St-Germain c. Benhaim |
2014 QCCA 2207 |
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COUR D’APPEL |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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GREFFE DE
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N° : |
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(500-17-042343-080) |
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DATE : |
12 décembre 2014 |
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CATHIE ST-GERMAIN, personnellement et en sa qualité de tutrice à son fils mineur dont le nom est gardé confidentiel |
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CATHIE ST-GERMAIN, en sa qualité de légataire universelle de feu Marc Émond |
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APPELANTES - Demanderesses |
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c. |
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ALBERT BENHAIM et MICHAEL O’DONOVAN |
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INTIMÉS - Défendeurs |
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ARRÊT RECTIFIÉ |
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CONSIDÉRANT que l'arrêt rendu le 5 décembre 2014 est entaché d’une erreur matérielle qui affecte le paragraphe [4] [253-E];
CONSIDÉRANT que la Cour a omis, par inadvertance, de se prononcer sur la date où les intérêts et l’indemnité additionnelle débuteront, au paragraphe [4] [253-F];
CONSIDÉRANT que les paragraphes [129] et [137] des motifs du juge Fournier doivent aussi être rectifiés;
LA COUR REND l’arrêt rectifié suivant :
[1] Les appelantes se pourvoient contre un jugement du 7 septembre 2011 de la Cour supérieure du district de Montréal (l'honorable Geneviève Marcotte), qui a accueilli en partie l'action des appelantes et condamné les intimés solidairement à leur verser :
a) … la somme de 25 000 $ plus intérêts et indemnité additionnelle calculés sur cette somme à compter de la date d'assignation;
b) … en sa qualité de légataire universelle de feu Marc Émond la somme de 45 000 $ plus intérêts et indemnité additionnelle calculés sur cette somme à compter de la date d'assignation;
[254] AVEC DÉPENS, y incluant tous les frais d'expertises encourus pour l'ensemble des experts retenus par la demande tant pour la préparation de leurs rapports que pour leur présence et leur témoignage à la cour.
[2] Pour les motifs du juge Fournier ainsi que ceux des juges Kasirer et Bélanger, LA COUR :
[3] ACCUEILLE l'appel en partie;
[4] INFIRME le jugement à la seule fin de modifier la conclusion contenue au paragraphe 253 de la façon suivante :
[253] CONDAMNE les défendeurs solidairement à verser à la demanderesse en sa qualité de légataire universelle de feu Marc Émond la somme de 95 000 $ (45 000 $ + 50 000 $) plus intérêts et indemnité additionnelle calculés sur cette somme à compter de la date d'assignation;
[253-A] CONDAMNE solidairement les intimés à verser à Cathie St - Germain la somme de 549 160 $ (516 231 $ + 32 929 $) avec les intérêts et l’indemnité additionnelle depuis le 6 juin 2008;
[253-B] CONDAMNE solidairement les intimés à verser à Cathie St-Germain 222 555,54 $ (140 000 $ + 82 555,54 $) avec les intérêts et l’indemnité additionnelle depuis la date de l’assignation;
[253-C] CONDAMNE solidairement les intimés à verser à Cathie St-Germain en sa qualité de tutrice de son fils mineur la somme de 74 486 $ avec les intérêts et l’indemnité additionnelle depuis le 6 juin 2008;
[253-D] CONDAMNE solidairement les intimés à verser à Cathie St-Germain en sa qualité de tutrice de son fils mineur la somme de 60 000 $ avec les intérêts et l’indemnité additionnelle depuis la date de l’assignation;
[253-E] ORDONNE qu’un calcul actuariel soit effectué pour les dépenses futures suivantes ainsi que la provision pour impôts qui en découle, selon les paramètres établis par la juge :
Aide aux devoirs : |
7 000 $ par année jusqu’en 2016 |
Aide à domicile : |
17 680 $ par année de 2011 à 2013, et 8 840 $ par année de 2014 à 2024 |
Coût d’assurance médicaments : |
1 660 $ par année jusqu’en 2024 |
Travaux d’entretien : |
3 000 $ par année du 1er janvier 2011 à la date du 70e anniversaire de naissance de Marc Émond (27 avril 2031) |
[253-F] Et en conséquence, CONDAMNE solidairement les intimés à payer le montant qui découlera du calcul actuariel, avec intérêts et indemnité additionnelle depuis le 1er janvier 2011, étant entendu que si un différend survient quant à cette question, il devra être soumis à la Cour supérieure.
[5] LE TOUT avec dépens.
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MOTIFS DU JUGE FOURNIER |
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[6] Il s’agit de l’appel d’un jugement rendu le 7 septembre 2011 par la Cour supérieure, district de Montréal, qui a accueilli, en partie seulement, l’action en responsabilité médicale des appelantes contre les intimés (les docteurs Albert Benhaim et Michael O’Donovan) respectivement omnipraticien et radiologue.
[7] Les appelantes reprochent aux intimés un retard dans le diagnostic d’un cancer des poumons dont est décédé monsieur Marc Émond.
[8] La plus importante partie de l’appel porte sur les dommages consécutifs au décès de feu Marc Émond, alors que la juge de première instance reconnaît les fautes des intimés, mais ne se convainc pas d’un lien de causalité entre la faute et le décès.
[9] Outre la question de la causalité, les remettent aussi en question le quantum des dommages qu’aurait accordé la juge si elle avait relié la faute aux dommages.
[10] En novembre 2005, Marc Émond est âgé de 44 ans. Il ne fume pas. C’est un sportif. Il prend soin de lui et semble en excellente santé. Il est le conjoint de Cathie St-Germain et ils ont un fils.
[11] Le 9 novembre 2005, lors de son examen médical annuel, à la suggestion de son médecin, le docteur Benhaim, il se soumet à une radiographie des poumons. Marc Émond est asymptomatique.
[12] La radiographie est interprétée par le docteur O'Donovan, radiologue. Il constate une « opacité d'étiologie incertaine de «1,5 à 2 cm » à un nodule au poumon droit. Il suggère au docteur Benhaim de répéter la radiographie. Quant à lui, le docteur Benhaim explique à Marc Émond que la radiographie révèle la présence d'un morceau de chair et que c’est sans conséquence.
[13] Marc Émond se soumet à une deuxième radiographie en janvier 2006. Le docteur O'Donovan constate la présence de la même opacité et suggère qu'une troisième radiographie soit prise dans quelques mois. Ce ne sera pas fait.
[14] En décembre 2006, lors de son examen annuel, Marc Émond est soumis à une troisième radiographie des poumons. Cette radiographie est aussi interprétée par le docteur O'Donovan. Il note que le nodule a augmenté de volume. Il semble être d'un diamètre de 2,5 cm. Le radiologue s'inquiète de la possibilité d'un cancer.
[15] Le docteur Benhaim recommande Marc Émond à des spécialistes qui le soumettent à une batterie de tests.
[16] Ces tests révèlent, en janvier 2007, que Marc Émond est atteint d'un cancer de stade IV. Ce cancer avancé est inopérable et incurable.
[17] Marc Émond subit des traitements palliatifs de chimiothérapie. Les premiers symptômes apparaissent à l'automne 2007.
[18] La santé de Marc Émond se détériore. Il obtient la permission du tribunal de se faire interroger avant procès. L'interrogatoire a lieu le 24 avril 2008.
[19] Le recours est entrepris le 30 avril 2008.
[20] Marc Émond décède le 6 juin 2008, c'est-à-dire 17 mois après le diagnostic posé en janvier 2007 et environ 31 mois après la première radiographie de novembre 2005, donc 29 mois après celle de janvier 2006.
[21] L'appelante Cathie St-Germain poursuit à titre de légataire universelle de Marc Émond, à titre personnel et en sa qualité de tutrice à son fils mineur. Elle réclame les dommages subis par le défunt, par elle-même et par son fils.
[22] La cause est entendue en décembre 2010.
[23] La juge de première instance conclut que les intimés ont été négligents. Pour elle, ils ont fait preuve de laxisme face à l'opacité révélée par la radiographie et ont fait défaut de recommander une investigation plus poussée.
[24] Ce constat de faute n’est plus contesté.
[25] Par contre, la juge est d'avis que les fautes retenues n'ont pas été à l’origine du décès de Marc Émond. Elle présente les principes de droit applicables et insiste sur le fait qu'elle doit être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que n'eut été des fautes des médecins, Marc Émond aurait eu d'importantes chances de se rétablir de la maladie. Elle s'exprime[1] ainsi en paraphrasant les propos de la Cour suprême dans l'affaire St-Jean c. Mercier[2] :
[89] Il doit être convaincu que, selon la balance des probabilités et non selon une certitude mathématique, les chances de rétablissement du patient étaient assez importantes et s’avéraient plus que de simples possibilités.
[Référence omise]
[26] Elle ajoute[3] :
[102] La tâche du Tribunal consiste à décider si, n’eut été du délai d’environ 11 à 12 mois dans le diagnostic de son cancer, Marc Émond aurait pu en toutes probabilités, être traité en temps utile et guérir de son cancer.
[27] Un cancer de stade I ou II présente un bon pronostic avec un taux de survie supérieur à 50 %. Au contraire, si Marc Émond était, au moment où les fautes des médecins ont été commises, atteint d'un cancer de stade III ou IV, le taux de survie est nettement inférieur à 50 %. Il est de 10 à 15 % pour un stade III et de moins de 1 % pour un stade IV. La juge identifie donc ainsi le cœur du litige : il est question de déterminer où en était la progression du cancer de Marc Émond en novembre 2005.
[28] Elle écarte les opinions des experts de la demande et retient celle de l'expert de la défense pour plusieurs motifs. J’y reviendrai.
[29] En résumé, la juge est d'avis qu'elle ne peut se fier à la seule dimension de l'opacité révélée par la radiographie de novembre 2005, sur l'absence de symptôme et sur son bon état de santé général pour conclure qu'il était, selon la balance des probabilités, atteint d'un cancer de stade précoce. Elle note que toutes ces conditions étaient encore présentes en janvier 2007, au moment où un diagnostic de cancer de stade IV a été posé.
[30] Elle rejette l'argument de la demande selon lequel, parce que 78 % des cancers pulmonaires découverts par hasard sont au stade I, Marc Émond était selon toute probabilité atteint d'un cancer de stade I, car sa maladie a été découverte de manière fortuite.
[31] La juge retient plutôt l'opinion de l'expert de la défense. Elle retient de la preuve que le cancer pulmonaire évolue lentement, que la radiographie de novembre 2005, interprétée à la lumière des tests effectués en décembre 2006 et en janvier 2007, révèle un ombrage compatible avec la présence de métastases ganglionnaires (donc, un cancer de stade avancé) et que la majorité des patients se voient diagnostiqués à un stade avancé du cancer.
[32] En résumé, la juge fonde sa conclusion sur les opinions des experts, sur la preuve statistique, sur la littérature médicale et sur la preuve indirecte de l'état du cancer en novembre 2005. Elle n'est donc pas convaincue, selon la balance des probabilités, qu'une détection plus hâtive du cancer de Marc Émond aurait permis d'éviter son décès ou de vivre plus longtemps.
[33] Elle reconnait que la survie sans traitement de Marc Émond, entre novembre 2005 et décembre 2006, défie les statistiques. Toutefois, elle est d'avis que cela s'explique par son bon état de santé. Ce qu’elle n’explique cependant pas, j’y reviendrai plus tard, c’est sa survie jusqu’au 6 juin 2008, soit près de 30 mois après le diagnostic qui aurait dû être posé n’eut été de la faute des défendeurs.
[34] En troisième lieu, la juge se penche sur le préjudice.
[35] Elle accorde des dommages aux appelantes qui ont souffert d'angoisse et de frustration. Les fautes des médecins en sont la cause directe. Elle est d'avis que ces souffrances psychologiques sont des dommages moindres et les inclut à même les dommages non pécuniaires réclamés. En conséquence, elle accorde 70 000 $ en réparation de ce préjudice.
[36] Pour le reste de la réclamation, bien qu'elle n’accorde pas les dommages réclamés pour le décès, car le lien causal n'a pas été établi, la juge complète son analyse.
[37] Les experts actuaires de part et d'autre ne s'entendent pas sur la méthode appropriée pour calculer la perte de soutien futur. La juge choisit donc la méthode défendue par l'expert de la défense, celle de la « dépendance croisée », au motif qu'elle respecte le principe de la restitution intégrale du préjudice et que les conjoints se partageaient les dépenses du ménage alors que tous deux gagnaient des revenus.
[38] Elle décide de calculer la perte de soutien futur alors qu'elle considère que Marc Émond aurait pris sa retraite à l'âge de 62 ans. Pour cela, elle tient compte des statistiques d'âge moyen de retraite et de l'impact probable qu'aurait eu le cancer sur la vie professionnelle de Marc Émond.
[39] Le jugement est rendu le 7 septembre 2011.
[40] Le pourvoi pose essentiellement la question du lien causal entre les fautes des médecins et le décès de Marc Émond. Si la Cour conclut à une causalité suffisante, l'appelante suggère que la juge de première instance a aussi commis des erreurs dans l'évaluation du préjudice.
[41] Je formule ainsi les questions en litige :
Causalité
1. La juge de première instance a-t-elle raison de conclure que Marc Émond était atteint d'un cancer de stade IV au moment où les fautes ont été commises, soit en novembre 2005?
Préjudice
2. La juge de première instance commet-elle une erreur en estimant que l'âge probable de la retraite de Marc Émond est 62 ans?
3. La juge de première instance commet-elle une erreur en choisissant la méthode de dépendance croisée pour évaluer la perte de soutien futur?
4. Y a-t-il matière à intervenir pour les questions de provision pour impôts, des dépenses passées et futures et des dommages non pécuniaires?
[42] Concernant la causalité, les appelantes affirment que 78 % des personnes atteintes d'un cancer diagnostiqué de manière fortuite, le sont de stade I. À leur avis, cette statistique s'applique au cas de Marc Émond. Ce serait aux intimés de démontrer le contraire et ceux-ci n'y seraient pas parvenus.
[43] Les appelantes plaident que l'opinion de l'expert des intimés s'appuie uniquement sur des hypothèses et que son interprétation rétroactive de la radiographie de novembre 2005 n'est pas basée sur une technique approuvée par la science. Précisément, ils soutiennent que leurs experts, ainsi que le docteur O'Donovan, n'ont pas remarqué de proéminence sur cette radiographie. L'expert des intimés serait donc la seule personne à l'avoir vue.
[44] Concernant le préjudice, les appelantes plaident que la juge erre en estimant que Marc Émond aurait pris sa retraite à l'âge de 62 ans. Ils font valoir que la preuve montre plutôt qu'il aurait pris sa retraite vers l'âge de 68 ans. Ils plaident donc l'erreur de fait.
[45] Ensuite, ils plaident que la méthode retenue par la juge pour calculer la perte de soutien futur est inappropriée suivant la preuve présentée au procès. Ils font valoir que le résultat ne permet pas de réparer l'intégralité du préjudice qu'ils subissent.
[46] Les intimés insistent sur la norme d'intervention en appel.
[47] Ils plaident, concernant la causalité, que la juge fonde son opinion sur la preuve administrée au procès. Précisément, ils affirment qu'elle a raison de rejeter la thèse des experts des appelantes.
[48] Pour ce qui est de l'évaluation du préjudice, les intimés croient que la juge a raison d'estimer l'âge de retraite de Marc Émond à 62 ans. Elle tient compte de l'impact probable de la maladie et des statistiques d'âge médian de retraite.
[49] Ensuite, les intimés plaident que la méthode de dépendance croisée, celle retenue par la juge pour calculer la perte de soutien futur, est appropriée. Elle permet de fidèlement tenir compte du fait que les deux conjoints travaillaient et qu'ils se partageaient les dépenses du ménage. Selon eux, il n'y a aucune erreur manifeste et déterminante dans l'analyse de la juge de première instance.
1. La juge de première instance a-t-elle raison de conclure que Marc Émond était atteint d'un cancer de stade IV au moment où les fautes ont été commises, soit en novembre 2005?
[50] Je dirai, dans un premier temps, que le dossier fait ressortir la différence entre un diagnostic clinique et un diagnostic pathologique.
[51] Le premier repose sur les impressions et hypothèses qui peuvent accompagner une série de symptômes, alors que le second se fonde sur une preuve scientifique qui découle des examens et des analyses de tissus.
[52] Dans le cas de Marc Émond, le diagnostic pathologique est posé en janvier 2007 alors qu’alerté par l’évolution de l’anomalie décelée aux mois de novembre 2005 et janvier 2007, on constate l’accroissement de la masse en décembre 2006 et on décide de procéder à des prélèvements en janvier 2007.
[53] Le diagnostic pathologique est nécessairement plus précis que le diagnostic clinique. On sait donc, avec précision, qu’en janvier 2007, Marc Émond en est à un stade évolué de la maladie, que son cancer s’est métastasé et que les cellules cancéreuses ont migré à l’extérieur du poumon. Il s'agit d’un cancer de stade IV. Le pronostic, pour ce type de cancer, est fatal à douze mois et un patient soumis à un traitement de chimiothérapie palliative pourra voir sa longévité prolongée de quelques mois et sa qualité de vie améliorée.
[54] Les trois médecins qui ont produit des expertises et qui ont témoigné au procès s’entendent sur cette question.
[55] Le véritable problème qui se pose est donc de déterminer le niveau d’évolution du cancer au moment de la faute qui se situe en novembre 2005 (pour ne pas avoir comparé les RX avec celles disponibles) et en janvier 2006 alors que la seconde radiographie prise, confirme la présence d’une anomalie et écarte en conséquence la possibilité, semble-t-il fréquente, d’une fausse alerte qui aurait pour origine les limites des radiographies comme outil de diagnostic.
[56] Il est impossible d’établir, de façon scientifique, l’état d’avancement du cancer de Marc Émond au mois de novembre 2005 ou au plus tard en janvier 2006. Il faut donc, à l’aune des règles qui prévalent légalement, procéder à un examen de la preuve qui déterminera s’il est probable qu’en novembre 2005 et janvier 2006, au moment où la faute est commise, que le cancer de Marc Émond était à un stade précoce et qu’à ce stade d’évolution de son cancer, son pronostic de guérison était favorable à tel point que, selon la balance des probabilités, il aurait été guéri.
[57] Donc, il ne s’agit pas de décider si la faute des médecins l’a privé d’une chance de guérison, mais s’il est probable qu’un diagnostic plus précoce aurait permis de le guérir.
[58] Je fais cette mise en garde pour tenir compte de ce qu’a décidé la Cour suprême dans Laferrière c. Lawson[4] qui exclut la perte d’une chance comme fait générateur de droit.
[59] Le juge Gonthier écrivait pour la majorité. Il rappelle le fardeau d’un demandeur en responsabilité civile et les étapes à franchir pour en arriver à une condamnation. Il écrit[5] :
Dans l'ensemble, non seulement je m'interroge sur la reconnaissance distincte d'une perte de chance sauf dans les cas classiques exceptionnels (comme celui du billet de loterie), mais encore il m'est certainement impossible de voir une raison d'étendre une forme aussi artificielle d'analyse au contexte médical lorsqu'il faut tenir compte de fautes d'omission ou de fautes résultant d'une action concurremment avec d'autres facteurs de causalité identifiables pour déterminer ce qui a engendré le résultat particulier, qu'il s'agisse de maladie ou de décès. Dans la mesure du possible, le tribunal doit examiner la question de la responsabilité en ayant à l'esprit les faits particuliers de l'espèce selon qu'ils se rattachent de façon concrète à la faute, à la causalité et au préjudice réel qui sont allégués dans l'espèce. Bien que les probabilités fassent incontestablement partie de l'évaluation de ces éléments pour décider de la responsabilité, j'hésite beaucoup à transporter l'analyse du plan concret à celui d'un calcul de probabilités.
Il importe de reconnaître que, dans les affaires où la preuve démontre qu'une procédure ou un traitement particuliers auraient probablement (bien que ce ne soit pas certain) produit un résultat positif, le patient pourra ordinairement être indemnisé en vertu de l'une et l'autre méthodes décrites plus haut. Cependant, si la chance elle-même donne lieu à indemnisation, l'indemnité ne sera fixée qu'en fonction du degré de probabilité. Si c'est le préjudice réellement causé qui fait l'objet d'une indemnisation, l'indemnité accordée sera fixée à la pleine valeur du préjudice réellement subi. Cette différence de résultat ressort des motifs majoritaires et minoritaires dans l'arrêt Lapointe.
Les affaires où la preuve est mince ou apparemment peu concluante présentent la plus grande difficulté. Il vaut peut-être la peine de redire qu'un juge sera influencé par les avis d'experts scientifiques exprimés sous forme de probabilités statistiques ou d'échantillonnages, mais il n'est pas lié par ce genre de preuve. Les conclusions scientifiques ne sont pas identiques aux conclusions juridiques. Récemment, notre Cour a dit clairement dans l'arrêt Snell c. Farrell, [1990] 2 R.C.S. 311, que "[l]a causalité n'a pas à être déterminée avec une précision scientifique" (p. 328) et qu'¨il n'est pas essentiel que les experts médicaux donnent un avis ferme à l'appui de la théorie de la causalité du demandeur" (p. 330). Notre Cour et la Cour d'appel du Québec ont fréquemment affirmé qu'il faut que la preuve du lien causal soit établie selon la prépondérance des probabilités compte tenu de toute la preuve soumise, c'est-à-dire la preuve factuelle, la preuve statistique et les faits dont le juge peut présumer l'existence. (Voir, par exemple, Shawinigan Engineering Company v. Naud, [1929] R.C.S. 341, aux pp. 343 à 345; Morin c. Blais, [1977] 1 R.C.S. 570, à la p. 580; Laurentide Motels Ltd. c. Beauport (Ville), [1989] 1 R.C.S. 705, à la p. 808; J.E. Construction Inc. c. General Motors du Canada Ltée, [1985] C.A. 275, à la p. 278; Dodds c. Schierz, [1986] R.J.Q. 2623 (C.A.), aux pp. 2635 et 2636.)
Si on prend comme exemple le cas où un médecin néglige d'utiliser la procédure recommandée dont on dit qu'elle comporte cinquante pour cent de chances d'entraîner une guérison complète, un juge n'est pas nécessairement lié par l'avis d'experts qui refusent de conclure que l'application de la procédure en cause au patient lui aurait évité l'état d'aggravation dans lequel il se trouve. Le juge pourrait fort bien être justifié de conclure que la procédure en cause aurait probablement été bénéfique pour le patient, si d'autres facteurs particuliers à ce demandeur étayent cette conclusion. Le devoir du juge consiste à évaluer le préjudice subi par un patient déterminé et non à demeurer figé par une abstraction statistique.
Dans le cas d'une procédure qui est recommandée, mais à laquelle l'avis d'experts n'attribue que vingt-cinq pour cent de chances de réussite, il peut rester possible de conclure que la faute commise par le médecin en ne recourant pas à cette procédure n'a pas joué un rôle causal dans le décès ou la maladie du patient. Si l'interrogatoire des experts est bien mené, le juge peut bien trouver qu'il lui est loisible de conclure que l'omission d'utiliser la procédure n'a pas causé le décès ou la maladie du patient, mais qu'elle lui a engendré d'autres résultats moins graves, mais nettement négatifs (par exemple, un léger abrègement de sa vie ou une augmentation de ses souffrances). La faute du médecin peut être considérée comme la cause de l'aggravation d'un état ou d'une maladie qui, de toute façon, était incurable.
Le demandeur peut invoquer, pour établir sa preuve, des présomptions (comme celles de l'art. 1205 C.c.B.-C.), des faits et des statistiques qui aideront le juge à apprécier ce que le juge Moisan décrit bien comme "la conduite [. . .] raisonnable et prudent[e]", "l'ordre naturel des choses", "l'enchaînement habituel des causes et des effets" et, de façon générale, "le déroulement normal et courant des événements". Le juge voudra porter particulièrement attention aux différentes propriétés causales de la faute du médecin ainsi qu'au caractère particulier du préjudice qui s'est manifesté. Dans certains cas où la faute comporte un danger manifeste pour la santé et la sécurité du patient et où ce danger s'est réalisé, il peut être logique pour le juge de présumer l'existence du lien de causalité entre la faute et ce préjudice "sous réserve d'une démonstration ou d'une forte indication du contraire" (Morin c. Blais, précité, à la p. 580, le juge Beetz). Si, après avoir tout considéré, le juge n'est pas convaincu que la faute a, selon son évaluation de la prépondérance des probabilités, causé quelque préjudice au patient, il doit refuser l'indemnisation. Faire autrement reviendrait à assujettir les médecins à un régime exceptionnel de responsabilité civile.
En conclusion, en toute déférence pour ceux qui ont exprimé d'autres opinions, je ne crois pas qu'il y a lieu d'incorporer dans le droit civil du Québec, en matière de responsabilité médicale, la théorie de la perte de chance, du moins de la façon dont on la comprend en France et en Belgique. En Cour d'appel, le juge Jacques affirme, sans plus, que la perte de chance est reconnue en common law. J'ai pris note du vigoureux débat qui se déroule aux États-Unis et je ne puis voir de prépondérance de la jurisprudence en faveur de la perte de chance dans ce pays. Au Royaume-Uni, la Chambre des lords a formulé des réserves au sujet de l'analyse fondée sur la perte de chance, mais elle n'a pas encore adopté de position définie sur la possibilité de l'appliquer: Hotson v. East Berkshire Area Health Authority, [1987] A.C. 750. J'ai aussi pris note de l'arrêt récent de notre Cour Snell c. Farrell, précité, qui, à mon avis, confirme les principes traditionnels de causalité bien appliqués.
Pour résumer, je formule les brèves observations générales suivantes:
· Les règles de la responsabilité civile exigent la preuve de la faute, de la causalité et du préjudice.
· Les actes et les omissions peuvent constituer une faute et les deux sont soumis à la même analyse pour ce qui a trait à la causalité.
· La causalité en droit n'est pas identique à la causalité scientifique.
· La causalité en droit doit être établie selon la prépondérance des probabilités, compte tenu de toute la preuve, c'est-à-dire la preuve factuelle, la preuve statistique et les présomptions.
· Dans certains cas, lorsqu'une faute comporte un danger manifeste et que ce danger se réalise, il peut être raisonnable de présumer l'existence du lien de causalité, sous réserve d'une démonstration ou d'une indication contraire.
· Une preuve statistique peut être utile à titre indicatif, mais elle n'est pas déterminante. Plus précisément, lorsqu'une preuve statistique n'établit pas la causalité selon la prépondérance des probabilités, la causalité en droit peut quand même exister lorsque l'ensemble de la preuve étaye une telle conclusion.
· Même si la preuve statistique et la preuve factuelle ne justifient pas de conclure à l'existence de causalité, selon la prépondérance des probabilités, à l'égard d'un préjudice particulier (c'est-à-dire le décès ou la maladie), ces mêmes preuves peuvent justifier de conclure à l'existence de causalité à l'égard d'un préjudice moindre (par exemple, un léger abrègement de la vie, une augmentation des souffrances).
· Il faut analyser la preuve avec soin pour déterminer la nature exacte de la faute ou du manquement à un devoir et ses conséquences de même que la nature particulière du préjudice subi par la victime.
· Si après considération de ces facteurs, le juge n'est pas convaincu, d'après son évaluation de la prépondérance des probabilités, que la faute a causé un préjudice réel quelconque, il doit rejeter la demande d'indemnisation.
[Transcrit tel quel]
[60] Je rappelle aussi qu’une Cour d’appel a un devoir de retenue quant aux constatations de fait d’un juge d’instance et que l’intervention n’est permise que lorsqu’il y a une erreur manifeste et déterminante du juge d’instance dans son appréciation de la preuve dont la démonstration appartient à l’appelant[6].
[61] Cette règle avait déjà, en matière de responsabilité médicale, été exposée dans Lapointe c. Hôpital Le Gardeur[7] où le juge L’Heureux-Dubé écrivait :
Le rôle d'une cour d'appel
C'est un principe bien établi qu'une cour d'appel ne doit pas modifier les déterminations et conclusions de fait d'un juge de première instance à moins d'erreur manifeste. Comme l'indiquait le juge Fauteux de notre Cour dans l'arrêt Dorval c. Bouvier, [1968] R.C.S. 288, à la p. 293:
En raison de la position privilégiée du juge qui préside au procès, voit, entend les parties et les témoins et en apprécie la tenue, il est de principe que l'opinion de celui-ci doit être traitée avec le plus grand respect par la Cour d'appel et que le devoir de celle-ci n'est pas de refaire le procès, ni d'intervenir pour substituer son appréciation de la preuve à celle du juge de première instance à moins qu'une erreur manifeste n'apparaisse aux raisons ou conclusions du jugement frappé d'appel.
La position privilégiée du juge des faits ne s'étend pas seulement aux témoignages des témoins ordinaires, mais aussi à ceux des témoins experts. À cet égard, le juge Spence a écrit dans l'arrêt Joseph Brant Memorial Hospital c. Koziol, [1978] 1 R.C.S. 491, à la p. 504:
Je suis fermement d'avis qu'il n'est pas de la fonction d'une cour d'appel de reconsidérer ces témoignages, qu'ils portent sur des faits bruts ou des questions d'opinion professionnelle, et d'en venir à une conclusion différente, à moins que l'on puisse montrer que la preuve ne pouvait raisonnablement justifier la conclusion atteinte par le juge de première instance. [Je souligne.]
Ce principe de non-intervention s'applique également lorsque la seule question en litige est l'interprétation de l'ensemble des éléments de preuve; voir l'arrêt Métivier c. Cadorette, [1977] 1 R.C.S. 371, à la p. 382.
Bien qu'une cour d'appel puisse réviser les conclusions de fait du juge de première instance, il n'est pas de sa fonction de procéder de novo. Le juge en chef Laskin l'a souligné dans l'arrêt Schreiber Brothers Ltd. c. Currie Products Ltd., [1980] 2 R.C.S. 78, à la p. 84:
Il va de soi que lorsque la crédibilité d'un témoin n'est pas en cause, une cour d'appel peut réviser les conclusions de fait d'un juge de première instance si ce dernier a omis d'étudier un élément de preuve pertinent ou a mal compris la preuve. Un appel, toutefois, n'est pas une nouvelle audition complète.
Si une cour d'appel modifie les conclusions de fait, elle doit le faire à partir d'erreurs commises par le juge de première instance. Dans l'arrêt Lensen c. Lensen, [1987] 2 R.C.S. 672, à la p. 683, le juge en chef Dickson indique le type d'erreurs susceptibles de donner lieu à une intervention en appel:
C'est un principe bien établi que les constatations de fait d'un juge de première instance, fondées sur la crédibilité des témoins, ne doivent pas être infirmées en appel à moins qu'il ne puisse être établi que le juge de première instance « a commis une erreur manifeste et dominante qui a faussé son appréciation des faits ». . .
Plus récemment, dans l'arrêt Laurentide Motels Ltd. c. Beauport (Ville), [1989] 1 R.C.S. 705, notre Cour a accueilli l'appel contre un arrêt de la Cour d'appel qui a infirmé les conclusions de fait du juge de première instance. Après examen de la jurisprudence, la Cour a statué à la p. 794:
Dans le domaine de l'appréciation juridique des faits par le juge du procès, ce qui importe c'est que ses conclusions soient basées par la preuve c'est-à-dire conformes à la preuve et qu'aucune preuve essentielle à l'issue du litige n'ait été ignorée . . .
[Transcrit tel quel]
[62] Donc, pour réussir, les appelantes doivent démontrer que, selon la balance des probabilités, les intimés avaient commis une faute et qu’ils ont subi un dommage qui est une conséquence directe et immédiate de la faute prouvée.
[63] Il n’y a pas d’allègement du fardeau de preuve du fait que la faute des intimés empêche de faire la preuve directe de l’un des éléments essentiels de la responsabilité.
[64] Ainsi, dans St-Jean c. Mercier, la Cour suprême rejette la théorie d’un fardeau de preuve allégé et même d’une inférence négative à tirer des difficultés de preuve découlant de la faute que le plaideur prétend génératrice de droit. Je réfère plus particulièrement au passage où le juge Gonthier écrit[8] :
[113] Quant aux conditions d’applicabilité des présomptions dans le contexte du droit civil, l’art. 2849 établit clairement qu’il ne faut prendre en considération que celles qui sont graves, précises et concordantes. À défaut, il incombe au demandeur d’établir effectivement le fait inconnu sans qu’il soit permis au juge des faits de tirer une inférence d’un fait connu à un fait inconnu.
[114] Je ne suis pas bien convaincu que la Cour d’appel a fait erreur en décidant de ne pas appliquer de présomptions de causalité en faveur de l’appelant. Dans Québec (Curateur public), précité, le juge L’Heureux-Dubé affirme, au par. 47, que les présomptions de fait sont un moyen de preuve parmi d’autres. Même s’il s’agissait d’une affaire dans laquelle le juge de première instance avait tiré des présomptions de fait, ses commentaires sur la non-intervention sont tout aussi pertinents lorsque le juge de première instance décide de ne pas faire de présomptions. Le refus de tirer des présomptions est autant une décision sur la preuve que tout autre acceptation ou refus de moyens de preuve.
[115] L’appelant avait des éléments de preuve à l’appui de sa demande : les radiographies initiales, les notes des médecins, les notes des infirmières, les observations de son ami Jocelyn Richard et les examens subséquents. L’article 2849 C.c.Q. prévoit que le tribunal ne doit prendre en considération que les présomptions qui sont graves, précises et concordantes. Ces conditions ne sont pas remplies en l’espèce. La preuve pointe dans des directions différentes et parfois opposées. Jutras, loc. cit., note 24, a raison de dire : « Dans les cas où la preuve par expert est controversée [. . .], les présomptions de fait sont donc de peu d’utilité, puisqu’il ne suffira pas d’affirmer que la faute est l’une des causes possibles. »
[116] La Cour d’appel déclare à bon droit qu’il ne suffit pas de montrer que le défendeur a créé un risque de préjudice et que le préjudice s’est ensuite réalisé dans l’aire de risque ainsi créée. Dans la mesure où cette notion est un moyen de preuve distinct comportant une norme moins exigeante à satisfaire, l’arrêt Snell et sans aucun doute l’arrêt Laferrière, précités, auraient dû mettre fin à ces tentatives de contourner les règles de preuve traditionnelles selon la prépondérance des probabilités. Il se peut que l’on ait mal interprété ce que je dis dans Laferrière, p. 609 : « Dans certains cas, lorsqu’une faute comporte un danger manifeste et que ce danger se réalise, il peut être raisonnable de présumer l’existence du lien de causalité, sous réserve d’une démonstration ou d’une indication contraire » (je souligne). Cet énoncé ne fait que répéter la règle traditionnelle applicable aux présomptions, et ne crée pas d’autres moyens de preuve en droit civil québécois relativement à l’établissement d’un lien de causalité. La Cour d’appel a eu raison de considérer que cet extrait avait trait aux présomptions dans le cadre des règles traditionnelles de causalité.
[Je souligne]
[65] C’est donc conscient de ces règles que j’aborde la question de la causalité en regard des faits mis en preuve.
[66] La théorie exposée par les médecins entendus au soutien de la demande et exprimée à la fois dans les expertises et à l’audience est que Marc Émond était atteint d’un cancer de stade I ou II et que pour ce type d’atteinte, dans le cas d’un cancer de stade I, le traitement est chirurgical et dans le cas d’un cancer de stade II, le traitement est chirurgical et de chimiothérapie. Les deux donnent ouverture à un pronostic favorable dans plus de 50 % des cas. Pour un patient en bonne santé, comme c’était le cas de Marc Émond, ce pronostic est majoré de 10 %.
[67] La théorie de la défense, telle que supportée par le docteur Ferraro, est que, comme le cancer évolue lentement, il est probable que dès le mois de janvier 2006 Marc Émond était déjà atteint d’un cancer de stade III ou IV, donc incurable. De sorte que, même sans la faute des médecins, il serait, de toute façon, décédé.
[68] La preuve des experts se résume ainsi :
[69] Les experts de la demande, les docteurs Langleben et Agulnik, sont d'avis que Marc Émond était atteint d'un cancer de stade I ou II (selon Agulnik) en novembre 2005. Cet avis se fonde sur ces éléments :
la dimension du nodule telle que révélée par la radiographie de novembre 2005 : elle est de moins de 3 cm;
une absence de signe d’atteinte aux ganglions;
une absence de symptôme chez Marc Émond;
le bon état de santé de Marc Émond à l'époque;
la durée de survie : qu'il n'aurait pas été possible de survivre de novembre 2005 à janvier 2007 en étant atteint d'un cancer de stade IV.
[70] Quant à lui, l'expert de la défense, le docteur Ferraro, est d'avis que Marc Émond était atteint d'un cancer de stade avancé dès novembre 2005. Il fonde son opinion sur ces éléments :
L'évolution lente du cancer pulmonaire, surtout chez les patients non-fumeurs;
L'ombrage décelé sur les tests cliniques indique la présence de métastases ganglionnaires;
La statistique selon laquelle la grande majorité des patients se voient diagnostiquer à un stade avancé du cancer.
[71] La juge estime qu'elle ne peut retenir l'approche des experts de la demande, car si elle se fiait à leurs critères, elle serait forcée de conclure que Marc Émond était toujours atteint d'un cancer de stade I en janvier 2007 alors qu'on sait avec certitude qu'il était atteint d'un cancer de stade IV à cette époque[9] :
[127] Or, le Tribunal constate qu’en fonction des critères qui guident les experts de la demande, il serait forcé de conclure que le patient était toujours atteint d’un cancer de stade I en décembre 2006, ce qui n’est pas le cas.
[128] En effet, en décembre 2006, la dimension de la lésion était alors toujours inférieure à 3 cm, le patient ne présentait aucun symptôme, en plus d’avoir un bon état de santé général et ce, même en janvier 2007, tel qu’il apparaît des résultats de son évaluation annuelle et des notes au dossier du Dr Agulnik.
[129] Pourtant, le CT Scan obtenu par la suite en décembre 2006 révélait un cancer de stade III avancé qui, avec la précision des résultats du PET Scan obtenus en janvier 2007, se révélait de stade IV.
[Références omises]
[72] La juge reconnaît que la survie de Marc Émond défie les statistiques : « Selon le docteur Ferraro, la survie de Monsieur Émond entre novembre 2005 et décembre 2006 défie les statistiques, mais peut, tout comme l’apparition tardive de ses symptômes, s’expliquer par son bon état de santé général »[10]. En effet, selon la thèse de la défense, Marc Émond aurait été atteint d'un cancer de stade III ou IV à partir de novembre 2005. Il aurait vécu avec un cancer avancé sans aucun traitement jusqu'au diagnostic de janvier 2007 (13 mois). À partir de cette date, avec des traitements, on sait que Marc Émond a vécu 17 mois atteint d'un cancer de stade IV.
[73] Selon les experts de la demande, il est possible pour une personne atteinte d'un cancer de stade IV de survivre 17 mois avec des traitements, car les traitements ont pour effet de ralentir le cancer. Comme l'explique bien le docteur Langleben, si le cancer de Marc Émond était rendu à un stade IV en janvier 2007, la durée de sa survie se situerait dans la moyenne : « I'm sorry to say this, he died exactly on schedule ».
[74] En outre, le docteur Langleben exprime l'avis que si Marc Émond était atteint d'un cancer de stade avancé en novembre 2005, il serait décédé dans l'année, ou du moins, il n'aurait pu parcourir des milliers de kilomètres à bicyclette à l'été 2007. Le docteur Agulnik, expert en oncologie, exprime le même avis : les patients atteints d'un cancer de stade IV et qui ne reçoivent aucun traitement vivent moins de 12 mois.
[75] À ce sujet, l'expert de la défense répond par deux éléments : que la progression du cancer pulmonaire chez les non-fumeurs est lente et que Marc Émond était une personne en très bonne santé.
[76] Pour le premier élément, l'expert de la défense admet cependant qu'il n'existe aucune étude sur le rythme de la progression du cancer lorsque le malade n'est pas traité. On ne sait pas à quel rythme un cancer peut progresser du premier au dernier stade. D'ailleurs, l'éthique en recherche ne permettait pas de laisser un patient de stade I sans traitement pour connaître la vitesse d'évolution de son cancer. En conséquence, je ne crois pas que la juge peut retenir cet élément comme elle le fait au paragraphe 141 de sa décision[11] :
[141] Finalement, compte tenu du rythme de progression de la maladie rapportée par la littérature médicale et de l’étendue du cancer constatée en décembre 2006, le Tribunal ne peut conclure qu’en l’espèce le cancer était à un stade I du fait qu’il ait été découvert par hasard.
[77] Pour le deuxième élément, je ne crois pas qu'on puisse dire que la bonne santé de Marc Émond explique une progression lente de la maladie, surtout pour la période avant le début des traitements de chimiothérapie. En l'espèce, le docteur Langleben explique plutôt que la survie d'un patient atteint d'un cancer de stade IV et qui est en excellente santé est d'environ 8 mois. Il ajoute qu'avec des traitements de chimiothérapie, la vie peut être prolongée d'environ 6 mois et que certaines personnes vivent une période supplémentaire allant jusqu'à 4 mois. Dans le cas de Marc Émond, sa survie devrait être de 14 à 18 mois à partir du début du stade IV de la maladie.
[78] Or, si on retient la thèse de la défense, Marc Émond aurait survécu près de 30 mois, alors atteint d'un stade avancé du cancer et n’ayant reçu aucun traitement pendant les 13 premiers mois. Rien dans la preuve ne permet de croire qu'il est probable de vivre aussi longtemps d'un cancer de stade avancé, surtout lorsqu'il existe un tel délai dans le traitement.
[79] Pour continuer, comme l'expliquent les appelantes dans leur mémoire, la thèse défendue par l'expert de la défense s'appuie sur la proéminence ou l'ombrage qui, selon lui, apparaît à la radiographie de novembre 2005. En effet, il s'agit d'un ombrage près du nodule malade. Avec le bénéfice des tests produits en janvier 2007, l'expert de la défense affirme que l'ombrage est signe d'un cancer avancé, car il s'agirait de l'infection à un ganglion. Or, les deux experts de la demande ainsi que l'intimé, le docteur O'Donovan, ne voient pas de proéminence sur la radiographie.
[80] L'expert en défense explique bien qu'il voit la proéminence à la lumière des tests ultérieurs. Ensuite, il comprend que cette proéminence est une masse cancéreuse.
[81] Cependant, cette observation est-elle suffisante pour prouver, par présomption de fait, que Marc Émond était déjà atteint d'un cancer de stade avancé en novembre 2005? L'expert admet que l'ombrage est difficilement observable sur la première radiographie. Confronté à la contradiction entre l'hypothèse du médecin de la défense sur la durée de vie d'un cancer de stade IV et celle observée chez Marc Émond, ce seul élément ne peut permettre d'écarter la thèse de la demande. Comme le mentionnent mes collègues dont j'ai eu l'avantage de lire l'opinion, le docteur Ferraro lui-même reconnaît les limites de l'examen des radiographies comme outil diagnostique.
[82] D'une part, on sait que la majorité des patients chez qui on découvre le cancer du poumon sont ainsi diagnostiqués de manière fortuite. On sait que le volume du nodule entre novembre 2005 et janvier 2007 a augmenté d'au moins 4,6 fois. On sait aussi que selon les statistiques de la durée de survie, si le cancer de Marc Émond a atteint le stade IV en décembre 2006, il aurait survécu une période normale.
[83] D'autre part, la durée de survie selon la thèse des intimés est improbable : 30 mois, alors atteint d'un cancer avancé y compris une première période de 13 mois sans traitement. Cependant, l'expert affirme avec certitude qu'il décèle un ombrage sur la radiographie de novembre 2005 et, qu'ayant le bénéfice des tests ultérieurs, il y voit là le signe d'une infection à un ganglion compatible avec un cancer de stade avancé. Cette constatation est contraire à la position prise par les défendeurs eux-mêmes qui nient avoir commis une faute, n'ont vu aucun autre indice que le nodule qui, comme l'explique le docteur O'Donovan, était clairement définit. Il s'exprime ainsi lors de l'interrogatoire préalable[12] :
… Occasionally, when we see an apparent nodule on a chest x-ray it turns out to be an artefact; that is, when you repeat the film it is gone, or it was a combination of shadows that you misinterpreted as a nodule and the repeat film gives you more insight into what is happening, maybe because of the technique, and so that a repeat chest sometimes gives you new information that you would not have at this present time. What I was then adding to that was that probably we are going to find the same situation and that in that case that we probably should do a CT scan.
[84] La position de la défense est surprenante. Les médecins disent ne pas avoir commis de faute alors que les radiographies de novembre 2005 et janvier 2006 n'étaient pas concluantes, mais que par ailleurs ces radiographies corroborent l'existence d'un cancer de stade avancé à cause d'ombrages qui indiquent le degré d'avancement du cancer. Les intimés ne peuvent soutenir une chose et son contraire.
[85] La juge de première instance a préféré la théorie du docteur Ferraro et a rejeté la plus importante partie de la réclamation.
[86] À mon avis et je le dis avec le plus grand respect, tant pour le docteur Ferraro que la juge de première instance dont le jugement soigneusement rédigé fait voir l’application qu’elle a mise à l’étude et à la rédaction, l’ensemble de la preuve ne permet pas cette conclusion et je m’explique.
[87] La preuve révèle, de façon prépondérante, que Marc Émond était un homme en bonne santé et asymptomatique au moment où on lui passe les radiographies autant en novembre 2005 qu’en janvier et décembre 2006.
[88] Les trois médecins s’entendent pour dire qu’un cancer qui a évolué aux stades III ou IV est fatal à douze mois s’il n’est pas traité et qu’un traitement de chimiothérapie palliative pourra prolonger la vie du patient de quelques mois. J’en ai fait mention précédemment.
[89] La preuve révèle également que Marc Émond n’a subi aucun traitement entre novembre 2005 et janvier 2007.
[90] Selon donc l’opinion unanime des médecins et selon toute probabilité, Marc Émond serait mort au moment où on lui fait les biopsies qui confirment que son cancer en est à un stade IV.
[91] Mais il y a plus. Pour déterminer le stade d’évolution de son cancer au moment où la faute est commise, il faut se situer au mois de novembre 2005 ou au plus tard en janvier 2006, poser le diagnostic et établir un pronostic.
[92] Selon l’opinion unanime des médecins, si le cancer, je le répète, est à un stade III ou IV, le pronostic est fatal à douze mois maximum.
[93] Marc Émond est décédé 31 mois plus tard, soit le 6 juin 2008. La durée de sa survie de 31 mois, dans les conditions décrites par la preuve et les expertises, est improbable. Je retiens que, sur une balance de probabilité, on doit exclure que Marc Émond était atteint d’un cancer de stade III ou IV, ce qui démontre, selon la même balance de probabilité, qu’il était atteint, en novembre 2005, d’un cancer de stade I ou II.
[94] En outre, la Cour suprême enseigne que la causalité en droit n’est pas identique à la causalité exigée en science[13]. Elle explique dans l’arrêt Snell c. Farrell[14] que, contrairement au médecin expert, le juge ne recherche pas une causalité d’une précision scientifique. Elle précise ceci : « Par conséquent, il n’est pas essentiel que les experts médicaux donnent un avis ferme à l’appui de la théorie de la causalité du demandeur. Les experts médicaux déterminent habituellement l’existence de causalité en des termes de certitude, alors qu’une norme inférieure est exigée par le droit »[15]. En effet, la causalité devant les tribunaux doit être prouvée selon la balance des probabilités. En l’espèce, comme je l’ai expliqué précédemment, l’appelante a démontré, selon ce fardeau de preuve, que la faute reprochée aux intimés est la cause du décès de Marc Émond.
[95] Ceci étant, j’en viens à la conclusion que la juge commet une erreur lorsqu’elle retient le témoignage du docteur Ferraro pour conclure à un cancer de stade IV.
[96] Selon la balance des probabilités, il s’agissait d’un cancer de stade I ou II.
[97] Cette constatation n’emporte pas à elle seule que l’erreur était déterminante au point de justifier une intervention de la Cour.
[98] Il faut maintenant se demander quel aurait été le pronostic pour Marc Émond en tenant compte que la preuve par présomption de fait permet d’écarter qu’il était atteint d’un cancer de stade III ou IV, mais ne permet pas d’écarter un cancer de stade II puisque l’un ou l’autre des diagnostics de stade I ou II est encore possible.
[99] L’article 2849 du Code civil du Québec énonce que :
2849. Les présomptions qui ne sont pas établies par la loi sont laissées à l'appréciation du tribunal qui ne doit prendre en considération que celles qui sont graves, précises et concordantes. |
2849. Presumptions which are not established by law are left to the discretion of the court which shall take only serious, precise and concordant presumptions into consideration. |
[100] J’écarte en conséquence le témoignage du docteur Ferraro dont la conclusion est incompatible avec l’ensemble de la preuve incluant son propre témoignage sur la durée de survie d’un patient dont l’atteinte est celle à laquelle il conclut.
[101] Il reste donc les témoignages du docteur Algunik qui, bien que médecin traitant, a été admis à témoigner à titre d’expert et du docteur Langleben dont les services ont été retenus par les appelants.
[102] Les deux médecins concluent que Marc Émond était atteint d’un cancer de stade I ou IIA.
[103] Ce sont deux spécialistes du cancer. Dans son rapport du 12 mai 2009, le docteur Langleben écrit :
Cancer of the lung is not a static process. Growth occurs relentlessly, and the stage of disease changes over time. It is usually not possible to predict the growth rate of an individual patient’s cancer at the beginning of the illness. However in this case the ‘’natural history’’, that is to say, the growth and clinical progression if no therapeutic intervention is made, was clearly documented by the chest x-rays done in 2005 and 2006. It is possible to see what happened in this case when medical intervention did not occur.
It is clear in this case that the patient progressed from clinical Stage 1 to clinical Stage 4 between January 2006 and December 2006.
It also is clear that the x-ray did not change between November 2005 and January 2006, thus defining a time period during which he could have been investigated and treated for early stage cancer.
It is because of this type of progression, so clearly documented between January 2006 and December 2006, that medical care must be initiated as expeditiously as possible, once a new lesion or abnormality is found.
In reality this was the rationale for Mr. Edmond’s plan of health care. He was supposed to be checked regularly, and to establish a normal baseline, while symptom free, in order to be able to identify any changes from baseline, and thereby to detect early stage disease, and hopefully improve the outcome of any illness found.
Prognosis by tumor stage :
While it is not possible to absolutely determine a particular patients’ outcome prospectively, it is certainly appropriate to refer to data about large groups of similar patients to determine prognosis and appropriate therapy.
The prognosis for Stage 1 lung cancer is much better than for Stage 4 lung cancer. Between 50% and 60% of Stage 1 lung cancers can be cured by surgery, and are alive at 5 years. By contrast, less than 4% of Stage 4 lung cancer patients are alive at 5 years.
Furthermore, it has been clearly documented in early stage lung cancer that patients who are ‘’healthy’’ have a better prognosis and have substantially improved survival. He was judged to be such a healthy patient.
If diagnosed in 2005 or early 2006, the patient’s prognosis could have been even further improved by the use of adjuvant chemotherapy, which would possibly have been offered to him after resection, depending on the pathologic findings at time of operation. Disease free survival was shown in early 2005 to be improved by such therapy, and this therapy was available in Montreal at that time. Because the diagnosis was not made at that time, he was denied this additional opportunity.
Summary: 1) The chest x-ray performed in November 2005 was not compared with chest x-rays previously interpreted in the same center (Ellendale Radiology). Accordingly the report was not accurate, in that it should have stated that a new lesion was detected.
2) The report of the November 2005 chest x-ray was not compared by the treating physician and Physimed team with chest x-ray reports of previous x-rays that were readily available in the patient’s chart. This resulted in a failure to recognize the presence of the new lesion.
[104] Le docteur Agulnik, quant à lui dans son rapport du 17 août 2010 écrit :
Mr. Émond was referred to me by Dr. Nathan Sheiner, Thoracic Surgeon, in January 2007. During the initial visit, a complete review of his history, radiologic tests and physical exam was done. Further tests including bronchoscopy and PET scan were arranged in order to obtain a diagnosis and stage of disease which would enable me to determine the most appropriate treatment plan. These tests determined that Mr. Émond unfortunately had stage 4 non-small cell lung cancer and surgical resection was not a treatment option. The patient received four lines of systemic chemotherapy as palliative treatment and died on June 6, 2008.
At the time of my initial investigation of the patient in January 2007, I believe that in November 2005 the patient’s lung cancer was at an early and potentially curable stage (5 years survival between 60-80% for stage I and 40-60% for stage II). However, at that time he would have required further tests including a CT scan and PET scan to fully stage him. A young, otherwise healthy, and asymptomatic patient (such as Mr. Émond in November 2005) who, on chest X-ray presents with a ‘’spot on the lung’’ (ill-defined 1.5 - 2 cm. nodule) is most likely at an early stage. The fact that he progressed to Stage IV in 14 months did not make me think at that time (nor at this time) that he had an advanced stage lung cancer when he initially presented in November 2005. It is very unpredictable how fast lung cancer in any patient will progress and that is precisely why it is so important to have early diagnosis and treatment.
To my knowledge, the only data available (in November 2005 and today) is that surgery has a 40% - 80% cure rate in a patient with an early stage non-small cell lung cancer (stages I - II). There is no data that I am aware of which suggest that patients with an aggressive cancer, would have had a poorer prognosis if diagnosed earlier.
[105] Ayant écarté le témoignage du docteur Ferraro sur l’état d’avancement du cancer de Marc Émond au moment où la faute a été commise, il ne reste plus au dossier sur cette question que les expertises et témoignages des experts de la demande.
[106] Les deux médecins concluent à la présence d’un cancer encore précoce, qui opéré et le cas échéant, si le cancer est passé d’un stade I à IIA, traité par chimiothérapie, présente à plus de 50 % un pronostic de guérison favorable.
[107] L’opinion post-facto des médecins experts s’appuie sur l’examen des radiographies de novembre 2005 et janvier 2006.
[108] De tous les médecins entendus, seul le docteur Ferraro, y voit l’indice d’une atteinte ganglionnaire. Je l'ai mentionné précédemment.
[109] Le docteur O’Donovan, une partie à l’action, qui au surplus est radiologiste, n’a pas vu une telle atteinte.
[110] Je rappelle, si besoin est, que la juge de première instance n’écarte pas leurs témoignages, mais qu’elle préfère celui du docteur Ferraro, qui pour les motifs que je donnais précédemment, ne pouvait être retenu.
[111] D’ailleurs, la question du pronostic favorable dans le cas d’un cancer de stade I ou II est reconnue par la juge de première instance lorsqu’elle écrit[16] :
[113] En fonction de la littérature médicale évoquée par les experts et suivant le stade établi par biopsie, le pronostic varie. Il est de 70 % chez le patient atteint d'un cancer du poumon de stade I. Il varie entre 40 % et 50 % au stade II. Toutefois, lorsqu'une résection chirurgicale a lieu au stade II et qu'elle est conjuguée à la chimiothérapie adjuvante, les chances de guérison sont alors bonifiées de 10 % et se situent alors à environ 55 %. Au stade III, le patient présente un taux de survie beaucoup plus modeste, soit de 10 à 15 %. Au stade IV, il est presque nul, de 0 % à 1 %.
[112] Cette constatation s’appuie sur la preuve.
[113] Ne pouvant conclure, selon la balance des probabilités que le cancer de Marc Émond était à un stade III ou IV, il fallait donc conclure à un stade I ou II. Je l’ai déjà écrit.
[114] Partant de cette conclusion et m’appuyant sur celle de la juge de première instance quant aux chances de guérison d’un cancer de stade I ou II, j’en conclus que les appelantes ont satisfait à leur fardeau de preuve et ont établi un lien de causalité entre la faute et les dommages.
[115] L’appelante formule plusieurs reproches à la juge de première instance quant à l’évaluation des dommages. Plus précisément, elle nous demande de reconsidérer les aspects suivants :
Ø l’âge probable de la retraite de Marc Émond;
Ø le choix de la méthode de dépendance croisée pour évaluer la perte de soutien futur;
Ø dépenses passées et futures;
Ø la provision pour impôts;
Ø dommages non pécuniaires.
[116] En principe, l'évaluation des dommages-intérêts relève du juge de première instance. La Cour doit donc faire preuve de déférence et s’abstenir d’intervenir et de modifier le quantum des dommages-intérêts « pour le simple motif qu’elle aurait accordé un montant différent »[17]. Ce n’est qu’en présence de l’application d’un principe de droit erroné ou si la somme accordée constitue une indemnisation manifestement incorrecte du préjudice, qu’il pourrait y avoir intervention[18].
[117] Or, les appelantes ne démontrent aucune erreur manifeste et déterminante dans l’évaluation des dommages faite par la juge. Il n’y a pas motifs à intervention. Par contre, de nouveaux calculs actuariels ont été produits à la Cour dont nous devons tenir compte.
[118] L'âge probable de la retraite de Marc Émond — La juge a estimé que Marc Émond aurait vraisemblablement pris sa retraite vers l’âge de 62 ans. Sa détermination est basée sur les facteurs suivants : la statistique relative à l’âge médian de la retraite des hommes au Canada (61,8 ans) et l’impact probable qu’aurait eu le cancer sur la vie de Marc Émond.
[119] Il est vrai que la preuve démontre le désir de Marc Émond de travailler longtemps. Toutefois, la décision de la juge est raisonnable et tient compte de la situation particulière de la victime.
[120] Le choix de la méthode de dépendance croisée — Le calcul de la perte de soutien futur pour les victimes par ricochet s'avère souvent un exercice très complexe.
[121] Une fois l’âge probable de retraite déterminée et le salaire de la victime calculé jusqu’à sa retraite, nous devons établir la portion du salaire consacrée aux victimes par ricochet, dans le présent cas, aux appelantes. La méthode de calcul doit viser la réparation intégrale sans toutefois excéder celle-ci. Comme l'écrivent Baudouin et Deslauriers : « L'auteur du préjudice est tenu de réparer le dommage, rien que le dommage, mais tout le dommage que sa faute ou son fait a causé à la victime. »[19]
[122] Deux méthodes sont employées pour calculer la perte de soutien futur. La juge a bien compris la différence entre les deux méthodes[20] :
[183] L’expert de la demande, Marc Morissette, préconise la méthode dite « Single Modified Dependency » (« dépendance simple modifiée »).
[184] Marc Guertin privilégie en défense la méthode « Cross-Dependency » (« dépendance croisée ») qui reflète mieux selon lui la réalité contemporaine, où les deux conjoints gagnent des revenus.
[185] La méthode de dépendance croisée consiste à cumuler les revenus après impôts du défunt et du conjoint survivant et à calculer le montant correspondant au maintien du niveau de vie de la famille, en multipliant la totalité des revenus nets par 70 %, puis en soustrayant les revenus nets du conjoint survivant.
[186] La méthode de la dépendance simple modifiée consiste plutôt à calculer un pourcentage des revenus totaux après impôts du défunt, généralement 70 % sans tenir compte des revenus du conjoint survivant. En l’espèce, l’expert de la demande propose toutefois un calcul établi à 65 % pour tenir compte du fait que la demanderesse générait certains revenus.
[Références omises]
[123] Soulignons que la méthode dite de dépendance simple (« Single Dependency ») est souvent utilisée dans les cas des familles où le conjoint pourvoyeur décède[21].
[124] L’évaluation s’avère plus complexe lorsqu'on est en présence d’une famille où chacun des conjoints a un revenu. Le professeur Gardner présente ainsi l'hypothèse du double revenu[22] :
452 - L'hypothèse du double revenu. La présence croissante des femmes sur le marché du travail est un phénomène que l'on ne peut négliger. Le taux d'emploi des Québécoises est passé de 41 % en 1976 à 69 % en 2007, même en tenant compte de celles qui ont de jeunes enfants. Quelle importance doit-on donner au deuxième revenu lorsque vient le temps de calculer le pourcentage d'utilisation du revenu du de cujus à des fins non personnelles? La jurisprudence s'est traditionnellement peu intéressée au sujet, soit en évaluant la perte de soutien financier de façon arbitraire, soit en appliquant le pourcentage habituel de 70 % du revenu net, soit enfin parce que le pourcentage réduit qui est retenu n'est pas expliqué.
Hors Québec, ce problème fait l'objet de débats beaucoup plus vigoureux. Doit-on traiter chacun des revenus de façon indépendante et accorder au conjoint survivant 70 % du revenu net du défunt (sole dependency approach)? Doit-on plutôt additionner les deux revenus, en retenir 70 % pour ensuite déduire de ce montant le salaire du conjoint survivant (cross dependency approach)? Dans cette dernière hypothèse, le conjoint qui avait un revenu nettement plus élevé risque de ne toucher aucune indemnité puisque son salaire est supérieur au 70 % de la valeur combinée des deux revenus. Face à cette situation, la jurisprudence - surtout ontarienne - penche de plus en plus pour l'adoption d'une méthode appelée modified sole dependency approach, en vertu de laquelle seul le revenu du défunt est considéré mais où le pourcentage de ce revenu consacré à ses proches est réduit. Cette nouvelle approche est utilisée afin de refléter « the reality that there must be some savings from the fact that there is one less member in the family unit ». […]
[Références omises]
[125] Le choix de la méthode relève du pouvoir discrétionnaire du juge dont le rôle est d'évaluer la valeur de la dépendance économique qui existe entre les époux[23]. Comme le souligne avec acuité le professeur Gardner, le rôle du tribunal « consiste à vérifier si les probabilités sur lesquelles ils [les actuaires] fondent leurs calculs correspondent à la preuve »[24].
[126] En l'espèce, les faits justifient le choix de la méthode de dépendance croisée. Les deux conjoints gagnent un revenu. Quoique l'appelante gagne environ 73 % du revenu du défunt[25], les deux partageaient les charges du ménage : hypothèque, frais scolaires pour leur fils, assurances et les divers comptes[26] et versaient périodiquement de l'argent dans leur compte conjoint[27]. La solution retenue par la juge de première instance tient compte de la responsabilité financière assumée par chacun des conjoints.
[127] En conséquence, tel que le démontre les nouveaux calculs effectués par l’actuaire Morissette le 11 octobre 2013, les sommes accordées constituent une indemnisation adéquate du préjudice subi par l'appelante (516 231 $) et par son fils (74 486 $).
[128] Dépenses passées — Les dépenses passées retenues par la juge s’élèvent à la somme de 82 555,54 $[28]. Ce montant représente les diverses dépenses dont le coût a été défrayé par l’appelante. Il doit porter intérêt à compter de la date de l’assignation.
[129] Dépenses futures — La juge a retenu que certains montants doivent être octroyés à titre de dépenses futures. Toutefois, elle estime avec raison que le calcul d’une majoration actuarielle doit être fait, applicable à compter du 1er janvier 2011. Les dépenses futures qu’elle retient sont les suivantes :
Aide aux devoirs : |
7 000 $ par année jusqu’en 2016 |
Aide à domicile : |
17 680 $ par année de 2011 à 2013, et 8 840 $ par année de 2014 à 2024 |
Coût d’assurance médicaments : |
1 660 $ par année jusqu’en 2024 |
Travaux d’entretien : |
3 000 $ par année du 1er janvier 2011 à la date du 70e anniversaire de naissance de Marc Émond (27 avril 2031) |
[130] Dommages non pécuniaires — La juge aurait octroyé à l’appelante 115 000 $ et à son fils 60 000 $ pour compenser les dommages moraux. Il n'y a pas lieu d'intervenir sur l'évaluation du préjudice moral, les montants étant raisonnables. Ils doivent porter intérêts à compter de la date de décès de Marc Émond.
[131] La juge a prévu, pour les souffrances psychologiques causées par le diagnostic tardif, octroyer à la succession de Marc Émond la somme de 45 000 $ et à l’appelante la somme de 25 000 $. Il n’y a pas matière à intervention.
[132] En outre, la juge aurait accordé à l’appelante, à titre d’héritière de Marc Émond, une indemnité pour la souffrance vécue par ce dernier, entre le moment de la faute et celui du décès. La somme de 50 000 $ retenue par la juge est adéquate et de ce fait, non sujette à intervention.
[133] Provision pour impôts — L'appelante souligne que la juge de première instance retient la méthode de calcul de la provision pour impôts de son expert-actuaire. Cependant, elle fait valoir que la juge n'a pas quantifié le montant.
[134] Il est en effet approprié afin d’assurer la réparation intégrale du préjudice subi de calculer une provision pour impôts suivant la méthode retenue par l’actuaire Morissette. À cet égard, voici l’analyse de la juge de première instance[29] :
[208] L’objectif de la provision pour impôts est de prévoir une somme pour compenser l’impôt que la demanderesse aura à payer sur les intérêts du montant d’indemnité qui pourrait lui être versé.
[209] Selon les défendeurs, l’emploi du taux net d’actualisation (3,25 %) et du taux d’inflation (2,5 %) pour un taux combiné de 5,89 % tel que le préconise la demanderesse ne correspond pas au rendement qu’elle pourrait faire en investissant les sommes qui pourraient lui être octroyées. Selon eux, l’emploi du taux retenu par Monsieur Guertin de l’ordre de 4 % a l’avantage de refléter la réalité du marché.
[210] Toutefois, à la lumière de l’article 1614 C.c.Q., le Tribunal ne retient pas cet argument qui ne tient pas compte du taux d’actualisation prescrit par règlement. Selon le Tribunal, il y aurait eu lieu d’appliquer le taux combiné de 5.89 % comme le soutient la demande.
[Références omises]
[135] En conséquence, il est approprié d’accorder une provision pour impôts pour les intérêts qu’elle recevra des montants concernant la perte de soutien futur et les dépenses futures. Dans le document envoyé à la Cour durant son délibéré, les montants ont été quantifiés, soit 32 929 $ de provision pour impôts pour l’appelante.
[136] Voici en résumé, les montants qui doivent être octroyés à l’appelante :
A) Pour Cathie St-Germain, à titre d’héritière de feu Marc Émond : |
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a. Dommages non pécuniaires : (50 000 $ + 45 000 $) |
95 000,00 $ |
B) À Cathie St-Germain, personnellement : |
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a. Dommages non pécuniaires : (115 000 $ + 25 000 $) |
140 000,00 $ |
b. Perte de soutien financier : |
516 231,00 $ |
c. Provision pour impôts pour perte de soutien futur : |
32 929,00 $ |
d. Dépenses passées : |
82 555,54 $ |
e. Dépenses futures : |
à être actualisées |
f. Provision pour impôts pour dépenses futures |
à être actualisées |
C) Au fils, personnellement : |
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a. Dommages non pécuniaires : |
60 000,00 $ |
b. Perte de soutien financier : |
74 486,00 $ |
c. Provision pour impôts pour perte de soutien futur : |
s.o. |
[137] Je suggère donc d’accueillir en partie l’appel, avec dépens et d’infirmer le jugement à la seule fin de modifier le paragraphe [253] du jugement de première instance afin qu’il se lise dorénavant comme suit :
[253] CONDAMNE les défendeurs solidairement à verser à la demanderesse en sa qualité de légataire universelle de feu Marc Émond la somme de 95 000 $ (45 000 $ + 50 000 $) plus intérêts et indemnité additionnelle calculés sur cette somme à compter de la date d'assignation;
[253-A] CONDAMNE solidairement les intimés à verser à Cathie St-Germain la somme de 549 160 $ (516 231 $ + 32 929 $) avec les intérêts et l’indemnité additionnelle depuis le 6 juin 2008;
[253-B] CONDAMNE solidairement les intimés à verser à Cathie St-Germain 222 555,54 $ (140 000 $ + 82 555,54 $) avec les intérêts et l’indemnité additionnelle depuis la date de l’assignation;
[253-C] CONDAMNE solidairement les intimés à verser à Cathie St-Germain en sa qualité de tutrice de son fils mineur la somme de 74 486 $ avec les intérêts et l’indemnité additionnelle depuis le 6 juin 2008;
[253-D] CONDAMNE solidairement les intimés à verser à Cathie St-Germain en sa qualité de tutrice de son fils mineur la somme de 60 000 $ avec les intérêts et l’indemnité additionnelle depuis la date de l’assignation;
[253-E] ORDONNE qu’un calcul actuariel soit effectué pour les dépenses futures suivantes ainsi que la provision pour impôts qui en découle, selon les paramètres établis par la juge :
Aide aux devoirs : |
7 000 $ par année jusqu’en 2016 |
Aide à domicile : |
17 680 $ par année de 2011 à 2013, et 8 840 $ par année de 2014 à 2024 |
Coût d’assurance médicaments : |
1 660 $ par année jusqu’en 2024 |
Travaux d’entretien : |
3 000 $ par année du 1er janvier 2011 à la date du 70e anniversaire de naissance de Marc Émond (27 avril 2031) |
[253-F] Et en conséquence, CONDAMNE solidairement les intimés à payer le montant qui découlera du calcul actuariel, avec intérêts et indemnité additionnelle depuis le 1er janvier 2011, étant entendu que si un différend survient quant à cette question, il devra être soumis à la Cour supérieure.
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JACQUES R. FOURNIER, J.C.A. |
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REASONS OF KASIRER and BÉLANGER, JJ.A. |
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[138] We have had the advantage of reading the reasons of our colleague Fournier, J.A. and agree with him in the result that the appeal should be allowed. We agree, in particular, with his analysis that the judge made no reviewable error in her evaluation of the damages suffered by the appellants and that the respondents be condemned, solidarily, to pay the appellants the amounts identified in our colleague’s reasons.
[139] We have, however, arrived at our conclusion that the respondents’ fault caused the losses suffered by a different route from that proposed by Justice Fournier.
[140] With due respect for the trial judge, we are of the view that she erred in law in finding that the fault of the respondent physicians was not the probable cause of the losses associated with the death of Mr. Émond. While the judge provided an often exemplary account of the law applicable to causation in the section of her reasons entitled “Principes de droit applicables”, she did not apply the law correctly in her analysis of the evidence.
[141] Specifically, the judge did not apply what the Supreme Court of Canada has called an “unfavourable inference” of proof of causation against the respondents.[30] This adverse inference arose by reason of two circumstances, the existence of which she herself confirmed.
[142] First, by reason of the physicians’ negligence, it was impossible for the appellants to show scientifically, by direct evidence of staging of cancer, that the fault resulted in a delay in the treatment of the disease that ultimately caused Mr. Émond’s death. The judge should have taken into account the fact that it was the negligence of the respondents that undermined the appellants’ ability to prove the fact that Mr. Émond’s cancer was at an early stage in November 2005.
[143] Second, the appellants filed in evidence authoritative medical statistics that there was a 78% probability that the cancer was at stage I when it was discovered fortuitously. That “little affirmative evidence”, to use the expression of Sopinka J. in Snell,[31] served to discharge, prima facie, their burden of proving that Mr. Émond’s cancer was, on the balance of probabilities, at stage I at that time.
[144] In the absence of proof to the contrary, the combination of these two facts - the impossibility of proving causation by reason of the physicians’ fault and the statistical proof that Mr. Émond was likely at stage I - gave rise to the adverse inference that the negligence had caused the losses connected to his death. The respondents failed to provide a concrete answer to the prima facie statistical proof by showing that Mr. Émond was among the 22% of persons for whom a fortuitous discovery of cancer is at a later, inoperable stage.
[145] Applying the ultimate burden of proof - which, of course, always rests with the plaintiffs - we are of the respectful view that the judge should have found the unanswered statistical proof advanced by the appellants allowed causation to be inferred, to the disadvantage of the respondents, given the absence of concrete evidence to the contrary.
[146] With due regard for the trial judge’s opinion, causation was therefore established on the balance of probabilities and the judge should have found the negligent doctors civilly liable for the losses resulting from Mr. Émond’s death.
[147] We hasten to say, in fairness of the trial judge, that the application of the negative inference in instances of medical liability is rare in Quebec law: indeed, on the facts in St. Jean, it was not applied by the Supreme Court in that case. It bears mentioning that courts have sometimes wrongly confused it with a reversal of the burden of proof, a mistake the judge did not make in her carefully-written reasons.
***
[148] Fournier, J.A. has provided a useful account of the facts. The following review is intended only to highlight the application of the inference of causation in this case.
[149] The trial judge found that, when reviewing the results of Mr. Émond’s chest X-rays in November 2005 and January 2006, the defendant physicians had failed to compare the images to his previous medical records and they had failed to take reasonable steps to determine if the lesion on the X-rays was an indication of cancer. On that basis, the judge decided that appellants Cathie St-Germain and estate Marc Émond had established fault. The respondents Dr. Albert Benhaim (Mr. Émond’s family physician) and Dr. Michael O’Donovan (a radiologist) have chosen not to contest that finding on appeal.
[150] By December 2006, and no later than January 2007 when Mr. Émond was diagnosed with stage IV cancer, it was too late to operate. He underwent some chemotherapy treatment but died in June 2008.
[151] The crux of the matter is whether the respondents' fault caused, in law, the appellants’ losses associated with the death of Mr. Émond.
[152] The trial judge was called on to decide whether the delay in obtaining a pathological diagnosis - the delay that was unquestionably brought about by the doctors’ negligence - caused Mr. Émond’s death or whether that death would have occurred irrespective of their negligence because of his pre-existing medical condition.
[153] No one disputes that as a relatively young man, a non-smoker, and someone who was both physically fit and asymptomatic, Mr. Émond was an unlikely candidate for lung cancer. No one disputes that the discovery of the lesion on the X-ray in November 2005 was fortuitous. No one disputes that in January 2007, when he was formally diagnosed at stage IV, that Mr. Émond remained asymptomatic.
[154] The appellants’ experts Dr. Jason Agulnik (a pulmonary oncologist) and Dr. Adrian Langleben (an oncologist) were of the view that Mr. Émond’s cancer was at stage I, or at worst stage IIA, in November 2005. On that basis, they considered that it was operable and that he would probably have recovered from the illness with proper treatment. The delay of about 12 to 14 months between the first X-ray and the formal diagnosis in January 2007 - delay attributable to the errors of the respondents - meant that Mr. Émond’s condition became incurable. The appellants argue, on the strength of those medical opinions, that the physicians’ failure to provide Mr. Émond with timely testing for a pathological diagnosis of his condition was therefore the cause of death.
[155] The respondent’s expert Dr. Pasquale Ferraro (a thoracic surgeon) was of a contrary view: he considered that Mr. Émond’ cancer was at stage III or IV in November 2005. He testified that at the time of the respondents’ errors, the cancer was already inoperable. The respondents rely on this opinion to argue that their mistakes did not, in law, cause Mr. Émond’s death.
[156] The experts on both sides indeed took very different views of the evidence. For Dr. Agulnik and Dr. Langleben, the time elapsed from November 2005 to December 2006 fit with the progression of lung cancer from stage I to stage IV of the disease. They testified that it was unlikely that he survive that long with untreated stage III or stage IV cancer. Even taking into account the chemotherapy treatment he received from February 2007, they opined that it was unlikely that he survive 31 months from November 2005 to June 2008 if he had been at stage III or IV at the time of the respondents’ wrongful conduct. They noted that, statistically speaking, for 78% of persons for whom cancer is fortuitously discovered, cancer is in an early stage. All these features of the case led them to conclude that Mr. Émond was most likely at stage I or stage II of the disease in November 2005.
[157] On this view, the negligence caused Mr. Émond’s death. In his report, Dr. Agulnik wrote:
At the time of my initial investigation of the patient in January 2007, I believe that in November 2005 the patient’s lung cancer was at an early and potentially curable stage (5 year survival between 60-80% for stage I and 40-60% for stage II). However, at that time he would have required further tests including a CT scan and PET scan to fully stage him. A young, otherwise healthy and asymptomatic patient (such as Mr. Émond in November 2005) who, on chest X-ray presents with a “spot on the lung” (ill-defined 1.5 to 2 cm nodule) is most likely at an early stage. The fact that he progressed to Stage IV in 14 months did not make me think at that time (nor at this time) that he had an advanced stage lung cancer when he initially presented in November 2005. It is very unpredictable how fast lung cancer in any patient will progress and that is precisely why it is so important to have early diagnosis and treatment.
[158] Dr. Langleben agreed. After observing that a delay in diagnosis of one year occurred after the initial X-ray, Dr. Langleben wrote in his report that it is “extremely plausible” that Mr. Émond was at stage I in November 2005. “It is clear in this case”, he continued, “that the patient progressed from clinical Stage 1 to clinical Stage 4 between January 2006 and December 2006”.
[159] Conversely, Dr. Ferraro testified for the respondents that it was very unlikely that the disease would have progressed from stage I to stage IV in 12 months and that it was more probable that it progressed from a stage III to a stage IV between November 2005 and December 2006. He said that it was not unusual that a patient with untreated stage III lung cancer survive 12 months, noting that the patient was in particularly good heath. As for the length of time between the first X-ray and death, Dr. Ferraro noted that Mr Émond was treated with chemotherapy for a portion of the time after February 2007 which likely slowed the progression of the disease. In his expert report, he explained that his opinion was based in part on a retrospective reading of the November 2005 X-ray undertaken on the strength of information obtained from the CT scan and the PET scan administered in December 2006. In that report, he wrote:
Dans le cas présent, lorsque la lésion pulmonaire a été identifiée pour la première fois (novembre 2005), il s’agissait fort probablement déjà d’une lésion de stade III ou IV. Il y a deux arguments principaux pour supporter cette hypothèse : Premièrement, la révision des films radiologiques confirme la proéminence du hile pulmonaire droit en novembre 2005 ce qui serait compatible avec la présence de métastases ganglionnaires. Ceci nous permet de conclure qu’il s’agissait déjà d’une lésion de stade avancée (stade III). Deuxièmement, il est très peu probable qu’un cancer progresse d'un stade I à un stade IV en seulement 12 mois. En temps normal, un cancer pulmonaire de 1,5 cm (stade I) peur prendre jusqu’à trois ans pour atteindre un stade IV.
[160] In other words, the judge was confronted with apparently conflicting expert opinions from the appellants and respondents in respect of causation. She had to determine whether, as a matter of fact, the appellants had proved on the balance of probabilities whether the cancer was operable in November 2005 when the faults were committed. There was no “pathological” evidence - i.e. no biopsy or like test - that could confirm the stage of development of Mr. Émond’s lung cancer. Based on the certainty of the diagnosis of stage IV in January 2007, both parties “looked back” at the evidence from November 2005, in particular the chest X-ray and their sense of the pace at which the lesion developed from that time until the diagnosis based on the proper tests, and thereafter to the date of death. But all parties agreed that formal staging could not be achieved based on the chest X-ray from November 2005.
[161] The trial judge decided that the appellants had failed to demonstrate, on the balance of probabilities, that the doctors’ errors caused Mr. Émond’s death. Specifically, the judge concluded, after review conflicting expert opinions on this point, that at the time of the fault in November 2005, Mr. Émond’s cancer was already inoperable because he suffered from cancer that was at least at stage III.
***
[162] We will never know, as a matter of scientific certainty, what stage Mr. Émond’s cancer was at in November 2005 because, by reason of the respondents’ negligence, the appropriate medical tests were not undertaken. All parties, and all of the experts, agree that formal staging cannot be established on the basis of the November 2005 chest X-ray. Knowing with certainty, as we do, that Mr. Émond had stage IV cancer in January 2007, one can look back at the evidence of his condition in the November 2005 but, in the absence of the tests that allowed for the diagnosis of cancer - a CT scan, a PET scan and, importantly, a biopsy - his condition at the time the fault was committed is scientifically uncertain.
[163] It bears repeating: that uncertainty was brought about by the doctors’ negligence.
[164] The doctors now seek to rely on the uncertainty brought about by their own misconduct to avoid liability by arguing that the appellants have failed to prove causation. Indeed they are not wrong to say that it is possible that Mr. Émond had a pre-existing condition that would have killed him whether or not the doctors had done their work correctly. But we will never know as a matter of scientific certainty.
[165] The circumstance is what one scholar has aptly called “negligently created causal uncertainty”.[32] Where a physician, by reason of his or her fault, undermines the plaintiff’s ability to prove causation, courts have rightly held that the rules of proof that place the full onus on the plaintiff should be relaxed.
[166] That said, there is a long-standing debate about how this relaxed burden should be achieved. In the main, courts have done so not by shifting the ultimate burden of proving causation from the plaintiff but, instead, by recognizing that an unfavourable inference may be drawn against the defendant physician where some affirmative evidence of causation is adduced by the plaintiff.[33] This works to avoid the possible injustice associated with the application of the traditional requirement that the plaintiff bear the whole of the risk of insufficiency of evidence of causation in these special circumstances.[34]
[167] But the Supreme Court has been resolute in holding that the ultimate burden of proving causation on the balance of probabilities must rest with the plaintiff, even in circumstances where a doctor has negligently precluded scientific proof of causation. The reason is obvious. A raw presumption of causation against the defendant physician could itself produce a different injustice, by imposing liability on him or her on the basis of proof of fault and damage alone.[35] Defendants would, in those circumstances, be called on to bear the risk that the patient died not by reason of their negligence but because of a pre-existing condition or another circumstance beyond their control. On the ordinary calculus of corrective justice that governs the law of obligations, this could be unfair to the physician. The law of civil liability should not blame the physician for the accident of fate that made the patient sick, even if he or she committed a fault, where that fault is unconnected to the loss suffered. To do so would invite the law of extracontractual obligations to take on a role outside what Professor Paul-André Crépeau usefully described as its “fonction curative”.[36]
[168] This risk of unfairness to defendants in medical malpractice cases explains why, in both Snell and St. Jean, the Supreme Court insisted that, at the end of the day, the plaintiff bear the ultimate burden of showing causation on the balance of probabilities. Even in circumstances in which the impossibility of proving causation by reason of the fault of the physician is established, the Court has resisted the call to create a veritable presumption of causation in response to the possible injustice faced by patient-plaintiffs.
[169] However, like many legal scholars, the courts have been alive to the potential unfairness of holding plaintiffs to an impossible standard and of relieving doctors of liability by reason of their negligence.[37] In this setting, the “unfavourable inference” against defendants has been developed, in the exercise of weighing the evidence, to attend to a proper balance between the interests of the parties in the deployment of the burden of proving causation. In medical malpractice cases, Sopinka J. explained how the unfavourable “inference” should be considered as follows in Snell:
In these circumstances, very little affirmative evidence on the part of the plaintiff will justify the drawing of an inference of causation in the absence of evidence to the contrary. […]
These references speak of the shifting of the secondary or evidential burden of proof or the burden of adducing evidence. I find it preferable to explain the process without using the term secondary or evidential burden. It is not strictly accurate to speak of the burden shifting to the defendant when what is meant is that evidence adduced by the plaintiff may result in an inference being drawn adverse to the defendant. Whether an inference is drawn or not is a matter of weighing evidence. The defendant runs the risk of an adverse inference in the absence of evidence to the contrary.[38] [References omitted.]
[170] In these circumstances, Sopinka, J. wrote that judges should adopt a “robust and pragmatic approach” to their analysis of causation. Even if scientific proof of causation is not adduced, where the plaintiff advances some affirmative evidence that the fault is directly linked to the loss, a court would be justified in drawing of an inference of causation against the defendant in the absence of evidence to the contrary. We find particularly useful the following explanation of the inference by Rouleau, J.A. for the majority of the Court of Appeal for Ontario in Aristorenas v. Comcare Health Services:[39]
[56] It is important to note that Sopinka J. does not reduce the ultimate burden of proof from a balance of probabilities. Rather, the "robust and pragmatic" approach is adopted in evaluating the facts of the case and deciding whether they meet the civil standard. Put another way, the burden of proof is the same, but a series of facts and circumstances established by the evidence led at trial may enable the trial judge to draw an inference even though medical and scientific expertise cannot arrive at a definitive conclusion.
[171] The idea of an unfavourable inference as an evidentiary tool for proving causation was reiterated, albeit in a different setting, in St. Jean.[40] The judge recognized this principle at paragraph [100] of her reasons but did not avert to it again in her analysis, despite the presence of circumstances that would have allowed the court to draw an inference of causation against the appellants.
[172] The circumstance that Sopinka J. had in mind in Snell relating to the potential harshness of an unmitigated burden of proof is indeed a concern in Quebec civil law. In Laforce v. Dumont,[41] a medical liability case, Baudouin, J.A. of this Court wrote:
[8] Le présent pourvoi illustre bien la difficulté inhérente pour les victimes d'accidents thérapeutiques de prouver le lien de causalité entre certains gestes posés et le préjudice subi.
[9] La Cour suprême du Canada, sous la plume du juge Sopinka, dans Snell c. Farell, [1990] 2 R.C.S. 311, (décision de common law, mais dont les grandes lignes me paraissent applicables en droit civil québécois) a clairement indiqué que l'on ne doit pas mettre sur les épaules des demandeurs un fardeau exagéré, lorsqu'il s'agit de prouver le lien de causalité en matières médicales.
[173] The imperative to adjust the traditional burden of proof in respect of causation is increased in systems of medical liability when plaintiffs and defendants face all-or-nothing outcomes. The plaintiff will receive all of his or her damages if the doctor’s fault is shown, on the balance of probabilities, to have caused the loss, and nothing if causation is not shown. Conversely, where the law awards damages for a loss of chance of recovery, a plaintiff can show that the physician’s conduct deprived him or her of a chance of recovery, and the lost chance is recognized as an independent cause of action. Where loss of chance is available, problems of causal uncertainty need not necessarily be attended to by a change to the allocation of the burden of proof. In Quebec law, however, loss of chance is not admitted in medical liability cases.[42] It bears noting that the “unfavourable inference” spoken to in Snell and St. Jean can be thought of, to use the words of Professor Khoury, as “an acceptable alternative to the flexibility offered by loss of chance theory” in jurisdictions in which loss of chance is not available.[43]
[174] In order for an adverse inference to be drawn, the Court in Snell explained that the plaintiff must generally show more than the mere fact that the defendant has negligently created causal uncertainty. In the quotation cited above, Sopinka J. wrote of the requirement of “very little affirmative evidence” in this connection. In our case, this affirmative evidence was the statistical proof adduced by the appellants. They presented evidence, accepted by the respondents’ experts, indicating that there was a 78% chance that the disease was at stage I because Mr. Émond’s cancer was discovered fortuitously. They produced further statistical evidence suggesting that if the cancer was indeed at stage I, the rate of cure by surgery would have been 70% and that if it had been at stage II, the rate of cure would have been 55%.
[175] The judge accepted both of these statistical facts, at paragraphs [113] and [119] of her reasons, and agreed that the cancer had been discovered fortuitously. She made no reference, however, to the adverse inference to be drawn against the respondents in the portion of her reasons devoted to the application of the law to the facts of the case.
[176] Appellants argue that this statistical evidence constituted prima facie proof of causation by operation of the inference spoken to in Snell and St. Jean.
[177] They contend that the respondents then had to answer that prima facie statistical evidence with what Sopinka J. called in Snell as “evidence to the contrary”. Specifically, they had to show that Mr. Émond was among the 22% of persons for whom a fortuitous discovery of cancer would have been at a later, inoperable stage.
[178] The appellants argue that in the circumstances, the burden of proving causation imposed on them should have been adjusted by recourse to this adverse inference to avoid the absurd result whereby the rules on causation allow the doctors to rely on their own wrongdoing to avoid liability.
[179] The judge was aware of this, they say, but she failed to alleviate the ordinary burden of proof by creating, to the advantage of the appellants, a presumption of causation. She did so, even if the fault of the doctors might be said to have deprived the plaintiffs from the possibility of proving the causal link (para. [92] of her reasons). She did observe that courts sometimes apply an “unfavourable inference” against defendants in their analysis of causation rather than a veritable reversal of the burden of proof to alleviate the plaintiff’s difficulty of proving the link between fault and damage (para. [100]). But she did not return to the point in her analysis of the facts of the case.
[180] The appellants say this was an error of law.
[181] With respect for the opposing view, we agree. While the judge was right to leave the ultimate burden of proving causation, on the balance of probabilities, with the appellants, she was mistaken not to draw the unfavourable inference of causation spoken to in Snell and St. Jean against the respondents when weighing the evidence at as a whole.
[182] It is widely acknowledged, as the Supreme Court observed in St. Jean,[44] that the determination of the causal connection between a civil wrong and injury suffered is a question of fact. However, the failure to apply the correct rules of evidence, in particular the unfavourable inference to the circumstances here, constitutes an error of law in that the appellants were deprived of the advantage of that inference when the time came for the judge to evaluate the whole of the evidence. Should that error have had an overriding impact on the judge’s decision that the appellants failed to establish causation, the Court must intervene.
[183] Respondents say that even if the judge failed to apply the inference spoken to in Snell and St. Jean, the mistake is of no consequence here for two reasons.
[184] First, they say that even if 78% of patients whose lung cancer is discovered fortuitously are at stage I, the evidence demonstrates that these statistics do not apply to the situation of Mr. Émond.
[185] Second, respondents argue that even if the inference were held to apply based on the 78% statistic, it was rebutted by the presentation of “direct evidence”, by Dr. Ferraro’s expert opinion and by other significant statistics that suggest that the majority of patients diagnosed with lung cancer are at an advanced stage of the disease.
[186] These two arguments will be considered in turn.
***
[187] Does the 78% statistic apply to Mr. Émond?
[188] The respondents acknowledge that the discovery of Mr. Émond’s cancer was fortuitous but contend that because Mr. Émond was still asymptomatic when pathologically diagnosed with stage IV cancer in January 2007, the 78% statistic does not apply to him.
[189] It is true, as the judge noted, that Mr. Émond was asymptomatic until late in 2007. This indeed would suggest that outward symptoms, on their own, were a poor indicator of the gravity of his condition.
[190] But this fact has no immediate bearing on the application of the 78% statistic to Mr. Émond. It is not contested that the cancer was discovered fortuitously. Despite his patient’s absence of symptoms, Dr. Benhaim ordered the chest X-ray in November 2005. Respondents’ expert Dr. Ferraro himself noted that “règle générale, si c’est découvert fortuitement, c’est un stade précoce”.
[191] There is no reason to believe that the statistic would not apply to a patient in Mr. Émond’s situation. The real question is whether he was in the 78% group or whether the respondents brought evidence to demonstrate that he was in the 22% of persons whose cancer was discovered fortuitously at a later stage. To say that he remained asymptomatic well after having been diagnosed with stage IV cancer does not mean he was in the latter group. Dr. Ferraro acknowledged as much in his testimony. When asked whether the fact that Mr. Émond was asymptomatic help in determining what stage of cancer he had been in November 2005, he answered “Dans son cas à lui ça nous a pas aidé”.
***
[192] Did the respondents adduce what Sopinka J. described in Snell as “evidence to the contrary” to show that Mr. Émond was not subject to the 78% statistical probability that he was at stage I in November 2005?
[193] The judge concluded, as we know, that Mr. Émond was at least at stage III and thus inoperable in November 2005 at the time of the respondents’ fault (para. [133]).
[194] In so doing, she did not explain why the inference could not be drawn based on the affirmative statistical evidence brought by the appellants. Instead, she concluded by stating her preference for the expert evidence of Dr. Ferraro over that of the appellants’ experts, especially in three respects (para. [134]) that may be summarized as follows:
(i) That statistics show that the majority of patients are diagnosed at an advanced stage of the disease;
(ii) She accepted Dr. Ferraro’s opinion that the disease could not have progressed from stage I to stage IV in the 12 months between the fortuitous discovery in November 2005 and the pathological diagnosis in December 2006. Dr. Ferraro’s opinion was based on the premise that because lung cancer develops slowly it can take up to three years to reach stage IV; and
(iii) With the benefit of the CT scan, the PET scan and the biopsy undertaken in December 2006 and January 2007, Dr. Ferraro interpreted the November 2005 X-ray retrospectively. He identified a shadow on the November 2005 X-ray that he said was compatible with cancer that had metastasized. The judge accepted his conclusion that, on the strength of this retrospective analysis of the November 2005 X-ray, Mr. Émond’s cancer must have been at stage III or IV at that time.
[195] The appellants are right to say that none of these observations serve to preclude, when the evidence is weighed as a whole, drawing the unfavourable inference raised against the doctors by reason of the 78% statistic relating to fortuitous discovery of cancer. None of these observations show why Mr. Émond, in particular, would be in the group of 22% of persons who are diagnosed at a late stage notwithstanding a fortuitous discovery of the disease.
[196] Each of the three points raised by the judge deserves comment.
[197] First, the statistical evidence presented by the respondents indicating that most lung cancers are diagnosed at a late stage provides no answer to the prima facie evidence of causation presented by the appellants. The issue raised by the appellants’ statistical proof that there was a 78% chance that Mr. Émond was at stage I relates to patients whose discovery of cancer was fortuitous. To rebut the inference raised by this prima facie proof that Mr. Émond’s cancer was probably stage I, the respondents were called upon to present contrary evidence that the patient was probably in the category of 22% of patients in a later stage whose cancer was nevertheless discovered fortuitously. To say “the great majority of patients are diagnosed at an advanced stage” is to make a different point that says nothing directly about patients whose cancer is discovered fortuitously. When one tallies up all diagnoses, including the fortuitous ones, the majority of patients may well be at a late stage. This does not explain how to differentiate between, on the one hand, the fortuitously discovered cancers at stage I and, on the other hand, the fortuitous cancers discovered at a later stage in a manner that would help establish whether Mr. Émond was in the first or second category.[45]
[198] Secondly, it should immediately be said that the respondents brought no direct evidence that Mr. Émond was at stage III or IV in November 2005. They could not. By reason of their own negligence, the medical tests allowing for a pathological diagnosis of the cancer were not undertaken in November 2005 or in the period shortly thereafter.
[199] It is not scientifically possible to identify the stage of the disease by a two-dimensional X-ray, a fact on which all the experts agreed. Staging typically requires a biopsy or at least a scan.
[200] The evidence given by respondent Dr. O’Donovan - himself, of course, a radiologist - should be noted. It is significant that he himself did not record a sign of prominence and observed, for the November 2005 X-ray, “no associated abnormality”.
[201] Whatever its value as evidence, Dr. Ferraro’s retrospective reading of the November 2005 X-ray on which he identified a shadow is not direct evidence of the cancer being at stage III or stage IV. In their factum, the respondents wrongly called the retrospective interpretation of the X-ray “direct medical evidence” that the cancer was at a late stage. Dr. Ferraro himself did not make that mistake. In giving his opinion at trial as to what this retrospective reading of the November 2005 X-ray revealed, he said:
En novembre deux mille cinq (2005), quand je regarde la radiographie, l’évolution clinique et le dossier, selon moi c’était déjà à un stade avancé. Mais je peux pas le, - le confirmer parce qu’il y a pas eu de staging. Est-ce que ça peut être un cancer de stade I? Bien! encore une fois, il y a personne qui le sait. On peut prétendre, on peut souhaiter, on peut espérer que c’est un cancer de stade I mais il y a aucune, aucune façon, sans avoir fait les examens appropriés et le staging, de confirmer si c’était un stade 1, 2, 3 ou 4 quand monsieur Émond s’est présenté la première (1re) fois. Fait que c’est hypothétique de dire que c’était un cancer de stade I.
[202] Dr. Ferraro was most frank: staging requires a biopsy to be reliable, all the rest is what he called “guess work”.
[203] Extremely telling in this regard is Dr. Ferraro’s lack of confidence that he placed in his own retrospective diagnosis. When asked pointedly whether he would have refused to operate on Mr. Émond based on the November 2005 X-ray alone, even reinforced by his own retrospective reading, he said no. Rather than relying on his own interpretation of the X-ray, he would have ordered a biopsy before making that decision.
[204] Not only is an X-ray not direct evidence of stage I cancer, as Dr. Ferraro observed, it is not direct evidence of stages II, III or IV either. The judge correctly noted that all she had in hand was clinical evidence of the state of the disease in November 2005 (para. [154]). There was no direct evidence to contradict the statistical prima facie proof that there was a 78% chance that Mr. Émond was at an early stage at the time of the first X-ray.
[205] Thirdly, even as indirect evidence that Mr. Émond was at stage III or IV, the retrospective interpretation of the November 2005 X-ray was a speculative opinion. Dr. Ferraro said so himself in his testimony.
[206] This opinion was based on mere hypotheses resting on unproven facts. Dr. Ferraro relied on a retrospective interpretation of a chest X-ray that could not reliably establish the stage of Mr. Émond’s cancer in November 2005.
[207] The appellants are correct to say that the opinion evidence of Dr. Ferraro did not provide reliable proof to overcome the unfavourable inference made against the respondents on the strength of the uncontested statistical evidence that Mr. Émond’s cancer was at stage I in November 2005.
[208] Essentially speculative, this opinion must be measured against the statistical proof that Mr. Émond was at stage I. The trial judge rightly observed that the determination of causation cannot rest on “des hypothèses ou des conjectures” at paragraph [88] of her reasons but, with respect, that is all that Dr. Ferraro offered by way of explanation as to why Mr. Émond should be among the 22% of patients whose fortuitously discovered cancer should be at stage III or IV.
[209] The same should be said of the basis on which Dr. Ferraro estimated the rate of progress of Mr. Émond’s cancer from November 2005 to the time of pathological diagnosis in December 2006 and January 2007. He surmised that 12 or 13 months was too short a period for the cancer to progress from stage I to stage IV and, as a consequence, the cancer could not have been at stage I in November 2005.
[210] But here again, Dr. Ferraro was candid in recognizing that his opinion on the rate of progression of the disease in Mr. Émond was speculative in the absence of formal staging. As he testified, “Fait que c’est des hypothèses parce qu’on n’a pas un staging formel au début puis un staging formel à la fin puis qui nous permet de comparer. Fait que ce qu’on - ce que je dis c’est, - c’est hypothétique”. In this respect he agreed with the appellants’ expert Dr. Agulnik who noted the lack of reliable data to measure the progress from stage I to stage IV in the absence of treatment. The reason is obvious: once a patient is formally diagnosed at stage I, he or she is treated immediately.
[211] The measure of progress of the disease in the particular case of Mr. Émond was inherently speculative and could not serve as an evidentiary answer to the prima facie evidence represented by the 78% statistic that Mr. Émond was probably at stage I at the time.
[212] It is therefore wrong to say that the judge was simply called upon to choose between conflicting expert opinions. The choice was between the concrete statistical evidence, on the one hand, and the speculative explanation for the losses offered by the defence. Respectfully stated, the judge should have rejected the latter as inadequate to respond to the affirmative evidence adduced by the appellants that Mr. Émond’s cancer was probably at stage I in November 2005.
[213] This is an instance in which courts should be on guard against eviscerating the advantages of the evidentiary rules on proving causation spoken to in Snell and St. Jean. The danger lies in circumstances where, as in this case, the defence raises various hypothetical explanations, as opposed to concrete factual evidence, as to how the damage came about in order to neutralize the “unfavourable inference” spoken to by the Supreme Court. It is safe to say that the defence will often be able to find some hypothesis to advance in the guise of “evidence to the contrary”, whatever its probative value, and thereby seek to undermine the unfavourable inference that might weigh against it. In writing on the difficulty of proving the causal link between medical negligence and a patient’s damage for the civil law, scholars Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers and Benoît Moore have noted the harsh tendency of courts to reject claims where scientific speculation wrongly trumps proof of causation in law:
On constate principalement ce phénomène lorsque la défense, par une preuve d’expert, présente au tribunal plusieurs hypothèses ou plusieurs scénarios compatibles avec la création du préjudice. Devant une seule théorie proposée par le demandeur, et plusieurs soulevées par la défense, la jurisprudence estime bien souvent que le premier ne s’est pas adéquatement déchargé du fardeau probatoire qui est le sien. Une évolution jurisprudentielle ou même une réforme législative sur ce point reste souhaitable.[46]
[214] That is what happened here. Relying on Dr. Ferraro’s expert report and testimony, the respondents presented speculative theories as to the gravity of the tumour and its rate of progress from November 2005 in place of hard facts. These were mere “hypothèses”, to invoke the term used by Baudouin, Deslauriers and Moore: they could not, in law, counter the concrete factual evidence of probability adduced by the plaintiffs that showed, statistically speaking, Mr. Émond’s cancer was likely at stage I when he first presented in November 2005. Had the unfavourable inference been properly applied to the evidence, the Superior Court would have found causation established, in law, on the balance of probabilities. This required a plain application of the idea sketched in St. Jean and Snell in Quebec law - the “évolution jurisprudentielle” called for by these authors and by Professor Khoury.[47]
[215] At the end of the day, as the judge correctly observed at paragraph [122], she did have opposing experts before her who disagreed on the clinical diagnosis - “avec l’imprécision qu’elle comporte” - to be made of Mr. Émond’s condition in the absence of pathological basis for staging. The judge was right to point out that this is inherently speculative but, in our view, mistaken to see this opinion as an answer to the affirmative evidence of fact brought by the appellants. In the circumstances, had she applied the unfavourable inference against the defendants spoken to in Snell and St. Jean, she would have found that Dr. Ferraro’s opinion, even if she preferred it over the others, failed to explain why Mr. Émond was not at stage I in light of the statistical evidence that suggested the contrary.
[216] Finally, we have taken care not to conflate scientific evidence of staging Mr. Émond’s cancer in determining causation and the requirement, at law, that causation be proved on the balance of probabilities. The respondents did not have to “disprove” scientific causation with proof that Mr. Émond’s lung cancer was at stage III or IV. In fact, they did not even have to disprove legal causation given that the ultimate burden rested with the appellants. It is true, as well, that courts are not bound by scientific statistical evidence in the exercise of identifying, on the balance of probabilities, causation in law.[48] That said, the 78% statistic relating to fortuitous discovery, in the absence of proof to the contrary, applied to Mr. Émond; the respondents brought no direct evidence to show that he was among the 22% of late-stage, fortuitously discovered cases. The judge was right to draw the distinction between scientific and legal causation, at paragraph [90] of her reasons.
[217] The respondents failed, however, to rebut the unfavourable inference that fell to them at law when the appellants showed, statistically, that it was probable that Mr. Émond was at stage I in November 2005. They might have done so by bringing direct evidence to the contrary: they did not. They might have done so by raising competing statistical proof that showed that Mr. Émond was among the 22% of patients for whom a fortuitously discovered lung cancer is at a late stage: they did not. They might have done so by presumption of fact, by showing that Mr. Émond was at stage III or IV by inference from other known facts: they did not. It bears recalling, in this latter respect, that the judge did not find that the evidence adduced by the respondents gave rise to a presumption of fact, pursuant to article 2849 C.C.Q., that was “serious, precise and concordant / grave, précise et concordante” that Mr. Émond had died as a result of a pre-existing condition and not by reason of the physicians’ negligence.
[218] In emphasizing the factors that allow the unfavourable inference of causation to be drawn against the respondents in this case, it is instructive to contrast the present circumstances with those prevailing in Fisch v. Cyr[49] and Aristorenas v. Comcare Heath Services et al.,[50] respectively Quebec and Ontario cases in which the Snell inference was not applied.
[219] In Fisch, the trial court held that a delay in diagnosis attributable to the defendant physician was the cause of the spread of cancer in the patient and held the physician liable for negligence. On appeal, the finding of causation was reversed. But unlike our case, the Court of Appeal observed a complete absence of evidence that the delay in treatment caused the spread of the cancer and, on that basis, held that the judge had committed a palpable and overriding error of fact in connecting fault and damage.[51] Fisch should be distinguished: in our case, there is affirmative statistical evidence that Mr. Émond’s cancer was at stage I in November 2005.
[220] In Aristorenas, Rouleau J.A., writing for the majority, declined to apply what Sopinka, J. called the “robust and pragmatic” approach to evidence of causation and warned against an unfavourable inference being drawn based merely on a common sense means of discerning causation. But two important distinctions can be drawn between Aristorenas and this case: first, the defendants in that case did not create a situation where the plaintiff was unable to prove causation; second, Rouleau J.A. observed that the record did not support drawing the inference because the plaintiffs had adduced no “additional factors” to assist the court in finding causation.[52] These two points contrast with the impossibility of staging Mr. Émond’s condition that resulted from the respondents’ negligence and the additional evidence that the unanswered statistical proof that Mr. Émond was at stage I in November 2005, both recognized as facts by the trial judge. The requirements for the unfavourable inference described in Snell and St. Jean are present here on the facts whereas they were not in Aristorenas.
[221] To conclude, the appellants have succeeded in showing that the judge erred in law in failing to apply the rule relating to the “unfavourable inference” of causation against the respondents. They have succeeded in showing that this error was an overriding one in respect of her conclusion that they had failed to prove causation on the balance of probabilities.
[222] On this basis, we would allow the appeal, with costs. As noted above, like Fournier, J.A., we are of the view that the judge made no error in her evaluation of damages.
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NICHOLAS KASIRER, J.A. |
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DOMINIQUE BÉLANGER, J.A. |
[1] Jugement dont appel, paragr. 89.
[2] St-Jean c. Mercier, [2002] 1 R.C.S. 491.
[3] Jugement dont appel, paragr. 102.
[4] Laferrière c. Lawson, [1991] 1 R.C.S. 541.
[5] Ibid., p. 605 à 609.
[6] Layne Christensen Company c. Forages LBM inc., 2009 QCCA 1514; Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, 2002 CSC 33.
[7] Lapointe c. Hôpital Le Gardeur, [1992] 1 R.C.S. 351, 358 et 359.
[8] St-Jean c. Mercier, supra, note 2, paragr. 113 à 116.
[9] Jugement dont appel, paragr. 127 à 129.
[10] Ibid., paragr. 144.
[11] Jugement dont appel, paragr. 141.
[12] Interrogatoire préalable du docteur Michael O’Donovan.
[13] Laferrière c. Lawson, supra note 4, 609.
[14] Snell c. Farrell, [1990] 2 R.C.S. 311, 328.
[15] Ibid., p. 330.
[16] Jugement dont appel, paragr. 113.
[17] Laurentides Motels ltd. c. Beauport (Ville), [1989] 1 R.C.S. 705, p. 810.
[18] Ibid., 810 ; Stations de la vallée de St-Sauveur inc. c. M.A., 2010 QCCA 1509, paragr. 90; Ostiguy c. Goyer, 2012 QCCA 2130, paragr. 9 et 10; Voir aussi, concernant la perte de soutien futur : Kysen c. Boucher, 2008 QCCA 742, paragr. 94.
[19] Jean-Louis Baudouin et Patrice Deslauriers, La responsabilité civile, 7e éd., vol. 1, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2007, n°1-388, p. 418.
[20] Jugement dont appel, paragr. 183 à 186.
[21] Rose Estate v. Bélanger, [1985] M.J. No. 120 (C.A. Man), 17 D.L.R. (4th) 212, paragr. 39.
[22] Daniel Gardner, La préjudice corporel, 3e éd., Éditions Yvon Blais, Cowansville, 2009, n° 623, p. 579 et 580.
[23] Rose Estate v. Bélanger, supra note 21, paragr. 41.
[24] Gardner, supra note 22, n° 275, p. 273 citant Migotto c. Voyageur inc., J.E. 81-264 (C.S.), p. 6.
[25] Selon les chiffres net retenus par les actuaires, (62 575/86 000) x 100 = 73 %.
[26] Témoignage de Cathie St-Germain.
[27] Témoignage de Marc Émond.
[28] Jugement dont appel, paragr. 222, 225, 226, 229, 231 et 235.
[29] Jugement dont appel, paragr. 208 à 210.
[30] The unfavourable inference was described in Snell v. Farrell, [1990] 2 S.C.R. 311 at 330, confirmed in a Quebec medical malpractice setting in St. Jean v. Mercier, [2002] 1 S.C.R. at 491 at 530 (paras. 111-112).
[31] Snell, ibid., at 329-330.
[32] Lara Khoury, Uncertain Causation in Medical Liability (Cowansville: Éd. Yvon Blais, 2006) 181. Professor Khoury noted the potential for “clear injustice” resulting from the law’s traditional choice to impose the burden of insufficient proof of causation on the plaintiff in these circumstances (at 221).
[33] As described in Snell, supra note 1, and St. Jean, supra note 1.
[34] See Lara Khoury, “Lien de causalité” in Obligations et responsabilité civile, JurisClasseur Québec, (Montreal: LexisNexis, loose-leaf) Fascicule 21, 5983.
[35] This is noted by Sopinka J. in Snell, supra note 1 at 327 where he observed that reversing the burden of ultimate proof might have the effect of “compensating plaintiffs where a substantial connection between the injury and the defendant’s conduct is absent”.
[36] Paul-André Crépeau, “La fonction du droit des obligations” (1998) 43 McGill L.J. 729, n° 9.
[37] See, e.g., Robert Kouri, “From Presumption of Fact to Presumption of Causation: Reflections on the Perils of Judge-made Rules in Quebec Medical Malpractice Law” (2001) 32 R.D.U.S. 213 at 240 and Katherine Lippel, “L’incertitude des probabilités en droit et en médicine” (1992) 22 R.D.U.S. 445.
[38] Supra note 1 at 329-330.
[39] 2006 CanLII 33850 (Ont. C.A.).
[40] Supra note 1, paras. 111 and 112, where, in a passage quoted by the trial judge in this case, Gonthier, J. wrote on this point (references omitted):
111 On the matter of presumptions and burden of proof, Baudouin and Deslauriers, supra, at pp. 358-59, say:
[TRANSLATION] ... in medical matters, presumptions of fact sometimes result in a reversal of the burden of proving either fault or a causal link between the action in question and the damage sustained.
J.-C. Royer, La preuve civile (2nd ed. 1995), at p. 518, is more specific in saying:
[TRANSLATION] This constitutes a reversal of the evidentiary burden, since a presumption of fact does not alter the general principle of article 2803 of the Civil Code of Québec and, consequently, cannot reverse the burden of proof.
Royer says that in order to avoid the confusion of terminology regarding burdens of proof, authors and case law have preferred to use “unfavourable inference” against the defendant rather than a reversal of the burden of proof. One of the cases cited is Snell v. Farrell, [1990] 2 S.C.R. 311, at p. 330, which of course expresses greater comfort with use of the term “inference” rather than “reversal of burden”.
112 The C.C.Q. itself alludes to this inference or reversal of the evidentiary burden in art. 2847 where it says that a simple presumption may be rebutted by proof to the contrary. Jutras, supra, at fn. 24, accurately discusses the consequence of this reversal for the defendant: [TRANSLATION] “The defendant may rebut the presumption by showing that the occurrence of the harm is just as consistent with a lack of fault as with the existence of fault.” Nevertheless, the legal burden of proof remains on the plaintiff.
[41] 2003 CanLII 17139 (C.A.Q.).
[42] Laferrière v. Lawson, [1991] 1 S.C.R. 541 at 605. The impact of refusing loss of chance on the plaintiff’s burden of proving causation may explain Gonthier, J.’s comments relating to the need to presume the causal link to the advantage of plaintiffs (p. 609), comments which he reviewed in St-Jean v. Mercier, supra note 1 at para. 116.
[43] Khoury, supra note 3 at 140.
[44] Supra note 1 at para. [104].
[45] An analogy shows the respondents' reasoning to be flawed. The majority of Canadians have English as a mother tongue. About 78% of Quebecers, however, have French as a mother tongue. A randomly selected Quebecer (who is, of course, also a Canadian) has a 78% chance of having French as a mother tongue notwithstanding the pan-Canadian statistic. The majority of cancer patients are diagnosed at a late stage. About 78% of fortuitous cancers, however, are diagnosed at an early stage. Mr. Émond, whose cancer was discovered fortuitously, has a 78% chance of being at an early stage notwithstanding the general statistic.
[46] Jean-Louis Baudouin, Patrice Deslauriers and Benoît Moore, Baudouin: La responsabilité civile, vol 2: responsabilité professionnelle (Cowansville: Éd. Yvon Blais, 2014) at para. 2-113.
[47] Professor Khoury notes that the solution to this kind of problem for proving causation in medical liability rests on the proper application evidentiary rules and in particular “inferential reasoning”, not new legal presumptions of causation: supra note 3 at 140 and 222.
[48] Laferrière v. Lawson, supra note 13 at 607.
[49] 2005 QCCA 688, leave to appeal to the Supreme Court granted but appeal abandoned.
[50] Supra note 10.
[51] Supra note 20 at para. [109]
[52] Supra note 10 at paras. [79] and [74] respectively.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.