Décision

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Gabarit EDJ

Céré c. Matelas René inc.

2015 QCCQ 4248

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

TROIS-RIVIÈRES

LOCALITÉ DE

TROIS-RIVIÈRES

« Chambre civile »

N° :

400-32-012743-147

 

DATE :

22 mai 2015

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

 PIERRE LABBÉ, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

MARTIN CÉRÉ

Demandeur

c.

MATELAS RENÉ INC.

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Alléguant que le matelas acheté de la défenderesse le 9 août 2010 au prix de 1 319,97 $ taxes incluses, s’est avéré inconfortable après trois ans et demi d’utilisation, le demandeur réclame le remboursement du prix de vente plus 3 000 $ à titre de dommages pour les inconvénients subis.

[2]           La défenderesse conteste la demande, précisant que le matelas ne comporte aucun défaut.

[3]           La facture d’achat du matelas du 9 août 2010[1] révèle que le demandeur et sa conjointe ont acheté de la défenderesse un matelas Franklin TG2PL au prix de 1 319,97 $ taxes incluses.

[4]           Le matelas s’est avéré confortable pendant une période de trois ans et demi. Le demandeur a alors commencé à avoir des maux de dos. Il a aussi constaté que le côté du matelas où il dormait s’était affaissé.

[5]           Selon la chronologie des événements produite par le demandeur[2], il aurait rempli un formulaire de réclamation auprès de la défenderesse le 17 janvier 2014. Il soutient également ne pas voir eu de nouvelles du magasin avant le 27 janvier lorsqu’un représentant de la défenderesse lui a dit que le matelas serait récupéré le 4 mars et qu’il serait retourné le 6 mars.

[6]           Le formulaire de réclamation[3] indique qu’il a plutôt été rempli et signé par le demandeur le 10 février 2014.

[7]           Selon ce formulaire de réclamation[4], il est indiqué que s’il y a une perte d’épaisseur du matelas d’au moins un pouce et demi (3.81 cm) la garantie conventionnelle s’appliquera.

[8]           Le matelas était garanti contre les défauts de fabrication pour une période de 10 ans. Selon M. Régis Veillette, représentant de la défenderesse, un tel matelas a une durée de vie d’environ 10 à 15 ans. Selon les documents produits par la défenderesse, un ordre a été signé le 5 mars pour l’inspection du matelas, lequel a été reçu à l’usine de la défenderesse le 11 mars. Le 12 mars, la défenderesse a fait des ajustements au matelas après avoir constaté qu’il y avait un affaissement d’un demi-pouce sur l’un des côtés. La défenderesse a également fait un test de compression. Il manquait 10 %. Elle a fait des ajustements pour avoir un taux de 40 livres en ajoutant du géotextile en dessous de la mousse de rembourrage. M. Veillette n’a pas constaté de défaut de fabrication lors de cette inspection.

[9]           Le matelas a été retourné au demandeur le 13 mars 2014.

[10]        Le 24 mars, le demandeur s’est plaint à la défenderesse que le matelas demeurait inconfortable.

[11]        La correspondance entre les parties s’étant détériorée parce que M. Veillette était retenu pour affaire aux États-Unis, le demandeur a envoyé une mise en demeure et il a ensuite entrepris les procédures à la Division des petites créances.

[12]        Le demandeur soutient pour sa part que l’affaissement est d’un pouce et demi. Il produit des photographies montrant l’installation d’un niveau pour mesurer l’écart. Cependant, le Tribunal ne peut à l’aide de ces photographies constater si l’affaissement est d’un pouce et demi ou d’un demi-pouce comme le soutient la défenderesse.

[13]        Le demandeur a acheté un nouveau matelas le 19 juillet 2014 au prix de 1 344 $ taxes incluses.

ANALYSE

[14]        Le demandeur invoque la garantie d’usage et de durée raisonnable prévue aux articles 37 et 38 de la Loi sur la protection du consommateur [5]:

37. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à l'usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l'objet d'un contrat doit être tel qu'il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d'utilisation du bien.

[15]        Selon la preuve, le matelas ne comporte pas de défaut de fabrication. Le demandeur soutient qu’il est devenu inconfortable après trois ans et demi d’usage et qu’il avait des maux de dos. Sa conjointe a utilisé son côté du matelas à quelques reprises et elle avait également des maux de dos.

[16]        La garantie conventionnelle de la défenderesse concernant les empreintes corporelles d’un pouce et demi n’écarte pas les garanties légales de la Loi sur la protection du consommateur.

[17]        La preuve étant contradictoire relativement à l’application de la garantie conventionnelle, à savoir si l’empreinte corporelle est d’un demi-pouce ou d’un pouce et demi, le Tribunal ne peut retenir ce moyen puisque c’est le demandeur qui a le fardeau de preuve en vertu des articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec dont le texte est le suivant :

2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.

Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.

2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.

[18]        Cependant, la preuve révèle qu’après trois ans et demi d’utilisation, le matelas s’est avéré inconfortable au point que le demandeur et même sa conjointe ont eu des maux de dos. Il ne s’agit pas en l’occurrence de préférence de confort au sens de la garantie conventionnelle de la défenderesse, mais vraiment d’une utilisation impossible après trois ans et demi d’usage. Un matelas est acheté pour fournir un minimum de confort permettant un sommeil normal et ce n’est pas ce que le demandeur a obtenu après trois ans et demi d’usage d’un matelas dont la durée de vie moyenne varie de 10 à 15 ans.

[19]        Rien dans la preuve n’indique que le demandeur n’en a pas fait une utilisation normale. Le prix payé est relativement important.

[20]        La situation révélée par la preuve est différente des faits que la juge Sonia Bérubé avait à examiner dans l’affaire Leclerc c. Matelas René inc.[6]

[21]        Le demandeur a quand même pu utiliser le matelas au moins un tiers du temps prévu pour sa durée de vie et le Tribunal doit en tenir compte dans la restitution des prestations lorsqu’un contrat est annulé comme le prévoient les articles 1422 et 1699 C.c.Q. :

1422. Le contrat frappé de nullité est réputé n'avoir jamais existé.

Chacune des parties est, dans ce cas, tenue de restituer à l'autre les prestations qu'elle a reçues.

1699. La restitution des prestations a lieu chaque fois qu'une personne est, en vertu de la loi, tenue de rendre à une autre des biens qu'elle a reçus sans droit ou par erreur, ou encore en vertu d'un acte juridique qui est subséquemment anéanti de façon rétroactive ou dont les obligations deviennent impossibles à exécuter en raison d'une force majeure.

Le tribunal peut, exceptionnellement, refuser la restitution lorsqu'elle aurait pour effet d'accorder à l'une des parties, débiteur ou créancier, un avantage indu, à moins qu'il ne juge suffisant, dans ce cas, de modifier plutôt l'étendue ou les modalités de la restitution.

[22]        Le Tribunal accordera donc au demandeur les deux tiers du prix de 1 319,97 $, soit 871,18 $.

[23]        Quant aux dommages réclamés, le Tribunal accorde au demandeur 200 $ puisque l’inconfort et les inconvénients n’ont duré que quelques mois.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[24]        ACCUEILLE en partie la demande;

[25]        ANNULE le contrat de vente du matelas du 9 août 2010;

[26]        DONNE ACTE au demandeur de son offre de remettre à la défenderesse le matelas;

[27]        CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur la somme de 1 071,18 $, plus les intérêts au taux légal, majoré de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec, à compter de la mise en demeure;

[28]        CONDAMNE la défenderesse à payer au demandeur les frais judiciaires de 137 $.

 

 

__________________________________

PIERRE LABBÉ, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :

20 avril 2015

 



[1]     Pièce P-4.

[2]     Pièce P-10.

[3]     Pièce D-2A.

[4]     Pièce D-2B.

[5]     RLRQ, c. P-40.1.

[6]     2012 QCCQ 9934.

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