Décision

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McLauchlan c. Association étudiante sectorielle des programmes et modules en science politique et droit de l'UQAM

2015 QCCS 684

JP1827

 
 COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

 

N° :

500-17-086474-155

 

 

 

DATE :

LE 23 FÉVRIER 2015

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE :

L’HONORABLE

ANDRÉ PRÉVOST, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

 

DAVID MCLAUCHLAN

Requérant

c.

ASSOCIATION ÉTUDIANTE SECTORIELLE DES PROGRAMMES ET MODULES EN SCIENCE POLITIQUE ET DROIT DE L’UQAM

et

UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

Intimées

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT SUR REQUÊTE POUR

INJONCTION INTERLOCUTOIRE PROVISOIRE (Cote 5)

______________________________________________________________________

 

[1]           Le requérant est étudiant en droit à l’Université du Québec à Montréal (UQAM).

[2]           Il demande l’émission d’une injonction interlocutoire provisoire (la Requête) pour empêcher la tenue, le 24 février 2015, par l’Association étudiante sectorielle des programmes et modules en science politique et droit de l’UQAM (AFESPED) d’une assemblée générale extraordinaire de ses membres portant sur un éventuel mandat de grève. Sa demande couvre aussi la tenue de toute autre assemblée générale future portant sur ce sujet.

[3]           La Requête recherche également des ordonnances visant à interdire toute entrave au droit des étudiants de recevoir leurs cours incluant toute intimidation, menace ou manifestation qui y seraient reliées.

[4]           Enfin la Requête vise l’obtention d’une ordonnance enjoignant à l’UQAM de dispenser les cours prévus à l’horaire régulier et de prendre les mesures nécessaires pour éviter toute perturbation à cet égard.

[5]           L’émission d’une ordonnance d’injonction interlocutoire provisoire n’est accordée qu’exceptionnellement, pour une période d’au plus dix jours, lorsque quatre conditions sont satisfaites[1], soit :

a)    la partie requérante paraît y avoir droit;

b)    elle est nécessaire pour empêcher que ne lui soit causé un préjudice sérieux ou irréparable ou que ne soit causé un état de fait ou de droit de nature à rendre le jugement final inefficace;

c)    les inconvénients que subirait la partie requérante de l’absence d’une telle ordonnance sont plus importants que ceux dont souffrirait la partie visée par celle-ci si elle était prononcée; et

d)    l’urgence.

[6]           À cette étape, le Tribunal ne dispose que de la preuve établie par les déclarations assermentées déposées par les parties.

a.    L’apparence de droit

[7]           La cause avancée par le requérant est la suivante.

[8]           L’AFESPED est membre de l’Association pour une Solidarité Syndicale Étudiante (l’ASSÉ).

[9]           Plusieurs des associations membres de l’ASSÉ, dont l’AFESPED, ont entamé la tenue d’assemblées générales en vue d’obtenir le mandat de déclencher une grève générale pour protester contre les décisions budgétaires du gouvernement du Québec, notamment pour réclamer une augmentation de l’imposition des banques et des entreprises.

[10]        Le 13 février 2015, l’AFESPED a convoqué une « assemblée générale extraordinaire de grève »[2] pour le 24 février 2015.

[11]        Soutenant que le droit de grève n’existe pas dans le cadre des relations entre étudiants et universités, le requérant craint qu’un vote des membres de l’AFESPED en faveur d’un mandat de grève le 24 février prochain ou à toute autre date ultérieure l’empêche d’exercer son droit d’assister aux cours pour lesquels il est inscrit à l’UQAM et de bénéficier d’un environnement d’apprentissage sain et sécuritaire.

[12]        Il soutient, enfin, que les assemblées générales de l’AFESPED donnent lieu à du harcèlement et à des actes d’intimidation à l’encontre des opposants à la grève, dont lui-même. De plus, il aurait été victime, dans le passé, de l’intimidation des représentants de l’AFESPED parce qu’il tenait à aller à ses cours.

[13]        L’article 55 C.p.c. précise que la partie qui forme une demande en justice doit avoir un « intérêt suffisant ». Il est généralement admis en jurisprudence que pour être suffisant, l’intérêt doit être juridique, personnel, né et actuel[3].

[14]        La Cour d’appel fait sien l’énoncé suivant relativement au caractère « né et actuel »[4] :

4.       L’intérêt doit être né et actuel. - Cela ne signifie pas que seul le préjudice actuel puisse être réparé : on peut demander réparation d’un préjudice futur dès lors qu’il est certain; on a, en effet, un intérêt né et actuel à demander réparation d’un tel préjudice. Par contre, aucune action n’est donnée pour faire réparer un préjudice éventuel, hypothétique, dont on ne sait pas s’il se réalisera. Il faut attendre sa réalisation.

[l’emphase apparaît au texte]

[15]        Dans les circonstances actuelles, le requérant ne possède pas cet intérêt né et actuel et ce, pour les raisons suivantes.

[16]        Premièrement, aucune décision n’a encore été prise par les membres de l’AFESPED pour enclencher une grève ou tout autre moyen de pression. Au contraire, au cours d’une assemblée générale tenue le 28 janvier 2015, une proposition de tenir une assemblée générale sur l’opportunité de faire des journées de grève au mois de mars a été rejetée.

[17]        Deuxièmement, le requérant n’a pas été empêché, à ce jour, d’assister à ses cours ou de recevoir la formation pour laquelle il est inscrit à l’UQAM. Les deux évènements qui se seraient produits les 12 et 26 novembre 2014, allégués à la requête introductive d’instance, et référant à deux cours qui auraient été interrompus en raison de perturbations causés par certains étudiants, ne sont pas appuyés d’une déclaration assermentée. De plus, le contexte dans lequel ces gestes ont été posés n’est pas précisé.

[18]        Troisièmement, les craintes d’intimidation et de harcèlement au cours de l’assemblée générale fixée au 24 février ne sont pas soutenues par la preuve. D’une part, aucune situation semblable n’est rapportée en ce qui concerne le requérant lors de la dernière assemblée générale tenue le 28 janvier dernier. D’autre part, l’avis de convocation du 13 février contient plusieurs mises en garde et recommandations du comité exécutif de l’AFESPED visant au bon déroulement de l’assemblée.

[19]        À ce stade, la Requête apparaît donc prématurée puisqu’elle se fonde sur une situation dont on ne sait si elle se réalisera.

b.    Le préjudice sérieux ou irréparable

[20]        Pour les raisons évoquées précédemment, le requérant n’a pas non plus établi, à ce stade, un préjudice sérieux ou irréparable.

[21]        Aucune décision n’a encore été prise à l’égard d’une grève ou d’autres moyens de pression qui pourraient éventuellement lui causer un préjudice de quelque nature que ce soit.

[22]        Le fait que l’assemblée se tienne le jour précédant un examen auquel doit se soumettre le requérant constitue vraisemblablement un inconvénient, voire un désagrément, mais n’équivaut pas à un préjudice irréparable dans les circonstances.

c.    La balance des inconvénients

[23]        Comme le requérant n’a pas démontré une apparence de droit à ce stade, le Tribunal n’a pas à analyser la balance des inconvénients.

d.    L’urgence

[24]        Comme le requérant a fait défaut d’établir un préjudice irréparable à ce stade, il ne peut satisfaire au critère de l’urgence.

POUR CES MOTIFS. LE TRIBUNAL :

[25]        REJETTE la requête pour injonction interlocutoire provisoire;

[26]        AVEC DÉPENS.

 

 

 

__________________________________

ANDRÉ PRÉVOST, J.C.S.

 

 

 

Me Éric Oliver

Me Jean-René Tremblay

Municonseil Avocats

Pour le requérant

 

Me Denis Lavoie

Melançon Marceau Grenier Sciortino

Pour l’AFESPED

 

Me Chantal Chatelain

Langlois Kronström Desjardins

Pour l’Université du Québec à Montréal

 

Date d’audience :

Le 20 février 2015

 



[1]     Art. 752 et 753 Code de procédure civile (C.p.c.); Société minière Louvem inc. c. Aur Ressources Inc., [1990] R.J.Q. 772, 775 (C.S.).

[2]     R-1.

[3]     Chabot c. Corporation Sun Média, 2006 QCCS 2353, par. 12 (appel rejeté : 2006 QCCA 1385).

[4]     Trust Général c. Bouchard, [1971] C.A. 765, reprenant les commentaires de Mazeaud.

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