Philibert c. Corporation Zedbed International |
2013 QCCQ 3167 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
ARTHABASKA |
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LOCALITÉ DE |
VICTORIAVILLE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
415-32-005881-126 |
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DATE : |
9 avril 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
PIERRE LABBÉ, J.C.Q. |
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PATRICK PHILIBERT, |
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Demandeur |
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c. |
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CORPORATION ZEDBED INTERNATIONAL |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Insatisfait du confort d'un matelas acheté chez Ameublements Tanguay à Lévis le 11 mai 2009 et fabriqué par la défenderesse, le demandeur réclame à cette dernière 2 500 $.
[2] La défenderesse conteste la demande, précisant que le degré d'usure du matelas est normal et qu'elle n'a fourni aucune garantie de confort.
[3] Il ressort de la preuve les faits pertinents suivants.
[4] Le demandeur a acheté le matelas d'une largeur de 78 pouces au prix de 3 219,99 $ avant taxes le 11 mai 2009. Le matelas comporte une garantie limitée de 20 ans du fabricant (D-4A). Cette garantie couvre les défauts de fabrication ou les anomalies structurales à 100 % pour les 10 premières années et de façon proportionnelle pour les 10 années suivantes. La garantie couvre également l'empreinte du corps sur le matelas si celle-ci est de plus de trois quarts de pouce, sujette à être vérifiée par un représentant de la défenderesse.
[5] Le demandeur a remplacé le matelas en 2012, mais il l'a conservé. Il ne demande pas l'annulation de la vente.
[6] Le fondement de la réclamation du demandeur est qu'une empreinte d'un quart de pouce s'est formée et qu'elle a diminué le confort du matelas après six mois d'usage. Le matelas comporte quatre couches de mousse.
[7] Les photographies produites par le demandeur qui a utilisé un manche à balai comme suggéré par la défenderesse, confirment, et ce n'est pas contesté, que l'empreinte est d'un quart de pouce.
[8]
Le demandeur invoque la garantie de durabilité raisonnable de l'article
[9] Il n'est pas contesté que le demandeur a respecté les consignes d'utilisation du matelas du fabricant.
[10] Le 6 mars 2012, le demandeur a fait une plainte écrite à la défenderesse. Cette dernière lui a demandé de faire un appel de service auprès d'Ameublements Tanguay qui la lui transmettrait. À la suite de divers échanges par courriel, la défenderesse a envoyé un représentant chez le demandeur le 16 avril 2012 qui a confirmé l'empreinte d'un quart de pouce (D-2). À la suite de cette vérification, la défenderesse a refusé de donner suite à la plainte du demandeur, réitérant les paramètres de sa garantie.
[11] Le 6 mars 2012, le demandeur a fait parvenir une plainte écrite à la défenderesse. Le 16 juillet, il a envoyé une mise en demeure réclamant 2 500 $. La défenderesse a répondu en réitérant sa position.
[12] Le demandeur a produit (P-3) une enquête de Protegezvous.ca sur le confort des matelas. Cette preuve n'a aucune valeur probante, d'une part parce qu'il s'agit d'une enquête très générale d'une journaliste sans données précises et d'autre part parce que les matelas fabriqués par la défenderesse n'y sont pas mentionnés.
ANALYSE
[13] La vente intervenue est régie par la Loi sur la protection du consommateur. Il y a lieu de citer l'article 38 pour la garantie légale de durabilité et l'article 54 qui permet un recours contre le fabricant :
38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.
54. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d'exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur une obligation résultant de l'article 37, 38 ou 39.
Un recours contre le fabricant fondé sur une obligation résultant de l'article 37 ou 38 peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.
[14]
Il est pertinent de citer quelques extraits
d'un arrêt récent de la Cour d'appel du Québec portant notamment sur la
garantie de durabilité de l'article
[5] Deux ans plus tard, en mars 2006, les Appelants intentent leur action en résolution de la vente en alléguant avoir été « dans l’impossibilité absolue d’en jouir de façon raisonnable en ce qu’ils n’ont jamais eu le loisir d’utiliser un véhicule fonctionnel ».
[15] Les Appelants précisent leurs reproches de la manière suivante :
…le [Juge] a omis d’analyser l’historique des événements …en fonction des attentes légitimes du consommateur moyen.
…il a omis d’analyser la présente affaire sous l’angle de la garantie de durabilité de la [L.p.c.]…
[16] Quant aux attentes légitimes du consommateur, c’est sur ce point que le Juge cite la professeure L’Heureux pour préciser comment il doit appliquer ce critère :
[103] La professeure Nicole L'Heureux, dans son ouvrage Droit de la consommation* écrit:
(…)
L'article
(…)
Par les articles 37 et 38, le législateur veut empêcher qu'on mette sur le marché des biens qui ne procurent pas un usage normal ou qui sont invendables parce qu'ils ne répondent pas à leur finalité. En droit européen, on réfère à la notion d'attente légitime du consommateur. Ce critère est plus large que la notion de vice ou de défaut du Code civil du Québec qui, au sens strict, ne concerne que le cas d'altération ou détérioration.
[104] La professeure L'Heureux précise**:
L'attente légitime s'apprécie en fonction de divers facteurs: la nature du produit, sa destination, l'état de la technique, les informations données par le fabricant et le distributeur, et les stipulations au contrat. L'attente légitime est celle du consommateur; il n'appartient pas au commerçant ni au fabricant de la déterminer.
_______________________
* Nicole L'Heureux, Droit de la consommation, 5e édition, Les Éditions Yvon Blais inc., Cowansville, p. 68, 69.
** Idem p. 70.
[17] Quant à la garantie de durabilité du produit, les Appelants se fondaient sur l’affaire Agco. Le Juge en discute en notant toutefois :
[106] …que l'équipement vendu, à savoir une moissonneuse-batteuse, était affecté de vices cachés et n'a jamais fonctionné adéquatement. Pour rendre sa décision, après avoir pris en considération les mêmes bases juridiques, soit le Code civil du Québec et la Loi de la protection du consommateur, le juge Verrier considère les faits et retient:
86. En l'espèce, la prépondérance de la preuve est à l'effet que la moissonneuse-batteuse vendue à la défenderesse n'a jamais fonctionné normalement, et ce, dès la première utilisation.
[18] Après avoir rappelé les dispositions du C.c.Q. et de la L.p.c., cité l’avis de la professeure L’Heureux et noté avec nuance l’affaire Agco, le Juge précise la norme qu’il doit appliquer dans les termes suivants :
[107] Le Tribunal aura donc à considérer, dans le présent dossier, s'il y a prépondérance de preuve à l'effet que l'autocaravane acquise par le demandeur est affectée d'un défaut de qualité et de défectuosités ne permettant pas de s'en servir pour l'usage auquel elle est normalement destinée et ce, pour une durée raisonnable, le tout eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.
[19] La norme ainsi actualisée est conforme à l’enseignement de la Cour suprême, rappelé par les Appelants, dans l’affaire ABB inc. et Alstom Canada inc. c. Domtar inc. :
[52] La
simple présence d’un déficit d’usage ne suffit pas en elle-même pour justifier
la qualification de vice caché. Encore faut-il que ce déficit d’usage soit
grave, c’est-à-dire qu’il rende le bien impropre à l’usage auquel il est
destiné ou en diminue tellement l’utilité que son acheteur ne l’aurait pas
acheté à ce prix. Ce deuxième critère, celui de la gravité du vice, découle du
texte de l’art.
[Références omises]
[Soulignement ajouté]
[15]
En analysant la garantie légale de l'article
La jurisprudence préfère plutôt voir dans la
garantie de durabilité une forme différente de la garantie contre les vices
cachés, lesquels, selon la formulation même de l'article
La destruction d'un bien en raison d'un défaut
caché est l'abrègement de sa durée d'usage normal. Un consommateur ne peut
cependant pas, dans le cas de destruction d'un bien, invoquer les articles
[Références omises]
[Soulignements ajoutés]
[16]
La garantie légale de durabilité prévue à l'article
[17] La difficulté que rencontre le demandeur en l'instance est qu'aucune preuve objective ne révèle l'existence d'un défaut du matelas, lequel semblait adéquat pendant plusieurs mois. La seule mesure objective existante dans les circonstances est la profondeur de l'empreinte du corps. Dans le cas du demandeur, cette empreinte n'est pas anormale et est même au-dessus de la norme retenue par la défenderesse dans sa garantie conventionnelle.
[18]
C'est l'enseignement que révèle la lecture de l'arrêt précité de la Cour
d'appel du Québec[4].
En s'apparentant à la garantie de qualité du Code civil du Québec, il
est nécessaire, pour l'application de la garantie légale de l'article
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[19] REJETTE la demande du demandeur, sans frais.
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__________________________________ PIERRE LABBÉ, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
26 mars 2013 |
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AVIS :
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appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.