R. c. Graveley |
2015 QCCQ 1648 |
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COUR DU QUÉBEC |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
GATINEAU |
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VILLE DE GATINEAU |
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« division criminelle » |
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N° : |
550-01-068800-137 |
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DATE : |
9 mars 2015 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
SERGE LAURIN, J.C.Q. |
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La Reine
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Poursuivant |
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c. |
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Kyle Graveley
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Accusé |
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DÉCISIONS Sur requêtes en vertu des articles 8 et 10 b) de la Charte canadienne des droits et libertés
Rendues oralement à l'audition et éditées |
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INTRODUCTION
[1] La défense présente deux requêtes en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés[1]. L'une est basée sur l'article 8 donnant droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives et l'autre est fondée sur l'article 10 b) donnant droit sans délai à l'assistance d'un avocat et d'être informé de ses droits.
[2] La défense prétend que les droits de l'accusé ont été violés et demande l’exclusion de la preuve provenant des échantillons de sang prélevés à la demande d’un médecin pour des fins médicales sans que le droit à l’avocat ait été exercé.
QUESTION EN LITIGE
[3] Le Tribunal doit déterminer si les droits constitutionnels de monsieur Graveley ont été violés et, dans cette éventualité, si la preuve doit être exclue.
LES FAITS
[4] Le 11 août 2012, monsieur Graveley circule sur le chemin Pine à La Pêche et perd le contrôle de sa motocyclette. Au moment de l'accident, il ne porte pas de casque de protection et se blesse au visage et à la tête. Il est en compagnie de son cousin qui conduit sa propre motocyclette. Ce dernier se rend chez une voisine pour appeler de l'aide. Cette dernière communique avec le service de police vers 8 h 33.
[5] L'agent Cloutier arrive sur les lieux de l'accident vers 8 h 43. Il constate que monsieur Graveley est blessé au visage et à la tête. Il remarque que son regard est furtif et qu'une odeur d'alcool se dégage de son haleine. Le policier demande à monsieur Graveley de souffler dans la paume de sa main et il décèle une forte odeur d'alcool. Il constate également que son langage est pâteux, que ses yeux sont vitreux et injectés de sang et qu'il a de la difficulté à maintenir son équilibre. Le policier s'assure que le trouble d'élocution de monsieur Graveley ne provient pas de la barrière des langues (monsieur parle anglais et un peu français). Il dit également que sa démarche est chancelante.
[6] Le policier procède à son arrestation vers 8 h 50 et l'informe verbalement de ses droits au silence et au recours d’un avocat. Vers 9 h 10, il lui lit la carte fournie par le service de police indiquant le droit au silence et le droit à l'avocat. Il attend l'ambulance avec monsieur Graveley et le suit à l'hôpital où ils arrivent vers 9 h 58. Le Dr Caffin prend monsieur Graveley en charge.
[7] Le Dr Caffin informe monsieur Graveley qu'il doit passer une radiographie. Vers 10 h 40, le Dr Caffin informe l'agent Cloutier qu'il n'aurait aucune difficulté à obtenir un échantillon d'haleine de monsieur Graveley. Vers 10 h 50 monsieur Graveley subit une radiographie et vers 11 h 35, le Dr Caffin informe l'agent Cloutier qu'il soupçonne une fracture crânienne et demande une imagerie digitale pour son patient.
[8] Lorsque l'agent Cloutier constate qu'il ne peut obtenir un échantillon d'haleine de monsieur Graveley, il demande un échantillon sanguin. Vers 11 h 47, il somme monsieur Graveley de lui fournir un échantillon de sang et demande s'il veut communiquer un avocat. Ce dernier accepte. Il y a trois tentatives infructueuses pour joindre un avocat (Me Cayen, Me Legault et Me Charlebois). Monsieur Graveley est incapable de communiquer avec un avocat et à 12 h 20, le policier constate qu'il n'est plus dans le délai de trois heures pour obtenir un échantillon de sang. Il quitte l’hôpital.
[9] Selon le dossier médical de monsieur Graveley, un accès intraveineux est installé à 10 h 40. Un rapport hématologique révèle qu’il y a un prélèvement à 13 h 25, qu’il est reçu à 13 h 35 et que le rapport est imprimé à 19 h 59, le 12 août 2012. Les procureurs informent le Tribunal qu’ils ne peuvent affirmer avec certitude l’heure exacte du prélèvement.
[10] En arrivant au poste de police, l'agent Cloutier discute du dossier avec l'agent Lemay. Ce dernier l'informe qu'il communiquera avec le Centre de santé et de services sociaux de Hull pour demander que les échantillons sanguins de monsieur Graveley soient scellés. Par la suite, l'agent Cloutier prépare un mandat de perquisition et un affidavit qui sont joints au rapport.
[11] Le 15 août, il obtient le mandat de perquisition pour la saisie des éprouvettes contenant le sang de monsieur Graveley. Il envoie les échantillons dans un laboratoire indépendant afin d'obtenir le taux d'alcoolémie de monsieur Graveley, donnant lieu aux présentes accusations.
POSITION DES PARTIES
Accusé
[12] Le procureur de la défense présente deux requêtes dont l’une en vertu de l’article 10 b) de la Charte (droit à l’avocat dans un délai raisonnable). Le Tribunal cite les paragraphes les plus pertinents :
«THE LAW AND ARGUMENT
4. Section 10(b) of the Charter provides:
Everyone has the right on arrest or detention
(b) to retain and instruct counsel without delay and to be informed of that right; (…)
6. The accused was both arrested and detained. He was formally arrested at 8:50 a.m. and escorted to the hospital where a blood sample demand was made at 11:47 am..
7. A person subject to a demand for a breathalyzer test under the Criminal Code is "detained" and has a right to counsel without delay under s. 10(b) of the Charter.
R. v. Therens, [1985]1 S.C.R. 613, 45 C.R. (3d) 97, 18 C.C.C. (3d) 481, [1985], S.C.J. No. 30
Trask v. R. (1985), 45 C.R. (3d) 137, 18 C.C.C. (3d) 514 (S.C.C.), [1985] 1 S.C.R. 655
8. Where an accused requests the assistance of counsel, a police officer is under a duty to facilitate contact with counsel by giving the accused a reasonable opportunity to exercise his/her right to counsel.
R. v. Brydges (1990), 74 C.R. (3d) 129, 53 C.C.C. (3d) 330, [1990] S.C.J. No. 8
9. As part of the information component of s. 10(b), each detainee must be informed, as a matter of routine, of the existence and availability of the applicable duty counsel and legal aid systems, so that the accused has a full understanding of the right to retain and instruct counsel.
R. v. Brydges, supra
10. There is no rule that limits the detainee to a single phone call. A detainee who wishes to make successive phone calls in the exercise and pursuit of the right to retain and instruct counsel must be able to do so unfettered by police questioning. The relevant inquiry after an initial phone call to a law office is not simply whether the detainee spoke to a lawyer but rather whether he had the opportunity to have meaningful contact with and advice from counsel.
R. v. Whitford (1997), 115 C.C.C. (3d) 52, 196 A.R. 97 (C.A.), [1997] A.J. No. 309 leave to appeal to S.C.C. refused 117 C.C.C. (3d) vi, 46 C.R.R. (2d) 397n
11. It is respectfully submitted that the accused's s. 10(b) right to call a lawyer was violated and that the appropriate remedy pursuant to s. 24(2) of the Charter would be to exclude all evidence seized or obtained including the accused's blood sample. »
[13] Le procureur de la défense soumet également une requête en vertu de l’article 8 de la Charte (perquisitions abusives), dont le Tribunal cite les paragraphes les plus pertinents:
« 2. On August 15, 2012 at 9:14 a.m., Constable Yan Clouthier obtained a search warrant pursuant to s. 487(1) of the Criminal Code which was executed at 10:43 a.m. at the Hospital Center of Hull. Three blood viles of the accused were seized as well as his medical file which contained the report of Fr. Caffin and the nurses on duty on August 15, 2012.
(…)
5. It is respectfully submitted that the blood sample demand was illegal in this case.
6. The police were under the mistaken belief that they were out of time to make a breath sample demand whereas they were well within the 3 hour time frame envisaged by s. 254(3) of the Criminal Code when Dr. Caffin cleared the accused to provide a breath sample.
7. It is further submitted that even if the police were correct that they were almost out of time to make a breath sample demand, a blood sample demand would not have been justifiable in these circumstances.
8. Dr. Caffin had cleared the accused to provide a breath sample at 10:40 a.m.. It could not be said therefore that the accused's physical condition made him incapable of providing a breath sample nor would his presence at a hospital necessarily make it impracticable to obtain a breath sample.
9. In R. v. Lipka, [1989] O.J. No. 2676, 20 M.V.R. (2d) 298 the accused was taken to the hospital where he subsequently refused to provide a breath sample. A breath sample demand had not been made. As in the case at bar, there was no issue as to the capability of the accused to provide a breath sample. The question is not whether the medical practitioner believes that the taking of a blood sample would not endanger the life or health of the person, but whether it would be impracticable to obtain a breath test. Impracticable is defined in the Concise Oxford Dictionary as meaning impossible in practise, or unmanageable. There was no evidence tendered to show that the administration of breath tests would have disrupted or greatly inconvenienced any existing, ongoing or proposed treatment at the hospital. A similar result also occurred in R. v. Brooke, [1999] A.J. No. 56 (Alta Prov. Ct.)
10. In R. v. Darlington, [2001] A.J. No. 1095 (Alta Prov. Ct.) the Court also noted: the law is clear that in order to take the breath sample within the two hour time limit, now three hours, does not by itself make the taking of breath impracticable. The Court also referred to the Supreme Court of Canada decision in Stillman (1997), 113 C.C.C. (3d) 321 that the taking of bodily substances is conscriptive evidence and usually a breach resulting in conscriptive evidence will result in an unfair trial if that conscriptive evidence is admitted.
11. In R. v. MacMillan, [1989] P.E.I.J. No. 86 the Court also held that the making of a blood sample demand could not be justified on the basis that the officer could not obtain a breath sample within the time allowed.
12. Similarily in R. v. Evans, [1990] B.C.J. No. 921 (B.C. Co. Ct.) the Court held that a blood sample demand based on concerns regarding the two hour time limit alone do not justify such a demand. The court stated: "Is the inability to get an accused to a breathalyser on time a 'physical condition' of an accused that leads to an 'impracticability' as envisaged by the section? The answer to that, in my view, is a simple - no."
13. lt should be noted that an opposite conclusion in regard to the significance of the two hour (now three hour) time limit was reached by Justice Hirschfield of the Manitoba Queens Bench in R. v. Pearce, [1988] M.J. No. 574 and R. v. Wytiuk, [1989] M.J. NO. 492.
14. It is respectfully submitted that the officer was improperly motivated to make a blood sample demand erroneously believing that he was out of time to make a breath sample demand. The driving was believed to have occurred between 8:30 a.m. and 8:45 a.m. and the doctor cleared the accused to provide breath samples at 10:40 a.m., well within the permissible three hour limit. Further, the officers did not consider the practicality of obtaining breath samples from the accused prior to making a blood sample demand. The demand was therefore invalid and the samples eventually obtained ought to be excluded.
15. In regard to the search warrant obtained by Constable Yan Clouthier, paragraph 20 of his affidavit in support thereof states in part that the accused " a changé d'avocat à plusieurs reprises et désirait étirer le temps le plus possible." lt is respectfully submitted that this statement is misleading and false. The accused neyer reached or spoke to any lawyer nor did he ever waive his right to do so.
16. Paragraph 22 of the affidavit states: À notre retour au poste, l'Agt. Lemay a téléphoné au centre hospitalier de Hull afin que les éprouvettes de sang prélevé de M. Graveley soient mise sous scellées en attente de l'obtention d'un mandat de perquisition. Elles sont toujours au CHVO.
17. No where does the affidavit state that blood samples were in fact taken from the accused. No where does it state that blood was drawn for medical purposes, by who or when. Paragraph 23 of the affidavit confirms this lack of information where it states: "je demande l'émission d'un mandat de perquisition pour saisir les éprouvettes de sang prélevées à des fins médicales par le personnel hospitalier sur la personne de M. Kyle Graveley le 2012-08-11 au CHVO de Hull" and " je demande le raport médical de M. Kyle graveley relié (sic) à cet événement et plus spécifique la section du rapport médical traitant de la prise de cet échantillon de sang afin de déterminer l'identité de la personne qui l'a prélevée de même que l'endroit et l'heure de ce prélèvement"
18. Further, the source of the information, in reference to the alleged existence of blood samples, that "elles sont toujours au CHVO" is not disclosed so that its reliability and veracity cannot be determined.
19. The statement " À notre retour au poste" does not disclose when or on which date this occurred. Implicitly, it could have been anywhere from August 11 to August 15, 2012.
20. If, for example, a blood sample was taken on August 14, 2012, such seizure would not afford evidence with respect to the commission of the offence of driving impaired by alcohol on August 11, 2012 as claimed in the warrant to search and information to obtain a search warrant.
21. It is therefore respectfully requested that the search warrant be quashed as reasonable and probable grounds were not provided for its issuance and that the blood sample(s) seized be excluded pursuant to s. 24(2) of the Charter. »
Poursuite
[14] La poursuite soutient que nous sommes en présence de deux modes d’enquête différents. Le premier consiste au pouvoir du policier, prévu à l’article 254 (3) du Code criminel[2], de sommer une personne, lorsqu’il a des motifs raisonnables de croire qu’il a commis une infraction sous l’article 253 C.cr. de fournir un échantillon d’haleine ou lorsque ce n’est pas possible, de fournir un échantillon sanguin et l’autre, un mandat de perquisition dans le but d’obtenir des échantillons de sang prélevés à la demande d’un médecin pour des fins médicales.
[15] La poursuite soutient que l’échantillon de sang n’a pas été obtenu par l’article 254 (3) C.cr., mais plutôt par le mandat de perquisition. En conséquence, elle soutient que les policiers n’ont pas obtenu la preuve par l’entremise de l’article 253 C.cr. et qu’ils n’ont, par conséquent, pas enfreint l’article 10 b) de la Charte prévoyant le droit à l’avocat (informer du droit à l’avocat et faciliter l’accès au droit à l’avocat).
[16] Considérant qu’aucune preuve n’a été obtenue en vertu de l’article 254 (3) du C.cr., la poursuite réfère à la décision du juge Pronovost de la Cour supérieure dans R. c. X[3]. Dans ce dossier, l’accusé a été blessé et transporté au centre hospitalier. Il dégageait une forte odeur d’alcool, mais comme il était blessé et confus, les policiers n’ont pu le mettre en état d’arrestation ni lui donner ses droits constitutionnels. Ils constatent qu’un prélèvement sanguin a été fait et demandent un mandat de perquisition qu’ils exécutent pour obtenir les échantillons puisqu’ils ont été dans l’impossibilité d’obtenir un télémandat à l’intérieur des délais impartis. Le juge Pronovost mentionne au paragraphe 11 :
«11. La procédure prévue à l’article 258 (1) d) (iv) C.cr. n’est pas la seule procédure qu’on peut utiliser lorsqu’il s’agit d’échantillons sanguins comme dans le présent cas. Par contre, le tout doit être accompagné d’une preuve d’expert pour la démonstration du taux d’alcoolémie. »
[17] Au paragraphe 51, il conclut :
« 51. L’autre élément était, et ça se dégage du jugement, que la procédure prévue à 258 (1) d) du Code criminel n’a pas été suivie. Respectueusement pour l’opinion du juge de première instance, elle n’avait pas à être suivie. C’est une procédure qui crée une présomption, mais la procédure suivie dans le présent cas est une procédure normale lorsqu’on ne réussit pas obtenir un télémandat (sic).»
[18] En conséquence, le juge Pronovost a accueilli l’appel et prononcé un verdict de culpabilité.
[19] Quant à la requête en vertu de l’article 8 de la Charte contre les fouilles et les saisies déraisonnables, la poursuite soutient que le mandat de perquisition a été émis à bon droit et que dans le cas d’une révision, le Tribunal doit se soumettre aux règles prescrites par la jurisprudence. La poursuite réfère à l’arrêt de la Cour suprême R. c. Araujo[4] qui indique :
« The trial judge did not correctly apply the standard of review for a wiretap authorization. A reviewing judge does not conduct a rehearing of the application for the wiretap. The test is whether there was reliable evidence that might reasonably be believed on the basis of which the authorization could have issued. In considering the evidence, the reviewing judge must exclude erroneous information. »
[20] Également, la Cour suprême indique qu’un juge ne doit pas tenir compte d’une erreur sans grande importance ou d’une erreur technique qui se serait glissée par inadvertance dans l’affidavit.
[21] Dans le présent dossier, il n’est pas possible de tirer des conclusions défavorables à l’affidavit entier.
[22] Aussi, la poursuite réfère à l’arrêt R. v. Jonathan[5] du juge Lofchik de la Cour supérieure de l’Ontario qui mentionne au paragraphe 51 :
« [51] I am not, therefore, to substitute my own view for that of the justice of the peace. In order for me to overturn his decision, counsel for Mr. Jonathon (sic) must establish on the balance of probabilities that the justice of peace could not have been satisfied that there were objectively reasonable grounds based upon the Information to Obtain and the information which has come out on this review to issue the Order to Produce. »
[23] Finalement, la poursuite réfère à l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, R. v. Colbourne[6] où le policier s’est vu refuser un premier mandat de perquisition, car il manquait de l’information et qu’il n’a pas mentionné à l’affidavit du deuxième mandat de perquisition que le premier avait été refusé. Il a été décidé que le fait de ne pas dévoiler cette information n’était pas mal intentionné de la part de l’agent de la paix et n’avait pas été fait dans le but d’induire en erreur l’officier de justice. Aux paragraphes 58 et 59, la Cour d’appel déclare :
« [58] I agree with the trial judge’s characterization of the blood sample as non-conscriptive evidence. The sample was initially taken from the appellant with his consent by hospital personnel for medical reasons. The hospital personnel were not acting on behalf of the police. The police subsequently seized the sample when it was in the possession of the hospital. In my view, R. v. Colarusso (1994), 87 C.C.C. (3d) 193 (S.C.C.), controls. Under that authority, the blood sample is properly characterized as non-conscriptive evidence. R. v. Stillman (1997), 113 C.C.C. (3d) 321 (S.C.C.), the authority relied on by the appellant, speaks to the seizure of bodily substances from the person of the accused by the state. Nothing said in R. v. Stillman, supra, detracts from the authority of R. v. Colarusso, supra. Once it is accepted that the evidence was non-conscriptive, it follows that its admission into evidence would not adversely affect the fairness of the trial.
[59] As I agree with the trial judge’s description of the evidence as non-conscriptive, there is no basis upon which this court could interfere with the trial judge’s balancing of the relevant factors and his ultimate determination that even if the seizure of the sample violated s. 8 of the Charter, the appellant had not established that the sample and the analysis of the sample should be excluded under s. 24(2) of the Charter. »
ANALYSE
[24] Le Tribunal juge utile de citer les dispositions suivantes :
[25] Depuis que le Tribunal a débuté les auditions des présentes requêtes en vertu de la Charte, la Cour suprême s’est prononcée dans un dossier similaire. Il s’agit de l’arrêt R. c. Taylor[7] dont la décision a été rendue le 18 juillet 2014. Cet arrêt porte sur l’article 10 b) de la Charte. La Cour suprême devait décider si les policiers se sont acquittés de leur obligation d’aider M. Taylor à parler à un avocat sans délai.
[26] Les faits de cet arrêt se résument comme suit: l'accusé a été arrêté pour conduite avec les facultés affaiblies causant des lésions corporelles. Au moment de son arrestation, les policiers l’ont informé des droits qui lui sont garantis par la Charte notamment, du droit à l’assistance d’un avocat. Ils lui ont demandé s’il voulait contacter un avocat et l’accusé a accepté. Malgré son acceptation de communiquer avec un avocat, les policiers ne lui ont pas donné accès à un téléphone lorsqu’ils se trouvaient sur les lieux de l’accident ou à l’hôpital dès que c’était possible.
[27] Une infirmière a prélevé des échantillons de sang à l’hôpital et par la suite, les policiers ont demandé une deuxième série d’échantillons sanguins aux fins de leur enquête. Les policiers ont obtenu l’émission d’un mandat de perquisition pour saisir les premières fioles de sang prélevées par l’hôpital.
[28] La Cour suprême a réitéré les principes suivants :
- l’obligation d’informer le détenu de son droit à l’assistance d’un avocat prend naissance immédiatement après l’arrestation ou la mise en détention, et celle de faciliter l’accès à un avocat prend pour sa part naissance immédiatement après que le détenu ait demandé à parler à un avocat;
- le policier a l’obligation de faciliter, à la première occasion raisonnable, l’accès à l’assistance d’un avocat et nul ne conteste que tant que l’accès à l’avocat demandé n’a pas été fourni, les policiers doivent s’abstenir de prendre d’autres mesures d’investigation pour soutirer des éléments de preuve à l’accusé;
- la personne qui entre dans un l’hôpital pour y recevoir des soins médicaux ne se trouve pas dans une « zone sans Charte »;
- l’existence d’obstacles à l’accès doit être prouvée et non pas supposée;
- des mesures proactives sont requises pour que le droit à un avocat se concrétise en accès à un avocat.
[29] Finalement, la Cour suprême conclut que les droits garantis à l’accusé par l’alinéa 10 b) ont été manifestement violés. La gravité de la violation de la Charte et l’incidence de la conduite des policiers sur les intérêts de l’accusé justifient l’exclusion des éléments de preuve.
[30] Dans ce dossier, le ministère public a reconnu la violation de l’article 10 b) de la Charte relativement à la deuxième série d’échantillons prélevés. Le ministère public s’est plutôt fondé sur la première série d’échantillons sanguins prélevés lors de l’arrivée à l’hôpital qui ont par la suite été obtenus par les policiers suite à l’émission d’un mandat de perquisition.
[31] Le Tribunal juge utile de citer certains passages de cet arrêt qui font une revue de la jurisprudence en matière du droit à l’avocat en les appliquant à un dossier similaire au présent dossier :
« [21] The purpose of the s. 10(b) right is “to allow the detainee not only to be informed of his rights and obligations under the law but, equally if not more important, to obtain advice as to how to exercise those rights”: Manninen, at pp. 1242-43. The right to retain and instruct counsel is also “meant to assist detainees regain their liberty, and guard against the risk of involuntary self-incrimination”: R. v. Suberu, [2009] 2 S.C.R. 460, at para. 40. Access to legal advice ensures that an individual who is under control of the state and in a situation of legal jeopardy “is able to make a choice to speak to the police investigators that is both free and informed” (…).
[22] In R. v. Bartle, [1994] 3 S.C.R. 173, Lamer C.J. explained why the right to counsel must be facilitated “without delay”: (…) Not only has this person suffered a deprivation of liberty, but also this person may be at risk of incriminating him- or herself. (… ) Under s. 10(b), a detainee is entitled as of right to seek such legal advice “without delay” and upon request. (…)
[23] He also confirmed the three corresponding duties set out in Manninen which are imposed on police who arrest or detain an individual: (1) to inform the detainee of his or her right to retain and instruct counsel without delay and of the existence and availability of legal aid and duty counsel; (2) if a detainee has indicated a desire to exercise this right, to provide the detainee with a reasonable opportunity to exercise the right (except in urgent and dangerous circumstances); and (3) to refrain from eliciting evidence from the detainee until he or she has had that reasonable opportunity (again, except in cases of urgency or danger). (Bartle, at p. 192, citing Manninen, at pp. 1241-42; R. v. Evans, [1991] 1 S.C.R. 869, at p. 890; and R. v. Brydges, [1990] 1 S.C.R. 190, at pp. 203-4.)
[24] The duty to inform a detained person of his or her right to counsel arises “immediately” upon arrest or detention (Suberu, at paras. 41-42), and the duty to facilitate access to a lawyer, in turn, arises immediately upon the detainee’s request to speak to counsel. The arresting officer is therefore under a constitutional obligation to facilitate the requested access to a lawyer at the first reasonably available opportunity. The burden is on the Crown to show that a given delay was reasonable in the circumstances (R. v. Luong (2000), 271 A.R. 368, at para. 12 (C.A.)). Whether a delay in facilitating access to counsel is reasonable is a factual inquiry.
[25] This means that to give effect to the right to counsel, the police must inform detainees of their s. 10(b) rights and facilitate access to those rights where requested, both without delay. This includes “allowing [the detainee] upon his request to use the telephone for that purpose if one is available” (Manninen, at p. 1242). And all this because the detainee is in the control of the police and cannot exercise his right to counsel unless the police give him a reasonable opportunity to do so (see Brownridge v. The Queen, [1972] S.C.R. 926, at pp. 952-53).
[26] Until the requested access to counsel is provided, it is uncontroversial that there is an obligation on the police to refrain from taking further investigative steps to elicit evidence (R. v. Ross, [1989] 1 S.C.R. 3, at p. 12; R. v. Prosper, [1994] 3 S.C.R. 236, at p. 269). (…)
[28] (…) to reduce the possibility of accidental self-incrimination and to refrain from eliciting evidence from the individual before access to counsel has been facilitated. (…) (…)
[31] (…) are necessarily limited in urgent or dangerous circumstances. But those attenuating circumstances are not engaged in this case. (…) “did not feel there was anything wrong with the Accused”, but took Mr. Taylor to the hospital only “out of an abundance of caution, and in accordance with normal practice”. (…) it was 20 to 30 minutes before the hospital took any blood from Mr. Taylor, more than enough time for the police to make inquiries as to whether a phone was available or a phone call medically feasible.
[32] The duty of the police is to provide access to counsel at the earliest practical opportunity. (…)
[33] (…) Barriers to access must be proven, not assumed, and proactive steps are required to turn the right to counsel into access to counsel.
[34] An individual who enters a hospital to receive medical treatment is not in a Charter-free zone.
[35] (…) Mr. Taylor’s s. 10(b) rights were clearly violated. (…)
[36] In light of the conclusion that Mr. Taylor’s s. 10(b) rights were violated by the failure on the part of the police to take any steps to facilitate Mr. Taylor’s requested access to counsel before the first set of blood samples were taken, it is unnecessary to decide whether his s. 8 Charter right against unreasonable search and seizure was breached. I would note only that the police should not be able to circumvent the duty to implement an arrested individual’s s. 10(b) rights by attempting to cure any tainted evidence with a warrant authorizing its seizure.
[37] Having concluded that there was a breach of Mr. Taylor’s right to counsel under s. 10(b) prior to the taking of the first set of blood samples, the remaining issue is whether to exclude the evidence under s. 24(2) of the Charter. (…)
[38] (…) the public also has an interest “in ensuring that the justice system remains above reproach in its treatment of those charged with these serious offences”.
[39] (…) Nevertheless, Cst. MacGillivray’s failure to facilitate Mr. Taylor’s s. 10(b) rights constituted a significant departure from the standard of conduct expected of police officers and cannot be condoned. In short, at no point did the police do anything to facilitate Mr. Taylor’s access to counsel at the hospital, either before the initial hospital samples were taken or when they demanded a blood sample. This branch of the Grant test therefore leans in favour of exclusion. (…)
[41] (…) It is clear that the denial of the requested access had the effect of depriving him of the opportunity to make an informed decision about whether to consent to the routine medical treatment that had the potential to create — and in fact ultimately did create — incriminating evidence that would be used against him at trial. The impact of the breach on Mr. Taylor’s s. 10(b) rights was exacerbated when Mr. Taylor was placed in the unnecessarily vulnerable position of having to choose between his medical interests and his constitutional ones, without the benefit of the requested advice from counsel. Mr. Taylor’s blood samples, taken in direct violation of his right to counsel under s. 10(b), significantly compromised his autonomy, dignity, and bodily integrity. This supports the exclusion of this evidence. (…)
[42] (…) in my view the seriousness of the Charter breach and the impact of the police conduct on Mr. Taylor’s interests are such that the admission of the evidence would so impair public confidence in the administration of justice as to warrant the exclusion of the evidence. »
(underline by the Court)
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«[21] L’alinéa 10b) a pour objet « de permettre à la personne détenue non seulement d’être informée de ses droits et de ses obligations en vertu de la loi, mais également, voire qui plus est, d’obtenir des conseils sur la façon d’exercer ces droits » : Manninen, p. 1242 - 1243. Le droit à l’assistance d’un avocat « vise [. . .] à aider les détenus à recouvrer leur liberté et à les protéger contre le risque qu’ils s’incriminent involontairement » : R. c. Suberu, [2009] 2 R.C.S. 460, par. 40. (…) en mesure d’exercer un choix libre et éclairé (…).
[22] Dans l’arrêt R. c. Bartle, [1994] 3 R.C.S. 173, le juge en chef Lamer a expliqué pourquoi l’exercice du droit à l’assistance d’un avocat doit être facilité « sans délai » : (…) Non seulement elle a été privée de sa liberté, mais encore elle risque de s’incriminer. (…). L’alinéa 10b) habilite la personne détenue à recourir de plein droit à l’assistance d’un avocat « sans délai » et sur demande.
[23] Il a également confirmé les trois obligations correspondantes qui ont été énoncées dans l’arrêt Manninen et s’imposent aux policiers qui arrêtent une personne ou la détiennent : (1) informer la personne détenue de son droit d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et de l’existence de l’aide juridique et d’avocats de garde; (2) si la personne détenue a indiqué qu’elle voulait exercer ce droit, lui donner la possibilité raisonnable de le faire (sauf en cas d’urgence ou de danger); (3) s’abstenir de tenter de soutirer des éléments de preuve à la personne détenue jusqu’à ce qu’elle ait eu cette possibilité raisonnable (encore une fois, sauf en cas d’urgence ou de danger). (Bartle, p. 192, citant Manninen, p. 1241-1242; R. c. Evans, [1991] 1 R.C.S. 869, p. 890; R. c. Brydges, [1990] 1 R.C.S. 190, p. 203-204)
[24] L’obligation d’informer le détenu de son droit à l’assistance d’un avocat prend naissance immédiatement après l’arrestation ou la mise en détention, et celle de faciliter l’accès à un avocat prend pour sa part naissance immédiatement après que le détenu a demandé à parler à un avocat. (…) Il incombe au ministère public de démontrer qu’un délai donné était raisonnable dans les circonstances (R. c. Luong (2000), 271 A.R. 368, par. 12 (C.A.)). La question de savoir si le délai qui s’est écoulé avant que l’on facilite l’accès à un avocat était raisonnable est une question de fait.
[25] Il s’ensuit que, pour donner effet au droit à l’assistance d’un avocat, la police doit, sans délai dans les deux cas, informer les détenus des droits que leur garantit l’al. 10b) et faciliter l’exercice de ces droits sur demande en ce sens. Cela signifie notamment qu’« à la demande [du détenu], on doit lui permettre d’utiliser le téléphone à cette fin s’il en est un de disponible » (Manninen, p. 1242). Tout cela parce que le détenu est sous le contrôle des policiers et ne peut exercer son droit de recourir à l’assistance d’un avocat que si ceux-ci lui donnent une possibilité raisonnable de le faire (voir Brownridge c. La Reine, [1972] R.C.S. 926, p. 952-953).
[26] Nul ne conteste que, tant que l’accès à un avocat qui est demandé n’a pas été fourni, les policiers doivent s’abstenir de prendre d’autres mesures d’investigation en vue de soutirer des éléments de preuve au détenu (R. c. Ross, [1989] 1 R.C.S. 3, p. 12; R. c. Prosper, [1994] 3 R.C.S. 236, p. 269). (…)
[28] (…) afin de réduire le risque d’auto-incrimination accidentelle, ainsi que l’obligation de s’abstenir de tenter de lui soutirer des éléments de preuve tant qu’ils ne lui ont pas facilité l’accès à un avocat. (…) à la première occasion raisonnable. (…)
[31] (…) limitées lors de situations urgentes ou dangereuses. (…) [traduction] « n’estimait pas que l’état de l’accusé présentait quoi que ce soit d’anormal », mais il a amené celui-ci à l’hôpital uniquement [traduction] « par surcroît de prudence (…). » (…) il s’est écoulé de 20 à 30 minutes avant que le personnel de l’hôpital effectue sur lui un prélèvement sanguin, soit plus de temps qu’il n’en fallait aux policiers pour demander si un téléphone était disponible ou si M. Taylor était médicalement apte à faire un appel téléphonique.
[32] Les policiers ont l’obligation de permettre l’accès à un avocat dès que la chose est possible en pratique. (…).
[33] (…) L’existence d’obstacles à l’accès doit être prouvée — et non pas supposée —, et des mesures proactives sont requises pour que le droit à un avocat se concrétise en accès à un avocat.
[34] La personne qui entre dans un l’hôpital pour y recevoir des soins médicaux ne se trouve pas dans une zone sans Charte. (…)
[35] (…) Les droits garantis à M. Taylor par l’al. 10b) ont été manifestement violés. (…) .
[36] Compte tenu de la conclusion selon laquelle les droits garantis à M. Taylor par l’al. 10b) ont été violés par suite de l’omission des policiers, avant le prélèvement de la première série d’échantillons de sang, de prendre quelque mesure que ce soit afin de lui faciliter l’accès à un avocat comme il l’avait demandé, il est inutile de se demander s’il y a eu atteinte au droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives reconnu à l’art. 8 de la Charte. Je ferai seulement remarquer que les policiers ne devraient pas être en mesure de se soustraire à l’obligation de donner effet aux droits garantis par l’al. 10b) à la personne arrêtée en essayant de corriger tout vice qui entacherait un élément de preuve par l’obtention d’un mandat autorisant la saisie de cet élément.
[37] Comme j’ai conclu que le droit à l’assistance d’un avocat garanti par l’al. 10b) à M. Taylor a été violé avant le prélèvement de la première série d’échantillons sanguins, il reste à décider si les éléments de preuve en cause doivent être écartés en application du par. 24(2) de la Charte. (…)
[38] (…) à ce que le fonctionnement du système de justice demeure irréprochable au regard des individus accusés de ces infractions graves».
[39] (…) l’omission de l’agent MacGillivray de faciliter l’exercice, par M. Taylor, des droits que lui garantit l’al. 10b) constituait un écart important par rapport à la norme de conduite attendue des policiers et elle ne saurait être tolérée. Bref, à aucun moment les policiers n’ont fait quoi que ce soit pour faciliter l’accès de M. Taylor à un avocat pendant qu’il se trouvait à l’hôpital, que ce soit avant le prélèvement par l’hôpital des premiers échantillons ou lorsqu’ils ont ordonné le prélèvement d’échantillons de sang. Ce volet du critère établi dans Grant penche donc en faveur de l’exclusion. (…)
[41] (…) Il est manifeste que le refus de l’accès demandé a eu pour effet de le priver de la possibilité de prendre une décision éclairée à l’égard de la question de savoir s’il devait consentir à ce traitement médical de routine susceptible de créer — et qui a en définitive créé — une preuve incriminante qui a été utilisée contre lui au procès. L’incidence de la violation des droits garantis par l’al. 10b) a été exacerbée lorsque M. Taylor a été inutilement placé dans la situation de vulnérabilité d’avoir à choisir entre ses intérêts médicaux et ses intérêts constitutionnels, sans le bénéfice des conseils juridiques qu’il avait demandé d’obtenir. Les échantillons sanguins prélevés sur M. Taylor en violation directe du droit à l’assistance d’un avocat que lui garantit l’al. 10b) ont considérablement compromis son autonomie, sa dignité et son intégrité physique. Ce facteur appuie l’exclusion de ces éléments de preuve. (…).
[42] (…), j’estime que la gravité de la violation de la Charte et l’incidence de la conduite des policiers sur les intérêts de M. Taylor sont telles que l’utilisation des éléments de preuve minerait à ce point à la confiance du public dans l’administration de la justice qu’il est justifié de les écarter.
(soulignés du Tribunal)
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[30] Le Tribunal constate que l'arrêt Taylor[8] bouleverse la jurisprudence citée par la poursuite.
CONCLUSION
24 (1) de la Charte
[31] Le Tribunal estime qu’à partir du moment où le Dr Caffin informe les policiers qu’ils n’auraient aucune difficulté à obtenir un échantillon d’haleine (10 h 40) et le moment où il informe les policiers qu’il soupçonne une fracture crânienne puis demande une imagerie digitale (11 h 35), il y près d’une heure qui s’est écoulée, ce qui aurait amplement permis aux policiers de faciliter l’accès à un avocat à monsieur Graveley.
[32] La poursuite n’a pas démontré qu’il y avait un empêchement de le faire.
[33] D’ailleurs, la preuve révèle qu’à 11 h 47 les policiers ont sommé monsieur Graveley de fournir un échantillon de sang et que ce n’est qu’à ce moment qu’ils ont fait trois tentatives infructueuses pour communiquer avec un avocat à l’aide du téléphone cellulaire d’un des agents. Toutefois, les policiers n’ont pas avisé monsieur Graveley qu’il y avait un avocat de garde gratuit qui était accessible en tout temps. Les policiers ont plutôt décidé de mettre fin à leur demande et d’interrompre l’enquête à l’hôpital.
[34] Une fois au poste de police et après discussion avec un autre policier, l’agent Cloutier a décidé de poursuivre l’enquête. L’un des agents du service de police a communiqué avec le centre hospitalier afin de faire sceller les échantillons sanguins et l’agent Cloutier a préparé un affidavit et un mandat de perquisition qu’il a soumis à la juge Millar pour l’obtention d’un mandat de perquisition des échantillons sanguins.
[35] Dans le présent dossier, les parties affirment qu’elles ne peuvent établir avec certitude l’heure du prélèvement. Toutefois, le rapport mentionne que l’échantillon aurait été prélevé à 13 h 25 et reçu à 13 h 35.
[36] Le Tribunal constate que monsieur Graveley n’a pas eu l’opportunité de consulter un avocat et prendre une décision éclairée avant d’accepter le prélèvement d’un échantillon sanguin pour des fins médicales. Monsieur Graveley était sous l’impression que l’enquête pour conduite avec facultés affaiblies avait été abandonnée par les policiers.
[37] Le Tribunal constate que les policiers ont manqué à l’obligation constitutionnelle prévue à l’article 10 b) de la Charte en ne facilitant pas l’accès à un avocat à l’accusé dans un délai raisonnable, avant que le prélèvement sanguin soit exécuté.
[38] En se fondant sur l’arrêt Grant[9], le Tribunal conclut que l’assistance au droit garantit par l’article 10 b) à monsieur Graveley a été violée avant le prélèvement de l’échantillon sanguin.
24 (2) de la Charte
[39] Il reste à décider si les éléments de preuve doivent être exclus en application du paragraphe 24 (2) de la Charte.
[40] Le Tribunal doit évaluer et soupeser l’effet que l’utilisation des éléments de preuve aurait sur la confiance du public dans le système de justice en tenant compte du comportement des policiers et de l’incidence de la violation sur les droits de l’accusé garantis par la Charte et l’intérêt de la société à ce que l’affaire soit jugée au fond.
[41] Il est évident que la preuve de l’échantillon sanguin, dont on demande l’exclusion, est une preuve fiable et déterminante dans l’issue de l’affaire, sinon les procureurs ne s’acharneraient pas quant à la production de cette preuve ou son exclusion.
[42] Comme le souligne l’arrêt Spencer[10], le public a intérêt à ce que le fonctionnement du système de justice demeure irréprochable au regard des accusés. Également, comme l’a souligné la Cour suprême dans l’arrêt Taylor[11], le manquement des policiers aux droits garantis par l’article 10 b) constitue un écart par rapport à la norme de conduite attendue des policiers et ne peut être toléré. Les efforts des policiers s’avèrent insuffisants et le fait de ne pas aviser monsieur Graveley de la disponibilité d’un avocat de garde gratuit en tout temps et le fait de ne pas lui laisser l’opportunité de communiquer avec ce dernier avant que les agents laissent croire qu’ils ont décidé d’interrompre l’enquête, penche en faveur de l’exclusion de la preuve tel que relaté dans l’arrêt Grant[12] et appliqué dans l’arrêt Taylor[13].
[43] Le Tribunal partage l’opinion de la Cour suprême dans l’arrêt Taylor[14]. Le Tribunal estime que la violation de la Charte et l’incidence de la conduite des policiers sur les intérêts de monsieur Graveley sont telles que l’utilisation des éléments de preuve minerait à ce point la confiance du public dans l’administration de la justice. Il est donc justifié d’écarter ces éléments de preuve.
[44] Vu cette conclusion, le Tribunal juge inutile d’étudier et de se prononcer sur la requête en vertu de l’article 8 de la Charte.
PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL
[45] DÉCLARE que les droits reconnus par l’article 10 b) de la charte ont été violés;
[46] ORDONNE l’exclusion des échantillons sanguins de la preuve.
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__________________________________ SERGE LAURIN, J.C.Q. |
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Me Marie-Josée Genest et Me Christine Lambert |
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Procureures de la poursuite
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Me Robert B. Carew |
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Procureur de la défense
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Dates d’audiences : |
23 avril 2014 et 26 janvier 2015 |
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[1] Charte canadienne des droits et libertés, lois constitutionnelles de 1982 (ci-après « Charte »)
[3] R. c. X., 2014 QCCS 1697
[4] R. c. Araujo, [2000] 2 S.C.R. 992
[5] R. v. Jonathan, [2013] O,J, No. 6009
[6] R. v. Colbourne, [2001] O.J. No. 3620
[7] R. c. Taylor, 2014 SCC 50
[8] Id.
[9] R. c. Grant, 2009 2 RCS 353
[10] R. c. Spencer, 2014 CSC 43
[11] R. c. Taylor, préc. note 7
[12] R. c. Grant, préc. note 8
[13] R. c. Taylor, préc. note 7
[14] Id.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.