Décision

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Autorité des marchés financiers c. Demers

2006 QCBDRVM 17

Bureau de décision et de révision

en valeurs mobilières

 

 

PROVINCE DE QUÉBEC

MONTRÉAL

 

DOSSIER No :             2004-018

 

N° DE DÉCISION :     2004-018-01

 

DATE : le 28 février 2006

 

EN PRÉSENCE DE :           Me Jean-Pierre Major

                                                 Me Alain Gélinas

                                                 Me MICHELLE THÉRIAULT

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS

            DEMANDERESSE

-et-

STEVEN DEMERS

                           INTIMÉ

 

interdiction d’agir à titre d’administrateur ou dirigeant d’un émetteur et mesure propre à assurer le respect de la loi sur les valeurs mobilières

[art. 273.3 , Loi sur les valeurs mobilières (L.R.Q., chap. V-1.1) & arts. 93 (10°) et 94, Loi sur l’Autorité des marchés financiers (L.R.Q., chap. A-33.2)]

 

Me France Saint-Denis

Procureure de l’Autorité des marchés financiers

 

 

Me Stephen Angers

Procureur de Steven Demers


 

DÉCISION

Le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières, statuant sur une demande de l’Autorité des marchés financiers qui lui priait d’interdire à Steven Demers, intimé en la présente instance, d’agir comme administrateur ou dirigeant d’un émetteur pour une période de cinq ans à partir de la date de la décision du Bureau et de prendre à l’encontre de ce dernier toute autre mesure propre à assurer le respect des dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières ;

Après avoir étudié le dossier, entendu les parties et délibéré ;

Pour les motifs ci-joints de Me Alain Gélinas, vice-président du Bureau, auxquels souscrivent Me Jean-Pierre Major, vice-président du Bureau et Me Michelle Thériault, membre du Bureau ;

ACCUEILLE la demande de l’Autorité ;

Fait à Montréal, le 28 février 2006

 

(S) Jean-Pierre Major

Me Jean-Pierre Major, vice-président

 

(S) Alain Gélinas

Me Alain Gélinas, vice-président

 

(S) Michelle Thériault

Me Michelle Thériaut, membre


 

OPINION DE Me ALAIN GÉLINAS

LES FAITS

Au début de l’audience, la procureure de l’Autorité des marchés financiers (ci-après l’ « Autorité ») a souligné qu’elle entendait faire la preuve que monsieur Steven Demers a fait l’objet d’une sanction en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières[1] et qu’il a continué à agir illégalement et à aider la société Enviromondial Inc. à faire des placements[2].

            La demande de l’Autorité

C’est dans les termes apparaissant ci-après que l’Autorité a soumis sa demande au Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières (ci-après le « Bureau ») ainsi que les conclusions qu’elle recherchait :

« L’Agence nationale d’encadrement du secteur financier soumet au Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières ce qui suit :

1.            La société Enviromondial inc. (ci-après « Enviromondial » ) a été constituée le 24 août 1999 en vertu de la partie IA de la Loi sur les compagnies, L.R.Q., c. C-38 et son siège social est situé au 1900, rue Sherbrooke Ouest, bureau 100, Montréal (Québec) H3H 1E6.

2.            Les statuts constitutifs indiquent qu’Enviromondial est une société fermée au sens de la Loi sur les valeurs mobilières, L.R.Q., c. V-1.1 (ci-après la « Loi sur les valeurs mobilières »).

3.            Selon le Registraire des entreprises, Steven Demers est président d’Enviromondial depuis la constitution de cette société jusqu’à ce jour.

4.            À ce jour, Steven Demers est le seul à posséder des actions votantes d’Enviromondial.

5.            Entre octobre 2000 et décembre 2001, Enviromondial a effectué le placement de ses titres auprès d’environ 845 personnes et elle a recueilli une somme approximative de 1 720 174 $ sans avoir de prospectus visé par la Commission des valeurs mobilières du Québec (ci-après la « Commission »).

6.            Ces placements, représentant 17 200 740 actions d’Enviromondial, ont été effectués principalement auprès d’investisseurs domiciliés au Québec.

7.            Ceci a amené la Commission, le 30 janvier 2002, à interdire à Enviromondial toute activité en vue d’effectuer le placement de ses titres (Décision n° 2002-C-0021).

8.            Entre le prononcé de cette interdiction et le 26 juillet 2002, Enviromondial a continué d’effectuer le placement de ses titres auprès d’environ 200 personnes et elle a recueilli une somme approximative de 600 000 $ en contravention de cette interdiction.

9.            Le 26 juillet 2002, la Commission a prononcé une ordonnance de blocage visant des sommes obtenues en contravention de cette interdiction (Décision n° 2002-C-0277).

10.        Steven Demers a été impliqué dans ces placements.

11.        Ceci a amené la Commission, le 7 octobre 2002, à autoriser des poursuites pénales devant la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, contre Steven Demers, en relation avec le placement des titres d’Enviromondial.

12.        Steven Demers a fait face à 52 chefs d’accusation pour avoir contrevenu à la Loi sur les valeurs mobilières dans le district de Montréal :

·               26 chefs d’accusation pour avoir aidé Enviromondial à procéder au placement de ses titres sans avoir un prospectus visé par la Commission;

·               23 chefs d’accusation pour avoir aidé Enviromondial à contrevenir à une décision prononcée par la Commission, le 30 janvier 2002, interdisant à la société d’exercer toute activité en vue d’effectuer le placement de ses titres;

·               2 chefs d’accusation pour avoir exercé l’activité de courtier en valeurs sans être inscrit à ce titre auprès de la Commission;

·               1 chef d’accusation pour avoir déclaré que les titres d’Enviromondial étaient pour être admis à la cote d’une bourse.

13.        Le 26 avril 2004, au Palais de justice de Montréal, Steven Demers a plaidé coupable à 33 des chefs d'accusation qui avaient été portés contre lui relativement à cette poursuite pénale intentée le 7 octobre 2002.

14.        Steven Demers a reconnu sa culpabilité aux accusations suivantes :

·               Avoir aidé Enviromondial à procéder au placement de ses titres sans que ladite société détienne un prospectus visé par la Commission (11 chefs d’accusation à ce titre et une amende de 55 000 $) ;

·               avoir exercé l'activité de courtier en valeurs sans être inscrit à ce titre auprès de la Commission (2 chefs d'accusation à ce titre et une amende de 2 000 $) ;

·               avoir contrevenu à une décision de la Commission prononcée le 30 janvier 2002 (19 chefs d’accusation à ce titre et une amende de 19 000 $);

·               avoir déclaré, à l’occasion d’une opération sur les titres d’Enviromondial que les actions de cette société seraient à la cote d’une bourse (1 chef d’accusation à ce titre et une amende de 1 000 $).

15.         Le juge Denis Saulnier de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, l’a alors condamné à payer une amende totale de 77 000 $.

16.        Entre novembre 2002 et mars 2003, d’autres placements d’actions d’Enviromondial ont été faits auprès d’au moins neuf (9) investisseurs récoltant ainsi huit (8) chèques représentant une somme de 13 500 $.

17.        Ceci a amené la commission, le 22 mai 2003, à interdire à Steven Demers toute activité en vue d’effectuer une opération sur valeurs sur les titres d’Enviromondial (Décision nº 2003-C-0202).

18.        Cette décision prévoyait qu’une audience pourrait être tenue, si Steven Demers informait la commission qu’il entendait exercer son droit d’être entendu, mais il ne s’est pas prévalu de ce droit et aucune audience n’a eu lieu.

19.        Aussi, le 2 juillet 2003, la Commission a autorisé une deuxième poursuite pénale, devant la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, contre Steven Demers, en relation avec le placement des titres d’Enviromondial.

20.        Steven Demers fait face à 25 chefs d’accusation pour avoir contrevenu à la Loi sur les valeurs mobilières dans le district de Montréal :

·         16 chefs d’accusation pour avoir aidé Enviromondial à procéder au placement de ses actions sans avoir un prospectus visé par la Commission;

·         9 chefs d’accusation pour avoir aidé Enviromondial à contrevenir à une décision prononcée par la Commission, le 30 janvier 2002, interdisant à la société d’exercer toute activité en vue d’effectuer le placement de ses titres.

21.        S’il est reconnu coupable de tous ces chefs d’accusation, Steven Demers sera condamné à payer une amende minimale de 89 000 $ et il pourrait se voir imposer une peine d’emprisonnement.

22.        Le procès de Steven Demers, pour ces 25 chefs d’accusation, est fixé du 13 au 16 décembre 2004. (Suite à une demande d’amendement le 31 janvier 2005[3], l’allégation a été modifié afin de mentionner que le procès s’est terminé le 14 décembre 2004 et que Steven Demers a été condamné à une amende de 89 000 $ pour ces 25 chefs d’accusation. L’Autorité des marchés financiers en appelle de la sentence).

23.        Steven Demers a fait l’objet d’une sanction en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières lorsqu’il a été condamné à payer une amende de 77 000 $ le 26 avril 2004.

24.        De plus, Steven Demers a, de façon répétée, manqué a ses obligations d’administrateur au sens de l’article 329 du Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64.

EN CONSÉQUENCE, l’Agence nationale d’encadrement du secteur financier demande au Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières, en vertu de l’article 273.3 de la Loi sur les valeurs mobilières et de l’article 94 de la Loi sur l’Agence nationale d’encadrement du secteur financier, L.R.Q., c. A-7.03 de :

INTERDIRE à STEVEN DEMERS d’agir comme administrateur ou dirigeant d’un émetteur pour une période de 5 ans à compter de la date de la décision du Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières;

PRENDRE à l’encontre de celui-ci toute autre mesure propre à assurer le respect des dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières.

            La preuve

L’historique du dossier a été fait principalement par le biais de témoins de l’Autorité.

                        Le témoin Hyacinthe Auger

Le témoin Hyacinthe Auger a une formation en histoire ainsi qu’une formation en administration (MBA). Celui-ci a par la suite été commissaire industriel et consultant. Il a travaillé pour une firme d’ingénieur pour des projets reliés à l’énergie et pour le gouvernement du Québec au Bureau des investissements étrangers.

Monsieur Auger a créé Enviromondial Inc. (ci-après « Enviromondial ») avec Steven Demers et d’autres partenaires en août 1999[4]. Steven Demers n’a pas fait de mise de fonds dans le projet. À cette époque, selon le témoin, aucun fondateur n’avait d’expérience dans le financement par le biais d’un appel public à l’épargne[5]. Deux des fondateurs ont quitté parce qu’ils ne voulaient plus faire de mise de fonds servant notamment à payer le salaire de Steven Demers et suite à un différend concernant le choix de la technologie. Le témoin Auger aurait démissionné à titre d’administrateur d’Enviromondial en octobre 2002.

Le projet d’Enviromondial vise la cogénération, à savoir l’utilisation de déchets pour faire de l’énergie. Le projet de l’Université de Montréal et plus particulièrement celui de l’École polytechnique avait été retenu car il permettait de gazéifier 91% des déchets et de produire un gaz à haut potentiel calorifique. L’agence de commercialisation de l’École polytechnique, à savoir Polyvalor, détient le brevet du gazéifieur ou gazogène. Selon le témoin, elle aurait cédé une licence d’utilisation internationale et exclusive à Enviromondial.

Au début et jusqu’à l’ouverture des locaux, c’est le témoin Auger qui avançait l’argent à Enviromondial. Steven Demers n’aurait, quant à lui, déboursé aucune somme d’argent[6]. À l’automne 2000, la société Coast to Coast a proposé de structurer un financement. Selon le témoin, cette dernière société se spécialisait dans la préparation de petits prospectus de 4 à 6 pages. On tenait par la suite des assemblées d’investisseurs afin de vendre des « actions de fondateur ».

Pour le témoin, il s’agissait d’actions pour les premiers actionnaires et dont l’émission précédait, selon ses dires, le financement public[7]. Quelques assemblées auraient été tenues et environ 35 000 $ auraient ainsi été obtenus. Selon le témoin, l’avocat leur aurait expliqué qu’aucun prospectus n’était requis, compte tenu qu’il s’agissait d’actions de fondateur. Aucun montant minimal n’était requis et n’importe qui pouvait acquérir les actions de fondateur sans un prospectus visé par la Loi !

En décembre 2000, un actionnaire se serait interrogé concernant la légalité des derniers placements effectués, compte tenu du fait que le nombre d’actionnaires atteignait maintenant cinquante-cinq (55). On a par la suite donné un mandat à une firme d’avocats afin d’entrer en rapport avec la Commission des valeurs mobilières pour régulariser la situation[8]. Compte tenu de la condamnation criminelle du témoin Auger pour abus de confiance alors qu’il était à l’emploi du gouvernement du Québec, la firme d’avocats se serait retirée du dossier. On continue malgré tout à vendre des titres d’Enviromondial, le nombre d’actionnaires passant de 55 à plusieurs centaines[9].

Après avoir rencontré d’autres avocats, Steven Demers aurait décidé d’aller voir seul, en septembre 2001, les représentants de la Commission des valeurs mobilières du Québec. Le 16 octobre 2001, le Directeur de la conformité et de l’application de la Commission envoie une lettre à Steven Demers l’informant qu’une enquête est en cours concernant les activités de financement d’Enviromondial[10]. De plus, on lui demande de se conformer strictement aux obligations en matière de financement et on l’incite à communiquer avec la Commission avant d’effectuer quelque transaction sur le titre d’Enviromondial ou tout acte de financement. Toujours selon le témoin Auger, malgré cette mise en garde, on continue toujours de vendre des actions[11].

Le contrôle des actions votantes d’Enviromondial appartient entièrement au témoin Auger et à Steven Demers. Chacun détient 50 actions sur un total de 100 actions votantes. On avait prévu pour les autres actionnaires un total de cent millions d’actions non votantes[12].

Le témoin Auger se souvient qu’une interdiction a été prononcée en janvier 2002 à l’encontre d’Enviromondial. Cette dernière aurait respecté l’interdiction pendant quelques mois mais, selon le témoin, des impératifs financiers auraient fait en sorte que Steven Demers aurait recommencé à vendre des actions après le mois de mars 2002[13].

Le témoin souligne qu’on « recyclait » des actions vendues à l’automne qui avait été émises mais non payées. On revendait les titres à d’autres investisseurs en utilisant les mêmes numéros de certificat[14] et ce, même si les titres avaient au préalable déjà été inscrits au nom d’actionnaires dans le registre[15]. À l’automne 2002, la société avait amassé deux millions et demi de dollars[16].

Au niveau des états financiers, le témoin affirme que bien qu’au départ un mandat fût donné à une firme de vérificateur, aucun état financier n’a finalement été complété.

Le témoin se rappelle également qu’en juillet 2002, le compte de banque d’Enviromondial a fait l’objet d’une ordonnance de blocage de la part de la Commission des valeurs mobilières du Québec[17].

Il se souvient que suite à une audience devant la Commission, cette dernière avait pris acte des engagements d’Enviromondial à savoir : 1) tenir une assemblée des porteurs de ces actions au plus tard au début septembre 2002 ; 2) compléter et fournir un plan d’affaires et d’actions stratégiques à ces actionnaires ; 3) nommer à l’occasion de cette assemblée, un représentant des porteurs qui aura droit de parole et droit de vote à l’égard des actes et des gestes qu’Enviromondial pourra poser ; 4) modifier le capital actions afin que soit régularisée la situation des porteurs d’actions[18].

L’assemblée des actionnaires a effectivement eu lieu le 13 septembre 2002 ; au cours de celle-ci furent approuvés le plan d’affaires, le projet d’états financiers ainsi que la nomination d’un représentant des porteurs. Les actionnaires ont également approuvé la création d’Enviromondial International qui avait pour but de permettre aux actionnaires d’Enviromondial d’obtenir des actions votantes de la nouvelle société par le biais d’un échange de titres.

Selon le témoin Auger, la conversion du capital actions, malgré l’approbation des actionnaires, n’a pas été effectuée et aucune autre assemblée n’a été tenue[19]. Un budget a été alloué afin de retenir les services d’une firme d’avocats pour rédiger un prospectus.

Suite à des négociations entre la firme d’avocats et la Commission des valeurs mobilières du Québec, cette dernière aurait exigé, entre autres, la démission du témoin Auger ainsi que celle de Steven Demers à titre d’administrateurs et de dirigeants principaux. Les deux pouvaient cependant demeurer à titre d’employés de la société. Leur démission aurait, semble-t-il, permis la régularisation de la situation ainsi que l’octroi du visa de prospectus[20]. En principe, ces deux personnes ont effectivement démissionné. Cependant, selon le témoin, en pratique, Steven Demers aurait continué d’agir à titre d’administrateur[21].

Le témoin Auger souligne qu’un conflit a éclaté entre lui et Steven Demers lorsqu’il a commencé à soupçonner que tout l’argent recueilli comptant n’allait pas dans les coffres de la société et qu’il a voulu mettre en place un mécanisme de contrôle[22]. Ce mécanisme de contrôle faisait en sorte qu’aucun certificat d’actions ne pouvait être émis avant l’approbation du paiement et la confirmation du dépôt à l’institution financière.

Malgré le caractère approprié d’une telle procédure, Steven Demers aurait avisé Auger par lettre, en juin 2002, de ne pas s’ingérer dans le processus de collecte d’argent et de l’émission des certificats[23]. Le témoin Auger affirme qu’en octobre 2002, il manquait sept cent mille dollars (700 000 $) dans les coffres d’Enviromondial.

Le témoin Auger affirme avoir contacté les avocats de la société à l’effet que Steven Demers aurait pris cet argent. La réponse de Steven Demers, qui a satisfait les avocats, a été à l’effet qu’il aurait vendu ses actions[24]. La société Enviromondial, de l’avis du témoin, n’aurait jamais eu de problèmes financiers si celle-ci avait pu bénéficier de cette somme[25].

Les actions vendues ne sont pas les actions votantes initiales mais bien d’autres actions non votantes que le témoin Auger et Steven Demers se sont attribués pour un total de vingt millions d’actions chacun. Voici le passage pertinent du témoin Auger concernant cette émission :

« Ça s’est fait au cours de l’année deux mille un (2001), deux mille deux (2002), là, je n’ai pas d’idée précisément quand. Ça aussi c’était fait de bonne foi l’on disait : on est fondateur, on va s’en prendre un montant, on monte tout ça, on a monté l’entreprise, donc….c’est normal on connaissait pas, à cette époque là, que c’était illégal parce que ça faisait une dilution et tout le kit, bon ! On a appris ça en se le faisant mettre sur le nez »[26].

Ainsi les fondateurs se seraient attribués, sans aucune contrepartie, à eux ainsi qu’aux membres de leur famille un nombre très important d’actions. Le témoin Auger admet qu’il s’agissait d’un don d’Enviromondial à lui-même ainsi qu’à Steven Demers[27].

La vente des titres auprès de deux mille investisseurs a été, en très grande majorité, effectuée par Steven Demers. Le témoin souligne l’engouement du public à l’égard du projet et que des investisseurs proviennent de l’Angleterre, de l’Ontario, de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, de la Floride et de l’Australie[28]. Beaucoup de personnes payaient comptant et le témoin qualifie les actionnaires de petits investisseurs et note la présence de personnes âgées[29].

Le témoin affirme que celui-ci ainsi que Steven Demers recevaient un salaire mensuel de huit mille dollars (8 000 $) par mois plus une allocation de voiture. La fille ainsi que le garçon de Steven Demers recevaient respectivement sept mille cinq cent dollars (7 500 $) et cinq mille dollars (5 000 $) par mois, plus une allocation de voiture.

Depuis sa démission, le témoin affirme ne pas avoir été appelé à voter en tant qu’actionnaire, ni avoir approuvé la nomination de dirigeants ou d’administrateurs[30].

En contre-interrogatoire, le témoin Auger admet ne plus avoir aucune idée de la gestion interne de l’entreprise depuis la fin de l’an 2002[31]. Il admet également avoir plaidé coupable pour avoir vendu des actions sans prospectus et avoir écopé d’une amende de quarante-deux milles dollars (42  000 $)[32]. Le témoin Auger souligne qu’il a plaidé coupable, compte tenu qu’il avait signé des certificat d’actions. Le témoin note qu’il a également déjà été condamné pour abus de confiance et s’est vu imposer une sentence de deux ans moins un jour avec sursis[33]. Il ajoute que Steven Demers était au fait de son congédiement et de l’enquête policière lors de la création d’Enviromondial[34].

En contre-interrogatoire, le témoin Auger maintient qu’il manque sept cent mille dollars dans les coffres d’Enviromondial (700  000 $) et que cette situation a été découverte d’une part par le système de contrôle de certificats et d’autre part par le contrôleur interne lui-même[35]. Aucune accusation criminelle de fraude ne semble cependant avoir été déposée relativement à cette somme d’argent[36]. Le témoin Auger admet également le fait que certains avocats consultés ont préféré la version de Steven Demers, à savoir que l’argent manquant provenait de la vente de ses actions[37].

                        L’enquête de l’Autorité

Le témoin Hélène Barabé, enquêteure à l’Autorité, est venu témoigner à l’effet que l’enquête sur les activités d’Enviromondial aurait commencé en décembre 2001, à la suite d’appels d’investisseurs ayant été sollicités et ce, malgré une lettre d’avertissement de la Commission des valeurs mobilières du Québec. Une interdiction d’opération sur valeurs à l’encontre d’Enviromondial aurait par la suite été prononcée en janvier 2002. L’enquêteure témoigne à l’effet qu’un premier dépôt de plainte a été effectué en juin 2002 pour le placement de titres sans prospectus visé, entre octobre 2000 et décembre 2001, auprès de 845 personnes et ce, pour une somme approximative de 1 720 174 $[38]. Le placement aurait été effectué principalement auprès de porteurs résidant au Québec.

Malgré l’interdiction d’opération sur valeurs prononcée à l’encontre d’Enviromondial, la Commission des valeurs mobilières a été avisée par un banquier à l’été 2002 qu’Enviromondial continuait de déposer des chèques dans leurs comptes de banque[39]. L’enquête a donc continué et ces sommes ont fait l’objet d’un blocage le 1er août 2002.

L’enquêteure témoigne à l’effet qu’elle a obtenu le grand livre d’Enviromondial par le biais des avocats de la société. On a déduit, selon les différentes entrées, qu’après l’interdiction, environ 200 investisseurs avaient déboursé environ six cent mille dollars (600 000 $) pour des titres d’Enviromondial.

Lors d’une audience pour un renouvellement de blocage tenue en janvier 2003, l’enquêteure a été informée par un investisseur que les placements se continuaient et on a pu déterminer qu’Enviromondial escomptait dorénavant les chèques des investisseurs par le biais de Centre d’argent comptant et que ce dernier les escomptait à nouveau auprès de Gestion Malgraf.

L’enquêteur a pu obtenir de Centre d’argent comptant la liste vraisemblablement de cent nouveaux investisseurs pour un total d’environ deux cent cinquante mille dollars (250 000 $)[40]. Ces derniers placements ont fait l’objet de plaintes pénales pour lesquelles Steven Demers a plaidé coupable en décembre 2004[41].

L’enquêteure témoigne à l’effet que le personnel de la Commission des valeurs mobilières a rencontré les procureurs de cinq cabinets afin de tenter de régulariser la situation d’Enviromondial. Chacun des cabinets s’est retiré du dossier[42]. En décembre 2003, suite à une information obtenue d’un investisseur, une quatrième enquête a été entamée. Selon l’enquêteure, huit investisseurs, ayant investi un demi-million de dollars auraient été interrogés.

Madame Barabé a informé le tribunal du fait que M. Charbonneau, un administrateur d’Enviromondial qui avait été nommé à titre de représentant des investisseurs, avait démissionné en date du 16 décembre 2004[43]. Compte tenu de la démission de Nathaly Demers, de Monsieur Charbonneau ainsi que du témoignage de l’enquêteur, le tribunal constate avec stupéfaction qu’aucun administrateur ne veille aux intérêts d’Enviromondial[44]. Steven Demers agirait cependant toujours à titre de dirigeant[45].

Auparavant, soit du 22 janvier 2001 au 16 avril 2003, Steven Demers agissait comme secrétaire[46]. L’enquêteure aurait parlé avec certains investisseurs qui se seraient montrés intéressés à devenir administrateurs[47].

En contre-interrogatoire, l’enquêteure Hélène Barabé admet que c’est la première fois qu’elle voyait un entrepreneur venir de son propre chef, sans qu’une inspection ait lieu ou qu’un investisseur ait appelé, rencontrer le régulateur de marché[48].

Au niveau de la recherche, l’enquêteure souligne que le projet d’Enviromondial est dans la phase du prototype, c’est-à-dire que le gazéifieur aurait une taille de un pour cent de l’échelle. La seconde étape serait de fabriquer une unité de démonstration qui représenterait 10 % du modèle final[49]. Le témoin Auger témoigne quant à lui que le prototype est énorme et occuperait deux étages[50].

L’enquêteure souligne le fait que l’Autorité des marchés financiers a effectué quatre enquêtes visant Enviromondial et qu’une quarantaine d’investisseurs auraient été interrogés sur un échantillon de 1 500 investisseurs[51]. À la fin de l’enquête, à savoir en mai 2004, Enviromondial serait toujours en opération selon l’enquêteure[52].

                        L’encaissement des chèques

Le témoin Gaétan Thibault est actionnaire de Gestion Malgraf, une société spécialisée dans l’achat de « chèques recevables »[53]. La société avait plusieurs clients qui venaient escompter des chèques afin d’obtenir des liquidités. Elle faisait notamment affaires avec le Centre d’argent comptant.

Le témoin Jean-François Théroux était propriétaire à l’époque de Centre d’argent comptant à savoir une entreprise d’encaissement de chèques. L’encaissement des chèques se faisait en contrepartie d’une commission variant de trois à quatre pour cent et le reste était remis en argent liquide[54]. Selon ses dires, sa clientèle était composée d’entreprises qui n’ont pas un bon nom ou de clients qui ne peuvent attendre les délais de compensation pendant lesquels les actifs sont « gelés »[55].

Steven Demers est devenu client de Centre d’argent comptant[56] en septembre 2002 et le dernier chèque a été encaissé le 25 février 2003. Les chèques étaient encaissés par Monsieur Demers lui-même ou par une personne bénéficiant d’une procuration. En général, monsieur Demers appelait avant de se présenter lui-même ou d’envoyer son mandataire au Centre d’argent comptant afin de s’assurer que le centre d’encaissement ait les liquidités nécessaires afin d’escompter les chèques. Le témoin souligne que certains chèques auraient été encaissés plusieurs mois après leur émission car il croyait que Steven Demers n’avait plus de compte de banque[57].

Une convention d’encaissement a également été signée par Stephen Demers en septembre 2002 pour le compte d’Enviromondial. Malgré le fait que la convention d’encaissement visait la société, des chèques faits au nom de Stephen Demers personnellement étaient également encaissés via ce compte. Voici le passage pertinent du témoin Théroux :

« Le compte sert aux deux (2), oui, dans le fond, c’est la même personne, là, c’est …Il y a Enviromondial … on sépare pas un chèque personnel de la compagnie si le propriétaire est seul propriétaire de la compagnie. »[58]

Selon le témoin, Stephen Demers a toujours reçu de l’argent comptant en échange des chèques faits à l’ordre d’Enviromondial ou en son nom personnel[59]. Plusieurs chèques ont été encaissés plusieurs mois après leur émission[60]. Centre d’argent comptant aurait suspendu de son propre chef sa relation avec Stephen Demers suite à la convocation qu’il aurait reçue de la Commission des valeurs mobilières[61].

                        Le témoin Nathaly Demers

Le témoin Nathaly Demers, fille de l’intimé, a informé le tribunal du fait qu’elle a démissionné d’Enviromondial le 22 novembre 2004[62]. Elle avait débuté ses activités chez cette dernière au cours de l’hiver deux mille (2000), dans le secteur du marketing. À cette époque, cinq à dix personnes travaillaient chez Enviromondial. Elle occupait le poste de secrétaire de l’entreprise depuis avril 2003[63].

Au moment de son départ, en novembre 2004, Nathaly Demers identifie son père comme la personne en charge de l’entreprise, à titre de président d’Enviromondial[64] et, en quelque sorte, comme un pilier important de l’entreprise[65]. Le frère du témoin travaille également dans l’entreprise et possède un diplôme en technique policière. Le témoignage est beaucoup plus nébuleux quant aux qualifications de son père. En effet, sa propre fille ne peut identifier l’institution ou le diplôme obtenu par ce dernier[66].

Steven Demers serait, selon le témoin, celui qui injecte des fonds dans Enviromondial. Le témoin, qui a été également secrétaire de l’entreprise, ne peut même pas identifier d’où cet argent provient[67]. À titre de secrétaire, elle assistait pourtant, sur une base mensuelle, aux réunions du conseil d’administration et rédigeait le procès-verbal des réunions. Stephen Demers assistait de manière sporadique aux réunions du conseil.

Malgré le fait que le témoin soit au courant qu’une interdiction de vendre des actions a été prononcée par la Commission des valeurs mobilières du Québec, elle ne peut même pas, à titre de secrétaire de l’entreprise, témoigner à l’effet que par la suite, il y aurait eu ou non vente d’actions[68]. Steven Demers signait lui-même à titre de secrétaire les certificats d’actions et ce, même après l’interdiction émise par la Commission des valeurs mobilières en janvier 2002[69].

Le témoin n’était pas au fait qu’Enviromondial faisait affaires avec d’autres institutions comme Centre d’argent comptant[70]. Même à titre de secrétaire et de responsable du registre des actionnaires, le témoin n’avait aucun ordre de grandeur quant au nombre d’actionnaires ou du nombre d’actions émises par Enviromondial[71]. Steven Demers s’occupait de tenir à jour la liste des actionnaires. Selon la pièce D-60, la liste des investisseurs pour l’assemblée des actionnaires de l’automne 2002 comporte plus de 2 000 personnes pour un nombre de quatre-vingt-cinq millions cinq cent cinquante-cinq mille deux cent quarante actions émises (85 555 240)[72].

            Les plaidoiries et les répliques

                        La plaidoirie de la procureure de l’Autorité

La procureure rappelle tout d’abord le fait qu’elle demande au Bureau de prononcer deux ordonnances distinctes, à savoir d’une part interdire à Steven Demers, en vertu de l’article 273.3 de la Loi sur les valeurs mobilières[73] d’agir comme administrateur ou dirigeant d’un émetteur pour cinq ans et, d’autre part, prendre toute autre mesure propre à assurer le respect des dispositions de la loi[74].

À l’égard de la première ordonnance, elle indique que l’article 273.3 de la Loi sur les valeurs mobilières[75] permet au Bureau d’interdire à une personne d’agir comme administrateur ou dirigeant d’un émetteur pour les motifs prévus à l’article 329 du Code civil du Québec[76] ou lorsqu’elle fait l’objet d’une sanction en vertu de cette même loi.

Elle rappelle les admissions faites aux paragraphes 17 et 23 de la demande. Elle soumet que Steven Demers a fait l’objet de sanctions pénales lorsqu’il a été condamné à payer une amende de 77  000 $ le 26 avril 2004 et une amende de 89 000 $ le 14 décembre 2004[77]. Elle indique qu’il y a également eu sanction administrative le 22 mai 2003 lorsque la Commission des valeurs mobilières lui a interdit toute activité en vue d’effectuer une opération sur valeurs sur les titres d’Enviromondial[78].

Elle souligne que les condamnations pénales imposées à Steven Demers sont les sanctions les plus graves en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières[79]. Ces sanctions peuvent avoir pour conséquence l’imposition d’amendes pouvant atteindre un million de dollars et la  possibilité d’un emprisonnement.

La procureure de l’Autorité indique que lors de la deuxième poursuite, elle a réclamé une peine d’emprisonnement qui été rejeté par l’honorable juge Millette. L’Autorité en a appelé de cette décision afin qu’une peine d’emprisonnement soit imposée à l’encontre de Steven Demers, en vertu de l’article 208.1 de la Loi sur les valeurs mobilières[80].

Au niveau de la gravité des sanctions, elle indique que nous retrouvons par la suite les sanctions administratives et finalement les sanctions civiles. Elle soumet que Steven Demers a de plus enfreint de manière répétée à ses obligations d’administrateur prévues aux articles 321 et 322 du Code civil du Québec[81] (ci-après le « Code civil ») qui donne lieu, le cas échéant, à la sanction prévue à l’article 329 du Code civil.

Elle prétend que l’article 329 du Code civil élargit les pouvoirs du Bureau prévus à l’article 273.3 de la Loi sur les valeurs mobilières[82]. Une interdiction pourrait, à son avis, être imposée pour un geste malhonnête, déloyal, imprudent ou à l’encontre d’un administrateur qui ne ferait pas preuve de diligence[83].

Elle souligne que le pouvoir conféré au Bureau en vertu de l’article 273.3 de la Loi sur les valeurs mobilières est un pouvoir discrétionnaire qui doit être exercé en fonction de l’intérêt public[84]. Elle rappelle à cet égard l’arrêt Asbestos[85] où la Cour suprême soulignait l’intention du législateur de conférer au tribunal un pouvoir très vaste d’apprécier l’opportunité et la manière d’intervenir dans une affaire particulière.

La procureure de l’Autorité est d’avis que le but recherché n’est pas de punir Steven Demers mais qu’il a plutôt un caractère préventif axé sur le futur[86]. Elle demande donc au Bureau d’interdire à Steven Demers d’agir comme administrateur ou dirigeant de tout émetteur pour une durée de cinq ans, à compter de la date de la décision[87].

Elle rappelle que les faits reprochés se sont déroulés sur une longue période. La première poursuite pénale couvre la période de novembre 2001 à juillet 2002 et la deuxième poursuite couvre la période juillet 2002 à février 2003[88]. À titre de facteur aggravant, elle souligne également le manque de collaboration de Steven Demers.

Rappelant l’entente intervenue dans le dossier Charest Weinberg, elle demande au Bureau d’interdire à Steven Demers, pour une période de cinq ans, de voter pour une personne avec laquelle il a des liens au sens de l’article 5 de la Loi sur les valeurs mobilières[89] lors de l’élection des administrateurs d’Enviromondial[90]. L’Autorité veut ainsi empêcher Steven Demers de reprendre indirectement le contrôle de la société[91]. Citant les arrêts Lavalin Tech[92] et Macdonald Oil[93], la procureure de l’Autorité soumet qu’une telle demande peut être imposée en fonction de l’intérêt public.

                        La plaidoirie du procureur de Steven Demers

Le procureur de Steven Demers soumet qu’aucun investisseur n’a fait l’objet de pression avant d’investir, que ceux-ci avaient connaissance du niveau de risque et finalement que personne n’avait d’amertume quant à l’état actuel de la situation[94]. La plupart des investisseurs étaient attirés par la dimension environnementale du projet.

Il souligne qu’il s’agit d’un projet sérieux associé à une institution universitaire reconnue. Enviromondial opère toujours et des démarches sérieuses sont faites auprès de pays étrangers et des collectivités locales afin de rentabiliser le projet[95].

Le procureur de Steven Demers remet en cause la crédibilité du témoin Auger et sur le fait que celui-ci n’a pas fait l’objet d’une demande d’ordonnance comme pour Steven Demers[96]. Il met en doute sa crédibilité et ses compétences pour la fraude alléguée de 700 000 $[97].

Il soumet le fait que Steven Demers a voulu coopérer au départ auprès du régulateur de marché mais que c’est l’attitude de ce dernier qui a envenimé la situation.

Le procureur de Steven Demers admet qu’on aurait pu faire un prospectus mais indique qu’au départ, la présence du témoin Auger a fait reculer plusieurs avocats et que par la suite, la situation tendue avec l’Autorité n’a pas aidé la situation[98]. À l’égard de ce dernier point, il prétend que la crédibilité et la valeur probante du témoignage de l’enquêteure Hélène Barabé est toute relative[99]. Il invoque la thèse de l’acharnement à l’encontre de son client Steven Demers[100].

À son avis, les dossiers Cinar[101] et Luc Lamarche[102] ne peuvent servir de précédent en l’espèce. Contrairement à l’affaire Cinar[103], il souligne à cet égard le fait que seulement 3,5 millions de dollars sont en jeu dans le présent dossier, que l’entreprise est opérationnelle depuis quatre ans et, finalement, que Steven Demers a investi de son propre argent[104]. Contrairement à l’affaire Lamarche[105] où les gens ont été trompés, Enviromondial a été, à son avis, un succès de masse où les investisseurs viennent se mettre en ligne à la porte[106].

Compte tenu de la gravité objective des gestes posés par rapport aux autres cas, il souligne qu’une interdiction d’un an, s’il y a lieu, servirait amplement les fins de la justice[107].

À l’égard de la deuxième demande de l’Autorité concernant l’interdiction d’exercer les droits de vote, le procureur de Steven Demers laisse cette demande à la discrétion du tribunal[108]. Il note cependant qu’il s’agit d’une société en démarrage et que l’âme du projet c’est Steven Demers. Ce dernier est de bonne foi et devrait, de l’avis de son procureur, pouvoir agir à titre de consultant[109].

                        La réplique de la procureure de l’Autorité

La procureure de l’Autorité soumet que le projet n’est pas sans risque. Les investisseurs ne sont pas, à son avis, conscients du niveau de risque qu’ils assument[110]. Elle souligne qu’on ne peut qualifier Enviromondial de société de capital de démarrage, compte tenu que l’entreprise n’a jamais réellement démarré, qu’il ne reste plus d’administrateur dans la société et qu’on n’a toujours pas déclenché des élections pour remplacer ces derniers[111].

Au niveau de la crédibilité du témoin Auger, elle rappelle que celui-ci n’a tenté que de sauver ses actions et qu’il n’a jamais été invité à voter depuis octobre 2002[112]. Contrairement à l’affaire Cinar[113], on n’a eu dans la présente affaire ni prospectus ni état financier. Nous sommes, à son avis, face à un émetteur qui ne respecte pas la législation sur les valeurs mobilières dès le départ. Une interdiction de cinq ans ne serait pas pour elle déraisonnable, compte tenu qu’en Ontario, on aurait pu imposer une interdiction permanente[114].

                        Les autres mesures

En fin d’audience, le tribunal a demandé aux parties si d’autres mesures ne sont pas nécessaires pour la protection des investisseurs et de l’intérêt public, compte tenu du fait que la société ne compte plus d’administrateur et qu’aucune élection n’est envisagée[115]. Le tribunal invoque la possibilité de nommer un administrateur provisoire.

La procureure de l’Autorité souligne le fait que les ordonnances demandées visent à écarter pour le futur Steven Demers des marchés financiers, afin d’en favoriser la stabilité. Elle est consciente et admet que de telles mesures pourront avoir pour effet la fermeture d’Enviromondial[116]. La procureure de l’Autorité souligne la possibilité que Steven Demers sera de bonne foi et qu’il pourra toujours déclencher des élections et élire des administrateurs indépendants[117].

La procureure de l’Autorité admet que le Bureau a de vastes pouvoirs discrétionnaires afin de prononcer plusieurs types d’ordonnance dans l’intérêt public ; mais elle laisse à celui-ci le soin d’imposer d’autres mesures. Elle ne croit cependant pas, à ce stade-ci, que ces dernières seraient utiles[118]. Le procureur de Steven Demers préfère quant à lui que le tribunal ordonne des élections plutôt que de mener l’entreprise à sa déchéance[119].

Le droit

            La nature du pouvoir d’ordonnance

Les pouvoirs du Bureau d’intervenir en vertu des articles 93 et 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[120] sont intimement liés à la notion d’intérêt public. Il est utile de mentionner à cet égard que le législateur a voulu à l’article 323.5 de la Loi sur les valeurs mobilières[121] que le Bureau exerce la discrétion qui lui est conférée en fonction de l’intérêt public. Ces pouvoirs attribués sont sensiblement les mêmes que ceux octroyés à la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario et ce, en vertu de l’article 127 de la législation en valeurs mobilières de cette province[122].

Dans l’arrêt Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la Société Asbestos Ltée c. Commission des valeurs mobilières de l’Ontario[123], la Cour suprême du Canada a établi plusieurs principes qui peuvent nous servir de guide quant aux pouvoirs du Bureau. Voici un passage important concernant les pouvoirs conférés à l’article 127(1) de la législation ontarienne :

« Le paragraphe 127(1) de la Loi confère à la CVMO la compétence pour intervenir dans les activités liées aux marchés financiers en Ontario lorsqu’il est dans l’intérêt public qu’elle le fasse. Le législateur a clairement voulu que la CVMO ait un très vaste pouvoir discrétionnaire en cette matière.»[124]

(…)

« Par conséquent, lorsqu’il s’agit d’examiner une ordonnance rendue dans l’intérêt public, c’est commettre une erreur que de ne se concentrer que sur le traitement équitable des investisseurs. Il faut aussi prendre en considération l’incidence d’une intervention dans l’intérêt public sur l’efficacité des marchés financiers et sur la confiance du public en ces marchés financiers.»[125]

« En deuxième lieu, il importe de reconnaître que l’art.127 est une disposition de nature réglementaire. À cet égard, j’abonde dans le sens du juge Laskin lorsqu’il dit que [TRADUCTION] ‘’[l] a fin visée par la compétence relative à l’intérêt public de la CVMO n’est ni réparatrice, ni punitive; elle est de nature protectrice et préventive et elle est destinée à être exercée pour prévenir le risque d’un éventuel préjudice aux marchés financiers en Ontario ’’.»[126]

(…)

« L’objet d’une ordonnance rendue en vertu de l’art. 127 est plutôt de limiter la conduite future qui risque de porter atteinte à l’intérêt public dans le maintien de marchés financiers justes et efficaces. Le rôle de la CVMO en vertu de l’art. 127 consiste à protéger l’intérêt public en retirant des marchés financiers les personnes dont la conduite antérieure est à ce point abusive qu’elle justifie la crainte d’une conduite ultérieure susceptible de nuire à l’intégrité des marchés financiers. »[127]

(…)

« En résumé, sous le régime du par. 127 (1), la CVMO a la compétence et un large pouvoir discrétionnaire pour intervenir dans les marchés financiers en Ontario lorsqu’il est dans l’intérêt public qu’elle le fasse. Le pouvoir d’agir dans l’intérêt public n’est toutefois pas illimité. Lorsqu’elle est appelée à exercer son pouvoir discrétionnaire, la CVMO doit prendre en considération la protection des investisseurs et l’efficacité des marchés financiers ainsi que la confiance du public en ceux-ci en général. »[128]

On peut déduire de ce passage de la Cour suprême plusieurs principes quant aux pouvoirs octroyés aux commissions de valeurs ou à un tribunal spécialisé comme le Bureau et ce, tel qui suit :

·                    L’obligation qui est faite au Bureau d’exercer la discrétion qui lui est conférée en fonction de l’intérêt public en vertu de l’article 323.5 de la Loi sur les valeurs mobilières[129] lui confère à mon avis un très vaste pouvoir discrétionnaire afin d’encadrer les activités liées aux marchés financiers au Québec ;

·                    Une ordonnance rendue par le Bureau dans l’intérêt public doit à la fois tenir compte du traitement équitable des investisseurs, de l’incidence de son intervention sur l’efficacité des marchés financiers et de la confiance du public dans ces mêmes marchés ;

·                    Les ordonnances rendues par le Bureau sont de nature réglementaire et en ce sens elles ne sont ni réparatrices, ni punitives; elles visent avant tout la protection et la prévention des risques pouvant porter préjudice au marché financier québécois. Ces ordonnances peuvent malgré tout avoir un caractère dissuasif afin d’envoyer un message clair aux intervenants du marché à l’effet que certaines conduites ne seront pas tolérées[130] ;

·                    L’objet d’une ordonnance rendue par le Bureau a un caractère prospectif et vise à empêcher certaines conduites futures qui risquent de porter atteinte à l’intérêt public qui doit prévaloir dans un marché juste et efficace ;

·                    L’intérêt public peut exiger de retirer des marchés financiers des personnes dont la conduite antérieure est à ce point abusive qu’elle peut justifier de craindre qu’une conduite future soit susceptible de porter atteinte à l’intégrité des marchés financiers québécois ; et

·                    Le pouvoir d’intervention du Bureau en fonction de l’intérêt public n’est cependant pas illimité et doit pondérer la protection des investisseurs, l’efficacité des marchés financiers et la confiance du public dans l’intégrité de ceux-ci.

            Les critères applicables pour juger d’une sanction

                        Le droit canadien

Dans l’affaire Belteco Holdings Inc. et al.[131], la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario a eu à se prononcer sur les critères pouvant nous permettre de déterminer le type de sanction ainsi que, le cas échéant, la durée d’une telle sanction. Elle rappelle tout d’abord que le rôle du régulateur est de protéger l’intérêt public en retirant des marchés financiers ceux qui, par leur conduite antérieure, peuvent nous laisser craindre qu’ils agiront dans le futur de manière préjudiciable à l’intégrité de ceux-ci. Voici le passage pertinent de cette décision concernant le rôle du régulateur ainsi que les critères applicables :

« In the Matter of Mithras Management Ltd. et al. (1990), 13 O.S.C.B. 1600 at pp.1610-1611, as follows:

Under section 26, 123 and 124 of the Act, the role of this Commission is to protect the public interest by removing from the capital markets - wholly or partially, permanently or temporarily, as the circumstances may warrant - those whose conduct in the past leads us to conclude that their conduct in the future may well be detrimental to the integrity of those capital markets. We are not here to punish past conduct; that is the role of the courts, particularly under Section 118 [now Section 122] of the Act. We are here to restrain, as best we can, future conduct that is likely to be prejudicial to the public interest in having capital markets that are both fair and efficient. In so doing we must, of necessity, look to past conduct as a guide to what we believe a person’s future conducts might reasonably be expected to be; we are not prescient, after all. And in so doing, we may well conclude that a person’s past conduct has been so abusive of the capital markets as to warrant our apprehension and intervention, even if no particular breach of the Act has been made out.

In addition to the principal consideration, we have been referred to decisions of this Commission which indicate that in determining both the nature of the sanctions to be imposed as well as the duration of such sanctions, we should consider the seriousness of the allegations proved; the respondents’ experience in the marketplace; the level of a respondent’s activity in the marketplace; whether or not there has been a recognition of the seriousness of the improprieties; and whether or not the sanctions imposed may serve to deter not only those involved in the case being considered, but any like-minded people from engaging in similar abuses of the capital markets.

(…)

The result should be fair, proportional to the degree of participation and should have regard for any mitigating factors which are present. We have also had regard to these considerations in reaching our conclusion. It was also urged that we should exercise caution in considering the numerous cases to which we were referred as precedent for sanctions as each case must depend upon its particular facts[132]. »

Il est utile de mentionner que la Cour d’appel du Québec a récemment cité avec approbation la décision Belteco Holdings Inc. et al. dans l’arrêt Guy Shedleur c. Commission des valeurs mobilières du Québec[133].

Dans les affaires Micheal Cowpland[134] et Larry Woods[135], la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario a également ajouté qu’au delà du caractère répréhensible de l’acte commis dans le cadre de l’appréciation d’une sanction en fonction de l’intérêt public, on doit en plus tenir compte du danger qu’un tel geste se répète. Ce danger de récidive peut avoir un impact direct sur l’intégrité et la réputation des marchés financiers en général.

Dans le dossier Théberge[136], on ajoute que l’on doit également tenir compte de l’impact de l’ordonnance sur la personne visée. L’impact sera évidemment fonction de l’ensemble des faits et des circonstances. On tiendra notamment compte des faits suivants : 1) le profit réalisé ou la perte évitée par le geste posé; 2) les remboursements volontaires ou les sanctions pécuniaires supportés par le contrevenant; 3) l’effet qu’aura la sanction sur la vie du contrevenant; 4) l’impact qu’auront les sanctions sur la possibilité pour celui-ci de participer à nouveau, sans surveillance, aux opérations sur les marchés financiers; 5) l’expérience du contrevenant au sein des marchés financiers; 6) la réputation et le prestige du contrevenant; 7) la honte ainsi que l’impact financier qu’aura la sanction à l’égard de la personne visée; et 8) les remords du contrevenant. Cette liste n’est pas nécessairement exhaustive et la pondération de chacun des éléments peut varier en fonction des faits du dossier. Voici la position ontarienne à l’égard des sanctions :

« Both sections of the Act under consideration require us to form an opinion that a decision to sanction is in the public interest. In our opinion there are two issues which require consideration. The first, already mentioned, is whether of not, assuming the conduct is objectionable, there is a reasonable likelihood it will be repeated. The second is whether or not the conduct of the respondents, if objectionable, is such as to bring into question the integrity and reputation of the capital markets in general. These were the tests which we followed in reaching our conclusions.

The third issue was referred to in the Theberge case: that is the issue of impact on the respondents. In determining impact, we need to consider all relevant factors in proportion to circumstances relevant to a respondent to be sure sanctions are proportionately appropriate. Such factors may include in varying importance the following: the size of any profit (or loss avoided) from the illegal conduct; the size of any financial sanction or voluntary payment when considered with other factors; the effect any sanction might have on the livelihood of the respondent; the restraint any sanction might have on the ability of the respondent to participate without check in the capital markets; the respondent’s experience in the marketplace; the reputation and prestige of the respondent; the shame, or financial pain, that any sanction would reasonably cause to the respondent; and the remorse of the respondent. These are some of the factors that we believe may be relevant in various degrees. There may be others, and perhaps all of the factors we have mentioned would not be relevant in this or another particular case[137]. »

Dans l’affaire In the Matter of Morrison Williams Investment Management[138] et Lamoureux, Re[139], la Commission des valeurs mobilières de l’Alberta a rappelé que le but d’une sanction est de réprimer les écarts de conduite et de protéger le public investisseur. La sanction doit avoir un effet dissuasif non seulement à l’égard du contrevenant lui-même mais également face à ceux qui seraient tentés de s’engager sur la même voie. La sanction doit ainsi avoir pour but de favoriser le respect de la loi par les intervenants de l’industrie. Voici le passage pertinent de la décision de la commission albertaine dans l’affaire Lamoureux, Re:

« The Commission described its sanctioning mandate in In the Matter of Morrison Williams Investment Management.

In imposing sanctions, the Commission’s mandate is to remediate misconduct and protect the investing public. To this end, we should impose sanctions that have the effect of preventing and discouraging future misconduct by a respondent, deterring others from engaging in similar misconduct, and improving overall compliance by securities industry participants. »[140]

La commission des valeurs mobilières albertaine a effectué, dans cette même décision, une synthèse des différents critères élaborés par les commissions aux fins de déterminer la sanction appropriée. À cette fin, elle s’est inspirée des affaires Matheson[141], Morrison Willams[142], W.H.Stuart Mutuals[143], Carteway Resources Corporation[144], Belteco Holdings Inc[145], Mithras[146] et Eron Mortgage[147] pour élaborer les critères suivants :

«The Commission and other securities regulatory authorities in Canada have also expressed their view that, when making orders under s. 198 or 199 of the Act or comparable provisions in other jurisdictions, to protect the public, we consider a broad range of factors such as:

·         the seriousness of the allegations proved against the respondent,

·         the respondent’s past conduct, including prior sanctions,

·         mitigating factors,

·         the respondent’s experience in the capital markets,

·         the level of the respondent’s activity in the capital markets,

·         whether the respondent recognizes the seriousness of the improper activity,

·         the harm suffered by investors as a result of the respondent’s activities,

·         the benefits received by the respondent as a result of the improper activity,

·         the risk to investors and the capital markets in the jurisdiction, were the respondent to continue to operate in capital markets in the jurisdiction,

·         the damage caused to the integrity of the capital markets in the jurisdiction by the respondent’s improper activities,

·         the need to deter not only those involved in the case being considered, but also any others who participate in the capital markets, from engaging in similar improper activity,

·         the need to alert others to the consequences of inappropriate activities to those who are permitted to participate in the capital markets and

·         previous decisions made in similar circumstances[148].

Ces critères ont été repris plus récemment par la commission des valeurs mobilières albertaine dans l’affaire Wallace[149]. Bien qu’elle constate le caractère préventif des ordonnances rendues en fonction de l’intérêt public, elle n’hésite pas à reconnaître qu’on puisse tenir compte du caractère dissuasif lorsqu’on impose une telle ordonnance. Voici le passage pertinent:

« In exercising our jurisdiction to make orders in the public interest under sections 198 and 199 of the Act the Commission’s objective is to protect investors and to foster efficient operation of the capital market and confidence in the integrity of that market. The appropriate orders are prospective in nature - preventative and protective, not punitive or remedial. They take into account the specific circumstances of the case, the need to prevent a recurrence of misconduct by the particular respondent (specific deterrence) and by others (general deterrence). The Supreme Court of Canada recently confirmed the appropriateness of considering general deterrence when making public interest orders under sections 198 and 199 of the Act. In Re Cartaway Resources Corp. [2004] S.C.J. No.22, Lebel J said, for the Court (at para. 61) »[150]

La commission ajoute que l’absence de sanction dans le passé ne fera pas nécessairement en sorte que le contrevenant aura une sanction moindre. La gravité du geste reproché et le danger que représente le contrevenant seront des éléments importants. On ajoute que la détermination de la sanction ne sera jamais fonction d’une formule mathématique mais des faits particuliers à l’instance. Il est utile de citer les passages suivants:

« Counsel for the Respondent argued that the Respondent’s lack of a prior sanctioning history warranted a lesser sanction than was imposed in Lamoureux. It is apparent from the decision in Lamoureux that Mr. Lamoureux’s record of prior sanctions was an important factor in the Commission’s determination that there was a serious risk that Mr. Lamoureux would engage in similar unacceptable conduct in the future, and hence, that his re-entry into the capital market posed a serious risk to the integrity of, or public confidence in, the capital market. While it is true that the Respondent has not been sanctioned previously, and that a record of prior sanctions would have aggravated the situation here as it did in Lamoureux, the fact that the Respondent’s record is unblemished neither diminishes the gravity of his misconduct nor demonstrates the absence of a continuing threat to investors or market integrity.»[151]

(…)

« We disagree. As counsel for the Respondent pointed out, appropriate sanctions cannot be determined simply by the application of formulae. What orders are in the public interest in any given case will depend on the circumstances of that case. In the case of a monetary sanction, the decision makers’ task is first to assess whether such a sanction is appropriate, then to determine what amount - not to exceed the prescribed maximum - would best serve the relevant regulatory objective. The application of a percentage or other arithmetic variable to the prescribed penalty amount is neither the correct approach to determining the appropriate sanction nor a particularly useful comparative mechanism. »[152]

(…)

Our primary concern in determining what orders are in the public interest is to ensure that the public and the capital market are protected from further harm by the Respondent or by others who might find themselves in a position similar to the Respondent. »[153]

Dans le dossier Smith (Re)[154], la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique ajoute qu’il sera possible de tenir compte de la conduite d’un intimé dans d’autres juridictions ainsi que des condamnations et des autres sanctions imposées à l’extérieur de la province. Elle est d’avis que l’appréciation de l’intérêt public milite en faveur d’une vision de l’ensemble des faits pertinents. Comme elle le soulignait dans le dossier Re Bodnarchuk[155], la conduite d’une personne dans les autres juridictions peut nous éclairer sur la propension de celle-ci de respecter ou non la réglementation des valeurs mobilières.

                  Le droit américain

L’arrêt S.E.C. v. Patel[156] prononcé par la Cour d’appel du deuxième circuit a élaboré six critères, non exhaustifs, afin de déterminer la sanction applicable à un dirigeant ou à un administrateur, tel qui suit : 1) l’importance de la contravention ; 2) l’intimé est-il un récidiviste ? ; 3) la position de l’intimé lors de perpétration de l’acte frauduleux ; 4) le caractère intentionnel de l’acte reproché ; 5) le bénéfice économique que l’intimé a retiré de la contravention  et 6) la possibilité que l’intimé continue à ne pas respecter les règles.

La Cour d’appel du deuxième circuit dans Patel souligne qu’avant d’imposer une interdiction permanente, le tribunal devrait se demander si une sanction limitée dans le temps pourrait servir aussi bien les fins de la justice. Il est utile de mentionner que plusieurs décisions rendues après Patel ont tout de même imposé des interdictions permanentes. Le professeur Bloomenthal résume ainsi l’état du droit aux États-unis :

« The six-factor test suggested by the law review article according to SEC Chairman Pitt was adopted by the Second Circuit in 1995 in Patel. See S.E.C. v. Patel, 61 F.3d 137 (2d Cir. 1995). The footnote supporting his written testimony at this point cited “SEC v. Patel, 63 F. 3d 137, 141 (2d Cir. 1995) (in reversing the lifetime injunction against an officer of a company who was found to have violated the federal securities laws, the court discussed a non-exclusive six factor test for considering fitness to serve as officer or director: (1) the egregiousness of the violation; (2) whether the defendant was a recidivist; (3) the defendant’s position when he engaged in the fraud; (4) the degree of scienter; (5) the defendant’s economic gain from the violation; and (6) the likelihood that the defendant would repeat the misconduct).

The court took the opportunity to construe the import of the passage: “[w]e take these provisions to suggest that, before imposing a permanent bar, the court should consider whether a conditional bar (e.g., a limited to a particular industry) and/or a bar limited in time (e.g. a bar of five years) might be sufficient, especially where there is no prior history of unfitness.” When the officer and director bar came into issue subsequent to the Patel decision, a number of district courts within the Second Circuit and beyond reacted to the Circuit’s admonition by choosing to limit or condition the bars which they ordered. Nonetheless, there are numerous cases decided after Patel which have imposed permanent and unconditional bars ».[157]

                        Les critères pour déterminer la sanction au Québec

Après l’analyse de la jurisprudence québécoise, canadienne et américaine, je suis d’avis que le tribunal doit tenir compte des facteurs suivants lors de l’imposition d’une sanction afin de protéger le public :

·                    Le type et le nombre de sanctions ainsi que la gravité des gestes posés par le contrevenant ;

·                    La conduite antérieure du contrevenant. Le tribunal pourra tenir compte de la conduite et des sanctions imposées dans d’autres juridictions ;

·                    La vulnérabilité des investisseurs sollicités ;

·                    Les pertes subies par les investisseurs ;

·                    Les profits réalisés par le contrevenant ;

·                    L’expérience du contrevenant ;

·                    La position et le statut du contrevenant lors de la perpétration des faits reprochés ;

·                    L’importance des activités du contrevenant au sein des marchés financiers ;

·                    Le caractère intentionnel des gestes posés ;

·                    Le risque que le contrevenant fait courir aux investisseurs et aux marchés financiers si on lui permet de continuer ses activités ;

·                    Les dommages causés à l’intégrité des marchés par la conduite du contrevenant ;

·                    Le fait que la sanction peut, selon la gravité du geste posé, constituer un facteur dissuasif pour le contrevenant mais également à l’égard de ceux qui seraient tentés de l’imiter ;

·                    Le degré de repentir du contrevenant ;

·                    Les facteurs atténuants ; et

·                    Les sanctions imposées dans des circonstances semblables.

Cette liste n’est évidemment pas exhaustive et chacun des facteurs, pris individuellement, pourra avoir une importance propre et relative en fonction des faits pertinents du dossier. Le caractère humain de la sanction disciplinaire et le désir de protéger l’intérêt public ne se prêtent pas à la formule toute faite et à des pondérations prédéterminées. La gravité du geste reproché ou le danger de récidive pourront, dans certaines circonstances, être des facteurs déterminants et ce, même en l’absence de sanction disciplinaire dans le passé.

Le but d’une sanction n’est pas de punir les actes passés mais bien de protéger l’intégrité des marchés financiers et la confiance des investisseurs en ceux-ci.

            Les dispositions législatives pertinentes

L’article 273.3 de la Loi sur les valeurs mobilières[158] confère au Bureau le pouvoir d’interdire à une personne d’agir comme administrateur ou dirigeant d’un émetteur pour les motifs prévus à l’article 329 du Code civil[159] ou lorsqu’elle fait l’objet d’une sanction en vertu de la loi. Cette interdiction ne peut excéder 5 ans. Voici les textes pertinents :

                     L’interdiction d’administrer ou de diriger [Art. 273.3 LVMQ]

Le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières peut interdire à une personne d’agir comme administrateur ou dirigeant d’un émetteur pour les motifs prévus à l’article 329 du Code civil[160] ou lorsqu’elle fait l’objet d’une sanction en vertu de la présente loi.

                     La durée

L’interdiction imposée par le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières ne peut excéder cinq ans.

                     La levée de l’interdiction

Le Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières peut, à la demande de la personne concernée, lever l’interdiction aux conditions qu’il juge appropriées[161].

                     L’article 329 du Code civil du Québec

Le tribunal peut, à la demande de tout intéressé, interdire l’exercice de la fonction d’administrateur d’une personne morale à toute personne trouvée coupable d’un acte criminel comportant fraude ou malhonnêteté, dans une matière reliée aux personnes morales, ainsi qu’à toute personne qui, de façon répétée, enfreint les lois relatives aux personnes morales ou manque à ses obligations d’administrateur.[162]

On constate donc à la lecture de ces articles, que le Bureau peut interdire à une personne d’agir comme administrateur ou dirigeant dans les cas suivants : 1) lorsqu’elle fait l’objet d’une sanction en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières[163]; 2) lorsqu’elle enfreint de manière répétée les lois relatives aux personnes morales ou manque à ses obligations d’administrateur; 3) lorsqu’elle est trouvée coupable d’un acte criminel comportant fraude ou malhonnêteté, dans une matière reliée aux personnes morales.

L’ANALYSE

            Les sanctions en vertu de la loi selon le type, le nombre et la gravité des gestes posés par le contrevenant

Il est indéniable que Steven Demers a fait l’objet de plusieurs sanctions en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières[164]. On peut rappeler à cet égard les admissions suivantes :

·                    Steven Demers a admis avoir fait face à 52 chefs d’accusation pour avoir contrevenu à la Loi sur les valeurs mobilières dans le district de Montréal. De manière plus spécifique : 1) 26 chefs d’accusation pour avoir aidé Enviromondial à procéder au placement de ses titres sans avoir un prospectus visé par la Commission ; 2) 23 chefs d’accusation pour avoir aidé Enviromondial à contrevenir à une décision prononcée par la Commission, le 30 janvier 2002, interdisant à la société d’exercer toute activité en vue d’effectuer le placement de ses titres ; 3) 2 chefs d’accusation pour avoir exercé l’activité de courtier en valeurs sans être inscrit à ce titre auprès de la Commission ; et 4) 1 chef d’accusation pour avoir déclaré que les titres d’Enviromondial étaient pour être admis à la cote d’une bourse.[165]

            Le 26 avril 2004, au Palais de justice de Montréal, Steven Demers a plaidé coupable à 33 des chefs d'accusation qui avaient été portés contre lui relativement à cette poursuite pénale intentée le 7 octobre 2002. L’honorable juge Denis Saulnier de la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, l'a alors condamné à payer une amende totale de 77 000 $.

·                    Il a également admis le fait que la Commission a, le 22 mai 2003, interdit à celui-ci toute activité en vue d’effectuer une opération sur valeurs sur les titres d’Enviromondial (Décision n° 2003-C-0202). Cette décision prévoyait qu’une audience pourrait être tenue, si Steven Demers informait la Commission qu’il entendait exercer son droit d’être entendu, mais il ne s’est pas prévalu de ce droit et aucune audience n’a eu lieu.

·                    Le 2 juillet 2003, la Commission a autorisé une deuxième poursuite pénale, devant la Cour du Québec, chambre criminelle et pénale, contre Steven Demers, en relation avec le placement des titres d’Enviromondial. Steven Demers a fait face à 25 chefs d’accusation pour avoir contrevenu à la Loi sur les valeurs mobilières dans le district de Montréal : 1) 16 chefs d’accusation pour avoir aidé Enviromondial à procéder au placement de ses actions sans avoir un prospectus visé par la Commission; 2) 9 chefs d’accusation pour avoir aidé Enviromondial à contrevenir à une décision prononcée par la Commission, le 30 janvier 2002, interdisant à la société d’exercer toute activité en vue d’effectuer le placement de ses titres. Il est admis que le procès s’est terminé le 14 décembre 2004 et que Steven Demers a été condamné à une amende de 89  000 $ pour ces 25 chefs d’accusation. L’Autorité des marchés financiers en a appelé de la sentence.[166]

            La Cour d’appel a aussi accueilli la requête pour autorisation d’en appeler et a fixé l’audience sur l’appel au 3 avril 2006.

Steven Demers a donc fait l’objet de sanctions pénales lorsqu’il a été condamné à payer une amende de 77 000 $ le 26 avril 2004 et une amende de 89 000 $ le 14 décembre 2004[167]. Il a également fait l’objet d’une sanction administrative le 22 mai 2003 lorsque la Commission des valeurs mobilières lui a interdit toute activité en vue d’effectuer une opération sur valeurs sur les titres d’Enviromondial[168].

Steven Demers a été condamné pour des infractions très graves à la législation en valeurs mobilières, à savoir avoir aidé Enviromondial à effectuer des placements sans prospectus, sans avoir le bénéfice d’un courtier encadré par le régulateur de marché et finalement avoir contrevenu à des décisions du régulateur de marché chargé de protéger le public investisseur.

L’obligation d’établir un prospectus est fondamentale afin de protéger les investisseurs. La législation en valeurs mobilières édicte une telle obligation à ses tout premiers articles. Elle a pour but de fournir à l’investisseur un document d’information contenant tous les faits importants, afin que celui-ci puisse prendre une décision éclairée.

Une information complète, vraie et accessible constitue une des pierres d’assises de la protection de l’investisseur et favorise l’efficacité des marchés. Une vieille expression dans le secteur des valeurs mobilières est à l’effet que la lumière ou l’information qui se dégage d’un document est le meilleur policier (« Sunlight is the best policeman »).

Une information complète, vraie et accessible en temps opportun est essentielle pour un marché financier sain et intègre. Un tel marché favorise la canalisation de l’épargne vers les entreprises les plus profitables et de là découle la prospérité économique d’un pays. Permettre à des gens de recueillir des fonds auprès du public sans information concernant le projet, sans information sur les assises financières qui permettront de s’assurer de la viabilité de l’entreprise ou finalement sans permettre au public de pouvoir juger de la compétence et l’intégrité de ses dirigeants rendrait nos marchés financiers aussi aléatoires et risqués qu’un casino.

On a tort de croire que l’obligation d’établir un prospectus se limite aux projets spéculatifs ou frauduleux. Elle vise l’ensemble des titres offerts au public investisseur, qu’il soit composé de porteurs institutionnels ou de gens ordinaires soucieux de bâtir une retraite bien méritée. Les marchés financiers reposent sur la confiance des intervenants concernant l’intégrité de ceux-ci. La contravention à l’obligation d’établir un prospectus est donc un manquement grave dans le secteur des valeurs mobilières.

L’obligation d’inscription à titre de courtier est également fondamentale pour la protection du public. Le professionnel du marché est le premier rempart afin de protéger l’investisseur. Lors de la préparation du prospectus, il devra s’acquitter de son obligation de diligence afin de s’assurer que celui-ci contient une information complète, vraie et accessible.

Dans sa relation avec le client et dans l’exécution de son mandat, le courtier devra apporter le soin que l’on peut attendre d’un professionnel placé dans les mêmes circonstances[169]. Son statut de personne inscrite lui impose également d’agir de bonne foi, avec honnêteté et loyauté[170].

Avant de recommander un titre à son client, il doit respecter la règle de connaître son client et s’assurer que le titre recommandé répond aux objectifs et à la situation financière de celui-ci[171]. Voici un passage de la décision Métivier[172] dans lequel le Bureau expliquait l’importance du représentant et du courtier pour la protection des investisseurs et un encadrement efficace des marchés :

« Le marché des valeurs mobilières est basé sur la confiance des investisseurs vis-à-vis des bourses, des firmes et des organismes de réglementation ou d’autoréglementation. La première ligne de défense des marchés financiers repose cependant sur l’intégrité des professionnels agissant auprès des investisseurs. L’honorable juge Iacobucci de la Cour suprême rappelait ainsi, dans l’arrêt Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), l’importance de l’encadrement des personnes inscrites au sein de la structure réglementaire de l’industrie des valeurs mobilières au Canada :

« Comme je l'ai déjà mentionné, les lois sur les valeurs mobilières visent avant tout à protéger le public investisseur. Dans l'arrêt (Brosseau), notre Cour a reconnu l'importance de cet objectif lorsqu'il faut procéder à l'examen de décisions prises par des commissions des valeurs mobilières; le juge L'Heureux-Dubé, s'exprimant au nom de notre Cour, dit, à la p. 314:

D'une manière générale, on peut dire que les lois sur les valeurs mobilières visent à réglementer le marché et à protéger le public. Cette Cour a reconnu ce rôle dans l'arrêt Gregory & Co. v. Quebec Securities Commission, [1961] R.C.S. 584, dans lequel le juge Fauteux a fait remarquer à la p. 588:

[TRADUCTION] L'objet prépondérant de la loi est d'assurer que les personnes qui, dans la province, exercent le commerce des valeurs mobilières ou qui agissent comme conseillers en placement, sont honnêtes et de bonne réputation et, ainsi, de protéger le public, dans la province ou ailleurs, contre toute fraude consécutive à certaines activités amorcées dans la province par des personnes qui y exercent ce commerce.

Ce rôle protecteur, qui est commun à toutes les commissions des valeurs mobilières, donne à ces organismes un caractère particulier qui doit être reconnu lorsqu'on examine la manière dont leurs fonctions sont exercées aux termes des lois qui leur sont applicables. »

À titre de personne inscrite et conformément à la législation sur les valeurs mobilières, le demandeur se devait, dans l’exercice de son mandat, d’agir comme un professionnel avisé placé dans les mêmes circonstances. Le Code civil du Québec nous enseigne qu’en plus de la diligence et de la prudence, le mandataire doit faire preuve d’honnêteté, de loyauté et éviter de se placer en situation de conflits d’intérêts. À cet égard, l’honorable juge Gonthier de la Cour suprême nous rappelait récemment et ce, avec justesse, que le contrat de mandat est infusé de la notion de confiance »[173]

Steven Demers a donc contrevenu, à plusieurs reprises, à deux obligations importantes de la législation sur les valeurs mobilières, à savoir l’obligation d’établir un prospectus et l’inscription à titre de courtier en valeurs. Ces infractions ont fait l’objet de plusieurs sanctions au niveau pénal et au niveau administratif.

L’intimé a également fait l’objet de sanctions concernant 9 chefs d’accusation pour avoir aidé Enviromondial à contrevenir à une décision prononcée par la Commission, le 30 janvier 2002, interdisant à Enviromondial d’exercer toute activité en vue d’effectuer le placement de ses titres.

On peut s’attendre, à bon droit, qu’un administrateur ou un dirigeant d’une société ouverte respecte à la lettre une ordonnance émise par un régulateur de marché ou un tribunal. Compte tenu que la Loi sur les valeurs mobilières[174] est une loi d’ordre public visant à protéger les investisseurs, on ne peut tolérer qu’elle ne soit pas respectée. La protection des investisseurs et la stabilité des marchés exigent un respect total des institutions et de la règle de droit. Ce non respect constitue, à mon avis, un autre manquement grave de la part de Steven Demers.

Malgré le fait que le mot « ou », prévu à l’article 273.3 de la Loi sur les valeurs mobilières[175] a un caractère disjonctif, je crois approprié, dans le but de déterminer la pénalité adéquate, d’analyser le deuxième volet, à savoir les motifs prévus à l’article 329 du Code civil[176].

Le manquement au droit des sociétés

L’article 273.3 de la Loi sur les valeurs mobilières[177] permet également au Bureau d’interdire à une personne d’agir comme administrateur ou dirigeant d’un émetteur pour les motifs prévus à l’article 329 du Code civil[178] qui sont, d’une part une condamnation pour un acte criminel comportant fraude ou malhonnêteté, dans une matière reliée aux personnes morales, d’autre part lorsqu’on enfreint de manière répétée les lois relatives aux personnes morales ou si la personne visée manque à ses obligations d’administrateur. Nous ne sommes pas en présence du premier élément dans le présent dossier, compte tenu du fait qu’il n’y a pas eu de condamnation criminelle. Au niveau du deuxième élément, il faut se poser la question suivante : Est-ce que Steven Demers a enfreint, de manière répétée, les lois relatives aux personnes morales ou a-t-il manqué à ses obligations d’administrateur ?

La Loi sur les valeurs mobilières[179] fait partie des lois relatives aux personnes morales car elle encadre plusieurs aspects de la vie de la personne morale qui a notamment choisi de faire appel public à l’épargne. À titre d’exemples de ces liens importants mais complexes entre le droit des sociétés et le droit des valeurs mobilières, on peut notamment souligner les obligations d’information continue en faveur des porteurs, la sollicitation des procurations, les obligations relatives aux initiés et les offres publiques d’achat.

Compte tenu des condamnations de Steven Demers pour des infractions répétées à la législation en valeurs mobilières, je suis d’avis qu’il a enfreint de manière répétée les lois relatives aux personnes morales.

Est-ce que Steven Demers a manqué à ses obligations d’administrateur ?

L’article 321 du Code civil[180] nous enseigne que l’administrateur est le mandataire de la personne morale. À ce titre, il doit respecter les obligations et les paramètres que la loi, l’acte constitutif et les règlements lui imposent[181]. Ces devoirs généraux sont conformes au droit antérieur tel qu’élaboré par la doctrine et les tribunaux et adopté par l’article 123.83 de la Loi sur les compagnies[182].

L’importance du rôle de l’administrateur au sein de la société par actions fait en sorte qu’on lui impose des obligations importantes. Il doit d’une part agir avec prudence, diligence, honnêteté, loyauté[183] et éviter de se placer en situation de conflits d’intérêts[184]. Cette dernière obligation l’empêche évidemment de confondre les biens de la société avec les siens. Il est important de noter que l’obligation d’honnêteté et de loyauté transcende et ajoute à l’obligation de prudence et de diligence.

Malgré notre tradition civiliste, il est intéressant de noter que l’obligation de loyauté prévue au Code civil et l’obligation fiduciaire imposée aux administrateurs en common law se recoupent dans la quintessence de l’idéal éthique auquel devrait aspirer tout administrateur d’une société par actions. Il est intéressant de citer le passage suivant de l’arrêt Magasins à rayons Peoples Inc. (Syndic de) c. Wise de la Cour suprême du Canada[185] pour bien voir les liens qui unissent le devoir de loyauté et l’obligation fiduciaire :

« 32. Le paragraphe 122(1) de la LCSA impose deux obligations distinctes aux administrateurs et aux dirigeants dans la gestion ou la surveillance de la gestion de l’entreprise :

 122. (1) Les administrateurs et les dirigeants doivent, dans l’exercice de leurs fonctions, agir :

a) avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts de la société;

b) avec le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve, en pareilles circonstances, une personne prudente.

La première obligation a été, en l’espèce, appelée « obligation fiduciaire », une notion que décrit mieux l’expression « devoir de loyauté ».  Pour éviter toute confusion, nous utiliserons parfois l’expression « obligation fiduciaire prévue par la loi » pour désigner l’obligation prévue à la LCSA.  Cette obligation impose aux administrateurs et aux dirigeants le devoir d’agir avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts de la société.  La deuxième obligation est communément appelée « obligation de diligence ».  De manière générale, elle impose aux administrateurs et aux dirigeants l’obligation légale de faire preuve de diligence dans la gestion et la surveillance de la gestion des affaires de la société.

33. Le juge de première instance n’a ni appliqué ni examiné séparément les deux obligations imposées aux administrateurs par le par. 122(1).  Comme l’a fait remarquer la Cour d’appel, le juge de première instance semble avoir confondu ces deux obligations.  Il s’agit en réalité de deux obligations distinctes visant des fins différentes.  C’est pourquoi nous les examinerons séparément dans les présents motifs.

A.           L’obligation fiduciaire prévue par la loi : l’al. 122(1)a) de la LCSA

34. Les administrateurs et les dirigeants des sociétés sont investis d’un pouvoir considérable en matière de déploiement et de gestion des ressources financières, humaines et matérielles.  Dans le cas des administrateurs de sociétés constituées en vertu de la LCSA, ce pouvoir trouve sa source à l’art. 102 de la Loi.  Dans le cas des dirigeants, il s’agit des pouvoirs qui leur sont délégués par les administrateurs.  Lorsqu’ils décident d’investir dans une société, de lui consentir un prêt ou de faire autrement affaire avec celle-ci, les actionnaires et les créanciers cèdent le contrôle de leurs actifs à la société et, par conséquent, à ses administrateurs et à ses dirigeants et s’attendent à ce qu’ils utilisent les ressources de la société pour prendre des décisions d’affaires raisonnables qui profiteront à la société.

35. En vertu de l’obligation fiduciaire prévue par la loi, les administrateurs et les dirigeants doivent agir avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts de la société.  Ils doivent respecter la confiance qui leur a été accordée et gérer les actifs qui leur sont confiés de manière à réaliser les objectifs de la société.  Ils doivent éviter les conflits d’intérêts avec la société. Ils ne doivent pas profiter du poste qu’ils occupent pour tirer un avantage personnel. Ils doivent préserver la confidentialité des renseignements auxquels leurs fonctions leur donnent accès.  Les administrateurs et les dirigeants doivent servir la société de manière désintéressée et avec loyauté et intégrité : voir K. P. McGuinness, The Law and Practice of Canadian Business Corporations (1999), p. 715.

36. (…)

37. L’élément qu’il convient d’examiner en l’espèce est la « nature particulière » de l’obligation fiduciaire découlant des rapports entre les administrateurs et les sociétés en vertu de la LCSA.

38. Il est bien établi en droit que l’obligation fiduciaire à laquelle sont tenus les administrateurs et les dirigeants leur impose des obligations strictes : voir Canadian Aero Service Ltd. c. O’Malley, [1974] R.C.S. 592 , p. 609-610, le juge Laskin (plus tard Juge en chef), où il a été décidé que les administrateurs et les dirigeants peuvent même être tenus de rendre compte à la société des profits qu’ils ont réalisés sans que ce soit aux dépens de la société :

Le fait qu’une personne retire un profit aux dépens d’une compagnie alors qu’elle en est un administrateur, constitue de toute évidence un motif valable sur lequel fonder une obligation de rendre compte.  Et pourtant, il peut exister des situations où un profit doit être restitué, bien qu’il n’ait pas été acquis aux dépens de la compagnie, pour le motif qu’un administrateur ne doit pas avoir le droit de se servir de sa position comme telle aux fins de faire un profit, même si la compagnie n’avait pas la faculté, à cause, par exemple, d’une incapacité légale, de participer à l’opération.  Une situation analogue, qui toutefois ne mettait pas en cause un administrateur, se retrouve à toutes fins utiles dans l’arrêt Phipps v. Boardman [[1967] 2 A.C. 46], où on a aussi souscrit à l’avis que l’obligation de rendre compte n’est pas subordonnée à la preuve d’un conflit réel d’intérêts et d’obligations.  L’arrêt Industrial Development Consultants Ltd. v. Cooley [[1972] 2 All E.R. 162], un jugement émanant d’une cour de première instance, est un autre exemple assez récent d’une obligation de rendre compte lorsque la compagnie elle-même n’a pas réussi à obtenir un contrat d’affaires et ne pouvait donc pas être considérée comme ayant été privée d’une occasion d’affaires.  Dans cette dernière affaire, l’administrateur délégué à l’exécutif, à qui on avait permis de démissionner parce qu’il s’était faussement déclaré malade, a par la suite obtenu le contrat en son nom personnel.  Cette affaire-là met aussi en évidence la situation où un administrateur donne sa démission après avoir décidé de s’approprier le contrat d’affaires refusé à sa compagnie et où il fait effectivement accepter sa démission sans révéler son intention.  [Nous soulignons.]

Dans « The Propriety of Profitmaking : Fiduciary Duty and Unjust Enrichment » (2000), 58 R.D.U.T. 185, p. 204-205, J. Brock présente des raisons convaincantes d’exiger que les administrateurs rendent compte des profits qu’ils réalisent grâce au poste qu’ils occupent, même si ces profits n’ont pas été réalisés aux dépens de la société.[186]

Le Bureau est d’avis que Steven Demers n’a pas agi avec prudence et diligence et qu’il n’a pas non plus évité de se placer en situation de conflits d’intérêts dans la gestion des affaires d’Enviromondial. Le Bureau retient les éléments suivants pour porter un jugement aussi sévère concernant le manque de diligence et de prudence :

·                    Le non respect des obligations d’établir des états financiers vérifiés ;

·                    L’absence d’assemblée des porteurs depuis plusieurs années ;

·                    Le non respect répété de la Loi sur les valeurs mobilières[187] et des décisions du régulateur du marché chargé de la protection des investisseurs ;

·                    Le non respect de l’engagement à l’effet de modifier le capital actions afin de rendre votante les actions des investisseurs[188] ; et

·                    La tenue déficiente des registres et le recyclage des actions émises et non payées.

Au niveau du manquement au devoir d’honnêteté et de loyauté ainsi que de l’obligation d’éviter de se placer en conflits d’intérêts, le tribunal retient les éléments suivants :

·                    La disparition inexpliquée de 700 000 $ des coffres d’Enviromondial. Cette disparition est d’autant plus grave que l’on a procédé par le biais d’une entreprise d’encaissement de chèques afin de passer outre à une interdiction du régulateur de marché ;

·                    Le compte d’Enviromondial chez Centre d’argent comptant était confondu avec celui de Steven Demers ; et

·                    Steven Demers s’est fait attribuer à lui-même ainsi qu’à certains membres de sa famille vingt millions d’actions sans aucune contrepartie.

La vulnérabilité des investisseurs sollicités

Le tribunal constate que les investisseurs sollicités sont des gens ordinaires qui ont été attirés par l’attrait de l’investissement ainsi que pour le noble motif de protéger l’environnement. Il est utile de résumer leur témoignage.

Le premier témoin investisseur, à savoir André Grimard, a entendu parler d’Enviromondial par une de ses amies. Il a investi diverses sommes d’argent pour son épouse et son fils. La preuve démontre que le témoin a investi volontairement et ce, dans un souci environnemental[189]. Le témoin est un retraité de Postes Canada qui en était à ses premières expériences en valeurs mobilières[190]. Voici un passage qui reflète bien l’état d’esprit de l’investisseur ainsi que des autres témoins convoqués :

« Alors moi je suis un citoyen bien ordinaire qui …..…. qui est préoccupé par certaines choses, dont l’environnement et des choses comme ça. Mais, ça se limite là…. »[191]

L’épouse du témoin Grimard a témoigné sensiblement au même effet. Une admission fut par ailleurs faite à l’effet que le fils témoignerait sensiblement dans le même sens que ses parents[192].

Le témoin Réal Camiré a entendu parler de la société Enviromondial, à l’été 2002, par l’entremise de l’une de ses clientes[193]. Le client a décidé d’investir dans la société et un chèque a été émis. Ce dernier n’a pas été encaissé au cours de la période en cause et a dû être refait en janvier 2003[194]. Le chèque a été fait au nom de Steven Demers. En janvier 2003, le témoin a par ailleurs fait un nouvel apport dans la société Enviromondial.

Le témoin Jose Pacheco, un représentant technique possédant un diplôme d’études secondaires spécialisées dans le domaine de l’eau, a été mis au courant de l’existence d’Enviromondial par le biais d’un ami. L’achat des actions a été fait par chèque et portait la date du 31 juillet 2002[195]. Ce chèque a cependant fait l’objet d’un arrêt de paiement de la part de monsieur Pacheco, compte tenu d’une information vue par un ami à la télévision. Le témoin a cependant fait à nouveau un chèque le 30 janvier 2003 suite à une conversation avec une employée d’Enviromondial.

Le témoin Aumont, retraité, a également entendu parler d’Enviromondial par un de ses amis, à savoir André Grimard. Il a effectué son investissement par chèque le 26 janvier 2003[196]. Son épouse ainsi que deux autres amis ont également investi au début 2003. Monsieur Aumont a témoigné à l’effet qu’il n’avait aucune expérience dans le domaine des valeurs mobilières[197] et qu’il a investi par intérêt pour l’environnement[198]. Un des amis entendu, à savoir monsieur Serge Dugas, est venu également témoigner à l’effet qu’il n’était aucunement familier avec le marché des valeurs mobilières[199] et que son investissement était motivé par des motifs environnementaux.

Le témoin Vittorio Franco est un directeur d’école qui a entendu parler d’Enviromondial par un enseignant de l’institution[200]. Monsieur Franco ou un membre de sa famille aurait investi par le biais de trois chèques[201]. Le premier chèque, daté du vingt-sept septembre 2002, a été fait à l’ordre de M. Steven Demers et les autres en février et mars 2003.

Le témoin Robert Dufort, une personne oeuvrant à son compte au service à la clientèle[202], a entendu parler au fait à l’été 2002 de la société Enviromondial par son associé dans sa compagnie de courroies de convoyeurs. Le témoin se souvient d’avoir assisté, en septembre ou octobre 2002, à une réunion des actionnaires réunissant environ 1 000 personnes[203]. Il espérait que son investissement serait conservateur[204].

Le témoin Lise Poulin, coiffeuse, a entendu parler d’Enviromondial par le biais de sa belle-soeur[205]. Le témoin investit, en juillet 2002 et au début 2003, dans le projet environnemental dans une perspective de gain suite à une inscription prochaine à la bourse qu’un membre du personnel d’Enviromondial lui fait entrevoir[206]. Le témoin s’imaginait déjà millionnaire[207].

Les investisseurs sont à mon avis des personnes vulnérables qui doivent bénéficier de la protection qui est prévue à la législation sur les valeurs mobilières. Steven Demers a profité de leur inexpérience et de leur motif noble de protéger l’environnement. Il s’agit à mon avis d’un facteur aggravant.

Les profits réalisés par le contrevenant

Il est indéniable que Steven Demers a réalisé des profits importants des gestes qu’il a posés. Que l’on songe notamment au salaire mensuel de 8 000 dollars, l’allocation de voiture, les actions attribuées ainsi que la disparition inexpliquée de sommes importantes. Il s’agit d’un facteur aggravant.

L’expérience du contrevenant

Au tout début de l’audience, le tribunal a pu constater le fait que Steven Demers est un homme mûr. Sa fille l’a identifié comme le pilier d’Enviromondial et ce, même si elle ne pouvait témoigner de manière précise des qualifications de son père. Il s’agit d’un facteur aggravant.

La position et le statut du contrevenant lors de la perpétration des faits reprochés

Steven Demers occupait une position importante au sein d’Enviromondial au moment des faits reprochés. Il a été administrateur et dirigeant. Il s’agit d’un facteur aggravant.

L’importance des activités du contrevenant sur les marchés financiers

Les activités du contrevenant ont été importantes sur les marchés financiers. La preuve démontre qu’il y aurait 1 500 actionnaires qui auraient investi plusieurs millions de dollars. Il s’agit d’un facteur aggravant.

Le caractère intentionnel des gestes posés

Le tribunal est d’avis que les gestes ont été posés de manière intentionnelle. Les infractions commises à répétition, la mise en garde du régulateur de marché ainsi que le stratagème de l’encaissement des chèques confirment à mon avis le caractère intentionnel. Il s’agit d’un facteur aggravant.

Le risque que le contrevenant fait courir aux investisseurs et aux marchés financiers si on lui permet de continuer ses activités

Les contraventions répétées de Steven Demers des dispositions de la législation en valeurs mobilières, des règles du droit des sociétés et des ordonnances du régulateur de marché font courir des risques importants aux investisseurs et aux marchés financiers.

Les dommages causés à l’intégrité des marchés par la conduite du contrevenant

Le non respect de dispositions importantes d’une législation d’ordre public comme la Loi sur les valeurs mobilières[208] porte à mon avis atteinte à l’intégrité des marchés. Les marchés financiers reposent sur la confiance des investisseurs quant à leur intégrité. Les investisseurs recherchent des marchés qui sont encadrés de manière efficace et dont les intervenants respectent les règles.

L’effet dissuasif de la sanction selon la gravité du geste posé

Afin de bien comprendre ce que l’on entend par facteur dissuasif, il est important de faire un bref rappel de l’arrêt Cartaway Resources Corp. (Re)[209]. Dans cet arrêt, la Cour suprême établit des principes importants au niveau de la détermination des sanctions applicables dans une industrie réglementée.

Au niveau factuel, Hartvikson et Johnson, avec six autres représentants du courtier First Marathon, ont fait l’acquisition, en octobre 1994, d’un bloc de contrôle d’actions de la société Cartaway, une petite entreprise de concession de bennes à ordures en Colombie-Britannique. Par la suite, les représentants ont été invités au printemps 1995 à acquérir des claims miniers dans une région ayant fait l’objet d’une ruée au jalonnement après la découverte de gisements importants.

Afin de réaliser cette acquisition, Cartaway a effectué un premier placement privé, principalement auprès de représentants et de leurs amis. Ce placement a été effectué en mai 1995, au prix de 0,125 $ l’unité, sans que la société révèle à l’ensemble des actionnaires l’acquisition des claims et le changement de vocation de l’entreprise.

Par ailleurs, le placement privé ne respectait pas les conditions exigées par la loi sur les valeurs mobilières de la Colombie-Britannique[210]. En juin 1995, Cartaway complétait l’acquisition des claims et changeait la vocation de l’entreprise.

En juillet 1995, un second placement privé par notice d’offre, au prix de 1 dollar ($) le bon de souscription d’actions, a été effectué par la société Cartaway. La notice d’offre était silencieuse à l’égard de l’acquisition préalable des claims miniers par les représentants du portefeuille du groupe de contrôle ainsi que de l’existence des conflits d’intérêts[211].

Une enquête a été instituée, près d’une année plus tard, après que le titre eût bondi à 23 $, suite à l’annonce d’une découverte importante. Une analyse plus poussée des échantillons s’étant révélée négative, le titre est retombé à moins de 1 $. Un profit de 5,1 millions de dollars, provenant d’opérations sur les titres de Cartaway, a été réalisé par Hartvikson et Johnson.

La Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique a conclu que Hartvikson et Johnson, à titre d’initiateurs et d’âmes dirigeantes du projet, ont violé les dispositions concernant les placements privés ainsi que les règles de divulgation. À titre de personnes inscrites, ils se sont par ailleurs placés en situation de conflit d’intérêts avec leurs clients et Cartaway. Les autres représentants ainsi que la firme First Marathon ont conclu des ententes à l’amiable, avant l’audience, avec le directeur général de la Commission de la Colombie-Britannique.

La Cour suprême souligne que la Commission a tenu compte des faits suivants avant d’imposer les sanctions à savoir : 1) la dissuasion générale ; 2) la protection des marchés des valeurs mobilières ; 3) les règlements à l’amiable ; et 4) les circonstances en l’espèce, et notamment que Hartvikson et Johnson avait « jusque-là des dossiers sans tâche et qu’ils avaient contribué de façon positive à la vie des marchés de capitaux »[212]. Au niveau de la dissuasion générale, la Cour souligne le fait que la Commission a pris en compte « la nécessité d’envoyer un message clair qui dissuaderait les autres participants aux marchés des capitaux de la Colombie-Britannique d’adopter une conduite inappropriée »[213].

La Commission a retiré à Hartvikson et Johnson le bénéfice de certaines dispenses pour un an, interdit à ceux-ci d’agir à titre de dirigeant ou d’administrateur d’un émetteur assujetti pour la même période et imposé une amende de 100 000 $ à chacun d’eux. L’amende imposée pour cette première offense était le maximum prévu par la législation de l’époque.

Ceux-ci ont interjeté appel devant la Cour d’appel de la Colombie-Britannique[214]. Les juges majoritaires ont décidé que l’imposition de l’amende maximale de 100 000 $ était trop sévère et pouvait être qualifiée de déraisonnable, eu égard à l’ensemble des circonstances. Une pénalité de 10 000 $ chacun aurait été suffisante, de l’avis de la Cour d’appel.

Cette dernière interprète l’arrêt de la Cour suprême Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la société Asbestos Ltée c. Ontario (Commission des valeurs mobilières)[215] comme empêchant une commission de valeurs mobilières de prendre en considération, au delà de la conduite particulière liée aux violations de la loi, la dissuasion générale. Le juge Braidwood de la Cour d’appel est d’avis que la compétence d’une commission « en matière d’intérêt public est de nature prospective et préventive, et non réparatrice ni punitive, impliquerait que la compétence relative à l’intérêt public de la Commission se limitait d’empêcher qu’à l’avenir MM. Hartvikson et Johnson tiennent une conduite susceptible de nuire à l’intérêt public »[216].

La juge Ryan de la Cour d’appel a exprimé sa dissidence, à l’égard de la question de la pénalité. Elle est d’avis que la dissuasion générale n’est ni punitive ni réparatrice mais qu’elle vise à décourager d’autres personnes d’agir de façon semblable.

La Cour suprême note tout d’abord qu’une peine peut être dissuasive à deux niveaux. D’une part, on retrouve la dissuasion spécifique qui vise un contrevenant particulier et qui a pour but ultime de lui faire prendre conscience du fait que la récidive ne profite pas. À un niveau supérieur, on retrouve le principe de la dissuasion générale qui veut « cibler la société en général, y compris les contrevenants potentiels, dans le but d’illustrer les conséquences négatives d’un comportement fautif »[217]. La Cour rappelle que la dissuasion générale est l’un des objectifs importants de la détermination de la peine en droit pénal.

Au niveau du principe de la dissuasion générale, on souligne que l’un de ses premiers partisans a été le célèbre Jeremy Bentham. Pour ce dernier et pour les économistes néo-classiques, les citoyens sont des acteurs rationnels qui agissent en fonction de l’importance des peines dissuasives. La Cour suprême décrit ainsi la position de Bentham sur l’utilité d’utiliser une peine dissuasive :

« Selon lui, s’il est impossible d’arriver au même résultat par d’autres modes de sanction et que l’avantage net qu’en retire la société l’emporte sur le préjudice que subit le contrevenant, il convient d’infliger une peine dissuasive, qui soit conçue de telle manière qu’elle dissuade les autres de commettre la même infraction. Bentham présume que les citoyens sont des acteurs rationnels qui régleront leur conduite selon la rigueur des peines dissuasives : A. Ashworth, Sentencing and Criminal Justice, (3e éd. 2000), p. 64. De même, les théoriciens du droit et de l’économie, tel que R.A. Posner, conçoivent les peines dissuasives comme une sorte de système de tarification : « An Economic Theory of the Criminal Law » (1985), 85 Colum. L. Rev. 1193. »[218]

Ce passage du jugement de la Cour suprême est intéressant car il ouvre la porte à l’application du principe de la dissuasion générale comme facteur important afin d’assurer un meilleur encadrement des activités économiques. À défaut d’un autre outil permettant d’atteindre le même résultat, on adopte ainsi une vision utilitariste de l’encadrement des activités humaines, en calculant s’il y a un bénéfice net que retirera la société de l’imposition d’une peine dissuasive. La Cour rappelle cependant que le principe de la dissuasion générale ne fait toutefois pas l’unanimité et ce, particulièrement au niveau de l’efficacité de l’emprisonnement.

Au niveau de l’encadrement des marchés des capitaux, la rationalité des acteurs et la difficulté de réprimer certains abus militent cependant en faveur du maintien de la dissuasion comme facteur pertinent lors de l’imposition de sanctions. La Cour suprême note ainsi l’importance de la dissuasion générale pour l’encadrement du secteur des valeurs mobilières :

« 55. En l'espèce, on nous demande s'il est raisonnable de conclure que la dissuasion générale a un rôle à jouer dans la réglementation des marchés de capitaux. Selon l'opinion courante, les participants aux marchés de capitaux demeurent des acteurs rationnels. Cette théorie vaut probablement davantage pour les systèmes de marchés que pour les comportements sociaux. Il est donc raisonnable de présumer, surtout du fait de l'expertise de la Commission dans la réglementation des marchés de capitaux, que la dissuasion générale conserve un rôle légitime dans la décision de prononcer ou non des ordonnances dans l'intérêt public et, le cas échéant, quant à la sévérité de ces ordonnances.

56. Cette approche s'accorde avec la jurisprudence américaine en matière de valeurs mobilières. Cette dernière accepte que la dissuasion générale puisse être un facteur pertinent dans l'imposition des pénalités pour sanctionner une conduite frauduleuse. En effet, l'intérêt public commande l'application de sanctions appropriées pour assurer l'observation des règles, des règlements et des politiques de la Securities and Exchange Commission (« SEC ») : voir p. ex. United States c. Matthews, 787 F.2d 38 (2d Cir. 1986), p. 47. L'importance des peines civiles ne cesse de croître pour la SEC et ce, pour des motifs divers, dont la nécessité de la dissuasion générale : voir R. G. Ryan, « Securities Enforcement : Civil Penalties in SEC Enforcement Cases : A Rising Tide » (2003), 17 Insights 17. »[219]

La Cour suprême déclare que l’arrêt Asbestos[220] et la compétence des commissions relative à l’intérêt public ne limitent en rien le pouvoir de cette dernière de tenir compte de la dissuasion générale lorsqu’elle prononce une ordonnance. Il s’agit non pas de l’absence d’empêchement mais bien souvent d’une obligation de tenir compte de ce facteur pertinent lors de l’imposition d’une sanction. La Cour soulignait à cet égard, « Au contraire, il est raisonnable de considérer qu’il s’agit d’un facteur pertinent, voire nécessaire, dans l’établissement d’ordonnance de nature à la fois protectrice et préventive »[221].

L’encadrement de certains comportements peut même requérir, dans certaines circonstances, l’imposition d’une sanction dissuasive à caractère général. Voici le commentaire de la Cour suprême à cet égard :

« Il se peut fort bien que la réglementation des comportements sur les marchés ne donne des résultats valables que si les commissions des valeurs mobilières infligent après coup des peines qui dissuadent les participants au marché prudents de se livrer à de tels actes fautifs. Une semblable question relève clairement du champ d'expertise des commissions des valeurs mobilières, dans leur responsabilité particulière de protéger le public contre la fraude et de maintenir la confiance dans nos marchés de capitaux. »[222]

Dans le cours normal des activités d’une entreprise, on doit laisser aux administrateurs une grande marge de manœuvre afin de prendre les décisions dans l’intérêt de la société par actions. Cette latitude nécessaire laissée aux administrateurs des sociétés doit avoir comme contrepartie que les abus importants commis au détriment des investisseurs doivent être sanctionnés de manière dissuasive. Face aux pratiques déloyales, abusives, frauduleuses ou des gestes commis de mauvaise foi se dresse le droit.

Un acteur rationnel comme un administrateur d’une société ouverte pourrait être tenté de passer outre son obligation de loyauté s’il sait que le gain réalisable découlant de son opération illicite dépasse largement la probabilité d’être sanctionné, multipliée par la gravité de la sanction elle-même.

Dans la mesure où le tribunal n’exerce pas son pouvoir discrétionnaire de manière arbitraire ou vexatoire, la Cour reconnaît, dans l’arrêt Cartaway, qu’il est possible pour celui-ci d’envoyer un message clair aux intervenants de l’industrie à l’effet que la contravention à certaines obligations ou prohibitions sera sévèrement sanctionnée[223].

Au niveau disciplinaire, je crois que le Bureau peut à bon droit envoyer un avertissement sans équivoque à l’effet que certaines conduites ne seront pas tolérées. La conduite de Steven Demers dans le présent dossier ne peut à mon avis être tolérée.

Le degré de repentir du contrevenant

Steven Demers n’a pas témoigné.

Les facteurs atténuants

Le principal facteur atténuant dans le présent dossier est le fait que Steven Demers a rencontré la Commission des valeurs mobilières afin de régulariser la situation. Il n’a malheureusement pas continué dans la voie de la conformité.

Les sanctions imposées dans des circonstances semblables

La Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique a souligné dans l’affaire Eron Mortgage Corp., Re[224] que les cas de manœuvres frauduleuses sérieuses devraient amener l’interdiction d’opération pour la société ainsi que le retrait permanent de ceux qui ont commis ces gestes.

Dans le dossier Barker (Re)[225], la même commission souligne que le fardeau de preuve pour une allégation de manœuvre frauduleuse est élevé, compte tenu du stigmate attaché à une telle conduite. Elle note également qu’il appartient aux intervenants de l’industrie de maintenir des livres adéquats, des mécanismes de protection des données ainsi que de s’assurer d’une ségrégation des avoirs de la personne morale. Voici le passage important:

« Section 57 (b) was considered by the British Columbia Court of Appeal in Anderson V. British Columbia (Securities Commission), 2004 BCCA 7. The Court said:

Fraud is a very serious allegation which carries a stigma and requires a high standard of proof. While proof in a civil or regulatory case does not have to meet the criminal standard of proof beyond a reasonable doubt, it does require evidence that is clear and convincing proof of the elements of fraud, including the mental element.

Barker and Double Eagle failed to document loans and keep proper business records. Barker’s explanation that the documents were lost while moving is no excuse - we expect companies that raise money from the public to properly maintain and manage their records, which included ensuring the security of those records in an office move. We are similarly not persuaded by his explanation that the accounting records were lost in a computer crash “in the late ‘90’s”. Proper records management practices would include appropriate backup procedures to minimize the impact of a computer crash. The computer crash in any event fails to explain the absence of documents and records from 2000 forward.

Barker also failed to keep separate Double Eagle’s assets»[226]

Compte tenu de la jurisprudence ainsi que de la répétition et de la gravité des gestes posés, je suis d’avis qu’une interdiction pour la durée maximale prévue à la Loi sur les valeurs mobilières[227] est appropriée dans le présent dossier.

LA DÉCISION

Par conséquent, en vertu de l’article 273.3 de la Loi sur les valeurs mobilières[228] et de l’article 94 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[229], prenant en considération les motifs déjà exprimés et après en avoir délibéré, le Bureau prononce la décision suivante :

·                    Il interdit à Steven Demers d’agir comme administrateur ou dirigeant d’un émetteur, pour une période de cinq ans à compter de la date de la présente décision ;

·                    Il interdit à Steven Demers, de voter pour une personne avec qui il a des liens au sens de l’article 5 de la Loi sur les valeurs mobilières[230], lors de l’élection des administrateurs d’Enviromondial Inc., pour une période de cinq ans à compter de la date de la présente décision ; et

·                    Il ordonne à Steven Demers de respecter l’engagement, pris par Enviromondial Inc. auprès de la Commission des valeurs mobilières en juillet 2002, de convoquer une assemblée des porteurs afin de mettre en place un processus qui aura pour effet de modifier le capital actions de la société. Cette assemblée aura également pour but d’élire des administrateurs et ainsi donner des actions votantes à l’ensemble des investisseurs. À défaut de respecter cette ordonnance dans les 180 jours de la présente décision, le Bureau pourra, sur demande de l’Autorité des marchés financiers, convoquer à nouveau Steven Demers afin de décider, le cas échéant, de l’opportunité de prendre toute autre mesure afin de donner effet à cette ordonnance qui vise à permettre à Enviromondial de reprendre ses activités dans l’intérêt des investisseurs.

 

 

(S) Alain Gélinas

Me Alain Gélinas, vice-président



[1].    L.R.Q., c. V-1.1.

[2].    Steven Demers, Dossier n° 2004-018, Notes sténographiques, Audience du 5 novembre 2004, p.10.

[3].    Steven Demers, Dossier n° 2004-018, Notes sténographiques, Audience du 31 janvier 2005, pp. 8 et ss.

[4].    Steven Demers, Dossier n° 2004-018, Notes sténographiques, Audience du 28 janvier 2005, p. 88.

[5].    Id., p. 92.

[6].    Id., p. 118.

[7].    Id., p. 120.

[8].    Id. pp. 124 & 126.

[9].    Id., p. 126.

[10]Steven Demers, Dossier n° 2004-018, Pièce D-61 :   Lettre de Me Jean Lorrain du 16 octobre 2001 adressée à M. Steven Demers.

[11].   Précitées, note 4, p. 132.

[12].   Id., p. 133.

[13].   Id., p. 136.

[14].   Id., p. 137.

[15].   Id., p. 139.

[16].   Id., p. 142.

[17].   Id., p. 143.

[18]Steven Demers, Dossier n° 2004-018, Pièce D-62 :   Copie de la décision n° 2002-C-0287 de la Commission des valeurs mobilières du Québec prononcée le 6 août 2002 dans l’affaire Enviromondial Inc.

[19].   Précitées, note 4, p. 150.

[20].   Id., p. 154.

[21].   Id., p. 152.

[22].   Id., p. 156.

[23].   Id., p. 159.

[24].   Id., p. 161.

[25].   Id., p. 166.

[26].   Id., p. 163.

[27].   Id., p. 165.

[28].   Id., p. 167.

[29].   Id., p. 183.

[30].   Id., p. 179.

[31].   Id., p. 7.

[32].   Id., p. 9.

[33].   Id., p. 14.

[34].   Id., p. 24.

[35].   Id., pp. 29 à 31.

[36].   Id., p. 36.

[37].   Id., p. 40.

[38].   Steven Demers, Dossier 2004-018, Notes sténographiques, Précitées, note 3, p. 16.

[39].   Id., p. 21.

[40].   Id., p. 27.

[41].   Voir amendement note 1; Id., p. 36.

[42].   Id., p. 37.

[43].   Id., p. 43.

[44].   Id., p. 47; voir également la pièce D-65.

[45].   Id., p. 44. Il est identifié comme «Non membre du CA -président- Deuxième actionnaire.».

[46].   Id., p. 55; voir également pièce D-59 et paragraphe 3 de la déclaration.

[47].   Id., p. 50.

[48].   Id., p. 68.

[49].   Id., p. 81.

[50].   Id., p. 52

[51].   Id., pp. 98 et 99.

[52].   Steven Demers, Dossier n° 2004-018, Notes sténographiques, Audience du 7 février 2005, p. 28.

[53].   Steven Demers, Dossier n° 2004-018, Notes sténographiques, Audience du 9 novembre 2004, p. 118.

[54].   Id., p. 139.

[55].   Id., p. 140.

[56]Steven Demers, Dossier n° 2004-018, Pièce D-51 :   Convention d’encaissement entre Centre Argent Comptant (C.A.C.) et Enviromondial Inc., daté du 25 septembre 2002.

[57].   Précitées, note 53, p. 151.

[58].   Id., p. 153.

[59].   Id., p. 162.

[60].   Steven Demers, Dossier n° 2004-018, Pièces D-48 : Relevé des chèques de Steven Demers & Pièce D-52 : Relevé informatique des transactions de Steven Demers ; Précitées, note 53, pp.162 et ss.

[61].   Id., p. 176.

[62].   Steven Demers, Dossier n° 2004-018, Notes sténographiques, Audience du 28 janvier 2005, p. 19.

[63].   Id., pp. 57 et 73. Steven Demers, Dossier n° 2004-018, Pièces D-59 : Certificat de conformité et Extrait du Registre des entreprises CIDREQ relatif à Enviromondial Inc., 4 pages, et autres pièces.

[64].   Précitées, note 62, p. 31.

[65].   Id., p. 32.

[66].   Id., pp. 37 et 38.

[67].   Id., p 42.

[68].   Id., p 53.

[69].   Id, pp 53, 63 et 64.

[70].   Id., p. 64.

[71].   Id., pp. 66 et 68.

[72].   Id., p. 78.

[73].   Précitée, note 1.

[74].   Steven Demers, Dossier 2004-018, Notes sténographiques, Audience du 7 mars 2005, p. 6.

[75].   Précitée, note 1.

[76].   L.Q., 1991, c. 64.

[77].   Précitées, note 74, pp. 7 et 8 ; Steven Demers, Dossier 2004-018, Pièces D-14 à D-17 et Pièce D-19.

[78].   Précitées, note 74., p. 8; Paragraphe 17 de la Demande de l’Autorité & Pièce D-18.

[79].   Précitée, note 1.

[80].   Ibid.

[81].   Précité, note 76.

[82].   Précitée, note 1.

[83].   Précitées, note 74, p. 15.

[84].   Voir également l’article 323.5 de la Loi sur les valeurs mobilières, précitée, note 1.

[85].   Comité pour le traitement égal des actionnaires minoritaires de la société Abestos Ltée c. Ontario (Commission des valeurs mobilières), [2001] 2 R.C.S. 132 , aux pages 148 & ss.

[86].   Précitées, note 74, p. 22.

[87].   Id., pp. 25 et 26.

[88].   Id., p. 28.

[89].   Précitée, note 1.

[90].   Précitées, note 74, p. 31.

[91].   Précitées, note 74, p. 32.

[92].   LavalinTech Inc., 1992-05-22, Vol. XXIII, n° 21, BCVMQ, 2.

[93]    MacDonald Oil Exploration, 2002-07-26, Vol. XXXIII, n° 29, BCVMQ, 20.

[94].   Précitées, note 74, pp. 36 et 37.

[95].   Id., pp. 39 et 40.

[96].   Id., pp. 40 et 41.

[97].   Id., p. 43.

[98].   Id., p. 48.

[99].   Id., p. 49.

[100]. Id., p. 50.

[101]. Micheline Charest, Corporation Cinar & Ronald A. Weinberg, 2002-03-22, Vol. XXXIII, n° 11, BCVMQ, 25.

[102]. Luc Lamarche & Matamec Exploration Inc., 2002-05-10, Vol. XXXIII, n° 18, BCVMQ, 5.

[103]. Précitée, note 101.

[104]. Précitées, note 74, pp. 51 et 52.

[105]. Précitée, note 102.

[106]. Précitées, note 74, p. 53.

[107]. Id., p. 53.

[108]. Id., p. 55.

[109]. Id., p. 56.

[110]. Id., p. 61.

[111]. Id., p. 63.

[112]. Id., p. 64.

[113]. Précitée, note 101.

[114]. Précitée, note 784, pp. 64 et 65.

[115]. Id., p. 66.

[116]. Id., p. 67.

[117]. Id., p. 68.

[118]. Id., pp. 69 et 70.

[119]. Id., p. 76.

[120]. L.R.Q., c. A-33.2.

[121]. Précitée, note 1.

[122]. The Securities Act, R.S.O. 1990, c. S.5.

[123]. Précitée, note 85.

[124]. Id., 148-149.

[125]. Id., 149.

[126]. Id., 150.

[127]. Ibid.

[128]. Id., 151.

[129]. Précitée, note 1.

[130]. Cartaway Resources Corp. (Re), [2004] 1 R.C.S. 672 .

[131]. (1998) 21 OSCB 7743.

[132]. Id., aux pages 7746 et 7747.

[133]. C.A. Montréal, n° 500-09-01682-027, 8 septembre 2005, jj. Mailhot, Dussault et Rochette, 30.

[134]. M.C.J.C Holdings and Micheal Cowpland (2002) 25 OSCB 1133

[135]. (1995) 18 OSCB 4625.

[136]. (2001) 24 OSCB 4033.

[137]. M.C.J.C Holdings and Micheal Cowpland, précité, note 135, aux pages 1135 et 1136.

[138]. (2000) 9 ASCS 2888.

[139]. 2002 WL 33686 (Alta Securities Comm.).

[140]. Id., par. 10.

[141]. (1991) A.S.C. Weekly Summary, 2, 20 juin 1991.

[142]. 2002 WL 33686 (Alta Securities Comm.); (2000) 9 ASCS 2888.

[143]. W.H.Stuart Mutuals Ltd. Et al (2000) 9 ASCS 4592.

[144]. In the Matter of Carteway Resources Corporation et al. (2001) ASCS 796.

[145]. In the Matter of Belteco Holdings Inc. et al.(1998) 21 OSCB 7743.

[146]. Re Mithras Management Ltd. (1990) 13 OSCB 1600.

[147]. Re Eron Mortgage Corp. [2000] BSCB Weekly Summary 22.

[148]. Précité, note 139, par. 11.

[149]. [2004] A.S.C.D. no 606; (2004) ABSECCOM REA-1518353.1 Wallace (Re) ASC Summary, 21 mai 2004

[150]. Id., par. 39.

[151]. Id., par. 43.

[152]. Id., par. 47.

[153]. Id., par. 52.

[154]. [2004] B.C.S.C.D. No. 603 2004 BCSECCOM 441 : «It is well established that a person’s conduct in another jurisdiction, and criminal convictions and regulatory sanctions in other jurisdictions based on that conduct, are a legitimate basis for the Commission to make orders in the public interest.» Voir également In Re Holoboff, [1993] 29 BCSC Weekly Summary 7: « the Commission made orders against the respondents on the basis of findings made, and sanctions imposed, by the Alberta Securities Commission, and their conviction by the Alberta criminal courts of offences under the Securities Act (Alberta). »

[155].   [1997] 27 BCSC Weekly Summary 7. «The Commission made orders against Bodnarchuk, after finding that his past conduct showed a pattern of disregard for securities regulation, as shown by sanctions imposed by securities regulators in three other provinces.»

[156].   61 F.3d 137 (2d Cir. 1995).

[157].   Harold S. BLOOMENTHAL, Securities Law Handbook, Vol. 2, Danvers, Thompson-West, 2005, pp. 895 et 896.

[158]. Précitée, note 1.

[159]. Précité, note 76.

[160]. Ibid.

[161]. 2001, c. 38, a. 73; 2002, c. 45, a. 696.

[162]. 1991, c.64 a. 329 (1994-01-01).

[163]. Précitée, note 1.

[164]. Ibid.

[165]. Steven Demers, Dossier 2004-018, Paragraphe 12 de la demande de l’Autorité ; Notes sténographiques, précitées, note 2, p. 89

[166]. Notes sténographiques, précitées, note 3, pp. 8 et ss.

[167]. Notes sténographiques, précitées, note 74, pp. 7 et 8 ; Steven Demers, Dossier 2004-018, Pièces D-14 à D-17 & D-19.

[168]. Précitées, note 3, p. 8 ; Steven Demers, Dossier 2004-018, Paragraphe 17 de la demande de l’Autorité & Pièce D-18.

[169]. Loi sur les valeurs mobilières , précitée, note 1, article 160.1.

[170]. Id., article 160.

[171]. Id., article 161.

[172]. Georges Métivier c. Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières (ACCOVAM) 4 mars 2005, Vol. 2, n° 9,  BAMF - Section Information générale, 76 pages.

[173]. Id., 30-31.

[174]. Précitée, note 1.

[175]. Ibid.

[176]. Précité, note 76.

[177]. Précitée, note 1.

[178]. Précité, note 76.

[179].   Précitée, note 1.

[180].   Précité, note 76.

[181].   Voici l’article pertinent et les commentaires du ministre lors de l’adoption du Code civil : Art. 321. L’administrateur est considéré comme mandataire de la personne morale. Il doit, dans l’exercice de ses fonctions, respecter les obligations que la loi, l’acte constitutif et les règlements lui imposent et agir dans les limites des pouvoirs qui lui sont conférés. Commentaire :

         Cet article maintient le droit antérieur, élaboré par la doctrine et la jurisprudence et déjà affirmé par l’article 123.83 de la Loi sur les compagnies, établissant que l’administrateur est considéré comme un mandataire de la personne morale.

         Cet article énonce les devoirs essentiels de l’administrateur : le respect de ses obligations et le devoir d’agir dans les limites de ses pouvoirs. La codification de ces devoirs est nouvelle, mais s’inscrit dans les courants de pensée de la doctrine et de la jurisprudence ; dans, Québec, Ministère de la justice, Commentaires du ministre de la justice, Tome 1, Québec, Les Publications du Québec, 1993, 215.

[182].   L.R.Q., c. C-38.

[183].   Voici les articles importants du Code civil ainsi que les commentaires du ministre lors de l’adoption du nouveau code : Art. 322. L’administrateur doit agir avec prudence et diligence. Il doit aussi agir avec honnêteté et loyauté dans l’intérêt de la personne morale. Commentaire : Cet article de droit nouveau reprend, pour l’administration d’une personne morale, la règle prévue à l’article 1309 du code concernant l’administration du bien d’autrui.

         Le premier alinéa s’inspire de la règle énoncée en matière de mandat, à l’article 1710 C.C.B.C., tandis que le second alinéa introduit le devoir de loyauté et d’honnêteté à l’égard de la personne morale. Il s’agit là d’une règle plus contraignante que celle exprimée au premier alinéa et qui s’y ajoute. Le devoir de loyauté implique un respect entier des engagements pris ou imposés par la loi, des règles d’honneur et de probité, et une prise en charge des intérêts de la personne morale ; dans, Commentaires du ministre de la justice, précités, note 179, 216.

[184].   Voici les articles pertinents du Code civil ainsi que les commentaires du ministre lors de l’adoption du nouveau code : Art. 323. L’administrateur ne peut confondre les biens de la personne morale avec les siens; il ne peut utiliser, à son profit ou au profit d’un tiers, les biens de la personne morale ou l’information qu’il obtient en raison de ses fonctions, à moins qu’il ne soit autorisé à le faire par les membres de la personne morale. Commentaire : Cet article, de droit nouveau, reprend, à l’égard de l’administrateur de la personne morale, des règles également prévues aux articles 1313 et 1314 du titre De l’administration du bien d’autrui. Il a pour objet de protéger les membres d’une personne morale contre l’utilisation, par l’administrateur, des biens de la personne morale à son propre profit ou à celui d’un tiers. Il couvre également l’utilisation de l’information obtenue par l’administrateur dans l’exercice de ses fonctions.

         Cet article s’intègre dans un ensemble de règles destinées à éviter les situations de conflit d’intérêts et donc à protéger les droits des membres et indirectement ceux des créanciers de la personne morale.

         Art. 324. L’administrateur doit éviter de se placer dans une situation de conflit entre son intérêt personnel et ses obligations d’administrateur.

         Il doit dénoncer à la personne morale tout intérêt qu’il a dans une entreprise ou une association susceptible de le placer en situation de conflit d’intérêts, ainsi que les droits qu’il peut faire valoir contre elle, en indiquant, le cas échéant, leur nature et leur valeur. Cette dénonciation d’intérêt est consignée au procès-verbal des délibérations du conseil d’administration ou à ce qui en tient lieu. Commentaire : Pour les mêmes motifs que ceux évoqués à l’article 323, cet article de droit nouveau édicte des règles destinées à éviter les situations de conflits d’intérêts ou à diminuer les effets. Les articles 1310 et 1311 posent les mêmes règles en matière d’administration du bien d’autrui puisqu’elles sont tout aussi nécessaires protéger les droits du bénéficiaire que des membre ou créancier d’une personne morale ; dans, Commentaires du ministre de la justice, précité, note 179, 216-217.

[185].   [2004] 3 R.C.S. 461  ; 2004 CSC 68 .

[186]    Id., 20, par. 32 - 38. Me Paul Martel et Me Maurice Martel résument ainsi les obligations fiduciaires :

i)         La personne en position « fiduciaire » (en l’occurrence, l’administrateur ou le dirigeant) doit agir de bonne foi au mieux des intérêts du bénéficiaire (la compagnie) pour tout ce qui est relié à son rôle;

ii)       Cela signifie que le fiduciaire a l’obligation de faire en sorte que ses intérêts n’entrent pas en conflit avec ceux du bénéficiaire.

iii)      En particulier, le fiduciaire ne peut contracter ou s’engager avec le bénéficiaire, ni détenir un intérêt personnel direct ou indirect dans ces contrats ou engagements, sous peine de nullité de ces contrats ou engagements, à moins que le bénéficiaire n’y consente expressément, en pleine connaissance de tous les faits et sans influence indue.

iv)      Cela signifie aussi que le fiduciaire ne peut réaliser aucun gain personnel, direct ou indirect, du fait de sa position. Tout profit ou gain personnel qu’il réalise appartient au bénéficiaire et doit lui être remis, sauf si le bénéficiaire l’autorise à le conserver, en pleine connaissance de tous les faits et sans influence indue.

v)        Pour se prévaloir de ce consentement ou de cette autorisation du bénéficiaire, le fiduciaire doit lui divulguer pleinement l’existence et la nature de tous ces conflits d’intérêts.

vi)      En matière d’obligation fiduciaire, on assiste à un exceptionnel renversement du fardeau de la preuve : le fiduciaire est sujet à une présomption automatique d’influence indue et c’est à lui qu’il incombe de la repousser.

vii)     La bonne ou la mauvaise foi du fiduciaire n’entrent nullement en ligne de compte lorsqu’il s’agit de déterminer s’il a violé son obligation fiduciaire : il n’est pas nécessaire de prouver mauvaise foi de sa part; quant à lui, alléguer qu’il était de bonne foi lorsqu’il n’a pas agi au mieux des intérêts du bénéficiaire ne constitue pas une défense valable.

viii)   Ne peuvent non plus être allégués comme moyens de défense d’un fiduciaire qui a réalisé un profit personnel, le fait que le bénéficiaire n’a pas subi de dommage ou même qu’il a tiré profit de l’acte du fiduciaire, ou le fait que le bénéficiaire aurait été incapable de conclure l’acte ou de réaliser le profit par lui-même.

ix)   L’obligation fiduciaire survit à la terminaison du lien entre le fiduciaire et le bénéficiaire pendant un délai raisonnable. Le fiduciaire ne peut échapper à son obligation en mettant fin à ce lien; le fait que ce soit le bénéficiaire qui mette fin à ce lien ne libère pas davantage le fiduciaire.

x)   Une des manifestations de l’obligation fiduciaire consiste dans l’interdiction pour l’administrateur ou fonctionnaire supérieur de s’emparer, pour son compte ou celui d’une autre personne, d’une « occasion d’affaires » (corporate opportunity) de la compagnie dont il a eu connaissance ou qu’il a pu obtenir grâce à sa position dans la compagnie, sauf si la compagnie a expressément renoncé à cette occasion.

xi)   Cette interdiction relative au détournement des occasions d’affaires a été étendue par la jurisprudence à la sollicitation de la clientèle ou du personnel de la compagnie; les personnes visées par cette interdiction sont non seulement les administrateurs et les membres de la haute direction de la compagnie, mais aussi les simples employés qui s’associent à eux ;

         dans, Maurice MARTEL & Paul MARTEL, La compagnie au Québec - Les aspects juridiques, Édition spéciale, Montréal, Éditions Wilson & Lafleur Ltée, 2005, pp. 23-30 à 23-32.

[187].   Précitée, note 1.

[188].   Steven Demers, Dossier n° 2004-018, Pièce D-62 : Copie de la décision n° 2002-C-0287 de la Commission des valeurs mobilières du Québec prononcée le 6 août 2002 dans l’affaire Enviromondial Inc.

[189].   Notes sténographiques, précitées, note 2, p. 27.

[190]. Id., p.29.

[191]. Id., p.39.

[192]. Id., p.50.

[193]. Id., p.11.

[194]. Steven Demers, Dossier n° 2004-018, Pièce D-33 : Chèque n° 269 daté du 22 janvier à l’ordre de Steven Demers pour un montant de 3 400 $ et signé par Réal Camiré & chèque n° 270 du 22 janvier 2003 à l’ordre de Steven Demers pour un montant de 2 000 $ et signé par Réal Camiré.

[195]. Précitées, note 2, p. 59.

[196]. Id., p. 111. et Steven Demers, Dossier n° 2004-018, Pièce D-21 : Copie du chèque du 26 janvier 2003 de Jean-Pierre Aumont à l’ordre d’Enviromondial pour un montant de 1 000 $.

[197]. Id., p. 123.

[198]. Id., p. 125.

[199]. Id., p. 133.

[200]. Id., p.61.

[201]. Ibid. ; Steven Demers, Dossier n° 2004-018, Pièce D-39 : Chèque du 7 mars 2003 à l’ordre d’Enviromondial Inc., pour un montant de 2 000 $, signé par Vittorio Franco & chèque du 27 septembre 2002 à l’ordre de Steven Demers, pour un montant de 3 500 $, signé par Vittorio Franco & chèque du 21 février 2003 à l’ordre d’Enviromondial Inc., pour un montant de 4 500 $, signé par Vittorio Franco

[202]. Notes sténographiques, précitées, note 53, p. 89.

[203]. Id., p. 109.

[204]. Id., p. 111.

[205]. Id., p. 188.

[206]. Id., p. 190.

[207]. Id., p. 191.

[208]. Précitée, note 1.

[209]. [2004] 1 R.C.S. 672 .

[210]. The Securities Act, R.S.B.C. 1996, c. 418.

[211]. Cartaway Resources Corp. (Re), précité, note 207, page 678, par. 9 à 12.

[212]. Id., par. 28.

[213]. Id., par. 26 à 28.

[214]. (2002), 218 D.L.R. (4th) 470.

[215]. Précitée, note 85.

[216]. Précitée, note 209, par. 35.

[217]. Id., note 207, par. 52.

[218]. Id., par. 53.

[219]. Id., par. 55 et 56.

[220]. Précitée, note 85, par. 40.

[221]. Id., note 201, par. 60.

[222]. Id., par. 62.

[223].   Id., par. 65.

[224].   [2000] 7 B.C.S.C.W.S., 22 : « In cases of serious fraud, the Commission has in the past issued orders permanently cease trading issuers and permanently removing respondents from the market. [FN2] This case is the most serious fraud dealt with by the Commission in recent memory and similar orders are clearly warranted in these circumstances.»

[225]. [2005] B.C.S.C.D. No. 207, 2005 BCSECCOM, 146.

[226]  Ibid.

[227]. Précitée, note 1.

[228]. Ibid.

[229]. Précitée, note 120.

[230]. Précitée, note 1.

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