[1] L’appelant s’est pourvu, de plein droit, contre un jugement de la Cour supérieure, district de Laval (l’honorable Dominique Poulin), qui, en date du 15 avril 2021, rejette sa demande introductive d’instance, la déclare abusive et réserve les droits de l’intimée à une compensation pour les honoraires et débours[1].
[2] Comment, procéduralement parlant, en est-on venu à ce jugement? En gros, voici.
[3] Le 10 janvier 2020, l’appelant intente action à l’intimée et à la mise en cause. C’est le dernier rebondissement d’une série de recours qui, depuis près de 20 ans, opposent l’appelant à l’intimée ou à la mise en cause en raison d’un différend lié au travail (voir infra, paragr. [37] et s.).
[4]
Subséquemment, l’intimée dépose une « demande de la défenderesse en
rejet de la demande introductive d’instance du demandeur et en déclaration de
quérulence (art.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[78] ACCUEILLE la demande de la défenderesse en rejet de la demande introductive d’instance et en déclaration d’abus;
[79] DÉCLARE abusive la demande introductive d’instance du demandeur;
[80] REJETTE la demande introductive d’instance du demandeur;
[81] RÉSERVE les droits de la défenderesse de faire valoir sa réclamation à titre de dommages pour compenser les honoraires et les débours engagés pour sa défense;
[82] SUGGÈRE fortement à la défenderesse de faire valoir cette réclamation à l’occasion de sa demande en déclaration de quérulence de façon à réunir en une seule audience les représentations des parties sur les dommages et ainsi favoriser une saine administration de la justice;
[83] LE TOUT avec les frais de justice.
[7] Le 14 mai 2021, l’appelant se pourvoit, en signifiant et déposant une déclaration d’appel seulement. On peut résumer ainsi, pour l’essentiel, les moyens qu’il fait valoir :
- La juge de première instance a agi sans compétence, faisant fi d’un jugement de gestion prononcé antérieurement par son collègue le juge Poirier. En effet, ce dernier avait reporté à une autre étape de l’instance le débat sur la question de l’abus ainsi que sur la quérulence.
- L’appelant,
en conséquence, a été pris par surprise, n’ayant pu se préparer adéquatement à
débattre du sujet de l’abus lors de l’audience du 16 mars 2021, ce qui enfreindrait
notamment les art.
- La juge a excédé les limites de sa compétence en statuant sur les faits allégués dans la demande introductive d’instance et tranchant ainsi des questions de fond qui, parce qu’elles se rapportent au maintien du lien d’emploi, sont du ressort exclusif de l’arbitre de griefs.
- La juge a pour le reste erré en refusant de reconnaître que l’action entreprise contre l’intimée repose sur des allégations nouvelles qui n’ont jamais été tranchées, que ce soit en droit ou en fait, et qui échappent à l’autorité de chose jugée associée à divers jugements antérieurs.
- La juge a également erré en refusant de reconnaître le caractère sérieux et d’intérêt public des questions que soulevait l’action, qui n’avait rien d’abusif.
[8] Le 3 juin 2021, l’intimée dépose de son côté au greffe de la Cour une « requête en rejet d’appel et requête pour faire déclarer Mikel Golzarian plaideur quérulent (Articles 51 et s. et 365 C.p.c. et 13 à 16 du Règlement de procédure civile (Cour d’appel) », requête à laquelle s’associe la mise en cause. Selon l’intimée :
- L’appel est irrégulièrement formé. En effet, le jugement de première instance a non seulement rejeté l’action de l’appelant, mais l’a également déclarée abusive. Partant, conformément à l’art. 30 al. 2(3°) C.p.c., l’appelant ne pouvait se pourvoir de plein droit (c.-à-d. par déclaration d’appel seulement), mais il aurait dû demander la permission d’appeler qu’exige cette disposition, ce qu’il n’a pas fait.
- L’appel est voué à l’échec, les moyens d’appel formulés à l’encontre du jugement de première instance étant manifestement mal fondés.
- L’appel est du reste si mal fondé qu’il en devient abusif et doit être déclaré tel, tout comme l’appelant doit être condamné à rembourser à l’intimée les coûts que lui occasionne l’appel.
- Enfin, le
comportement de l’appelant à l’endroit de l’intimée et de la mise en cause commande
une déclaration de quérulence en appel, conformément aux art.
[9]
En réponse à cette requête de l’intimée, l’appelant dépose une « requête
de bene esse pour permission d’appeler hors délai (art.
[10] Subsidiairement, à supposer qu’une permission d’appeler ait été nécessaire, il affirme qu’elle devrait lui être accordée, puisque sa demande de bene esse répond aux conditions prévues par les art. 30 al. 3 et 363 C.p.c. : le jugement de première instance a été prononcé il y a moins de six mois; lui-même était dans une situation assimilable à celle d’une impossibilité d’agir; ses moyens d’appel, qui soulèvent des questions de principe et d’intérêt public, ont des chances plus que raisonnables de succès.
* *
[11] Pour les raisons exposées dans les pages qui suivent, il y aura lieu de faire droit pour partie à la requête de l’intimée et de rejeter la requête de bene esse pour permission d’appeler, ce qui mettra fin à l’instance d’appel, laquelle a été entreprise irrégulièrement et n’a par ailleurs aucune chance raisonnable de succès. Il y a aura également lieu de déclarer abusives les démarches de l’appelant devant notre cour et de le condamner à verser à l’intimée des dommages équivalant aux honoraires et débours extrajudiciaires encourus par celle-ci dans le cadre du présent dossier. La Cour, cependant, ne prononcera pas la déclaration de quérulence demandée par l’intimée et la mise en cause.
* *
[12] Penchons-nous d’abord sur la question des modalités d’exercice du droit d’appel.
[13] Sans aucun doute, une permission d’appeler était ici requise, ainsi que l’exige l’art. 30 al. 2(3°) C.p.c. :
30. […] |
30. […] |
Toutefois, ne peuvent faire l’objet d’un appel que sur permission : |
The following, however, may be appealed only with leave: |
[…] |
[…] |
3° Les jugements qui rejettent une demande en justice en raison de son caractère abusif; |
(3) judgments dismissing a judicial application because of its abusive nature; |
[…] |
[…] |
[14] Peu importe qu’il soit bien ou mal fondé et peu importe la nature ou l’ampleur des faiblesses qu’on lui impute, le jugement qui rejette une demande introductive d’instance ou une demande reconventionnelle en raison de son caractère abusif et la déclare explicitement ou implicitement telle (dans ses motifs ou son dispositif et que ce soit à un stade précoce ou après procès) n’est donc appelable que sur permission, conformément à cette disposition[4], et ce, sans égard au fait que d’autres raisons puissent également motiver ce rejet.
[15] En l’espèce, le jugement de la juge Poulin rejette bel et bien la demande introductive et met fin à l’instance amorcée par l’appelant. Les motifs de ce jugement reposent certes sur la chose jugée et l’absence de fondement juridique (sujets couverts par l’art. 168 al. 1(1°) et al. 2 C.p.c.[5]), mais aussi sur le caractère abusif de la demande instituée par l’appelant contre l’intimée. Cet abus consiste ici à avoir témérairement entrepris une action sans égard à un jugement antérieur (et même plusieurs) réglant le même débat, entre les mêmes parties, pour la même cause, dans le cadre d’une affaire ayant donné lieu, sur près de 20 ans, à une multiplicité de poursuites civiles instituées, en vain et à répétition, par l’appelant, dont le recours est en outre irrémédiablement prescrit. L’irrecevabilité du recours pour ces raisons, et en particulier celle de la chose jugée, est inextricablement liée à l’abus reproché à l’appelant et en est l’incarnation même, dont elle est indissociable[6]. Voici ce qu’écrit la juge à ce propos :
[65] Comme l’enseigne la Cour d’appel dans Vandal
c. Municipalité de Boileau [renvoi omis], les articles
[6] Les
articles
[7] Évidemment, le fait qu’une demande en justice soit mal fondée n’est pas nécessairement le reflet d’une faute intentionnelle ou d’une conduite négligente. Une telle demande pourrait donner lieu au rejet de la demande en justice, mais non à des dommages-intérêts.
[8] Pour qu’un tel abus soit considéré comme une faute entraînant la responsabilité civile, il doit s’agir, en l’absence d’indices de mauvaise foi ou de témérité, d’une conduite objectivement fautive, comme l’écrit la Cour dans 2741-8854 Québec inc. c. Restaurant King Ouest inc., précité :
[21] […]
En l’absence d’indices de mauvaise foi ou de témérité, une partie qui procède
tout simplement à une « appréciation inexacte […] de ses droits » [Royal
Lepage commercial inc. c. 109650 Canada Ltd.,
[66] Or, le comportement de M. Golzarian est définitivement blâmable et lui fait encourir sa responsabilité civile vis-à-vis l’APPQ, laquelle a dû encourir des honoraires pour se défendre à cette nouvelle action entreprise de façon téméraire et aux dépens de son droit à la paix judiciaire.
[67] Ce n’est pas la première fois que M. Golzarian se fait reprocher son acharnement et l’utilisation des ressources judiciaires par les tribunaux.
[68] En 2007, le juge Gascon, rejetant une demande en mandamus [renvoi omis] entreprise par M. Golzarian, statuait :
[148] En définitive, il est faux de dire que M. Golzarian n'a pas adressé ses demandes au Comité paritaire parce qu'il ne trouvait pas son adresse. Il ne l'a pas fait simplement parce qu'il ne croyait pas dans le processus, un point c'est tout.
[149] À cause de son refus d'accepter ce processus que la Loi lui offre, il a fait les mauvais choix et tenté de passer outre au seul canal dont il disposait.
[150] Il est aujourd'hui trop tard pour réparer son erreur en s’appuyant sur des arguments peu plausibles et peu sérieux qui ne résistent pas à l'analyse ou en demandant de faire du Comité un organisme qui n'est pas celui que la Loi a créé.
[151] M. Golzarian n'a d'autres alternatives que de faire face aux conséquences de ses choix. Il ne peut en blâmer ni la Sûreté, ni son Syndicat. Il est lui-même responsable de la situation dans laquelle il se retrouve, alors que tous l'ont invité, depuis le début, à poursuivre dans la voie que la Loi lui offrait. Il s'est entêté à y tourner le dos. Le constat de son échec doit certes être des plus brutaux. La voie du recours à un mandamus ne peut d'aucune façon effacer les gestes qu'il a posés.
[69] Puis, soulignant son inquiétude soulevée par l’acharnement de M. Golzarian [renvoi omis] :
[168] Toutefois, force est de constater qu'en l'espèce, le Gouvernement, le Ministre et le Syndicat font l'objet d'un acharnement à la fois exagéré et des plus malheureux de la part de M. Golzarian. Avec ce jugement, il en sera rendu à un septième échec devant les tribunaux supérieurs, toujours sur des décisions gravitant autour des mêmes sujets.
[169] Nul doute que cette obstination entraîne des dépenses importantes pour la Sûreté, le Gouvernement et le Syndicat.
[170] Cela s'avère d'autant plus regrettable que ces derniers ont fait preuve de collaboration pour permettre à M. Golzarian d'être entendu devant les instances prévues à la Loi, mais c’est lui qui s'est toujours entêté à ne pas le faire.
[171] Cet acharnement est tel qu'il en est maintenant rendu à entraîner d'autres anciens policiers dans sa voie, comme c'est le cas pour M. Chevalier. Un tel entêtement a de quoi inquiéter. Refuser d'octroyer les dépens en faveur des défendeurs ne serait qu'y donner une certaine reconnaissance. Voilà qui est à éviter.
[70] En 2009, le juge Journet réitérait les propos du juge Gascon, espérant que le message serait enfin compris [renvoi omis].
[71] En 2013, le juge Gagnon [renvoi omis] le mettait en garde :
[83] L’association
ne demande pas que M. Golzarian soit déclaré plaideur quérulent au sens de
l’article
[72] M. Golzarian a fait valoir ses droits contre l’APPQ dans le cadre d’un procès de 26 jours lors duquel tous ses moyens ont été entendus et décidés dans un jugement de 49 pages. Il a, par la suite, cherché à en appeler en remettant en cause toutes les déterminations du juge. Ses moyens ont tous été rejetés.
[73] L’institution d’un nouveau recours contre l’APPQ en faisant valoir des arguments manifestement mal fondés et déjà décidés relève de toute évidence d’un refus de la part de M. Golzarian d’accepter l’échec de ses démarches judiciaires depuis toutes ces années et non d’une appréciation inexacte de ses droits. M. Golzarian s’acharne à développer des arguments qui ne sont pas fondés et à chercher des failles qui n’existent pas.
[74] En perpétuant le débat pour sa cause, M. Golzarian utilise le processus judiciaire de façon abusive et ce faisant, il occasionne des dommages à l’APPQ, laquelle doit engager des frais pour défendre à répétition les mêmes questions.
[75] Le comportement de M. Golzarian est fautif. Sa faute a occasionné des dommages, pour lesquels il doit être tenu responsable.
[76] Les droits de l’APPQ de faire valoir sa réclamation à titre de dommages seront réservés afin de quantifier les honoraires et les débours engagés pour sa défense.
[77] Le Tribunal suggère fortement à la défenderesse de faire valoir cette réclamation à l’occasion de la présentation de sa demande en déclaration de quérulence, de façon à réunir en une seule audience les représentations des parties sur la question des dommages et ainsi favoriser une saine administration de la justice.
[16] Le dispositif du jugement, reproduit de nouveau par commodité, est lui-même sans équivoque :
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[78] ACCUEILLE la demande de la défenderesse en rejet de la demande introductive d’instance et en déclaration d’abus;
[79] DÉCLARE abusive la demande introductive d’instance du demandeur;
[80] REJETTE la demande introductive d’instance du demandeur;
[81] RÉSERVE les droits de la défenderesse de faire valoir sa réclamation à titre de dommages pour compenser les honoraires et les débours engagés pour sa défense;
[82] SUGGÈRE fortement à la défenderesse de faire valoir cette réclamation à l’occasion de sa demande en déclaration de quérulence de façon à réunir en une seule audience les représentations des parties sur les dommages et ainsi favoriser une saine administration de la justice;
[83] LE TOUT avec les frais de justice.
[Soulignements ajoutés aux paragr. 79 et 80]
[17]
Il est difficile d’être plus clair : selon la juge, la chose jugée
et l’absence de fondement juridique de l’action (qui rendent celle-ci
irrecevable) constituent ici la source même d’un abus patent au sens de l’art.
[18]
Il est vrai que, selon certains arrêts de notre cour, lorsqu’un jugement
rejette une action en vertu de l’art.
[19]
Or, ce doute s’avère. Car dans une situation où se croisent les art.
[20]
De plus, il ne peut exister de compartimentation étanche entre les
moyens d’irrecevabilité visés par l’art.
[21]
Ouvrons ici une parenthèse : tel qu’il appert du paragraphe
précédent, l’irrecevabilité de l’art.
[22]
C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, lorsqu’une demande de rejet
est fondée à la fois sur les art.
[23]
Ainsi, lorsque les deux dispositions sont invoquées ou applicables à la
situation dont il est saisi, le tribunal s’interrogera d’abord sur la
recevabilité de la demande introductive d’instance à la lumière de l’art.
[24]
Enfin, il se pourrait aussi qu’occasionnellement, une demande
introductive d’instance ne soit pas déclarée irrecevable au sens de l’art.
[25] Cela dit, et pour revenir à la question des modalités du droit d’appel, lorsque le tribunal de première instance, en sus d’un constat d’irrecevabilité, conclut à l’abus et rejette l’action, il s’ensuit que le droit d’appel est subordonné à la permission qu’impose l’art. 30 al. 2(3°) C.p.c.[18].
[26]
En l’espèce, bien que ni la demande présentée par l’intimée en première
instance ni le jugement de la Cour supérieure ne mentionnent l’art.
[27]
Afin de remédier à ce défaut, l’appelant a cependant déposé une requête de
bene esse pour permission d’appeler hors délai (art.
* *
[28]
La requête pour permission d’appeler hors délai est régie par l’art.
363. […] |
363. […] |
Néanmoins, la Cour d’appel peut autoriser l’appel s’il ne s’est pas écoulé plus de six mois depuis le jugement et si elle estime que la partie a des chances raisonnables de succès et qu’elle a, en outre, été en fait dans l’impossibilité d’agir plus tôt. Elle peut, même après l’écoulement du délai fixé, autoriser un appel incident si elle l’estime approprié. |
Nevertheless, the Court of Appeal may authorize an appeal if not more than six months have elapsed since the judgment and if it considers that the appeal has a reasonable chance of success and that, in addition, it was impossible in fact for the appellant to act earlier. The Court may, even after the time limit has expired, authorize an incidental appeal if it considers it appropriate. |
[…] |
[…] |
[29] La requête de l’appelant répond-elle aux conditions de cette disposition?
[30] Elle répond assurément à la première, puisqu’elle a été déposée au greffe de la Cour le 21 juillet 2021, soit moins de six mois après le jugement de la juge Poulin.
[31] Elle ne répond cependant pas à la troisième : l’erreur procédurale que fait celui qui n’est pas représenté par avocat n’engendre pas, à elle seule et en elle-même, une impossibilité d’agir au sens de l’art. 363 C.p.c.[21]. C’est d’autant moins le cas en l’espèce, alors que la simple lecture de l’art. 30 al. 2(3°) C.p.c. révèle sans ambiguïté la nécessité de la permission d’appeler dans une situation comme celle de l’appelant. À supposer même que celui-ci ait eu un doute à ce sujet, la prudence aurait exigé que, en personne raisonnable et prévoyante, il dépose une requête pour permission d’appeler concomitamment à sa déclaration d’appel, et non pas hors délai, trois mois plus tard, en réaction à la requête de l’intimée. L’appelant est familier avec la procédure civile, pour avoir abondamment esté en justice au cours des dernières années, et ce n’est pas le premier appel qu’il interjette auprès de la Cour[22]. Il ne peut donc plaider l’ignorance. Aucune impossibilité d’agir ne justifie ce retard et cette façon de faire.
[32]
Cela dit, il n’est pas inutile d’examiner également la seconde condition
prévue par l’art.
30. […] |
30. […] |
La permission d’appeler est accordée par un juge de la Cour d’appel lorsque celui-ci considère que la question en jeu en est une qui doit être soumise à la cour, notamment parce qu’il s’agit d’une question de principe, d’une question nouvelle ou d’une question de droit faisant l’objet d’une jurisprudence contradictoire. |
Leave to appeal is granted by a judge of the Court of Appeal if that judge considers that the matter at issue is one that should be submitted to that Court, for example because it involves a question of principle, a new issue or an issue of law that has given rise to conflicting judicial decisions. |
[33] Les moyens soulevés par une partie appelante doivent donc satisfaire ces exigences et avoir des chances raisonnables de succès sur le fond, ce dernier critère (tout comme les premiers, du reste) répondant aux impératifs de l’intérêt de la justice et de la proportionnalité[24].
[34]
Notons ici que les chances raisonnables de succès que mentionne l’art.
[35] Qu’en est-il en l’espèce des moyens d’appeler soulevés par l’appelant?
[36] Pour répondre à cette question, il faut d’abord mettre l’affaire en contexte, ce à quoi seront consacrés les paragraphes [37] à [66] infra. Ce récit provient des divers jugements rendus au cours des ans dans le cadre de ce que la juge Poulin qualifie à juste titre de « saga judiciaire »[26] ainsi que des procédures et autres documents répertoriés dans les annexes de la requête en rejet et en déclaration de quérulence présentée par l’intimée ainsi que dans les documents produits par l’appelant aux fins de sa contestation.
* *
[38] Parallèlement, l’appelant (qui a précédemment porté plainte à la Commission des droits de la personne et de la jeunesse, avec un certain succès) s’adresse à la Cour supérieure, d’abord en 2002, alors qu’il poursuit le procureur général du Québec et la Sûreté du Québec en dommages-intérêts en raison de leur refus de lui assurer un environnement de travail exempt de harcèlement. Cette action sera rejetée par la Cour supérieure sur irrecevabilité, faute de compétence. Le 19 mars 2003, la Cour d’appel confirme ce jugement[27], pour les motifs suivants :
[16] De tout cela, la Cour retient que la réclamation a un objet, une réparation monétaire et est fondée sur deux causes :
a) le défaut pour la Sûreté du Québec d'avoir maintenu une atmosphère de travail exempt de discrimination ;
b) le refus de la Sûreté d'avoir consenti aux recommandations de la Commission des droits de la personne.
[17] Vu dans cette perspective, le débat est, dans son essence, une affaire de relations de travail. L'appelant a été et était au moment de l'audition en Cour supérieure, un salarié de la Sûreté du Québec; il était insatisfait du climat de travail, permis voire encouragé par les officiers, climat qui lui aurait causé un préjudice (l'incapacité de travailler) pour lequel il recherche un redressement monétaire.
[18] Les relations de travail sont, à la Sûreté du Québec, encadrées par la loi et une convention collective qui prévoient un mécanisme quasi judiciaire de résolution des conflits. Ce tribunal a compétence exclusive et absolue sous réserve des pouvoirs de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure. Or, le contrat collectif de travail contient deux clauses relatives au harcèlement et à la discrimination, la première (art. 3.01) pour les interdire et la seconde (art. 31.01) pour rendre prioritaire l'audition par l'arbitre du grief qui les met en cause [renvoi omis].
[19] Cela signifie que l'appelant aurait dû initier son débat conformément à la loi et à la convention collective applicable car la Cour supérieure n'a pas compétence sur ce litige, tel qu'engagé.
[Soulignements ajoutés]
[39] L’appelant sait donc, dès cette époque, qu’il doit s’en remettre à d’autres instances que la Cour supérieure dès lors qu’il est question des relations de travail avec ses collègues et son employeur. Cela ne l’empêchera toutefois pas de laisser tomber le grief de congédiement en 2004, après cet arrêt de la Cour, en s’abstenant, comme on l’a vu (supra, paragr. [37]), de se présenter à l’audience convoquée par l’arbitre qui en était saisi.
[40] L’appelant intente par la suite, en juin 2003, une première action contre l’intimée (dossier 500-17-015946-034). Cette action, qui connaîtra maintes péripéties, réclame notamment de la Cour supérieure qu’elle prenne acte du harcèlement dont l’appelant a été victime chez l’employeur, renvoie sa réclamation à l’arbitrage et condamne l’intimée, qui l’aurait mal représenté et n’aurait jamais assuré sa protection, à lui verser des dommages-intérêts substantiels[28]. Il faut souligner que, au départ, cette action visait également le procureur général du Québec, contre qui l’action fut rejetée par le juge Chaput de la Cour supérieure le 5 avril 2004[29], alors qu’il laisse le recours se poursuivre en ce qui concerne l’intimée.
[41] L’appelant se pourvoit de ce jugement auprès de notre cour et cet appel sera réuni à un autre, formé dans les circonstances suivantes. En mars 2005, en effet, l’appelant intente contre la Sûreté du Québec une autre action (dossier n° 500-17-024652-052), laquelle sera rejetée par la Cour supérieure, sur déclinatoire, le 25 avril 2005. La juge Matteau, qui rend jugement au nom de la Cour supérieure, estime que « les faits allégués dans la présente Requête relèvent, comme l’ont décidé antérieurement la Cour d’appel et cette Cour, du domaine des relations de travail, de sorte que la Cour supérieure n’a donc pas juridiction pour se saisir de ce litige »[30]. La juge Matteau note que l’action ainsi intentée contre la Sûreté du Québec soulève les mêmes questions de droit que celles dont la Cour d’appel a fait l’analyse dans son arrêt de 2003 (voir supra, paragr. [38]) et qu’elle doit donc être tranchée pareillement, d’où son rejet. L’appelant se pourvoit également contre ce jugement, appel qui sera entendu en même temps que celui du jugement du juge Chaput, ci-dessus.
[42] Le 30 novembre 2006, la Cour prononce deux arrêts dans lesquels elle rejette respectivement l’appel du jugement Chaput et l’appel du jugement Matteau. Dans le premier[31], elle écrit entre autres ce qui suit :
[46] Les deux actions intentées par l'appelant contre le Procureur général sont essentiellement des recours en dommages pour congédiement injustifié ou, pour reprendre les mots de la mise en demeure qui a précédé la première de ces deux actions en dommages, pour bris injustifié du lien d'emploi. Il nous faut conclure que les dispositions de la Loi appliquées aux faits de l'espèce imposent le modèle de la compétence arbitrale exclusive pour assurer la résolution des griefs adressés par l'appelant à son employeur.
[…]
[50] Il aurait bien sûr été éminemment souhaitable que les griefs de l'appelant fassent l'objet d'arbitrage. Le grief concernant son congédiement avait d'ailleurs été référé à l'arbitrage, mais l'appelant a choisi, comme nous l'avons vu, de s'en désister. Cela ne peut faire naître son droit à l'action civile.
[…]
[54] Plutôt que d'insister pour procéder devant la Cour supérieure, l'appelant aurait dû initier son débat conformément à la Loi et au contrat de travail applicable, la Cour supérieure n'ayant pas compétence sur le litige opposant l'appelant à la Sûreté et au Procureur général, dans l'un et l'autre des dossiers. L'action contre l'Association est cependant toujours pendante.
[Soulignements ajoutés]
[43] L’autre arrêt rejette également l’appel, pour les mêmes motifs[32].
[44] La Cour suprême rejettera les demandes d’autorisation d’appel formulées par l’appelant à l’encontre de ces deux arrêts[33].
[46] D’une part, en 2013, le juge Gagnon de la Cour supérieure, dans un jugement opposant l’appelant et l’intimée, rejette la requête en irrecevabilité présentée par cette dernière, mais accueille pour partie sa demande de rejet pour cause d’abus[34]. La sanction prononcée à cet égard consiste à limiter les conclusions qui seront débattues au procès, de même qu'à assujettir toute modification de la demande introductive d’instance à une autorisation judiciaire préalable. Dans le cours de ses motifs, le juge Gagnon confirme que l’appelant n’a plus de recours contre la Sûreté du Québec ou le procureur général du Québec (ce que concède l’appelant[35]).. Il souligne aussi que :
[64] Les explications de M. Golzarian traduisent trois grandes convictions qu’il persiste à faire valoir en dépit de tous les jugements et de la sentence arbitrale rendus depuis 2002 :
a) la Sûreté du Québec n’a procédé selon la loi pour mettre fin à son emploi en 2002, de sorte qu’il est justifié de se considérer encore aujourd’hui membre de la Sûreté du Québec, sans interruption;
b) les adjudicateurs n’ont jamais statué sur le fond de la question : pouvait-on le congédier alors qu’il était en congé de maladie, pour dépression majeure ? Par conséquent, il conserve un droit indéniable et inaliénable de saisir la Cour supérieure de cette question fondamentale;
c) s’il s’est fait dire qu’il ne peut plus contraindre la Sûreté du Québec à la rétablir à son poste de patrouilleur, alors il peut faire ordonner à l’Association d’aller lui procurer le rétablissement en question.
[65] De telles convictions sont erronées en droit. De plus, elles traduisent un comportement procédural déraisonnable dans le contexte décrit en Section A de ce jugement.
[…]
[72] M. Golzarian a bien tenté de raviver sa réclamation en logeant le grief n° 29842 le 29 mai 2007 (après le jugement Journet), mais c’était trop tard, vu les effets de son désistement en 2004.
[73] Par ailleurs, l’article
[74] Assurément, cette sanction constitue une mesure ultime, à n’être appliquée que dans les cas les plus graves [renvoi omis]. Mais il importe ici de remarquer qu’un abus procédural très grave pourra priver le demandeur du droit d’obtenir un jugement au fond sur sa demande, dont on ne saura jamais si elle était bien fondée ou non.
[75] Or, dans le présent dossier, les tribunaux judiciaires ont maintes fois décidé que M. Golzarian ne pouvait pas saisir la Cour supérieure pour demander de rétablir son lien d’emploi avec la Sûreté, ou de constater que tel lien d’emploi n’avait pas été rompu.
[76] La forme lamentable de la requête introductive d’instance ré-amendée traduit notamment l’entêtement inacceptable de M. Golzarian à défier les jugements rendus à ce sujet.
[77] En ce sens, M. Golzarian procède à un
« détournement des fins de la justice » selon la locution
correspondante de l’article
[Soulignements ajoutés]
5. ordonner À la Défenderesse (Association) de prendre tous les moyens nécessaires qui s’imposent pour défendre les droits et intérêts du Demandeur dans le cadre de rétablissement de ses traitements passés, présent et futur comme tout autre membre de la Sûreté du Québec;
6. ORDONNER À la Défenderesse (Association) de prendre tous les moyens nécessaires qui s’imposent pour défendre Demandeur dans le cadre de tous ses autres droits et intérêts, comme tout autre membre de la Sûreté
[48] D’autre part, finalement, par jugement daté du 8 septembre 2016, le juge Thomas M. Davis de la Cour supérieure rejette l’action de l’appelant contre l’intimée, sur le fond (on parle toujours de l’action intentée en 2003, sous le numéro 500-17-015946-034)[36]. Ce jugement est particulièrement étoffé et il se prononce de manière détaillée sur toutes les prétentions de l’appelant. Il conclut notamment que le refus de ce dernier de se présenter devant l’arbitre en 2004 équivaut à un désistement[37]. Il conclut également à l’absence de quelque faute que ce soit de la part de l’intimée, qui n’a pas manqué à son devoir de représentation, au contraire.
[49] Notre cour, le 30 novembre 2018, rejette l’appel de ce jugement[38]. Les deux derniers paragraphes des motifs de cet arrêt sont ainsi rédigés :
[14] Le reproche voulant que l’intimée a failli à ses obligations parce qu’elle a refusé de déposer un grief suite à la plainte de l’appelant devant la Commission des droits de la personne et de la jeunesse est sans mérite. En novembre 1998, l’intimée avait offert à l’appelant de déposer un grief de harcèlement, ce que l’appelant a refusé.
[15] Sont tout aussi sans fondement les moyens voulant que le juge aurait dû renvoyer la réclamation de l’appelant à l’arbitrage ou encore ceux soutenant que le juge aurait dû l’autoriser à faire revivre un grief touchant la cessation de son emploi.
[Soulignement ajouté]
[50] L’appelant tente de se pourvoir contre cet arrêt auprès de la Cour suprême, qui rejette sa demande de permission d’appeler en mai 2019[39].
[51] Dans l’intervalle, cependant, l’appelant n’est pas demeuré inactif. Ainsi, en novembre 2003, il intente contre la Sûreté du Québec et le procureur général du Québec un recours personnel auprès du Tribunal des droits de la personne (dossier n° 500-53-000201-036), lequel déclinera compétence puisque l’appelant a en effet institué un recours de droit commun visant substantiellement les mêmes faits (il s’agit du recours qui fera l’objet des jugements Chaput, Gagnon et, sur le fond, Davis ainsi que de l’action intentée précédemment contre la Sûreté du Québec et le procureur général du Québec, devant la Cour supérieure)[40]. Le juge Rochon de notre cour rejettera la requête pour permission d’appeler de ce jugement, en 2004, et la Cour suprême fera de même[41].
[52] En mai 2005, l’appelant institue également une action en mandamus contre le procureur général du Québec, ainsi que contre l’intimée et le ministre de la Sécurité publique (dossier 500-17-025798-052). Il cherche ainsi à forcer la mise en place du Comité paritaire prévu par la Loi sur le régime syndical applicable à la Sûreté du Québec, telle qu’elle était à l’époque[42]. Dans un jugement du 7 mai 2007, le juge Gascon, qui était alors à la Cour supérieure, rejette l’action[43]. Les paragraphes 125 à 151 de ce jugement méritent une lecture intégrale, mais seuls les extraits suivants en seront reproduits ci-dessous :
[147] Il est inconcevable qu'une personne raisonnablement pourvue de jugement n'ait pas pensé à adresser sa demande aux soins des entités qui composent le Comité paritaire. Tout au long de l'audience, M. Golzarian a démontré qu'il n'est pas un individu dépourvu, bien au contraire.
[148] En définitive, il est faux de dire que M. Golzarian n'a pas adressé ses demandes au Comité paritaire parce qu'il ne trouvait pas son adresse. Il ne l'a pas fait simplement parce qu'il ne croyait pas dans le processus, un point c'est tout.
[149] À cause de son refus d'accepter ce processus que la Loi lui offre, il a fait les mauvais choix et tenté de passer outre au seul canal dont il disposait.
[150] Il est aujourd'hui trop tard pour réparer son erreur en s’appuyant sur des arguments peu plausibles et peu sérieux qui ne résistent pas à l'analyse ou en demandant de faire du Comité un organisme qui n'est pas celui que la Loi a créé.
[151] M. Golzarian n'a d'autres alternatives que de faire face aux conséquences de ses choix. Il ne peut en blâmer ni la Sûreté, ni son Syndicat. Il est lui-même responsable de la situation dans laquelle il se retrouve, alors que tous l'ont invité, depuis le début, à poursuivre dans la voie que la Loi lui offrait. Il s'est entêté à y tourner le dos. Le constat de son échec doit certes être des plus brutaux. La voie du recours à un mandamus ne peut d'aucune façon effacer les gestes qu'il a posés.
[53] Et le juge Gascon de servir cette mise en garde à l’appelant :
[168] Toutefois, force est de constater qu'en l'espèce, le Gouvernement, le Ministre et le Syndicat font l'objet d'un acharnement à la fois exagéré et des plus malheureux de la part de M. Golzarian. Avec ce jugement, il en sera rendu à un septième échec devant les tribunaux supérieurs, toujours sur des décisions gravitant autour des mêmes sujets.
[169] Nul doute que cette obstination entraîne des dépenses importantes pour la Sûreté, le Gouvernement et le Syndicat.
[170] Cela s'avère d'autant plus regrettable que ces derniers ont fait preuve de collaboration pour permettre à M. Golzarian d'être entendu devant les instances prévues à la Loi, mais c’est lui qui s'est toujours entêté à ne pas le faire.
[171] Cet acharnement est tel qu'il en est maintenant rendu à entraîner d'autres anciens policiers dans sa voie, comme c'est le cas pour M. Chevalier. Un tel entêtement a de quoi inquiéter. Refuser d'octroyer les dépens en faveur des défendeurs ne serait qu'y donner une certaine reconnaissance. Voilà qui est à éviter.
[172] Il est plus que temps que tout cela cesse.
[54] Le 12 septembre 2007, notre cour accueille la requête en rejet de l’appel que l’appelant a interjeté contre le jugement Gascon. Elle estime en effet que cet appel n’a aucune chance de succès[44].
[55] En août 2007, l’appelant intente alors contre l’intimée et, cette fois, ses dirigeants, une action[45] d’une nature assez semblable à celle de l’action de 2003 (laquelle finira par donner lieu au jugement Davis, en 2016, confirmé par notre cour en 2018 - voir supra). La Sûreté du Québec, le procureur général du Québec et le ministre de la Sécurité publique de l’époque y sont mis en cause. L’appelant reproche à l’intimée son inertie continue dans la défense de ses droits, lui réclame de substantiels dommages-intérêts et dommages punitifs, réclame la modification de la loi qui régit les membres de la Sûreté du Québec ainsi que diverses ordonnances relatives à ce qu’il décrit comme des contraventions de nature continue[46], thème qu’il reprendra dans l’action dont la juge Poulin sera éventuellement saisie. Il réclame aussi que le régime syndical mis sur pied par la Loi sur le régime syndical applicable à la Sûreté du Québec soit déclaré inconstitutionnel et contraire aux chartes. À cette action se greffera une demande d’injonction permanente afin de rétablir l’appelant dans ses traitements et avantages sociaux, d’enjoindre aux parties défenderesses de respecter la convention collective, de cesser leurs représailles contre lui et autres conclusions.
[56] Le juge Journet de la Cour supérieure rend jugement sur cette action le 9 février 2009[47]. Il accueille la requête en irrecevabilité de l’intimée et de ses dirigeants et rejette la demande de l’appelant sous tous ses aspects, écrivant notamment ceci :
[29] L'ensemble des allégués du demandeur démontrent clairement qu'il a constaté la faute commise selon lui par les défendeurs et le préjudice qu'il prétend en avoir subi depuis au moins dix (10) ans puisque le demandeur prétend dans sa requête introductive d'instance que les défendeurs ne l'ont pas représenté adéquatement dès son embauche en 1992.
[30] Bien que le demandeur réfère par la suite dans sa requête introductive d'instance aux événements entourant la sentence arbitrale du 4 octobre 2004 rejetant son grief et à un nouveau grief du 29 mai 2007, le demandeur tente par ces allégués de faire revivre tardivement un recours manifestement prescrit à la face même des jugements ayant déjà été rendus dans les autres instances initiées par le demandeur qui comportent essentiellement les mêmes reproches que ceux formulés dans la présente instance, à savoir :
[…]
[31] Par ailleurs, les conclusions de la requête introductive d'instance du demandeur démontrent clairement que son recours est prescrit puisqu'il requiert entre autres que la Cour prenne acte des recommandations de la Commission des droits de la personne présentée dans sa résolution du 20 juillet 2001 (conclusion 3) et que les défendeurs soient condamnés à payer des dommages moraux.
[32] L'ensemble de ces faits démontrent clairement qu'aucune instance judiciaire n'a partagé l'opinion du demandeur sur quelque point de vue déjà soulevé.
[33] Le Tribunal partage ces décisions tout en soulignant que Monsieur Golzarian a décidé de ne pas suivre les recours qui lui étaient ouverts dès le départ, soit de faire établir ses droits et contester son congédiement devant la seule instance valide soit l'arbitrage.
[34] Il ne peut maintenant tenter de revenir en arrière et de se voir conférer des droits éteints.
[35] Les prétentions des défendeurs relativement à la prescription du recours sont parfaitement fondées puisque peu importe l'angle sous lequel on aborde les recours intentés et les arguments du demandeur, ils sont mal fondés.
[Soulignements ajoutés]
[37] Le Tribunal est du même avis que le juge Gascon. Il est évident que M. Golzarian n'est plus à l'emploi de la Sûreté du Québec et qu'il n'a plus les moyens de faire revivre des droits auxquels il a librement renoncé visant à obtenir sa réintégration au sein de la force constabulaire.
[38] En conséquence, l'attaque constitutionnelle de la Loi est mal fondée puisque le demandeur n'a aucun intérêt juridique pour la présenter et la soutenir en raison de son congédiement d'il y a plus de cinq ans.
[58] Par ailleurs, citant les paragraphes 168-172 du jugement Gascon (reproduits supra, paragr. [53]), le juge Journet conclut ainsi :
[41] Le Tribunal réitère le même message en espérant qu'il sera enfin compris.
[59] Le jugement du juge Journet sera confirmé par notre cour le 4 juillet 2011[48], dans un arrêt méticuleux et explicite dont il ressort, entre autres choses, que les recours de l’appelant relatifs à sa situation d’emploi et au caractère fautif de la représentation assurée par l’intimée sont mal fondés et prescrits[49]. La Cour note ceci au passage :
[33] Restent les dernières allégations, relatives à un grief déposé par l’appelant le 23 mai 2007 et à l’égard duquel l’APPQ l’avisait le 24 octobre suivant qu’elle entendait ne pas y donner suite. En droit, l’appelant n’était plus membre de la Sûreté depuis le 26 juin 2002. Sans doute l’APPQ avait-elle l’obligation de le représenter équitablement dans son recours contre la mesure de l’employeur annoncée le 19 juin 2002 pour le 26 juin suivant. Mais, avec la sentence du 4 octobre 2004, conséquence du désistement de l’appelant, il ne peut faire de doute que l’APPQ n’était plus obligée à son endroit en mai 2007. La prétention est donc mal fondée.
[Soulignement ajouté]
[60] Mais tout cela n’arrêtera pas l’appelant. En effet, malgré le jugement du juge Journet, confirmé par notre cour (la Cour suprême ayant refusé l’autorisation d’appel), et malgré le jugement du juge Davis (supra, paragr. [48]), l’arrêt de la Cour confirmant celui-ci (supra, paragr. [49]) et le rejet de sa demande de permission d’appeler auprès de la Cour suprême (voir supra, paragr. [50] et note infrap. 39), l’appelant institue un autre recours contre l’intimée en janvier 2020 (c’est le présent dossier). Pour l’essentiel, prétendant se fonder, entre autres, sur diverses déclarations judiciaires ou sous serment faites notamment par des représentants de l’intimée, il soutient que son lien d’emploi avec la Sûreté du Québec n’a jamais été rompu, les formalités requises n’ayant jamais été accomplies, et que, partant, sa situation en est une de nature continue, qui peut faire l’objet d’un grief à l’endroit duquel l’intimée s’est conduite d’une manière négligente, arbitraire et discriminatoire, empreinte de mauvaise foi. Voici les conclusions de sa demande introductive d’instance :
1. ACCUEILLIR La présente action.
2. TRANSFÉRER Ordonner le transfert de la propriété du grief 30707 au demandeur pour arbitrage de son litige de nature continue ( Demandeur / Employeur ) contre la Sûreté, [ Tél qu’il a été déterminé par le juge de fond suivant les admissions & plaidoiries de la Défenderesse]
3. AUTORISER
Suivant la compétence résiduaire de la Cour Supérieure (
4. CONDAMNER La Défenderesse pour son refus, fourberie et dénigrement délibéré de la nature continue du litige contre la Sûreté ( malgré le texte de son propre grief ). Pour son refus de reconnaitre ses propres plaidoiries en cours d’instances. Pour son acharnement, discrimination & Harcèlement juridique et organisationnelle durant de longues années, plus particulièrement, en maintenant deux argumentaires totalement opposés & incompatibles juridiquement pour ses propres intérêts. Ainsi que pour avoir profité de la vulnérabilité financière et l'inexpérience du Demandeur, à verser la somme de 900,000.00$ à titre de dommages moraux pour atteinte à l’honneur et la dignité, la souffrance morale, physique et psychologique, avec les intérêts légaux sur le montant à intervenir et l'indemnité additionnelle de l’article-1619 du C.c.Q. ;
5. CONDAMNER La Défenderesse pour ses atteintes illicites et intentionnelle d’abus de pouvoir & de droit ( Acharnement juridique et organisationnelle) ainsi que les moyens choisis pour les réaliser ( même après deux jugements de 2016 et 2018 relatifs à la nature continue du litige contre la Sûreté ) à des dommages punitifs & exemplaires de 500,000.00$ avec les intérêts légaux & l’indemnité additionnelle prévue à l’article -1619 du C.c.Q.; Le tout avec dépens;
7. ORDONNER Le paiement partiel des sommes adjugées, nonobstant d’Appel;
SUBSIDIAIREMENT
8. CONDAMNER La Défenderesse au paiement avec intérêts de toutes les pertes pécuniaires générées « depuis avril 2002 » par son refus de prendre acte des déterminations des jugements de 2016 & 2018 relatives à la nature continue du litige contre la Sûreté (grief 30707)
[Reproduction intégrale]
[61] Bref, tout en reprochant à l’intimée son acharnement contre lui et sa volonté incessante de lui nuire, l’appelant, arguant d’un « litige de nature continue », exige que l’intimée porte son nouveau grief à l’arbitrage (il en assurera cependant la conduite aux frais de l’intimée). Il demande également la condamnation de l’intimée à des dommages compensatoires et punitifs substantiels, en réparation de son comportement prétendument fautif à son endroit.
[62]
Comme le rappelle le paragraphe [4] des présents motifs, l’intimée, en
vertu des art.
42. Les arguments de droit du demandeur se métamorphosent au gré des jugements rendus contre lui, parfois dans une même procédure par le biais d’amendements, et ce, toujours afin de revenir aux événements survenus dans le cadre de sa fin d’emploi auprès de la Sûreté en 2002.
43. Ses arguments se signalent à la fois par leur inventivité et leur incongruité et avec égard, bien qu’ils présentent une certaine forme juridique, ils sont souvent à la limite du rationnel.
44. D’ailleurs, le demandeur en est aujourd’hui à prétendre que les jugements de la Cour supérieure et de la Cour d’appel rendus dans le dossier 500-17-015496-034 « donne ouverture au dépôt » de son nouveau grief [renvoi omis], alors que ces jugements rejettent en totalité les prétentions du demandeur, y compris son droit de faire revivre un grief touchant sa fin d’emploi.
[63] En conséquence, l’intimée souhaite que la Cour supérieure déclare l’appelant quérulent à son endroit et interdit de procédure contre elle, sauf autorisation judiciaire préalable.
[64] Comme on l’a vu plus haut (voir supra, paragr. [5]), le juge Poirier de la Cour supérieure fixe l’audition de la portion « rejet » de cette requête au 16 mars 2021. Elle fut en effet entendue par la juge Poulin ce jour-là, uniquement sur cet aspect (chose jugée, absence de fondement juridique et caractère abusif des prétentions de l’appelant), mais non sur la quérulence. Le sens du jugement Poirier, rappelons-le, a donné lieu à un débat au début de l’audience devant la juge Poulin, qui rejette la prétention de l’appelant (voir supra, paragr. [6]).
[65] Sur le fond, la juge Poulin, qui rend jugement sur le rejet le 15 avril 2021[52], conclut que :
- toutes les questions soulevées par l’appelant dans son action ont été réglées par le jugement antérieur du juge Davis et autres, qui ont l'autorité de la chose jugée, font obstacle aux prétentions de l’appelant dans le présent dossier et justifient le rejet de son action;
- les prétentions de l’appelant sont mal fondées en droit, tout particulièrement quant au caractère continu du litige qui l’opposerait encore à son ex-employeur et aux obligations de l’intimée à cet égard;
- la demande, pour ces raisons, est manifestement abusive.
* *
[67] L’on doit donner raison à l’intimée et à la mise en cause : les moyens d’appel sont voués à l’échec. Ces moyens et l’appel lui-même sont en effet mal fondés au point de la frivolité et constituent une tentative abusive de soutenir l’insoutenable. En vérité, ce n’est pas de l’absence de chance raisonnable de succès qu’il est ici question : l’appel n’a, littéralement, aucune chance de succès.
* *
[68] Selon l’appelant, et c’est là son premier moyen, l’audience du 16 mars 2021 devant la juge Poulin a été tenue en violation de son droit d’être entendu et de son droit à une défense pleine et entière : en effet, vu le jugement de gestion du juge Poirier, il ne s’attendait pas à ce qu’on aborde la question de l’abus lors de cette audience et il n’a donc pas pu se préparer à débattre de cette question.
[69] Ce moyen ne saurait convaincre. Il est, à l’évidence, fondé sur une lecture tatillonne et dénaturée des propos du juge Poirier lors de la conférence de gestion de janvier 2021, lecture que l’appelant renforce pourtant par un renvoi au projet de protocole d’instance proposé par l’intimée[53] et qui, sous la rubrique « 11. Moyens d’irrecevabilité », indique ce qui suit :
12. T En rejet (168 C.p.c.)
[70] Selon l’appelant, cette mention signifierait qu’il n’a jamais été question que la prétention d’abus avancée par l’intimée soit traitée en même temps que les autres arguments soutenant sa demande en rejet (et déclaration de quérulence).
[71]
Or, il faut tout de même noter que ledit projet de protocole, quelques
lignes plus loin, indique ceci sous la rubrique « 21. Demande en vertu de l’article
22. T Demande en vertu de l’article
Demande en rejet pour abus et demande en déclaration de quérulence.
[72] Le sujet du rejet pour cause d’abus est abordé de nouveau, plus explicitement encore, dans les rubriques 33 et 37 du même projet de protocole.
[73] On ne peut donc pas voir dans ce document la validation de l’interprétation que l’appelant donne au jugement du juge Poirier. Tel qu’il appert des notes sténographiques de l’audience, ce dernier avait la requête de l’intimée en main et il est clair que, en parlant du rejet, il désignait tout le volet que l’intimée consacre à cette question et qui se fonde sur trois éléments : chose jugée, absence de fondement juridique et abus. Le contexte ne peut laisser aucun doute là-dessus et aucun doute non plus sur le fait que le jugement du juge Poirier ne dit pas ce que l’appelant croit y lire. La juge Poulin a bien tenté de le lui expliquer lors de l’audience du 16 mars 2021, mais l’on voit aujourd’hui que ces explications n’ont toujours pas été comprises. La conduite de l’appelant, là-dessus, est d’ailleurs assez typique de cette manière qui est sienne et qu’on observe tout au long du parcours judiciaire précédemment décrit : il cible un détail, excluant ce qui l’entoure, détail dont il gonfle la signification tout en ignorant ce qui lui donne son sens véritable, travestissant ainsi une réalité factuelle et juridique qui ne lui est pas favorable en une occasion de relancer le débat sur une autre voie.
[74] De toute façon, il faut bien voir que, devant la juge Poulin, l’appelant a eu l’occasion de faire valoir son point de vue de manière pleine et entière. Il a même présenté à la juge un plan d’argumentation complet et étoffé. Il est vrai que ce plan ne parle pas d’abus. S’en tenant à sa lecture erronée du jugement du juge Poirier, l’appelant évite en effet ce sujet (et même le mot), mais il développe en profondeur toute une série d’arguments destinés à contrer ceux que présente l’intimée sur la chose jugée et l’absence de fondement juridique de la demande introductive d’instance, arguments qui sont ceux qui sous-tendent justement la proposition d’abus.
[75]
Quoi qu’il en soit, tout cela ne permet qu’une seule conclusion : en
tenant audience sur le volet rejet de la requête de l’intimée, incluant
l’aspect « abus », la juge Poulin n’a pas commis d’erreur et n’a
aucunement enfreint le droit de l’appelant à une défense pleine et entière ou contrevenu
à son droit d’être entendu. Sa démarche a été respectueuse des dispositions
pertinentes du Code de procédure civile (et notamment des art.
[76] Les autres moyens d’appel sont tout aussi mal fondés et ne sauraient permettre à la Cour d’infirmer un jugement qui ne contient aucune erreur de nature à entraîner sa réformation. Voyons ce qu’il en est.
* *
[77]
Selon la juge de première instance, le jugement du juge Davis prononcé
en 2016 sur l’action entreprise contre l’intimée en 2003 et l’arrêt de notre cour
le confirmant en 2018 ont l’autorité de la chose jugée sur l’action intentée
contre la même intimée en 2020 : il y a donc identité de parties au
sens de l’art.
[78] La juge de première instance a entièrement raison et elle applique scrupuleusement les règles relatives à l’autorité de la chose jugée. Certes, l’action de 2020 est présentée sous un jour nouveau, celui du grief visant une situation continue, mais il ne s’agit là, en vérité, que d’un déguisement, qui masque à peine les mêmes réclamations et qui tente de faire revivre un grief dont la Cour supérieure en 2016 et la Cour d’appel en 2018 ont déjà conclu qu’il était éteint, comme on l’a vu précédemment. L’autorité de la chose jugée issue du jugement Davis et de l’arrêt de notre cour qui le confirme fait donc obstacle à l’action de l’appelant, à tous égards.
[79] À cela on pourrait d’ailleurs ajouter le jugement du juge Journet, en 2009, tout comme l’arrêt de notre cour qui le confirme, en 2011 (voir supra, paragr. [55] à [59]), qui ont eux aussi l’effet de la chose jugée sur l’action intentée par l’appelant en 2020 : ils ont tous les deux rejeté ses prétentions 1° à réanimer un recours arbitral manifestement éteint et prescrit et 2° à obtenir la condamnation d’une intimée qui n’avait plus aucune obligation envers lui depuis 2007. Ce sont des prétentions que l’appelant ne peut faire revivre.
[80] De plus, nous avons cité plus haut les autres jugements qui en sont venus à ces mêmes conclusions, sous des angles différents, jugements qui, sans avoir l’autorité de la chose jugée sur le présent débat, permettent néanmoins de conclure qu’en droit, les prétentions de l’appelant sont sans fondement aucun, à supposer même qu’on tienne pour avérés les faits qu’il allègue.
[81] Quant à la question du « grief continu », la juge Poulin ajoute notamment que :
[51] La notion de grief continu a été développée en jurisprudence. Elle a pour effet de permettre le dépôt d’un grief découlant d’une situation qui se produit de façon récurrente et répétitive, en faisant échec à la prescription des droits du plaignant pour l’avenir. Toutefois, le grief ne sera pas qualifié de grief continu si l’évènement à la source du grief a eu lieu à une date ou à une époque précise, sans récurrence, même si les conséquences se font ressentir de façon prolongée dans le futur.
[…]
[55] Le Tribunal ne voit pas dans les jugements du juge Davis et de la Cour d’appel de conclusion reconnaissant le caractère continu du grief. D’ailleurs, contrairement à ce que M. Golzarian fait valoir, le juge Davis n’a pas fait droit à sa quatrième conclusion et n’a pas pris acte de la nature continue du grief.
[56] Il est vrai que le juge Davis retient que différentes questions afférentes au respect de la convention collective relativement à des événements ayant eu cours à l’époque auraient probablement pu être décidées par l’arbitre puisque le grief 21043 réclamait le respect intégral de la convention collective (paragraphes 291 à 293). Il est également vrai que la Cour d’appel a aussi répondu aux arguments de M. Golzarian en soulevant que la question de la date de fin d’emploi, qu’elle soit survenue en juillet 2002 ou en décembre 2002, aurait pu être discutée en arbitrage s’il s’y était présenté. Il ne semble pas non plus contesté que la période visée par le grief 21043 se soit échelonnée sur un certain temps, remontant au 22 avril 2002 et qu’elle couvre plus d’une décision de la SQ.
[57] Mais M. Golzarian ne fait valoir aucune situation, décision ou violation récurrente ou répétitive à compter de sa fin d’emploi, que celle-ci se situe en juillet ou en décembre 2002, appuyant quelque argument de continuité du ou des événements ayant donné lieu à son grief.
[58] Le jugement du juge Davis, loin de conclure au caractère continu du grief, s’en remet à la décision de la Cour d’appel de 2011 et retient que M. Golzarian n’avait manifestement plus l’intérêt requis pour déposer un nouveau grief en 2014 (paragraphe 360).
[59] D’ailleurs, la Cour d’appel concluait dès 2011 que le recours de M. Golzarian pour contester son congédiement était prescrit [renvoi omis] :
[39] L’appelant soumet aussi une déclaration assermentée d’un nommé Simard, membre de la Sûreté, qui affirme que l’inspecteur Fortin (auteur de la lettre du 18 juillet 2002 reproduite ci-dessus) lui aurait déclaré « qu'il y a bien des étapes avant qu'on puisse mettre fin à l'emploi de quelqu'un ». L’appelant désire également présenter un enregistrement de cette conversation. L'opinion ainsi exprimée n'est pas pertinente au litige puisqu'elle permettrait uniquement de démontrer que, selon l’inspecteur Fortin, les procédures normales pour mettre fin à l'emploi d'un policier n'ont pas été suivies dans le cas de l’appelant. Or, le recours de l’appelant pour contester son congédiement est prescrit.
[60] Il en découle que l’argument que M. Golzarian fait valoir pour soulever que son recours n’est pas prescrit est manifestement mal fondé.
[82] De l’avis de la Cour, dans le contexte de la présente affaire, il n’y a rien à redire à ce raisonnement, qui est entièrement conforme au droit. Il en va de même des motifs et de la conclusion de la juge Poulin au sujet du devoir de représentation de l’intimée envers l’appelant, sujet de toute façon épuisé par la chose jugée[55].
[83] Les moyens d’appel ne sont pas susceptibles d’ébranler le jugement de première instance sur l’un ou l’autre de ces points.
[84]
L’appelant s’en prend en effet à la compétence de la juge de première
instance, qui n’aurait pas respecté, affirme-t-il, les règles régissant
l’irrecevabilité pour cause d’absence de fondement en droit, conformément à
l’art.
[85]
Or, cette prétention de l’appelant ignore l’irrecevabilité prévue par
l’art. 168 al. 1(1°) C.p.c. (« litispendance ou chose jugée /
lis pendens or res judicata) et heurte de plein fouet le concept même de la chose
jugée, qui ne permet pas de remettre en question, dans le cadre d’un autre
recours, les déterminations de fait comme de droit d’un premier jugement
final (en l’occurrence celui du juge Davis et de l’arrêt de notre cour le
confirmant), dont l’autorité a force de présomption absolue (selon
l’art.
La raison d'être de cette présomption légale irréfragable de validité des jugements est ancrée dans une politique sociale d'intérêt public visant à assurer la sécurité et la stabilité des rapports sociaux. L'inverse signifierait l'anarchie, avec la perspective de procès sans fin et de jugements contradictoires.
Les auteurs, tant en France qu'au Québec, expriment sensiblement la même opinion. Planiol et Ripert, dans leur Traité pratique de droit civil français (2e éd. 1954), t. VII, au no 1552, p. 1015, font observer ceci :
En réalité cette présomption légale recouvre une règle de fond. Le jugement une fois rendu doit terminer définitivement le procès si les voies de recours ont été en vain exercées ou s'il n'en a pas été fait usage. Il y a une nécessité sociale de premier ordre à ce que les litiges ne recommencent pas indéfiniment sur le même sujet. La stabilité des rapports sociaux exige que les décisions de justice soient respectées au même titre que la loi.
Me Charles-Auguste Chauveau, dans sa thèse de doctorat, De l'autorité de la chose jugée en matière civile (1903), explicite l'objet de la chose jugée, au no 1, p. 7 :
Sans une autorité suprême et définie, la société dégénère bientôt en anarchie. Sans la présomption de vérité que la loi accorde à une certaine classe de jugements, l'exercice de l'autorité judiciaire deviendrait un mal et occasionnerait des désordres irrémédiables; les tribunaux seraient des instruments de persécution entre les mains des riches qui pourraient sans cesse renouveler les mêmes attaques contre des adversaires moins fortunés, et, loin d'être une source de protection et un refuge pour les faibles, la loi n'apporterait à ces derniers qu'une aggravation de leurs misères.
Nadeau et Ducharme, dans La preuve en matières civiles et commerciales, dans Traité de Droit civil du Québec, t. 9, 1965, au no 552, p. 447, abondent dans le même sens, quoique sur une note moins dramatique :
Mais le fondement réel de l'autorité de la chose jugée réside bien moins dans cette présomption légale de vérité que dans une considération d'utilité sociale. Le législateur a voulu empêcher que des procès perpétuellement recommencés ne viennent compromettre la sécurité et la stabilité des rapports sociaux, compte tenu surtout de ce fait inéluctable de la contrariété possible des jugements dans ces procès multiples. L'intérêt public exige qu'on ne puisse plus remettre en question ce qui, suivant l'expression classique, est passé en force de chose jugée . . .
Une conséquence inéluctable de la
présomption irréfragable de validité des jugements est que l'autorité de la
chose jugée existe même dans le cas où le jugement est entaché d'erreur. Le Code
de procédure civile prévoit expressément un certain nombre de voies de
recours pour corriger les erreurs qui ont pu se glisser dans un jugement (Livre
III, « Moyens de se pourvoir contre les jugements »), dont l'appel et
la possibilité de rétractation de jugement. Toutefois, si ces recours ne sont
pas exercés, le jugement acquerra forcément, en vertu de l'art.
[…][59]
[86] Il en va de même, évidemment, lorsque ces recours ont été exercés et rejetés, l’autorité de la chose jugée restant ainsi intacte et se trouvant même renforcée par les déterminations qui ont pu être faites en appel, par exemple.
[87]
Ces règles régissant l’autorité de la chose jugée n’ont pas changé avec
l’entrée en vigueur de l’art.
[46] La chose jugée « fait obstacle à ce que soit tranché de nouveau ce qui l’a déjà été, répond à un souci de stabilité juridique et vise à ce que soient évitées la multiplicité des procès et la possibilité de jugements contradictoires » [renvoi omis]. La litispendance est régie par les mêmes principes, car « les deux moyens servent des fins médiates similaires qui consistent essentiellement à éviter la multiplicité des procès et la possibilité de jugements contradictoires » [renvoi omis]. Chose jugée et litispendance « réalisent ultimement un objectif d’intérêt public de protection de la sécurité et de la stabilité des rapports sociaux » [renvoi omis], alors que la chose jugée « protège les droits acquis en faveur des parties » [renvoi omis] et que la litispendance « évite au défendeur les inconvénients pouvant découler des poursuites multiples » [renvoi omis].
[47] De la chose jugée découle une présomption
absolue, reposant sur une triple identité (cause, objet et parties), énoncée au
premier alinéa de l’article
2848. L'autorité de la chose jugée est une présomption absolue; elle n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement, lorsque la demande est fondée sur la même cause et mue entre les mêmes parties, agissant dans les mêmes qualités, et que la chose demandée est la même. |
2848. The authority of a final judgment (res judicata) is an absolute presumption; it applies only to the object of the judgment when the demand is based on the same cause and is between the same parties acting in the same qualities and the thing applied for is the same. |
[48] En présence de cette triple identité, un jugement définitif de la Cour supérieure emporte l’autorité de la chose jugée peu importe qu’il soit erroné en fait ou en droit, le cas échéant, et sans qu’une partie puisse faire valoir un argument de droit ou de fait omis, comme l’écrit la Cour dans Werbin [renvoi omis] :
[8] En principe, on ne peut pas combattre l'effet de chose jugée d'un jugement en faisant valoir ultérieurement à son prononcé un argument de droit ou de fait qui aurait dû être avancé antérieurement. Si cela était possible, la stabilité des jugements serait mise à rude épreuve, puisqu'un plaideur pourrait toujours revenir à la charge en faisant valoir un moyen qui n'a été ni soulevé ni débattu alors qu'il aurait dû l'être, comme c'est ici le cas. On ne peut pas davantage combattre l'effet de la chose jugée en invoquant que le jugement est erroné en fait ou en droit
[Référence omise][61]
[88] Or, en application de ces principes, considérant les déterminations du juge Davis, puis celles de notre cour en 2018, l’appelant ne peut tout simplement plus prétendre que le lien d’emploi qui l’unissait à la Sûreté du Québec n’a pas été rompu ou que l’intimée ne l’a pas représenté adéquatement ou a cherché à lui nuire. Le juge Davis a décidé que tel n’était pas le cas, la Cour a confirmé ce jugement, ajoutant elle-même qu’il ne saurait être question de faire revivre un grief visant la fin d’emploi de l’appelant (voir supra, paragr. [49]), ce que la Cour supérieure, sous la plume du juge Journet, avait déjà écrit en 2009 et que notre cour avait subséquemment repris. Autrement dit, les allégations de la demande introductive d’instance ne peuvent pas être tenues pour avérées à l’encontre des faits établis par les jugements ayant acquis l’autorité de la chose jugée et l’appelant est désormais privé de la possibilité même de tenter d’en faire la preuve ou de réfuter la présomption absolue de vérité découlant de la chose jugée.
[89] Or, c’est précisément ce que cherche à faire l’appelant par l’action qu’il intente à l’intimée en 2020, sous couvert de cette nouvelle théorie du « litige de nature continue » l’opposant à la Sûreté du Québec, théorie qu’il assortit d’une autre demande de dommages-intérêts contre l’intimée, à laquelle il reproche fourberie, dénigrement, discrimination, harcèlement, etc.
[90] C’est aussi en raison de la chose jugée sur ces questions que la juge Poulin a pu conclure à l’irrecevabilité de l’action intentée par l’appelant, y compris sur la nature continue du litige. Elle n’a elle-même fait aucune détermination factuelle : elle a constaté que le jugement du juge Davis et l’arrêt de la Cour confirmant celui-ci (comme plusieurs autres jugements) avaient déjà conclu autrement, conclusion qui liait les parties et que l’appelant ne pouvait remettre en cause en invoquant cette nouvelle thèse, qui se bute, répétons-le, à la chose jugée.
[91] Par ailleurs, les faits allégués par l’appelant, même tenus pour avérés, n’étaient, dans ce contexte, aucunement de nature à soutenir ses prétentions juridiques : en droit, son action était prescrite et l’intimée n’avait plus de devoir de représentation envers lui[62].
[92]
En somme, les moyens de l’appelant sont donc, à leur lecture même, mal
fondés et ne répondent pas aux conditions prévues par le troisième alinéa de
l’art.
[93] L’affaire, en réalité, se résume en peu de mots : en ce qui concerne sa situation d’emploi auprès de la mise en cause Sûreté du Québec, l’appelant n’a plus aucun recours contre l’intimée, pas plus qu’il n’en a contre son ancien employeur ou contre le procureur général du Québec. Il disposait originalement du recours au grief, recours qui a été institué à son bénéfice, mais dont il s’est désisté dans les circonstances rapportées plus haut et qui ne peut d’aucune façon, sous quelque couvert que ce soit, être ressuscité, que ce soit par le moyen d’un nouveau grief ou d’une action devant les tribunaux de droit commun. Il en va de même de ses prétentions contre l’intimée, qui ne l’aurait pas adéquatement représenté dans ses démêlés avec la mise en cause et lui aurait constamment et délibérément nui. Cette cause d’action a été rejetée par le jugement Davis et l’arrêt de notre cour confirmant celui-ci (sans parler de l’arrêt de 2011, déclarant que l’intimée n’a plus de devoir de représentation envers l’appelant depuis 2004[63]) et elle ne peut pas renaître, quels que soient les stratagèmes de l’appelant pour contourner cette réalité juridique. C’est l’effet de l’autorité de la chose jugée, principe qui existe justement pour empêcher (ou tenter d’empêcher) une personne de revenir sans cesse à la charge, à l’instar de l’appelant.
[94] Finalement, sur la question de l’abus, on ne peut qu’être d’accord avec la juge Poulin : dans les circonstances, la demande introductive d’instance de l’appelant, qui tente de faire revivre une cause d’action déjà écartée par les tribunaux et indiscutablement mal fondée en droit, est clairement abusive. Il n’est pas nécessaire de reprendre ici les paragraphes 65 à 77 du jugement de première instance (qui sont déjà reproduits au paragr. [15] supra), sinon pour dire que la Cour ne peut qu’y souscrire.
[95]
L’art.
51. Les tribunaux peuvent à tout moment, sur demande et même d’office, déclarer qu’une demande en justice ou un autre acte de procédure est abusif. |
51. The courts may, at any time, on an application and even on their own initiative, declare that a judicial application or a pleading is abusive. |
L’abus peut résulter, sans égard à l’intention, d’une demande en justice ou d’un autre acte de procédure manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire, ou d’un comportement vexatoire ou quérulent. Il peut aussi résulter de l’utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable ou de manière à nuire à autrui ou encore du détournement des fins de la justice, entre autres si cela a pour effet de limiter la liberté d’expression d’autrui dans le contexte de débats publics. |
Regardless of intent, the abuse of procedure may consist in a judicial application or pleading that is clearly unfounded, frivolous or intended to delay or in conduct that is vexatious or quarrelsome. It may also consist in a use of procedure that is excessive or unreasonable or that causes prejudice to another person, or attempts to defeat the ends of justice, particularly if it operates to restrict another person’s freedom of expression in public debate. |
|
[Soulignements ajoutés] |
[96] L’action de l’appelant contre l’intimée est manifestement mal fondée, elle est frivole et elle constitue un usage déraisonnable de la procédure judiciaire au sens de cette disposition. C’est ce qu’a conclu la juge, à bon droit, et la Cour partage son avis.
[97]
Pour ces raisons, l’appel est voué à l’échec et, cela étant, ni les
exigences de l’art. 30 al. 2 et 3 C.p.c. ni la troisième condition
prescrite par l’art.
* *
[98] L’intimée, appuyée par la mise en cause, demande également que l’appel soit déclaré abusif et que l’appelant soit condamné à lui rembourser les honoraires et débours engagés dans le cadre des procédures d’appel.
[99] Sur le premier point, la Cour fera droit à la demande de l’intimée. L’appelant ne s’est pas conduit en personne raisonnable (et donc prudente)[64] en tentant de se pourvoir contre le jugement de la juge Poulin et toutes les raisons pour lesquelles celle-ci rejette son action sont transposables aux procédures de l’appelant devant notre cour.
[100] Il ne s’agit en effet pas seulement de constater que l’appel et les moyens d’appel de l’appelant n’ont pas de chances raisonnables de succès (ils n’en ont même aucune, comme on l’a vu), ce qui ne signale pas nécessairement un abus : ce qui est mal fondé n’est pas forcément abusif, avons-nous écrit plus tôt. Mais, bien au delà du seul constat de l’absence de chances de succès, l’on se trouve ici dans une situation, qui, elle, répond aux critères de l’abus.
[101] Le parcours judiciaire de l’appelant est en effet semé d’échecs qui auraient dû lui faire comprendre la futilité de ses démarches. Les juges Gascon, Journet et Gagnon ont tenté de le mettre en garde contre la tentation de poursuivre dans cette voie. Rien n’y a fait.
[102] L’action entreprise contre l’intimée en 2020 et l’appel du jugement de la juge Poulin sont la manifestation de l’entêtement de l’appelant, qui ressasse et réinvente les mêmes récriminations à répétition. La Cour, sur le fond des affaires dont elle a été saisie, ne lui a jamais donné raison. Elle lui a dit, en 2003, que ses démêlés avec la Sûreté du Québec, étaient « encadrées par la loi et une convention collective qui prévoient un mécanisme quasi judiciaire de résolution des conflits. Ce tribunal a compétence exclusive et absolue sous réserve des pouvoirs de surveillance et de contrôle de la Cour supérieure »[65], ce qu’elle lui a répété en 2006[66]. En 2011, statuant dans le cadre d’un appel l’opposant à l’intimée, elle lui signifie clairement que « [e]n droit, l’appelant n’était plus membre de la Sûreté depuis le 26 juin 2002 » et que « avec la sentence du 4 octobre 2004, conséquence du désistement de l’appelant, il ne peut faire de doute que l’APPQ n’était plus obligée à son endroit en 2007 »[67]. En 2018, elle confirme l’entièreté du jugement du juge Davis et déclare sans fondement tous les moyens que l’appelant fait alors valoir contre l’intimée[68]. Or, la demande introductive d’instance de 2020 n’est qu’une réitération de l’action dont était saisi le juge Davis, mais sous d’autres atours, tout comme le présent appel cherche à contourner l’arrêt de 2018 et à faire une revivre une contestation périmée.
[103] Cela étant, l’appelant aurait dû comprendre que son appel du jugement Poulin n’avait, manifestement, aucune chance de succès : il n’est que la continuation de l’abus constaté par la juge de première instance. Il s’agit d’un détournement des fins de la justice et d’un usage excessif et disproportionné des ressources judiciaires, et ce, aux fins d’une guérilla incessante contre l’intimée, que celle-ci n’est plus tenue de supporter.
[104] Cet abus constitue ici une faute caractérisée, qui tient de la conduite blâmable et qui dénote une mauvaise foi ou une insouciance grossière, au mieux un aveuglement volontaire, de nature à engager la responsabilité de l’appelant envers l’intimée[69]. Cette faute peut être sanctionnée, entre autres, par une condamnation à des dommages destinés à réparer le préjudice causé à la partie adverse (préjudice que l’intimée a établi).
[105] Il est vrai que, dans son arrêt de 2011[70], la Cour écrivait ceci :
[5] Il est vraisemblable, voire probable, que la lointaine origine du litige est une injustice réelle dont l’appelant fut victime dans son milieu de travail en sa qualité de membre de la Sûreté [renvoi omis]. Aussi peut-on regretter que les multiples procédures qu’il a entreprises n’aient pu mener à une issue plus satisfaisante pour lui. Cependant, loin d’être étrangère aux décisions prises par l’appelant, cette situation résulte des choix mal avisés qu’il a faits en tentant d’obtenir lui-même la sanction de ses droits [renvoi omis]. Le pourvoi dont la Cour est actuellement saisie soulève de nouveau une question de cet ordre.
[Soulignements ajoutés]
[106] Dix ans plus tard, et dix ans de procédures judiciaires supplémentaires plus tard, l’appelant n’a pas encore saisi le message, aussi pénible et douloureux soit-il à entendre[71] : il est devenu l’artisan de son propre malheur.
[107] Il y a donc lieu de déclarer abusives les procédures d’appel de l’appelant.
[108] Par contre, quoiqu’elle ait démontré le préjudice que lui ont causé ces procédures, il n’y aura pas lieu de faire droit, du moins pas entièrement, à la demande de l’intimée au sujet du remboursement de ses honoraires et débours, dont elle n’a pas établi le quantum, qu’il ne convient pas d’évaluer ici de manière arbitraire. La partie qui réclame une telle condamnation a tout avantage à produire les comptes détaillés de ses avocats, ce qui permet à la Cour d’évaluer la justesse et le caractère raisonnable des services fournis et des montants facturés et réclamés[72].
[109] Devrait-on
pour autant refuser la demande et ne sanctionner l’abus de l’appelant que par
le rejet de l’appel et le refus de lui accorder la permission d’appeler hors
délai du jugement de première instance (art.
[110] Dans les
circonstances, il y aura donc lieu d’user du remède que l’art.
54. Le tribunal peut, en se prononçant sur le caractère abusif d’une demande en justice ou d’un autre acte de procédure, incluant celui présenté sous la présente section, ordonner, le cas échéant, le remboursement de la provision versée pour les frais de l’instance, condamner une partie à payer, outre les frais de justice, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre partie, notamment pour compenser les honoraires et les débours que celle-ci a engagés ou, si les circonstances le justifient, attribuer des dommages-intérêts punitifs. |
54. On ruling on whether a judicial application or pleading, including one presented under this division, is abusive, the court may order a provision for costs to be reimbursed, order a party to pay, in addition to legal costs, damages for any injury suffered by another party, including to cover the professional fees and disbursements incurred by that other party, or award punitive damages if warranted by the circumstances. |
Si le montant des dommages-intérêts n’est pas admis ou ne peut être établi aisément au moment de la déclaration d’abus, le tribunal peut en décider sommairement dans le délai et aux conditions qu’il détermine ou, s’agissant de la Cour d’appel, celle-ci peut alors renvoyer l’affaire au tribunal de première instance qui en était saisi pour qu’il en décide. |
If the amount of the damages is not admitted or cannot be easily calculated at the time the application or pleading is declared abusive, the court may summarily determine the amount within the time and subject to the conditions it specifies or, in the case of the Court of Appeal, refer the matter back to the court of first instance for a decision. |
|
[Soulignements ajoutés] |
[111] La Cour renverra donc la demande de l’intimée à la Cour supérieure, pour que celle-ci décide du montant approprié des dommages destinés à compenser le montant des honoraires et débours que l’intimée a dépensés aux fins des présentes procédures d’appel et qui peuvent être raisonnablement réclamés à l’appelant[73].
* *
[112] La Cour ne fera toutefois pas droit à la dernière demande de l’intimée et de la mise en cause, qui réclament que l’appelant soit déclaré quérulent, en appel, à leur endroit.
[113] Il est vrai que la conduite de l’appelant possède à première vue les traits propres à la quérulence[74] : il multiplie depuis presque 20 ans les recours relatifs à un même thème ou à une variation de ce thème (et toujours en demande); il fait montre d’opiniâtreté; ses arguments et moyens, qui font couramment dans la surenchère, se distinguent à la fois par leur inventivité ainsi que leur incongruité et, malgré leur forme juridique, ils sont souvent « à la limite du rationnel »[75]; il porte habituellement en appel les décisions qui lui sont défavorables; il recherche des condamnations monétaires disproportionnées; il ne respecte pas l’autorité des tribunaux dont il « revendique pourtant l’utilisation et l’accessibilité »[76]; il n’est pas représenté par avocat. On pourrait ajouter à cela que l’appelant - et c’est un autre attribut de la quérulence - est friand d’arguments faisant renvoi aux grands principes du droit, aux droits individuels que protègent les chartes, à l’équité procédurale et au droit à une défense pleine et entière.
[114] Néanmoins, malgré ces indices lourds[77], il n’est pas opportun de prononcer ici la déclaration que souhaiteraient l’intimée et la mise en cause. En effet, une demande semblable, on le sait, est encore pendante devant la Cour supérieure et il paraît préférable que celle-ci se prononce sur le sujet avant notre cour.
[115] Le présent arrêt constitue donc, en quelque sorte, un dernier avertissement à l’appelant, ce qui lui donne une ultime chance de se réformer, sa conduite abusive se limitant à l’intimée et à la mise en cause (et accessoirement au procureur général du Québec), dans le contexte que l’on sait. Il aura donc la possibilité de réaliser que, s’il continue d’interjeter appel contre les jugements prononcés à son endroit par la Cour supérieure dans l’interminable dispute qui l’oppose à l’intimée et à la mise en cause, il pourrait être déclaré quérulent devant notre cour. Plus profondément, il lui faudra réaliser aussi que les tribunaux, même supérieurs, ne sont pas investis de pouvoirs illimités, que leur action est restreinte par la loi et que l’état du droit ne permet pas les réparations qu’il recherche.
POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[116] ACCUEILLE la requête en rejet d’appel et déclaration de quérulence pour partie, avec entiers frais de justice en faveur de l’intimée;
[117] DÉCLARE que l’appel institué par l’appelant le 14 mai 2021, par voie de déclaration d’appel seulement, a été irrégulièrement formé;
[118] REJETTE l’appel, avec frais de justice en faveur de l’intimée;
[119] REJETTE la requête de bene esse pour permission d’appeler hors délai, avec frais de justice en faveur de l’intimée;
[120] DÉCLARE les procédures d’appel de l’appelant abusives;
[121] CONDAMNE l’appelant à verser à l’intimée des dommages équivalant aux honoraires et débours engagés par celle-ci aux fins de se défendre à l’encontre des procédures d’appel et RENVOIE l’affaire à la Cour supérieure pour que, après preuve et débat, elle décide du montant raisonnable qu’il convient d’octroyer à ce titre;
[122] REJETTE la demande de déclaration de quérulence.
[1]
Golzarian c. Association des policières et des policiers provinciaux du
Québec,
[2]
Demande de la défenderesse en rejet de la demande introductive
d’instance du demandeur et en déclaration de quérulence (art.
[3] Id., paragr. 29.
[4]
En ce sens, voir par ex. : Beauregard c. Boulanger (Succession de
Boulanger),
[5]
Rappelons cependant qu’en l’espèce, l’intimée, quoiqu’elle ait invoqué la
chose jugée et l’absence de fondement juridique dans sa requête ne fait pas
référence à l’art.
[6] La situation, de ce point de vue, est analogue à celle de l’arrêt Côté c. Moreau, préc., note 4, paragr. 10.
[7] Sur le plan procédural, la situation de l’espèce s’apparente à celle qui était en cause dans 2741-8854 Québec inc. c. Restaurant King Ouest inc., préc., note 4, paragr. 1 et 17 et s., notamment au paragr. 35.
[8]
Voir par ex. : Hrabovskyy c. DAS, Compagnie d'assurances de
protection juridique limitée,
[9] Préc., note 8. Il s’agit d’un court arrêt prononcé séance tenante, statuant sur une requête en rejet d’appel et une requête de bene esse pour permission d’appeler.
[10]
[11]
Voir par ex. : Beauregard c. Boulanger (Succession de Boulanger),
préc., note 4, paragr. 26; Lacour c. Construction D.M. Turcotte TRO inc.,
préc., note 8, paragr. 56. Pour sa part, l’arrêt Fuoco c. Ville de Montréal,
[12] Préc., note 4.
[13] Préc., note 4.
[14]
Comme le rappelle la Cour dans Droit de la famille — 191415,
[15] Préc., note 4.
[16]
Voir par ex. : Acadia Subaru c. Michaud,
[17]
[18]
Et ce, que la conclusion relative à l’abus soit justifiée ou non. Comme le
souligne l’arrêt Procureur général du Québec c. Beaulieu,
[19] Il n’est peut-être pas inutile de rappeler que, la procédure étant la servante du droit, et non l’inverse, ce n’est pas parce qu’une partie ne mentionne pas une disposition législative dans le titre de son acte de procédure qu’on doit l’ignorer : on ne peut pas exclure l'application d'une disposition autrement applicable du seul fait qu'on omet de la mentionner dans l'intitulé d'un acte de procédure. Il en va de même d’un jugement, qui peut très bien procéder à une analyse conforme à une disposition qu’il ne mentionne pas explicitement et qui, pourtant, s’applique.
[20] Voir supra, paragr. [15] à [17].
[21]
Sur ce point, voir par ex. : Green c. Agence du revenu du Québec,
[22] Le plumitif de la Cour indique qu’il a interjeté neuf appels depuis 2002, excluant le présent dossier.
[23]
Ce critère est souvent au cœur de l’analyse régie par l’art.
[24]
En ce sens, voir par ex. : Droit de la famille — 211297,
[25]
L’art.
365. La Cour d’appel peut, même d’office, rejeter l’appel dans les cas suivants: il n’existe pas de droit d’appel, il y a déchéance de ce droit, l’appel a un caractère abusif ou il est irrégulièrement formé. Elle le peut également à la demande de l’intimé, si la caution n’a pas été fournie dans le délai fixé, s’il y a eu acquiescement au jugement qui fait l’objet de l’appel ou renonciation par une partie aux droits résultant d’un jugement rendu en sa faveur ou si l’appel ne présente aucune chance raisonnable de succès. |
365. The Court of Appeal, even on its own initiative, may dismiss an appeal if the right to appeal is non-existent or has been forfeited or the appeal is abusive or improperly initiated. It may also, on an application by the respondent, dismiss an appeal if the surety is not furnished within the time limit determined, the judgment under appeal has been acquiesced in or a party in whose favour the judgment was rendered has renounced the rights arising from it, or if the appeal has no reasonable chance of success. |
[…] |
[…] |
|
[Soulignement ajouté] |
[26] Jugement de première instance, paragr. 1.
[27]
Golzarian c. Québec (Procureur général),
[28] Voir les conclusions de la demande introductive d’instance réamendée de 2015, annexe 8 de la requête en rejet et déclaration de quérulence, onglet 2, p. 140.
[29]
Golzarian c. Québec (Procureur général),
[30]
Golzarian c. Québec (Procureur général),
[31]
Golzarian c. Québec (Procureur général),
[32]
Golzarian c. Québec (Procureur général),
[33] 10 mai 2007, dossiers nos 31835 et 31836.
[34]
Golzarian c. Association des policières et policiers provinciaux du
Québec,
[35] Au paragr. 62 de ce jugement, le juge Gagnon écrit que : « Les deux premières conclusions (mentionnant le Procureur général) ont été raturées par M. Golzarian après l’audience des 8 et 9 mai 2013, et après qu’il ait concédé durant l’audience qu’il ne pouvait plus réclamer de conclusion à l’encontre de la Sûreté ou du Procureur général. »
[36]
Golzarian c. Association des policières et policiers provinciaux du
Québec,
[37] Id., paragr. 317.
[38]
Golzarian c. Association des policières et policiers provinciaux du Québec,
[39] 23 mai 2019, dossier n° 38533.
[40]
Golzarian c. Québec (Procureur général),
[41] 3 février 2005, dossier n° 30618.
[42] RLRQ, c. R-14 (devenue depuis : Loi sur le régime syndical applicable à la Sûreté du Québec et aux corps de police spécialisés).
[43]
Golzarian c. Québec (Procureur général),
[44] Golzarian c. Procureur général du Québec et al., C.A.M. 500-09-017785-072, 12 septembre 2007 (jj. Baudouin, Dutil et Vézina).
[45] Dossier n° 700-17-004444-070.
[46] Voir la demande introductive d’instance réamendée datée du 28 août 2008.
[47]
Golzarian c. Association des policiers provinciaux du Québec,
[48]
Golzarian c. Association des policiers provinciaux du Québec,
[49] Id., paragr. 24-33, en ce qui concerne les reproches adressés à l’intimée. Voir également, le paragr. 39 in fine : « Or, le recours de l’appelant pour contester son congédiement est prescrit ».
[50]
Cette demande, rappelons-le, est intitulée : « Demande de la
défenderesse en rejet de la demande introductive d’instance du demandeur et en
déclaration de quérulence (articles
[51] Id., paragr. 33.
[52] Golzarian c. Association des policières et des policiers provinciaux du Québec, préc., note 1.
[53] L’appelant produit ce document en annexe au plan d’argumentation qu’il a soumis à la Cour et à sa requête de bene esse pour permission d’appeler hors délai, p. 67 et s.
[54] RLRQ, c. C-12.
[55] Jugement de première instance, paragr. 61 à 64.
[56] Déclaration d’appel, paragr. 16 (le paragraphe 15 de la requête de bene esse pour permission d’appeler hors délai renvoie à cette déclaration d’appel).
[57] Requête de bene esse pour permission d’appeler hors délai, paragr. 11-c-iii.
[58]
[59] Id., p. 402-403.
[60] 2016 QCCA 430.
[61]
Sur la nature, la portée et la raison d’être de l’autorité de la chose
jugée, on peut lire aussi : Souscripteurs du Lloyd's c. SNC Lavalin
inc.,
[62] Là-dessus, rappelons que notre cour, en 2011, a souligné que l’intimée n’avait plus aucun devoir de représentation envers l’appelant depuis 2007, ce qui laisse évidemment voir qu’un recours intenté sur ce fondement en 2020 est clairement prescrit.
[63] Golzarian c. Association des policiers provinciaux du Québec, préc., note 48, paragr. 33 (reproduit au paragr. [59] supra).
[64]
C’est le standard applicable. Voir par ex. : Casmatec Canada inc. c.
Bradken Canada Manufactured Products Ltd.,
[65] Golzarian c. Québec (Procureur général), préc., note 27, paragr. 18 (voir supra, paragr. [38]).
[66] Golzarian c. Québec (Procureur général), préc., note 31, paragr. 46 (voir supra, paragr. [42]).
[67] Golzarian c. Association des policiers provinciaux du Québec, préc., note 48, paragr. 33 (voir supra, paragr. [59]).
[68] Golzarian c. Golzarian c. Association des policières et policiers provinciaux du Québec, préc., note 38 (voir supra, paragr. [49]).
[69] 2741-8854 Québec inc. c. Restaurant King Ouest inc., préc., note 4, paragr. 28 et s.
[70] Golzarian c. Association des policiers provinciaux du Québec, préc., note 48, paragr. 5.
[71] Message que d’autres juges lui ont transmis au cours des ans.
[72]
Voir à ce sujet, entre autres : Meadowbrook Groupe Pacific inc. c.
Ville de Montréal,
[73]
Pour des exemples récents de l’application de l’art.
[74]
Voir par ex. : Milette c. R.,
[75]
Pogan c. Barreau du Québec (FARPBQ),
[76] Pogan c. Barreau du Québec (FARPBQ), préc., note 75, paragr. 83, cité avec approbation dans Milette c. R., préc., note 74, paragr. 19.
[77] La Cour soulignera toutefois que, selon ce qu’elle a pu observer, directement ou par la lecture des notes sténographiques jointes au présent dossier, l’appelant s’exprime avec politesse et ne tombe pas dans les excès de langage ou de ton inappropriés à l’enceinte judiciaire.
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