Du Berger c. CAA-Québec habitation inspection |
2010 QCCQ 20250 |
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JL2654 |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
QUÉBEC |
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LOCALITÉ DE |
QUÉBEC |
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« Chambre civile » |
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N° : |
200-32-052827-101 |
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DATE : |
29 août 2010 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
ANNE LABERGE, JL2654 |
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REYNALD DU BERGER, […], Québec, […] |
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Demandeur |
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c. |
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CAA-QUÉBEC HABITATION INSPECTION, 4640, boulevard Hamel, bureau 210, Québec, G1P 2J9 |
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Défenderesse |
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JUGEMENT |
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[1] Le demandeur réclame 7 000$ à la défenderesse en dommages-intérêts suite à l’inspection de la résidence qu’il a achetée, non effectuée suivant les règles de l’art.
[2] La défenderesse se porte demanderesse reconventionnelle et réclame 7 000$ au demandeur en dommages-intérêts, atteinte à la réputation et pour ses honoraires extrajudiciaires.
[3] Le demandeur soumet essentiellement avoir conclu une convention le 18 août 2006, avec la défenderesse pour faire l’inspection pré-achat de la résidence qu’il souhaite acquérir, sise au […] à Boischatel.
[4] Le demandeur qui déclare être ingénieur, décrit la maison, construite selon lui dans les années 1970, comme étant plutôt un chalet «raboudiné».
[5] L’inspection pré-achat est effectuée et le demandeur reçoit le rapport d’inspection (P-5) le 25 août 2006 qui précise dans la section «Avis au lecteur» que l’objectif est de détecter des défauts majeurs apparents et que l’inspection couvre les endroits facilement accessibles, l’inspection se limitant à ce qui peut être observé visuellement. L’inspecteur ne déplace pas de meubles, ne soulève pas de moquettes, n’enlève pas de panneaux.
[6] L’auteur du rapport (P-5) mentionne ne pas avoir détecté de déficiences graves pouvant entraîner des dépenses importantes mais attire l’attention sur plusieurs éléments à faire vérifier, notamment la plomberie, les fondations en blocs de béton (partie dans le sol), traces de condensation dans l’entretoit, entrée électrique pleine, avec la précision que le panneau n’a pas été ouvert.
[7] Le rapport (P-5) contient par ailleurs la déclaration du vendeur qui mentionne notamment avoir déjà subi une infiltration d’eau par la toiture en été, par forte pluie ou grands vents.
[8] Le demandeur prend connaissance du rapport (P-5) remis en août 2006 et achète la résidence le 15 décembre 2006 (P-1), au prix de 225 000$.
[9] Il soutient qu’à la fin décembre 2006, lors d’une panne de courant majeure, l’électricien trouve des marettes et du ruban électrique dans la boîte électrique, ce qui serait illégal et dangereux. Il ne fait cependant pas entendre de témoin compétent ni ne produit de rapport de l’électricien à cet effet. Il fait remplacer le panneau électrique et reproche à la défenderesse de ne pas avoir ouvert le panneau électrique lors de l’inspection.
[10] En mars 2007, lors du remplacement des carreaux sur le plancher de la salle de bain, il constate que le plancher est pourri et le fait remplacer.
[11] Il reproche à l’inspecteur qui a noté une solive qui fléchissait et qui a été renforcée, de ne pas avoir signalé des marques de pourriture, très visibles selon lui sur la photographie en page 11 du rapport.
[12] À la fin août 2007, le demandeur découvre lors de travaux majeurs, de la pourriture importante dans le mur ouest, attribuable selon lui, à des infiltrations d’eau provenant de la toiture.
[13] Il reproche à la défenderesse à cet égard, de ne pas avoir mentionné la présence d’un fil chauffant sur la toiture, visant à son avis, à contrer la formation de barrage de glace. Le demandeur conclut, sans expertise ou témoin compétent à l’appui, que ce dispositif est responsable des infiltrations d’eau.
[14] En ouvrant le plancher du salon et du bureau, il trouve une porte qui donne accès au vide sanitaire. En y entrant, il trouve de la pourriture au plancher et sur la fondation ainsi qu’une plinthe chauffante, responsable selon lui, de la condensation qui accélère la pourriture (pas d’expertise, ni de témoin compétent.
[15] Le demandeur soutient avoir dû remplacer le plancher et couler des piliers de béton pour remplacer les fondations. La défenderesse aurait dû, à son avis, remarquer cette porte simplement recouverte d’un isolant ou vérifier avec une torche par les deux soupiraux.
[16] Au printemps 2007, le demandeur subit des infiltrations d’eau au sous-sol qui auraient abîmé des livres rares (pas d’expertise).
[17] La défenderesse n’a pas noté de rigole dans le plancher dirigeant l’eau vers la pompe ni une marque foncée sur le mur, signe évident, suivant le demandeur, d’inondations passées.
[18] Le demandeur prétend que tous les éléments importants et évidents que la défenderesse a fait défaut de noter dans son rapport (P-5), ont occasionné des frais de travaux correctifs totalisant 21 439,69$, factures à l’appui.
[19] Il affirme que s’il avait connu ces défauts, il n’aurait pas acheté ou du moins, pas à si haut prix.
[20] En juin 2010, une première mise en demeure (P-6) est transmise à la défenderesse par le procureur du demandeur, lui réclamant 21 439,69$ pour les vices cachés affectant la maison, non mentionnés dans le rapport d’inspection pré-achat.
[21] Le 25 juin 2010, le procureur de la défenderesse répond (P-7) essentiellement que les reproches formulés ne sont pas fondés, que la dénonciation est tardive et qu’elle n’aurait pas dû procéder à des travaux correctifs, sans préavis.
[22] Le 5 août 2010, le demandeur intente le présent recours contre la défenderesse aux termes duquel il réduit sa réclamation à 7 000$, en vue de l’application du Livre VIII C.p.c..
[23] À l’encontre de ce recours, la défenderesse argue ne rien devoir au demandeur au motif que son inspection visuelle vise les vices apparents.
[24] Celle effectuée en 2006 par monsieur Marchand, a été bien faite et son rapport (P-5) comporte plusieurs alertes que le demandeur a choisies d’ignorer, soumet la défende-resse.
[25] Elle souligne que le demandeur a intenté un recours contre le vendeur en septembre 2008 (D-2), amendé en avril 2009 (D-3) lui réclamant 53 489,69$, pour les mêmes vices «cachés».
[26] Une transaction (D-4) a été conclue avec le vendeur pour un montant de 4 500$ en capital, intérêts et frais.
[27] La défenderesse précise concernant le premier reproche visant le panneau électrique non ouvert, qu’au moment de l’inspection en 2006, l’inspecteur n’avait pas à le faire, suivant la norme de pratique de l’AIBQ en vigueur (D-6).
[28] Concernant la pourriture au plancher non remarquée, la défenderesse réfère à la photographie (D-7) agrandie de celle produite au rapport, où on ne voit pas de pourriture. De toute façon, dans l’interrogatoire au préalable du demandeur (D-1) par la défense, dans le recours contre le vendeur, le demandeur admet que la solive n’était pas pourrie (page 22).
[29] En regard de la pourriture du mur ouest causée par la toiture, la défenderesse rappelle que dans la déclaration du vendeur annexée au rapport (D-5) celui-ci mentionne avoir déjà subi une infiltration par la toiture.
[30] Au sujet de la pourriture des fondations, constatée lors de la découverte de la porte menant au vide sanitaire, la défenderesse précise que le plancher a été ouvert à ce moment-là, que la porte était recouverte d’un isolant, en plus d’être cachée par l’escalier menant au sous-sol.
[31] La défenderesse nie qu’il y avait une rigole sur le plancher de béton au sous-sol, suivant les photos prises par l’inspecteur.
[32] La défenderesse ajoute que rien n’établit qu’il y ait eu une importante infiltration au sous-sol. Elle conclut qu’une partie du mur était sans doute recouverte en partie, ce qui pourrait expliquer la différence de couleur.
[33] La défenderesse conclut que l’inspection a été faite suivant les règles de l’art, que le recours du demandeur est prescrit et que le demandeur a fait tous les travaux correctifs avant de dénoncer la situation à la défenderesse par mise en demeure en juin 2010, plus de 3 ans après l’inspection.
[34] En demande reconventionnelle, la défenderesse réclame 7 000$ au demandeur. À son avis, le recours est mal fondé suivant l’article 54.1 C.p.c. car il réclame pour des vices cachés, identiques (à un élément près) à ceux dénoncés dans le recours contre le vendeur, alors que l’inspection vise les vices apparents.
[35] Par ailleurs, le demandeur ne pouvait ignorer la prescription de son recours, invoquée par le procureur de la défenderesse dans sa réponse à la mise en demeure de juin 2010 (P-6).
[36] Enfin, la défenderesse soumet que le demandeur n’a pas dénoncé les vices constatés dans un délai raisonnable.
[37] La défenderesse réclame 1 539$ pour les démarches et la préparation de son représentant monsieur Aubert, 164,18$ pour perte de salaire, 64$ pour la présence du témoin F. Marchand, 19,25$ de frais de déplacement et stationnement, 535,93$ pour honoraires extrajudiciaires (Me Poulin), 1 600$ au motif que le recours est abusif et 1 400$ pour dommages à la réputation de CAA Québec, désignée comme défenderesse, abus qu’elle n’est aucunement concernée par le présent recours.
[38] Le Tribunal conclut au rejet de la demande principale et au bien-fondé de la demande reconventionnelle jusqu’à concurrence de 1 000$.
[39] Le demandeur n’a pas rempli le fardeau de preuve qui lui incombait en vertu des articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec.
[40] Il n’y a pas un «iota» de preuve établissant que la défenderesse n’aurait pas respecté les règles de l’art dans l’exécution de son inspection visant les vices apparents.
[41] Les reproches du demandeur ne reposent sur aucun rapport d’expertise et il n’a fait entendre aucun témoin compétent à l’appui de ses prétentions.
[42] Il tire des inférences qui ne résistent pas à l’analyse. Par ailleurs, le demandeur a choisi d’ignorer les alertes contenues dans le rapport d’inspection.
[43] La défenderesse soutient, avec raison, que ce recours est prescrit suivant les articles 2921, 2925 et 2926 C.c.Q. car il a été déposé le 5 août 2010 soit plus de 3 ans après le jour où le préjudice se manifeste pour la première fois le 20 décembre 2006, ensuite en mars 2007 (pourriture dans la salle de bain, avril 2007 (infiltration d’eau) août 2007, lors de rénovations commencées 1 mois plus tôt, donc en juillet 2007[1].
[44] Le Tribunal accueille partiellement la demande reconventionnelle et accorde 1 000$ à la défenderesse car la prépondérance de preuve démontre que le recours du demandeur va à l’encontre de l’article 54.1 C.p.c. qui prévoit ce qui suit :
«Les tribunaux peuvent à tout moment, sur demande et même d’office après avoir entendu les parties sur le point, déclarer qu’une demande en justice ou un autre acte de procédure est abusif et prononcer une sanction contre la partie qui agit de manière abusive.
L’abus peut résulter d’une demande en justice ou d’un acte de procédure manifestement mal fondé, frivole ou dilatoire, ou d’un comportement vexatoire ou quérulent. Il peut aussi résulter de la mauvaise foi, de l’utilisation de la procédure de manière excessive ou déraisonnable ou de manière à nuire à autrui ou encore du détournement des fins de la justice, notamment si cela a pour effet de limiter la liberté d’expression d’autrui dans le contexte de débats publics.»
[45] En l’espèce, le recours du demandeur est manifestement mal fondé et abusif au sens de cet article, pour les raisons précitées, ce que ne pouvait ignorer le demandeur.
[46] L’article 54.4 C.p.c. prévoit les sanctions possibles :
«Le tribunal peut, en se prononçant sur le caractère abusif d’une demande en justice ou d’un acte de procédure, ordonner, le cas échéant, le remboursement de la provision versée pour les frais de l’instance, condamner une partie à payer, outre les dépens, des dommages-intérêts en réparation du préjudice subi par une autre partie, notamment pour compenser les honoraires et débours extrajudiciaires que celle-ci a engagés ou, si les circonstances le justifient, attribuer des dommages-intérêts punitifs.
Si le montant des dommages-intérêts n’est pas admis ou ne peut être établi aisément au moment de la déclaration d’abus, il peut en décider sommairement dans le délai et sous les conditions qu’il détermine.»
[47] Le Tribunal abonde dans le sens de l’Honorable Pierre Coderre J.C.Q. dans l’affaire Bernard Desrosiers c. Marcel Bolduc et Carine Durand[2] lorsqu’il écrit ce qui suit en regard des articles précités :
«[96] Ceci est la codification de ce qui avait été établi par la Cour d’appel dans l’arrêt Viel c. Entreprises Immobilières du Terroir ltée.
[97] Dans un jugement récent, le juge J. Roger Banfond, j.c.s., présente l’état du droit sur cette question dans l’affaire Morin c. Saïm :
…
[107] Quant à la notion de témérité, on en trouve une explication dans l’arrêt Royal LePage :
[46] Que faut-il entendre par témérité? Selon moi, c’est le fait de mettre de l’avant un recours ou une procédure alors qu’une personne raisonnable et prudente, placée dans les circonstances connues par la partie au moment où elle dépose la procédure ou l’argumente, conclurait à l’inexistence d’un fondement pour cette procédure. Il s’agit d’une norme objective, qui requiert non pas des indices de l’intention de nuire, mais plutôt une évaluation des circonstances afin de déterminer s’il y a lieu de conclure au caractère infondé de cette procédure. Est infondée une procédure n’offrant aucune véritable chance de succès, et par le fait, devient révélatrice d’une légèreté blâmable de son auteur. Comme le soulignent les auteurs Baudouin et Deslauriers, précités : «L’absence de cette cause raisonnable et probable fait présumer sinon l’intention de nuire ou la mauvaise foi, du moins la négligence ou la témérité». [Royal LePage commercial inc. c. 109650 Canada ltd, 2007 QCCA 915 , paragr. 36]».
[48] En conséquence, le Tribunal conclut que le demandeur doit indemniser la défenderesse en raison du recours abusif intenté à son endroit.
[49] Le Tribunal fixe à 1 000$ la somme à laquelle il a droit et rejette les autres postes de réclamation suivant l’article 1608 C.c.Q..
[50] En ce qui concerne la réclamation de 1 400$ pour dommage à la réputation de CAA Québec, la défenderesse n’a pas l’intérêt juridique pour agir et de toute façon, cette atteinte n’a pas été prouvée.
[51] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[52] REJETTE la demande principale, avec dépens;
[53] ACCUEILLE en partie la demande reconventionnelle;
[54] CONDAMNE le demandeur à payer à la défenderesse 1 000$, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation et les frais.
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__________________________________ ANNE LABERGE, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
24 août 2010 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.