 mai 2009 ou, subsidiairement, un emploi convenable.
L’AVIS DES MEMBRES
[6]
Le membre issu des associations d’employeurs accueillerait la requête de
l’employeur. Il constate qu’il y a une erreur manifeste et déterminante dans
l’interprétation des dispositions des articles
[7] Le membre issu des associations syndicales rejetterait la requête de l’employeur. Il considère que l’erreur alléguée par le représentant de l’employeur n’est pas déterminante. Il souligne que ce qui s’est produit dans les faits ne peut être changé. Il souligne que la CSST n’a pas offert à la travailleuse d’emploi convenable avant la fin du lien d’emploi. L’offre d’un emploi temporaire par l’employeur n’est pas équivalente à la détermination d’un emploi convenable.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[8] Avant d’examiner, les reproches que l’employeur formule à l’encontre de la décision rendue par le premier juge administratif, il y a lieu de faire un bref rappel des règles applicables.
[9]
Les décisions de la Commission des lésions professionnelles sont finales
et sans appel comme le stipule le dernier alinéa de l’article
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[Nos soulignements]
[10]
Par ailleurs, la loi prévoit un recours qui fait exception à ce principe,
voulant que la décision de la Commission des lésions professionnelles soit
l’ultime résultat d’un litige et qu’elle s’impose aux parties. Il s’agit de la
révision ou révocation dont l’application est encadrée par l’article
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendue :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[11] Les reproches formulés par l’employeur à l’encontre de la décision du premier juge administrtif sont de l’ordre du vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision.
[12] Selon la jurisprudence constante de la Commission des lésions professionnelles, le vice de fond ou de procédure de nature à invalider une décision constitue une erreur manifeste de droit ou de faits ayant un effet déterminant sur l’issue du litige[2]. Ce principe a été réaffirmé par les tribunaux supérieurs et notamment par la Cour d’appel du Québec qui a rappelé que la Commission des lésions professionnelles devait agir avec grande retenue en accordant une primauté à la première décision et se garder de réapprécier la preuve et de réinterpréter les règles de droit[3].
[13]
L’employeur soutient que le premier juge administratif a fait une
mauvaise application du sous-paragraphe d) du deuxième paragraphe de l’article
142 et de l’article
[14]
Il soutient que la CSST ne pouvait pas suspendre le processus de
réadaptation parce que le plan individualisé n’existait pas. Il fait valoir que
les conclusions du premier juge administratif sur l’existence de ce plan sont
erronées et contraires aux articles
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
__________
1985, c. 6, a. 146.
147. En matière de réadaptation, le plan individualisé constitue la décision de la Commission sur les prestations de réadaptation auxquelles a droit le travailleur et chaque modification apportée à ce plan en vertu du deuxième alinéa de l'article 146 constitue une nouvelle décision de la Commission.
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1985, c. 6, a. 147.
[15]
L’employeur fait aussi remarquer que la décision du premier juge
administratif comporte une incohérence grave puisqu’il conclut à l’absence de
plan individualisé lorsqu’il discute de l’application de l’article
[16] Pour comprendre la portée des erreurs alléguées par l’employeur, il y a lieu de résumer les faits tels qu’ils ont été rapportés par le premier juge administratif. L’employeur n’allègue aucune erreur en ce qui concerne cette partie de la décision.
[17] Les litiges dont le premier juge administratif dispose visent des décisions que la CSST rend après la détermination des séquelles permanentes découlant de la lésion professionnelle subie par la travailleuse.
[18] Il est admis que la lésion professionnelle a été consolidée le 25 septembre 2008. La travailleuse est restée avec une atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique et des limitations fonctionnelles. Voici comment le premier juge administratif rapporte ces faits :
[12] Le 15 février 2008, elle est victime d’un accident du travail lorsqu’elle chute dans un escalier. Elle s’inflige alors une entorse cervicale sur discopathie dégénérative et une entorse lombaire sur ancienne discoïdectomie.
[13] Ces diagnostics sont retenus à la suite de l’avis du docteur Pierre Lacoste, physiatre, membre du Bureau d’évaluation médicale. Le 11 septembre 2008 est retenu comme étant la date de consolidation de la lésion au niveau du rachis cervical et le 25 novembre 2008 est retenu en ce qui concerne l’entorse lombaire.
[14] Un pourcentage de 4 % est accordé à la travailleuse à titre d’atteinte permanente. Elle conserve les limitations fonctionnelles suivantes :
En ce qui regarde le rachis cervical, la travailleuse doit éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :
- soulever, porter, pousser, tirer des charges supérieures à environ 25 kilos;
- ramper;
- effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension, de torsion de la colonne cervicale;
- subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne cervicale.
En ce qui regarde la colonne lombo-sacrée, en plus des restrictions de la classe I, éviter les activités qui impliquent de :
- soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 15 kilos;
- effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire, même de faible amplitude;
- monter fréquemment plusieurs escaliers;
- marcher en terrain accidenté ou glissant.
[15] Puisque la travailleuse conserve des limitations fonctionnelles à la suite de sa lésion professionnelle, son dossier est transféré au service de réadaptation de la CSST le 25 février 2009, tel qu’il appert de la note d’intervention de madame Andrée-Anne Monette, à cet effet.
[19] Le dossier de la travailleuse est alors pris en charge en réadaptation par madame Monique Delorme, agente de la CSST, tel que relaté par le premier juge administratif aux paragraphes [16] et suivants.
[20] Au cours des semaines suivantes, la CSST, la travailleuse et l’employeur ont des échanges. Une visite de poste préalable à la détermination de la capacité de la travailleuse est planifiée et tenue. Un rapport est rédigé puis transmis à la travailleuse et à l’employeur. Les paragraphes [17] à [29] de la décision rapportent la preuve à cet égard.
[21] Les paragraphes [19] et [22] méritent d’être cités. Le premier juge administratif y relate l’offre par l’employeur d’une assignation de travail temporaire et sa réticence à intégrer la travailleuse dans la chaîne de production :
[19] La note d’intervention de cette visite de poste du 31 mars 2009 fait état que la travailleuse est journalière aux « mini spring rolls packaging » mais que le vrai titre de poste est emballeur général et qu’elle n’a pas de poste attitré.
[20] Madame Diane Joly, superviseure de production (emballage) pour le compte de l’employeur, explique qu’il y a différents types de produits, soit de gros « spring rolls », des « mini spring rolls » et des « pot stickers » et qu’il y a également différents modes d’emballage. Les tâches de la travailleuse s’effectuent en position debout.
[21] Lors de la visite de poste, Monsieur Denis Roy, ergonome et ergothérapeute mandaté par la CSST, demande s’il peut être envisagé que la travailleuse ne refasse que certaines activités sur les lignes de production. Madame Joly répond que ce serait difficile à gérer si la travailleuse ne peut faire un poste ou l’autre.
[22] Madame Roy, quant à elle, propose d’offrir à la travailleuse une assignation de travail temporaire de quelques heures à la pose d’étiquettes afin que cette dernière reprenne confiance en ses capacités. La note d’intervention du 31 mars 2009 fait état de ce qui suit :
Elle (madame Roy) admet toutefois que si la travailleuse ne peut refaire son emploi pré-lésionnel, elle ne croit pas que l’employeur aura un poste plus léger à proposer.
[22] Par la suite, le premier juge administratif fait état du contenu du rapport d’analyse de poste produit par monsieur Denis Roy, ergonome, lequel, comme mentionné aux paragraphes [27] et [28], affirme que les limitations fonctionnelles ne sont pas respectées si on considère certaines opérations de mises en sacs.
[23] Avant la fin des démarches, soit le 13 mai 2009, selon ce qu’on lit à la décision du premier juge administratif, la travailleuse annonce qu’elle se rendra prochainement en chine pour un séjour de quatre mois, soit du 28 mai au 30 septembre 2009.
[24] Quelques jours plus tard, la travailleuse est informée verbalement par la CSST qu’il y aura suspension de l’indemnité de remplacement du revenu et du droit à la réadaptation. Les paragraphes [30] à [33] résument les échanges intervenus entre la CSST est les parties à cet égard.
[25] Selon ce qu’on lit au paragraphe [33], avant le 21 mai 2009, l’employeur n’a pas offert d’emploi adapté ou d’emploi convenable à la travailleuse. Voici ce qu’écrit le premier juge administratif :
[33] Madame Delorme précise qu’il y a une décision de droit à la réadaptation à rendre étant donné que la travailleuse ne peut refaire entièrement ses tâches prélésionnelles et qu’ils sont en attente d’une réponse de l’employeur à ce sujet. Elle ajoute que lors de la visite de poste, il avait été établi que la travailleuse devait pouvoir refaire ses tâches en entier. L’employeur peut toutefois, selon madame Delorme, changer d’avis à ce sujet et trouver une solution qui pourrait constituer un emploi convenable.
[26] Le 21 mai 2009, la CSST rend deux décisions dont l’employeur demande la révision administrative et qu’il conteste par la suite devant la Commission des lésions professionnelles (dossier 389429-71-0909). La CSST déclare que la travailleuse a droit à la réadaptation considérant les séquelles permanentes. Elle tient compte également de l’impact du départ de la travailleuse sur l’attribution des prestations.
[27] Voici comment le premier juge administratif résume cette partie des faits :
[34] Madame Delorme conclut que le processus de réadaptation
professionnelle sera repris au retour de la travailleuse. Une lettre, signée
par madame Delorme, est émise le 21 mai 2009 confirmant que l’indemnité de
remplacement du revenu de la travailleuse est suspendue à compter du 29 mai
2009 et ce, en vertu de l’article
[35] Une autre décision est rendue le 21 mai 2009, à l’effet, cette fois, d’informer la travailleuse qu’elle a droit à la réadaptation puisqu’elle conserve une atteinte permanente attribuable à sa lésion professionnelle.
[36] L’employeur conteste ces deux décisions rendues le 21 mai 2009, lesquelles seront maintenues à la suite d’une révision administrative, d’où l’appel devant le présent tribunal.
[28] Les faits postérieurs à ces décisions sont résumés par le premier juge administratif aux paragraphes [36] à [50]. Ils révèlent que l’employeur a offert une assignation temporaire à la travailleuse que celle-ci n’a pas occupée vu son départ pour la Chine. L’employeur, qui avait refusé l’attribution d’un congé de maladie, l’a congédiée pour absence non justifiée.
[29] La travailleuse rentre de Chine à la date prévue, soit le 30 septembre 2009. La CSST reprend le versement de l’indemnité de remplacement du revenu. La CSST écarte un retour au travail chez l’employeur en raison de la rupture du lien d’emploi que l’employeur refuse alors de le rétablir. La réadaptation est ainsi orientée vers une recherche d’emploi convenable ailleurs sur le marché du travail. Ces faits sont rapportés aux paragraphes [51] à [62].
[30] Le 5 mars 2010, la CSST rend une décision sur l’emploi convenable que l’employeur conteste jusqu’à la Commission des lésions professionnelles (412605-71-1006).
[31] Voilà pour l’essentiel des faits rapportés par le premier juge administratif pour lesquels aucune erreur n’est alléguée.
[32] La première question en litige est ainsi libellée par le premier juge administratif :
[86] La Commission des lésions professionnelles doit décider, dans un premier temps, si la CSST pouvait suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu et interrompre le processus de réadaptation entrepris. Le fait que la travailleuse avait droit à la réadaptation puisqu’elle conserve une atteinte permanente attribuable à sa lésion professionnelle n’est pas remis en question.
[33] Pour y répondre, il dispose d’abord de la question qui a trait à la mise en œuvre du plan individualisé de réadaptation. Il conclut que le 21 mai 2009, les démarches de réadaptation étaient déjà entreprises. Voici ce qu’il écrit :
Ø La mise en œuvre du plan individualisé de réadaptation
[88] Le plan de réadaptation prévu à l’article
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
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1985, c. 6, a. 146.
[89] La réadaptation professionnelle, qui constitue le volet
de la réadaptation en cause dans le présent dossier, est prévue aux articles
[90] La première étape du plan consiste donc à tenter la réintégration du travailleur dans son emploi. La CSST examine alors si le travailleur, victime d’une lésion professionnelle, peut exercer son emploi sans outrepasser ses limitations fonctionnelles.
[91] Dans le cas de la travailleuse, son dossier est transféré au service de réadaptation de la CSST le 25 février 2009. À partir de ce moment, madame Delorme est en charge du dossier et des échanges interviennent entre celle-ci et l’employeur afin, notamment, de planifier une visite de poste. Une rencontre a d’ailleurs lieu à cet effet le 31 mars 2009.
[92] L’objectif de cette rencontre consiste à évaluer la capacité de la travailleuse à rencontrer les exigences physiques de ses tâches de travail tout en respectant ses limitations fonctionnelles. Monsieur Roy procède à l’analyse des tâches de la travailleuse et rédige un rapport, à ce sujet, en date du 20 avril 2009.
[93] La lettre de la CSST statuant sur la suspension des indemnités de remplacement du revenu est émise le 21 mai 2009. À ce moment, les démarches en réadaptation professionnelles sont clairement entreprises.
[94] La Commission des lésions professionnelles ne peut donc retenir la position de l’employeur à l’effet que les parties étaient alors à une étape préalable à l’amorce du plan individualisé de réadaptation.
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2 Article 166 de la loi.
[34] À cet égard, la conclusion du premier juge administratif repose sur la preuve et elle est suffisamment motivée pour être intelligible. Il n’y a pas lieu d’intervenir pour la réviser.
[35] L’employeur allègue qu’il y a une erreur dans le raisonnement parce que le premier juge administratif dit le contraire quelques paragraphes plus loin. Comme on le verra, l’erreur n’est pas celle que l’employeur souligne. Nous y reviendrons.
[36]
Après avoir conclu que la CSST avait mis en œuvre un plan individualisé
de réadaptation, le premier juge administratif juge que c’est à bon droit que
la CSST a suspendu le versement de l’indemnité de remplacement du revenu en
vertu de l’article
[37] Cette conclusion repose également sur une analyse cohérente et rationnelle des faits. Jusque là, il n’y a pas de contradiction. Poursuivons.
[38]
Le premier juge administratif continue l’exposé de ses motifs en
abordant la question qui a trait à l’application de l’article
183. La Commission peut suspendre ou mettre fin à un plan individualisé de réadaptation, en tout ou en partie, si le travailleur omet ou refuse de se prévaloir d'une mesure de réadaptation prévue dans son plan.
À cette fin, la Commission doit donner au travailleur un avis de cinq jours francs l'informant qu'à défaut par lui de se prévaloir d'une mesure de réadaptation, elle appliquera une sanction prévue par le premier alinéa.
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1985, c. 6, a. 183.
(Notre soulignement)
[39] Le premier juge administratif écrit au paragraphe [101] de la décision que le 20 mai 2009 l’agente de la CSST a informé la travailleuse que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu et le droit à la réadaptation était suspendu en raison de non disponibilité de la travailleuse.
[40]
Il explique par la suite que cette décision n’est pas prise en vertu de
l’article
[103] En l’espèce, la travailleuse n’a pas omis ou refusé de se prévaloir d’une mesure de réadaptation prévue dans son plan. La preuve est plutôt à l’effet que la CSST n’a pas mis en place de mesure de réadaptation durant l’absence de la travailleuse. Les conséquences auxquelles la travailleuse devait faire face, à la suite de son départ en Chine, ont clairement été exposées par madame Delorme, et ce, tant à la travailleuse qu’à l’employeur, et se limitaient à la suspension du versement de l’indemnité du revenu.
[104] Madame Delorme a toujours maintenu qu’elle ne poursuivrait pas le processus de réadaptation en l’absence de la travailleuse. Cela ressort de ses notes d’intervention du 25 mai 2009, de sa conversation téléphonique avec la fille de travailleuse en date du 26 mai 2009 et de son courriel du 28 mai 2009.
[105] Dans ce contexte, on ne peut invoquer que la travailleuse omet ou refuse de se prévaloir d’une mesure de réadaptation, puisqu’aucune mesure n’était prévue au cours de son absence.
[106] D’autre part, le défaut d’avoir donné à la travailleuse
l’avis de cinq jours francs prévu au deuxième alinéa de l’article
[41]
Avec respect, le tribunal juge que cette partie des motifs vient en
contradiction avec la conclusion exposée précédemment où le premier juge
administratif conclut que les conditions d’application du sous-paragraphe d) du
deuxième paragraphe de l’article
[42] En toute logique, le départ de la travailleuse pouvait fonder une décision en application de l‘article 183 de la loi et cela pour les mêmes motifs. En choisissant de se rendre en Chine pour quelques mois, la travailleuse se soustrayait aux démarches de réadaptation déjà entreprises afin d’identifier un emploi qu’elle pouvait occuper compte tenu des limitations fonctionnelles.
[43] Concrètement, c’est d’ailleurs ce que la CSST a fait. Elle a suspendu le processus de réadaptation professionnelle qui en était aux premières étapes, comme le premier juge administratif l’explique aux paragraphes [90] et suivants.
[44] Au paragraphe [104], le premier juge administratif reconnaît d’ailleurs que l’agente de la CSST suspend les mesures de réadaptation. Donc, il y a eu suspension. La travailleuse en a été informée verbalement et celle-ci ne s’est jamais plainte de l’insuffisance du préavis.
[45]
Le tribunal constate que le premier juge administratif refuse
d’appliquer l’article
[46] Une partie de cet énoncé est exact. La travailleuse n’a pas omis de se prévaloir d’une mesure de réadaptation entre le 28 mai et le 30 septembre 2009. Mais tel est le cas parce que la CSST avait déjà procédé à la suspension des démarches.
[47]
Les raisons que le premier juge administratif retient pour écarter
l’application de l’article
[100] La Commission des lésions professionnelle doit décider si la CSST pouvait interrompre le processus de réadaptation entrepris compte tenu de l’absence de la travailleuse.
(Nos soulignements)
[48]
Or, les faits montrent que la CSST a suspendu le plan de réadaptation comme
l’article
[49] L’erreur commise par le premier juge administratif n’est pas déterminante en ce qu’elle ne permet pas de réviser les conclusions de la décision du premier juge administratif relatives à l’emploi convenable, le droit à la réadaptation, la capacité de travail ou le droit à l’indemnité de remplacement du revenu.
[50] Comme mentionné précédemment, la conclusion du premier juge administratif à quant à l’existence d’un plan de réadaptation repose sur la preuve et sur le droit. Elle est motivée et intelligible. Le présent tribunal ne peut intervenir pour substituer son propre jugement. L’opinion du premier juge administratif doit ici prévaloir.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de l’employeur, McCain Foods.
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Michèle Juteau |
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Me Dominique L’Heureux |
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FASKEN MARTINEAU DUMOULIN, AVOCATS |
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Représentante de la partie requérante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Donohue inc. et Villeneuve,
[3] Bourassa
et Commission des lésions
professionnelles
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.