Décision

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Polar Plastique ltée et Ghulamsakhi

2012 QCCLP 670

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

31 janvier 2012

 

Région :

Laval

 

Dossiers :

451935-61-1110      453651-61-1111

 

Dossier CSST :

137128096

 

Commissaire :

Philippe Bouvier, juge administratif

 

Membres :

Jean E. Boulais, associations d’employeurs

 

Richard Montpetit, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Polar Plastique ltée

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Fateh Mohammad Ghulamsakhi

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 451935-61-1110

 

[1]           Le 17 octobre 2011, la compagnie Polar Plastique ltée (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 12 octobre 2011 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 3 août 2011 et déclare qu’elle est justifiée de ne pas suspendre les indemnités de remplacement du revenu que reçoit monsieur Fateh Mohammad Ghulamsakhi (le travailleur) en raison de sa lésion professionnelle du 25 octobre 2010.

Dossier 453651-61-1111

[3]           Le 7 novembre 2011, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 28 octobre 2011 à la suite d’une révision administrative.

[4]           Par cette décision, la CSST donne suite à l’avis du Bureau d’évaluation médicale et déclare que la lésion professionnelle à l’épaule gauche du travailleur n’est pas encore consolidée et qu’il a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu et au paiement des soins ou des traitements nécessaires à l’épaule gauche.

[5]           L’audience s’est tenue le 23 janvier 2012 à Laval en présence du travailleur. Absent à l’audience, l’employeur a néanmoins transmis au tribunal une argumentation écrite. La CSST est également absente. La cause a été mise en délibéré à cette date.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossier 451935-61-1110

 

[6]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’ordonner à la CSST de suspendre le versement des indemnités de remplacement du revenu du travailleur en raison de son manque de participation à son programme de réadaptation.

Dossier 453651-61-1111

[7]           Dans ce dossier, l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le diagnostic de tendinite de l’épaule droite avec accrochage sous-acromial n’est pas en relation avec la lésion professionnelle survenue à l’épaule gauche.

LA PREUVE

[8]           Depuis plus d’une dizaine d’années, le travailleur occupe un poste d’emballeur pour le compte de l’employeur. Le 25 octobre 2010, en soulevant des boîtes pour les mettre sur une palette, il ressent une douleur à l’épaule gauche. Le lendemain, le travailleur consulte le docteur Pham qui retient un diagnostic de tendinite traumatique de l’épaule gauche. Quelques semaines plus tard, le docteur Pham ajoute le diagnostic de capsulite de l’épaule gauche.

[9]           À la demande de l’employeur, le travailleur rencontre le docteur Chérif Tadros, chirurgien orthopédiste. Dans son expertise du 10 novembre 2010, il retient un diagnostic de tendinite du sus-épineux de l’épaule gauche. Il ne consolide pas la lésion et suggère des limitations fonctionnelles temporaires. Dans une note médico-administrative du même jour, il confirme le lien entre cette pathologie et l’événement relaté par le travailleur.

[10]        Au cours des mois suivants, le travailleur est suivi par le docteur Pham qui maintient les diagnostics de tendinite traumatique de l’épaule gauche et de capsulite de l’épaule gauche. Après trois arthrographies distensives, le 20 mai 2011, le travailleur passe une résonance magnétique de l’épaule gauche. Cet examen par imagerie met en lumière un phénomène de tendinose sans déchirure transfixiante de la coiffe des rotateurs. Le radiologiste émet un doute quant à une déchirure partielle du sus-épineux.

[11]        À compter du mois de juin 2011, le docteur Pham ajoute le diagnostic de tendinite de l’épaule droite secondaire. Or, dans une décision du 31 août 2011, la CSST refuse la relation entre ce diagnostic et la lésion professionnelle du 25 octobre 2010. Cette décision n’a pas fait l’objet de contestation.

[12]        Dans une décision[1] rendue le 27 septembre 2011, la Commission des lésions professionnelles confirme les décisions de la CSST et déclare que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 25 octobre 2010 dont le diagnostic est une tendinite traumatique de l’épaule gauche.

[13]        Sur le plan médical, la CSST dirige le travailleur vers le docteur Sevan Gregory Ortaaslan, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale. Dans son avis du 6 octobre 2011, le docteur Ortaaslan retient le diagnostic de tendinite de l’épaule gauche avec accrochage sous-acromial gauche plus que droit et, quant aux soins, il recommande une consultation en orthopédie.

[14]        Parallèlement à l’évolution médicale du dossier, l’ergothérapeute qui suit le travailleur, soulève que celui-ci développe une perception négative envers le retour au travail. D’ailleurs, le 1er avril 2011, l’ergothérapeute du travailleur informe la CSST que ce dernier est kinésiophobe, qu’il a développé une crainte de se blesser à nouveau. La CSST décide donc de mettre en place un programme de développement des capacités de travail.

[15]        Dans une note d’évolution du 20 juin 2011, les responsables du programme, mesdames Aurore Lebeau, ergothérapeute et Suzie Ranger notent que le travailleur ne présente pas un comportement compétitif, que son rythme est lent et qu’il ne tente pas de se dépasser. Elles indiquent également que les plaintes du travailleur varient d’une journée à l’autre et que les allégations de douleurs varieront également d'une journée à l'autre, et ce, lors de l’exécution du même mouvement ou de la réalisation de la même activité. Elles concluent leur analyse de la façon suivante :

Monsieur Ghulamsakhi a collaboré de façon mitigée à son programme de développement de ses capacités fonctionnelles de travail. Ce programme aurait pu être bénéfique pour monsieur dans la mesure où il aurait participé plus activement au programme et poussé davantage ses limites et ses craintes. Devant l’attitude passive de monsieur et l’incompréhension de sa propre douleur, les résultats ne sont pas ceux qui auraient pu être escomptés.

 

En pratique, il a été tenté d’amener le sujet à s’activer et à se mobiliser davantage, mais le travailleur prenait plus souvent qu’autrement des pauses en position assise ou ralentissait le rythme.

 

Par ailleurs, quelques incohérences ont été observées en cours de DCT. Ceci nous porte à croire que monsieur ne donnait pas toujours son effort maximum lorsque présent en clinique. Donc, ceci nous permet de croire que les capacités de monsieur sont supérieures aux énoncés présentés précédemment, et ce, même si aucun changement objectivable de la condition n’a été noté au cours de la prise en charge.

 

Considérant le peu d’amélioration subjective et objective, les irrégularités observées en clinique et la faible motivation du client, nous constatons que monsieur n’a pas bénéficié du programme de DCT.

 

Nous suggérons ainsi l’arrêt du programme.

 

 

[16]        De plus, la CSST entreprend des démarches pour l’analyse du poste de travail du travailleur en vue d’une assignation temporaire. Dans son rapport du mois d’août 2011, monsieur Jean-Roch Auger, ergothérapeute, conclut de la façon suivante :

Selon notre analyse, nous constatons que, dans la plupart des tâches observées au poste de travail de journalier en assignation temporaire, l’exécution d’un cycle de travail permet suffisamment de périodes de récupération. Selon les modes opératoires recommandés dans ce rapport et avec les équipements fournis, les tâches observées ne favorisent pas d’effet d’accumulation et de fatigue au niveau des structures musculo-squelettiques de la région du membre supérieur gauche, compte tenu qu’il s’agit du côté non dominant pour ce travailleur. Donc, ce travail n’implique pas des mouvements répétitifs pour cette zone.

 

 

[17]        En audience, le travailleur explique qu’il a participé à toutes les mesures thérapeutiques demandées par la CSST. Il reconnaît qu’il a eu de la difficulté dans l’exécution de certains mouvements et la réalisation de certaines activités en raison des douleurs à son épaule gauche.

L’AVIS DES MEMBRES

Dossier 451935-61-1110

[18]        Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que l’employeur n’a pas fait la preuve que le travailleur a fourni des informations inexactes ou n’a pas participé convenablement aux mesures de réadaptation mises en place par la CSST.

Dossier 453651-61-1111

[19]        Dans ce dossier, le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales considèrent que la requête de l’employeur est sans effet puisque la CSST avait déjà refusé le diagnostic de tendinite à l’épaule droite. Selon eux, l’avis du Bureau d’évaluation médicale ne porte que sur la tendinite de l’épaule gauche et la CSST n’a pas à se prononcer à nouveau sur l’admissibilité de ce diagnostic puisque l’avis du Bureau d’évaluation médicale ne fait que préciser le diagnostic sur lequel la CSST avait déjà statué.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Dossier 451935-61-1110

[20]        Dans ce dossier, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a une cause justifiant d’ordonner à la CSST de suspendre le versement des indemnités de remplacement du revenu auxquelles a droit le travailleur.

[21]        L’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) énonce ce qui suit :

142.  La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :

 

1° si le bénéficiaire :

 

a)  fournit des renseignements inexacts;

 

b)  refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

2° si le travailleur, sans raison valable :

 

a)  entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;

 

b)  pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;

 

c)  omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;

 

d)  omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;

 

e)  omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;

 

f)  omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274 .

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

 

[22]        Cette disposition représente une mesure coercitive permettant à la CSST de sanctionner un travailleur qui adopte un comportement visant à se soustraire à ses obligations ou encore qui tente de s'approprier, sans droit, par simulation ou autrement, des avantages prévus à la loi. La sanction prévue à cette disposition est une suspension ou une réduction du versement des indemnités de remplacement du revenu.

[23]        Dans le présent dossier, l’employeur soutient que le travailleur fournit des renseignements inexacts sur sa condition à ses thérapeutes et qu’il ne participe pas activement à sa réadaptation.

[24]        La Commission des lésions professionnelles considère que le travailleur n’a pas fourni d’informations inexactes sur sa condition à ses thérapeutes. Les fluctuations dans les symptômes et dans l’intensité des douleurs alléguées par le travailleur à l’occasion des activités réalisées dans le cadre de son programme de développement des capacités fonctionnelles ne peuvent être assimilées à des informations inexactes au sens de l’article 142 paragraphe 1a) de la loi.

[25]        Le fait que le travailleur ne soit pas encore consolidé au moment de la mise en place du programme de développement des capacités explique qu’il puisse y avoir une fluctuation dans l’intensité des douleurs et des symptômes allégués par le travailleur. D'ailleurs, cette variation dans l’état du travailleur témoigne que sa condition découlant de sa lésion professionnelle n’a pas encore atteint un plateau thérapeutique comme le confirme l’avis du Bureau d’évaluation médicale.

[26]        Par ailleurs, l’employeur prétend que le travailleur ne participe pas activement à son programme de réadaptation. Certes, dans la conclusion de leur rapport, les thérapeutes Lebeau et Ranger soulignent la collaboration mitigée du travailleur et son attitude passive.

[27]        Le tribunal estime que le comportement du travailleur s’explique par le fait que sa lésion professionnelle n’est pas encore consolidée conjuguée à sa crainte de se blesser à nouveau tel que l’a rapportée à la CSST son ergothérapeute traitant le 1er avril 2011. C’est d’ailleurs à partir de cette intervention que la CSST décide de mettre en place un programme de développement des capacités. Dans cette perspective, le tribunal considère que le comportement du travailleur dans le cadre des activités de ce programme témoigne de cette crainte de se blesser à nouveau plutôt que d’un refus de se prévaloir d’une mesure de réadaptation au sens de l’article 142 paragraphe 2d) de la loi.

[28]        De plus, le tribunal tient également compte que le travailleur s’est toujours soumis aux différentes activités du programme de développement des capacités. Dans cette perspective, le tribunal retient le témoignage du travailleur selon lequel certains exercices demandés augmentaient ses douleurs à l’épaule gauche d’où certaines difficultés dans l’exécution de ceux-ci.

[29]        En conséquence, la Commission des lésions professionnelles juge qu’il n’y a aucune cause justifiant la suspension des indemnités de remplacement du revenu du travailleur au sens de l’article 142 de la loi.

Dossier 453651-61-1111

[30]        Dans le présent dossier, l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer, à la suite de l’avis du Bureau d’évaluation médicale du 6 octobre 2011, que la tendinite de l’épaule droite avec accrochage sous-acromial n’est pas en lien avec la lésion professionnelle du 25 octobre 2010.

[31]        La Commission des lésions professionnelles juge que la requête de l’employeur est sans objet puisque dans une décision du 31 août 2011, la CSST refuse la relation entre le diagnostic de tendinite de l’épaule droite et la lésion professionnelle du 25 octobre 2010. Dans son avis du 6 octobre 2011, le Bureau d’évaluation médicale ne fait que préciser le diagnostic à l’épaule droite sans en changer la nature. Dans cette perspective, la CSST dans sa décision donnant suite à l’avis du Bureau d’évaluation médicale n’avait pas à se prononcer à nouveau sur le lien entre le diagnostic de tendinite à l’épaule droite avec accrochage sous-acromial, ce qu’elle n’a pas fait d’ailleurs.

[32]        En conséquence, le tribunal n’a pas à se prononcer à nouveau sur le lien entre le diagnostic intéressant l’épaule droite et la lésion professionnelle puisque la CSST l’a refusé dans sa décision du 31 août 2011 qui n’a pas fait l’objet de contestation.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 451935-61-1110

REJETTE la requête de Polar Plastique ltée, l’employeur;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 12 octobre 2011 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est justifiée de ne pas appliquer l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Dossier 453651-61-1111

REJETTE la requête de Polar Plastique ltée, l’employeur;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 28 octobre 2011 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur Fateh Mohammad Ghulamsakhi, le travailleur, a droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu puisque sa lésion à l’épaule gauche n’est pas consolidée;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est justifiée de poursuivre le paiement des soins ou des traitements puisqu’ils sont nécessaires pour l’épaule gauche.

 

 

__________________________________

 

Philippe Bouvier

 

 

 

Me Martine St-Jacques

VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           Polar Plastique ltée et Ghulamsakhi, 2011 QCCLP 6287.

[2]           L.R.Q., c. A-3.001.

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