Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

                         COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE

                       LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

QUÉBEC                   MONTRÉAL, le 10 juillet 1995

 

 

 

DISTRICT D'APPEL         DEVANT LA COMMISSAIRE:    Joëlle L’Heureux

DE MONTRÉAL

 

RÉGION:                 

   ÎLE-DE-MONTRÉAL

DOSSIER:

   58392-60-9404

DOSSIER CSST:            AUDIENCE TENUE LE:        8 juin 1995

   005696174

DOSSIERS BRP:

   61203974

   61317220              À:                               Montréal

   61480341

                                                                           

 

 

 

                       AIR CANADA

                         C.P. 14000, Succursale Saint-Laurent

Montréal (Québec)

H4Y 1H4

                        

 

                                   PARTIE APPELANTE

 

 

                         et

 

 

                       MATTHEW DRATVA

                         1350 York Mills Road # 1005

                         Don Mills (Ontario)

                         M3A  1Z9

 

 

                         PARTIE INTÉRESSÉE


                 D É C I S I O N

 

Le 20 avril 1994, Air Canada (l'employeur) en appelle d'une décision rendue le 30 mars 1994 par le bureau de révision de la région de l’Île-de-Montréal.  Par cette décision unanime, le bureau de révision se prononce sur trois demandes de révision logées par l’employeur.  Il maintient la décision rendue le 28 septembre 1992 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) qui statue sur l’impossibilité de retour au travail du travailleur chez l’employeur dans l’emploi pré-accidentel ou un emploi équivalent.

 

Le bureau de révision déclare aussi sans objet la contestation de la décision du 6 février 1993 qui détermine l’emploi convenable de directeur technique, et confirme la décision du 10 août 1993 qui détermine l’emploi convenable de designer d’intérieur.

 

OBJET DE L'APPEL

 

L'employeur demande à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) de déclarer que l’emploi de coordonnateur constituait un emploi équivalent chez l’employeur et que, conséquemment, la Commission n’avait pas à déterminer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.

 

LES FAITS

 

Le travailleur, mécanicien pour l’employeur depuis 1987, subit un accident du travail en date du 19 août 1990.  Le 21 mai 1992, l’arbitre médical, le docteur Marcel Dufour, orthopédiste, détermine une atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique de l’ordre de 2% pour une hernie discale L5-S1.  Il s’exprime ainsi sur la présence de limitations fonctionnelles:

 

«Etant donné la présence aux examens radiologiques d’une hernie discale, je pense qu’il faudrait poursuivre les limitations fonctionnelles pour une période additionnelle d’un an et voir venir le temps.  Ces limitations fonctionnelles seraient d’éviter de travailler en position de flexion du rachis dorso-lombaire prolongée, éviter de soulever des poids en flexion du rachis dorso-lombaire de plus de trente livres, éviter les mouvements répétitifs en flexion, extension ou en rotation du rachis dorso-lombaire.» (sic)

 

Le 12 juin 1992, la Commission entérine l’avis de l’arbitre.  Elle informe par le fait même le travailleur que son dossier est référé en réadaptation.  Cette décision n’est pas contestée.  Le 7 juillet 1992, la Commission confirme le pourcentage d’atteinte permanente de 2%.  Le 11 septembre 1992, la Commission avise le travailleur qu’il a droit à la réadaptation dans les termes suivants:

 

«An evaluation of your situation together with you and the steps taken with your employer have enable us to identify problems concerning your return to your usual employment.

 

Under the terms of Section 145 of the Act Respecting Industrial Accidents and Occupational Diseases, you are intitled to rehabilitation.

 

However, according to the information we have received, you carry on a new employment.  We will therefore examine with you the advisability of implementing some rehabilitation procedures, in order to improve your ability to hold your employment as well as the advisability of paying you an income replacement indemnity.» (sic)

 

Cette décision n’est pas contestée.  Le 21 septembre 1992, à la suite d’une rencontre entre un représentant de l’employeur et de la Commission, l’employeur adresse la lettre suivante à la Commission:

 

«Je tiens à vous réitérer que nonobstant l’évènement du 19 août 1990, et de la rechute du 2 juin 1992, le travailleur d’une façon ou de l’autre, fait face à une mise-à-pied prochaine dû à son ancienneté.

 

Le poste de “Production Clerk” qu’il occupe présentement, rencontre ses limitations fonctionnelles et constitue, à notre avis, un poste convenable, qui lui, serait continué n’eut été des mises-à-pieds prochaines.

 

 

Les indemnités de la CSST ne doivent pas se substituer à l’Assurance chômage.

 

Nous attendons donc votre décision.» (sic)

 

En date du 23 septembre 1992, la Commission écrit, dans les notes évolutives, que l’emploi de coordonnateur (production clerk) n’est pas un emploi convenable car le travailleur sera mis-à-pied dans deux mois.  L’analyse des tâches chez l’employeur se fait comme suit, après avoir éliminé les postes de mécanicien:

 

«Clérical

A.  Magasinier - le R n’a pas l’ancienneté pour occuper le poste

B.  «Production clerk» - ce que fait le R depuis le 16 juin 92, c’est un emploi léger.  Aucun besoin de nouveaux employés permanents à ce poste, donc le R est classifié “mécanicien”, 1800 mécaniciens seront mis à pied le 10-11-92.  Donc le R sera lui aussi mis à pied à cette date.

 

Donc on ne peut parler d’E.C. lorsqu’on sait que le R sera mis à pied dans moins de 2 mois avec aucune possibilité de rappel.  Cela ne respecte pas un des critères définissant l’E.C., soit “la possibilité raisonnable d’embauche”. (sic)

 

La décision de la Commission suit en date du 28 septembre 1992:

 

«(...) Malheureusement, il s’avère que le retour au travail chez votre employeur ne peut être envisagé puisque vous êtes incapable de reprendre votre emploi ou un emploi équivalent en raison de vos limitations fonctionnelles.  De plus, aucun emploi convenable disponible n’a pu être identifié.

 

Nous devons donc maintenant déterminer un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail.  A cet effet, nous procéderons à l’évaluation de vos possibilités professionnelles.» (sic)

 

La preuve au dossier, essentiellement non contradictoire, nous apprend que le travailleur détenait une catégorie de mécanicien (13) lors de son embauche en 1987.  Il a demandé un transfert et obtenu un poste de mécanicien catégorie (1) en 1989, poste qu’il occupe au moment de la lésion professionnelle.  Selon l’ancienneté du travailleur à titre de mécanicien catégorie (1), une mise-à-pied était prévisible dans un processus assez étendu de diminution des postes chez l’employeur.  Le travailleur a effectivement été mis-à-pied en date du 10 novembre 1992, avec 96 autres employés.  En date du 14 février 1994, le travailleur était 35ième sur la liste de rappel.

 

Au moment du fait accidentel, le travailleur détenait un diplôme de secondaire V.  Il avait aussi complété un semestre et demi en sciences au CEGEP.  Ses expériences de travail étaient celles de serveur de 1985 à 1987 et de préposé dans un hôpital de 1982 à 1985.  L’employeur lui a offert un entraînement à son poste de mécanicien.  De 1990 à 1992, le travailleur n’a pas complété d’autres études.

 

À la suite de l'accident du travail, le travailleur a eu une assignation temporaire au poste de magasinier de l’automne 1990 à janvier 1992.  Selon le témoin Ronald Elvidgi, directeur du programme de l’entretien pour l’employeur, le travailleur a par la suite réintégré son poste de mécanicien car il ne pouvait demeurer au poste de magasinier en raison des mises-à-pied.  Le travailleur a, peu après, éprouvé des difficultés physiques à exécuter ses tâches et a fait une rechute.  En juin 1992, une ouverture s’est présentée au poste de coordonnateur et le travailleur a obtenu l’assignation à compter du 21 juin 1992 pour une période de trois mois.  L’assignation a été renouvelée du 1er septembre au 31 décembre 1992.  Le poste de coordonnateur respectait les limitations fonctionnelles données au travailleur par l’arbitre.  À titre de coordonnateur, le travailleur est demeuré dans la catégorie d’emploi de mécanicien catégorie (1) et a accumulé son ancienneté dans cette catégorie.  Son salaire était toutefois gelé car il ne pouvait progresser de classe à titre de mécanicien.

 

Le travailleur a appris à l’été 1993 qu’il n’était pas accepté à l’Université Concordia dans le cadre de la formation de directeur technique.  Il avait alors suivi deux sessions de cours.  Après avoir fait passer un test d’aptitude au travailleur, la Commission a déterminé un nouvel emploi convenable de designer d’intérieur, associé à une formation d’environ deux ans dans un collège privé.  Au moment de l’audience, le travailleur a terminé ce cours avec succès.

 

À la suite de l’avis de l’arbitre, le travailleur n’a pas revu de médecin afin de faire réévaluer ses limitations fonctionnelles et l’employeur n’a pas demandé une telle réévaluation.

 

Monsieur Ronald Elvidgi confirme la teneur de la lettre de septembre 1992 à l’effet que le travailleur aurait conservé son poste de coordonnateur s’il n’avait pas été mis-à-pied en raison de son ancienneté.  Soixante employés avec plus d’ancienneté que le travailleur ont été mis-à-pied à cette époque.  Le témoin admet que les assignations temporaires sont en principe renouvelées aux trois mois.  Il ajoute que le travailleur n’était pas en probation mais assigné à un emploi qui correspondait à ses limitations.

 

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

 

La Commission d’appel doit, dans un premier temps, déterminer si la Commission était bien fondée de rechercher un emploi convenable ailleurs sur le marché du travail, plutôt que de considérer que le travailleur était capable de reprendre un emploi équivalent chez l’employeur.  Il s’agit de la décision du 28 septembre 1992.  Cette décision ne remet pas en cause l’admissibilité en réadaptation mais plutôt l’étendue de la démarche de réadaptation nécessaire pour le travailleur.

 

La représentante de l’employeur soumet que c’est à tort que la Commission a basé sa décision sur le critère de la disponibilité de l’emploi.  En agissant de la sorte, la Commission a favorisé le travailleur par rapport aux autres employés, ce qui n’est pas le but de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q. ch. A-3.001) (la loi).

 

Le représentant du travailleur souligne que le travailleur était en assignation temporaire au poste de coordonnateur.  Il ne s’agissait pas d’un emploi déterminé dans le cadre du programme de réadaptation.  Le travailleur, en vertu de l’article 172 de la loi, a le droit de bénéficier d’un programme de formation professionnelle.

 

Le droit à la réadaptation est prévu par l'article 145 et le plan de réadaptation à l'article 146.

 

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

 

 

146.  Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.

 

Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.

 

L'article 145 assure donc au travailleur la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.  En conséquence, l'admissibilité initiale en réadaptation ne constitue pas une décision donnant ouverture à tout l'éventail de mesures prévues par la loi.  Chaque cas doit être évalué au mérite selon les besoins du travailleur, tel que souligné de nouveau par l'article 146.

 

Les articles 166 et suivants traitent de la réadaptation professionnelle.  Les notions d'emploi équivalent et d'emploi convenable, définies à l'article 2 de la loi, y sont omniprésentes.

 

«emploi équivalent»:  un emploi qui possède des caractéristiques semblables à celles de l'emploi qu'occupait le travailleur au moment de sa lésion professionnelle relativement aux qualifications professionnelles requises, au salaire, aux avantages sociaux, à la durée et aux conditions d'exercice;

 

 

«emploi convenable»:  un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;

 

 

166.  La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l'accès à un emploi convenable.

 

L'article 166 parle donc de «réintégration dans un emploi équivalent» dans un premier temps (si le travailleur est incapable d'exercer son emploi), et de «l'accès à un emploi convenable» dans un deuxième temps.  Les articles 169 à 172 confirment d'ailleurs que la démarche de détermination d'un emploi convenable ne s'enclenche que lorsque le travailleur ne peut exercer un emploi équivalent.

 

169.  Si le travailleur est incapable d'exercer son emploi en raison d'une limitation fonctionnelle qu'il garde de la lésion professionnelle dont il a été vic­time, la Commission informe ce tra­vail­leur et son em­ployeur de la possibi­lité, le cas échéant, qu'une me­sure de réadapta­tion rende ce travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équiva­lent avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.

 

   Dans ce cas, la Commis­sion prépare et met en oeu­vre, avec la collaboration du tra­vailleur et après consultation de l'em­ployeur, le programme de réadapta­tion professionnelle appro­prié, au terme du­quel le travailleur avise son employeur qu'il est redevenu capable d'exercer son emploi ou un emploi équiva­lent.

 

 

170. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent, la Commission demande à l'employeur s'il a un emploi convenable disponible et, dans l'affirmative, elle informe le travailleur et son employeur de la possibilité, le cas échéant, qu'une mesure de réadaptation rende ce travailleur capable d'exercer cet emploi avant l'expiration du délai pour l'exercice de son droit au retour au travail.

 

  Dans ce cas, la Commission prépare et met en oeuvre, avec la collaboration du travailleur et après consultation de l'employeur, le programme de réadaptation professionnelle approprié, au terme duquel le travailleur avise son employeur qu'il est devenu capable d'exercer l'emploi convenable disponible.

 

 

171. Lorsqu'aucune mesure de réadaptation ne peut rendre le travailleur capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent et que son employeur n'a aucun emploi convenable disponible, ce travailleur peut bénéficier de services d'évaluation de ses possibilités professionnelles en vue de l'aider à déterminer un emploi convenable qu'il pourrait exercer.

 

  Cette évaluation se fait notamment en fonction de la scolarité du travailleur, de son expérience de travail, de ses capacités fonctionnelles et du marché du travail.

 

 

172.  Le travailleur qui ne peut redevenir capable d'exercer son emploi en raison de sa lésion professionnelle peut bénéficier d'un programme de formation professionnelle s'il lui est impossible d'accéder autrement à un emploi convenable.

 

Ce programme a pour but de permettre au travailleur d'acquérir les connaissances et l'habileté requises pour exercer un emploi convenable et il peut être réalisé, autant que possible au Québec, en institution d'enseignement ou en industrie.

 

 

La Commission d'appel a aussi confirmé, entre autres dans Santarossa et Entreprises R. Lafleur Inc. (1992) CALP 1527, que:

 

«Il appert donc de ces dispositions que le but de la réadaptation professionnelle est, avant tout, de permettre au travailleur d'occuper son emploi ou un emploi équivalent.  Ce n'est que lorsque ce but ne peut être atteint que la réadaptation vise à lui faire occuper un emploi convenable.»

 

Dans sa décision du 28 septembre 1992, la Commission énonce que le retour au travail chez l'employeur ne peut être envisagé puisque le travailleur est incapable de reprendre son emploi ou un emploi équivalent en raison de ses limitations fonctionnelles.  La Commission n'identifie aucun emploi convenable disponible.  Or la preuve révèle que le travailleur était capable de reprendre l'emploi de coordonnateur.  Si l'emploi de coordonnateur correspond à la définition d'emploi équivalent, il s'en suit qu'il est inexact de prétendre que le travailleur était incapable de reprendre un emploi équivalent en raison de ses limitations fonctionnelles.

 

Conformément à la définition de l'emploi équivalent, le poste de coordonnateur occupé par le travailleur de juin à la date de sa mise-à-pied correspondait à ses qualifications professionnelles de l'époque.  Le salaire, les avantages sociaux, la durée et les conditions d'exercice étaient identiques à ceux de l'emploi pré-accidentel.  En fait, les conditions d'emploi étaient tellement identiques que le travailleur se voyait confronté, en raison de son ancienneté et de sa catégorie d'emploi, à une mise-à-pied éventuelle, tout comme une bonne partie de ses collègues.  Il s'avère en fait que c'est en raison de cette mise-à-pied prévisible que la Commission a refusé de considérer que l'emploi de coordonnateur constituait un emploi équivalent chez l'employeur, et non en raison des limitations fonctionnelles du travailleur.

 

La Commission d'appel considère qu'en date de la décision de la Commission, soit le 28 septembre 1992, le travailleur pouvait réintégrer un emploi équivalent chez l'employeur, conformément à l'article 166 de la loi.  Le travailleur était capable d'exercer cet emploi qu'il occupait d'ailleurs, sans aucun problème, depuis juin 1992.   Il n'avait besoin d'aucune mesure de réadaptation professionnelle pour réintégrer cet emploi.  La Commission n'avait pas à rechercher un emploi convenable disponible chez l'employeur conformément à l'article 170 de la loi, ni à appliquer les articles 171 et 172 en offrant un service d'évaluation de ses possibilités professionnelles au travailleur et finalement, un programme de formation professionnelle (il est par ailleurs loin d'être établi que le travailleur ne pouvait accéder autrement à un emploi convenable).

 

La décision de la Commission a débordé le cadre législatif en tentant de protéger le travailleur contre les aléas du marché du travail auxquels tous les travailleurs sont soumis.  C'est l'interprétation généralement donnée par la Commission d'appel qui a eu à statuer, par exemple, sur des situations de mise-à-pied postérieures à la détermination d'un emploi convenable.

 

 

Ainsi, dans la décision de Villeneuve et Ressources Aunore Inc. (1992) CALP 6, le travailleur soumet que la Commission pouvait modifier le plan individualisé de réadaptation pour tenir compte de sa mise à pied.  La Commission d'appel rejette cette prétention:

 

«Une circonstance nouvelle au sens de l'article 146 doit se rapporter directement au plan individualisé de réadaptation: soit que le travailleur ne puisse pas accomplir le travail ou soit que l'emploi convenable ne répond plus au critère énoncé à la définition d'«emploi convenable».

 

(...)

 

En l'occurence, suite à sa mise à pied, le travailleur se trouvait dans la même situation que bien d'autres travailleurs qui ont été mis à pied à cause d'un ralentissement de travail.

 

Même si l'on accepte que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est une loi remédiatrice et cherche à indemniser une personne victime d'une lésion professionnelle, elle ne vise pas à créer un régime plus favorable pour celle-ci, par rapport aux autres employés, lesquels en l'occurence ont été soumis aux aléas du marché du travail, soit la mise à pied et la fermeture de l'entreprise.»

 

Cette orientation a été suivie dans les affaires de Bouchard et Minnova Inc. et CSST, 44768-02-9210, 2 décembre 1993, commissaire Jean-Marc Dubois; et Sauvageau et Mode d'Allairds (Division 600), 38841-61-9203, 29 août 1994, commissaire Francine Dion Drapeau.

 

 

En conséquence, la décision de la Commission du 28 septembre 1992 doit être révisée, la preuve prépondérante démontrant que le travailleur était capable de reprendre un emploi équivalent chez l'employeur.  Les décisions subséquentes du 6 février 1993 et du 10 août 1993 qui déterminent un emploi convenable et un besoin de formation doivent, par le fait même, être annulées.

 

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES:

 

ACCUEILLE l'appel de l'employeur, Air Canada;

 

INFIRME la décision rendue le 30 mars 1994 par le bureau de révision de la région de l’Île-de-Montréal;

 

DÉCLARE que le travailleur était capable de reprendre un emploi équivalent de coordonnateur chez l'employeur;

 

ANNULE la décision du 6 février 1993 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui détermine l’emploi convenable de directeur technique;

 

ANNULE la décision du 10 août 1993 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail qui détermine l’emploi convenable de designer d’intérieur.

 

 

 

 

                       

Joëlle L'Heureux,

commissaire

 

 

 

Me Louise-Hélène Sénécal

Air Canada

C.P. 14000, Succursale Saint-Laurent

Montréal (Québec)

H4Y 1H4

 

Représentante de la partie appelante

 

 

 

 

A.I.M.T.A.

Me Gérald Tremblay

9500, Chemin Côte De Liesse

Lachine (Québec)

H8T 1A2

 

Représentant de la partie intéressée

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.