Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
Gabarit de jugement pour la cour d'appel

Ville de Montréal c. Société en commandite Locoshop Angus

2021 QCCA 1217

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

Nos :

500-09-027364-181, 500-09-027365-188

(500-17-093081-167, 500-17-093080-169)

 

DATE :

 4 août 2021

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A.

 

N° :

500-09-027364-181 (500-17-093081-167)

 

VILLE DE MONTRÉAL

APPELANTE - demanderesse

c.

 

SOCIÉTÉ EN COMMANDITE LOCOSHOP ANGUS

INTIMÉE - défenderesse

et

 

COUR DU QUÉBEC

MISE EN CAUSE - défenderesse

 

N° :

500-09-027365-188 (500-17-093080-169)

 

VILLE DE MONTRÉAL

APPELANTE - demanderesse

c.

 

SOCIÉTÉ IMMOBILIÈRE IMSO INC.

GROUPE IWEB INC.

INTIMÉES - défenderesses

et

 

COUR DU QUÉBEC

MISE EN CAUSE - défenderesse

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L’appelante se pourvoit contre deux jugements de la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Silvana Conte), qui, le 2 février 2018, ont rejeté ses demandes de pourvoi en contrôle judiciaire contre des jugements de la Cour du Québec rendus en appel de décisions du Tribunal administratif du Québec, division des affaires immobilières.

[2]           Pour les motifs de la juge Gagné, auxquels souscrivent les juges Doyon et Hamilton, LA COUR :

Dans le dossier 500-09-027364-181

[3]           ACCUEILLE l’appel;

[4]           INFIRME le jugement de la Cour supérieure rendu le 2 février 2018;

[5]           accueille la demande de pourvoi en contrôle judiciaire;

[6]           CASSE le jugement de la Cour du Québec rendu le 19 février 2016;

[7]           ACCUEILLE l’appel statutaire;

[8]           INFIRME la décision du Tribunal administratif du Québec rendue le 25 juin 2014 dans les dossiers SAI-M-200432-1206, SAI-M-200434-1206 et SAI-M-209728-1303;

[9]           FIXE les valeurs à inscrire aux rôles d’évaluation visés comme suit :

Pour la période du 15 décembre 2010 au 31 décembre 2010 :

Terrain :               994 700 $

Bâtiment :       16 618 200 $

Total :              17 612 900 $

Pour la période du 1er janvier 2011 au 23 novembre 2011 :

Terrain :            1 684 500 $

Bâtiment :       18 212 500 $

Total :              19 897 000 $

Pour la période du 24 novembre 2011 au 31 décembre 2013 :

Terrain :            1 684 500 $

Bâtiment :       18 553 300 $

Total :              20 237 800 $

[10]        LE TOUT, avec les frais de justice en faveur de l’appelante.

Dans le dossier 500-09-027365-188

[11]        ACCUEILLE l’appel;

[12]        INFIRME le jugement de la Cour supérieure rendu le 2 février 2018;

[13]        ACCUEILLE la demande de pourvoi en contrôle judiciaire;

[14]        CASSE le jugement de la Cour du Québec rendu le 19 février 2016;

[15]        REJETTE l’appel statutaire;

[16]        RÉTABLIT la décision du Tribunal administratif du Québec rendue le 9 octobre 2013 dans les dossiers SAI-M-199802-1206, SAI-M-199806-1206 et SAI-M-209566-1303;

[17]        LE TOUT, avec les frais de justice en faveur de l’appelante.

 

 

 

 

FRANÇOIS DOYON, J.C.A.

 

 

 

 

 

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

 

 

 

 

 

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A.

 

Me Laura Palavicini

Me Caroline Proulx

Me Hugo Pépin

GAGNIER GUAY BIRON

Pour l’appelante

 

Me Pierre Chauvrette

Me Marc-Antoine Picotte

THERRIEN COUTURE JOLI-CŒUR

Pour l’intimée Société en commandite

Locoshop Angus

 

Me Marc-André G. Fabien

Me Vincent Cérat Lagana

FASKEN MARTINEAU DUMOULIN

Pour les intimées Société immobilière Imso inc.

et Groupe iWeb inc.

 

Date d’audience :

2 décembre 2020


 

 

 

MOTIFS DE LA JUGE GAGNÉ

 

 

[18]        L’appelante, Ville de Montréal (« Ville »), se pourvoit contre deux jugements de la Cour supérieure[1], lesquels ont rejeté ses demandes de pourvoi en contrôle judiciaire contre des jugements de la Cour du Québec[2] rendus en appel de décisions du Tribunal administratif du Québec, division des affaires immobilières (« TAQ »)[3].

[19]        Dans les deux dossiers, le débat porte sur la notion d’immobilisation par attache d’un bien meuble au sens de l’article 1 de la Loi sur la fiscalité municipale (« L.f.m. »)[4]. Il s’agit de décider si des équipements servant à l’hébergement de serveurs informatiques sont des meubles « attachés à demeure » à l’immeuble dans lequel ils se trouvent, donc des immeubles devant être portés au rôle d’évaluation foncière.

[20]        Dans le dossier 500-09-027364-181, les immeubles compris dans l’unité d’évaluation appartiennent à l’intimée, Société en commandite Locoshop Angus (« Locoshop »), tandis que les équipements informatiques sont la propriété de sa locataire, Ubisoft[5]. Le TAQ a conclu que les équipements, bien qu’attachés à l’immeuble, ne le sont pas à demeure et n’ont donc pas à être portés au rôle d’évaluation foncière. La Cour du Québec a rejeté l’appel de la Ville.

[21]        Dans le dossier 500-09-027365-188, l’immeuble qui constitue l’unité d’évaluation appartient à l’intimée Société immobilière IMSO inc. (« IMSO »), tandis que les équipements informatiques sont la propriété de sa locataire, l’intimée Groupe iWeb inc. (« iWeb »). Le TAQ a conclu à l’immobilisation par attache des équipements, donc que ceux-ci doivent être portés au rôle d’évaluation foncière. La Cour du Québec a accueilli l’appel d’IMSO et iWeb.

[22]        Comme mentionné d’entrée de jeu, la Cour supérieure a rejeté les demandes de pourvoi en contrôle judiciaire contre les jugements de la Cour du Québec. Le résultat des jugements entrepris est que les équipements ne sont pas considérés comme des immeubles par attache, au contraire de ce que le TAQ a décidé dans le dossier IMSO. C’est le débat qu’il nous faut trancher, en fonction des normes de contrôle judiciaire applicables. La valeur des équipements, dans le cas où ils doivent être portés au rôle, est admise[6].

[23]        Je traiterai d’abord de la question des normes de contrôle, pour ensuite examiner les conditions de l’immobilisation par attache selon l’article 1 L.f.m.

[24]        Avant d’aborder ces questions, il convient de résumer le contexte et les décisions antérieures.

I.              Contexte

A.   Description de l’unité d’évaluation et des équipements dans le dossier Locoshop

[25]        L’unité d’évaluation est située dans un secteur industriel et commercial. Elle comprend deux immeubles, l’un industriel/multilocataires (2600, rue William-Tremblay) et l’autre à bureaux, de type industriel/multilocataires (4101, rue Molson). La superficie d’aire brute totale est de 216 275,68 pieds carrés.

[26]        C’est dans l’immeuble de la rue Molson qu’Ubisoft exploite un site d’hébergement de serveurs informatiques au bénéfice de son entreprise de développement de jeux vidéo. Elle y occupe des locaux aménagés sur deux étages dont la superficie totale est de 7 374 pieds carrés. Le bail conclu avec Locoshop est d’une durée de 10 ans. Il prévoit que les améliorations locatives sont aux frais d’Ubisoft, mais sous la supervision de Locoshop. Des clauses types obligent Ubisoft, à la fin du bail, à remettre les lieux dans l’état où elle les a pris, ce qui suppose l’enlèvement des équipements.

[27]        Ceux-ci comprennent deux génératrices, deux unités ATS (inverseurs de source automatiques)[7], quatre unités UPS (onduleurs)[8], deux transformateurs installés par Hydro-Québec ainsi qu’un système de refroidissement particulier et très performant (refroidisseurs d’eau et unités de distribution et de ventilation).

[28]        L’installation de ces équipements a nécessité divers aménagements, notamment :

·        Un plancher surélevé avec des grilles permettant l’arrivée de l’air froid à l’avant des étagères;

·        Un plafond suspendu permettant l’évacuation de l’air chaud à l’arrière des étagères;

·        Une passerelle extérieure pour recevoir deux refroidisseurs.

Ces aménagements ont été portés au rôle d’évaluation foncière sans contestation.

[29]        Il s’est écoulé neuf mois entre la conception et l’utilisation des salles de serveurs.

[30]        Il n’est pas contesté que la capacité du système de refroidissement dépasse de beaucoup les besoins usuels en climatisation des lieux loués. De plus, ce système étant au glycol, il ne pourrait servir à climatiser l’immeuble, lequel n’a pas été conçu pour ce produit.

[31]        Selon la preuve administrée devant le TAQ, les aménagements et les équipements n’ont aucune utilité pour l’immeuble[9] et pourront être enlevés à la fin du bail, sous réserve de colmater les ouvertures pratiquées dans les murs et les dalles de béton. Ubisoft pourra alors récupérer ses équipements, sauf la tuyauterie, celle-ci ayant été conçue « sur mesure ».

B.   Description de l’unité d’évaluation et des équipements dans le dossier IMSO

[32]        L’unité d’évaluation est un immeuble industriel « léger » d’une superficie de 31 257 pieds carrés situé dans un secteur industriel et commercial. Il s’agit en fait d’une ancienne usine de boulons. IMSO a fait l’acquisition de cet immeuble dans l’intention de le louer à iWeb. À cet effet, elle a procédé à des travaux de curetage et de réparation de la structure pour environ 400 000 $.

[33]        iWeb y exploite une entreprise d’hébergement de serveurs informatiques pour le compte de clients commerciaux. Le bail conclu avec IMSO est d’une durée de cinq ans avec cinq options de renouvellement de cinq ans chacune et une option d’achat à un prix déterminé. La clause 13.02 impose à iWeb l’obligation, à la fin du bail, de remettre les lieux dans l’état où elle les a pris et précise que celle-ci conserve la propriété des équipements.

[34]        Ceux-ci comprennent une génératrice, des ATS, des UPS ainsi qu’un système de refroidissement particulier et très performant semblable à celui décrit dans le dossier Locoshop. D’ailleurs, à l’instar d’Ubisoft, iWeb a procédé à des travaux d’aménagement pour que l’immeuble réponde à ses besoins spécifiques, notamment :

·        Un plancher surélevé avec des grilles permettant l’arrivée de l’air froid à l’avant des étagères;

·        Un plafond suspendu permettant l’évacuation de l’air chaud à l’arrière des étagères;

·        À l’intérieur du bâtiment, des dalles coulées à même le plancher;

·        À l’extérieur, des dalles coulées à même le sol.

Le plancher surélevé et le plafond ont été portés au rôle d’évaluation foncière.

[35]        Comme dans le dossier Locoshop, il est acquis au débat que la capacité du système de refroidissement dépasse de beaucoup les besoins usuels en climatisation de l’immeuble.

[36]        Selon le témoignage de M. Richard Corso, président et unique actionnaire d’IMSO, ces aménagements et les équipements d’iWeb n’ont aucune utilité pour un usage industriel général ni pour une autre entreprise œuvrant dans le domaine informatique.

[37]        De plus, la preuve révèle que les équipements en question, malgré leur pesanteur, sont mobiles et que « tout [a été] pensé pour pouvoir les remplacer, les déplacer »[10]. Ainsi, les ATS sont déposés sur des rails et les UPS, sur une dalle de propreté. Les refroidisseurs sont déposés sur des ressorts eux-mêmes fixés à la dalle, tandis que les unités de climatisation reposent sur des socles eux-mêmes déposés au sol et reliés au plénum par un joint de silicone. Par ailleurs, les conduites d’eau (pour la climatisation) et d’électricité (pour les serveurs) sont fixées au mur et au plancher.

II.            Décisions antérieures

A.   TAQ

[38]        Les décisions du TAQ ont été rendues par la même formation, les membres Clément Goulet et Jean Dion, à huit mois et demi d’intervalle. Ces derniers ont effectué une visite des lieux avant le début de l’audience dans le second dossier, celui de Locoshop, donc après qu’ils eurent rendu leur décision dans le dossier IMSO.

[39]        Dans chacun des dossiers, après avoir résumé la preuve, le TAQ rappelle qu’il doit déterminer la valeur réelle de l’unité d’évaluation selon les règles prescrites par la L.f.m. et que la définition d’immeuble contenue à l’article 1 de cette loi l’emporte sur celle du C.c.Q. Il reprend ensuite le test développé par la Cour dans les trilogies la Laurentienne[11] et Coimac[12] pour décider si un meuble se qualifie comme immeuble au sens de la L.f.m.

[40]        Dans sa décision dans le dossier Locoshop, le TAQ reconnaît que les équipements en cause sont « sensiblement similaires » à ceux décrits dans le dossier IMSO. D’ailleurs, dans les deux dossiers, le TAQ s’exprime ainsi au sujet de l’inamovibilité des équipements :

La spécificité des installations […], l’interrelation des différentes composantes, leurs attaches entre elles démontrent au Tribunal que les équipements ont acquis une assiette fixe et qu’ils ont été intellectuellement immobilisés. Cette inamovibilité fait preuve d’une attache au sens de la LFM.[13]

[Soulignement dans l’original du dossier IMSO]

[41]        Dans IMSO, le TAQ accorde de l’importance au fait que l’immeuble a été substantiellement modifié par iWeb pour répondre à ses besoins spécifiques. Il conclut que les installations ont été faites « pour aussi longtemps qu’une nouvelle vocation ne sera pas assignée à cet immeuble et donc à une présomption d’attache à demeure »[14]. Bien qu’une partie de la preuve le convainque de la mobilité des équipements, il estime que cette présomption n’a pas été renversée. L’autre partie de la preuve l’amène plutôt à assimiler l’immeuble à « une construction conçue pour une vocation spécifique »[15].

[42]        Dans Locoshop, le TAQ conclut également à une présomption d’attache à demeure des équipements. Il estime toutefois que cette présomption est renversée étant donné que le bâtiment est complet et fonctionnel en leur absence, qu’il ne s’agit pas d’un immeuble à vocation spécialisée et que la preuve le convainc de la mobilité des équipements.

[43]        Ainsi, le TAQ porte les équipements au rôle d’évaluation foncière dans le dossier IMSO, mais pas dans le dossier Locoshop[16].

B.   Cour du Québec

[44]        Les jugements de la Cour du Québec ont été rendus par le même juge, l’honorable Gilles Lareau, le 19 février 2016. Ce dernier n’avait alors pas le bénéfice de l’arrêt Vavilov[17], rendu par la Cour suprême le 19 décembre 2019, lequel a révisé le cadre d’analyse permettant de déterminer la norme de contrôle applicable.

[45]        Dans IMSO, après avoir résumé le contexte et la position des parties, le juge se penche sur la différence entre l’appel à la Cour du Québec d’une décision d’un tribunal administratif (l’appel statutaire) et la révision judiciaire. Il estime qu’« [i]l ne peut y avoir une multitude de notions de ce qui est raisonnable et de ce qui ne l’est pas », donc que le « filtre d’intervention » de l’appel statutaire doit être le même que celui de la révision judiciaire, soit celui de la décision raisonnable[18]. Pour lui, la distinction entre les deux ne subsiste que dans le remède : « [e]n révision judiciaire, une décision déraisonnable sera cassée alors qu’elle sera infirmée en appel et que la décision qui aurait dû être rendue y sera substituée »[19].

[46]        Le juge examine ensuite le cas à l’étude, tout en reconnaissant que « sur une question aussi fondamentale que l’inscription au rôle d’une catégorie de biens, il est difficilement acceptable que deux décisions puissent se contredire de façon aussi flagrante ». Il explique ainsi cette contradiction :

[74]  Le TAQ en arrive à cette dichotomie en identifiant l’IMMEUBLE qu’occupe IWEB comme un immeuble à vocation spécifique alors que dans son autre décision (LOCOSHOP), l’immeuble conserve sa vocation multifonctionnelle.

[47]        Le juge rappelle ensuite les principes jurisprudentiels sur lesquels les parties s’entendent. Il note que c’est l’application de ces principes aux faits de la cause qui pose problème.

[48]        Le raisonnement du TAQ dans IMSO lui paraît difficile à comprendre « vu l’absence complète de motifs à son soutien ». Il passe donc en revue la jurisprudence et la doctrine permettant de mieux cerner les paramètres de la notion de bâtiment à vocation spécifique. Il en retient que cet exercice de qualification requiert « une preuve factuelle des caractéristiques physiques de l’immeuble qui rendent son utilisation unique ou à tout le moins restreinte et des investissements majeurs et onéreux que nécessiterait sa conversion »[20].

[49]        En l’espèce, la preuve repose entièrement sur les expertises produites par IMSO et iWeb. Se fondant sur cette preuve ainsi que sur le bail, le juge conclut : 1) que le bâtiment occupé par iWeb n’a jamais été conçu pour servir de site d’hébergement de serveurs informatiques; 2) que les travaux effectués par IMSO n’ont pas eu pour effet de modifier la structure de cet immeuble pour le rendre à vocation unique ou spécifique; et 3) que les équipements ajoutés par iWeb, « malgré leur interconnectivité », n’ont pas changé la destination de l’immeuble.

[50]        Il considère comme erronée et déraisonnable la conclusion du TAQ :

[110]  Or, la preuve dans le présent dossier ne permet pas au TAQ de conclure que le BÂTIMENT occupé par IWEB est un bâtiment à vocation spécifique au sens de la jurisprudence. Cette conclusion erronée ne fait tout simplement pas partie des issues possibles au sens de Dunsmuir ce qui a un effet direct sur l’issue du litige.[21]

Et le juge de conclure, en lien avec le raisonnement du TAQ dans Locoshop :

[116]  Le TAQ insiste beaucoup sur le fait que les immeubles dans LOCOSHOP sont occupés par plusieurs locataires ce qui démontrerait qu’ils ne peuvent avoir une vocation spécifique. A contrario dans IWEB, le TAQ retient du fait que le BÂTIMENT n’est occupé que par un seul locataire, que les équipements ont conféré une vocation spécifique à celui-ci. Ce raisonnement repose sur une considération inédite qui n’est aucunement retenue par la jurisprudence. La présence d’un seul locataire dans un immeuble ne peut être le facteur prédominant dans la détermination de la vocation du bâtiment.  

[117]  En faisant dépendre la qualification juridique d’un même bien utilisé aux mêmes fins du type d’immeuble qu’il occupe, le TAQ arrive à conclure à un système de deux poids deux mesures.

[118]  L’interprétation de l’article 1 LFM et de la notion d’immeuble ne peut conduire à de tels résultats. Il ne peut y avoir plus d’une issue possible quant au caractère meuble ou immeuble d’un même bien servant au même usage. La stabilité et la cohérence du système fiscal municipal québécois en dépendent.

[119]  Pour les motifs susmentionnés, le Tribunal est d’avis que le TAQ erre lorsqu’il qualifie l’IMMEUBLE qu’occupe IWEB de bâtiment à vocation spécifique. Cette erreur rend l’issue finale de sa DÉCISION déraisonnable. Elle doit être infirmée. Le TAQ aurait dû conclure comme dans LOCOSHOP que ces biens sont restés meubles et qu’ils ne doivent pas être inscrits au rôle d’évaluation.[22]

[Soulignement dans l’original]

[51]        Dans Locoshop, le juge est d’avis que la preuve supporte la conclusion du TAQ selon laquelle les immeubles sont « des édifices polyvalents dont les espaces peuvent être utilisés à de multiples usages »[23]. Bien qu’un bâtiment puisse être à vocation spécifique pour partie seulement, il retient que « rien ne permet de conclure que la partie du bâtiment occupée par Ubisoft serait incomplète sans les équipements qu’elle y a installés »[24]. Il conclut au caractère raisonnable de la décision du TAQ, partant, il rejette l’appel de la Ville.

C.   Cour supérieure

[52]        Les jugements de la Cour supérieure ont aussi été rendus par la même juge, l’honorable Silvana Conte, avant l’arrêt Vavilov.

[53]        Dans les deux dossiers, la juge détermine que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. Il s’agit pour elle de « se demander si le juge de la Cour du Québec a bien déterminé la norme de contrôle applicable à la décision du TAQ et s’il l’a correctement appliquée aux faits de l’espèce »[25].

[54]        Elle convient avec les parties que la norme de contrôle applicable aux décisions du TAQ est celle de la décision raisonnable et que le juge de la Cour du Québec n’a donc commis aucune erreur à cet égard.

[55]        Dans IMSO, la juge considère que la Cour du Québec a eu raison de conclure au caractère déraisonnable du « raisonnement circulaire » du TAQ :

[41]  Le Tribunal considère que la Cour du Québec a eu raison de conclure que le raisonnement circulaire du TAQ est déraisonnable. Le TAQ conclut, à tort, que la vocation spécialisée de l’entreprise et ses équipements confèrent à l’immeuble une vocation spécialisée. Dès lors, les équipements qui lui sont attachés seront nécessairement considérés indispensables ou utiles au service de cet immeuble et qualifiés d’immeubles au sens de l’article 1 de la Loi. Ce raisonnement du TAQ évacue la distinction apportée par la Cour d’appel entre l’utilité à l’entreprise et l’utilité au bâtiment et résulte en la conclusion déraisonnable que le bâtiment est un immeuble à vocation spécifique.[26]

[56]        Elle se dit aussi en accord avec l’énoncé du juge de la Cour du Québec « que la présence d’un seul locataire ne peut être un facteur prédéterminant dans la détermination de la vocation du bâtiment »[27]. Selon elle, la prémisse erronée du TAQ quant à la vocation spécialisée de l’immeuble rend sa décision déraisonnable, de sorte que la Cour du Québec était justifiée d’intervenir.

[57]        Dans Locoshop, la juge est d’avis que la Cour du Québec a considéré à juste titre « la preuve de la vocation de l’immeuble et sa polyvalence ainsi que l’utilité des équipements pour le bâtiment et ses composantes »[28]. Elle conclut qu’en faisant preuve de déférence envers les conclusions de fait du TAQ, le juge a correctement appliqué la norme de la décision raisonnable.

III.           Questions en litige

[58]        Les pourvois soulèvent trois questions :

A.   Quelles sont les normes de contrôle applicables aux jugements de la Cour du Québec et aux décisions du TAQ?

B.   Selon ces normes, y a-t-il lieu de réviser les jugements de la Cour du Québec en ce qui a trait à la nature mobilière des équipements?

C.   Dans l’affirmative, quelle est la réparation appropriée?

IV.          Analyse

A.   Normes applicables

[59]        La norme applicable à un jugement rendu sur un pourvoi en contrôle judiciaire est bien connue : le rôle de la Cour consiste à décider si la Cour supérieure a choisi la norme de contrôle appropriée et si elle l’a appliquée correctement[29]. La Cour doit alors porter son attention sur la décision administrative visée par la demande de pourvoi en contrôle judiciaire[30].

[60]        En l’espèce, il existe deux paliers de contrôle : des appels à la Cour du Québec suivis de pourvois en contrôle judiciaire à la Cour supérieure. Il faut donc déterminer la norme applicable à chacun de ces paliers.

(1)   La norme applicable aux décisions du TAQ

[61]        Les décisions de la section des affaires immobilières du TAQ peuvent faire l’objet d’un appel à la Cour du Québec, sur permission d’un juge de cette cour[31]. Le jugement de la Cour du Québec est sans appel[32], ce qui, bien sûr, n’écarte pas le pouvoir de contrôle et de surveillance que peut exercer la Cour supérieure[33].

[62]        Dans l’arrêt Vavilov, la Cour suprême trace « la nouvelle voie à suivre pour déterminer la norme de contrôle applicable »[34]. Le cadre d’analyse révisé repose sur la présomption voulant que la norme de la décision raisonnable soit la norme applicable chaque fois qu’une cour de justice contrôle une décision administrative sur le fond[35]. Comme l’expliquent les juges majoritaires, cette présomption peut être réfutée dans deux types de situations :

[17]  La présomption d’application de la norme de la décision raisonnable peut être réfutée dans deux types de situations. La première est celle où le législateur a indiqué qu’il souhaite l’application d’une norme différente ou d’un ensemble de normes différentes. C’est le cas lorsque le législateur a prescrit expressément la norme de contrôle applicable. C’est aussi le cas lorsque le législateur a prévu un mécanisme d’appel d’une décision administrative devant une cour, indiquant ainsi son intention que les cours de justice recourent, en matière de contrôle, aux normes applicables en appel. La deuxième situation où la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable est réfutée est celle où la primauté du droit commande l’application de la norme de la décision correcte. C’est le cas pour certaines catégories de questions, soit les questions constitutionnelles, les questions de droit générales d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et les questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs. […][36]

[Caractères gras ajoutés]

[63]        Dorénavant, en présence d’un mécanisme d’appel prévu par la loi, la cour saisie de l’appel doit recourir aux normes applicables en appel :

[37]  Il convient donc de reconnaître que, lorsque le législateur prévoit un appel à l’encontre d’une décision administrative devant une cour de justice, la cour saisie de l’appel doit recourir aux normes applicables en appel pour réviser la décision. Ainsi, la norme de contrôle applicable doit être déterminée eu égard à la nature de la question et à la jurisprudence de notre Cour en la matière. Par exemple, lorsqu’une cour de justice entend l’appel d’une décision administrative, elle se prononcera sur des questions de droit, touchant notamment à l’interprétation législative et à la portée de la compétence du décideur, selon la norme de la décision correcte conformément à l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, par. 8. Si l’appel prévu par la loi porte notamment sur des questions de fait, la norme de contrôle sera celle de l’erreur manifeste et déterminante (applicable également à l’égard des questions mixtes de fait et de droit en l’absence d’un principe juridique facilement isolable) : voir Housen, par. 10, 19 et 26-37. Évidemment, si le législateur entend prévoir l’application en appel d’une autre norme de contrôle, il lui est toujours loisible d’exprimer son intention en énonçant dans la loi la norme de contrôle applicable.[37]

[64]        Le législateur québécois est d’ailleurs intervenu à la suite de Vavilov afin de clarifier les normes applicables à l’appel à la Cour du Québec. En juin 2020, il a sanctionné le Projet de loi 32, lequel ajoute l’article 83.1 à la Loi sur les tribunaux judiciaires[38] :

83.1.  Dans les cas où la loi lui attribue une compétence en appel d’une décision rendue dans l’exercice d’une fonction juridictionnelle, ou en contestation d’une décision prise dans l’exercice d’une fonction administrative, la Cour rend sa décision sans qu’il y ait lieu à déférence à l’égard des conclusions portant sur les questions de droit tranchées par la décision qui fait l’objet de l’appel ou sur toutes questions concernant la décision qui fait l’objet de la contestation.

Cette compétence est exercée par les seuls juges de la Cour que désigne le juge en chef en raison de leur expérience, leur expertise, leur sensibilité et leur intérêt marqués dans la matière sur laquelle porte l’appel ou la contestation.

À moins de disposition contraire et compte tenu des adaptations nécessaires, l’appel est régi par les articles 351 à 390 du Code de procédure civile (chapitre C-25.01) et le recours en contestation l’est par les règles de ce code applicables en première instance.

83.1.  In cases where the law confers jurisdiction on the Court over an appeal of a decision made in the exercise of an adjudicative function, or over a contestation of a decision made in the exercise of an administrative function, the Court shall render its decision without being required to defer to the conclusions on issues of law ruled on by the decision under appeal or on any issues regarding the decision being contested.

Such jurisdiction shall be exercised exclusively by the judges of the Court designated by the chief judge on the basis of their notable experience, expertise, sensitivity and interest regarding the matter that is the subject of the appeal or the contestation.

Unless otherwise provided and with the necessary modifications, the appeal is governed by articles 351 to 390 of the Code of Civil Procedure (chapter C-25.01) and the proceeding to contest is governed by the rules of that Code that are applicable to a court of original jurisdiction.

[Soulignements ajoutés]

[65]        Il n’y a donc aucun doute : le contrôle judiciaire des décisions du TAQ - dans les matières visées par l’article 159 L.j.a. - doit se faire selon les normes applicables en appel.

[66]        Le juge de la Cour du Québec, qui ne bénéficiait pas des enseignements de l’arrêt Vavilov, a donc erré en recourant à la norme de la décision raisonnable.

(2)   La norme de contrôle applicable aux jugements de la Cour du Québec

[67]        Qu’en est-il de la norme de contrôle applicable lorsque la Cour supérieure contrôle le jugement rendu par la Cour du Québec dans l’exercice de sa fonction d’appel? Le législateur ayant clairement exprimé sa volonté qu’il n’y ait pas d’appel (art. 164 L.j.a.), il ne saurait s’agir des normes applicables en appel.

[68]        L’arrêt Parizeau c. Barreau du Québec[39] répond à cette question. Dans cet arrêt, la Cour confirme que le Tribunal des professions est bel et bien un tribunal d’appel tenu d’appliquer les normes de l’appel et décrit ainsi la démarche que la Cour supérieure doit suivre lorsqu’elle est saisie d’un pourvoi en contrôle judiciaire d’une décision rendue par ce tribunal :

[95]  Sauf sur cette dernière question, s'il en est, la Cour supérieure devait donc ici se demander si le Tribunal des professions a exercé sa fonction d'appel de manière raisonnable au regard de la norme d'intervention qu'il doit lui-même appliquer et s'il a rendu en conséquence une décision justifiée, transparente et intelligible, bref une décision convenablement motivée et raisonnée, appartenant aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Comme le précisent les juges Bastarache et LeBel dans l'arrêt Dunsmuir :

[49]  La déférence inhérente à la norme de la raisonnabilité implique donc que la cour de révision tienne dûment compte des conclusions du décideur.  Comme l’explique Mullan, le principe de la déférence [traduction] « reconnaît que dans beaucoup de cas, les personnes qui se consacrent quotidiennement à l’application de régimes administratifs souvent complexes possèdent ou acquièrent une grande connaissance ou sensibilité à l’égard des impératifs et des subtilités des régimes législatifs en cause » : D. J. Mullan, « Establishing the Standard of Review : The Struggle for Complexity? » (2004), 17 C.J.A.L.P. 59, p. 93. La déférence commande en somme le respect de la volonté du législateur de s’en remettre, pour certaines choses, à des décideurs administratifs, de même que des raisonnements et des décisions fondés sur une expertise et une expérience dans un domaine particulier, ainsi que de la différence entre les fonctions d’une cour de justice et celles d’un organisme administratif dans le système constitutionnel canadien.

[96]  La Cour supérieure devait ici cette déférence à la décision du Tribunal des professions et devait uniquement se demander si le Tribunal avait raisonnablement exercé la compétence d'appel que lui confère l'article 182.6 du Code des professions. En toute déférence, la Cour estime que la Cour supérieure est allée plus loin que cela, appliquant dans les faits la norme de la décision correcte.[40]

[Soulignement dans l’original; renvoi omis]

[69]        Bien que la Cour du Québec soit un tribunal judiciaire et non un tribunal administratif[41], elle est, au même titre que le Tribunal des professions, un tribunal québécois soumis au pouvoir de contrôle judiciaire de la Cour supérieure[42].

[70]        La méthode de contrôle selon la norme de la décision raisonnable décrite par la Cour dans Parizeau est donc celle qui s’applique en l’espèce. Cette méthode est conforme au cadre d’analyse révisé de l’arrêt Vavilov qui, on l’a vu, repose sur une présomption d’application de la norme de la décision raisonnable. Elle est aussi respectueuse du choix d’organisation institutionnelle du législateur qui a voulu que la décision de la Cour du Québec, dans les matières visées à l’article 159 L.j.a., soit sans appel. Enfin, cette méthode tient compte du contexte particulier de l’appel statutaire et des normes d’intervention qu’un tribunal d’appel doit lui-même appliquer.

[71]        Sur ce dernier point, dans Vavilov, les juges majoritaires précisent que la norme de la décision raisonnable est une norme unique qui tient compte du contexte :

[89]  Malgré cette diversité, la norme de la décision raisonnable demeure une norme unique, et les éléments du contexte entourant une décision n’altèrent pas cette norme ou le degré d’examen que doit appliquer une cour de révision. Le contexte particulier d’une décision circonscrit plutôt la latitude du décideur administratif en matière de décision raisonnable dans un cas donné. C’est ce que l’on entend quand on affirme que « [l]a raisonnabilité constitue une norme unique qui s’adapte au contexte ». […]

[90]  La méthode de contrôle selon la norme de la décision raisonnable que nous décrivons dans les présents motifs tient compte de la diversité des décisions administratives en reconnaissant que ce qui est raisonnable dans un cas donné dépend toujours des contraintes juridiques et factuelles propres au contexte de la décision particulière sous examen. Ces contraintes d’ordre contextuel cernent les limites et les contours de l’espace à l’intérieur duquel le décideur peut agir, ainsi que les types de solutions qu’il peut retenir. Le fait que ces contraintes d’ordre contextuel imposées au décideur administratif puissent varier d’une décision à l’autre ne pose pas problème pour la norme de la décision raisonnable parce que chaque décision doit être à la fois justifiée par l’organisme administratif et évaluée par la cour de révision en fonction de son propre contexte particulier.[43]

[Renvois omis]

[72]        Nul doute que les normes applicables en appel constituent des contraintes juridiques qui circonscrivent la latitude de la Cour du Québec lorsqu’elle exerce une fonction d’appel. Aussi faut-il les considérer dans l’appréciation du caractère raisonnable des jugements rendus par la Cour du Québec en l’espèce.

[73]        La juge de la Cour supérieure, qui elle aussi a rendu jugement avant Vavilov, a appliqué la norme de la décision correcte. Elle a considéré que le juge de la Cour du Québec avait choisi la norme de contrôle appropriée et qu’il l’avait appliquée correctement. Cette méthode de contrôle n’a plus cours aujourd’hui.

***

[74]        Étant donné que ni la Cour supérieure ni la Cour du Québec n’ont appliqué les normes de contrôle appropriées, il faut refaire l’exercice en se concentrant sur les jugements de la Cour du Québec et, par la force des choses, sur les décisions du TAQ. Pour paraphraser la Cour dans Parizeau, il faut se demander si la Cour du Québec a exercé sa fonction d’appel de manière raisonnable eu égard aux normes applicables en appel et à la nature des questions qu’elle devait trancher.

B.   Conditions de l’immobilisation par attache selon l’article 1 L.f.m.

[75]        Les dispositions législatives pertinentes au débat qui nous occupe sont reproduites en annexe des présents motifs. Je reprends ici, par commodité, la définition du mot « immeuble » à l’article 1 L.f.m., ainsi que la règle générale qui figure à l’article 31 :

1.  Dans la présente loi, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par:

[…]

« immeuble » :

1°  tout immeuble au sens de l’article 900 du Code civil;

2°  tout meuble, sous réserve du troisième alinéa, qui est attaché à demeure à un immeuble visé au paragraphe 1° […].

[…]

Dans le cas d’un immeuble que visent le paragraphe 1° de la définition du mot «immeuble» prévue au premier alinéa et l’un des paragraphes 1°, 2.1° et 13° à 17° de l’article 204, le paragraphe 2° de cette définition vise uniquement un meuble qui, en outre d’être attaché à demeure à l’immeuble, assure l’utilité de celui-ci. Toutefois, ce paragraphe ne vise pas un tel meuble qui sert, dans quelque mesure que ce soit, à l’exploitation d’une entreprise ou à la poursuite d’activités dans l’immeuble.

31.  Sous réserve de la section IV, les immeubles situés sur le territoire d’une municipalité locale sont portés au rôle d’évaluation foncière […].

1.  In this Act, unless the context indicates otherwise,

(…)

“immovable” means

(1)  an immovable within the meaning of article 900 of the Civil Code;

(2)  subject to the third paragraph, a movable that is permanently attached to an immovable referred to in paragraph 1 (…).

(…)

As regards an immovable referred to in paragraph 1 of the definition of “immovable” in the first paragraph and in paragraphs 1, 2.1 and 13 to 17 of section 204, paragraph 2 of that definition refers only to a movable that, in addition to being permanently attached to the immovable, ensures the utility of the immovable. However, that paragraph does not refer to such a movable that is used, to whatever extent, for the operation of an enterprise or for the carrying on of activities in the immovable.

31.  Subject to Division IV, the immovables situated in the territory of a local municipality shall be entered on the property assessment roll (…).

[76]        Le troisième alinéa de l’article 1 L.f.m. restreint la notion d’immobilisation par attache d’un bien meuble dans le cas de certains immeubles institutionnels, notamment ceux compris dans une unité d’évaluation au nom de l’État ou de la Société québécoise des infrastructures, de la Société de la Place des Arts de Montréal ou de l’École nationale de police, pour ne donner que ces exemples. Les immeubles de Locoshop et d’IMSO ne sont pas visés par cette restriction.

[77]        Comme la Ville le fait remarquer, cet alinéa résulte d’une modification apportée dans la L.f.m. en 2000, puis en 2001, après la trilogie Coimac[44]. Avant cela, à l’époque de la trilogie la Laurentienne[45], l’article  68.1 L.f.m. prévoyait qu’un meuble attaché à perpétuelle demeure à un immeuble institutionnel n’était porté au rôle que dans la proportion suivant laquelle il avait « pour objet de fournir un service » à cet immeuble. Un meuble pouvait donc être considéré comme attaché à perpétuelle demeure à un immeuble même s’il n’était pas entièrement au service de celui-ci. Aujourd’hui, le libellé du troisième alinéa de l’article 1 L.f.m. suggère qu’un meuble peut être attaché à demeure à un immeuble même s’il n’assure pas l’utilité de celui-ci. Je reviendrai plus loin sur cette notion d’utilité à l’immeuble.

[78]        Enfin, la section IV du chapitre V de la L.f.m., à laquelle renvoie l’article 31, comporte une liste d’immeubles qui ne sont pas portés au rôle d’évaluation foncière malgré leur nature immobilière. Il est intéressant de noter que, selon l’article 65 de cette même section, une machine, un appareil et leurs accessoires peuvent être qualifiés d’immeubles, mais bénéficient d’une exception s’ils sont utilisés ou destinés à des fins de production industrielle ou d’exploitation agricole, entre autres. Les constructions, les dalles de béton ainsi que les ouvrages d’aménagement seront néanmoins portés au rôle.

[79]        Les parties et les tribunaux qui ont rendu les décisions antérieures conviennent que l’état du droit en matière d’immobilisation par attache découle des principes dégagés par la Cour dans les trilogies la Laurentienne et Coimac. Je résumerai donc ces arrêts avant de me pencher sur la question de savoir si les jugements de la Cour du Québec sont raisonnables.

(1)   La trilogie la Laurentienne

[80]        Jusqu’en 1986, l’article 1 L.f.m. définissait ainsi le mot « immeuble » :

« Immeuble »

un immeuble par nature au sens du Code civil ou un objet mobilier placé à perpétuelle demeure par n'importe qui sur ou dans un immeuble par nature ».[46]

[81]        Cette définition, en particulier la portée très large du mot « placé », a entraîné des conséquences que le juge Brossard, qui rédige les motifs unanimes de la Cour, qualifie de « presque absurdes ». Il cite pour exemples deux affaires[47] où l'on en est venu à inclure sous le vocable « immeuble » des cuillères, des planches à pain, de la vaisselle, des laveuses et des réfrigérateurs parce que constituant des objets mobiliers essentiels à une entreprise de restauration et donc « placés » à perpétuelle demeure sur ou dans l’immeuble par nature dans lequel l’entreprise était exploitée.

[82]        Pour corriger le tir, le législateur a modifié, en 1986, la définition du mot « immeuble » de la façon suivante :

« Immeuble »

un immeuble par nature au sens du Code civil ou un objet mobilier attaché à perpétuelle demeure par n'importe qui à un immeuble par nature ».[48]

[83]        La trilogie la Laurentienne porte sur cette modification législative, en particulier sur le sens du mot « attaché ».

[84]        Le juge Brossard précise d’abord que le concept d’« attachement intellectuel » est lié essentiellement à l’interprétation et à la portée des termes « à perpétuelle demeure » et non au sens qu’il faut donner au mot « attaché » :

Ceci dit, et avec beaucoup d’égards pour l’opinion contraire, il me semble que les thèses longuement développées dans les jugements et décisions entrepris relativement au concept d’un « attachement intellectuel » constituent un faux débat qui ne nous aide nullement à résoudre le problème en l’instance. Ce concept en effet, est lié essentiellement à l'interprétation et à la portée des termes « à perpétuelle demeure » et n'a rien à voir au sens qu'il faut donner au mot « attaché » dans le contexte de la loi. Ce sont les mots « à perpétuelle demeure » et non les mots « placé » ou « attaché » qui introduisent, intellectuellement, les facteurs de durée, d'importance et de nécessité de l'objet mobilier en cause et d'intégration ou de nécessité de cet objet à la destination de l'immeuble ou de l'une de ses composantes. […][49]

[Caractères gras dans l’original]

[85]        Il reconnaît ensuite « l’intention du législateur de conférer au mot “attaché” un sens et une portée beaucoup plus restrictifs que le mot “placé” dans l’ancienne terminologie »[50], tout en rappelant que « [l]e but visé par le législateur était et est évidemment toujours d’assujettir à l’évaluation foncière les objets mobiliers devenus immeubles par destination »[51].

[86]        L’analyse du juge Brossard l’amène à définir ainsi la notion d’« attache » :

De l'ensemble de ces définitions, je retiens un élément commun qui, par « coïncidence », constitue l'essence même de la question en litige, et c'est le caractère d'immobilisation. Ce qui fait qu'un objet peut être dit « attaché » à quelque chose, c'est d'abord et avant tout qu'il est retenu par un lien quelconque ou, pour utiliser le terme du premier alinéa de l'art. 380 C.c.B.-C., placé ou fixé de façon telle à être immobilisé. Ceci, à mon avis, exige davantage qu'une simple adhérence au sol et qu'une simple difficulté à bouger l'objet comme conséquence de son poids, de sa masse ou de son volume. La simple adhérence, en ce sens, ne saurait être assimilée à une attache ou au fait d'être attaché. Par ailleurs, j'en conclus également qu'il n'est pas absolument nécessaire qu'il y ait une attache physique, c'est-à-dire un tiers objet qui serve d'attache, pour conclure qu'un objet est « attaché » dans la mesure où il est autrement immobilisé.

Bref, un objet mobilier, immobilisé sur ou dans un immeuble ou une partie d'immeuble, devient un objet mobilier « attaché » à cet immeuble. C'est très simplement son immobilisation qui établit le fait qu'il est « attaché ».[52]

[Caractères gras dans l’original]

Sur la notion de « perpétuelle demeure », il propose le test suivant :

Par ailleurs, pour déterminer s'il est ainsi attaché à perpétuelle demeure, on peut alors soit faire appel à la présomption édictée par l'art. 380 C.c.B.-C., suivant le cas, soit au lien intellectuel qui permet de conclure à la perpétuelle demeure en fonction de la nécessité de l'objet et à son caractère indispensable pour que l'immeuble ou sa composante soit complet. Mais il faut prendre garde, dans l'appréciation de cette qualification de perpétuelle demeure, de bien la relier à l'immeuble ou à la composante de l'immeuble et non à l'entreprise qui est opérée dans cet immeuble et qui n'est pas nécessairement, en soi, essentielle à la destination ou à la vocation de cet immeuble. C'est le lien avec l'immeuble ou ses composantes et non avec l'entreprise qui doit être considéré pour conclure à perpétuelle demeure.[53]

[87]        Comme la Cour le précisera dans Coimac, ce test ne signifie pas que la destination ou la vocation particulière de l’immeuble ne peuvent être considérées dans l’analyse de la notion de « perpétuelle demeure ». De plus, un objet mobilier peut être utile à la fois à l’immeuble selon sa destination et à l’entreprise[54].

[88]        D’ailleurs, le lien intellectuel dont parle le juge Brossard n’exige pas que le meuble ait pour seul objet de fournir un service à l’immeuble. Comme mentionné précédemment, l’article 68.1 L.f.m. en vigueur à l’époque prévoyait qu’un meuble attaché à perpétuelle demeure à un immeuble institutionnel n’était porté au rôle que dans la proportion suivant laquelle il avait « pour objet de fournir un service » à cet immeuble. Un meuble pouvait donc être attaché à demeure à un immeuble même s’il n’était pas entièrement au service de celui-ci.

[89]        Pour clore sur la trilogie la Laurentienne, il est utile de rappeler la qualification des objets mobiliers en cause dans ces trois affaires.

[90]        L’affaire la Laurentienne concerne des allées de quilles déposées sur une structure de bois sans attaches physiques. Cette structure de bois touche les murs de l’immeuble de façon à empêcher tout mouvement latéral et sert également de plancher. Le juge Brossard conclut que cette structure modulaire, de par son immobilisation, est attachée à l’immeuble au sens de la L.f.m. :

À la lumière de ces faits, je n’ai, quant à moi, aucune hésitation à conclure que toute cette structure est incontestablement « immobilisée », sans pouvoir être bougée ni déplacée à moins d’être démantelée ». Sans elle, les lieux n’ont plus de plancher autre qu’une dalle de béton qui devrait à nouveau être recouverte d’un autre plancher pour qu’ils puissent être utilisés à d’autres fins ou par un autre locataire.[55]

Quant à la « perpétuelle demeure », il lui paraît clair que le législateur avait à l’esprit « une installation pour une durée de temps indéterminée et non nécessairement pour une durée de temps indéfinie »[56]. Autrement dit, « perpétuelle demeure » ne signifie pas « indéfiniment » ou « à jamais ».

[91]        Dans l’affaire Banque Nationale du Canada, le juge Brossard est d’avis qu’un guichet automatique simplement déposé sur le plancher de l’immeuble, mais encastré dans le mur et dont le cadre excède le mur, est attaché à perpétuelle demeure à l’immeuble. Il en vient à cette conclusion pour deux raisons :

-       Même s’il n’y a aucun contact physique entre le mur et l’installation, il me paraît que la fonction du cadre n’est pas uniquement de boucher complètement le trou mais également d’immobiliser l’objet en rendant impossible son déplacement de l’avant vers l’arrière;

-       Même s’il est possible d’enlever le cadre et de déplacer alors le guichet vers l’arrière et de l’enlever par la suite, cette opération aurait comme résultat de laisser dans le mur de l’immeuble un trou béant inévitablement inconciliable avec l’usage et la destination des lieux.[57]

Le caractère « perpétuelle demeure » est établi précisément par les effets de l’enlèvement du guichet et du trou béant qu’il laisserait dans le mur[58].

[92]        Enfin, dans la troisième affaire, Location Morissette inc., le juge Brossard s’en remet à l’appréciation de la preuve par le B.R.E.F. (aujourd’hui le TAQ, division des affaires immobilières) qui a conclu que les raccordements électriques ou de plomberie ne constituaient pas des attaches destinées à immobiliser les équipements de restauration en cause (machines à glaçons, friteuses, plaques chauffantes, réfrigérateurs, réchauds et marmites électriques)[59].

(2)   La trilogie Coimac

[93]        La trilogie Coimac porte sur la question de savoir si l’adoption du C.c.Q. a modifié la définition de l’immeuble au sens de l’article 1 L.f.m.[60]. La juge Thibaut, auteure des motifs, répond à cette question par la négative[61], favorisant « l’interprétation qui accorde à la LFM sa propre autonomie en ce qui concerne l'interprétation de la notion d'immeuble, sauf dans la mesure où celle-ci réfère spécifiquement au C.c.Q. »[62]. Elle conclut que la définition d’immeuble de l’article 903 C.c.Q. ne peut servir à interpréter la définition d’immeuble de la L.f.m.[63].

[94]        Par ailleurs, la juge Thibault résume ainsi le test développé dans la Laurentienne :

[21]  Suivant le test élaboré dans cet arrêt, la qualification d'immeuble commande un exercice en deux temps.

1° L'objet est-il attaché?

[22]  On conclura de façon positive:

-   si l'objet est retenu à un immeuble par un lien quelconque à l'exclusion du filage électrique ou de la tuyauterie destinée à en assurer le fonctionnement;

-   s'il est placé de façon à être immobilisé, c'est-à-dire qu'il ne peut être enlevé sans être démantelé ou sans fractionner l'espace dans lequel il est placé.

2° L'objet est-il attaché à perpétuelle demeure?

[23]  On conclura également de façon positive:

-   au moyen d'une présomption réfragable qui découle du constat selon lequel le bien est lié à l'immeuble par nature au moyen d'une attache matérielle ou s'il ne peut être enlevé sans être démantelé ou sans briser la composante de l'immeuble par nature à laquelle il est relié;

-   par le constat d'un lien intellectuel qui mène à la conclusion que l'immeuble sur ou dans lequel le bien est installé devient incomplet en l'absence de ce bien.[64]

[95]        Sur le lien intellectuel avec l’immeuble, la juge Thibault précise que la destination ou la vocation particulière de celui-ci peuvent être considérées dans l’analyse de la notion de « perpétuelle demeure ». Elle s’appuie notamment sur le raisonnement du juge Gérald Bossé approuvé par la Cour dans une affaire maintes fois citée :

[44]  Dans l’affaire Sillery (Ville de) c. Québec (Ministère des Affaires municipales), M. le juge Gérald Bossé apporte un éclairage supplémentaire sur l’analyse de la notion de perpétuelle demeure que l'on retrouve dans La Laurentienne. La conformité de son raisonnement avec les principes dégagés dans cet arrêt a d’ailleurs été confirmée par notre Cour :

La notion de «perpétuelle demeure» doit être analysée en fonction de la nécessité de l'objet avec l'immeuble ou sa composante. Ceci ne signifie pas, à mon avis, qu'on ne doit pas tenir compte de la destination ou de la vocation d'un immeuble ou de sa composante. Prenons l'exemple d'une hotte de ventilation dans un immeuble ou partie d'immeuble destiné à l'opération d'un restaurant. On peut conclure qu'elle complète l'immeuble et lui est nécessaire si on tient compte de la destination ou de la vocation de l'immeuble et on peut alors déduire que la hotte est attachée à perpétuelle demeure. Une telle hotte de ventilation ne compléterait pas nécessairement un immeuble destiné à servir d'entrepôt. Ceci dit, un objet peut à la fois être utile à l'immeuble selon sa destination et au commerce exploité dans l'immeuble. L'objet est alors un immeuble par attache. Si l'objet n'est toutefois utile qu'à l'exploitation du commerce, sans qu'il soit utile à l'immeuble lui-même dans lequel on veut exploiter le commerce, on ne peut alors conclure que cet objet est attaché à perpétuelle demeure: ce serait par exemple le cas d'une caisse enregistreuse qui, bien qu'étant utile à l'exploitation d'un restaurant, n'ajoute rien à l'immeuble lui-même, ne le complète en rien, même en tenant compte de la vocation spécialisée de l'immeuble.

En somme, la complémentarité qu'apporte à l'immeuble un objet meuble «ascendera d'autant plus à l'indispensabilité que le meuble et l'immeuble auront une vocation spécialisée dans la même voie».

Il faut donc, comme le précise Me Pierre Boileau, tenir compte de la destination d'un immeuble ou même d'une partie d'immeuble pour déterminer l'utilité ou l'indispensabilité d'un meuble par rapport à l'immeuble, sans quoi il deviendrait impossible de savoir quels objets intégrés sont devenus attachés à perpétuelle demeure à l'immeuble. [Citations volontairement omises.][65]

[Soulignements et caractères gras dans l’original]

[96]        La destination de l’immeuble ou d’une partie de celui-ci est donc pertinente à l’analyse. Toutefois, pour conclure - autrement qu’au moyen de la présomption découlant de l’attache - qu’un bien meuble attaché à un immeuble l’est « à demeure », il faut considérer son degré d’utilité ou de complémentarité à l’immeuble ou ses composantes et non seulement à l’entreprise qui y est exploitée.

[97]        La qualification des biens dans la trilogie Coimac illustre bien ce principe.

[98]        En effet, dans l’affaire Provigo distribution inc., la juge Thibault estime que des étagères boulonnées au sol d’un immeuble « y sont attachées à perpétuelle demeure par présomption de fait ou encore parce qu’elles sont essentielles à la vocation des entrepôts »[66].

[99]        La deuxième affaire, Provigo distribution inc. et Donato Del Busso, concerne la valeur portée au rôle d’évaluation d’un immeuble abritant un supermarché et un garage. La Cour confirme les décisions du B.R.E.F. et de la Cour du Québec qui ont conclu au caractère immobilier des divers équipements et installations, à l’exception d’un comptoir de réfrigération :

[55]  En ce qui concerne les comptoirs de congélation, à l'exception du comptoir no 14, et leur système de réfrigération, le BREF expose ses motifs comme suit:

Le sort des comptoirs et de l’armoire est intimement lié à celui des équipements de réfrigération sans lesquels ils ne sont aucunement fonctionnels. Comptoirs et équipements de réfrigération (ou armoire et équipements de réfrigération) forment un tout cohérent, pour ce qui concerne la détermination de leur statut en fonction du libellé de la définition du terme « immeuble » édictée à l’article 1 LFM. Ainsi disposés et reliés, comptoirs et équipements de réfrigération (ou armoire et équipements de réfrigération) sont impossibles à bouger, non seulement en raison de leur poids, de leur masse ou de leur volume, mais en raison du particularisme de leur installation, laquelle requiert fractionnement ou fracture de l’ensemble comptoirs - système de réfrigération (ou armoire - système de réfrigération) si l’on désire effectuer quelque déplacement. Le déplacement d’un endroit à un autre à l’intérieur du local requiert un imposant travail et la disponibilité de plusieurs hommes. Il faut notamment couper le plancher pour relier le comptoir (ou l’armoire) à la fosse, et quelquefois au drain.

Indispensables les uns aux autres, les comptoirs et les équipements de réfrigération (l’armoire et les équipements de réfrigération) sont rattachés entre eux. Ils ont acquis une assiette fixe. Quelques vis, clous ou boulons n’ajouteraient rien à leur fixité et à leur immobilité.  Cette inamovibilité physique fait preuve de la réalisation de cette première condition cumulative nécessaire à l’immobilisation d’un meuble au sens du second segment de la définition du terme « immeuble » à l’article 1 LFM, à savoir l’attache.

Les comptoirs, l’armoire et les équipements de réfrigération seront attachés à perpétuelle demeure, si les faits indiquent qu’ils sont une composante normale ou nécessaire à la fonctionnalité de cette portion de la bâtisse qui a été adaptée à une vocation de supermarché d’alimentation. Puisque la destination des lieux ne pourrait se réaliser en l’absence de ces biens, force est de conclure qu’ils sont attachés à perpétuelle demeure. [Citation volontairement omise.]

[56]  Pour les chambres froides, leurs composantes et leur système de réfrigération, le BREF conclut également à leur caractère immobilier pour les motifs suivants :

S’il est vrai que les chambres froides sont fabriquées en sections assemblées sur place, il est indéniable que, une fois attachées l’une à l’autre, ces sections forment une construction parfaitement immobile. Cette construction a pour objet de fournir un service à cette portion de bâtisse destinée à une utilisation de supermarché, laquelle ne serait pas fonctionnelle sans cette construction. Ce n’est pas parce que les parois et la porte des chambres froides sont montables et démontables qu’il faut les considérer comme de simples objets mobiliers. Les photographies qui forment les pages 1 à 6 du cahier P-2 mènent plutôt à la conclusion que les parois des chambres froides sont intégrées et font corps avec la bâtisse, adhèrent à celle-ci et acquièrent par là une assiette fixe. Elles sont pour le moins attachées à perpétuelle demeure à la bâtisse, sinon immeubles par nature en leur qualité de bâtiment à l’intérieur d’un bâtiment, en application de ce critère qui a été développé par la Cour suprême dans Cablevision (Montréal) inc. c. Le Sous-ministre du Revenu de la province de Québec, par lequel est immeuble par nature l’ouvrage que l’on peut qualifier de bâtiment, qui adhère à un immeuble par nature (fonds de terre ou bâtiment) et qui acquiert par là une assiette fixe.

Les chambres froides sont incomplètes sans leurs portes. Celles-ci participent de la nature des chambres froides et leur quantum doit être porté au rôle.

Les systèmes de réfrigération ne peuvent se dissocier des chambres froides, dont ils sont une portion intégrante. [Citation volontairement omise.]

[57]  La valeur des étagères a été incluse au rôle d'évaluation parce qu'elles sont retenues au sol au moyen d'une attache et parce qu'en l'absence de preuve à l'effet contraire, il y a lieu de présumer qu'elles y ont été placées à perpétuelle demeure.

[58]  Dans le cas du «Centre de l'auto Armando», le BREF a également conclu à l'immobilisation des trois élévateurs d'automobile et du dispositif d'alignement en raison de l'admission selon laquelle ces équipements sont attachés à l'immeuble et du fait que leur attache est à perpétuelle demeure vu leur nécessité à la vocation de l'immeuble.  De plus, le BREF a considéré le fait que les planchers de la bâtisse seraient à refaire si ces équipements étaient enlevés.[67]

[Soulignements, caractères gras et italiques dans l’original; renvois omis]

[100]     Dans cette affaire, la Cour approuve l’analyse du B.R.E.F. qui, comme on vient de le voir, a tenu compte du lien entre les comptoirs, armoires et équipements de réfrigération et « cette portion de la bâtisse qui a été adaptée à une vocation de supermarché d’alimentation ».

[101]     Enfin, dans l’affaire Coimac, la juge Thibault est d’avis que le B.R.E.F. a erré en droit en qualifiant de biens meubles des systèmes de compresseurs reliés à des chambres froides, et ce, malgré leur mobilité et l’absence d’attache physique autre que la tuyauterie. Elle justifie ainsi l’intervention de la Cour :

[65]  À mon avis, la décision du BREF est, en partie, mal fondée en droit. En effet, le BREF aurait dû conclure au caractère immobilier des compresseurs puisqu'ils sont reliés aux chambres froides qui, suivant la preuve et l'admission des parties, constituent des immeubles, d'une part, et parce que, sans eux, ces immeubles deviennent incomplets et non fonctionnels, d'autre part. C'est là, je pense, que se situe son erreur: il a occulté la vocation des chambres froides qui perdront toute utilité sans compresseurs pour les alimenter. En conséquence, le BREF aurait dû conclure au caractère immobilier de ces derniers.[68]

Ainsi, la juge Thibault tient compte du lien entre les compresseurs et les chambres froides, lesquelles sont des composantes de l’immeuble.

***

[102]     Cela m’amène à préciser à mon tour le deuxième volet du test selon lequel on conclura qu’un objet est attaché « à demeure », soit au moyen d’une présomption réfragable, soit par le constat d’un lien intellectuel.

[103]     Dans la Laurentienne, le juge Brossard précise que le concept d’« attachement intellectuel » peut servir à « apprécier si, dans les faits, les objets mobiliers en cause peuvent être dit installés à perpétuelle demeure »[69]. Ce concept n’est pas une exigence ou une condition de l’immobilisation par attache selon l’article 1 L.f.m., mais davantage un facteur d’appréciation de l’intention d’attacher un bien à perpétuelle demeure. C’est ainsi que je comprends le passage suivant des motifs du juge Brossard :

Par ailleurs, pour déterminer s'il est ainsi attaché à perpétuelle demeure, on peut alors soit faire appel à la présomption édictée par l'art. 380 C.c.B.-C., suivant le cas, soit au lien intellectuel qui permet de conclure à la perpétuelle demeure en fonction de la nécessité de l'objet et à son caractère indispensable pour que l'immeuble ou sa composante soit complet.[70]

[104]     Dans Coimac, la juge Thibault résume le deuxième volet du test de la façon suivante :

2° L'objet est-il attaché à perpétuelle demeure?

[23]  On conclura également de façon positive:

-   au moyen d'une présomption réfragable qui découle du constat selon lequel le bien est lié à l'immeuble par nature au moyen d'une attache matérielle ou s'il ne peut être enlevé sans être démantelé ou sans briser la composante de l'immeuble par nature à laquelle il est relié;

-   par le constat d'un lien intellectuel qui mène à la conclusion que l'immeuble sur ou dans lequel le bien est installé devient incomplet en l'absence de ce bien.[71]

[105]     Encore ici, le lien intellectuel n’est pas un élément qui s’ajoute à la présomption et qui doit être démontré en plus de l’attache lorsque celle-ci permet de présumer la demeure. Il s’agit plus exactement d’un élément permettant d’établir l’intention d’une personne d’attacher un bien pour un temps indéterminé. Un élément certes déterminant, car le constat d’un lien intellectuel ou d’un rapport de destination entre le bien et l’immeuble mènera à la conclusion que le bien y est attaché à demeure et, partant, fera obstacle au renversement de la présomption.

[106]     Autrement dit, en l’absence d’une preuve contraire, un objet attaché à un immeuble par une attache physique (un tiers objet) ou autrement immobilisé sur ou dans un immeuble sera présumé être attaché à demeure à celui-ci. Si une preuve tend à démontrer que l’attache n’est que temporaire, le lien intellectuel ou le rapport de destination qui existe entre l’objet et l’immeuble permettra d’apprécier l’intention d’attacher l’objet à demeure.

[107]     Ce lien ne doit pas être confondu avec la notion d’utilité à l’immeuble. Je rappelle à cet égard que le troisième alinéa de l’article 1 L.f.m. prévoit expressément, dans le cas de certains immeubles institutionnels, que l’immobilisation par attache d’un bien meuble « vise uniquement un meuble qui, en outre d’être attaché à demeure à l’immeuble, assure l’utilité de celui-ci ». Bien que cet alinéa ne s’applique pas ici, il confirme, a contrario, qu’un bien peut être attaché à demeure à un immeuble même s’il n’assure pas son utilité. Le lien intellectuel qui permet de conclure à la demeure s’entend davantage de la complémentarité du bien par rapport à l’immeuble ou ses composantes. Cet élément est aussi une question de degré. Le bien n’a pas à compléter l’immeuble au point d’en faire partie intégrante et de perdre son individualité. Il s’agirait alors d’un bien immeuble par nature ou par intégration au sens de l’article 901 C.c.Q. Le degré de complémentarité ou d’indispensabilité requis pour démontrer la demeure est forcément moindre et s’apprécie en tenant compte, notamment, de la destination de l’immeuble ou de ses composantes.

[108]     Voyons maintenant comment les tribunaux ont appliqué ces principes dans chacun des dossiers en cause.

C.   Application des principes dans le dossier IMSO

[109]     Comme le souligne la Cour du Québec, « sur une question aussi fondamentale que l’inscription au rôle d’une catégorie de biens, il est difficilement acceptable que deux décisions puissent se contredire de façon aussi flagrante »[72]. J’estime toutefois que la Cour du Québec n’est pas intervenue dans le bon dossier et qu’elle aurait dû, dans IMSO, rejeter l’appel et confirmer la décision du TAQ. Tant le raisonnement suivi que le résultat obtenu me paraissent déraisonnables eu égard aux contraintes factuelles et juridiques, de sorte que la Cour supérieure aurait dû accueillir le pourvoi en contrôle judiciaire.

[110]     Voici pourquoi.

(1)  TAQ

[111]     À la première étape du test, le TAQ détermine que les équipements informatiques sont « attachés » au sens de l’article 1 L.f.m. :

[66]  La spécificité des installations telles qu’apparaissant aux photographies de la pièce R-1, l’interrelation des différentes composantes, leurs attaches entre elles démontrent au Tribunal que les équipements ont acquis une assiette fixe et qu’ils ont été intellectuellement immobilisés. Cette inamovibilité fait preuve d’une attache au sens de la LFM.[73]

[Soulignement dans l’original]

[112]     L’expression « intellectuellement immobilisés » n’est pas des plus heureuses, car elle crée une confusion entre l’attache et le lien intellectuel permettant de conclure que l’objet est attaché « à demeure ». Comme l’explique le juge Brossard dans la Laurentienne, le concept d’« attachement intellectuel » n’a rien à voir avec le sens du mot « attaché » à l’article 1 L.f.m.

[113]     Toutefois, la conclusion du TAQ selon laquelle les équipements ont acquis une assiette fixe établissant le fait qu’ils sont « attachés » trouve appui dans la preuve. Par exemple, l’expert Sébastien Vincent explique ce qui suit au sujet de la possibilité de déplacer les équipements :

Q. [135] […] [S]i un jour, on veut déplacer les ATS, on devra déplacer également tous les conduits là?

R. Exact.

Q. [136] O.K. Mais là, pour l’instant, tous ces conduits-là sont fixes, sont attachés au bâtiment. Ok. Et ils traversent complètement l’immeuble au complet?

R. Oui.

[…]

Q. [153] Puis encore une fois, si on déplace les UPS, on devra tout reconfigurer tous les conduits […].

R. Si on déplace le UPS à l’intérieur du même bâtiment, oui.

Q. [154] O.K. En dehors, puis là je parle pour l’ensemble de l’équipement là, que ce soit les « chiller », que ce soit les refroidisseurs, aérothermes, et cetera, en dehors de bris, s’il n’y a pas de bris, est-ce que vous êtes d’accord avec moi que l’ensemble de tous ces équipements-là sont… sont pas faits pour être déplacés, ils sont fixes? S’il n’y a pas de bris là…

R. S’il n’y a pas de bris tant et aussi longtemps qu’on en a le besoin spécifiquement pour notre centre de données en fait.

Q. [155] Pour les fins des salles de serveurs…

R. Exact.

Q. [156] … du centre de données, il n’y aura pas de déplacement.

R. À moins d’un besoin spécifique de les déplacer ou de les déménager sur un site différent.

[…]

Q. [162] Et si ça ne brise pas, est-ce que vous en avez déplacées [des unités de climatisation]?

R. Non.

[…]

Q. [190] Naturellement, l’ensemble de ces conduits-là sont… sont tous attachés par des contacts là, des attaches au bâtiment, on les voit là?

R. Oui, ils sont suspendus en haut.

Q. [191] Suspendus en haut. Et ils ne sont pas destinés à être déplacés non plus j’imagine?

R. Pas de manière pratique…

Q. [192] Ça serait pas mal plus compliqué qu’un jour ou deux là, si on avait à déplacer tout ça, c’est exact?

R. Exact.[74]

[114]     De plus, il est admis que, pour enlever le système de tuyauterie, il faudra démanteler le plancher surélevé, lequel est une composante de l’immeuble :

LE MEMBRE (M. DION) :

Pour être en mesure de démanteler ce système de tuyauterie-là, il va falloir démanteler le plancher.

Me MARC-ANDRÉ FABIEN [pour IMSO et iWeb]

Oui, mais qui toute façon va être démantelé au moment où on va enlever le… où le locataire va quitter les lieux. Donc ce n’est pas le bâtiment qui subit une altération, d’aucune façon, parce que…

LE MEMBRE (M. DION) :

C’est le plancher qui a été considéré comme immeuble.

Me MARC-ANDRÉ FABIEN :

Oui, c’est un meuble qui a été considéré immeuble mais qui n’est pas la coquille du bâtiment.[75]

[115]     Ainsi, à l’instar des allées de quilles déposées sur une structure de bois dans la Laurentienne, la preuve permet de conclure que les équipements sont attachés à l’immeuble au sens de l’article 1 L.f.m.

[116]     Je suis donc en désaccord avec IMSO et iWeb pour qui « il n’existe aucun doute que les Équipements en litige ne sont pas attachés à l’Immeuble, c’est-à-dire retenus et immobilisés à celui-ci par un autre lien que le seul filage électrique ou la tuyauterie »[76]. Cet argument va à l’encontre de l’enseignement de la Cour dans la Laurentienne selon lequel une attache physique n’est pas absolument nécessaire pour conclure qu’un objet est « attaché », dans la mesure où il est autrement immobilisé. Et sur la question de savoir si les équipements ont été placés de façon à être immobilisés dans l’immeuble, IMSO et iWeb ne démontrent aucune erreur manifeste et déterminante de la part du TAQ. D’ailleurs, l’intervention de la Cour du Québec n’est pas fondée sur la notion d’« attache », mais plutôt sur celle de l’attache « à demeure ».

[117]     De ce constat d’attache découle une présomption d’attache à demeure. En outre, le TAQ retient de la preuve que les installations « ont été faites pour aussi longtemps qu’une nouvelle vocation ne sera pas assignée à cet immeuble et donc à une présomption d’attache à demeure »[77].

[118]     Voilà qui confirme le lien intellectuel entre les équipements et l’immeuble, compte tenu de sa vocation de site d’hébergement de serveurs informatiques. Ce lien ne crée pas une présomption, il démontre l’intention d’iWeb d’installer les équipements pour une longue période et permet de conclure que ceux-ci sont attachés « à demeure » à l’immeuble.

[119]     Étant donné ces conclusions factuelles, l’exercice pourrait s’arrêter là. Toutefois, la nature et l’importance des aménagements réalisés dans le bâtiment et sur le terrain amènent le TAQ à assimiler l’immeuble « à une construction conçue pour une vocation spécifique »[78]. Il conclut ainsi à l’immobilisation par attache des équipements et détermine qu’ils doivent être portés au rôle d’évaluation.

(2)  Cour du Québec

[120]     Le juge de la Cour du Québec commet une première erreur lorsqu’il estime que la conclusion du TAQ sur la vocation spécifique de l’immeuble n’est pas motivée. Même si les motifs donnés auraient pu être plus explicites, on comprend aisément de l’ensemble de la décision que, pour le TAQ, l’immeuble a été aménagé afin de répondre aux besoins spécifiques d’un site d’hébergement de serveurs informatiques.

[121]     Cette erreur amène le juge de la Cour du Québec à concentrer son analyse sur la notion de bâtiment à vocation spécifique. Après une revue de la preuve et de la jurisprudence en matière d’évaluation foncière, il conclut que l’immeuble loué par iWeb ne possède pas les caractéristiques d’un bâtiment à vocation spécifique :

[98]  Cette nomenclature est en tout point conforme aux enseignements de la jurisprudence. Ainsi, ce qui caractérise la vocation spécifique d’un bâtiment, c’est avant tout son design architectural et ses composantes structurales, lesquelles visent spécifiquement à répondre aux besoins d’un usage précis. Au même effet, ce genre de bâtiment ne se prête pas à d’autres activités à moins d’y faire des modifications substantielles dont les coûts seraient sinon prohibitifs, à tout le moins économiquement difficilement justifiables.

[99]  Telle n’est pas la situation du BÂTIMENT d’IWEB, c’est plutôt le contraire.[79]

[122]     Bref, selon le juge de la Cour du Québec, les équipements ne peuvent être considérés comme attachés à demeure à l’immeuble puisque celui-ci, compte tenu de son design architectural et de ses composantes structurales, pourrait se prêter à d’autres activités que l’hébergement de serveurs informatiques, sans nécessité d’y faire des modifications substantielles.

[123]     Ce raisonnement me paraît entaché d’une faille décisive[80] qui rend le jugement de la Cour du Québec déraisonnable. La vocation spécifique de l’immeuble n’est pas une condition essentielle à l’immobilisation par attache d’un bien meuble. La vocation de l’immeuble ou de la partie d’immeuble qui est pertinente à l’analyse est celle qui a cours au moment de la qualification du bien. Elle permet d’apprécier la nécessité du meuble ou son caractère indispensable pour que l’immeuble soit complet (son degré de complémentarité par rapport à l’immeuble ou ses composantes). C’est l’exemple de la hotte de ventilation donné par le juge Bossé dans l’affaire Sillery : on peut conclure qu’elle complète l’immeuble et lui est nécessaire si l’immeuble sert à l’exploitation d’un restaurant, mais une telle hotte ne compléterait pas nécessairement un immeuble destiné à l’entreposage. Le fait qu’un immeuble abritant un restaurant ne soit pas un bâtiment à vocation spécifique et puisse se prêter à d’autres activités ne rompt pas le lien intellectuel ou le rapport de destination qui existe entre la hotte de ventilation et l’immeuble.

[124]     Pour citer un autre exemple tiré de la Laurentienne, le fait que les lieux loués « puissent être utilisés à d’autres fins ou par un autre locataire »[81] n’a pas empêché le juge Brossard de qualifier les allées de quilles de meubles attachés à perpétuelle demeure à un immeuble.

[125]     Par ailleurs, le juge de la Cour du Québec inverse le raisonnement du TAQ dans IMSO et Locoshop en ce qui concerne la présence d’un ou de plusieurs locataires. Il écrit :

[116]  Le TAQ insiste beaucoup sur le fait que les immeubles dans LOCOSHOP sont occupés par plusieurs locataires ce qui démontrerait qu’ils ne peuvent avoir une vocation spécifique. A contrario dans IWEB, le TAQ retient du fait que le BÂTIMENT n’est occupé que par un seul locataire, que les équipements ont conféré une vocation spécifique à celui-ci. Ce raisonnement repose sur une considération inédite qui n’est aucunement retenue par la jurisprudence. La présence d’un seul locataire dans un immeuble ne peut être le facteur prédominant dans la détermination de la vocation du bâtiment.[82]

[Caractères gras ajoutés]

[126]     Or, dans IMSO, le TAQ ne dit pas que les équipements confèrent une vocation à l’immeuble, ni que la présence d’un seul locataire est un élément déterminant, voire pertinent à son analyse. Il assimile l’immeuble à une « construction conçue pour une vocation spécifique » en raison de la nature et de l’importance des aménagements[83].

[127]     Ces erreurs commises par le juge de la Cour du Québec vicient son analyse et rendent son intervention en appel déraisonnable au regard des faits et du droit. Vu les conclusions du TAQ selon lesquelles les équipements sont attachés à l’immeuble pour aussi longtemps qu’une nouvelle vocation ne lui sera pas assignée, le juge aurait dû constater l’absence d’erreur manifeste et déterminante et rejeter l’appel. De plus, le motif donné pour intervenir, soit le fait que l’immeuble n’est pas un bâtiment à vocation spécifique, ne tient pas.

(3)  Cour supérieure

[128]     La juge de la Cour supérieure convient avec la Ville que le juge de la Cour du Québec commet une erreur lorsqu’il « restreint la notion de vocation ou destination de l’immeuble à celle de l’immeuble à vocation unique, sous l’angle du design architectural et des composantes structurales ». Elle estime toutefois que l’intervention du juge repose également sur « le raisonnement déraisonnable du TAQ voulant que les équipements et aménagements locatifs puissent déterminer la vocation de l’immeuble », raisonnement qu’elle considère comme circulaire :

[41]  Le Tribunal considère que la Cour du Québec a eu raison de conclure que le raisonnement circulaire du TAQ est déraisonnable. Le TAQ conclut, à tort, que la vocation spécialisée de l’entreprise et ses équipements confèrent à l’immeuble une vocation spécialisée. Dès lors, les équipements qui lui sont attachés seront nécessairement considérés indispensables ou utiles au service de cet immeuble et qualifiés d’immeubles au sens de l’article 1 de la Loi. Ce raisonnement du TAQ évacue la distinction apportée par la Cour d’appel entre l’utilité à l’entreprise et l’utilité au bâtiment et résulte en la conclusion déraisonnable que le bâtiment est un immeuble à vocation spécifique.[84]

[129]     La juge se méprend ici sur le sens de la distinction entre l’utilité à l’entreprise et l’utilité au bâtiment. Certes, « [c]’est le lien avec l’immeuble ou ses composantes et non avec l’entreprise qui doit être considéré pour conclure à perpétuelle demeure »[85], mais, on l’a vu, ce test ne signifie pas que la destination ou la vocation particulière de l’immeuble ou d’une partie de l’immeuble ne peuvent être considérées[86]. Je rappelle d’ailleurs que, dans Coimac, la juge Thibault approuve l’analyse du B.R.E.F. qui a tenu compte du lien entre les équipements et « la portion de la bâtisse qui a été adaptée à une vocation de supermarché d’alimentation »[87].

[130]     Par ailleurs, la distinction entre l’utilité à l’entreprise et l’utilité au bâtiment ne doit pas avoir pour effet d’étendre à tous les immeubles la restriction édictée au troisième alinéa de l’article 1 L.f.m. dans le cas de certains immeubles institutionnels. Cette distinction ne vise qu’à exclure les meubles qui, bien qu’attachés à un immeuble, le sont temporairement, sans aucun lien intellectuel ou rapport de destination avec l’immeuble permettant de conclure autrement.

[131]     Enfin, pour bien comprendre le raisonnement du TAQ, il faut distinguer les équipements des aménagements. Les équipements sont la génératrice, les ATS, les UPS et tout le système de refroidissement (climatisation). Les aménagements sont le plancher surélevé, le plafond suspendu ainsi que les dalles de béton à l’intérieur et à l’extérieur qui font partie intégrante de l’immeuble et qui en sont des composantes. Au risque de me répéter, le TAQ ne dit pas que les équipements et l’entreprise exploitée par iWeb confèrent une vocation spécifique à l’immeuble. Il appuie son raisonnement sur la nature et l’importance des aménagements. C’est le lien entre les équipements et ces composantes qui permet de conclure que les équipements y sont attachés « à demeure ».

[132]     En somme, j’estime que la Cour supérieure fait une lecture erronée de la jurisprudence portant sur la notion d’immobilisation par attache d’un bien meuble selon l’article 1 L.f.m. et des motifs donnés par le TAQ. Vu les lacunes dans le raisonnement suivi par le juge de la Cour du Québec, elle aurait dû accueillir le pourvoi en contrôle judiciaire et annuler le jugement de la Cour du Québec.

D.   Application des principes dans le dossier Locoshop

[133]     Dans ce dossier, la Cour du Québec aurait dû accueillir l’appel de la Ville, infirmer la décision du TAQ et porter les équipements au rôle d’évaluation foncière. Encore ici, tant le raisonnement suivi que le résultat obtenu sont déraisonnables eu égard aux contraintes factuelles et juridiques, de sorte que la Cour supérieure aurait dû accueillir le pourvoi en contrôle judiciaire.

[134]     Voici pourquoi.

(1)  TAQ

[135]     Comme dans IMSO, le TAQ conclut que les équipements sont « attachés » au sens de l’article 1 L.f.m. :

[80]  La spécificité des installations, telles qu’apparaissant aux photographies de l’annexe B de la pièce R-5, l’interrelation des différentes composantes, leurs attaches entre elles démontrent au Tribunal que les équipements ont acquis une assiette fixe et qu’ils ont été intellectuellement immobilisés. Cette inamovibilité fait preuve d’une attache au sens de la LFM.[88]

[Soulignement ajouté]

Et qu’ils le sont à demeure :

[81]  Le Tribunal ne peut que conclure qu’elles ont été faites pour aussi longtemps qu’une nouvelle vocation ne sera pas assignée à ces locaux et donc, à une présomption d’attache à demeure.[89]

[136]     Cette dernière conclusion confirme le lien intellectuel entre les équipements et la destination ou la vocation des lieux loués par Ubisoft. Il ne s’agit pas d’une présomption. Ce lien découle de la complémentarité des équipements par rapport à la partie de l’immeuble qui sert de site d’hébergement de serveurs informatiques et permet de conclure qu’ils lui sont attachés « à demeure ».

[137]     Les conditions de l’immobilisation par attache étant remplies, le TAQ aurait dû maintenir les équipements au rôle d’évaluation. Au lieu de cela, il accueille les requêtes de Locoshop pour les motifs que voici :

[68]  Les requérantes, au moyen des témoignages de MM. Métivier, Reuziault et Jabbour, démontrent la mobilité des équipements dont l’inscription au rôle est contestée et le fait qu’ils ne sont pas physiquement attachés à l’immeuble.

[69]  Ils ont également relié la nécessité de ces équipements qu’aux activités de la LOCATAIRE, mais selon leurs dires, sans qu’ils ne desservent la bâtisse.

[70]  Il y a lieu de distinguer les faits de la présente cause avec ceux de l’affaire  Imso.

[…]

[73]  Dans le cas à l’étude, nous sommes en présence d’édifices polyvalents occupés par environ vingt locataires et dont les espaces peuvent être utilisés à de multiples usages, tels que des bureaux, des cliniques médicales, de recherche ou de soins, une clinique de physiothérapie, un café.

[74]  Le Tribunal est d’avis que nous ne sommes pas en présence d’un bâtiment dont la destination est spécialisée.

[75]  En effet, l’occupation par un locataire d’espaces correspondant à environ 10 % de la superficie locative d’un bâtiment, ne peut attribuer à cet immeuble une vocation spécialisée.

[76]  De plus, la preuve démontre que les équipements présentement en litige, hormis les transformateurs, sont à l’usage exclusif de la LOCATAIRE et que l’édifice dans lequel ils sont installés est complet et fonctionnel en leur absence.

[77]  Par ailleurs, dans les deux affaires, on constate une importante tuyauterie installée sous les planchers surélevés, que les parties ont pourtant convenu de porter au rôle.

[78]  Le Tribunal estime cependant que dans la présente affaire, n’étant pas dans un immeuble entièrement voué à une vocation spécialisée, les planchers surélevés auraient dû être exclus du rôle.

[…]

[83]  En considérant que le bâtiment dans lequel les équipements sont installés est complet et fonctionnel en leur absence, qu’il ne s’agit pas d’un immeuble à vocation spécialisée et que la preuve convainc la présente formation de la mobilité de ces équipements, ces éléments suffisent à renverser la présomption d’attache à demeure que révèle l’autre partie de la preuve administrée en l’instance.[90]

[Renvois omis]

[138]     On comprend que, pour le TAQ, les éléments suivants permettent de renverser la présomption d’attache à demeure :

·        La mobilité des équipements (l’absence d’attache physique);

·        La vocation générale des immeubles compris dans l’unité d’évaluation;

·        La présence de plusieurs locataires;

·        Le fait que les équipements ne servent qu’à l’exploitation de l’entreprise d’Ubisoft et ne desservent pas les immeubles.

[139]     Or, il n’en est rien.

[140]     Premièrement, dans la mesure où les équipements sont placés de façon à être immobilisés, l’absence d’attache physique n’est pas déterminante. Pour paraphraser le juge Brossard dans la Laurentienne, c’est très simplement leur immobilisation qui établit le fait qu’ils sont attachés[91].

[141]     Deuxièmement, la vocation générale des immeubles compris dans l’unité d’évaluation ne résout pas la question de la qualification des meubles qui leur sont attachés. L’immobilisation par attache d’un bien meuble selon l’article 1 L.f.m. n’est pas l’apanage des bâtiments à vocation spécifique.

[142]     Troisièmement, la présence de plusieurs locataires n’est pas non plus un obstacle à l’immobilisation par attache d’un bien meuble.

[143]     Quatrièmement, le lien intellectuel ou le rapport de destination vise l’immeuble ou ses composantes. On parle ici de tout un réseau d’alimentation et de distribution en électricité et en climatisation, lui-même intégré au bâtiment selon une conception qui répond aux besoins spécifiques d’un site d’hébergement de serveurs informatiques. Le plancher surélevé et le plafond suspendu perdent leur raison d’être en l’absence de ce réseau. Il en va de même de la passerelle extérieure conçue pour recevoir les refroidisseurs. Il n’est pas nécessaire que les équipements aient un lien intellectuel avec l’immeuble en entier. Incidemment, le fait que le système de refroidissement dépasse les besoins usuels en climatisation de l’immeuble ne change rien au lien intellectuel qui existe entre ce système et la partie de l’immeuble louée par Ubisoft.

[144]     Le raisonnement du TAQ dans Locoshop est donc erroné à plusieurs égards.

(2)  Cour du Québec

[145]     Dans Locoshop, le juge de la Cour du Québec commet la même erreur que dans IMSO en concentrant son analyse sur la notion de bâtiment à vocation spécifique. Il se base sur le caractère polyvalent des immeubles pour conclure que les lieux loués par Ubisoft ne deviendraient pas incomplets en l’absence des équipements. Si l’on suit ce raisonnement, un meuble attaché à un immeuble à vocation générale ne pourrait jamais être considéré comme attaché « à demeure ». En effet, puisqu’un tel immeuble, par définition, peut servir à plusieurs usages, il ne deviendrait jamais incomplet en l’absence de ce bien.

[146]     J’ai déjà expliqué pourquoi ce raisonnement ne tient pas. La vocation spécifique de l’immeuble n’est pas une condition essentielle à l’immobilisation par attache d’un bien meuble. Il suffit que le bien soit nécessaire pour compléter l’immeuble ou ses composantes, en l’occurrence le plancher surélevé, le plafond suspendu et toutes les installations qui, selon le TAQ, « ont été faites pour aussi longtemps qu’une nouvelle vocation ne sera pas assignée à ces locaux ». À l’instar du « trou béant » qu’aurait laissé l’enlèvement du guichet automatique dans la Laurentienne, l’inutilité de ces composantes qui résulterait de l’enlèvement des équipements suffit à établir qu’ils sont attachés à demeure à l’immeuble.

[147]     Au lieu d’approuver le raisonnement erroné du TAQ, la Cour du Québec aurait dû accueillir l’appel de la Ville, infirmer la décision du TAQ et porter les équipements au rôle d’évaluation foncière.

(3)  Cour supérieure

[148]     Dans Locoshop, la juge de la Cour supérieure estime que « la Ville ne présente aucune preuve de la vocation spécialisée du bâtiment ou de ses composantes devant le TAQ »[92]. Ce n’est pas exact dans la mesure où la Ville a produit un rapport d’évaluation confirmant que les lieux loués par Ubisoft ont été aménagés aux fins de servir de site d’hébergement de serveurs informatiques[93].

[149]     Elle reconnaît par ailleurs que le juge de la Cour du Québec fait erreur en se référant à l’architecture et aux composantes structurelles du bâtiment, mais estime que cette erreur n’est pas déterminante. Elle écrit à ce sujet :

[20]  De plus, bien que le juge de première instance fasse référence à la notion restreinte de la destination spécifique d’un bâtiment selon son architecture et ses composantes structurales, cette notion n’est pas déterminante dans son analyse des motifs et des conclusions du TAQ. En conformité avec les enseignements de la Cour d’appel, il considère la preuve de la vocation de l'immeuble et sa polyvalence ainsi que l’utilité des équipements pour le bâtiment et ses composantes.

[21]  Contrairement à la décision dans l’affaire IMSO, la décision du TAQ est motivée. Les membres de la formation du TAQ visitent les lieux d’Ubisoft et concluent, selon la preuve non contredite, que le bâtiment se prête à plusieurs activités et que la destination des lieux pourrait très bien se réaliser en l’absence de ces équipements.[94]

[150]     Encore ici, la juge se méprend sur le sens de la distinction entre l’utilité à l’entreprise et l’utilité au bâtiment[95]. N’eût été cette erreur, elle aurait constaté le lien intellectuel entre les équipements et la partie de l’immeuble qui sert de site d’hébergement de serveurs informatiques, aurait décelé les lacunes dans le raisonnement du TAQ et aurait conclu au caractère déraisonnable du jugement de la Cour du Québec.

E.   Réparation

[151]     J’en viens donc à la conclusion que les jugements de la Cour supérieure doivent être infirmés. En principe, la Cour, procédant à rendre les décisions que la Cour supérieure aurait dû rendre, devrait renvoyer les dossiers devant la Cour du Québec pour que celle-ci exerce à nouveau sa fonction d’appel à la lumière des présents motifs.

[152]     J’estime toutefois qu’il s’agit d’une situation où le renvoi des dossiers devant la Cour du Québec ne servirait à rien et irait même à l’encontre des objectifs de célérité et d’accessibilité de la justice administrative[96]. Vu la preuve administrée devant le TAQ et ses conclusions sur les deux étapes du test établi par la jurisprudence, il me semble mieux avisé de statuer sur les appels comme la Cour du Québec aurait dû le faire. Je note d’ailleurs qu’aucune partie ne demande le renvoi des dossiers devant la Cour du Québec dans l’éventualité où la Cour accueillerait les appels, infirmerait les jugements de la Cour supérieure et accueillerait les pourvois en contrôle judiciaire.

V.           Conclusion

[153]     Je propose donc d’accueillir les appels de façon, ultimement, à confirmer la décision du TAQ dans le dossier IMSO et à infirmer la décision du TAQ dans le dossier Locoshop, avec les frais de justice en faveur de la Ville.

 

 

 

SUZANNE GAGNÉ, J.C.A.

 


 

Annexe 1

Code civil du Bas Canada (« C.c.B.C. »)

379.  Les objets mobiliers que le propriétaire a placés sur son fonds à perpétuelle demeure, ou qu'il y a incorporés, sont immeubles par destination tant qu'ils y restent.

Ainsi sont immeubles, sous ces restrictions, les objets suivants et autres semblables:

1. Les pressoirs, chaudières, alambics, cuves et tonnes;

2. Les ustensiles nécessaires à l'exploitation des forges, papeteries et autres usines.

Sont aussi immeubles par destination les fumiers ainsi que les pailles et autres substances destinées à le devenir.

380.  Sont censés avoir été attachés à perpétuelle demeure les objets placés par le propriétaire qui tiennent à fer et à clous, qui sont scellés en plâtre, à chaux ou à ciment, ou qui ne peuvent être enlevés sans être fracturés, ou sans briser ou détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés.

Les glaces, les tableaux et autres ornements sont censés mis à perpétuelle demeure, lorsque, sans eux, la partie de l'appartement qu'ils couvrent demeurerait incomplète ou imparfaite.

Code civil du Québec  C.c.Q. »)

900.  Sont immeubles les fonds de terre, les constructions et ouvrages à caractère permanent qui s’y trouvent et tout ce qui en fait partie intégrante.

Le sont aussi les végétaux et les minéraux, tant qu’ils ne sont pas séparés ou extraits du fonds. Toutefois, les fruits et les autres produits du sol peuvent être considérés comme des meubles dans les actes de disposition dont ils sont l’objet.

901.  Font partie intégrante d’un immeuble les meubles qui sont incorporés à l’immeuble, perdent leur individualité et assurent l’utilité de l’immeuble.

902.  Les parties intégrantes d’un immeuble qui sont temporairement détachées de l’immeuble, conservent leur caractère immobilier, si ces parties sont destinées à y être replacées.

903.  Les meubles qui sont, à demeure, matériellement attachés ou réunis à l’immeuble, sans perdre leur individualité et sans y être incorporés, sont immeubles tant qu’ils y restent et assurent l’utilité de l’immeuble.

 

Toutefois, les meubles qui, dans l’immeuble, servent à l’exploitation d’une entreprise ou à la poursuite d’activités demeurent meubles.

900.  Land, and any constructions and works of a permanent nature located thereon and anything forming an integral part thereof, are immovable

Plants and minerals, as long as they are not separated or extracted from the land, are also immovables. Fruits and other products of the soil may be considered to be movables, however, when they are the object of an act of disposition.

901.  Movables incorporated with an immovable that lose their individuality and ensure the utility of the immovable form an integral part of the immovable.

902.  Integral parts of an immovable that are temporarily detached therefrom retain their immovable character if they are destined to be put back.

903. Movables which are permanently physically attached or joined to an immovable without losing their individuality and without being incorporated with the immovable are immovables for as long as they remain there and ensure the utility of the immovable.

However, movables which, in the immovable, are used to operate an enterprise or to carry on activities remain movables.

Loi sur la fiscalité municipale, RLRQ c F-2.1  L.f.m. »)

1.  Dans la présente loi, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par:

[…]

« immeuble » :

1°  tout immeuble au sens de l’article 900 du Code civil;

2°  tout meuble, sous réserve du troisième alinéa, qui est attaché à demeure à un immeuble visé au paragraphe 1°

[…]

1.  In this Act, unless the context indicates otherwise,

(…)

“immovable” means

(1)  an immovable within the meaning of article 900 of the Civil Code;

(2)  subject to the third paragraph, a movable that is permanently attached to an immovable referred to in paragraph 1

(…)

Dans le cas d’un immeuble que visent le paragraphe 1° de la définition du mot «immeuble» prévue au premier alinéa et l’un des paragraphes 1°, 2.1° et 13° à 17° de l’article 204, le paragraphe 2° de cette définition vise uniquement un meuble qui, en outre d’être attaché à demeure à l’immeuble, assure l’utilité de celui-ci. Toutefois, ce paragraphe ne vise pas un tel meuble qui sert, dans quelque mesure que ce soit, à l’exploitation d’une entreprise ou à la poursuite d’activités dans l’immeuble.

As regards an immovable referred to in paragraph 1 of the definition of “immovable” in the first paragraph and in paragraphs 1, 2.1 and 13 to 17 of section 204, paragraph 2 of that definition refers only to a movable that, in addition to being permanently attached to the immovable, ensures the utility of the immovable. However, that paragraph does not refer to such a movable that is used, to whatever extent, for the operation of an enterprise or for the carrying on of activities in the immovable.

31.  Sous réserve de la section IV, les immeubles situés sur le territoire d’une municipalité locale sont portés au rôle d’évaluation foncière […].

65.  Ne sont pas portés au rôle les immeubles suivants:

1°  une machine, un appareil et leurs accessoires, autres que ceux d’une raffinerie de pétrole, qui sont utilisés ou destinés à des fins de production industrielle ou d’exploitation agricole;

[…]

Ne sont pas visés au paragraphe 1° ou 1.1° du premier alinéa:

1°  une construction qui est destinée à loger ou à abriter des personnes, des animaux ou des choses;

2°  une base de béton sur laquelle un bien est placé ou destiné à l’être;

3°  un terrain, un ouvrage d’aménagement d’un terrain et tout autre immeuble dont l’utilisation principale ou la destination principale est d’assurer l’utilité d’un tel terrain ou d’un tel ouvrage.

31.  Subject to Division IV, the immovables situated in the territory of a local municipality shall be entered on the property assessment roll (…).

65.  The following immovables are not to be entered on the roll:

(1)  machines, apparatus and their accessories, other than those of an oil refinery, which are used or intended for purposes of industrial production or agricultural operations;

(…)

Subparagraphs 1 and 1.1 of the first paragraph do not apply

(1) to structures intended to lodge persons, shelter animals or store things;

(2) to concrete foundations supporting or intended to support property;

(3) to land, land development works or any other immovable mainly used or intended to ensure the usefulness of such land or works.

 

 

 

____________________

 

 

 



[1]     Ville de Montréal c. Cour du Québec, 2018 QCCS 312 [Jugement de la Cour supérieure dans Locoshop]; Ville de Montréal c. Cour du Québec, 2018 QCCS 311 [Jugement de la Cour supérieure dans IMSO].

[2]     Montréal (Ville de) c. Société en commandite Locoshop Angus, 2016 QCCQ 1136 [Jugement de la Cour du Québec dans Locoshop]; Société immobilière IMSO inc. c. Montréal (Ville de), 2016 QCCQ 1120 [Jugement de la Cour du Québec dans IMSO].

[3]     Société immobilière Locoshop Angus c Montréal (Ville de), 2014 QCTAQ 06629 [Décision du TAQ dans Locoshop]; Société immobilière IMSO inc. c Montréal (Ville de), 2013 QCTAQ 1070 [Décision du TAQ dans IMSO].

[4]     Loi sur la fiscalité municipale, RLRQ, c. F-2.1.

[5]     À l’exception des deux transformateurs situés à l’extérieur qui appartiennent à Hydro-Québec.

[6]     Décision du TAQ dans Locoshop, paragr. 5; Décision du TAQ dans IMSO, paragr. 5.

[7]     ATS signifie « Automatic Transfer Switch ».

[8]     UPS signifie « Uninterruptible Power supply ».                                            

[9]     À l’exception des transformateurs qui servent partiellement à l’immeuble dans une proportion de 750 kVA sur un total de 3 000 kVA. En l’absence de preuve de ventilation des valeurs de ces équipements attribuables aux services du bâtiment, le TAQ a retranché 50 % des valeurs convenues entre les parties. Voir : Décision du TAQ dans le dossier Locoshop, paragr. 85.

[10]    Extrait du témoignage de M. Cyrille Mertes cité par le TAQ : Décision du TAQ dans le dossier IMSO, paragr. 26.

[11]    Québec (Ville) c. Corporation d'assurance de personne la Laurentienne, [1995] R.J.Q. 731, AZ-95011337, 1995 CanLII 5307 (C.A.), demande d’autorisation d’appeler à la Cour suprême rejetée, 7 septembre 1995, no 24703 [la Laurentienne].

[12]    Ville de Laval c. Coimac Inc., [2001] RJQ 342, 2001 CanLII 20604 (C.A.), demande d’autorisation d’appeler à la Cour suprême rejetée, 27 septembre 2001, no 28460 [Coimac].

[13]    Décision du TAQ dans Locoshop, paragr. 80; Décision du TAQ dans IMSO, paragr. 66.

[14]    Décision du TAQ dans IMSO, paragr. 67.

[15]    Id., paragr. 70.

[16]    À l’exception de 50 % de la valeur des transformateurs : supra, note 9.

[17]    Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov].

[18]    Jugement de la Cour du Québec dans IMSO, paragr. 63.

[19]    Id., paragr. 64.

[20]    Id., paragr. 87.

[21]    Id., paragr. 110.

[22]    Id., paragr. 116-119.

[23]    Jugement de la Cour du Québec dans Locoshop, paragr. 20.

[24]    Id., paragr. 21.

[25]    Jugement de la Cour supérieure dans IMSO, paragr. 15; Jugement de la Cour supérieure dans Locoshop, paragr. 10.

[26]    Jugement de la Cour supérieure dans IMSO, paragr. 41.

[27]    Id., paragr. 48.

[28]    Jugement de la Cour supérieure dans Locoshop, paragr. 20.

[29]    Agraira c. Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2013 CSC 36, [2013] 2 R.C.S. 559, paragr. 45 à 47.

[30]    Voir notamment : D.V. c. Société de l’assurance automobile du Québec, 2021 QCCA 597, paragr. 22; Zadorozhna c. Ethica Clinical Research Inc., 2018 QCCA 229, paragr. 2; Delgadillo c. Blinds To go Inc., 2017 QCCA 818, paragr. 14.

[31]    Loi sur la justice administrative, RLRQ, c. J-3, art. 159 [L.j.a.].

[32]    Id., art. 164.

[33]    Art. 34 C.p.c.

[34]    Vavilov, supra, note 17, paragr. 2.

[35]    C’est-à-dire sur des moyens autres que des manquements à la justice naturelle ou à l’obligation d’équité procédurale : Vavilov, supra, note 17, paragr. 23.

[36]    Vavilov, supra, note 17, paragr. 17

[37]    Id., paragr. 37. Voir également : Renvoi relatif au Code de procédure civile (Qc), art. 35, 2021 CSC 27, paragr. 147.

[38]    Loi sur les tribunaux judiciaires, RLRQ, c. T-16.

[39]    Parizeau c. Barreau du Québec, 2011 QCCA 1498, paragr. 76 [Parizeau].

[40]    Parizeau, supra, note 39, paragr. 95-96; Voir également : Avocats (Ordre professionnel des) c. Michalakopoulos, 2014 QCCA 2189, paragr. 10-11.

[41]    Dans l'affaire : Renvoi à la Cour d'appel du Québec portant sur la validité constitutionnelle des dispositions de l'article 35 du Code de procédure civile qui fixent à moins de 85 000 $ la compétence pécuniaire exclusive de la Cour du Québec et sur la compétence d'appel attribuée à la Cour du Québec, 2019 QCCA 1492, paragr. 250, confirmé par Renvoi relatif au Code de procédure civile (Qc), art. 35, 2021 CSC 27.

[42]    Id., paragr. 221, 229.

[43]    Vavilov, supra, note 17, paragr. 89-90.

[44]    Coimac, supra, note 12.

[45]    La Laurentienne, supra, note 11.

[46]    Loi sur la fiscalité municipale et modifiant certaines dispositions législatives, L.Q. 1979, c. 72, art. 1.

[47]    Immeubles Langéclau inc. c. Shawinigan (ville de), [1985] B.R.E.F. 37 et Hilton Place Québec inc. c. Québec (ville de), [1985] B.R.E.F. 393.

[48]    Loi modifiant la Loi sur la fiscalité municipale, L.Q. 1986, c. 34, art. 1.

[49]    La Laurentienne, supra, note 11, p. 9-10.

[50]    Id., p. 11 [Caractères gras dans l’original].

[51]    Ibid.

[52]    Id., p. 15-16.

[53]    Id., p. 16.

[54]    Sillery (Ville de) c. Québec (Ministère des Affaires municipales), J.E. 97-799 (C.Q.), confirmé par Québec (Ministère des Affaires municipales) c. Québec (Communauté urbaine de), J.E. 99-1214, p. 12 (C.A.), demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 25 mai 2000, no 27455.

[55]    La Laurentienne, supra, note 11, p. 19.

[56]    Id., p. 20.

[57]    Id., p. 23-24.

[58]    Id., p. 24.

[59]    Id., p. 25-28.

[60]    Coimac, supra, note 44, paragr. 6.

[61]    Id., paragr. 32-42.

[62]    Id., paragr. 32.

[63]    Id., paragr. 42.

[64]    Id., paragr. 21-23.

[65]    Id., paragr. 44, citant Sillery (Ville) c. Québec (Ministère des affaires municipales), supra, note 54.

[66]    Id., paragr. 50.

[67]    Id., paragr. 55-58.

[68]    Id., paragr. 65.

[69]    La Laurentienne, supra, note 11, p. 10.

[70]    Id., p. 16.

[71]    Coimac, supra, note 44, paragr. 23.

[72]    Décision de la Cour du Québec dans IMSO, paragr. 73.

[73]    Décision du TAQ dans IMSO, paragr. 66.

[74]    Témoignage de M. Sébastien Vincent devant le TAQ dans le dossier IMSO, 3 juillet 2013, p. 86, 89-91 et 97-98. À noter que son rapport, la pièce R-3, n’a pas été produit par les parties dans le dossier d’appel.

[75]    Plaidoirie de Me Marc-André Fabien devant le TAQ dans le dossier IMSO, 5 juillet 2013, p. 83-84.

[76]    Mémoire des intimées dans le dossier IMSO, paragr. 44.

[77]    Décision du TAQ dans IMSO, paragr. 67.

[78]    Id., paragr. 70.

[79]    Jugement de la Cour du Québec dans IMSO, paragr. 98-99.

[80]    Vavilov, supra, note 17, paragr. 102.

[81]    La Laurentienne, supra, note 11, p. 19.

[82]    Jugement de la Cour du Québec dans IMSO, paragr. 116.

[83]    Décision du TAQ dans IMSO, paragr. 70.

[84]    Jugement de la Cour supérieure dans IMSO, paragr. 41.

[85]    La Laurentienne, supra, note 11, p. 16.

[86]    Coimac, supra, note 12, paragr. 43.

[87]    Id., paragr. 55.

[88]    Décision du TAQ dans Locoshop, paragr. 80.

[89]    Id., paragr. 81.

[90]    Id., paragr. 68-70, 73-78 et 83.

[91]    La Laurentienne, supra, note 11, p. 16.

[92]    Jugement de la Cour supérieure dans Locoshop, paragr. 18.

[93]    I-1, Rapport d’évaluation préparé par Mme Michèle Sénécal, É. A., dans le dossier Locoshop, 29 août 2013, p. 1-61.

[94]    Jugement de la Cour supérieure dans Locoshop, paragr. 20-21.

[95]    Voir : supra, paragr. [129]-[130].

[96]    Vavilov, supra, note 17, paragr. 142.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.