Séguin c. Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières (Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières) |
2010 QCBDR 104 |
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BUREAU DE DÉCISION ET DE RÉVISION |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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MONTRÉAL |
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DOSSIERS N° : |
2007-015 2008-003 2008-012 |
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DÉCISIONS N° : |
2007-015-001 2008-003-001 2008-012-001 |
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DATE : |
22 décembre 2010 |
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EN PRÉSENCE DE : |
Me ALAIN GÉLINAS |
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LOUIS-PHILIPPE SÉGUIN |
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Partie demanderesse |
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c. |
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ASSOCIATION CANADIENNE DES COURTIERS EN VALEURS MOBILIÈRES (MAINTENANT ORGANISME CANADIEN DE RÉGLEMENTATION DU COMMERCE DES VALEURS MOBILIÈRES) |
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Partie intimée |
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Demande de révision de décisions de la formation d’instruction de l’association canadienne des courtiers en valeurs mobilières (maintenant l’organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières) |
[art. 322, de la Loi sur les valeurs mobilières (L.R.Q., c. V-1.1) et art. 93 (2e al.), de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers (L.R.Q., c. A-33.2)] |
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Me Philippe Frère (Lavery de Billy) Procureur du demandeur |
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Me Karl Delwaide et Me Antoine Aylwin (Fasken Martineau Dumoulin) Procureurs de l’intimée |
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Me Caroline Champagne Procureure de l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières |
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Derniers documents déposés : Lettre de Me Philippe Frère : le 28 septembre 2009. Lettre de Me Karl Delwaide : le 19 octobre 2009. |
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DÉCISION |
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[1] Notons d’emblée que dans le présent dossier, le président de la formation, Me Jean-Pierre Major, alors vice-président du Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières (maintenant le Bureau de décision et de révision, ci-après le « Bureau »), ne pouvant pour des raisons de santé poursuivre l’audience, les membres restants de la formation continuent le présent dossier, conformément à l’article 52 du Règlement sur les règles de procédure du Bureau de décision et de révision[1]. Me Gerald La Haye qui a démissionné de son poste de membre le 1er mars 2010 a continué de connaître l’affaire dont il est saisi en vertu du quatrième alinéa de l’article 97 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[2].
LES QUESTIONS EN LITIGE
Premier volet : L’assujettissement du demandeur - dossier 2007-015
[2] Le 29 juin 2007, la formation d’instruction de l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières[3] (ci-après « l’ACCOVAM, l’OAR ou l’organisme d’autoréglementation ») a rendu une décision rejetant la requête du demandeur Louis-Philippe Séguin (ci-après « M. Séguin » ou le « demandeur Séguin ») relative à l’absence de compétence de la formation d’instruction de l’ACCOVAM. Il est utile de noter que les activités d’autoréglementation de l’ACCOVAM ont été prises en charge, le 1er juin 2008, par l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).
[3] Le 30 juillet 2007, le demandeur Séguin a intenté une demande de révision de cette décision.
Question en litige :
Le demandeur est-il une personne contractuellement assujettie à une obligation de comparaître devant un enquêteur de l’intimée et de répondre à ses questions?
Second volet : La culpabilité - dossier 2008-003
[4] Le 7 décembre 2007, la formation d’instruction a rendu une décision par laquelle elle trouvait coupable le demandeur Séguin de la plainte telle que portée[4].
[5] Le 10 janvier 2008, le demandeur Séguin a intenté une demande de révision de cette décision.
Question en litige :
Le demandeur a-t-il refusé, sans motif valable, de comparaître et de répondre aux questions de l’enquêteur le 22 mars 2006?
Troisième volet : La sanction - dossier 2008-012
[6] Le 11 mars 2008, la formation d’instruction a rendu une décision sur la sanction à l’encontre du demandeur Séguin, en imposant la sanction suivante :
- Interdiction permanente d’inscription à un titre quelconque;
- Amende de 50 000 $; et
- Paiement de 27 000 $ à titre de frais[5].
[7] Le 18 avril 2008, le demandeur Séguin a intenté une demande de révision de cette décision.
Question en litige :
La sanction imposée, dans les circonstances de l’affaire, est-elle injuste et inappropriée?
LES FAITS
[8] Au cours des diverses périodes de sa vie professionnelle, Louis-Philippe Séguin a été autorisé par l’ACCOVAM comme représentant inscrit dans le domaine des valeurs mobilières.
[9] La dernière inscription date de février 2003 alors qu’il entre à l’emploi de la société Jones, Gable et Compagnie Ltée. Il remet sa démission le 30 décembre 2005, cessant ainsi d’être représentant inscrit auprès de l’ACCOVAM.
[10] Auparavant, le 9 juin 2005, l’ACCOVAM informe M. Séguin de l’ouverture d’une enquête à son sujet.
[11] Par la suite, il n’y a, à ce sujet, aucun développement signalé à M. Séguin jusqu’au 25 janvier 2006 alors que, par lettre écrite[6] par l’ACCOVAM, il est, par application de l’article 5 du Statut 19 de cette dernière, convoqué pour donner des renseignements aux enquêteurs pour le 8 février 2006. La lettre informe M. Séguin de son droit d’être accompagné par un conseiller juridique au cours de l’interrogatoire.
[12] Le procureur de M. Séguin entre en contact avec l’enquêteur de l’ACCOVAM et, à sa demande, la rencontre du 8 février 2006 est remise au 2 mars, au 10 mars, puis au 13 mars 2006.
[13] Dans une lettre datée du 9 mars et confirmant la remise au 13 mars, le procureur de M. Séguin indique l’intention de son client de se présenter à l’interrogatoire accompagné d’un sténographe.
[14] Dès le lendemain, le 10 mars 2006, l’enquêteur de l’ACCOVAM lui répond en ces termes :
« Nous vous confirmons que nous consentons, pour la dernière fois, à reporter au lundi 13 mars 2006, l’interrogatoire de votre client, Monsieur Louis-Philippe Séguin, devant se tenir aujourd’hui le 10 mars 2006.
Tel que prévu au Statut 19 de l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, l’enquêteur peut exiger une déclaration sous serment de votre client, et ce, en la manière prévue à ce Statut.
Le présent dossier est au stade de l’enquête afin de recueillir de l’information : il s’agit d’une enquête administrative.
Si l’Association décide d’entreprendre des procédures disciplinaires à l’endroit de votre client, ce dernier pourra obtenir communication de la preuve incluant sa déclaration à l’enquêteur.
Votre client doit se présenter à 9h30 au 1, Place Ville Marie, bureau 2802, le lundi 13 mars 2006.
Seul un avocat est admis à accompagner une personne interrogée. »
[15] Le 13 mars, M. Séguin se présente aux bureaux de l’ACCOVAM accompagné de son avocat et d’un sténographe. La rencontre est très brève, car l’enquêteur refuse la présence du sténographe, ce qui amène M. Séguin à quitter les lieux sans se soumettre à l’interrogatoire.
[16] Dans une lettre datée du 13 mars 2006, le procureur de M. Séguin rend compte de la rencontre dans les termes suivants :
« Notre client et le soussigné étaient présents ce matin à vos bureaux afin de donner suite à votre demande de recueillir sous serment la déclaration de celui-ci. Tel que nous vous l’avions annoncé par lettre du 9 mars 2006, notre sténographe Claude Morin était également présent afin de prendre notes de cette déclaration. Monsieur Séguin possède des raisons sérieuses pour lesquelles son témoignage sous serment mérite d’être pris en note et lui être accessible à court terme.
Vous et votre collègue Stéphan Jacob avez fermement refusé que Monsieur Morin agisse comme sténographe en alléguant que « ce n’est pas prévu dans nos procédures ». Je vous ai alors demandé de nous exhiber copie de ces procédures, ce que vous avez refusé. Je vous ai également demandé si les Statuts de l’Association interdisaient que la personne faisant l’objet d’une enquête puisse faire prendre en sténographie copie de sa déclaration; vous m’avez indiqué que les Statuts étaient muets à cet égard, mais que l’enquêteur pouvait exiger que celle-ci soit enregistrée.
J’ai, à plusieurs reprises, réitéré que Monsieur Séguin était présent et disposé à répondre à vos questions ainsi qu’à fournir tous les renseignements et documents que vous jugeriez nécessaires
Vous nous avez clairement et sans équivoque indiqué qu’il était hors de question que vous procédiez en présence de notre sténographe et, sur ce nous avons quitté les lieux.
Je ne peux par ailleurs que déplorer votre attitude arrogante et intimidante envers notre client, alors que, malgré que je vous aie indiqué que Monsieur Séguin ne s’adresserait à vous que sous serment et dans le cadre de l’enquête, vous avez tenté à plusieurs reprises d’obtenir de lui qu’il admette qu’il « refusait de répondre à vos questions » et ce, malgré mes demandes répétées de ne vous adresser qu’à moi à cette étape.
Je vous indique, en terminant, que Monsieur Séguin est toujours disposé à répondre à vos questions dans la mesure où :
- il lui est permis la présence d’un sténographe de son choix ; ou
- que vous procédiez à l’enregistrement selon le mode de votre choix et que vous vous engagiez à nous remettre, dans les meilleurs délais, une retranscription fidèle de l’entrevue. »
[17] L’enquêteur de l’ACCOVAM résume, pour sa part, la rencontre du 13 mars 2006 dans une lettre datée du 14 mars 2006, laquelle se lit comme suit :
« Nous accusons réception de votre lettre datée du 13 mars 2006.
La présente fait suite à la brève rencontre de ce matin au 1 Place Ville Marie, bureau 2802 au cours de laquelle votre client, M. Louis-Philippe Séguin, devait répondre à nos questions en regard du dossier ci-haut mentionné.
Malgré que vous ayez été avisé par notre lettre du 10 mars dernier que seul un avocat est admis à être présent lors d’un interrogatoire conformément à nos procédures d’enquête, vous vous êtes présenté avec votre client en compagnie d’un sténographe et avez refusé que votre client soit interrogé sans la présence de votre sténographe. Devant notre refus de procéder à l’interrogatoire de cette façon, et malgré les conséquences auxquelles votre client s’expose par cet agissement et dont vous avez été informé, vous avez quitté les lieux en compagnie de votre client sans que nous ayons pu l’interroger.
Nous considérons cet agissement comme étant un refus de collaborer à notre enquête. En conséquence, soyez dûment avisé que des procédures disciplinaires pour défaut de collaborer seront considérées contre votre client à moins que celui-ci ne se soumette à l’interrogatoire pour lequel nous le convoquons ultimement et aux conditions que nous avons déjà précisées, pour le 17 mars 2006 à 9h30 à la même adresse. »
[18] Par lettre datée du 15 mars 2006, le procureur de monsieur Séguin informe l’enquêteur que son client n’est pas disponible le 17 mars, indique sa disponibilité pour le 31 mars ou toute autre date mutuellement convenue et réitère la condition que l’ACCOVAM lui confirme « que la présence d’un sténographe (ou d’un mode alternatif d’enregistrement) lui sera permise à moins […] qu’une entente intervienne […] afin de permettre une autre solution mutuellement acceptable ».
[19] Le 16 mars 2006, Stéphan Jacob, chef des enquêtes auprès de l’ACCOVAM, répond par une lettre dans laquelle il réfère le procureur de monsieur Séguin aux lettres du 10 mars et du 14 mars concernant les procédures d’enquête, maintient la convocation du 17 mars et réitère l’avertissement selon lequel des procédures disciplinaires pour défaut de collaborer allaient être considérées en cas d’omission de monsieur Séguin de collaborer.
[20] La même journée, Me Antoine Aylwin, procureur mandaté par l’ACCOVAM, confirme par courriel que l’interrogatoire du 17 mars est remis au 22 mars et que le défaut de s’y présenter aura les mêmes conséquences que celles évoquées dans la lettre de monsieur Jacob. Il ajoute qu’il fera connaître la position de sa cliente au sujet de l’enregistrement dans les jours suivants.
[21] Le 20 mars 2006, le procureur de monsieur Séguin répond à ce courriel par le courriel suivant :
« Comme je l’ai mentionné à votre collègue Delwaide, notre client insiste pour avoir une copie de l’enregistrement de son témoignage ou de la retranscription de celui-ci, compte tenu notamment du fait que les inspecteurs de votre cliente lui ont indiqué qu’il serait tenu de rendre témoignage sous serment et qu’il serait enregistré. J’attendais des nouvelles de votre étude ce jour, mais n’ai eu aucune communication de votre part ni de Me Delwaide.
Il est impératif que votre client établisse sa position à cet égard d’une façon qui permettra à M. Séguin d’obtenir une copie de l’enregistrement ou de sa retranscription. À ce jour, votre cliente n’a manifesté aucune position de compromis, se contentant de réitérer que nous n’aurons pas accès à l’enregistrement au motif que cela n’est « pas prévu dans les procédures d’enquêtes », ce qui ne nous appert pas être une raison valable de refus.
Si votre cliente persiste dans sa position intransigeante, nous nous verrons obligés d’annuler la rencontre du 22 et de la laisser mettre à exécution ses menaces de plainte pour entrave ; quant à nous, nous demeurons éberlués de son obstination à refuser à M. Séguin d’avoir accès à son propre témoignage. Il semble que l’ACCOVAM soit plus intéressée à débattre de cette question qu’à obtenir promptement les réponses de M. Séguin qu’elle indique rechercher dans le cadre de son enquête. »
[22] Me Aylwin répond à ce courriel le 21 mars en indiquant que la position de sa cliente au sujet de l’enregistrement n’a pas changé et le réfère aux lettres de l’enquêteur datées du 10 et du 14 mars.
[23] La même journée, le procureur de monsieur Séguin fait parvenir à l’enquêteur une lettre dans laquelle il indique que son client ne se présentera pas à la rencontre du 22 mars :
« Compte tenu du fait que vous maintenez votre refus de fournir à notre client soit une copie de l’enregistrement de son témoignage ou encore de lui permettre d’enregistrer lui-même ce témoignage par voie d’un sténographe ou autrement et que vous ne nous avez transmis aucun motif justifiant votre position et ce, malgré nos demandes répétées, notre client désire vous informer, dans les circonstances, qu’il ne se présentera pas à la rencontre prévue. »
[24] À la suite de ce refus, la rencontre n’a pas lieu, ce qui conduit à une plainte portée le 8 décembre 2006 par madame Carmen Crépin, vice-présidente pour le Québec de l’ACCOVAM. La plainte est ainsi rédigée :
« Le ou le 22 mars 2006, l’intimé a contrevenu à l’article 5 du Statut 19 de l’Association en refusant de comparaître devant les enquêteurs et de leur donner des renseignements. »
[25] Une formation d’instruction est saisie de cette plainte disciplinaire et l’intimé est convoqué à une audition pour le 7 février 2007.
[26] Monsieur Séguin n’est alors ni présent ni représenté et le processus de transmission de documents est entrepris en vue de la présentation de la preuve, le 18 avril 2007.
[27] Ce jour-là, monsieur Séguin est présent et par son avocat, il conteste la compétence de l’ACCOVAM de le convoquer pour enquête après sa démission du 30 décembre 2005, prétendant ne pas être lié par l’article 7 du Statut 20 habilitant l’ACCOVAM à l’endroit d’un ancien représentant inscrit, cet article n’ayant, affirme-t-il, jamais été porté à sa connaissance; ce serait là une clause externe à son contrat d’adhésion et elle ne lierait pas monsieur Séguin qui en ignorait l’existence.
[28] Lors de l’audience du 18 avril 2007, monsieur Séguin a témoigné à cet effet, affirmant n’avoir jamais eu connaissance de cet article 7, pas plus que son prédécesseur, l’article 21 du même Statut 20.
[29] Le 29 juin 2007, la formation d’instruction a rendu une décision par laquelle elle confirmait sa compétence et a ordonné qu’il soit procédé à la preuve et audition de la plainte.
[30] Le 30 juin 2007, monsieur Séguin déposait une demande de révision de cette décision auprès du Bureau. Les procureurs au dossier ont convenu de procéder à l’enquête et audition au mérite malgré la demande de révision. L’audience a été fixée au 14 novembre 2007.
[31] Monsieur Séguin n’a jamais produit de réponse à l’avis d’audience du 8 décembre 2006. L’ACCOVAM a présenté une requête en vertu de l’article 7.2 (1) (b) des Règles de procédure de l’ACCOVAM en vertu duquel « la formation d’instruction peut accepter comme prouvés les faits et les contraventions allégués par l’Association dans l’avis d’audience et peut infliger des sanctions et condamner au paiement des frais ». Cette demande n’a pas été contestée par monsieur Séguin, qui s’est également abstenu de contester les faits mentionnés dans l’avis d’audience ainsi que de présenter de la preuve.
[32] Par décision datée du 7 décembre 2007, la formation d’instruction a reconnu monsieur Séguin coupable de l’infraction qui lui était reprochée. Monsieur Séguin a déposé une demande de révision de cette décision devant le Bureau le 10 janvier 2008.
[33] Les représentations sur sanction ont eu lieu le 14 décembre 2007. Par décision datée du 11 mars 2008, la formation d’instruction a prononcé une interdiction permanente d’inscription, une amende de 50 000 $ et a condamné M. Séguin au paiement des frais d’enquête et de poursuite de l’ACCOVAM pour un montant de 27 000 $.
[34] M. Séguin a déposé une demande de révision de cette décision devant le Bureau le 18 avril 2008.
[35] Avant d’analyser les questions en litige, le tribunal doit tout d’abord se prononcer sur la norme de contrôle applicable.
L’ANALYSE
1) La norme de contrôle applicable
Position du demandeur
[36] Le demandeur est d’avis que la norme de contrôle applicable aux trois questions en litige est celle de la décision correcte. S’inspirant de l’arrêt de la Cour suprême du Canada Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick[7], il invoque les éléments suivants pour justifier la norme de la décision correcte :
· les décisions de la formation d’instruction de l’intimée ne sont protégées par aucune clause privative;
· la formation d’instruction n’est pas un tribunal quasi judiciaire et ne possède aucune existence autre que contractuelle;
· les membres de la formation d’instruction sont choisis unilatéralement par l’intimée;
· les questions en litige ne sont pas de celles pour lesquelles les membres de la formation d’instruction possèdent une expertise particulière;
· les questions soulevées par les demandes de révision sont essentiellement des questions de droit[8].
Position de l’intimée
[37] L’intimée plaide que les sociétés membres de l’ACCOVAM et les représentants inscrits œuvrent dans un secteur hautement réglementé où la réglementation adoptée et les décisions rendues constituent une activité fort spécialisée qui exige des connaissances et une expertise particulière dans un domaine complexe et essentiel des marchés financiers.
[38] Rappelant les décisions Pezim c. Colombie-Britannique (Supertintendant of Brokers)[9] et Résolution Capital inc. c. Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières[10], l’intimée souligne que cette réglementation vise avant tout la protection du public.
[39] Dans le dossier du demandeur Séguin, l’intimée souligne que la Cour supérieure a d’ailleurs reconnu que le forum approprié pour disposer en premier lieu des arguments de faits et de droit du demandeur est l’ACCOVAM (plus particulièrement la formation d’instruction) et ce, pour appliquer et interpréter les dispositions des Statuts qui relèvent de la compétence exclusive de cette dernière.
[40] La nature spécialisée des fonctions de l’ACCOVAM ainsi que son rôle de premier plan dans la protection du public et de la réglementation des activités des courtiers en valeurs mobilières appellent un degré élevé de déférence en révision des décisions de l’ACCOVAM faisant appel à son expertise ou à sa discrétion.
[41] L’ACCOVAM soumet que ces deux normes de « révision » s’appliquent tant en révision judiciaire que dans le cadre d’un processus de révision administrative, la Cour suprême n’opérant pas de distinction entre ces deux recours.
[42] Au surplus, même à l’égard d’un processus de révision administrative, le critère d’intervention de l’instance en révision est, en principe, celui de l’erreur manifeste, c’est-à-dire selon l’intimée, dans les termes de l’arrêt Dunsmuir, le degré de déférence le plus important du spectre d’intervention[11].
[43] Ainsi, la norme de raisonnabilité devra être appliquée relativement aux questions suivantes :
· Quant à une question de faits;
· Quant à l’application d’un pouvoir discrétionnaire;
· Quant à une question de choix politique ou d’opportunité (« policy »);
· Quant à une question de faits et de droit;
· Quant le tribunal administratif interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie;
[44] L’intimée note aussi que, dans les autres provinces canadiennes, les instances de révision des décisions d’une formation d’instruction de l’ACCOVAM ou d’une Bourse ont opté pour accorder un degré important de déférence à plusieurs égards aux décisions de la formation d’instruction ou d’une Bourse[12].
[45] On rappelle d’ailleurs que, dans l’affaire Métivier[13], le Bureau reconnaît que sur des questions d’appréciation de la preuve, il doit faire montre de « respect » vis-à-vis des décisions rendues par l’ACCOVAM.
[46] En conclusion sur la norme de révision, l’ACCOVAM soumet que, dans les circonstances de l’espèce, les trois dossiers soumis au Bureau par le demandeur Séguin doivent être tranchés suivant la norme de la raisonnabilité, sauf en ce qui concerne l’objection au témoignage du demandeur Séguin rejetée par la formation d’instruction qui devrait être analysée en fonction de la norme de la décision correcte.
La norme de contrôle
[47] L’ACCOVAM invite le Bureau à revoir la norme de contrôle appliquée par celui-ci dans le cadre de la révision des décisions des organismes d’autoréglementation à la lumière de l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick[14]. Cette question est importante, car elle pourra avoir un impact à plus long terme sur les activités du Bureau.
[48] Malgré l’importance de la question, les faits de l’arrêt Dunsmuir sont assez simples. Il s’agissait de déterminer la démarche appropriée pour le contrôle judiciaire d’une décision administrative à savoir, une décision arbitrale concernant le congédiement, sans motif et avec indemnité, d’un fonctionnaire provincial occupant un poste titre amovible.
[49] Les honorables juges Bastarache et Lebel ont rendu le jugement pour la majorité. L’honorable juge Binnie a exprimé un accord général avec les motifs invoqués par la majorité, mais aurait souhaité un réexamen plus large de la question.
[50] La Cour rappelle tout d’abord qu’il existe trois normes de contrôle judiciaire au Canada à savoir la norme de la décision correcte, qui ne commande aucune déférence, la norme du caractère manifestement raisonnable qui appelle la plus grande déférence et la dernière à savoir du caractère raisonnable simpliciter, qui au plan des principes se situe à mi-chemin entre les deux[15].
[51] Cette dernière norme ayant été introduite en 1997 dans l’arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc.[16]. Ces trois normes ont été appliquées en droit administratif canadien depuis et le processus de détermination de la norme applicable a été précisé dans l’arrêt Pushpanatan c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’immigration)[17].
[52] Ces trois normes de contrôle ont posé leur lot de difficultés au plan théorique et pratique et ont fait l’objet de beaucoup de critiques[18]. Ces critiques portaient principalement sur la difficulté de distinguer la norme de la décision raisonnable simpliciter de la norme de la décision manifestement raisonnable. Les arrêts Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan[19], Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79[20] et Conseil des canadiens avec déficiences c. Via Rail Canada Inc.[21] démontrent de manière éloquente les difficultés de distinguer de manière conceptuelle les deux normes. Il répugnait à la justice et à la primauté du droit que le niveau d’irrationalité d’une décision détermine le critère d’intervention en révision judiciaire[22].
[53] La Cour suprême conclut qu’il y a lieu de regrouper les deux normes de raisonnabilité en une seule[23]. Il en découle que le mécanisme de révision judiciaire sera désormais effectué en fonction de deux normes à savoir celle de la décision correcte et celle de la décision raisonnable. Comment définir la norme axée sur la raisonnabilité? Bien qu’il s’agisse d’une notion juridique très courante, la Cour souligne par ailleurs qu’il s’agit d’une notion complexe.
[54] On constate tout d’abord que certaines questions soumises aux tribunaux administratifs peuvent amener plusieurs conclusions différentes, mais malgré tout raisonnables. La Cour reconnaît qu’un tribunal administratif est libre de choisir entre les différentes solutions rationnelles et acceptables. Afin d’établir le caractère raisonnable de la décision rendue, la Cour supérieure en révision judiciaire s’attardera principalement « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier en regard des faits et du droit »[24].
[55] La Cour souligne que la norme de la raisonnabilité n’amènera pas un plus grand interventionnisme judiciaire, ni un retour au formalisme. On rappelle l’importance de la notion de déférence. Cette notion reconnaît que le décideur administratif applique de manière quotidienne des régimes administratifs souvent complexes et qu’il a acquis une grande connaissance ou sensibilité des régimes législatifs en cause[25]. La Cour commente ainsi le concept de déférence :
« [49] La déférence inhérente à la norme de la raisonnabilité implique donc que la cour de révision tienne dûment compte des conclusions du décideur. Comme l’explique Mullan, le principe de la déférence [traduction] « reconnaît que dans beaucoup de cas, les personnes qui se consacrent quotidiennement à l’application de régimes administratifs souvent complexes possèdent ou acquièrent une grande connaissance ou sensibilité à l’égard des impératifs et des subtilités des régimes législatifs en cause » : D. J. Mullan, « Establishing the Standard of Review : The Struggle for Complexity? » (2004), 17 C.J.A.L.P. 59, p. 93. La déférence commande en somme le respect de la volonté du législateur de s’en remettre, pour certaines choses, à des décideurs administratifs, de même que des raisonnements et des décisions fondés sur une expertise et une expérience dans un domaine particulier, ainsi que de la différence entre les fonctions d’une cour de justice et celles d’un organisme administratif dans le système constitutionnel canadien. »[26]
[56] Malgré le fait que la norme de la raisonnabilité est vue par les tribunaux comme une norme empreinte de déférence, la Cour note cependant que la norme de la décision correcte continuera de s’appliquer aux questions de compétence et à certaines autres questions de droit. La démarche intellectuelle du juge en vertu de la norme de la décision correcte est totalement différente, compte tenu du fait que celui-ci n’acquiesce pas au raisonnement du décideur administratif, mais opte plutôt de faire sa propre analyse. En cas de désaccord avec les conclusions et la décision prise par le décideur administratif, il rendra la décision qui s’impose.
[57] Afin de déterminer la norme applicable à un dossier donné, la Cour donne certains critères permettant de déterminer si l’on doit appliquer la norme de la raisonnabilité. Une question touchant aux faits, à un pouvoir discrétionnaire ou à une politique ou lorsque le droit et les faits ne peuvent être facilement distingués, la norme de la raisonnabilité généralement s’appliquera[27].
[58] L’existence d’une clause privative favorisera l’application de la norme de la raisonnabilité[28] compte tenu qu’on présume que le législateur a voulu qu’une telle décision fasse l’objet de déférence. Un tribunal administratif qui interprète sa propre loi constitutive ou une loi étroitement liée à son mandat et dont il a une connaissance approfondie[29] amènera également le même résultat. Enfin, une question de droit qui n’est pas d’une importance capitale pour le système juridique, qui relève du champ d’expertise du décideur et dont la loi constitutive comporte une clause privative justifiera la norme de la raisonnabilité. La Cour conclut ainsi que l’analyse doit être contextuelle et que tous ces critères n’ont pas tous à être présents pour appliquer le critère de la décision raisonnable :
« [64] L’analyse doit être contextuelle. Nous rappelons que son issue dépend de l’application d’un certain nombre de facteurs pertinents, dont (1) l’existence ou l’inexistence d’une clause privative (2) la raison d’être du tribunal administratif suivant l’interprétation de sa loi habilitante (3) la nature de la question en cause et (4) l’expertise du tribunal administratif. Dans bien des cas, il n’est pas nécessaire de tenir compte de tous les facteurs, car certains d’entre eux peuvent, dans une affaire donnée, déterminer l’application de la norme de la décision raisonnable. »[30]
[59] Un tribunal administratif doit cependant décider correctement certaines questions de droit particulièrement celle touchant à la constitutionnalité[31].
Application de l’arrêt Dunsmuir lors d’une demande de révision devant le bureau de décision et de révision
[60] Nous allons nous inspirer de certains passages pertinents de la décision Métivier[32] pour bien décrire le rôle du Bureau dans l’encadrement des marchés financiers québécois. Le législateur a confié au Bureau l’ensemble des pouvoirs de nature juridictionnelle ainsi que le pouvoir de révision qui appartenait auparavant à la Commission des valeurs mobilières Québec. Hormis l’exception prévue à l’article 93 in fine de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, nous sommes d’avis que le législateur a tout simplement voulu scinder le volet « tribunal spécialisé » des autres attributs administratifs, d’enquête et de poursuivant autrefois regroupés au sein de la Commission.
[61] Comme on l’avait mentionné dans la décision Métivier[33], une telle modification structurelle, qui n’est pas unique au niveau international[34], n’avait pas pour but de priver les intervenants des moyens dont ils disposaient et du droit de présenter leur cause devant un tribunal spécialisé et indépendant. Toute exception visant à protéger le justiciable devrait s’interpréter restrictivement; l’exception prévue au deuxième alinéa de l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[35] ne vise que les cas de révision des décisions de l’Autorité et non l’ensemble des décisions que le Bureau peut rendre à titre d’instance juridictionnelle, en vertu de la législation en valeurs mobilières.
[62] Il est important de signaler que la Commission avait toujours eu de larges pouvoirs en révision des décisions prises par des personnes exerçant un pouvoir délégué ou par des organismes d’autoréglementation. Cette manière de faire est conforme à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Hretchka c. Proc. Gén. de C.-B[36], dans laquelle il est dit :
« On a aussi soutenu que l’audience tenue par la Commission, dont a résulté l’ordonnance du 10 septembre 1969, devait se limiter strictement à la question de la validité de l’ordonnance du surintendant adjoint des courtiers. La majorité de la Cour d’appel a rejeté ce moyen et je souscris à la conclusion de la majorité, que le juge d’appel Bull énonce ainsi que des motifs de jugement :
L’objet d’une telle audition est indiqué par le pouvoir précis que confère cet article, non seulement de confirmer l’ordonnance ou la décision du surintendant, mais de rendre « tout autre ordre, ordonnance, ou décision que la Commission juge approprié ». Cela dépasse de beaucoup la compétence d’une juridiction d’appel considérée au sens strict comme pouvoir de juger simplement si une décision d’instance inférieure est fondée ou non.
La Commission est un tribunal administratif qui a le pouvoir, dans des cas déterminés, de tenir des audiences, de rendre des décisions et de délivrer des ordonnances. L’article 77a de la Loi l’autorise à rendre une ordonnance interdisant à un particulier ou à une compagnie de faire le commerce des valeurs mobilières mentionnées dans l’ordonnance. Elle doit tenir une audience, dans le cas d’une ordonnance temporaire de quinze jours rendue en vertu du par. (2). Elle peut fonder sa décision, non sur des règles strictes de droit, mais sur ce qu’elle considère être dans l’intérêt public. À mon avis, il s’agit là d’un pouvoir discrétionnaire. »[37]
[63] La doctrine a adhéré au principe à l’effet que la norme de contrôle en révision judiciaire ou en évocation est complètement différente de celle prévue en révision par un tribunal spécialisé. Dans l’arrêt Dunsmuir, la Cour suprême a rappelé tout d’abord qu’au plan constitutionnel « le contrôle judiciaire est intimement lié au maintien de la primauté du droit »[38]. La raison d’être du contrôle judiciaire, sa fonction et son application sont tributaires de cette assise constitutionnelle. La Cour supérieure doit pondérer comme la Cour suprême l’indique « cette tension sous-jacente » entre la primauté du droit et le droit démocratique fondamental de l’État de créer des organismes administratifs et de les investir de larges pouvoirs. Le contrôle judiciaire a pour but d’établir un équilibre entre la primauté du droit et l’immixtion injustifiée dans l’exercice des fonctions administratives conférées par l’État.
[64] Les articles 96 à 101 de la Loi constitutionnelle de 1867 confèrent un pouvoir inhérent à la Cour supérieure de contrôler les actes de l’administration et ainsi de faire en sorte que celle-ci ne dépasse pas les limites de sa compétence[39].
[65] A contrario, la révision par le Bureau se veut un moyen pratique pour permettre de corriger des erreurs et d’appliquer de manière cohérente la notion d’intérêt public dans le secteur des valeurs mobilières. Les normes d’intégrité dans l’industrie ainsi qu’un encadrement efficace des marchés relèvent de l’intérêt public. Le pouvoir de révision s’inscrit dans cette volonté du législateur de bien encadrer les activités des organismes d’autoréglementation. Le professeur Yves Ouellette[40] souligne ainsi l’importance d’appliquer largement ce pouvoir de révision :
« Lorsqu’un texte de loi est clair et que l’intention du législateur ressort à sa simple lecture, il faut lui donner tout son sens et un organisme a tort de limiter sa propre compétence en réécrivant la loi pour y insérer des distinctions ou des limites que le législateur n’a pas jugé bon d’imposer. En particulier, il faut que les tribunaux administratifs et leurs partenaires comprennent que la révision pour cause permet un contrôle plus large que la révision judiciaire et que ces deux mécanismes obéissent à des règles tout à fait différentes. »[41]
[66] La plupart des commissions de valeurs mobilières au Canada ont appliqué largement leur compétence en matière de révision. Celles-ci se sentiront normalement libres de substituer leur décision à celle prononcée par un organisme d’autoréglementation ou par une personne exerçant un pouvoir délégué. Une audience en révision aura souvent un caractère de novo et il sera ainsi possible de présenter une preuve nouvelle. La décision de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario dans le dossier Boulieris[42] rappelait ainsi la large discrétion accordée par la Cour suprême à une commission de valeurs lorsqu’elle entend un dossier en révision :
« [27] In Hretchka v. British Columbia (Attorney General), [1972] S.C.R. 119, (…) The Supreme Court of Canada refused to grant leave to appeal in this finding and quoted, with approval, part of the Court of Appeal judgment which pointed out that section 30 of the BCSA, in providing for a review as well as a hearing, and in permitting the BCSC to make such “other direction, decision, order or ruling as the Commission deems proper,” went “far beyond appellate jurisdiction in the strict sense of deciding whether a lower decision be right or wrong. »
[67] La décision récente de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario (ci-après la « CVMO ») dans l’affaire Taub[43] a repris les principes édictés dans le dossier Boulieris concernant les critères d’intervention d’une commission de valeurs mobilières en révision d’une décision d’un organisme d’autoréglementation comme l’ACCOVAM :
[28] Where the basis of the application is a decision of a recognized stock exchange, recognized SRO or similar body pursuant to section 21.7 of the Act, the Commission will accord deference to factual determinations central to the SRO’s specialized competence. (Re Shambleau (2002), 25 O.S.C.B. 1850 at 1852; aff’d (2003), 26 O.S.C.B. 1629 (Ont. Div.Ct.)).
[29] The Commission has previously held that by reason of subsection 21.7(2) of the Act, the Commission exercises original jurisdiction (as opposed to a limited appellate jurisdiction) when exercising its powers of review under subsection 21.7(1) of the Act. (In the Matter of an Application for a Hearing and Review of Decisions of the Ontario District Council of the IDA, Re: Dimitrios Boulieris (2004), 27 O.S.C.B. 1597 at para. 28; aff’d [2005] O.J. N° 1884 (Ont. Div. Ct.) [“Boulieris”]).
[30] The Commission is, therefore, free as a legal matter to substitute its judgment for that of the District Council. (Security Trading Inc. and the Toronto Stock Exchange (1994), 17 O.S.C.B. 6097 at 6105 [“Security Trading Inc.”]; BioCapital Biotechnology and Healthcare Fund and BioCapital Mutual Fund Management Inc. (2001), 24 O.S.C.B. 2659 at 2662; and Re Boulieris, supra at paras. 29-30).
[31] In this regard, such a hearing and review may be considered broader in scope than an appeal, which is usually limited to determining whether there has been an error in law or whether a rule of natural justice has been contravened.
[32] However, in practice, the Commission takes a more restrained approach to appeals under subsection 21.7(1) of the Act. The Commission will interfere with a decision of an SRO only if one of the following grounds are present:
- the SRO has proceeded on an incorrect principle;
- the SRO has erred in law;
- the SRO has overlooked some material evidence;
- new and compelling evidence is presented to the Commission that was not presented to the SRO; or
The SRO’s perception of the public interest conflicts with that of the Commission.
(Re Canada Malting (1986), 9 O.S.C.B. 3565 at 3587; Security Trading Inc., supra at 6105; and Re Boulieris, supra at para. 31).
[33] The Commission will not substitute its own view for that of an SRO just because the Commission might have reached a different conclusion in the particular circumstances ».
[68] On constate donc que la décision Taub n’a pas modifié en Ontario l’état du droit tel qu’établi dans le dossier Métivier. Nous sommes d’accord avec la position de la CVMO à l’effet que le pouvoir de révision doit être interprété de manière libérale. Les critères de l’arrêt Dunsmuir sont applicables dans le cadre d’une révision judiciaire et non en vertu d’une demande en vertu de la législation en valeurs mobilières.
[69] À l’instar de la situation prévalant dans les autres juridictions, dans l’éventualité où le Bureau considère la décision de l’organisme d’autoréglementation comme étant incorrecte, il pourra substituer la sienne à la première. Sauf les exceptions que nous verrons plus loin, le Bureau fera cependant preuve, au plan pratique, de déférence face à l’expertise des gens de l’industrie. Une telle manière de faire est par ailleurs conforme à la volonté du législateur d’avoir voulu préserver, sous la nouvelle structure réglementaire adoptée par la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[44], les droits des intervenants dans le secteur des valeurs mobilières.
[70] Le pouvoir de révision prévu à l’article 322 de la Loi sur les valeurs mobilières[45] et à l’article 93 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers ne comporte aucune restriction quant au pouvoir du Bureau de réviser une décision d’un organisme d’autoréglementation. Nous sommes d’avis qu’il est souhaitable d’interpréter, dans le respect des textes législatifs, une disposition dans le secteur des valeurs mobilières comme voulant s’intégrer au cadre réglementaire national et international. Le niveau de protection offert aux différents intervenants a un impact majeur sur la crédibilité et l’attrait des marchés financiers québécois.
[71] Le Bureau doit également reconnaître, à notre avis, la place essentielle occupée par les organismes d’autoréglementation pour un encadrement efficace des marchés financiers. Une telle participation des intervenants de l’industrie pour la réglementation d’un secteur d’activité aussi important que celui des valeurs mobilières a des racines historiques importantes et peut être qualifiée d’unique en Amérique du Nord.
[72] Comme on l’avait indiqué dans la décision Métivier[46], l’industrie peut difficilement s’autodiscipliner si chacune de ses décisions peut être mise arbitrairement en question par un tribunal en révision. La proximité des gens de l’industrie avec les marchés milite en faveur d’une attitude de déférence lorsqu’une décision prise par un organisme d’autoréglementation est contestée. Une telle déférence sera d’autant plus appropriée dans l’éventualité où le Bureau n’a pas eu le bénéfice d’entendre les témoins ou dans le cadre de l’imposition d’une sanction. La Commission ontarienne a adopté ainsi une telle approche dans l’affaire Security Trading Inc. and the Toronto Stock Exchange[47] :
« It has been established through those cases that the Commission will not intervene merely because we may disagree with the decision of the Exchange or because we may have come to a different decision.
Further, Mr McCloskey argued that in disciplinary matters the Commission need not defer to the Exchange because the Commission is as expert and is in as good position as the Exchange to determine penalty. The Commission may well be as expert as the Exchange in the matter of imposing orders on registrants. However, we are not in the same position as the Board as we were not present at the Exchange hearing and did not have the opportunity to hear the witnesses and assess their credibility.
In several cases involving appeals from decisions of self-governing bodies the Courts have indicated that “members of the profession are uniquely and best qualified to establish the standards of professional conduct and can best determine whether the conduct and can best determine whether the conduct of a fellow member has fallen below the requisite standards and determine the consequences” (Re Milstein and Ontario College of Pharmacy et al (No 2) (1976), 13 O.R. (nd) 700 at p.707, as quoted in Re Wames and the College of Physicians and Surgeons of Ontario, unreported, January 25, 1993 (Div. Ct.) at p.7). Similarly, in the case of Re Takahashi and College of Physicians and Surgeons of Ontario (1979), 26 O.R. (2d) 353 at p.364 the Court stated:
Unless there is error in principle, unless the punishment clearly does not fit the crime, so to speak, a Court sitting in appeal ought not to disturb the penalty and substitute its judgment for that of the committee”.
Were are of the view that similar principles apply to a case such as this of a hearing and review of a Board decision revoking a member’s rights and privileges of membership in the Exchange. »[48]
[73] Cette déférence au plan pratique face aux décisions d’un organisme d’autoréglementation en matière disciplinaire n’est cependant pas illimitée et aura comme contrepartie le fait que l’ensemble de la preuve aura été présenté et que les témoins auront été entendus. Par ailleurs, les principes de justice naturelle auront été respectés et justice aura été rendue.
[74] Le Bureau a décidé de préciser le test élaboré dans le dossier Métivier afin de l’arrimer encore plus avec la position des autres provinces. À cet égard et bien que le Bureau puisse intervenir de manière large face aux décisions des organismes d’autoréglementation, le Bureau n’interviendra généralement pas à l’encontre d’une décision rendue par un organisme d’autoréglementation (OAR) sauf dans les cas suivants :
· la personne affectée par la décision n’a pas pu faire valoir entièrement ses droits, et ce, dans le respect des règles de justice naturelle;
· l’OAR a erré en droit;
· l’OAR a appliqué des lignes directrices ou des principes inadéquats;
· l’OAR n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve;
· une nouvelle preuve importante est présentée devant le Bureau de décision et de révision;
· l’OAR a mal évalué la notion d’intérêt public;
[75] Hormis les exceptions ci-haut mentionnées, le Bureau fera preuve de déférence, lors d’une révision sur dossier, face aux décisions rendues par les organismes d’autoréglementation et ce, principalement au niveau de la sanction. On s’approche ainsi du critère de la décision raisonnable pour les audiences sur dossier.
[76] Lors d’une audience de novo, le tribunal fera sa propre analyse et rendra la décision qu’il juge correcte. Certains motifs militent en faveur de ce dernier principe. Tout d’abord, la totalité des membres ont une grande expertise dans ce domaine hautement spécialisé. Il est utile de rappeler à cet égard que la Cour suprême du Canada a reconnu dans les arrêts Ryan[49] et Pezim[50] le caractère hautement spécialisé de l’encadrement du secteur des valeurs mobilières.
[77] La préservation d’une telle expertise est extrêmement importante au plan économique. Un encadrement adéquat favorise l’intégrité et l’efficacité des marchés financiers. Ces deux caractéristiques favorisent une meilleure allocation des ressources, diminuent le coût de capital pour l’ensemble des entreprises et permettent au Québec de s’arrimer aux grands principes internationaux.
[78] On a rappelé dans le dossier Métivier[51], qu’à titre de partie prenante de l’Organisation internationale des commissions de valeurs mobilières (OICV), le Québec s’est engagé à se doter d’un régulateur, scindé ici en l’Autorité des marchés financiers et le Bureau, ayant les caractéristiques suivantes, à savoir :
1) l’indépendance au plan opérationnel;
2) l’imputabilité; et
3) la détention des pouvoirs, des ressources et la capacité de remplir efficacement ses fonctions et d’exercer ses pouvoirs[52].
[79] Le Bureau est indépendant et évidemment imputable devant les tribunaux supérieurs. Il doit par ailleurs être doté des pouvoirs et avoir la latitude d’exercer efficacement son rôle.
[80] La norme de contrôle adoptée ici par le Bureau face à un organisme privé comme l’ACCOVAM s’inscrit bien dans la latitude et les pouvoirs octroyés aux autres régulateurs à l’échelle internationale. La clause privative prévue à l’article 63.1 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers protège les OAR que lorsqu’il exerce un pouvoir délégué. L’importance des marchés financiers pour les entreprises et l’ensemble des citoyens milite en faveur qu’un tribunal indépendant et spécialisé soit ultimement responsable d’apprécier la notion d’intérêt public.
[81] L’application des critères de la révision judiciaire sur des questions d’intérêt public ou qui ont des impacts majeurs sur le marché priverait le Bureau des pouvoirs lui permettant d’encadrer efficacement les décisions prises par les organismes d’autoréglementation. Un tel critère est à notre avis beaucoup trop restrictif pour encadrer efficacement les marchés financiers.
[82] Au-delà des décisions disciplinaires, on doit également souligner que l’application d’un tel critère pourrait comporter des risques systémiques importants pour la stabilité des marchés financiers québécois. Nous songeons notamment aux décisions prises par un organisme d’autoréglementation à l’égard des règles de capital ou des décisions rendues pouvant avoir un impact au niveau de l’accès ou la structure des marchés financiers.
[83] Une norme de contrôle basée sur le processus utilisé et que la décision fasse partie du spectre des décisions acceptable ne tiendrait pas compte de l’importance des décisions prises par les organismes d’autoréglementation. La création du Bureau avait justement pour but de créer un tribunal spécialisé et indépendant, apte à définir ultimement l’intérêt public, en tenant compte des impératifs de stabilité, de transparence et d’efficience dans un marché de plus en plus global et en constante mutation.
Impact de l’arrêt Forces Motrices Batiscan
[84] L’organisme d’autoréglementation a également invoqué l’arrêt Procureur Général du Québec c. Forces Motrices Batiscan[53] de la Cour d’appel pour justifier que le Bureau ne devrait intervenir que dans l’éventualité d’une erreur manifeste. Il s’agissait d’appel d’un jugement de la Cour supérieure ayant accueilli une requête en révision judiciaire annulant une décision du Tribunal administratif du Québec (ci-après le « TAQ »). L’aspect le plus intéressant aux fins du présent dossier est cependant l’étendue du pouvoir du TAQ de réviser ses décisions.
[85] Dans cette affaire une première formation du TAQ (ci-après « TAQ-1 ») avait annulé la révocation d’un permis faite par le ministre au motif que celui-ci avait outrepassé ses pouvoirs en invoquant un motif non prévu à la législation sur l’environnement. Le Procureur général a demandé au TAQ de réviser sa décision au motif que l’annulation de la décision du ministre constitue dans les faits l’émission du permis et qu’on ne pouvait empêcher le ministre de rescinder une décision illégale ab initio[54].
[86] Une nouvelle formation fût constituée (ci-après « TAQ-2 ») et celle-ci renversa la décision rendue par TAQ-1 au motif que le ministre peut toujours révoquer, en vertu des principes de droit administratif fondamentaux, une décision rendue illégalement[55].
[87] La Cour supérieure a été saisie d’une requête en révision judiciaire à l’égard de la décision rendue par la formation TAQ-2. Le juge de la Cour supérieure a été d’avis que la formation TAQ-1 avait notamment raison de conclure que le ministre ne pouvait révoquer une autorisation pour des motifs autres que ceux prévus par la législation sur l’environnement. Par ailleurs le juge est d’avis que TAQ-2 n’avait aucun motif de procéder à la révision de la décision par la formation TAQ-1[56].
[88] En appel, l’honorable juge Dalphond fait une étude combinée de la législation encadrant le TAQ et de la législation encadrant la qualité de l’environnement. Il est utile de mentionner que l’article 154 de la Loi sur la justice administrative[57] prévoit que le TAQ peut réviser ou révoquer toute décision qu’il a rendue dans l’éventualité d’un fait nouveau, qu’une partie n’a pu se faire entendre ou « lorsqu’un vice de fonds ou de procédure est de nature à invalider la décision »[58].
[89] L’honorable juge Dalphond délimite ainsi le débat : « Le débat porte donc uniquement sur les conditions d'applicabilité du 3e al. de l'art. 154 L.J.A.; en d'autres mots, sur l'interprétation des mots « un vice de fond de nature à invalider la décision » du TAQ no 1 »[59].
[90] Citant le juge Fish dans l’arrêt Tribunal administratif du Québec c. Godin[60], la Cour d’appel souligne que le libellé de l’article 154 vise à assurer la finalité des décisions administratives. Un vice de fonds ou de procédure de nature à invalider la décision ne permet pas à un deuxième panel de réviser la décision d’un autre panel au motif qu’il aurait pu prendre une autre décision. Il est utile de citer le passage suivant de l’honorable juge Fish dans l’arrêt Godin :
«47. Of this I am above all else convinced: Section 154(3) of the ARAJ was not intended to empower one panel of the TAQ to revoke or revise the decision of another panel of the TAQ simply because it takes a different view of the facts, the relevant statutory provisions, or the applicable regulations.
48. The second panel may only intervene where it can identify a fatal error in the impugned earlier decision. By the very terms of the provision, the error must, on account of its significance, be "of a nature likely to invalidate the decision", within the meaning of section 154(3).
49. And I would ascribe to the verb "invalidate", in this context, the meaning given to its corresponding adjective by the Canadian Oxford Dictionary:
invalid 1. not officially acceptable or usable, esp. having no legal force. 2. not true or logical; not supported by reasoning (an invalid argument).
50. In short, section 154(3) does not provide for an appeal to the second panel against findings of law or fact by the first. On the contrary, it permits the revocation or review by the Tribunal of its own earlier decision not because it took a different though sustainable view of the facts or the law, but because its conclusions rest on an unsustainable finding in either regard.
51. Accordingly, the Tribunal commits a reviewable error when it revokes or reviews one of its earlier decisions merely because it disagrees with its findings of fact, its interpretation of a statute or regulation, its reasoning or even its conclusions. Where there is room on any of these matters for more than one reasonable opinion, it is the first not that last that prevails. »[61]
[91] L’article 322 de la Loi sur les valeurs mobilières ne comporte pas une telle limitation. Le législateur a confié au Bureau une juridiction large lui permettant de réviser la décision d’un organisme d’autoréglementation. L’article 115.14 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers permet même au Bureau de réviser de son propre chef une décision sauf dans le cas d’une erreur de droit. Une telle disposition peut paraître extraordinaire, mais démontre bien l’importance des décisions que peut prendre le Bureau dans certaines circonstances.
[92] Le Bureau peut en effet rendre des décisions qui ont des impacts au-delà des parties visées. Une ordonnance de blocage ou une ordonnance d’interdiction d’opération sur valeurs à l’égard d’un important courtier peut avoir un impact à l’égard des investisseurs en général ou pour l’ensemble des intervenants de l’industrie. Une décision prise dans le cadre d’une crise financière doit également pouvoir être révisée au fur et à mesure des développements.
[93] À titre d’exemple dans le cadre de la récente crise financière au plan international, le Bureau a été amené au même titre que la Securities and Exchange Commission des États-Unis et la Financial Services Authority du Royaume-Uni et plusieurs autres autorités au niveau planétaire de rendre de manière urgente une décision limitant presque totalement la capacité des investisseurs d’effectuer des ventes à découvert sur le marché québécois.
[94] Une telle décision a eu un impact sur l’ensemble des investisseurs et des intervenants de l’industrie. Dans de telles circonstances, le Bureau de décision et de révision doit être en mesure de réviser sa décision et ce, même en l’absence de faits nouveaux s’il se rend compte notamment que la décision prononcée a des effets imprévus néfastes pour la stabilité des marchés ou la protection des investisseurs ou que le dispositif de la décision permet un arbitrage réglementaire.
[95] Le Règlement sur les règles de procédure du Bureau de décision et de révision[62] accorde également une vaste discrétion au Bureau afin de procéder de manière de novo dans le cadre d’un dossier. Il est utile de citer l’article 73 de ce Règlement :
« 73. Lorsque le tribunal siège en première instance, l'avocat du demandeur présente sa preuve et interroge ses témoins en premier lieu.
En révision, le tribunal détermine l'ordre de présentation de la preuve. Dans l'exercice de cette discrétion, le tribunal tiendra compte notamment des facteurs suivants :
1° la nature et le déroulement du processus décisionnel suivi par l'organisme dont la décision est contestée ;
2° l'opportunité pour le demandeur d'avoir été entendu et de contester la preuve retenue contre lui ;
3° le respect des règles de justice naturelle et du caractère équitable des procédures suivies par l'organisme dont la décision est contestée ;
4° l'existence d'un dossier permettant au tribunal de reconstituer la totalité du déroulement de la procédure suivie par l'organisme dont la décision est contestée. »
[96] Nous avons déjà souligné que les autres provinces accordent un large pouvoir de révision aux régulateurs chargés de réviser les décisions des organismes d’autoréglementation. Ces organismes sont reconnus dans la majorité des provinces et ont des activités à l’échelle canadienne. On doit souligner que le législateur accorde notamment au Bureau le pouvoir de tenir audience et délibérer avec toute autorité chargée de la surveillance des valeurs mobilières[63]. Bien que les autres provinces accordent une certaine déférence aux décisions des organismes d’autoréglementation, il n’en demeure pas moins que celles-ci reconnaissent que juridiquement elles ont le pouvoir de substituer leur décision dans tous les cas
[97] En conclusion l’absence de limitation de la juridiction du Bureau à l’article 322 de la Loi sur les valeurs mobilières, l’expertise du Bureau dans le domaine des valeurs mobilières, son rôle de gardien de l’intérêt public et le fait que la norme de contrôle en révision judiciaire est tributaire de cette volonté de contrôler les actes de l’administration et non d’encadrer les marchés financiers, nous sommes d’avis que la norme de contrôle en révision judiciaire n’est pas appropriée.
[98] Dans la présente instance qui a été présentée sur dossier et à l’instar de la position prise dans les autres provinces, le tribunal normalement devrait faire preuve de déférence et appliquer un test distinct mais semblable à celui de la décision raisonnable. Cependant lorsqu’il s’agit d’interpréter un texte réglementaire d’un organisme d’autoréglementation concernant l’assujettissement d’un courtier en valeurs mobilières, nous sommes d’avis qu’il s’agit d’une question mixte de faits et de droit qui aura des impacts importants concernant l’encadrement des courtiers en valeurs mobilières au Québec et ultimement sur l’intérêt public dans le secteur financier. Par conséquent, le Bureau procédera à sa propre analyse afin déterminer si M. Séguin était toujours sous la juridiction de l’OAR.
[99] Au niveau de la sanction, le Bureau fera preuve d’une plus grande déférence et s’assurera que celle-ci est raisonnable dans les circonstances.
2) L’assujettissement du demandeur - dossier 2007-015
La décision du 29 juin 2007 quant à la compétence de la formation d’instruction à l’égard de Louis-Philippe Séguin
[100] Après avoir déterminé que les relations entre l’ACCOVAM et ses membres étaient de nature contractuelle et que le contrat qui les unissait n’en était pas un d’adhésion, la formation d’instruction a conclu que l’article 7 du Statut 20 n’était pas une « stipulation essentielle » au sens de l’article 1379 C.c.Q.
[101] La stipulation essentielle était plutôt celle apparaissant au formulaire intitulé « Uniform Application for Registration/Approval » signé par l’appelant le 16 décembre 2002, en vertu de laquelle monsieur Séguin s’engageait à connaître les Statuts et à s’y conformer. Voici un extrait de la décision du 29 juin 2007 sur la requête du demandeur Séguin visant à décliner la compétence de la formation d’instruction :
« 69. Ceci nous ramène au troisième élément énoncé au paragraphe 50 ci-dessus : les stipulations essentielles du Certificate and Agreement of Applicant and Sponsoring Firm que l’intimé a accepté le 16 décembre 2002 ont-elles été
imposées par l’ACCOVAM ;
rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions?
70. Il faut répondre par la négative.
71. Tout a été imposé par le législateur :
Depuis au moins 1982 (L.Q. 1982, c. 48, art. 150), la Loi sur les valeurs mobilières a autorisé le gouvernement à adopter un règlement relativement aux conditions que doivent remplir les candidats à l’inscription ; c’est l’objet de l’article 150 mentionné au paragraphe 43 ci-haut ;
Depuis 1983 (voir le paragraphe 44, ci-haut) est en vigueur l’article 197 du Règlement imposant le formulaire 3 ;
Ce formulaire obligatoire a toujours contenu une attestation signée par le candidat par laquelle il déclarait connaître les Statuts et règlements (de l’ACCOVAM, en ce qui nous concerne), acceptant de s’y conformer et s’engageant à se tenir au courant de leurs modifications.
73. Avec égards, l’intimé a tort, les Statuts de l’ACCOVAM - et plus spécialement l’article 7 du Statut 20 - ne sont pas une « stipulation essentielle ». La « stipulation essentielle » de la page 10 de 12 du document P-1 du 16 décembre 2002, c’est l’obligation de l’intimé de connaître ces Statuts et leurs modifications ainsi que l’engagement de s’y conformer.
74. C’est cette « stipulation » qui a été imposée par un tiers à P-1, le législateur, par sa loi habilitante et le gouvernement, par son Règlement. Ce sont ces instruments qui ont rendu obligatoire l’attestation de la page 10 et 12 de P-1 et ceci depuis au moins 1983.
75. Il faut conclure que les stipulations essentielles (en l’espèce la page 10 de 12 de la Uniform Application) :
n’ont pas été imposées par l’ACCOVAM mais bien par l’État (législation et réglementation) qui en a dicté le texte ;
n’ont pas été imposées ni pour le compte ni suivant les instructions de l’ACCOVAM mais bien par un tiers, le législateur et le gouvernement. Par ailleurs, il n’est pas contesté que cette dernière n’est ni un agent ni un mandataire de l’État.
78. Ce formulaire, imposé par ce règlement, est l’un des éléments prescrit par le législateur et le gouvernement dans le cadre de l’inscription obligatoire auprès de la Commission des valeurs mobilières des personnes œuvrant dans ce domaine (article 148 et ss. de la Loi). Ce fut imposé à l’ACCOVAM et l’attestation du 16 décembre 2002 (page 10 de 12 P-1) n’était pas pour le compte de cette dernière, mais un des éléments prescrits par le législateur et le gouvernement dans l’atteinte des objectifs poursuivis par la Loi sur les valeurs mobilières.
79. Il manque donc un des trois éléments prescrits par l’article 1379 C.c.Q. pour que nous soyons en présence d’un contrat d’adhésion. »
Position du demandeur
a) Le statut du demandeur suite à sa démission
[102] L’adhésion à une association, telle l’ACCOVAM, crée des rapports essentiellement contractuels, comme en a décidé la Cour suprême dans l’arrêt Senez c. Chambre d’immeuble de Montréal[64], Investment Dealers Association of Canada v. Dass[65], Bourse de Montréal c. Letellier[66], Ripley c. Investment Dealers Association[67], Investment Dealers Association of Canada v. MacBain[68], Morgis v. Thompson Kernaghan & Co.[69] et Derivative Services inc. v. Investment Dealers Association of Canada[70].
[103] Le contrat conclu entre le demandeur et l’intimée est constitué d’un formulaire d’adhésion (le UARA) et de clauses externes - « the by-laws, rulings, rules and regulations » de l’ACCOVAM - auxquelles le demandeur a accepté de s’assujettir et qu’il s’est engagé à respecter.
[104] Ce contrat est un contrat d’adhésion au sens de l’article 1379 C.c.Q. :
1379. Le contrat est d’adhésion lorsque les stipulations essentielles qu’il comporte ont été imposées par l’une des parties ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, et qu’elles ne pouvaient être librement discutées.
Tout contrat qui n’est pas d’adhésion est de gré à gré.
[105] Les stipulations essentielles du contrat (i.e. les obligations principales auxquelles il souscrit) entre le demandeur et l’intimée sont en effet imposées et rédigées par cette dernière (voir MacBain[71]) et ne pouvaient d’aucune façon être négociées par le demandeur.
[106] L’une des conséquences de la qualification du contrat à titre de contrat d’adhésion est que toute clause externe à laquelle il réfère doit avoir expressément été portée à l’attention de l’adhérent pour lui être opposable, à moins qu’il soit démontré qu’il en avait par ailleurs connaissance :
1435. La cause externe à laquelle renvoie le contrat lie les parties.
Toutefois, dans un contrat de consommation ou d’adhésion, cette clause est nulle si, au moment de la formation du contrat, elle n’a pas été expressément portée à la connaissance du consommateur ou de la partie qui y adhère, à moins que l’autre partie ne prouve que le consommateur ou l’adhérent en avait par ailleurs connaissance.
[107] Le demandeur cite une abondante jurisprudence sur cette question[72]. Il souligne qu’en l’instance, l’intimée n’a pas expressément porté l’article 7 du Statut 20 à la connaissance du demandeur au moment de la formation du contrat; à défaut par l’intimée de prouver qu’il en avait par ailleurs connaissance, cette clause est nulle et lui est inopposable.
[108] L’article 7 du Statut 20 est la clause qui vise à maintenir l’assujettissement d’une personne inscrite « pendant une période de cinq ans suivant la date à laquelle la personne inscrite a cessé d’être personne inscrite » :
« 7 Anciens membres et anciennes personnes inscrites
Pour l’application du Statut 19 et du présent Statut, tout membre et toute personne inscrite restent soumis à la compétence de l’Association pendant une période de cinq ans suivant la date à laquelle le membre a cessé d’être un membre ou la personne inscrite a cessé d’être personne inscrite, sous réserve du paragraphe (2).
(2) Une audience de mise en application tenue en vertu de la partie 10 peut être initiée contre une personne anciennement inscrite qui présente une nouvelle demande d’inscription en vertu de la partie 7, nonobstant l’expiration de la période prévue au paragraphe (1).
(3) La personne dont l’inscription est suspendue ou révoquée ou le membre qui est expulsé de l’Association ou dont les droits ou privilèges sont suspendus ou révoqués reste responsable à l’égard de l’Association de toutes les sommes qui sont dues à celle-ci. »
[109] La demande de comparaître[73] réfère expressément à l’article 5 du Statut 19 comme source de l’obligation alléguée de comparaître; cet article se lit comme suit :
« 5 Aux fins d’un examen ou d’une enquête effectué en vertu du présent Statut, un membre, un représentant inscrit ou un représentant en placement, un directeur des ventes, un directeur, directeur adjoint ou codirecteur de succursale, un associé, un administrateur, un dirigeant, un investisseur ou un employé d’un membre ou toute autre personne autorisée ou qui soumet une demande d’autorisation, ou relevant de la compétence de l’Association en vertu des Statuts et Règlements, peuvent être tenus par le vice-président de la réglementation des membres, son personnel ou toute autre personne désignée par le conseil d’administration :
de comparaître devant les enquêteurs et de leur donner des renseignements concernant ces affaires;
de plus, la personne est obligée de présenter ce rapport, d’autoriser cette inspection, de fournir ces copies et de comparaître en conséquence. Toute personne faisant l’objet d’une enquête menée conformément au présent Statut doit être informée par écrit de l’objet de l’enquête et peut être tenue de faire une déposition en présentant une déclaration écrite, en produisant ses livres, registres et comptes pour inspection ou en comparaissant devant les personnes qui mènent l’enquête. La personne qui mène l’enquête peut, à son gré, exiger qu’une déclaration faite par une personne au cours d’une enquête soit enregistrée au moyen d’un appareil d’enregistrement électronique ou d’une autre manière et peut exiger qu’une déclaration soit faite sous serment. »
[110] Or, à la date où la demande de comparaître a été portée à la connaissance du demandeur, celui-ci n’était pas un membre, un représentant inscrit ou un représentant en placement, un directeur des ventes, un directeur, un directeur adjoint ou codirecteur de succursale, un associé, un administrateur, un dirigeant, un investisseur ou un employé d’un membre ou toute autre personne autorisée ou qui soumet une demande d’autorisation.
[111] Le demandeur n’était par ailleurs pas à cette même date une « personne […] relevant de la compétence de l’Association en vertu des Statuts et Règlements » si l’article 7 du Statut 20 ne lui est pas applicable en application de l’article 1435 C.c.Q..
[112] Le demandeur prétend donc qu’il en découle que toute demande de comparaître formulée par l’intimée après que le demandeur ait cessé d’être un représentant inscrit est mal fondée et ne lie pas le demandeur, lequel n’assume aucune obligation contractuelle à cet égard.
[113] De plus, comme aucun contrat ne lie l’intimée au demandeur depuis le 30 décembre 2005 et que sa conduite depuis cette date ne peut faire l’objet d’une enquête ni d’une plainte disciplinaire et la formation d’instruction ne peut donc à cet égard avoir compétence pour sanctionner une violation contractuelle alléguée alors que le contrat ne régit pas cette conduite.
b) L’absence de compétence de la formation d’instruction à l’égard des « personnes relevant de la compétence de l’Association »
[114] Le demandeur ajoute que dans la mesure où la formation d’instruction conclut que le demandeur est une « personne relevant de la compétence de l’Association » en application de l’article 7 du Statut 20 et rejette l’argument du titre a), ci-haut, elle devra ensuite déterminer si le Statut 20 lui confère compétence pour sanctionner la conduite du demandeur, non pas à titre de « représentant inscrit », mais à titre de « personne relevant de la compétence de l’Association », car les faits et gestes qui font l’objet de l’avis d’audience (c’est-à-dire le défaut allégué de coopérer) sont survenus alors que le demandeur n’était plus un « représentant inscrit ».
[115] À ce sujet, le demandeur souligne qu’aux termes de l’article 33 du Statut 20, la formation d’instruction ne s’est vue conférer compétence qu’à l’égard des « personnes inscrites » et non à l’égard des « personnes relevant de la compétence de l’Association » :
33 Personne inscrite
(1) Au terme d’une audience disciplinaire, la formation d’instruction peut imposer les sanctions prévues au paragraphe (2) si elle est d’avis que la personne inscrite :
(a) a fait défaut de se conformer aux dispositions de toute loi, règlement, ordonnance ou instruction générale, de compétence fédérale ou provinciale, ayant trait à la négociation de valeurs mobilières ou de contrats à terme ou aux services de conseil sur les valeurs mobilières ou les contrats à terme ;
(b) a fait défaut de se conformer aux dispositions de tout Statut, Règlement, Ordonnance ou Principe directeur de l’Association ;
(c) a fait défaut de se conformer à une entente intervenue avec l’Association ou à un engagement pris envers l’Association.
[116] L’article 33 (1) ne confère pas à la formation d’instruction la compétence de sanctionner la conduite d’une personne autre qu’une « personne inscrite », notamment une « personne relevant de la compétence de l’Association ».
[117] Si tant est qu’un doute subsiste quant à l’assujettissement du demandeur, en application de l’article 33 du Statut 20, à titre de « personne relavant de la compétence de l’Association », ce doute doit être tranché selon le demandeur en faveur de celui-ci et ce, en application de l’article 1432 C.c.Q. On doit en venir à la conclusion que l’expression « personne inscrite » ne peut être assimilée à l’expression « personne relavant de la compétence de l’Association » et que la formation d’instruction n’avait pas compétence à l’égard de cette dernière catégorie.
Position de l’ACCOVAM
a) La décision du 29 juin 2007 de la formation d’instruction sur l’assujettissement du demandeur Séguin à l’ACCOVAM malgré sa démission est bien fondée en faits et en droit
[118] Le demandeur Séguin prétend, à tort selon l’ACCOVAM, que le contrat entre lui et l’ACCOVAM est un contrat d’adhésion puisque les « stipulations essentielles » du contrat seraient imposées et rédigées par cette dernière et ne pouvaient d’aucune façon être négociées par le demandeur Séguin.
[119] La « stipulation essentielle » du document P-1 du 16 décembre 2002[74], c’est l’obligation de l’intimé de connaître les Statuts de l’ACCOVAM et leurs modifications ainsi que l’engagement de s’y conformer.
[120] Ces énoncés tirés des paragraphes 73, 74 et 75 de la décision de la formation d’instruction sont conformes, selon l’ACCOVAM, aux faits et au droit.
[121] Le contrat est régi par des lois et des règlements.
[122] Le formulaire de demande uniforme d’inscription pour les personnes physiques, lequel inclut le texte du « Certificate and Agreement of Applicant and Sponsoring Firm »[75], reprend pratiquement le même texte que celui du formulaire 3[76], auquel réfère l’article 197 du Règlement sur les valeurs mobilières[77].
[123] On rappelle aussi la constatation factuelle énoncée par la formation d’instruction au paragraphe 88 de sa décision du 29 juin 2007 à l’effet que les Bulletins P-25[78] et P-26[79] distribués par l’ACCOVAM faisaient part du Statut 20 modifié (lequel inclut à son article 7, la mention que pour l’application du Statut 19 et du Statut 20, tout membre et toute personne inscrite restent soumis à la compétence de l’ACCOVAM pendant une période de cinq (5) ans suivant la date à laquelle le membre a cessé d’être un membre ou la personne inscrite a cessé d’être personne inscrite).
[124] D’où selon l’ACCOVAM la conclusion fort justifiée de la formation d’instruction que le demandeur Séguin est lié par son attestation et son engagement de connaître les Statuts et leurs modifications.
[125] L’ACCOVAM rappelle que le Manuel sur les normes de conduite des professionnels du marché des valeurs mobilières[80] contient la mention qu’il incombe au représentant et à la firme qui l’emploie de se tenir au courant des lois, des règlements et des instructions générales en vigueur et reprennent à nouveau l’engagement de se tenir au courant des Statuts, règlements et règles des organismes auxquels ils demandent l’agrément, en référant spécifiquement aux Statuts 19 et 20 de l’ACCOVAM.
[126] Les dispositions du Code civil en matière de contrat d’adhésion visent à rétablir une certaine équité contractuelle et à assurer un meilleur équilibre entre les cocontractants. Ces règles ont été édictées dans le but de protéger la plus « faible » des parties.
[127] En l’espèce, le demandeur Séguin n’est pas la partie « faible » au contrat, ni l’ACCOVAM. Nous sommes ici en matière d’industrie réglementée : c’est le public investisseur qui doit être protégé.
[128] Conformément à la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, l’ACCOVAM a été reconnue à titre d’OAR par décision de l’Autorité, aux conditions que cette dernière a déterminées.
[129] L’ACCOVAM bénéficie du statut d’OAR reconnu notamment en raison du fait que ses documents constitutifs, son règlement intérieur et ses règles de fonctionnement permettent d’imposer des mesures disciplinaires en cas de manquement au règlement intérieur ou aux règles de fonctionnement de celle-ci ou de contravention à la loi.
[130] Au moment où, en juillet 2004, l’Autorité rend sa décision reconnaissant l’ACCOVAM comme OAR, le Statut 20 contient déjà (depuis de nombreuses années), à son article 21, une disposition relative au maintien de la compétence de l’ACCOVAM pour une période de cinq ans, même si le membre cesse d’être membre ou la personne n’est plus agréée[81].
[131] Une telle disposition relève d’ailleurs des objets de l’ACCOVAM[82] : « […] les enquêtes […] la prise de mesures disciplinaires et l’imposition de sanctions […] visant tout […] représentant inscrit ou d’anciens […] représentants inscrits […] ».
[132] Cet engagement du demandeur Séguin pris sous serment[83], tout comme pour tout autre individu désireux de devenir représentant inscrit auprès d’une société membre de l’ACCOVAM, inclut au premier chef l’obligation de se tenir informé en tout temps de la teneur de ces Statuts, Règlements et principes directeurs et de leurs modifications.
[133] Le demandeur Séguin a choisi d’œuvrer dans un secteur hautement réglementé. De ce fait, il a accepté les conditions d’entrée et le respect des normes de conduite (dont celles de se tenir informé des Statuts, Règlements, principes directeurs, etc., et de leurs modifications)[84].
[134] En conclusion sur cet aspect de la décision de la formation d’instruction, l’ACCOVAM réfère à ce passage de l’arrêt de la Cour d’appel dans l’affaire Bourse de Montréal c. Letellier[85] :
« L’avocat de Letellier plaide que son client n’a pas démissionné, mais qu’il s’est vu retirer son statut par l’effet de l’expulsion de B.G.O., une décision qui relève de la Bourse. Mais si Letellier a raison lorsqu’il affirme que la Bourse n’a aucune compétence sur un ex-membre, la démission - si elle est possible en l’absence de l’approbation de la Bourse - produirait le même effet et cette personne échapperait ainsi à toute responsabilité. Sans même invoquer des notions de protection du public, il me paraît inacceptable qu’une partie se dégage unilatéralement de ses obligations contractuelles. »
Bien que la Bourse soit un organisme privé, elle joue un rôle pour la protection du public investisseur, ainsi que notre Cour l’a déjà mentionné dans l’affaire Bourse de Montréal c. Laffery ; il me paraît inacceptable qu’on puisse aussi facilement se dégager d’un engagement contractuel qui vise, en autre chose, à protéger le public. »
b) La question d’absence de compétence de l’ACCOVAM sur le demandeur Séguin est théorique
[135] L’ACCOVAM prie le Bureau de porter une attention particulière à la lettre du 13 mars 2006 expédiée par le procureur du demandeur Séguin, à M. Nicolas D’Astous, enquêteur de l’ACCOVAM, et par laquelle le demandeur Séguin exprime être disposé à répondre aux questions de l’enquêteur de l’ACCOVAM ainsi qu’à fournir tous les renseignements et documents qu’il jugera nécessaire. La lettre se termine même en indiquant que le demandeur Séguin est toujours disposé à répondre aux questions de l’enquêteur, mais à certaines conditions[86].
[136] Clairement pour l’ACCOVAM, le débat de l’absence de compétence de l’ACCOVAM sur le demandeur Séguin parce qu’il aurait démissionné est un débat artificiel, académique et théorique : de façon contemporaine aux événements, le demandeur Séguin a pris la position qu’il était disposé à rencontrer les enquêteurs de l’ACCOVAM, mais il a voulu leur imposer des « conditions » (ce qu’il n’a pas le droit de faire).
[137] Pour l’ACCOVAM, il est inacceptable en droit que l’ignorance des règles de droit (à supposer même qu’elle puisse être alléguée, ce qui est nié) puisse excuser le comportement fautif d’un assujetti dans un secteur hautement réglementé.
[138] L’organisme d’autoréglementation souligne que la position du demandeur Séguin est d’autant plus inacceptable puisqu’il est avocat et qu’il a même été « inscrit » sous juridiction de la Bourse de Montréal, laquelle a une règle relative au maintien de l’assujettissement d’une personne approuvée (ou d’un titulaire de permis) même après que cette personne ait cessé d’être approuvée, etc[87].
[139] À l’égard du moyen subsidiaire du demandeur à l’effet que la formation d’instruction a compétence à l’égard des personnes inscrites et non d’une « personne relevant de la compétence de l’Association », l’ACCOVAM qualifie cet argument de sophisme. Malgré son apparence de vérité, cet argument est faux.
[140] L’article 7 du Statut 20 portant sur le maintien de la compétence de l’Association vaut donc pour toutes les références à la notion de « personne inscrite » apparaissant dans le Statut 20.
[141] De plus, la seule restriction à l’application de l’article 7 (1) du Statut 20 est celle prévue au paragraphe 7 (2).
[142] L’ACCOVAM fait siens les motifs de la formation d’instruction, aux paragraphes 100 et 101 de sa décision du 29 juin 2007.
Les questions en litige
[143] Le demandeur est-il une personne contractuellement assujettie à une obligation de comparaître devant un enquêteur de l’ACCOVAM et de répondre à ses questions? De manière plus spécifique est-ce que la relation entre le demandeur et l’intimée est contractuelle et, dans l’affirmative, est-ce que le contrat signé par le demandeur est un contrat d’adhésion ou un contrat réglementé?
a) Est-ce qu’on est en présence d’un contrat?
[144] L’arrêt Senez v. Chambre d’immeuble de Montréal[88] de la Cour suprême du Canada nous enseigne sur la nature des règles et des règlements d’un organisme comme l’ACCOVAM. S’agit-il d’une relation contractuelle? Dans cette affaire, la Cour devait déterminer la question à savoir si Senez, un agent d’immeuble membre de la Chambre d’Immeuble de Montréal (ci-après la « Chambre »), était lié contractuellement à cette dernière. Cette qualification avait une importance capitale afin de déterminer si le recours en dommages de Senez contre la Chambre, pour violation de ses règles, était prescrit.
[145] L’honorable juge Beetz rappelle les objets de la Chambre à savoir notamment « d’assurer la compétence et l’honnêteté des membres dans leurs relations entre eux et avec le public »[89]. À l’instar de l’ACCOVAM, la Chambre n’a pas le statut de corporation professionnelle chargée de réglementer et d’administrer le courtage immobilier. Cette fonction appartenait à l’époque au lieutenant-gouverneur en conseil et à un organisme administratif appelé Service du courtage immobilier du Québec[90]. Pour travailler dans l’industrie, Senez devait avoir un permis du Service de courtage et être à l’emploi d’un courtier détenteur de permis. L’honorable juge Beetz conclut ainsi que la relation entre Senez et la Chambre est de nature contractuelle :
«Lorsqu’un individu décide d’adhérer à une corporation comme la Chambre, il accepte sa constitution et les règlements alors en vigueur et il contracte l’obligation de les observer. En acceptant la constitution, il s’engage aussi d’avance à observer les règlements qui seront régulièrement adoptés plus tard par la majorité des membres habiles à voter, et ce, même s’il n’est pas d’accord avec ces changements. D’ailleurs, il pourrait généralement démissionner alors qu’en restant il accepte les nouveaux règlements. La corporation pourrait lui réclamer en justice les arrérages de la cotisation fixée par règlement. Cette réclamation ne serait-elle pas de nature contractuelle? Quelle autre source pourrait-elle bien avoir en l’instance? Il me paraît que l’obligation de la corporation de fournir les services convenus et d’observer ses propres règlements, en ce qui concerne l’expulsion d’un membre comme à tous autres égards, est pareillement de nature contractuelle[91].
[146] La Cour suprême cite par la suite avec approbation les arrêts Beaudry c. Club St-Antoine[92], Club de la garnison de Québec c. Lavergne[93] et Monette c. La Société St-Jean-Baptiste de Valleyfield[94] confirmant la conclusion qu’une telle relation est contractuelle.
[147] L’honorable juge Beetz note par ailleurs deux arrêts d’autres provinces arrivant au même résultat[95].
[148] Dans l’arrêt Bourse de Montréal c. Letellier[96], la Cour d’appel du Québec cite avec approbation l’arrêt Senez et conclut à la nature contractuelle de la relation entre la Bourse de Montréal et un membre. Dans cette affaire, Letellier était le président et administrateur d’une firme de courtage. À la suite difficultés financières, la firme de courtage a été mise en faillite et expulsée des rangs de la Bourse. La prétention de Letellier était à l’effet que compte tenu de son expulsion, la Bourse avait perdu toute compétence pour examiner sa conduite pendant qu’il était membre.
[149] En 1976, Letellier avait signé une demande uniforme d’enregistrement/d’approbation auprès de la Bourse. La Cour note que ce formulaire est maintenant prescrit par la législation en valeurs mobilières. Il s’agit maintenant du formulaire 3 qui était similaire à celui signé par Letellier en 1976.
[150] Aux termes du formulaire, Letellier et la firme de courtage s’étaient engagés à bien connaître les règles et à les observer telles qu’elles seront amendées ou adoptées de temps à autre. Letellier demande de faire déclarer ultra vires un article du règlement de la Bourse qui permet la survie de la compétence un an après le départ d’un membre ou d’une personne approuvée. L’honorable juge Forget décrit ainsi une telle relation contractuelle unissant la Bourse et un membre et une personne approuvée :
« La demande d’admission de Letellier et son acceptation par la Bourse a établi entre les parties au présent litige une relation contractuelle. Dans une affaire concernant un organisme quelque peu similaire, Senez c. Chambre d’immeuble de Montréal, la Cour suprême, sous la plume du juge Beetz, a clairement énoncé ce principe :
Ce qui précède démontre que la Chambre n’appartient pas à la catégorie des corporations politiques ou à celle des corporations professionnelles proprement dites, à qui le législateur, dans un but d’ordre public, peut confier des monopoles, conférer des privilèges ou déléguer un véritable pouvoir législatif susceptible d’avoir effet non seulement envers leurs membres, mais envers le public, tel par exemple, le pouvoir de prescrire un tarif d’honoraires professionnels. La Chambre s’apparente plutôt à ce type de groupements volontairement constitués, qu’en droit anglais on désigne sous le vocable de « voluntary associations » tels les clubs sociaux ou les groupements philanthropiques, sportifs ou même professionnels, mais dont les règlements ne concernent que leurs nombres et ne s’appliquent qu’à eux, « d’une manière conventionnelle et privément » : Gagné c. Ouellet (à la page 107).
Dans le tome deuxième du Traité de Droit civil du Québec, l’auteur Gérard Trudel assimile à juste titre selon moi les règlements de ces corporations à des dispositions de nature contractuelle. Il écrit, aux pp. 482 et 483 :
En général les membres de la corporation seuls sont soumis aux règlements et à leurs conséquences : c’est une application simple d’un certain caractère contractuel qui préside à leur existence et à leur autorité : c’est une variété de contrat d’adhésion.
L’insubordination d’un membre équivaut à une violation de ses obligations contractuelles envers la corporation.
L’on pourrait ajouter que la violation de ses propres règlements par la corporation équivaut à une violation de ses obligations contractuelles envers ses membres ».[97]
[151] L’honorable juge Forget rejette du revers de la main le fait que le formulaire avait été signé plus de 15 ans auparavant. Il note à cet égard que Letellier est un homme d’affaires averti et qu’il n’a jamais répudié ses engagements au cours de cette longue période. On note donc le fait que la Cour considère qu’on ne peut renier un contrat validement signé, et ce, particulièrement si on est un homme d’affaires expérimenté. Malgré le fait que la Bourse soit un organisme privé, la Cour d’appel reconnaît son rôle pour la protection du public investisseur et déclare qu’il serait inacceptable qu’une personne puisse se dégager de ses responsabilités tout simplement en démissionnant. Voici le passage pertinent de la Cour :
« L’avocat de Letellier plaide que son client n’a pas démissionné, mais qu’il s’est vu retirer son statut par l’effet de l’expulsion de B.G.O., une décision qui relève de la Bourse. Mais si Letellier a raison lorsqu’il affirme que la Bourse n’a aucune compétence sur un ex-membre, la démission - si elle est possible en l’absence de l’approbation de la Bourse - produirait le même effet, et cette personne échapperait ainsi à toute responsabilité. Sans même invoquer des notions de protection du public, il me paraît inacceptable qu’une partie se dégage unilatéralement de ses obligations contractuelles.
Il est vrai que la compétence ne peut naître d’un consentement en matière de droit public, mais tel n’est pas le cas en matière de relations purement contractuelles qui relèvent d’un tribunal domestique.
Quant au fait que le formulaire ait été signé il y a plus de 15 ans, je ne vois pas l’argument qu’on peut en tirer. Lorsque Letellier a signé cette demande d’adhésion, il était un homme d’affaires averti et a été, par la suite, l’âme dirigeante d’une importante entreprise opérant dans le commerce des valeurs mobilières. Letellier n’a jamais, au cours de ces 15 ans, répudié ses engagements, et, même dans ses procédures amendées, il n’en conteste nullement la validité.
Si l’expulsion met fin à toutes procédures disciplinaires, on devrait sans doute adopter le même raisonnement pour la démission, même celle qui survient après que les procédures disciplinaires aient été enclenchées. Le contrevenant - je ne dis pas que Letellier a contrevenu aux règlements - n’aurait donc qu’à démissionner pour éviter tout regard sur sa conduite. La Bourse ne pourrait donc pas, à titre d’exemple dénoncer, par une réprimande, un comportement fautif d’un membre ou d’une personne approuvée. Bien que la Bourse soit un organisme privé, elle joue un rôle pour la protection du public investisseur, ainsi que notre cour l’a déjà mentionné dans l’affaire Bourse de Montréal c. Lafferty, Harwood & Partners Ltd.; il me paraît inacceptable qu’on puisse aussi facilement se dégager d’un engagement contractuel qui vise, en autres choses, à protéger le public. »
[152] L’honorable juge Jean Crépeau de la Cour supérieure dans l’affaire Résolution Capital inc. et Gaston English c. Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, conseil de section du Québec[98] a conclu que la signature des reconnaissances non équivoques de soumission aux statuts et règlements, l’ACCOVAM était valide, et ce, nonobstant le fait que cette dernière n’était formellement reconnue à l’époque par la Commission des valeurs mobilières.
[153] La Cour d’appel a maintenu la décision de l’honorable juge Crépeau[99]. Il est intéressant de noter que l’honorable juge Pierre J. Dalphond a rappelé les similarités frappantes avec l’arrêt Letellier et a reconnu le rôle important de l’ACCOVAM pour la protection du public investisseur et son statut d’acteur important pour la réglementation des valeurs mobilières. Voici les commentaires de l’honorable juge Pierre J. Dalphond J.C.A. :
« [3] Considérant l’arrêt de notre cour dans l’affaire Bourse de Montréal c. Letellier, JE 99-2323 qui offre des similarités frappantes avec la présente affaire ;
[4] Considérant qu’il ne fait aucun doute que les requérants, chacun à leur tour et par des formulaires distincts ont adhéré à l’association intimée et se sont engagés face à la Commission des valeurs mobilières du Québec à se soumettre à son autorité et à en respecter les règlements ;
[6] Considérant que rien dans la Loi des valeurs mobilières n’enlève à l’ACCOVAM ses pouvoirs disciplinaires sur ses membres, bien au contraire, l’article 351 de cette loi confirmant son statut d’organisme d’auto-réglementation, et ce, tant et aussi longtemps que la Commission des valeurs mobilières et le gouvernement du Québec n’en auront pas décidé autrement;
[7] Considérant l’ACCOVAM, bien qu’elle soit un organisme privé, joue un rôle dans la protection du public investisseur et constitue un acteur important dans la réglementation du commerce des valeurs mobilières au Québec et ailleurs au pays. »
b) Est-ce une relation contractuelle dans les autres provinces?
[154] Les pouvoirs de l’ACCOVAM ont été examinés à plusieurs reprises par les cours d’appel des autres provinces. On note que l’OAR n’est pas un organisme statutaire[100] créé par l’état. Ces pouvoirs découlent de ses règlements, règles et obligations que les personnes ont acceptés contractuellement afin de devenir membres.
[155] Ces pouvoirs de l’ACCOVAM ont été analysés dans l’arrêt Ripley v. Investment Dealers Association[101] par la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse. Voici le passage pertinent de cet arrêt qui décrit les pouvoirs de nature contractuelle et le rôle de l’organisme :
« The Investment Dealers Association (IDA), as explained at some length in the appellant’s factum, is an unincorporated association which oversees the investment and brokerage business in Canada, serving as the professional organization of, and regulating, member brokerage houses and their employees. It is not specifically empowered under any statute, although its existence is recognized in some securities legislation. It has its own constitution, by-laws and regulations to which its members bind themselves by contract to comply. The IDA establishes requirements for capitalization, procedures for purchase, sale and registration of securities for clients, audit procedures and other matters that govern the internal and external operations of national and local investment firms. The IDA also sets standards of qualifications for, and for the discipline of, persons engaged in the industry. Its authority does not extend to regulating the actual issuance of securities: that is vested in provincial securities commission and the various stock exchanges sold. The sale of securities is regulated by statute in all Provinces. It is the persons and the firms who sell the securities that are regulated by the IDA. »
[156] De même dans l’arrêt Morgis v. Thomson Kernaghan & Co.[102], la Cour d’appel de l’Ontario reconnaît également de la manière suivante le caractère contractuel et volontaire de la relation entre un membre et l’Organisme :
« Membership in the IDA is voluntary. It is based on the contractual commitment of members to abide by the constitution, regulations, rules and by-laws of the association. The IDA is not created by and does not derive its authority form statute. Rather, it operates under the authority of its own constitution and is recognized under some securities legislation. »
[157] Malgré ce caractère contractuel, la Cour d’appel de l’Ontario, dans l’arrêt Morgis, a constaté les vastes pouvoirs d’encadrement de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario face à l’OAR. La Cour constate que les termes et conditions de la reconnaissance imposent à l’organisme reconnu de s’assurer que les règles qui ont été acceptées par ses membres de manière contractuelle soient effectivement suivies par ceux-ci, et ce, sans préjudice des pouvoirs du régulateur face à l’organisme d’autoréglementation.
[158] La Cour d’appel rappelle que le cadre réglementaire ontarien entourant la reconnaissance, par ailleurs semblable au modèle québécois, a pour but la protection des investisseurs et de promouvoir des marchés efficaces et la confiance des investisseurs. Voici le passage pertinent :
« […] The IDA’s relationship with the Commission and its recognition as a self-regulatory organization under s. 21.1 of the Act link its activities to a statutory securities scheme which, under s. 1.1 of the Act, is designed to provide protection to all investors in Canada from unfair, improper or fraudulent practices and to foster fair and efficient capital markets and confidence in capital markets… those factors inform the analysis of the IDA’s status and duties as a regulator, notwithstanding that its relationship with its members is contractual in nature.»[103]
c) Est-ce un contrat d’adhésion ou un contrat réglementé?
[159] L’article 1379 du Code civil définit le contrat d’adhésion dans les termes suivants :
1379. Le contrat est d'adhésion lorsque les stipulations essentielles qu'il comporte ont été imposées par l'une des parties ou rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, et qu'elles ne pouvaient être librement discutées.
[160] Les deux éléments qui qualifient le contrat d’adhésion sont donc (1) que les stipulations essentielles du contrat son imposées par une des parties et (2) qu’elles ne peuvent être librement discutées[104].
[161] Le contrat d’adhésion et le contrat de gré à gré sont tous deux des contrats. Le contrat d’adhésion s’éloigne de l’idée traditionnelle des contrats à savoir qu’ils sont la loi des parties. On se rappellera des maximes comme les pactes font la loi du contrat ou des parties (pacta dant legem contractum), les contrats doivent être respectés (pacta sunt servanda) et la loi est ce que nous écrivons (lex est quod notamus)[105]. Le contrat d’adhésion se dresse à l’encontre de la libre négociation ou de la discussion, car l’une des parties dans à ce contrat impose des éléments essentiels à l’autre partie. Le véritable choix pour l’une des parties est souvent d’adhérer ou non au contrat. Dans leur ouvrage sur les obligations[106], les auteurs Baudoin et Jobin définissent ainsi cette dichotomie entre les deux types de contrat :
« 55. Importance de la classification - Le contrat de gré à gré également nommé contrat de libre discussion est celui pour la conclusion duquel les parties négocient d’égal à égal. Il est le fruit de concessions mutuelles. Dans le contrat d’adhésion au contraire, l’une des parties perd la faculté de libre négociation des conditions de son engagement, en se voyant imposer d’avance les éléments essentiels du contrat et en ne gardant que le choix, parfois purement théorique, de contracter ou de ne pas contracter. Les contrats d’adhésion ont connu depuis un siècle une extraordinaire croissance et de nos jours la grande majorité des conventions de transport, de fourniture, de biens par des services publics (eau, électricité, gaz, etc.), d’assurance, de service sont des contrats d’adhésion.
[…]
56 -[…]
Le législateur a retenu deux éléments : il y a contrat d’adhésion quand les stipulations essentielles du contrat ne pouvaient être librement discutées, et qu’elles ont été imposées par une partie, rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions. Tout contrat qui ne correspond pas à cette définition est un contrat de gré à gré. En réalité, très souvent, les tribunaux adoptent une approche globale pour déterminer si la convention sous étude est un contrat d’adhésion; ils ne donnent pas de motif particulier, répétant parfois la définition du Code, sans plus. Cette méthode comporte certains avantages; elle évite entre autres de tomber dans la casuistique et les distinctions byzantines.
Il est heureux qu’elle semble interpréter les mots de l’article 1379, « stipulations essentielles », comme englobant non seulement les éléments constitutifs essentiels du contrat considéré (tels le prix et l’objet du transfert de propriété dans la vente), mais aussi les autres éléments importants dans le consentement de l’adhérent (telles l’étendue et les conditions de la garantie de qualité dans la vente d’un véhicule).
Les dispositions protectrices du Code civil sur les contrats d’adhésion risqueraient de n’avoir guère de portée réelle et pratique si, au contraire, on donnait aux mots « stipulations essentielles » le sens strict des quelques éléments caractéristiques du contrat concerné. La détermination de la convention comme contrat d’adhésion ou de gré à gré doit être effectuée in concreto.
Les tribunaux se sont réservé une assez grande discrétion dans la qualification d’une convention comme contrat d’adhésion ou de gré à gré. […]
Le contrat réglementé est-il un contrat d’adhésion? Dans ce type de contrat, les stipulations ne sont pas imposées par l’une des parties, mais par le législateur ou le gouvernement, c’est-à-dire par une loi ou un règlement. La jurisprudence s’est divisée sur cette question : plusieurs décisions ont fait du contrat réglementé un contrat d’adhésion, d’autres pas. En principe, à notre avis, le contrat réglementé ne correspond pas à la nouvelle définition légale du contrat d’adhésion, parce que les stipulations essentielles n’ont pas été imposées par une partie, ni rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, selon les termes de l’article 1379 du Code civil. D'ailleurs, le besoin de protéger la partie faible disparaît justement du fait que l’État a dicté les termes de la convention pour la protéger. On voit cependant que, lorsque l’État est à la fois rédacteur de la convention et partie à celle-ci, il est parfaitement concevable que le contrat en soit un d’adhésion, avec toutes les conséquences qui en découlent : exceptionnellement, le contrat réglementé devient alors un contrat d’adhésion.
L’article 1435, en second lieu, prévoit la nullité des clauses externes dont l’adhérent n’a pas eu connaissance au moment de la formation du contrat, soit proprio motu, soit parce que l’autre partie a fait défaut de la mentionner expressément. »[107]
[162] La Loi sur les valeurs mobilières prévoit l’inscription des courtiers en valeurs, des conseillers en valeurs ainsi que de leurs représentants. L’article 148 de la Loi sur les valeurs mobilières[108] prévoit que l’inscription est une condition préalable de l’exercice des activités de courtier :
148. Le courtier ou le conseiller en valeurs ne peut exercer son activité que s'il est inscrit à ce titre auprès de l'Autorité.
[163] L’article 149 prévoit une obligation similaire pour la personne qui désire exercer ces activités pour le compte d'une personne soumise à l'inscription[109] :
149. Toute personne physique qui exerce l'activité de courtier ou de conseiller en valeurs pour le compte d'une personne soumise à l'inscription prévue à l'article 148 est tenue de se faire inscrire auprès de l'Autorité à titre de représentant de cette personne.
[164] L’article 150 prévoit que[110] :
150. Les catégories d'inscription, les conditions que doivent remplir les candidats, la durée de validité de l'inscription et les règles concernant l'activité des personnes inscrites sont établies par règlement.
[165] Jusqu’à tout récemment, l’article 197 du Règlement sur les valeurs mobilières prévoyait l’obligation, pour le candidat à l'inscription comme représentant d'un courtier ou d'un conseiller en valeurs, de présenter sa demande sur le formulaire 3. Or, le préambule du formulaire 3 n’en limitait pas l’application au candidat à l’inscription auprès de l’Autorité, mais prévoyait qu’il devait être rempli par toute personne physique :
a) qui demand[ait] l'inscription à titre de représentant auprès d'une commission canadienne des valeurs mobilières ou sollicit[ait] l'agrément auprès d'un organisme d'autoréglementation;
b) qui sollicit[ait] d'une commission canadienne des valeurs mobilières l'agrément à titre de dirigeant d'un courtier ou conseiller en valeurs;
c) qui demand[ait] l'inscription à titre de courtier ou de conseiller en valeurs auprès d'une commission canadienne des valeurs mobilières.
215. Le courtier de plein exercice ou le courtier exécutant doit être membre d’un organisme d’autoréglementation et participer à un fonds de garantie acceptable, de l’avis de l’autorité.
[166] De plus, l’ACCOVAM exerce ses activités sous l’étroite surveillance de l’Autorité des marchés financiers.
[167] Dans un premier temps, l’ACCOVAM doit être reconnue par l’Autorité pour pouvoir exercer ses activités, y compris celle d’encadrer et de réglementer la conduite de ses membres[111] :
59. Une personne morale, une société ou toute autre entité dont les objets sont reliés à la mission de l'Autorité peut, aux conditions que cette dernière détermine, être reconnue à titre d'organisme d'autoréglementation aux fins de l'encadrement d'une activité régie par une loi visée à l'annexe 1.
60. Une personne morale, une société ou toute autre entité ne peut encadrer ou réglementer la conduite de ses membres ou ses participants relative à l'exercice au Québec d'une activité régie par une loi visée à l'annexe 1 que si elle est reconnue par l'Autorité à titre d'organisme d'autoréglementation, aux conditions que cette dernière détermine.
[168] Parmi les éléments étudiés par l’Autorité pour accorder sa reconnaissance, on retrouve la teneur des documents constitutifs, du règlement intérieur et des règles de fonctionnement de l’organisme d’autoréglementation[112] :
68. L'Autorité, après avoir vérifié la conformité aux articles 69 et 70 des documents constitutifs, du règlement intérieur et des règles de fonctionnement de la personne morale, de la société ou de l'entité, accorde la reconnaissance lorsqu'elle estime que celle-ci possède une structure administrative, les ressources financières et autres pour exercer, de manière objective, équitable et efficace, ses fonctions et pouvoirs.
[169] Ces documents doivent remplir des exigences réglementaires[113] :
70. Les documents constitutifs, le règlement intérieur et les règles de fonctionnement de la personne morale, de la société ou de l'entité doivent permettre:
1° la libre adhésion de toute personne qui remplit les conditions d'admission;
2° l'égalité dans l'accès aux services offerts.
Les documents constitutifs, le règlement intérieur et les règles de fonctionnement doivent permettre, dans le cas d'une personne morale, d'une société ou d'une entité visée à l'article 60, l'imposition de mesures disciplinaires, en cas de manquement au règlement intérieur ou aux règles de fonctionnement de celle-ci ou de contravention à la loi.
[170] Il est important de noter que l’Acte constitutif de l’ACCOVAM[114] prévoit qu’un des objectifs de l’organisme est d’encourager l’observation de normes professionnelles élevées entre ses membres par le biais de l’autodiscipline et de l’autoréglementation afin d’éviter des conduites contraires aux intérêts du public. Voici le passage pertinent de cet objectif :
« D’encourager l’observation de normes professionnelles élevées entre ses membres et leurs associés, leurs administrateurs, leurs dirigeants et leurs employés, au moyen de l’autodiscipline et de l’autoréglementation, ainsi que d’adopter des pratiques et des exigences qui peuvent être nécessaires et souhaitables pour éviter des conduites contraires aux intérêts des membres, de leurs clients et du public et de voir à leur application ;
Établir des normes et des obligations relatives aux participants des marchés des capitaux et les faire respecter pour la protection des membres, de leurs clients et du public. »
[171] À cet égard, le conseil d’administration de l’organisme peut au besoin édicter ou modifier tout article des statuts concernant les conditions d’adhésion des membres, du maintien de leur qualité, de leurs droits ainsi que leurs devoirs. Un large pouvoir est également accordé au conseil d’administration afin d’encadrer les membres par le biais d’enquête et d’imposition de mesures disciplinaires. Les sanctions disciplinaires sont les suivantes : amendes, suspension, retrait d’autorisation et même l’expulsion. Voici les paragraphes pertinents des statuts :
« Le conseil d’administration peut, au besoin, édicter, modifier, abroger ou rétablir tout article des Statuts relatif à toute question concernant : la conduite, l’administration, la gestion et le contrôle des affaires de l’Association et de ses diverses sections, ainsi que l’élargissement de l’objet de celle-ci, y compris, et sans limiter en quoi que ce soit la portée générale de ce qui précède, les conditions d’adhésion des membres de l’Association et de maintien de leur qualité de membre; les droits, les devoirs et les normes qu’un membre doit respecter; les enquêtes à la suite de plaintes contre des membres, la prise de mesures disciplinaires contre des membres et l’imposition de sanctions à des membres, y compris, sans restriction, des amendes, la suspension et l’expulsion; l’autorisation, ou le refus ou le retrait de l’autorisation, d’associés, d’administrateurs et de dirigeants, de directeur de succursales et de représentants inscrits et d’autres employés de membres; l’autorisation d’épargnants, ou le refus ou le retrait de l’autorisation de tels épargnants; l’autorisation, ou le refus de l’autorisation, du transfert de représentants inscrits; les enquêtes à la suite de plaintes contre des membres, la prise de mesures disciplinaires et l’imposition de sanctions (y compris, sans restriction, les blâmes, les amendes et la suspension ainsi que le retrait de l’autorisation) visant tout associé, administrateur, dirigeant, directeur de succursale, représentant inscrit et d’autres employés de membres ou d’anciens associés, administrateurs, dirigeants, directeurs de succursales, représentants inscrits et autres employés de membres à l’égard d’agissements ou d’événements survenus pendant que de telles personnes étaient autorisées à l’égard d’un membre; la soumission des membres aux modes amiables de règlement des litiges et, de façon générale, l’application des Statuts de l’Association et de règlements adoptés en vertu de ceux-ci[115]. »
[172] La décision de reconnaissance de l’ACCOVAM à titre d’organisme d’autoréglementation démontre bien l’importance de l’encadrement de ce type d’organisme afin d’assurer la protection du public[116]. Le paragraphe 1.3 de la décision rappelle tout d’abord le principe fondamental que nul organisme, en vertu des articles 60 et 741 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, ne peut encadrer ou réglementer la conduite de ses membres ou participants relative à l’exercice au Québec d’une activité régie par la Loi sur les valeurs mobilières sans être formellement reconnu comme organisme d’autoréglementation.
[173] Un tel organisme ne peut être reconnu sans que les personnes intéressées ne puissent, au préalable, faire part de leurs commentaires concernant cette demande[117].
[174] On note au paragraphe 1.12 de la décision que « la reconnaissance d’un organisme d’autoréglementation lui confère une nature juridique particulière, qui participe du droit privé et du droit public ». Ce caractère hybride démontre bien comment l’autoréglementation est envisagée au Québec et dans les autres provinces. L’État a voulu laisser aux gens de l’industrie le soin de s’autoréglementer, mais dans le cadre d’une supervision attentive du régulateur. À cet égard, tout écart pourra être rétabli compte tenu du fait que l’article 172 de la Loi sur les valeurs mobilières accorde au Bureau le pouvoir d’ordonner à une personne reconnue la conduite à tenir, lorsqu’il estime que cette mesure est nécessaire pour assurer le bon fonctionnement de cette personne ou pour assurer la protection du public.
[175] Cette nature juridique hybride impose à l’organisme à la fois pour l’application de ses propres règles ainsi que dans l’exercice de pouvoir délégué par le régulateur en vertu de la législation en valeurs mobilières le devoir d’agir dans l’intérêt public, pour la protection des investisseurs et de façon à favoriser la confiance des investisseurs face à l’organisme. De plus, ce dernier doit agir de manière à rencontrer la mission dévolue au régulateur lui-même! Il est utile de citer le paragraphe 1.13 de la décision de reconnaissance :
CONSIDÉRANT QUE cette nature juridique particulière confère à l’ACCOVAM dans la mise en œuvre et l’application des Règles de l’ACCOVAM et de la Législation en valeurs mobilières pour laquelle elle exerce ou non des pouvoirs délégués, notamment le devoir d’agir dans l’intérêt public, la protection des investisseurs et de façon à favoriser la confiance des personnes et entreprises à l’égard de l’ACCOVAM, ses Membres, leurs dirigeants et leurs représentants respectifs et de façon à ce que la mission dévolue à l’AUTORITÉ en vertu de la LVM et LANESF soit pleinement rencontrée;
[176] La décision de reconnaissance constate qu’un organisme d’autoréglementation reconnu ne peut agir de la même manière qu’une société fermée. À cet égard, celui-ci doit favoriser la transparence et l’intégrité de ses processus administratifs et décisionnels. Il doit de plus éviter de se placer en situation de conflit d’intérêts qui auraient pour effet d’entacher sa crédibilité ou encore la validité de ses décisions[118].
[177] Avant d’accorder sa reconnaissance, l’Autorité a dû se déclarer satisfaite que les Règles de l’ACCOVAM soient conformes à la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[119]. Elle a considéré que le Statut 20 et les Règles de procédures du Statut 20 ont été adoptés par l’ACCOVAM le 9 octobre 2003 et qu’ils ont été approuvés et publiés par les Autorités de reconnaissance conformément à l’Entente de coordination le 14 mai 2004. Au niveau des définitions, on définit même ce qu’on entend par le Statut 20[120].
[178] L’Autorité a constaté que sa loi constitutive ainsi que la Loi sur les valeurs mobilières lui confère des pouvoirs et fonctions très étendus en matière d’inspection, d’approbation des règles et généralement de supervision des organismes d’autoréglementation auxquels la présente décision assujettit l’ACCOVAM[121].
[179] Le régulateur québécois dans sa décision a déclaré que la reconnaissance de l’ACCOVAM à titre d’organisme d’autoréglementation en vertu de la loi est conforme à l’intérêt public compte tenu qu’elle permet, notamment, d’assurer un encadrement efficace du secteur financier au Québec, d’en favoriser le développement et un bon fonctionnement ainsi que de protéger le public[122].
[180] La décision de reconnaissance décrit même le fondement de la reconnaissance par l’Autorité de l’ACCOVAM. La reconnaissance est directement tributaire de ses documents constitutifs, son règlement intérieur, ses règles de fonctionnement et du respect des engagements que l’OAR a pris face au régulateur. Le paragraphe 6 décrit ainsi ces fondements :
« 6. FONDEMENT
6.1 La reconnaissance par l’AUTORITÉ de l’ACCOVAM à titre d’organisme d’autoréglementation se fonde notamment :
sur ses documents constitutifs, son règlement intérieur et ses règles de fonctionnement dont les Règles de l’ACCOVAM qui en font partie;
sur le respect continu dans le temps par l’ACCOVAM de ses représentations et engagements auprès de l’AUTORITÉ énoncés dans cette décision et à sa Demande. »[123]
[181] La décision de reconnaissance restreint la possibilité pour l’OAR d’impartir, en tout ou en partie sans l’approbation préalable de l’Autorité, à la fois ses activités d’autoréglementation et ses activités administratives. L’impartition d’activités d’encadrement d’un organisme d’autoréglementation à un autre requiert la même approbation préalable[124].
[182] De plus, l’ACCOVAM doit maintenir en tout temps les ressources suffisantes et les structures organisationnelles sous-jacentes adéquates à la bonne marche de ses activités d’autoréglementation. Ces ressources doivent être suffisantes afin d’assurer des politiques de réglementation (policy) adéquates, d’adhésion et de qualité pour ses Membres, de conformité financière et de la mise en application (enforcement)[125].
[183] On constate donc à la lecture de la décision de reconnaissance que le régulateur impose des conditions importantes avant de reconnaître un organisme d’autoréglementation. L’admission à un tel organisme est hautement réglementée, et ce, notamment au niveau de l’encadrement des membres.
[184] Dans un second temps, l’Autorité garde, en tout temps, un contrôle serré sur les documents de l’organisme d’autoréglementation. Ainsi, l’aval de l’Autorité est nécessaire à la modification des documents constitutifs, du règlement intérieur et des règles de fonctionnement de l’organisme. De même, l’Autorité peut, en tout temps, exiger que ces documents soient modifiés. Elle peut également suspendre l’application d’une disposition du règlement intérieur ou des règles de fonctionnement :
CHAPITRE II
74. Tout projet de modification des documents constitutifs, du règlement intérieur ou des règles de fonctionnement d'un organisme reconnu est soumis à l'approbation de l'Autorité.
75. La modification est réputée approuvée au terme d'un délai de 30 jours ou de tout autre délai convenu avec l'organisme intéressé, à moins que l'Autorité ne l'ait invité à lui présenter ses observations concernant le bien-fondé de la modification projetée.
76. L'Autorité peut en tout temps décider de suspendre, selon les modalités qu'elle juge appropriées, l'application d'une disposition du règlement intérieur ou des règles de fonctionnement d'un organisme reconnu.
77. L'Autorité peut ordonner à un organisme reconnu de modifier ses documents constitutifs, son règlement intérieur ou ses règles de fonctionnement, lorsqu'elle juge une modification nécessaire pour rendre ces textes conformes aux lois qui lui sont applicables.
[185] Les documents constitutifs, le règlement intérieur et les règles de fonctionnement sont ceux-là mêmes auxquels le formulaire 3 fait référence. À l’époque pertinente du présent dossier, l’article 215 du Règlement sur les valeurs mobilières obligeait le courtier de plein exercice à être membre d’un organisme d’autoréglementation et l’article 32 de l’Instruction générale Q-9 imposait au candidat à l’inscription comme représentant à déposer le formulaire 3 dûment rempli.
[186] En effet, celui-ci contient une section dans laquelle le candidat et la firme responsable s’engagent dans les termes suivants :
ENGAGEMENT DU CANDIDAT ET DE LA FIRME RESPONSABLE
(à remplir lors d'une demande d'inscription auprès d'un organisme d'autoréglementation)
Nous soussignés, certifions que toutes les déclarations ci-dessus ne contiennent, à notre connaissance, aucune information fausse ou trompeuse. Nous nous engageons à aviser par écrit les organismes d'autoréglementation de tout changement important dans les délais prescrits par leurs statuts, règles et règlements.
Nous reconnaissons être au fait des statuts, règles et règlements des organismes d'autoréglementation mentionnés à la question 4. Nous acceptons de nous y conformer et nous nous engageons à nous tenir au fait de leurs modifications.
Nous reconnaissons la compétence de ces organismes et leurs pouvoirs de suspendre ou de retirer les droits conférés par l'inscription. Dans l'éventualité d'une suspension ou d'un retrait des droits conférés par l'inscription, le candidat s'engage à mettre fin immédiatement à ses relations avec la firme responsable, à ne pas accepter d'emploi ni à fournir de services de quelque nature que ce soit à un membre des organismes d'autoréglementation ou à une société avec qui il a des liens, conformément à leurs statuts, règles et règlements.
Nous reconnaissons, par les présentes, être liés conjointement.
[187] L’ensemble de ces dispositions législatives et réglementaires a pour effet de circonscrire substantiellement l’autonomie dont disposent les organismes d’autoréglementation tels que l’ACCOVAM. Non seulement l’Autorité définit-elle les formalités auxquelles les candidats à la profession de courtier ou de représentant doivent se conformer en contrôlant les termes de leur contrat avec l’ACCOVAM, mais elle contrôle également le contenu des obligations contractuelles entre le candidat et l’ACCOVAM par le biais des articles 74 à 77 du Règlement.
[188] Il est important pour les fins de compréhension de citer l’article 7 du Statut 19 de l’ACCOVAM. Il s’agit de l’article qui n’aurait pas été porté à l’attention du demandeur.
Partie 4 - Maintien de la compétence de l’association
7 Anciens membres et anciennes personnes inscrites
Pour l’application du Statut 19 et du présent Statut, tout membre ou toute personne inscrite restent soumis à la compétence de l’Association pendant une période de cinq ans suivant la date à laquelle le membre a cessé d’être un membre ou la personne inscrite a cessé d’être personne inscrite, sous réserve du paragraphe (2).
Analyse jurisprudentielle du contrat réglementé
[189] Dans l’arrêt Société en commandite Gaz Métropolitain c. Banque Scotia[126], une banque était poursuivie par la compagnie de service en vertu d’un contrat d’approvisionnement en gaz naturel. En défense, la banque invoque qu’il s’agit d’un contrat d’adhésion au sens de l’article 1379 C.c.Q.
[190] La société Gaz Métropolitain nie qu’il puisse s’agir d’un contrat d’adhésion, notamment parce que ce contrat est réglementé par l’État par le biais de la Loi sur la Régie de l’Énergie. Elle invoque la décision suivante de la Cour d’appel : Hydro-Québec c. Surma :
- Il s’agit manifestement d’un contrat type dont la quasi-totalité des clauses sont préétablies avant d’être soumises au client;
- Le contrat contient des variables;
- Plusieurs clauses essentielles de ce contrat sont réglementées par la Loi sur la Régie de l’énergie et ses règlements d’application telle la détermination des tarifs du gaz naturel, ces tarifs étant d’ordre public.
[191] La Cour du Québec a rejeté la défense de la banque compte tenu qu’il s’agissait d’un contrat réglementé. Voici les passages pertinents de la décision de la Cour :
« [32] Il en découle que plusieurs dispositions essentielles du contrat sont imposées par la législation et non par Gaz Métropolitain, qui ne fait que les appliquer sans avoir la possibilité d’y déroger.
[33] Cela constitue une caractéristique du contrat réglementée par l’État, qui ne peut être un contrat d’adhésion puisque les « stipulations essentielles qu’il comporte » n’ont pas « été imposées par l’une des parties » mais par l’État.
[34] Dans Surma, la Cour d’appel a conclu à un contrat d’adhésion notamment du fait qu’Hydro-Québec détient le pouvoir de réglementer elle-même les tarifs et les conditions essentielles d’un contrat de fourniture d’électricité et, au surplus, que celle-ci est un agent de la Couronne. Ce n’est pas le cas de Gaz Métropolitain.
[36] Le contrat sous étude possède les caractéristiques du contrat réglementé par l’État et cela écarterait donc le premier élément constitutif du contrat d’adhésion. »
[192] Il existe deux courants jurisprudentiels au sujet de la qualification du contrat réglementé à titre de contrat d’adhésion. Selon une première approche, le contrat réglementé est un contrat d’adhésion puisque son contenu est imposé à l’adhérent[127]. Cependant, ainsi que le font remarquer Baudoin et Jobin, « le contrat réglementé ne correspond pas à la nouvelle définition légale du contrat d’adhésion, parce que les stipulations essentielles n’ont pas été imposées par une partie, ni rédigées par elle, pour son compte ou suivant ses instructions, selon les termes de l’article 1379 du Code civil »[128]. Ces auteurs s’inscrivent donc dans un second courant de pensée selon lequel le contrat réglementé n’est pas un contrat d’adhésion, puisque ses termes sont imposés par une tierce partie[129].
[193] Nous sommes d’avis que ce second courant est davantage conforme à la notion de contrat d’adhésion et à l’objet des articles 1379 et 1435 du Code civil.
[194] Bien que l’on s’éloigne de la latitude laissée aux tribunaux à l’époque du Code civil du Bas-Canada, la philosophie du contrat d’adhésion n’a pourtant pas changé à savoir de protéger le public qui est normalement « l’économiquement faible ». Ce dernier est parfois protégé non pas par le Code civil mais par la loi ou un règlement ou par un organisme administratif comme l’Autorité des marchés financiers. Lorsque le contenu du contrat est dicté ou encadré par l’état nous ne sommes plus en présence d’un contrat d’adhésion, mais bien d’un contrat réglementé.
[195] Nous avons vu qu’un courtier en valeurs mobilières et leurs représentants sont dans une industrie hautement réglementée. On remarque un chevauchement étroit entre les pouvoirs de l’Autorité des marchés financiers et les organismes d’autoréglementation. Chacun occupant une place essentielle afin d’assurer la protection des investisseurs et des marchés financiers efficaces.
[196] Le législateur a reconnu les avantages de l’autoréglementation à savoir de laisser aux gens le plus près du marché le soin d’encadrer et de discipliner en première ligne leur industrie. On reconnaît cependant qu’une saine autoréglementation ne peut s’effectuer sans une supervision constante de l’État. Les intérêts privés ne doivent pas primer les intérêts des investisseurs et porter atteinte à la stabilité de nos marchés financiers.
[197] L’autoréglementation dans le secteur financier est la recherche perpétuelle d’un équilibre entre une réglementation directe de l’État et un encadrement de l’industrie par ses pairs. À défaut pour l’organisme d’autoréglementation d’adopter des règles efficaces en faveur des investisseurs, l’État interviendra afin d’assurer que ce but soit atteint.
[198] L’examen du cadre réglementaire québécois et la décision de reconnaissance nous ont persuadés que le contrat intervenu entre l’ACCOVAM et le demandeur est un contrat réglementé. La reconnaissance de l’organisme était en partie tributaire des mesures déjà en place et dont notamment l’assujettissement des membres, et ce, même après leur démission.
[199] Le concept de contrat d’adhésion ne doit pas servir à dépouiller l’investisseur québécois d’un encadrement adéquat des marchés financiers. « L’économiquement faible » n’est pas le professionnel de l’industrie des valeurs mobilières mais bien le public.
[200] On doit s’attendre à ce que le professionnel de l’industrie à qui on confie nos épargnes soit non seulement au fait de la finance, mais également de la réglementation et des règles de son propre organisme d’autoréglementation. Au plan pratique, le tribunal s’imagine mal comment l’industrie pourrait s’autoréglementer si l’on devait attirer l’attention du professionnel de l’industrie de l’adoption ou la modification d’un article parmi les milliers encadrant l’industrie sophistiquée des valeurs mobilières.
[201] Le demandeur a reçu l’autorisation d’agir à titre de représentant inscrit de l’ACCOVAM en vertu de la Loi sur les valeurs mobilières[130] en vertu de l’article 149. Le Règlement sur les valeurs mobilières prévoyait depuis 1983 à son article 197 que le formulaire 3 devait être utilisé par le candidat à l’inscription comme représentant d’un courtier. Ledit formulaire mentionne qu’il doit être utilisé par toute personne physique qui sollicite l’agrément auprès d’un organisme d’autoréglementation[131].
[202] On recommande au candidat, si nécessaire, de demander l’aide d’un dirigeant ou même celle d’un avocat. On doit rappeler que le demandeur est lui-même avocat. Ce dernier a déclaré sous serment être au fait des statuts, règles et règlements de l’organisme d’autoréglementation. De plus, il a accepté de s’y conformer et s’est engagé à se tenir au fait des modifications.
[203] À l’instar de la formation d’instruction, nous sommes d’accord que les Statuts de l’ACCOVAM et plus particulièrement l’article 7 du Statut 20, ne sont pas une stipulation essentielle qui a été imposée par l’organisme d’autoréglementation. La stipulation essentielle est celle qui impose à l’intimé et de manière plus générale au professionnel de l’industrie de connaître les Statuts, leurs modifications ainsi que l’engagement de s’y conformer.
[204] Pour ces motifs, nous concluons que le contrat entre l’ACCOVAM et ses membres n’est pas un contrat d’adhésion et que les statuts, règles et règlements de l’ACCOVAM sont opposables à monsieur Séguin, notamment l’article 7 du Statut 20 en vertu duquel l’ACCOVAM demeure compétente à l’égard de ses membres pour une période de 5 ans à compter du moment où la personne cesse d’être membre. La formation d’instruction de l’ACCOVAM s’est donc bien dirigée lorsqu’elle a conclu qu’elle avait compétence pour procéder sur la plainte datée du 8 décembre 2006.
Le moyen subsidiaire
[205] Le demandeur soutient que dans la mesure où l’on conclut qu’il est une personne relevant de la compétence de l’ACCOVAM en vertu de l’article 7 du Statut 20, le Bureau devra déterminer si le Statut 20 permet à l’organisme d’autoréglementation de sanctionner la conduite du demandeur non pas à titre de représentant inscrit, mais à titre de personne relevant de la compétence de l’ACCOVAM compte tenu du fait que les faits et gestes sont survenus alors qu’il n’était plus un représentant inscrit.
[206] On allègue à cet égard que l’article 33 du Statut 20 ne confère compétence à la formation d’instruction qu’à des personnes inscrites et non à l’égard de personnes relevant de la compétence de l’ACCOVAM.
[207] Nous sommes d’accord avec la position de la formation d’instruction qu’il serait illogique qu’elle puisse avoir juridiction pour trouver une personne en défaut de se conformer à un Statut mais qu’elle ne puisse imposer l’une des sanctions prévues au paragraphe 2 de l’article 33. Lorsqu’on mentionne la personne inscrite à l’article 33 du Statut 20, il s’agit évidemment de la personne relevant de la compétence de l’organisme d’autoréglementation. Ce moyen subsidiaire est rejeté.
Développements survenus pendant le délibéré
[208] Deux décisions importantes ayant été rendues pendant le délibéré, le tribunal a accepté que les parties commentent les décisions contradictoires rendues par des tribunaux supérieurs des autres provinces. Le procureur du demandeur demandait également que si le contexte législatif devait être retenu aux fins de déterminer l’assujettissement du demandeur au processus de comparution et de témoignage dans le cadre d’une enquête, le Bureau devrait suivre le raisonnement suivi par la majorité de la Cour divisionnaire de l’Ontario dans l’arrêt Taub.
[209] Dans le secteur des valeurs mobilières, l’étude d’une disposition comportera inévitablement l’étude du contexte législatif. La Cour suprême nous enseigne que l’on doit tenir compte du contexte législatif. L’honorable juge Iacobucci de la Cour suprême rappelait ainsi, dans l’arrêt Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers)[132], l’importance de tenir compte des objectifs de la législation en valeurs mobilières lors de l’étude d’une disposition :
« Comme je l'ai déjà mentionné, les lois sur les valeurs mobilières visent avant tout à protéger le public investisseur. Dans l'arrêt (Brosseau), notre Cour a reconnu l'importance de cet objectif lorsqu'il faut procéder à l'examen de décisions prises par des commissions des valeurs mobilières; le juge L'Heureux-Dubé, s'exprimant au nom de notre Cour, dit, à la p. 314:
D'une manière générale, on peut dire que les lois sur les valeurs mobilières visent à réglementer le marché et à protéger le public. Cette Cour a reconnu ce rôle dans l'arrêt Gregory & Co. v. Quebec Securities Commission, [1961] R.C.S. 584, dans lequel le juge Fauteux a fait remarquer à la p. 588:
[TRADUCTION] L'objet prépondérant de la loi est d'assurer que les personnes qui, dans la province, exercent le commerce des valeurs mobilières ou qui agissent comme conseillers en placement, sont honnêtes et de bonne réputation et, ainsi, de protéger le public, dans la province ou ailleurs, contre toute fraude consécutive à certaines activités amorcées dans la province par des personnes qui y exercent ce commerce.
Ce rôle protecteur, qui est commun à toutes les commissions des valeurs mobilières, donne à ces organismes un caractère particulier qui doit être reconnu lorsqu'on examine la manière dont leurs fonctions sont exercées aux termes des lois qui leur sont applicables. »[133]
[210] Le tribunal a donc analysé le contexte législatif afin de déterminer la norme de contrôle applicable et s’il s’agissait ou non d’un contrat d’adhésion. Nous en sommes venus à la conclusion qu’il s’agissait bel et bien d’une relation contractuelle tout en tenant compte de l’environnement législatif entourant l’encadrement des organismes d’autoréglementation.
[211] La question, à savoir si l’article 7 du Statut 20 serait contraire aux dispositions de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, n’a pas été soulevée par le demandeur devant la formation d’instruction ni lors des audiences devant le Bureau mais bien pendant le délibéré. On ne saurait lui en tenir rigueur compte tenu que la décision de la Cour divisionnaire de l’Ontario représentait un changement majeur au niveau jurisprudentiel canadien.
[212] Compte tenu de l’importance de la question soulevée par le demandeur et du fait que le Bureau a fait une étude exhaustive du contexte législatif entourant l’encadrement de l’organisme d’autoréglementation, nous allons répondre à cette question.
[213] Voici les commentaires de Me Philippe Frère[134] concernant l’impact de l’arrêt Taub dans le présent débat :
Lors de l’audience tenue devant vous, l’ACCOVAM a plaidé avec insistance que le contexte législatif devait être pris en compte aux fins de déterminer si M. Séguin demeure assujetti à l’obligation de comparaître devant l’enquêteur et fournir réponse à ses questions, malgré sa démission.
L’ACCOVAM a pourtant plaidé le contraire dans le dossier Taub, alors que le jugement rapporte :
“[38] The IDA submits it is entitled to rely on its bylaws permitting it to discipline former members; that its jurisdiction to do so flows from its by-laws and not from the Act. It says that by doing so, it does not contravene the Securities Act.”
ce qui est d’ailleurs conforme à la position développée par M. Séguin devant vous.
Or, voilà que la Cour supérieure de justice de l’Ontario est en désaccord avec cette proposition, au motif que :
“[40] Recognition of a self-regulatory organization under the Act makes the organization subject to the limitations and obligations of the Act. This legislative intent is reflected in s. 21.6 of the Act which requires that by-laws of self-regulatory organizations must not contravene Ontario securities law”
[…]
Si tant est que la position tenue par l’ACCOVAM devant le BDRVM soit retenue (i.e. que le contexte législatif doive être pris en compte aux fins de déterminer l’assujettissement de M. Séguin au processus de comparution et de témoignage dans le cadre d’une enquête), il faudrait alors qu’un raisonnement similaire à celui de la Cour supérieure de justice de l’Ontario soit adopté, car la Loi sur l’Autorité des marchés financiers ne présente pas de différence significative, en ce qui a trait aux dispositions pertinentes, avec celle de la Loi sur les valeurs mobilières (Ontario). Ainsi, l’article 21.1 (3) de la Loi sur les valeurs mobilières (Ontario) prévoit que :
“21.1 (3) Un organisme d’autoréglementation reconnu réglemente les activités ainsi que les normes d’exercice et de conduite professionnelle de ses membres et de leurs représentants, conformément à ses règlements administratifs, à ses règles, à ses règlements, à ses politiques, à ses procédures, à ses interprétations et à ses pratiques.”
alors que l’article 60 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers indique que :
“60. Une personne morale, une société ou toute autre entité ne peut encadrer ou réglementer la conduite de ses membres ou ses participants relative à l’exercice au Québec d’une activité régie par une loi visée à l’annexe 1 que si elle est reconnue par l’Autorité à titre d’organisme d’autoréglementation, aux conditions que cette dernière détermine.”
Si l’argument de l’ACCOVAM doit être retenu, il en découlerait donc - comme l’a conclu la Cour supérieure de justice de l’Ontario - que celle-ci ne peut discipliner un ancien représentant, et ce, tant pour les gestes posés alors qu’il était représentant que ceux posés après.
Nous soulignons en terminant que l’arrêt Taub n’a pas d’application directe à l’égard des propositions de droit de M. Séguin présentées au BDRVM. Toutefois, si l’argument développé à l’audience par l’ACCOVAM et portant sur l’importance de contexte législatif devait être retenu, nous en concluons qu’une conclusion similaire à celle tirée dans l’arrêt Taub devrait nécessairement en découler.
[214] Son collègue, Me Karl Delwaide, a commenté l’impact de l’arrêt Taub de la manière suivante[135] :
b) Il nous faut aussi constater que la décision Taub porte sur l’argument invoqué par Taub à l’effet qu’il y aurait lieu de déclare que les dispositions des Statuts de l’ACCOVAM visant à étendre sa juridiction sur les « anciens représentants inscrits » sont contraires à certaines dispositions du Ontario Securities Act… alors que dans le dossier dont vous êtes saisis, M. Séguin n’a aucunement demandé une telle déclaration à l’effet que l’article 7 du Statut 20 serait contraire aux dispositions de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers (« Loi sur l’AMF »). M. Séguin n’a en fait allégué que l’article 7 du Statut 20 lui serait inopposable parce que constituant une « clause externe » au contrat intervenu entre lui et l’ACCOVAM et que cette clause ne lui aurait pas été spécifiquement communiquée au sens des articles 1379 et 1435 du Code civil du Québec.
[215] En conclusion, la décision Taub n’ajoute rien aux prétentions de M. Séguin.
[216] La position de l’ACCOVAM est très claire, tant au Québec qu’en Ontario : sa juridiction à l’égard des « anciens représentants inscrits » découle tant de la loi que de la relation contractuelle intervenue entre la personne inscrite et l’ACCOVAM. Cette dernière peut donc voir sa position être retenue tant sur la base des deux approches que sur l’une seule d’entre elles, si le tribunal en rejetait une. Autrement dit, pour donner raison à M. Séguin, le Bureau se doit d’écarter et l’approche législative et l’approche contractuelle, dont notamment celles relatives au « contrat réglementé ».
[217] D’ailleurs, un regard plus attentif sur la décision Taub devrait convaincre que celle-ci n’est pas transposable comme telle au Québec. Dans sa lettre, Me Frère attire l’attention du Bureau notamment sur le paragraphe 40 de la décision Taub. Nous devons noter que l’article 21.6 du Ontario Securities Act auquel il est fait référence au dit paragraphe 40 ne trouve pas sont pendant dans la législation québécoise, à savoir la Loi sur l’Autorité des marchés financiers. Au contraire, une lecture attentive des articles 61, 68, 69, 70 et 77 de cette loi convainc que contrairement à l’article 21.6 de l’Ontario Securities Act (lequel impose une prohibition sans évaluation par la CVMO), les articles 61 , 68 , 69 , 70 et 77 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers confèrent à l’Autorité le pouvoir, et la discrétion en découlant, d’examiner et de réviser les documents constitutifs, le règlement intérieur et les règles de fonctionnement de l’ACCOVAM et ce, notamment pour déterminer s’ils rencontrent à sa satisfaction les objectifs fixés par la Loi et s’ils y sont conformes.
[218] S’il y a lieu d’aller encore plus loin dans notre examen, la décision Taub ne peut s’imposer en l’espèce puisque, de toute façon, indépendamment de la question de l’application du Statut 20 à partir de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, le Statut 20 demeure applicable à M. Séguin sur la base de la relation contractuelle intervenue entre lui et l’ACCOVAM.
[219] À ce sujet, l’ACCOVAM fait valoir qu’il est clair que c’est l’article 59 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers qui confère à cette dernière le pouvoir de reconnaître l’ACCOVAM comme organisme d’autoréglementation et que cet article n’est pas limitatif. Bien au contraire, puisqu’il s’agit d’un pouvoir de reconnaissance d’une organisation comme organisme d’autoréglementation, et que cette reconnaissance est faite dans l’intérêt du public (article 67), la Loi sur l’Autorité des marchés financiers et les pouvoirs conférés à un organisme d’autoréglementation doivent bénéficier d’une interprétation large et libérale. Ils ne doivent aucunement être interprétés comme faisant échec au fait qu’existe en parallèle une relation contractuelle entre la personne inscrite et l’ACCOVAM.
[220] En conclusion, sur le strict plan contractuel, M. Séguin a accepté (sous serment) les Statuts et règles de l’ACCOVAM, tels qu’ils sont ou seront à l’avenir, de même que la juridiction de l’ACCOVAM à son égard, ce qui inclut non seulement l’article 7 du Statut 20, mais aussi l’article 11 du Statut 18. En conséquence, en devenant une personne inscrite à l’ACCOVAM, M. Séguin a accepté contractuellement d’être lié à l’ACCOVAM et il a accepté aussi la juridiction de cette dernière pour toute la durée où il est un représentant inscrit de même que pour une période de cinq ans après sa « démission ». À tous égards et à l’instar de la Cour d’appel du Québec, il apparaît inacceptable que M. Séguin se dégage unilatéralement de ses obligations contractuelles qui visent, entre autres choses, à protéger le public.
[221] Le 31 octobre 2008, Me Delwaide envoyait au Bureau des commentaires concernant l’arrêt Dass rendu par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique.
[222] Le 6 novembre 2008, Me Frère a répliqué de la manière suivante :
« Monsieur Séguin ne remet pas en question son assujettissement à la compétence de l’ACCOVAM (à l’époque) pour la période au cours de laquelle il était un représentant inscrit. Il conteste le fait de demeurer assujetti à l’obligation de collaborer à une enquête après la rupture de la relation contractuelle entre lui et l’ACCOVAM.
Les deux décisions précitées, ainsi que celle déposée par Monsieur Séguin à l’audience dans l’affaire Letellier c. Bourse de Montréal confirment l’assujettissement d’une personne inscrite à la compétence de l’ACCOVAM (aujourd’hui OCRCVM) à l’égard des gestes posés alors que cette personne était un représentant inscrit, ce qui, nous le répétons, n’est pas remis en question par sa demande de révision. »
Est-ce que le contexte législatif québécois a pour effet de soustraire le demandeur à la juridiction de l’OAR ?
Analyse de l’arrêt Taub v. Investment Dealers Association of Canada[136]
[223] Les honorables juges Pierce et Hackland de la Cour divisionnaire de l’Ontario ont rendu jugement pour la majorité. Ils devaient se prononcer sur la question de savoir si l’IDA, dénomination anglaise de l’ACCOVAM, conservait compétence pour une période de cinq ans, à l’égard de représentants qui ont quitté l’industrie.
[224] Les magistrats rappellent tout d’abord que l’IDA est une association volontaire dont le caractère est la reconnaissance par l’organisme de réglementation. À l’image de la situation québécoise, la législation ontarienne prévoit également la reconnaissance des organismes d’autoréglementation. Le régulateur ontarien peut également imposer des conditions à l’organisme dans le cadre de sa demande de reconnaissance.
[225] Une telle reconnaissance affecte ainsi la relation contractuelle entre elle et ses membres. Contrairement à l’Alberta et la Saskatchewan qui ont adopté une disposition législative claire concernant le maintien de la juridiction de l’organisme d’autoréglementation de discipliner les anciens membres, la majorité en vient à la conclusion que l’IDA n’a pas compétence pour exercer de tels pouvoirs. Voici les paragraphes pertinents :
« [33] The IDA is a voluntary association. However its character changed when it sought and received recognition under s. 21.1 of the Securities Act. This section permits the Ontario Securities Commission to recognize self-regulatory organizations when it is in the public interest to do so. The Act also permits the Commission to impose terms and conditions on a self-regulatory organization as a term of recognition : see s. 21.1 (2).
[34] Recognition of a self-regulatory organization, such the IDA, affects the organization’s contractual relationship with its members. This alteration in relationship was discussed by the Ontario Court of Appeal in Morgis v. ThomsonKernaghan & Co. [2003] O.J. No. 2504 at para. 32. The court first observed that recognition of the IDA did not make it a statutory tribunal, but added:
“… it does not follow that the functions and responsibilities of the IDA are divorced from any statutory context. The IDA’s relationship with the Commission and its recognition as a self-regulatory organization under s. 21.1 of the Act link its activities to a statutory securities scheme which, under s. 21.1 of the Act, is designed to provide protection to all investors in Canada from unfair, improper or fraudulent practices and to foster fair and efficient capital markets and confidence in capital markets. As well, at the time of the incidents relevant to this action, the conduct of the IDA’s affairs and the nature of its regulatory functions were not exclusively self-selected. They were subject to the terms and conditions imposed by the Commission as a condition of recognition as a self-regulatory organization under s. 21.1 of the Act. In my view, those factors inform the analysis of the IDA’s status and duties as a regulator, notwithstanding that its relationship with its members is contractual in nature.”
[43] Ontario has not adopted a clear statutory provision that permits self-regulated organizations to discipline former members, unlike Alberta and Saskatchewan.
[44] In our view, the plain meaning of s. 21.1 (3) of the Act cannot be stretched to include the discipline of former members without doing violence to the meaning of the statute. “Members” and “former members” are not interchangeable terms. Such an interpretation of the governing statute is unreasonable. »[137]
[226] Il est utile de noter la dissidence de l’honorable juge Carnwath. Celui-ci note tout d’abord que la législation ontarienne confère à son régulateur la capacité de rendre toute décision relative aux règles, règlements et politiques d’un organisme d’autoréglementation. On peut ainsi inférer selon l’honorable juge Carnwath, que la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario a approuvé la règle maintenant la juridiction à l’encontre des anciens membres pour une période de cinq ans. Voici les commentaires de l’honorable juge Carnwath :
« [55] It may also be seen that the Act empowers the Commission, in its supervisory capacity, to “make any decision with respect to any by-law, rule, regulation, policy, procedure, interpretation or practice” of a recognized self-regulatory organization. By implication, the Commission must be deemed to have approved the impugned by-law 20.7(1) of the IDA’s by-laws, which provides persons like Mr. Taub remain subject to the possibility of sanction by the IDA for a period of five years after they cease to be a member.
[56] Moreover, the language of s. 21.1 (4) is sufficiently broad to justify the Commission’s construction of by-law 20.7(1) of the IDA quite apart from the deference owed to the Commission. »
[227] L’honorable juge Carnwarth s’inspire également de l’arrêt Pezim à l’effet qu’on doit interpréter une législation, comme celle des valeurs mobilières, dans son contexte factuel et réglementaire. Il rejette la position de la majorité à l’effet que la question en litige se résume à qui peut être réglementé ? Pour lui, la véritable question en litige est à savoir si le règlement accordant à l’ACCOVAM la capacité de sanctionner un membre qui a démissionné respecte le but de la législation en valeurs mobilières à savoir la protection des investisseurs contre les pratiques déloyales et de promouvoir la confiance dans nos marchés financiers. Voici comment on doit aborder une telle question :
« [58] In Pezim, above, at p. 408, the Supreme Court of Canada held, as follows :
It must also be noted that the definitions in the Act exist in a factual and regulatory context. They are part of the larger regulatory framework discussed above. They are not to be analyzed in isolation but rather in their regulatory context. This is something that requires expertise and thus falls within the jurisdiction of the Commission. This is yet another basis for curial deference.
[59] Finally, the Court noted in Pezim, above, at p. 409 :
Where a tribunal plays a role in policy development, a higher degree of judicial deference is warranted with respect to its interpretation of the law.
[61] The majority says the issue before the Commission is who determines who can be regulated. I respectfully disagree. The issue is whether the by-law extending Mr. Taub’s capacity to be sanctioned following resignation carries out the purpose of the legislation, i.e. to protect investors from improper practices and to foster confidence in capital markets. »
[228] L’ironie de la conclusion de la majorité dit-il, est qu’elle frustre le but de la législation. Permettre à un membre d’une organisation de démissionner afin d’éviter une sanction à l’encontre d’un manquement peut difficilement être dans l’intérêt des investisseurs et favoriser la confiance dans les marchés financiers.
[229] Il rejette la position prise dans l’arrêt Chalmer, car celui-ci fait fi de l’élément de dissuasion. Citant l’arrêt Cartaway, il est évident, selon l’honorable juge Carnwarth, que la possibilité d’éviter des sanctions pour une conduite répréhensible par une simple lettre de démission mine la confiance du public dans les marchés financiers. Par ailleurs, une telle interprétation empêcherait l’organisme d’autoréglementation de remplir sa mission de protéger le public. Voici certains passages éloquents du savant juge :
« [62] The irony of the majority’s conclusion is that if frustrates the purposes of the legislation. Allowing a member to resign and therefore escape sanction for improper acts committed while a member of an SRO can hardly be said to protect investors and foster confidence in capital markets.
[63] I note that in Cartaway, above, the Supreme Court of Canada found general deterrence to have a role to play in the policing of capital markets.
[68] The IDA was not created nor incorporated by statute. The by-law which “purported” to maintain disciplinary jurisdiction over Mr. Taub, following his resignation, was one which he contractually bound himself to observe. As noted earlier, the By-law was implicitly approved by the Commission. The Commission is to foster and maintain public confidence in financial markets. Its review of the IDA by-law must have persuaded the Commission that the by-law met IDA’s obligations imposed by s. 21.1(3) of the Act.
[69] The IDA accomplishes the regulation of its members by, among other things, requiring them to submit to post-membership discipline where appropriate. It is obvious to a member that misconduct as a member can not escape sanction by resignation. The effect of the by-law is akin to that described by Samuel Johnson - the prospect of hanging wonderfully concentrates the mind.
[70] It is puzzling that the Court of Appeal, in Chalmers, chose to ignore the element of general deterrence in disciplining members of SRO’s. The Court concentrated on the futility of expulsion where one was no longer a member. Surely, a finding of misconduct on the part of a former member would carry with it the opprobrium of that finding for the individual and the warning to others of a like mind who remain members of the IDA, as discussed in Cartaway, above. Certainly, the public would have less confidence in capital markets where sanctions for misconduct could be avoided by a simple letter of resignation.
[74] The Commission specifically noted in its decision that it would be contrary to the public interest to allow the appellant to avoid regulation by simply resigning his membership in the IDA. The interpretation of s. 21.1 (3) advanced by Mr. Taub would undermine the IDA’s ability to discipline its members and would be inconsistent with its obligations to protect the public interest. »
Analyse de l’arrêt Investment Dealers Association of Canada v. Dass de la Cour d’appel de la Colombie-Britannique
[230] Peu de temps après l’arrêt Taub, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a rendu une décision contraire dans l’affaire Investment Dealers Association of Canada v. Dass[138].
[231] La Cour d’appel a tout d’abord reconnu l’organisme d’autoréglementation comme une organisation volontaire dont la relation avec ses membres est contractuelle. À titre d’organisme d’autoréglementation reconnu, l’IDA joue un rôle important de réglementation de l’industrie au niveau national. La Cour d’appel décrit ainsi les liens existants entre l’organisme et ses membres :
« [5] The IDA is a voluntary organization. Its relationship with its members is contractual. It is recognized as a “self regulatory body” (I will adopt the acronym used by the parties, “SRO”) pursuant to s. 24 (a) of the Securities Act, R.S.B.C. 1996, c. 418 (“the Act”), and as such plays a role in the regulation of the securities industry nationally. Its nature and functions were comprehensively described in Ripley v. Investment Dealers Association of Canada (No. 2) (1991), 108 N.S.R. (2d) 38, 294 A.P.R. 38 (C.A.), leave to appeal to S.C.C. refused, (1992), 113 N.S.R. (2d) 90, 139 N.R. 399, at paras. 21-23. […]
[22] The nature of associations such as the IDA was considered by the Supreme Court of Canada in the case of Orchard v. Tunney (1957), 8 D.L.R. (2d) 273:
“In the absence of incorporation or other form of legal recognition of a group of persons as having legal capacity in varying degrees to act as a separate entity and in the corporate or other name to acquire rights incur liabilities, to sue and be sued, the group is classified as a volunteer association. There are many varieties of this class ranging from business partnerships, labour unions, professional, fraternal and religious societies to social clubs…” (page 278)
[23] Principles governing the relationship among the various members of voluntary organizations such as the IDA were considered in Stephen v. Stewart, [1994] 1 D.L.R. 305 where MacDonald, C.J.B.C., said in the British Columbia Court of Appeal:
“A volunteer organization, having no legal entity, has its most familiar form as a members club. Decisions on such clubs show that the relation of members to each other is purely contractual, the contract being found in the constitutional rules which they adopt.” (page 311)
To similar effect is Morgis v. Thomson Kernaghan & Co. Ltd. (2003), 65 O.R. (3d) 321, 174 O.A.C. 104 (C.A.), leave to appeal to S.C.C. refused (April 8, 2004), N° 29950 [“Morgis” cited to O.R.]. In that case, the court confirmed at para. 10 that:
Membership in the IDA is voluntary. It is based on the contractual commitment of members to abide by the constitution, regulations, rules and by-laws of the association. The IDA is note created by and does not derive its authority from statute. Rather, it operates under the authority of its own constitution and is recognized under some securities legislation. »
[232] La Cour d’appel rappelle qu’en révision judiciaire d’une décision de la commission de la Colombie-Britannique et non d’une révision administrative comme dans le présent dossier, la norme de contrôle est celle du caractère raisonnable. Il ne s’agit pas d’une interprétation d’une disposition générale ayant une importance centrale pour le système juridique dans son ensemble, mais bien de l’interprétation faite par un tribunal spécialisé de sa propre législation. Cette retenue face aux décisions d’un tribunal spécialisé dans le secteur des valeurs mobilières tient également aux éléments suivants :
· La nature réglementaire de la législation.
· Le fait que cette industrie est encadrée par des organismes de réglementation et d’autoréglementation.
· La nature complexe et hautement spécialisée du cadre réglementaire de cette industrie.
· Le mandat très large confié par la législation au régulateur de protéger l’intérêt public.
· La législation ne doit pas être analysée de manière isolée, mais dans un contexte factuel et réglementaire, un exercice qui exige une expertise particulière.
· La jurisprudence reconnaît cette retenue.
[233] La Cour d’appel rappelle que l’arrêt Pezim de la Cour suprême du Canada statuait que le but de la législation en valeurs mobilières est la protection des investisseurs, l’efficacité des marchés et la confiance des investisseurs dans le système financier. Il est évident, pour la Cour d’appel, qu’une partie intégrale de ces objectifs repose sur l’encadrement des personnes employées dans l’industrie. La reconnaissance d’un organisme d’autoréglementation signifie que le régulateur reconnaît celui-ci comme une composante acceptable de l’encadrement des marchés financiers. Voici les commentaires de la Cour d’appel :
« [29] […] However, the question at issue in this case is not such a question. Whether s. 26(1) of the Act limits the jurisdiction of the IDA as contended by the appellant is not a question of general law that is of central importance to the legal system as a whole nor is it one that is outside the Commission’s specialized area of expertise. Rather, I agree with the respondents that the question is one of statutory interpretation by a specialized tribunal of its own statute and that judicial precedents indicate such questions should be reviewed on a standard of reasonableness.
[31] […] Briefly, it observed that the following factors point to a deferential standard of review: the regulatory nature of the Act; the fact that the regulation of the securities industry in Canada is carried out through a number of governmental agencies, like the Commission, and by several self-regulatory agencies; the fact that the complex and highly specialized regulatory scheme for the securities industry requires specific knowledge and expertise; the Act gives the Commission a very broad mandate to protect the public interest; the provisions of the Act must not be read in isolation but in their factual and regulatory context, an exercise that requires expertise; several previous court decisions have been based on deference towards the decisions of securities commissions; and the fact that the Commission plays a role in policy development (at 589-596). Thus, the Court concluded, decisions falling squarely within the expertise of the Commission generally warrant judicial deference.
[34] Returning to the case at hand, s. 26(1) is contained in Part 4 of the Act, which provides for a self-regulatory scheme supervised by the Commission. The goals of the Act were identified in Pezim as primarily the protection of investors and, in addition the ensuring of capital market efficiency and public confidence in the system (at 589). It is self-evident that an integral part of these goals is the regulation of the conduct of persons employed in the securities industry. Thus, the question in issue here, whether s. 26(1) limits the disciplinary jurisdiction of the IDA to current members despite their contractual submission to jurisdiction for five years after termination of membership, is at the core of the Commission’s function and expertise. In my view, this question is within a category for which Pezim and Re Cartaway have established a standard of review of reasonableness.
[37] […]It referred to Ripley and Morgis and concluded that “[t]he courts have considered whether the IDA’s powers are statutory or derive from contract on several occasions, and have consistently found that the IDA’s jurisdiction is founded on its contract with its members” (para. 22).
[38] […] It considered the discussion in Morgis of the self regulatory scheme under the Ontario statute in the context of the comprehensive scheme of securities regulation described in Pezim and concluded that recognition of an SRO by the Commission “means that the Commission acknowledges the self regulatory body to be an acceptable component of that regulatory scheme” (para. 28).
[39] The Commission examined the language of s. 26(1) and concluded the purpose of the section was not to authorize SROs to regulate their members, as the appellant contended, but was to impose a duty on them to regulate their members (para. 38). Accordingly, it concluded that the omission of the words “former members” from the section was not significant (para. 41).
[41] […] The Commission distinguished this decision on the basis that, unlike s. 26(1) of the Act, the special Act granted the TSE power to regulate its members and, since its powers derived from that Act, the case was not applicable to the IDA, which derives its powers from its contract with its members, not from statute (para. 49).
[46] Further, the result is acceptable. By way of contrast, a decision that the IDA could not discipline former members despite their agreement to submit to IDA jurisdiction for five years after termination of their membership would undermine the regulatory scheme. A non-compliant member would be able to avoid any oversight of his conduct simply by resigning and any general deterrence to be gained by findings of misconduct and consequential penalties would be lost. Such a result would diminish investor protection and damage public confidence in the regulatory system. It would accordingly be unacceptable to hold that the appellant could so easily shed himself of a contractual commitment entered into in part for the protection of the investing public.
[234] La Cour d’appel a conclu que la décision de la Commission des valeurs mobilières de la Colombie-Britannique était raisonnable[139]. La Cour note qu’elle n’a pas à se prononcer en vertu du critère de la correcte, mais que si elle avait eu à le faire la conclusion aurait été que la commission n’a pas erré en droit. Elle dispose ainsi de cette question :
« [48] Given that conclusion, it is not necessary to deal with the appellant’s submission that the Commission erred in law and stands to be corrected in the Court. Suffice it to say that if the standard of review were correctness I would not accede to the appellant’s submission. In my view, no error of law has been identified. »
[235] La Cour d’appel est d’avis que la majorité dans l’arrêt Taub a mal interprété l’arrêt Morgis. La reconnaissance d’un organisme en vertu de la législation en valeurs mobilières n’altère pas la nature contractuelle entre l’organisme et ses membres. La Cour d’appel conclut ainsi que la position de la majorité des juges de la Cour divisionnaire n’est pas convaincante :
« [55] I my view, the passage in Morgis upon which the majority in Taub relied does not support the proposition that recognition under the statute changes the character of the IDA and alters its contractual relationship with its members. Indeed, in the passage immediately preceding the quoted passage, the court in Morgis affirmed that the IDA is a voluntary organization and that its regulatory duties are not statutorily derived. […]
[57] Accordingly, with respect, I do not find the majority reasons in Taub persuasive and they do not dissuade me from my view that the decision of the Commission in the case at bar was reasonable. »
[236] L’ACCOVAM a, le 11 septembre 2009, attiré l’attention du tribunal au sujet des décisions Mechaka et Taub de la Cour d’appel de l’Ontario. On allègue que ces décisions ont une incidence directe sur les questions soulevées par M. Séguin. Le demandeur a envoyé le 18 septembre 2009 les commentaires suivants concernant l’arrêt Taub et la décision Mechaka. :
« Je désire souligner, encore une fois que la situation de de M. Louis-Philippe Séguin se distingue de celle des intimés Mechaka et Taub en ce que ceux-ci prétendaient que leur démission de l’ACCOVAM (aujourd’hui l’ORCVM) entraînait la perte de compétence de cette dernière à l’égard des gestes commis alors qu’ils étaient des personnes inscrites, ce que ne prétend pas monsieur Séguin.
Monsieur Séguin soulève l’argument voulant que sa conduite subséquente à sa démission ne peut être assujettie à la compétence de l’ACCOVAM et ce, pour les motifs plaidés à l’audience. Ni l’une ni l’autre de ces décisions ne traitent de cet argument.
Par contre, vous pourrez noter de la décision Mechaka que :
- L’ACCOVAM peut imposer des sanctions disciplinaires aux personnes inscrites en raison d’agissements ou d’événements survenus alors qu’ils [elles] avaient l’autorisation d’agir pour ces courtiers (par. 296);
- La relation entre l’ACCOVAM et les personnes inscrites est contractuelle (part. 293);
- L’article 1434 du Code civil du Québec s’applique à ce contrat (par. 303);
- Une personne inscrite (ou anciennement inscrite) peut demander l’irrecevabilité de procédures disciplinaires lorsque les règles de maintien de la compétence « ont été adoptées, ou qu’elles lui ont été appliquées, en contravention de l’obligation contractuelle de l’Association d’agir légalement. » (par. 310).»
[237] Le 19 octobre 2009 l’organisme d’autoréglementation a répliqué avec les arguments suivants :
Les commentaires de Me Frère à sa lettre du 28 septembre 2009 omettent deux principes fondamentaux dont il faut absolument tenir compte en l’espèce :
a) D’abord, l’engagement contractuel, pris sous serment, par M. Séguin non seulement à l’effet qu’il s’engage à respecter les Statuts, Règlements et ordonnances de l’ACCOVAM, mais aussi qu’il les connaît bel et bien et va s’en tenir informé; et
b) Ensuite, la nature de « contrat réglementé » applicable à l’espèce.
Ainsi, aucun des commentaires de Me Frère ne peut écarter les éléments suivants :
a) l’article 11 du Statut 18 (qui ne fait l’objet d’aucune allégation de la part de M. Séguin à l’effet que cette disposition ne lui aurait pas été communiquée, à supposer même qu’une allégation de ce type soit recevable pour quelque disposition de quelque statut ou règlement de l’ACCOVAM);
b) L’obligation de se conformer aux Statuts, Règlements, etc. de l’ACCOVAM (que l’on retrouve à l’article 11 du Statut 18) inclut nécessairement le Statut 19, où se trouve l’obligation de collaborer à une enquête (notamment en comparaissant devant les enquêteurs et de donner les renseignements requis par ceux-ci); et
c) Ces engagements contractuels dont le devoir de se conformer aux Statuts et Règlements de l’ACCOVAM (que l’on retrouve à l’article 11 du Statut 18), incluent évidemment au même titre l’article 7 du Statut 20 (la disposition relative à la juridiction de l’ACCOVAM sur les anciens membres et les anciennes personnes inscrites).
Enfin, à l’instar de ce qui est mentionné par la formation d’instruction du Québec au paragraphe 207 de la décision Mechaka, aucun des commentaires de Me Frère ne permet d’écarter cet énoncé de la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Letellier :
« Mais si Letellier a raison lorsqu’il affirme que la Bourse n’a aucune compétence sur un ex-membre, la démission - si elle est possible en l’absence de l’approbation de la Bourse - produirait le même effet et cette personne échapperait ainsi à toute responsabilité. Sans même invoquer des notions de protection du public, il m’apparaît inacceptable qu’une partie se dégage unilatéralement de ses obligations contractuelles. ».
Une notion similaire est reprise au paragraphe 44 de l’arrêt Taub.
En conclusion, les engagements contractuels de M. Séguin incluent l’obligation de respecter les Statuts et Règlements de l’ACCOVAM, lesquels Statuts incluent l’obligation de collaborer (et de comparaître) à une enquête, lesquelles obligations valent pour une période de cinq ans suivant la démission.
L’affaire Mechaka
[238] L’affaire Mechaka[140] est intéressante car celui-ci invoquait, comme monsieur Séguin, que l’interprétation de l’arrêt Taub de la Cour divisionnaire devrait avoir un impact à l’égard de son assujettissement. Dans cette affaire, une formation d’instruction était saisie d’un Avis d’audience à l’encontre de l’intimé lui reprochant quelque 13 contraventions à certaines dispositions de la Loi sur les valeurs mobilières[141] et des statuts, règlements, formulaires, normes ou principes directeurs régissant les courtiers membres de l’Association.
[239] L’Organisme alléguait que la plupart des manquements reprochés ont été commis alors que l’intimé se trouvait à l’emploi d’une firme de courtage en valeurs mobilières. La formation d’instruction rappelle[142] que pour obtenir son inscription comme représentant auprès de la Commission des valeurs mobilières du Québec (la « CVMQ ») et l’autorisation de l’Association d’agir pour l’un de ses membres, l’intimé a dû présenter une Demande uniforme d’inscription ou d’agrément pour les personnes physiques (la « demande d’inscription ou d’agrément ») dûment complétée, signée par lui et assermentée, substantiellement en la forme prévue à l’époque au Formulaire 3 prescrit par le Règlement sur les valeurs mobilières.
[240] Ce formulaire contenait la reconnaissance du candidat à l’effet qu’il est au fait des statuts, règles, règlements de l’organisme d’autoréglementation et de ce tenir au fait de leur modification.
[241] Mechaka soutenait qu’aux termes de l’article 60 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, l’Association et l’Organisme ont le pouvoir d’adopter des règles et d’encadrer la conduite de personnes qui en sont membres relativement à l'exercice au Québec d'une activité régie par la législation en valeurs mobilières. Toutefois, ce pouvoir n’existerait pas à l’égard de ceux qui n’en sont plus membres.
[242] L’intimé alléguait devant la formation d’instruction que les dispositions de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers (dont l’article 60) qui au Québec, habilitent l’Association à agir comme organisme d’autoréglementation («OAR»), sont rédigées en des termes qui sont pratiquement les mêmes que ceux des dispositions que la législation ontarienne sur les valeurs mobilières. À cet égard, il invoque que la Cour divisionnaire de l’Ontario dans l’arrêt Taub a jugé que l’article 21.1 de la législation ontarienne ne permettait pas à l’OAR de maintenir sa juridiction face à un ancien membre.
[243] Mechaka soutenait que ce même raisonnement devrait être suivi au Québec, et que la formation d’instruction devait conclure que l’Association avait outrepassé les pouvoirs que lui reconnaissait l’article 60 de la Loi en adoptant et en cherchant à appliquer les Règles de maintien de compétence dont elle s’est autorisée pour initier des procédures contre lui dans ce dossier[143]. Il s’ensuivrait, selon l’intimé, que ces Règles ne peuvent lui être opposées, et qu’elles sont inexécutoires.
[244] L’Organisme plaidait que les règles adoptées par l’Association font partie de ce contrat et que l’intimé s’est engagé à les respecter et qu’il a accepté la compétence disciplinaire de la formation d’instruction en cas de contravention à ces règles.
[245] Il a ajouté l’argument à l’effet que les Règles de maintien de compétence ont été valablement habilitées et qu’elles sont intra vires des pouvoirs de réglementation de l’Association en vertu du contrat qui l’unit à ses Réglementés compte tenu du fait que l’Acte constitutif de l’Association prévoit que l’adoption de règles concernant la prise de mesures disciplinaires et l’imposition de sanctions à l’encontre d’anciennes personnes autorisées font partie de ses objets[144].
[246] La formation d’instruction devait répondre aux questions suivantes :
1. L’Association avait-elle l’autorité requise pour adopter validement des règles maintenant sa compétence et celle de sa formation d’instruction pour traduire en discipline une ancienne personne autorisée?
2. Les Règles de maintien de compétence adoptées par l’Association respectent-elles la législation en valeurs mobilières du Québec et le Titre III de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, et sont-elles opposables à l’intimé à toute époque pertinente aux procédures intentées contre lui dans la présente affaire?
3. L’Organisme peut-il aujourd’hui exercer la compétence de l’Association qu’il a remplacée, afin de pouvoir continuer ces procédures?
[247] La formation d’instruction a tout d’abord fait un rappel exhaustif du régime québécois d’autoréglementation en valeurs mobilières[145]. Elle souligne que lorsqu’un candidat demande son adhésion auprès de l’OAR et que ce dernier accepte de reconnaître cette personne, un contrat réglementé valide et exécutoire intervient entre eux[146]. Ce contrat par ailleurs a des impacts face aux autres personnes réglementées de l’Association.
[248] On note par ailleurs que la justice disciplinaire de l’Association repose en grande partie sur les règles auxquelles le candidat s’est volontairement soumis[147]. On rappelle que l’Association a été créée en 1916, sous forme d’association sans but lucratif dépourvue de personnalité juridique. Elle a conservé cette structure d’organisation jusqu’à ce que l’Organisme canadien de réglementation des valeurs mobilières lui succède, le 1er juin 2008. On note ainsi l’importance de ce regroupement canadien :
«72. C’est un groupement volontaire (voluntary organization) pancanadien qui a assuré une présence au Québec depuis sa création.
73. En qualité d’OAR en valeurs mobilières reconnu, l’Association est perçue, et traitée par la loi, comme une organisation qui s’acquitte de fonctions d’intérêt public. Cette réalité est encore plus évidente lorsque l’organisme exerce des pouvoirs que le régulateur lui a formellement délégués et qu’il agit alors en ses lieux et place.26
74. Malgré ce fait, l’Association conserve tout de même son caractère propre et sa structure d’entité de droit privé.»
[249] La formation a souligné le caractère hybride de l’Association qui participe à la fois du droit privé et du droit public[148]. Pourtant souligne-t-elle l’autoréglementation des membres provient de son acte constitutif ou du contrant liant l’Association et ses membres et non du droit des sociétés[149]. Bien que les règles de l’Association ne visent en principe que les cocontractants, elles ont pour effet indirect de protéger les clients de la personne inscrite et le public en général[150]. La formation d’instruction note que les arrêts Senez c. Chambre d’Immeuble de Montréal[151] et Letellier c. Bourse de Montréal[152]ont reconnu que la capacité des regroupements volontaires, conférée par contrat, permet d’encadrer les membres et accorde aux tribunaux domestiques une juridiction disciplinaire permettant de sanctionner le non-respect des règles.
[250] La formation d’instruction s’est prononcée à l’effet que l’Acte constitutif de l’OAR confère juridiction à celle-ci afin de traduire en discipline et imposer des sanctions disciplinaires à des personnes auparavant autorisées, pour des gestes survenus alors qu’elles étaient dans l’industrie. Une telle juridiction est parfaitement conforme aux objets de l’Association. Voici le passage pertinent de la décision :
« 90. À la lecture de ces dispositions, il ne saurait faire de doute que l’Acte constitutif de l’Association habilite celle-ci à adopter et appliquer des règles pour traduire en discipline et, aux termes d’un processus mis sur pied à cette fin, pour imposer des sanctions disciplinaires à d’anciennes personnes autorisées de ses courtiers membres, à raison d’agissements ou d’événements survenus alors qu’ils avaient l’autorisation d’agir pour ces derniers.
91. Dans ce contexte, les Règles de maintien de compétence de l’Association et leurs modalités d’application cadrent parfaitement avec les objets que l’Association a la capacité de réaliser. »
[251] La formation d’instruction s’est attardée sur les caractéristiques propres des organismes d’autoréglementation en valeurs mobilières. Citant l’International council of Securities Association on note qu’il s’agit d’organismes non gouvernementaux ayant les caractéristiques suivantes : 1) ils partagent des objectifs de politiques d’intérêt public visant à rehausser l’intégrité et l’efficacité des marchés ainsi que la protection des investisseurs; 2) ils sont activement encadrés par un régulateur constitué par l’État; 3) ils ont une reconnaissance conférée par la loi et/ou exercent des pouvoirs délégués; 4) ils adoptent des règles et des règlements à l’égard des firmes et des individus sujets à leur juridiction ; 5) ils s’assurent du respect de ses règles et règlements; 6) ils ont la capacité de traduire en discipline ceux qui violent les règles et règlements; 7) ils ont des membres de l’industrie sur leur conseil ou ceux-ci ont un rôle significatif au niveau de la gouvernance; 8) ils maintiennent une structure, des politiques et des procédures propres à encadrer les conflits d’intérêts découlant à la fois de leurs activités commerciales et de réglementation[153].
[252] La formation note que les opérations de l’ACCOVAM décrites dans l’arrêt Ripley v. Pommier et al. sont représentatives des caractéristiques ci-haut énoncées[154]. Elle ajoute les articles 59 et 60 s’appliquent donc à l’organisme[155].
[253] L’obligation pour un organisme d’autoréglementation d’assurer une discipline a fait, selon la formation d’instruction, l’objet d’une étude attentive de la part du régulateur de marché[156]. La décision de reconnaissance de la part de l’Autorité confirmait, aux dires de la formation, que les Règles de maintien de la juridiction étaient nécessaires et qu’elles devaient être appliquées[157]. La formation d’instruction conclut de la manière suivante :
«116. Pour toutes ces raisons, nous concluons que l’Association était légalement autorisée à adopter et à appliquer ses Règles de maintien de compétence depuis sa reconnaissance le 13 juillet 2004, et qu’elle l’est demeurée par la suite. […]
131. En réponse à la première question en litige que nous avons identifiée, nous concluons que l’Association avait l’autorité suffisante pour adopter validement et qu’elle détenait les autorisations requises pour appliquer au Québec, pendant toute la période visée par l’Avis d’audience, des règles maintenant sa compétence et celle de sa formation d’instruction dans le but de pouvoir traduire en discipline une ancienne personne autorisée dans un délai de 5 ans à compter du moment où elle a cessé de l’être, à raison de manquements survenus alors qu’elle était titulaire de cette autorisation. »
[254] La formation a par la suite répondu à la deuxième question à savoir et si les règles de maintien de la compétence adoptées par l’OAR en vertu de son acte constitutif sont conformes à la législation québécoise et le cas échéant exécutoire[158]?
[255] On rappelle à cet égard que l’acceptation par l’Association de la demande Mechaka constitue un contrat valable entre les parties[159]. Dans ce contrat l’intimé a reconnu connaître les règles de l’Association et il accepté de s’y conformer. Par ailleurs, Mechaka s’est engagé à se tenir au fait des modifications et a reconnu la compétence de l’Association aux fins disciplinaires.
[256] La formation d’instruction est d’avis qu’en principe toutes les règles adoptées par l’Association font partie du contrat conclu avec ses réglementés[160]. Ce contrat n’est pas unilatéral, en vertu de l’article 1380 du Code civil du Québec, car les obligations incombent aux deux parties[161]. Le respect des règles par les membres apporte en contrepartie à ces derniers le droit de bénéficier des avantages et privilèges découlant de leur statut[162]. La formation note que ces avantages et privilèges ont été considérés comme par des tribunaux comme étant un motif additionnel du maintien de la juridiction.
[257] La formation d’instruction note que le contrat réglementé répond aux règles générales d’interprétation des contrats. On souligne que le Code civil du Québec nous enseigne à son article 1426 que l’on doit dans l’interprétation des contrats tenir compte de sa nature, des circonstances, de l’interprétation que les parties lui ont donnée ainsi que des usages[163].
[258] Le contrat oblige les parties non seulement pour ce qui est exprimé mais également pour tout ce qui découle d’après sa nature, les usages, l’équité ou la loi[164]. Voici les commentaires de la formation d’instruction concernant cette dernière règle :
«145. Cette règle s’applique au Contrat intervenu entre l’Association et l’intimé, lorsque celui-ci ou ses règles sont silencieux sur un point (Seney c. Chambre d’Immeuble de Montréal (1980) 2 R.C.S. 555 , 567). Elle fait en sorte que toutes les dispositions qui, selon les usages, l’équité ou la loi elle-même, font implicitement partie des conventions que les parties ont voulu conclure sont censées incluses à ce Contrat sans nécessité d’en faire mention.
146. Ces dispositions implicites lient les parties au même titre que les dispositions expresses, et l’une ou l’autre peut en exiger l’exécution si elle a l’intérêt requis pour ce faire.
147. L’intimé a essentiellement soutenu devant nous que l’Association ne pouvait obtenir contre lui en discipline, dans le but de se donner compétence, l’exécution d’une règle contractuelle qui est incompatible avec une disposition de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers.
148. Vu les règles supplétives du Code civil du Québec qui s’appliquent au Contrat réglementé, il faut lui donner raison sur le fond de cet argument, car il est implicite que le Contrat réglementé auquel l’Association est partie lui impose, au bénéfice des Réglementés et du public, d’agir conformément à la loi.
149. Cette conclusion s’infère du principe voulant qu’en vertu du contrat qui l’unit à ses Réglementés et conformément à son Acte constitutif, l’Association a le devoir d’adopter et d’appliquer des règles qui viennent aider à la poursuite d’objets qui sont reliés à la mission de l’Autorité (art. 59 LAMF).
150. Il est également inhérent à ce contrat que dans sa fonction d’autoréglementation, l’Association soit obligée de faire ─ à tout le moins ─ ce qui en est requis par la loi ou formellement exigé d’elle par son régulateur dans l’exercice de ses pouvoirs de supervision.
151. Les conditions de reconnaissance de l’Association confirment d’ailleurs l’existence de ce devoir dans sa fonction de réglementation, lorsqu’elles lui imposent d’appliquer à ses membres et aux personnes autorisées des règles qui assurent, à leur endroit, l’application de la législation en valeurs mobilières.
152. On voit mal comment on pourrait, dans ces circonstances, lui reconnaître une capacité d’adopter des règles qui viendraient contrevenir à cette législation ou, en sa qualité d’OAR reconnu, à la Loi sur l’Autorité des marchés financiers.»
[259] La formation d’instruction souligne qu’elle doit faire preuve de déférence face à la détermination qui a été faite par le régulateur créé par l’État à savoir l’Autorité des marchés financiers. En conséquence, à défaut d’une preuve contraire qui incombe à l’intimé, une règle de l’Association qui a été approuvée par l’Autorité est présumée exécutoire à l’encontre d’une personne réglementée[165]. La formation note toutefois que si l’organisme s’est appuyé sur une règle contractuelle qui va à l’encontre de la loi, elle pourra déclarer une règle non exécutoire à l’encontre d’un intimé et rejeter la demande de l’OAR sur requête en irrecevabilité[166].
[260] La formation explique ainsi cette obligation pour l’Association d’agir conformément à la législation découle premièrement de la déférence qu’elle doit au régulateur et de son obligation d’agir conformément au texte législatif[167]. Par ailleurs, l’Association a l’obligation contractuelle d’édicter des règles « dont le but ou le domaine d’applications sont conformes à la législation qui encadre son activité d’autoréglementation. C’est son «obligation de conformité législative » »[168]. Elle ajoute l’Association ne peut adopter des règles qui sont incompatibles ni en contradiction expresse avec la législation en valeurs mobilières[169].
[261] On ne peut permettre à l’Association de déroger par le biais de son contrat réglementé à l’application de deux lois d’ordre public à savoir la Loi sur les valeurs mobilières et la Loi sur l’Autorité des marchés financiers[170].
[262] La formation d’instruction a rejeté la prétention de Méchaka que les règles de maintien de la compétence sont incompatibles sur un point important ou en contradiction expresse avec l’article 60 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers. La formation rappelle ainsi le but des Règles de maintien de compétence :
«183. Les Règles de maintien de compétence de l’Association procèdent d’une volonté d’assurer une protection efficace des clients des courtiers en valeurs mobilières et du public en général, en maintenant l’obligation des Réglementés de rendre compte de toute conduite contraire aux règles pour une période de 5 ans après avoir quitté les rangs de l’Association.
184. Ces RMC offrent à l’Association l’avantage de s’acquitter plus efficacement des fonctions et pouvoirs qui lui sont reconnus par le régulateur à l’égard des personnes dont l’inconduite n’est découverte qu’après qu’elles aient volontairement ou involontairement cessé d’agir comme personne autorisée ou représentant inscrit.
185. Elles permettent également d’établir une situation de chose jugée disciplinaire relativement à un manquement aux règles ou à la législation en valeurs mobilières, laquelle peut ensuite être prise en compte afin d’évaluer l’aptitude d’une ancienne personne autorisée à revenir dans l’industrie et à se réinscrire comme représentant.
186. Sous cet angle, les RMC respectent les objectifs d’autoréglementation énoncés à l’Acte constitutif et à la Décision de reconnaissance de l’Association. Il est également évident que ces objectifs sont compatibles avec les principes généralement promus par la législation en valeurs mobilières, la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, et les missions qu’elles confient respectivement à l’Autorité.65
187. La formation ajouterait que la présence, dans la Loi sur les valeurs mobilières, de l’article 153 concernant la radiation d’inscription des représentants est une confirmation additionnelle que le principe même des Règles de maintien de compétence n’est pas incompatible avec la législation en valeurs mobilières. »
[263] La formation d’instruction ajoute que le fardeau d’établir qu’il y a une contradiction expresse entre une règle de l’Association et la législation en valeurs mobilière sera élevé compte tenu d’une part que l’Autorité a dû approuver l’adoption ou la modification[171] et d’autre part que l’on devrait s’inspirer de critère élaboré dans l’arrêt Multiple Access c. McCutcheon[172]. Dans ce dernier arrêt l’honorable juge Dickson soulignait qu’il y aura conflit véritable entre deux législations lorsqu’il y a incompatibilité dans leur application. Voici le passage pertinent :
« En principe, il me semble y avoir aucune raison valable de parler de prépondérance et d’exclusion sauf lorsqu’il y a un conflit véritable, comme lorsqu’une loi dit «oui» et que l’autre dit «non»; «on demande aux mêmes citoyens d’accomplir des actes incompatibles»; l’observance de l’une entraîne l’inobservance de l’autre […]»
[264] Pour la formation d’instruction, une règle d’un OAR sera incompatible dans l’éventualité où l’application de la règle amène à désobéir à la loi.[173]
[265] La formation a rejeté le cheminement fait par la cour divisionnaire dans l’arrêt Taub et a estimé que celui-ci ne représente pas un précédent valable au Québec[174]. On invoque à cet égard le fait que les textes législatifs sont différents et que l’approche normative québécoise est diamétralement opposée. On rappelle que la Loi sur l’Autorité des marchés financiers a pour but d’assurer la protection du public contre les pratiques déloyales, abusives et frauduleuses[175]. La formation d’instruction souligne ainsi le rôle important des organismes d’autoréglementation pour l’encadrement des marchés financiers :
«218. Lu en fonction de cette économie générale et de l’ensemble des dispositions du Titre III de cette loi, l’article 60 LAMF traduit une volonté très claire du législateur de reconnaître l’importance de la contribution des OAR dans la réglementation et la surveillance du secteur des valeurs mobilières au Québec, où ils bénéficiaient d’ailleurs d’une permission législative de continuer à opérer depuis 1983.
219. Cette contribution vise à protéger les membres des OAR et leurs clients, mais aussi le bon fonctionnement du système financier et le public en général.»
[266] La formation a par la suite procédé à une comparaison entre l’article 60 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers et son article correspondant en Ontario. On constate tout d’abord un premier point de divergence avec la Cour divisionnaire dans l’arrêt Taub à savoir que la législation québécoise retient le critère de l’encadrement ou de la réglementation de la conduite de ses membres lors de l’exercice d’une activité en valeurs mobilières au Québec comme donnant assise à l’obligation de reconnaissance. Il s’agit d’une approche différente et cohérente, selon la formation d’instruction, avec la mission[176] de l’Autorité qui est notamment d’encadrer les professionnels du marché[177].
[267] La formation d’instruction ajoute que la véritable question à se poser n’est pas tant qui est visé par la législation québécoise mais bien de rechercher le but du mécanisme de reconnaissance prévu à l’article 60 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers. Le mécanisme de reconnaissance vise à protéger le public contre les pratiques déloyales, abusives et frauduleuses. Voici la position de la formation d’instruction sur cette question :
227. En regard de la législation québécoise, en effet, la véritable question à se poser n’est pas de déterminer qui est visé par la loi, comme l’a fait cette Cour, mais bien davantage ce qu’elle vise. Le but du mécanisme de reconnaissance visé à l’article 60 LAMF, en effet, n’est pas d’encadrer les personnes en fonction de leur adhésion ou non à un OAR, mais bien des pratiques et des activités reliées au commerce des valeurs mobilières, dans la poursuite d’un objectif de prévention des manœuvres déloyales, abusives et frauduleuses afin de protéger le public.
228. Essentiellement, les Règles de maintien de compétence ne visent rien d’autre que les inspections, les enquêtes et la discipline relativement aux écarts de conduite d’un membre de l’Association ou d’une personne autorisée à agir pour celui-ci. De plus, la conduite visée est celle qu’a eue l’intéressé alors qu’il était une personne autorisée assujettie à la compétence de l’Association.
229. Sur cette base, on cherche en vain comment les RMC de l’Association pourraient être perçues comme contrevenant expressément aux dispositions de l’article 60 LAMF, au sens que nous avons donné plus haut à cette expression. Loin d’y déroger, elles nous semblent au contraire tout à fait conformes à l’objectif véritable de la loi.
[268] La formation d’instruction souligne qu’une deuxième différence entre la loi québécoise et l’article 21.1 (3) de la législation ontarienne réside dans le fait que cette dernière impose à l’organisme d’autoréglementation l’obligation de réglementer ses membres[178]. Une telle disposition n’existe pas dans la législation québécoise. Elle ajoute qu’au Québec le contrat liant l’Association et les personnes réglementées n’est pas modifié, complété ou limité par la loi. Voici les commentaires de la formation d’instruction :
« 233. Au Québec, le lien contractuel qui existe entre l’Association et ses Réglementés n’est pas complété, modifié ou limité par la loi. Au contraire, vu l’application des règles générales du Code civil du Québec et notamment, de l’article 1434 CcQ, le contrat qui se forme entre eux se voit donner une portée beaucoup plus étendue et c’est lui, et non la loi, qui joue le rôle d’infrastructure du régime d’autoréglementation en valeurs mobilières appliqué dans la province.
234. L’article 21.6 LVMO, qui prévoit que les règles d’un OAR reconnu ne doivent pas contrevenir au droit ontarien des valeurs mobilières même si elles peuvent, dans les limites de la compétence de l’OAR, imposer des exigences supplémentaires, a fait l’objet de représentations diverses dans les trois instances qui se sont penchées sur la requête en irrecevabilité de M. Taub. Les commentaires qui en ont émergé nous semblent donner à cette disposition un sens qui s’éloigne de l’intention véritable du législateur ontarien.
235. En dernière analyse, la Cour Divisionnaire a estimé que cet article 21.6 imposait une interprétation restrictive des dispositions de l’article 21.1(3) LVMO, avec pour résultat que l’Association ne serait impérativement investie en Ontario que de la seule autorité d’agir à l’égard de ceux qui sont des membres et personnes autorisées au moment où l’Association met une règle en application forcée à leur endroit ou entreprend de les traduire en discipline. »
[269] La formation d’instruction est d’avis que l’article 21.6 de la législation ontarienne a pour but d’assurer que les règles adoptées par un OAR reconnu accorde un niveau de protection aux investisseurs au moins égal à celui envisagé par le législateur par la réglementation des valeurs mobilières[179].
[270] À cet égard, la formation d’instruction note le caractère interprovincial des activités de l’Association. Cette dernière doit en effet faire approuver ses règles dans toutes les provinces où elle exerce des activités d’autoréglementation[180].
[271] Compte tenu du fait que les textes sont différents et que l’approche législative est différente, la formation d’instruction est d’avis que les principes établis par la Cour divisionnaire dans l’arrêt Taub ne peuvent constituer un précédent au Québec[181]. L’article 60 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, selon la formation d’instruction, a choisi une approche fondée sur la souplesse de la reconnaissance afin de s’adapter à l’évolution des marchés financiers. Elle commente la distinction qui doit être faite entre les deux approches législatives prises dans les deux provinces :
244. L’approche québécoise est sensiblement différente. La volonté de mettre au service du public un régime d’encadrement du secteur des valeurs mobilières qui puisse évoluer avec les pratiques de commerce tout en demeurant pertinent et efficace se traduit par l’octroi à l’Autorité d’une vaste discrétion d’assortir sa reconnaissance des conditions qu’elle juge appropriées.
245. Le concept d’encadrement et de réglementation de la conduite d’un membre d’un OAR, dans le contexte où il est utilisé à l’art. 60 LAMF, ne s’en trouve pas limité. Il devient bien davantage un objectif général, un cadre d’intervention non contraignant qui peut être modulé au gré des conditions de reconnaissance fixées par l’Autorité, par opposition à un seuil au-delà duquel l’Autorité et l’OAR perdraient toute compétence si le membre quitte les rangs de ce dernier.
246. Au Québec, l’OAR peut légalement adopter et appliquer à ses membres toutes les règles qu’il juge opportunes, du moment qu’il en a la capacité juridique, que ces règles soient compatibles avec l’objectif de réglementer et d’encadrer ceux-ci (pris au sens de nécessaire ou utile à cette fin), qu’elles respectent les exigences de la loi et de ses conditions de reconnaissance et enfin, qu’elles soient approuvées par l’Autorité.
247. Cette interprétation large et libérale, conforme à la Loi d’interprétation, est en accord avec les dispositions de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers qui notamment à l’article 70, oblige l’Autorité à passer en revue et à approuver tous les aspects de la constitution, de la gouvernance et de l’ensemble des règles de fonctionnement du candidat à la reconnaissance avant de l’accorder.
248. Cette loi fait en sorte que c’est l’Autorité elle-même qui dans le cadre du processus de reconnaissance, détermine si oui ou non les règles soumises par l’OAR réglementent et encadrent la conduite de ses membres de manière appropriée. Elle peut même, en utilisant sa discrétion de fixer des conditions de reconnaissance en vertu de l’article 60 LAMF ou ses autres pouvoirs de supervision statutaires, ajouter ou compléter les matières qui doivent faire l’objet de règles de l’Association et dont l’application lui apparaît requise pour que les membres de celle-ci soient réglementés et encadrés adéquatement dans une perspective de protection du public.
249. Il en résulte qu’au Québec, c’est par décision de l’Autorité et non pas par des obligations législatives expresses comme en Ontario qu’est défini le cadre réglementaire régissant l’OAR reconnu dans la plupart des aspects importants de sa gouvernance, son fonctionnement et sa fonction disciplinaire.
250. C’est la raison pour laquelle chez nous, pour reprendre la discussion de l’obligation de réglementer ses membres qui est imposée à l’Association par l’article 21.1(3) LVMO, c’est dans la Décision de reconnaissance de l’Autorité que l’on retrouve l’obligation correspondante et non dans la LAMF.
251. Pour ces raisons, nous sommes d’avis que l’article 60 LAMF n’est pas générateur d’habilitation et n’établit pas de limite à la capacité ou la compétence de l’Association. Il ne fait que subordonner à une permission et au respect de conditions fixées par l’Autorité la mise à exécution de sa mission de réglementation et d’encadrement de ses membres, lorsqu’ils mènent une activité régie par la Loi sur les valeurs mobilières. De ce point de vue, il n’y a encore aucun parallèle possible à établir avec l’interprétation législative retenue dans Taub.
252. Conséquemment, le concept d’« activité d’encadrement et de réglementation des membres » que l’on retrouve à l’article 60 LAMF correspond selon nous à l’ensemble de l’activité que les documents organisationnels d’un OAR l’habilitent à poursuivre, conformément aux modalités que l’Autorité a approuvées ou prescrites par décision, et n’a pas le sens restrictif que l’intimé veut lui donner.
253. Aussi, vu nos conclusions quant au fait que les RMC font partie des conditions de reconnaissance de l’Association déterminées en vertu de l’article 60 LAMF, nous estimons qu’il n’y a aucune contradiction expresse entre ces Règles, cet article et les autres dispositions du Titre III de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers.
254. Le moyen invoqué par l’intimé, sous l’angle de la contradiction expresse possible de la loi par les RMC, ne peut donc réussir.
[272] La formation note cependant que l’essence de la règle de compétence est de maintenir, pour une période déterminée, la juridiction de l’Association pour faire enquête et de prendre des mesures disciplinaires à l’encontre des personnes réglementées pour une contravention qui s’est produite alors qu’elles étaient membres[182]. Par analogie avec l’interprétation des textes législatifs, les règles de maintien de compétence ne viseraient, selon la formation d’instruction, qu’à encadrer l’exercice de droits existants et ne seraient qu’une règle de pure procédure[183]. Une telle règle peut avoir un effet rétrospectif et régir les situations passées dès sa prise d’effet[184].
[273] La formation d’instruction conclut sur l’obligation pour l’Association d’agir légalement que l’arrêt Taub, de la Cour divisionnaire n’est pas applicable au Québec et que les règles de compétence sont exécutoires contre Mechaka[185]. Finalement, on déclare que l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières avait compétence pour continuer les procédures disciplinaires entamées par l’Association[186].
Analyse de l’arrêt Taub v. Investment Dealers Association of Canada de la Cour d’appel de l’Ontario[187]
[274] Les honorables juges Feldman, Armstrong et MacFarland ont infirmé la décision de la Divisional Court dans l’arrêt Taub. Ils rappellent tout d’abord que Taub était un représentant approuvé en vertu des règlements de l’Investment Dealers Association du Canada de juin 1988 jusqu’à sa démission en septembre 2004.
[275] En octobre 2005, l’IDA a entrepris un processus disciplinaire contre Taub relatif à des activités de courtage avec des clients et sa conduite avec sa firme avant sa démission[188]. On l’accusait d’activités pouvant être assimilées à de la manipulation et d’avoir enfreint les règles de l’IDA et de la Securities and Exchange Commission[189]. Taub avait indiqué, suite à sa démission, qu’il n’avait pas l’intention de revenir dans l’industrie.
[276] On rappelle que Taub lors de sa demande initiale d’inscription auprès de l’IDA avait signé un formulaire dans lequel il reconnaissait être soumis à l’organisme d’autoréglementation et à observer les règlements et les règles et à se soumettre à sa juridiction. On note que l’article 20.7 des règlements relatif à la discipline stipule qu’un membre et une personne approuvée demeurent sujets à la juridiction de l’IDA et ce, pour une période de cinq ans après qu’ils ont perdu ce statut[190].
[277] La Cour d’appel souligne que l’IDA est un organisme volontaire reconnu par la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario. L’article 21.1 du Securities Act[191] prévoit que la commission peut accorder une telle reconnaissance si elle est satisfaite que cela est dans l’intérêt public[192]. On note par ailleurs que le paragraphe 3 du même article oblige un organisme d’autoréglementation à encadrer les opérations, les pratiques et la conduite des affaires de ses membres et de leurs représentants conformément à ses règlements, règles, politiques, procédures et interprétation. L’article 21.6 permet à un organisme d’autoréglementation des conditions additionnelles à l’intérieur de leur juridiction.
[278] Au niveau de la juridiction, Taub invoquait que le critère applicable était celui de la décision correcte. Il a cependant admis qu’il ne s’agissait pas d’analyser la juridiction de la commission ontarienne elle-même, mais bien la décision du régulateur à l’égard de la juridiction de l’organisme face à ses anciens membres. Un aveu que la Cour d’appel qualifie ainsi de fatal pour son argument :
« [19] … He submits that the issue the OSC was determining was an issue of jurisdiction that must be reviewed on the correctness standard. He acknowledges that the issue was not, however, the OSC’s own jurisdiction, but rather the OSC’s determination of the jurisdiction of the IDA over its former members that was in issue. That acknowledgment is fatal to his argument.
[20] In Dunsmuir, the court made it clear that issues of “true jurisdiction” “arise where the tribunal must explicitly determine whether its statutory grant of power gives it the authority to decide a particular matter.” (para. 59) Here on the appeal to the OSC, the OSC had the authority to interpret and apply s. 21.1 (3) of the Securities Act to determine whether that section limited the jurisdiction of the IDA, once it had become a recognized SRO, to discipline only current members. The issue on standard of review was whether the OSC’s interpretation had to be the correct one, or only a reasonable one. »
[279] La Cour d’appel est d’accord avec la Cour divisionnaire que suite à la décision de la Cour suprême dans l’arrêt Dunsmuir, le critère applicable dans le cadre d’une révision judiciaire d’une décision de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario est le critère de la décision raisonnable. Compte tenu de l’expertise du régulateur ontarien d’interpréter sa propre législation, la Cour d’appel de l’Ontario adopte ainsi l’approche de déférence propre au critère de la décision raisonnable :
[21] I agree with the Divisional Court that following the decision of the Supreme Court of Canada in Dunsmuir, supra, the standard of review of the decision of the OSC is one of reasonableness. In this case, the issue that was determined by the OSC was the interpretation of its home statute, the Securities Act, a subject that falls squarely within its expertise.
[280] La Cour d’appel de l’Ontario interprète par la suite l’arrêt Dunsmuir. Elle rappelle tout d’abord que le critère de la décision raisonnable est lié au concept de la déférence. La cour en révision judiciaire s’en remet au processus décisionnel du tribunal et au caractère raisonnable du résultat. La déférence n’est pas liée au fait que le décideur était dans une meilleure position pour prendre la décision ou pour des raisons d’efficacité judiciaire. La déférence est plutôt liée à l’expertise et à l’expérience du tribunal dans le cadre d’un processus approprié, transparent et intelligible et lorsque la décision prise fait partie du spectre des décisions acceptables pouvant se justifier en fait et en droit. Voici les commentaires de la Cour d’appel de l’Ontario concernant l’application du critère de la décision raisonnable :
« [23] The court explained that reasonableness is a deferential standard. The reviewing court defers to the decision-making process of the tribunal and to the reasonableness of the outcome. I observe that this is not deference to a discretionary decision which is accorded because the decision-maker is in the best position to make the decision and for reasons of judicial economy. Rather, deference is accorded out of respect for the expertise and experience of the decision-making tribunal where the process it used is justified, transparent and intelligible, and where the decision “falls within a range of possible, acceptable outcomes which are defensible in respect of the facts and law.” (para. 47). »
[281] La Cour d’appel est d’avis que le critère de la décision raisonnable ne permet pas au tribunal administratif de rendre une mauvaise décision, et ce, même sur des questions relevant de son expertise. On explique ainsi qu’une décision qui n’est pas raisonnable sera virtuellement une mauvaise décision :
« [24] It has been said that where the standard of review is not correctness, on issues within its expertise an administrative tribunal has “the right to be wrong”: e.g. Air Canada c. International Assn. of Machinists and Aerospace Workers, [1978] O.J. No. 1053 (Div. Ct.), at para. 11. In my view, Dunsmuir has made it clear that if this was ever true, it no longer is. Where there is a question that is reviewable on the reasonableness standard, a decision that is found to be unreasonable will in virtually every case for that reason be wrong. If a decision deserves deference because of the process by which it was reached and because the result is a reasonable one, then it will not be wrong. As I stated above, the administrative law concept of deference is not accorded on the basis of deference to an exercise of quasi-judicial discretion, but on the basis of respect for an experienced decision-maker with particular expertise who has engaged in a process and reached an outcome that has been demonstrated to warrant that deference. »
[282] Malgré le fait que la Cour divisionnaire a choisi le bon test à savoir celui de la décision raisonnable, la Cour d’appel est d’avis qu’elle s’est trompée dans la manière de l’appliquer. En effet, elle a fait sa propre analyse et est arrivée à sa propre conclusion concernant la bonne interprétation. Selon la Cour d’appel, la cour en révision aurait dû se limiter à regarder le processus et à s’assurer que l’interprétation de la CVMO était à l’intérieur des décisions raisonnables possibles. Voici comment la Cour d’appel décrit l’erreur commise par la Cour divisionnaire :
« [30] In this case, the majority of the Divisional Court, having concluded that the issue of statutory interpretation before the tribunal was a question of law within the unique expertise of the OSC and was therefore reviewable on the standard of reasonableness, concluded that the OSC’s interpretation was unreasonable. However, it did so neither by assessing the process of reasoning used by the OSC to reach its decision, nor by considering whether its interpretation was within a range of reasonable interpretations of the statutory provision in issue. Instead, the majority conducted its own analysis of the provision and came to its own conclusion about its correct interpretation. Some examples of the language use by the majority demonstrate its approach.
[31] In other words, the majority employed the approach that the Supreme Court described in Dunsmuir is only to be used when reviewing an administrative decision on the standard of correctness, where no deference is accorded and where the court conducts its own analysis of the issue in order to come to the correct decision. In taking this approach, the majority erred in law. »
[283] La Cour d’appel prend bien soin de distinguer la révision judiciaire faite par une cour de justice de la révision faite par un tribunal administratif. On note à cet égard le fait que la CVMO peut substituer la décision d’un organisme d’autoréglementation pour la sienne. La Cour d’appel note cependant que le régulateur ontarien en valeurs mobilières fera preuve de déférence concernant les éléments factuels qui sont au cœur de la compétence spécialisée de l’organisme d’autoréglementation. La Commission des valeurs mobilières de l’Ontario interviendra cependant dans les cas suivants : 1) l’OAR a suivi des principes incorrects; 2) l’OAR a erré en droit; 3) l’OAR a ignoré une preuve importante; 4) une nouvelle preuve importante est présentée; et 5) il existe un conflit entre le régulateur et l’OAR concernant la perception de l’intérêt public. La Cour d’appel maintient ainsi la position prise auparavant concernant les larges pouvoirs du régulateur ontarien en révision :
« [25] In contrast, there is no deference when applying the correctness standard. In that case, the court conducts its own analysis of the issue and determines the correct answer.
[33] The first issue was the standard of review. The OSC discussed its authority under s. 21.7 of the Act to conduct a “hearing and review” of a decision of a self-regulatory organization, and under s. 8(3) to make any decision it considers proper, i.e. to substitute its judgment for that of the SRO. However, the OSC noted that its practice when reviewing decisions of an SRO is to accord deference to factual determinations that are “central to the SRO’s specialized competence”, and only to interfere on one of the following grounds:
(1) the SRO proceeded on an incorrect principle;
(2) the SRO erred in law;
(3) the SRO overlooked some material evidence;
(4) new and compelling evidence is presented;
(5) the SRO’s perception of the public interest conflicts with the OSC’s.
[34] In other words, the OSC stated that it would not substitute its own view just because it would have reached a different conclusion in the circumstances. In this case, the appeal was based on an alleged error of law in the District Council’s interpretation of s. 21.1. The Commission concluded that it would interfere only if it determined that the District Council of the IDA had made an error of law.»
[284] La Cour d’appel est d’avis que les motifs du régulateur ontarien sont justifiés, transparents et intelligibles. L’OSC a analysé les points soulevés et les motifs pour lesquels le régulateur se dit d’accord avec la position prise par le comité de discipline sur l’interprétation de la législation autorisant un OAR reconnu à encadrer non seulement ses membres actuels, mais également ceux qui ont démissionné. Voici les commentaires de la Cour d’appel concernant l’application des critères élaborés par l’arrêt Dunsmuir :
« [35] The second step in reviewing a decision on the reasonableness standard is to consider the reasons of the tribunal to see whether they are “justified, transparent and intelligible”.
[46] In my view, the OSC’s reasons for decision are clear, they are understandable, and they justify the result reached. The reasons focus on the issues raised and address the reasons why the OSC agreed with the decision of the District Council, namely, that s. 21.1(3) of the Act authorizing a recognized SRO to regulate the conduct of its “members” does not limit a recognized SRO’s jurisdiction to current members only. »
[285] Finalement, on doit se demander si la décision du régulateur ontarien appartient aux issues possibles acceptables. La Cour d’appel est d’avis que la décision de la CVMO à l’effet que l’article de la législation ontarienne obligeant l’OAR d’encadrer la conduite de ses membres n’est pas limitative au plan juridictionnel et celui-ci peut imposer d’autres obligations ou se voir conférer d’autres pouvoirs. La Cour d’appel explique ainsi le caractère non limitatif au plan juridictionnel de la législation ontarienne :
« Is the decision of the OSC within a range of acceptable outcomes?
[47] The final step for a court in reviewing a decision of a tribunal on the reasonableness standard is to decide whether the result reached falls within a range of acceptable, defensible outcomes. I now turn to that analysis.
[48] The essential argument of the respondent is that s. 21.1(3) of the Act, which refers to the obligation of the IDA to regulate the business conduct of its members, effectively limits the jurisdiction of the IDA to discipline members for such misconduct only while they continue to be members, but not after they have resigned. In my view, this argument does not withstand scrutiny.
[49] First, as both the District Council and the OSC have said, the language of s. 21.1(3) is not jurisdictionally-limiting. The provision sets out the statutory obligations of a recognized SRO, but does not state that those are its only obligations or powers. In Dass v. Investment Dealers Assn. of Canada (2008), 85 B.C.L.R. (4th) 53 (C.A.), the British Columbia Court of Appeal was faced with the same issue pursuant to the Securities Act, R.S.B.C. 1996, c. 418, regarding the jurisdiction of the IDA to discipline former members. The court pointed to the error in the reasoning of the majority of the Divisional Court in the instant case that recognition of an SRO under the Act somehow transforms the character of the association and affects its contractual relationship with its members. The British Columbia Court of Appeal attributed this error to a misunderstanding of this court’s decision in Morgis, supra. In particular, in Dass, the court referred to paras. 31-32 of Morgis, where this court affirmed that the IDA’s duties are not determined by statute and that recognition by the OSC does not transform the IDA into a government actor. The British Columbia Court of Appeal concluded that the decision of the British Columbia Securities Commission that the IDA could discipline former members was a reasonable one.
[50] Second, s. 21.6 of the Act specifically provides that a recognized SRO may “impose additional requirements within its jurisdiction.” Because s. 21.1(3) does not limit the jurisdiction of the SRO to regulate only current members, s. 21.6 effectively enlarges the power of the SRO to enact rules to fulfill its regulatory mandate. »
[286] La Cour d’appel note également que le régulateur ontarien a utilisé son expertise de l’industrie afin d’interpréter la législation en valeurs mobilières et de déterminer si le fait d’assujettir un ancien membre, pour une période précise, était conforme aux buts et aux objectifs de la législation. La Cour d’appel souligne avec approbation que le régulateur ontarien a non seulement conclu que l’assujettissement protège le public mais qu’il serait contraire à l’intérêt public qu’un membre puisse démissionner afin d’échapper au processus disciplinaire. La Cour d’appel appuie ainsi cette interprétation visant à protéger le public investisseur :
« [52] Finally, in making its decision on the proper interpretation of s. 21.1(3), the OSC applied its expertise in the securities industry and considered whether it was consistent with the purposes and objects of the legislative and regulatory scheme for SROs to have the authority to discipline former members for misconduct they are alleged to have engaged in while they were members. The OSC concluded that not only did its interpretation serve the interest of protecting the public, but also that it would be contrary to those interests if former members were allowed to resign from the association in order to avoid discipline. »
[287] La Cour d’appel reproche cependant au régulateur ontarien de ne pas s’être penché sur la question controversée à savoir si la démission d’un membre ne rend pas inutile la sanction ultime de l’expulsion. Pour la Cour d’appel, l’efficacité d’une sanction potentielle est un facteur important à considérer afin de déterminer si un organisme d’autoréglementation conserve une juridiction disciplinaire à l’encontre d’un ancien membre.
[288] Cette question pose avec acuité la problématique de voir un membre et un non-membre assujetti à un même processus disciplinaire mais à une sanction différente. Un facteur militant en faveur de l’imposition d’une sanction disciplinaire, note la Cour d’appel, est celui du stigmate qui sera attaché à la décision de culpabilité à l’encontre de l’ancien membre. Par ailleurs, l’organisme d’autoréglementation sera vu par l’industrie comme ayant agi afin de protéger l’intérêt public.
[289] La Cour d’appel note cependant qu’un ancien membre qui n’a aucun intérêt tangible ou financier en cause pourra choisir ne pas participer au processus disciplinaire et dans ce cas la déclaration de culpabilité ne comportera pas le même stigmate. La Cour d’appel commente ainsi une telle problématique :
« [53] The OSC’s analysis and conclusion are certainly prima facie reasonable. However, it would have been helpful had the OSC considered and addressed the issue of mootness, i.e. that once the member resigns, he or she has pre-empted the ultimate penalty, expulsion, and made the discipline proceeding effectively moot.
[54] However, once a member resigned, the member could no longer be expelled as a sanction. Consequently, any further disciplinary proceeding was essentially moot. The court noted that although fines could be imposed, they could not be recovered without a civil suit.
[55] In my view, the efficacy of any potential sanction is an important factor in the discussion of disciplinary jurisdiction over former members of an SRO. It addresses the somewhat anomalous circumstance created where both members and former members are subject to the same discipline process, but not the same sanctions if found guilty of professional misconduct.
[56] One positive factor raised in oral argument is that along with the penalty of non-membership, the former member who is found guilty of misconduct will also bear the stigma of that finding and the SRO will be seen in the investment community as having acted to protect the public interest. However, if a former member has nothing tangible or financial at skate, such a person may choose not to participate in a discipline hearing, e.g. for financial reasons. In such a case, a finding of misconduct may not carry the same weight as it would where the former member had participated in the hearing. »
[290] Un autre facteur favorisant la juridiction d’un OAR tient au fait qu’un membre pourrait choisir de démissionner afin d’éviter le processus disciplinaire et plus tard tenter d’obtenir une nouvelle inscription avec un dossier sans tache. La Cour d’appel note qu’un tel facteur au mieux est faible. La Cour est d’avis que l’organisme d’autoréglementation pourra toujours questionner les circonstances ayant entouré la démission et s’il y avait à l’époque des allégations de fautes professionnelles. La Cour d’appel mitige ainsi cet argument :
« [57] Another factor raised in oral argument as a benefit of discipline of former members was that if a person can resign as a member in order to avoid discipline, then the person could later reapply to become a member unimpaired with any finding of misconduct on his or her record. In my view, this argument is weak at best. An application to become an Approved Person could ask whether a person was previously a member, the circumstances of the person’s resignation and whether there were any allegations of professional misconduct against the person. If in the face of that information, the person were to be readmitted to membership, the IDA could reassert its jurisdiction over the person for the past misconduct. »
[291] La Cour d’appel est d’avis que le motif le plus important justifiant le maintien de la juridiction d’un ancien membre tient au fait que l’organisme d’autoréglementation perdrait son pouvoir d’imposer des amendes. La Cour note, à cet égard, les amendes importantes pouvant être imposées à l’encontre d’une conduite jugée non professionnelle. L’amende est clairement une pénalité et ce, peu importe le fait que son exécution puisse nécessiter l’aide d’un autre tribunal. Une pénalité, selon la Cour d’appel, qu’un membre a volontairement accepté les conséquences lors de son inscription.
[292] L’expulsion n’est donc pas la sanction ultime ou la seule significative qui puisse être imposée à un ancien membre. Ceci répond, aux dires, de la Cour d’appel aux préoccupations de l’honorable juge Finlayson dans l’arrêt Chalmers. L’importance de l’imposition d’une amende même à l’encontre d’un ancien membre est ainsi expliquée par la Cour d’appel :
« [58] To me the most signification issue is whether there is any legal impediment on the IDA preventing it from imposing fines on non-members who are found guilty of professional misconduct, as it can on members. The IDA’s by-laws provide for significant fines which a discipline panel may impose upon a finding if misconduct. Whether the fines can be enforced by civil action is, however another matter. Clearly the imposition of a fin is a penalty. However, it is a penalty that each member voluntarily agrees to in applying for membership in the association.
[60] If the IDA is able to impose the same significant fines when disciplining former members as it can when disciplining members and if those fines are legally collectable, then expulsion or removal of a person from membership in an SRO would not be the ultimate or necessarily the only significant disciplinary penalty that could be imposed on former members. This would make discipline proceedings against a former member as effective and relevant as proceedings against a current member and would address the mootness issue and the concern that Finlayson J.S. raised in Chalmers about the efficacy of disciplining former members. »
[293] La Cour d’appel conclut que la décision de la CVMO était raisonnable et qu’elle devait être rétablie. La décision de l’honorable juge Carnwath était, selon la Cour, non seulement raisonnable mais correcte[193].
[294] La protection du public invoquée par la Cour d’appel de la Colombie-Britannique dans l’arrêt Dass, par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Taub et par notre cour d’appel dans l’arrêt Letellier, milite en faveur d’une interprétation large des dispositions de la législation québécoise. Il est utile de rappeler le passage suivant de l’honorable juge Forget de la Cour d’appel dans l’arrêt Letellier pour bien comprendre l’importance d’assurer la protection du public, et ce, nonobstant une démission :
« Si l’expulsion met fin à toutes procédures disciplinaires, on devrait sans doute adopter le même raisonnement pour la démission, même celle qui survient après que les procédures disciplinaires aient été enclenchées. Le contrevenant - je ne dis pas que Letellier a contrevenu aux règlements - n’aurait donc qu’à démissionner pour éviter tout regard sur sa conduite. La Bourse ne pourrait donc pas, à titre d’exemple dénoncer, par une réprimande, un comportement fautif d’un membre ou d’une personne approuvée. Bien que la Bourse soit un organisme privé, elle joue un rôle pour la protection du public investisseur, ainsi que notre cour l’a déjà mentionné dans l’affaire Bourse de Montréal c. Lafferty, Harwood & Partners Ltd.; il me paraît inacceptable qu’on puisse aussi facilement se dégager d’un engagement contractuel qui vise, en autres choses, à protéger le public. »[194]
[295] Dans l’arrêt Résolution Capital inc. et Gaston English c. Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, conseil de section du Québec, la Cour d’appel, sous la plume de l’honorable juge Pierre J. Dalphond a rappelé les similarités frappantes avec l’arrêt Letellier et a reconnu le rôle important de l’ACCOVAM pour la protection du public investisseur et son statut d’acteur important pour la réglementation des valeurs mobilières. Voici les commentaires de l’honorable juge Pierre J. Dalphond :
« [3] Considérant l’arrêt de notre cour dans l’affaire Bourse de Montréal c. Letellier, JE 99-2323 qui offre des similarités frappantes avec la présente affaire;
[4] Considérant qu’il ne fait aucun doute que les requérants, chacun à leur tour et par des formulaires distincts ont adhéré à l’association intimée et se sont engagés face à la Commission des valeurs mobilières du Québec à se soumettre à son autorité et à en respecter les règlements;
[6] Considérant que rien dans la Loi des valeurs mobilières n’enlève à l’ACCOVAM ses pouvoirs disciplinaires sur ses membres, bien au contraire, l’article 351 de cette loi confirmant son statut d’organisme d’auto-réglementation, et ce, tant et aussi longtemps que la Commission des valeurs mobilières et le gouvernement du Québec n’en auront pas décidé autrement;
[7] Considérant l’ACCOVAM, bien qu’elle soit un organisme privé, joue un rôle dans la protection du public investisseur et constitue un acteur important dans la réglementation du commerce des valeurs mobilières au Québec et ailleurs au pays. »[195]
[296] L’analyse du Titre lll de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers et plus particulièrement son article 60 n’est pas limitative au plan juridictionnel. Les dispositions du Titre lll visent à assurer un encadrement efficace des organismes d’autoréglementation. Il s’agit souvent de normes minimales visant la reconnaissance ou le maintien du statut de l’organisme.
[297] Nous sommes d’avis que le législateur n’a jamais voulu limiter la capacité des organismes d’autoréglementation d’assurer une meilleure protection du public par la voie contractuelle. La complexité et l’évolution rapide de l’industrie des valeurs mobilières exigent souvent, par ailleurs, une intervention rapide qui ne peut souvent être faite que de manière contractuelle. L’État a pris acte de cette force et s’est souvent abstenu d’intervenir lorsque l’industrie a rempli efficacement son rôle.
3) La culpabilité - dossier 2008-003
La question en litige
[298] Louis-Philippe Séguin pouvait-il refuser de se soumettre à l’interrogatoire de l’enquêteur parce que ce dernier lui refusait la présence d’un sténographe ou la remise de l’enregistrement de la rencontre.
Position du demandeur
[299] M. Séguin soumet qu’à titre de personne visée par l’enquête, il avait droit à l’enregistrement sténographique ou audio de l’interrogatoire. Il fait valoir que le motif réel de l’ACCOVAM pour refuser l’enregistrement n’était pas la confidentialité de l’enquête, puisque ce motif n’a été avancé qu’à l’audience, mais la volonté de ne pas accommoder M. Séguin au-delà des strictes limites imposées par leurs statuts.
[300] Le demandeur a exigé que lui soit reconnu son droit d’obtenir une copie de son interrogatoire dans le cadre de la demande de comparaître et de répondre.
[301] L’intimée a systématiquement refusé, tout en se contentant de donner pour seule justification à son refus que ses procédures d’enquête ne le permettaient pas. Jamais l’ACCOVAM n’a-t-elle prétendu que le témoignage du demandeur pouvait être susceptible de causer préjudice à des tiers, comme l’a erronément conclu la formation d’instruction.
[302] Au contraire, le témoignage du demandeur « n’appartient » pas à l’intimée mais à lui-même[196] et la jurisprudence a toujours reconnu que celui qui s’engage, par contrat, à rendre témoignage, possède le droit d’en obtenir une retranscription.
[303] Le refus de l’intimée de lui permettre d’obtenir une transcription de son témoignage était excessif, déraisonnable et mal fondé en droit. L’intimée ne pouvait, dans les circonstances, forcer son cocontractant à s’exécuter toute en refusant elle-même de se conformer à ses obligations.
[304] Le demandeur possédait, dans les circonstances, un motif raisonnable de refuser de se présenter à la convocation prévue pour le 22 mars 2006. La formation d’instruction aurait dû rejeter la plainte et le déclarer non-coupable de l’infraction reprochée.
Position de l’ACCOVAM
[305] L’ACCOVAM a fait valoir que, pendant la durée de l’enquête et jusqu’au dépôt d’une plainte, il était nécessaire que l’enquête soit confidentielle et que la demande d’enregistrement de monsieur Séguin mettait cet impératif en péril.
[306] L’ACCOVAM rappelle que les faits au soutien de la plainte ne sont aucunement contestés par le demandeur Séguin[197]. Dans le cadre de son enquête, l’enquêteur de l’ACCOVAM a exigé du demandeur Séguin qu’il comparaisse devant lui le 8 février 2006 afin de lui donner des renseignements concernant cette affaire, l’informant du même coup que le demandeur pouvait être accompagné de son procureur et qu’à défaut de se présenter aux lieux et à l’heure désignés pour répondre aux questions et fournir l’information requise en regard de cette enquête, des procédures disciplinaires pourraient être prises contre lui[198].
[307] La rencontre exigée par et avec l’enquêteur a été reportée à la demande du demandeur Séguin à plusieurs reprises :
- du 8 février au 2 mars 2006 (P-5, P-6 et P-7);
- du 20 mars au 13 mars 2006 (P-12, P-13 et P-14);
- du 17 mars au 22 mars 2006 (P-16, P-17, P-18 et P-19);
[308] Le 21 mars 2006, le demandeur Séguin a finalement indiqué à l’enquêteur de l’ACCOVAM qu’il ne se présenterait pas à la rencontre du 22 mars 2006 (P-20) compte tenu du fait que l’enquêteur maintenait son refus de fournir au demandeur soit une copie de l’enregistrement de son témoignage ou encore, de lui permettre d’enregistrer lui-même son témoignage par voie d’un sténographe ou autrement et que l’enquêteur ne lui aurait transmis aucune raison ni aucun motif justifiant sa position.
[309] Selon l’ACCOVAM, ce refus du demandeur Séguin n’était nullement fondé sur l’absence d’assujettissement à l’organisme d’autoréglementation, auquel il reconnaissait son assujettissement jusqu’à ce moment, mais plutôt sur sa tentative d’imposer ses conditions (présence de son sténographe et obtention d’une transcription de sa déposition) à l’enquêteur.
[310] On rappelle que l’article 5 du Statut 19 de l’ACCOVAM prévoit clairement l’obligation d’un représentant inscrit ou de toute personne relevant de la compétence de l’ACCOVAM de comparaître sur demande des enquêteurs de l’ACCOVAM.
[311] En effet, pour l’ACCOVAM, la question posée est simple : en présence d’une obligation de comparaître et de collaborer, le demandeur Séguin peut-il justifier légalement d’imposer à celle-ci dans le cadre du processus d’enquête en cours (non pas au stade des procédures disciplinaires), une obligation pour l’ACCOVAM de l’autoriser à être accompagné d’un sténographe et d’obtenir une transcription de son témoignage?
[312] L’ACCOVAM est d’avis qu’il n’y a aucun motif juridique qui justifierait d’imposer une telle obligation à l’organisme d’autoréglementation. La position avancée par le demandeur Séguin à ce sujet est manifestement contraire à la protection du public et ne peut donc être retenue en l’espèce.
[313] Les allégations du demandeur Séguin faites aux pages 10-11 de son plan d’argumentation et tirées de l’arrêt Panju de la Cour d’appel de même que des jugements Ouellette, Drouin, Bergeron et Labonté sont manifestement prises hors contexte selon l’ACCOVAM. Cette dernière invoque les arguments suivants :
a) Le rôle de protection du public de l’ACCOVAM distingue le processus d’enquête de cette dernière de toute similitude possible avec la jurisprudence relative au domaine des assurances;
b) Quant à l’arrêt Panju, l’affirmation faite à l’effet qu’il reconnaîtrait que le témoignage du demandeur « n’appartient » pas à l’ACCOVAM, mais au demandeur Séguin lui-même, cette affirmation ne tient pas compte des particularités propres à l’arrêt Panju;
- l’arrêt Panju traite du droit d’une personne de s’objecter à la communication (dans le cadre d’un recours civil) d’un témoignage qu’elle a rendu au cours d’une enquête dans le cadre d’un processus pénal terminé; et
- l’arrêt Panju ne traite aucunement de la question du droit d’une personne enquêtée d’obtenir de la transcription de sa déposition (ou d’imposer à l’autorité-enquêtrice l’obligation de le laisser être accompagné d’un sténographe pour obtenir transcription de sa déposition), en cours d’enquête, avant le dépôt même d’une plainte disciplinaire.
[314] Le demandeur Séguin devait collaborer, sans conditions, ce qu’il n’a pas fait, d’où la décision bien fondée en faits et en droit de la formation d’instruction, en date du 7 décembre 2007. L’ACCOVAM ajoute que ses obligations doivent être analysées à la lumière de sa mission de protection du public.
La décision du 7 décembre 2007 de la formation d’instruction sur la plainte portée contre l’intimé le 8 décembre 2006
[315] Il est utile de rappeler les paragraphes pertinents de la décision de première instance :
39. « Comme nous l’avons souligné dans notre décision du 29 juin 2007 (par. 38), lorsque l’intimé a joint l’ACCOVAM à titre de personne inscrite agréée, il s’est établi entre les parties une relation contractuelle
40. Par ailleurs, cette relation était différente de celle existant entre les deux parties à un contrat privé, par exemple un assureur et un assuré, situation ayant cours dans certaines des décisions judiciaires que l’avocat de l’intimé nous a soumises.
41. […] « L’Association a pour objet :
[…]
(c) établir des normes et des obligations relatives aux participants des marchés des capitaux et les faire respecter pour la protection des membres, de leurs clients et du public ; »
42. Nous admettons volontiers que dans une relation contractuelle de type privé, un co-contractant a le droit d’avoir copie des documents échangés entre les parties ou encore copie des déclarations qui sont données en exécution des obligations contractuelles, comme par exemple en matière d’assurance.
43. Mais ici, la protection dont parle le paragraphe (c) cité au numéro 41 impose des réserves.
44. Comme l’a souligné l’avocate de la plaignante, il y a des tiers qui entrent en ligne de compte : l’employeur de l’intimé, des collègues de travail, d’autres gens de l’industrie, des clients.
45. Au cours de la comparution à laquelle était convoqué l’intimé par application du paragraphe (c) de l’article 5 du Statut 19 :
« (c) de comparaître devant les enquêteurs et de leur donner des renseignements concernant ces affaires; »
il pouvait fort bien être question de l’un ou l’autre de ces tiers et il aurait fallu éviter que par la suite des propos alors échangés puissent circuler librement.
46. Si par la suite, l’ACCOVAM avait porté plainte, l’intimé serait entré en possession des éléments de preuve, dont sa déclaration fournie aux termes de l’article 5 du Statut 19 et ceci bien avant l’audience.
47. Mais si l’ACCOVAM n’avait pas porté plainte, il n’aurait pas été opportun que puisse être utilisé ou livré au public le texte de la déclaration, ce qui aurait pu causer un préjudice à des personnes qui n’auraient pas eu le bénéfice de l’audience publique consécutive à la plainte, pour se faire entendre.
48. Il faut donc maintenir la position de l’ACCOVAM et prononcer que c’est sans droit que l’intimé a refusé de répondre aux questions des enquêteurs. »
Pouvoirs en matière d’enquête
[316] L’article 5 du Statut 19 de l’ACCOVAM prévoit clairement l’obligation d’un représentant inscrit ou de toute personne relevant de la compétence de l’ACCOVAM de comparaître sur demande des enquêteurs de l’ACCOVAM. Voici l’article pertinent :
« 5 Aux fins d’un examen ou d’une enquête effectué en vertu du présent Statut, un membre, un représentant inscrit ou un représentant en placement, un directeur des ventes, un directeur, directeur adjoint ou codirecteur de succursale, un associé, un administrateur, un dirigeant, un investisseur ou un employé d’un membre ou toute autre personne autorisée ou qui soumet une demande d’autorisation, ou relevant de la compétence de l’Association en vertu des Statuts et Règlements, peuvent être tenus par le vice-président de la réglementation des membres, son personnel ou toute autre personne désignée par le conseil d’administration :
(a) de présenter un rapport écrit à l’égard de toute affaire visée par cette enquête;
(b) de produire pour inspection et de fournir les copies des livres, registres, comptes et documents, qui sont en possession ou sous l’autorité du membre ou de la personne, que l’Association juge pertinents à une affaire faisant l’objet d’un examen ou d’une enquête, lesquels renseignements, livres, registres et document doivent être fournis de la manière et sous la forme, y compris par voie électronique, pouvant être raisonnablement prescrites par l’Association;
(c) de comparaître devant les enquêteurs et de leur demander des renseignements concernant ces affaires;
De plus, la personne est obligée de présenter ce rapport, d’autoriser cette inspection, de fournir ces copies et de comparaître en conséquence. Toute personne faisant l’objet d’une enquête menée conformément au présent Statut doit être informée par écrit de l’objet de l’enquête et peut être tenue de faire une déposition en présentant une déclaration écrite, en produisant ses livres, registres et comptes pour inspection ou en comparaissant devant les personnes qui mènent l’enquête. La personne qui mène l’enquête peut, à son gré, exiger qu’une déclaration faite par une personne au cours d’une enquête soit enregistrée au moyen d’un appareil d’enregistrement électronique ou d’une autre manière et peut exiger qu’une déclaration soit faite sous serment. » [Nos soulignements]
[317] On constate par ailleurs que la personne qui dirige l’enquête peut, à son gré, exiger que le témoignage d’une personne soit enregistré et fait sous serment.
[318] Dans le dossier Murphy c. Chambre de la sécurité financière[199], la Commission d’accès à l’information a reconnu la confidentialité de l’identité du plaignant et d'autres renseignements d’enquête jusqu’à l’audition de la plainte. On a invoqué à cet égard que la publicité de ces renseignements est susceptible de porter préjudice au plaignant et de dissuader des plaignants potentiels. Voici le passage pertinent de la Commission d’accès :
« La confidentialité de l’identité d’un plaignant est, à l’instar d’autres renseignements d’enquête, garantie jusqu’à l’audition de la plainte; la publicité de pareils renseignements serait susceptible de causer un préjudice à un plaignant et la crainte de représailles dissuaderait les plaignants potentiels.
La Commission a pris connaissance des documents en litige, précisés lors de l’audience, tels qu’ils sont détenus par la Chambre dans l’exercice de ses fonctions. Il s’agit substantiellement :
- de documents obtenus par les enquêteurs chargés de détecter les infractions à la Loi sur la distribution de produits et services financiers ou à des règlements adoptés en vertu de celle-ci dans les dossiers concernant X et Y; la preuve établit que la divulgation des renseignements constituant ces documents serait susceptible de révéler une source confidentielle d’information et de causer un préjudice à des personnes qui sont les auteurs de ces renseignements ou qui en sont l’objet . »
[319] Dans l’affaire Fouad Farhat c. Claude Lalonde et l’Ordre des opticiens d’ordonnances du Québec[200], l’honorable juge Mayrand a rappelé ainsi l’importance de protéger l’identité des clients et des autres professionnels qui pourraient agir comme dénonciateurs :
« 30. Même lorsque le syndic doit procéder à la communication de son dossier, le syndic doit toujours protéger l’identité des clients ou autres professionnels qui agissent comme dénonciateurs.
32. […]
Latulippe c. Tribunal des professions, C.A.M. 500-09-002756-963, 5 juin 1998, honorables juges M. Rothman, A. Brossard, T. Rousseau-Houle.
33. L’honorable Bénard écrivait :
[…] En droit disciplinaire, même si le syndic n’a pas établi que la sécurité des médecins dénonciateurs était compromise, la simple crainte que ceux-ci puissent être l’objet de représailles de toutes sortes de la part du milieu, justifie le comité de discipline de ne pas exiger le dépôt des lettres si ceci n’est pas pertinent, ni nécessaire, ni utile.
Cette position a été prise dans le but d’inciter le plus de professionnels possibles à dénoncer la conduite dérogatoire de leurs collègues et ceci dans l’intérêt du public, ce qui est une préoccupation du tribunal des professions…
Le tribunal des professions est d’accord avec le fait qu’il faut accorder aux professionnels dénonciateurs la même protection que celle accordée aux indicateurs dans le domaine criminel et ce, dans le but d’amener le plus de professionnels à rapporter au syndic les fautes commises par leurs collègues et ainsi accroître la protection du public (p. 22, R-12).
En acceptant le principe de la protection des informateurs du syndic, il ne s’agit pas de prôner un système de délation anonyme, mais de reconnaître l’importance de l’acheminement des informations que celui-ci peut recevoir dans le cadre de la protection du public.
Le tribunal considère que cette affirmation du tribunal des professions n’est en rien déraisonnable. »
[320] L’honorable juge Mayrand considère même qu’il peut être utile dans l’intérêt public de protéger l’information reçue, et ce, particulièrement dans l’éventualité où celle-ci ne conduit pas au dépôt d’une plainte.
[321] On doit à son avis favoriser la cueillette d’information par le syndic et qui peut même être à l’insu de la personne enquêtée pour des raisons d’efficacité. Il rappelle qu’une enquête n’est pas publique et que le syndic n’a pas à divulguer au professionnel le contenu de son enquête ou sa décision. Il souligne ainsi l’importance de la confidentialité lors de l’enquête et du devoir des tribunaux de faciliter la mission du syndic, et ce, dans l’intérêt public :
« Il peut être utile dans l’intérêt public de protéger l’information reçue surtout si celle-ci ne conduit pas au dépôt d’une plainte.
Si l’identité peut être protégée dans certains dossiers criminels, elle doit l’être également dans le droit disciplinaire; ceci est d’autant plus vrai si la révélation de l’identité des informateurs n’aide en rien le professionnel à offrir une défense pleine et entière. »
32. Qu’en est-il des documents qui ne sont pas acheminés au comité de discipline et qu’on pourrait considérer comme des dossiers d’enquête?
33. Le syndic a le fardeau, par la prépondérance, de justifier son refus, et le tribunal est satisfait qu’il a réussi à le faire amplement pour les considérations suivantes.
Il n’y a pas de loi ou de précédent jurisprudentiel qui accorde une quelconque accessibilité à des dossiers d’investigation.
Au contraire, l’article 124 du Code des professions oblige le syndic à prêter un serment de discrétion sur tout ce qu’il apprend durant son enquête.
36. Le syndic procède à son enquête indépendamment de toute pression externe (art. 121 du Code des professions), et de bonne foi (art. 193 dudit Code).
37. Ce qui permettait à l’honorable juge Pierre Dalphond d’écrire :
En effet, ceux-ci (syndicat et syndic-adjoint), doivent être en mesure de mener leur enquête selon leur intuition, soupçon et information, sans être influencés par les dirigeants de l’Ordre, la personne enquêtée, la personne qui a demandé l’enquête, s’il en est, ou les amis ou parents des uns ou des autres, p. 24.
Parizeau c. Barreau du Québec, C.S.M. 500-05-027416-963, 14 février 1997, hon. juge Pierre Dalphond.
Intérêt Public - Bien Être Général
38. Il est évident que cette obligation de confidentialité est une considération majeure pour une personne qui désire porter plainte contre un professionnel.
39. C’est une question de sens commun d’où la jurisprudence déjà citée protégeant l’identité des informateurs.
40. De plus, les tribunaux ont maintes fois reconnu la non contraignabilité du syndic sur ce point.
41. Il est donc d’intérêt public de faciliter la cueillette d’informations par le syndic, et pour être efficace, elle doit être menée à l’insu de la personne enquêtée.
42. Rien dans la loi n’oblige le syndic à donner au professionnel avis qu’une plainte sera déposée contre lui, et qu’une enquête est en cours. Le principe a été consacré par la cour d’appel dans l’affaire Parizeau.
43. L’enquête n’est pas publique et le syndic n’a pas à divulguer au professionnel le contenu de son enquête ni sa décision. L’écoulement du temps n’a aucun impact sur le principe.
45. Un client peut vouloir s’adresser au syndic sans nécessairement porter une plainte officielle contre le professionnel.
46. Il peut vouloir procéder à certaines vérifications ou obtenir des informations, tout en voulant continuer sa relation professionnelle concernée.
48. La mission du syndic étant de protéger l’intérêt public, il est de notre devoir de lui faciliter cette mission ; même si c’est au détriment du professionnel qui voit son droit de consulter un dossier d’enquête, écarté et à moins d’abus de la part du syndic, les tribunaux n’interviendront pas. »
[322] La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse dans l’arrêt Potter v. Nova Scotia[201], rappelle qu’on doit tenter dans la mesure de concilier deux objectifs contradictoires à savoir le besoin de connaître de la personne visée et le besoin des enquêteurs de garder le secret. On note à cet égard que les acteurs administratifs ne devraient pas avoir à révéler de l’information qui leur est permis ou requis de garder confidentiel simplement parce qu’on conteste leurs actions. Accéder à une telle demande mettrait en péril le processus d’enquête. La Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse souligne ainsi l’importance de la confidentialité de l’enquête, et ce, même lors d’une contestation en révision judiciaire :
« 20. In many respects, the issue about the scope of the return and the availability of discovery raise the same fundamental issue in a case like this one. That issue is how to balance two competing requirements: the applicant’s need to know and the investigators need to keep secret. On the one hand, the applicant for judicial review needs, and ought to have access to, the relevant information for the purposes of review. Mr. Potter needs to know what the investigators did in order to mount his challenge. On the other hand, administrative actors should not have to reveal information which they are permitted (or required) to keep confidential simply because someone challenges their actions. The investigative process could break down if full access to its fruits were available simply by filing a judicial review application.
22. As serious as these allegations are, however, one must also consider the importance of confidentiality in the investigative process. Granting routine access to the fruits of an investigation to anyone who has filed a certiorari application could put the whole system of securities regulation at risk: the ability to investigate in private would, for practical purposes, no longer exist.»
[323] La Cour d’appel est d’avis que l’on doit pondérer les intérêts en cause. On note à cet égard que le processus d’enquête est au cœur du système réglementaire édicté par la loi. Cet équilibre entre la confidentialité et la divulgation pendant l’enquête est critique afin que le régulateur puisse remplir son mandat. Bien que les enquêteurs ne doivent évidemment pas piétiner les droits des justiciables, la Cour d’appel est d’avis qu’ils doivent être en mesure d’exercer leurs vastes pouvoirs dans l’intérêt public. Voici le passage pertinent sur l’importance que les pouvoirs d’enquête puissent s’exercer dans l’intérêt public :
« 24. In addition, a balancing of interests is required. The investigative process lies at the heart of the regulatory system established by the Act. The balance between confidentiality and disclosure within that process is one that is critical to the effective discharge of the Commission’s mandate. While investigators must not, of course, be allowed to run roughshod over people’s rights, they must be allowed to exercise their broad powers in the public interest. »
[324] Le Bureau est d’accord avec la formation d’instruction selon laquelle la mission de l’ACCOVAM, qui implique de veiller à la protection du public, lui permet d’interpréter ses règles de manière à protéger les tiers du préjudice que pourrait leur causer la diffusion des propos échangés lors de l’interrogatoire sans qu’ils aient le bénéfice d’une audience publique pour se faire entendre. La décision est correcte.
4) La sanction - dossier 2008-012
Position du demandeur concernant les sanctions
[325] Le demandeur est d’avis que compte tenu des circonstances, et si la culpabilité était maintenue par le Bureau, la sanction imposée est clairement abusive et injuste. Elle est clairement punitive et sans commune mesure avec la gravité de la conduite du demandeur.
[326] Les échanges de correspondance entre le demandeur et l’intimée révèlent que c’est cette dernière qui a agi de façon intransigeante, refusant tout compromis et même toute explication rationnelle de son refus, et ce, malgré les demandes répétées du demandeur.
[327] Il ajoute que la formation d’instruction le condamne aujourd’hui à une amende de 50 000 $, à d’importants déboursés et à une interdiction permanente d’inscription, alors que le refus du demandeur était justifié par une jurisprudence claire que la formation d’instruction a écartée sans motif sérieux.
[328] Si tant est que le demandeur devait être reconnu coupable, la formation d’instruction aurait dû user de sa discrétion pour n’imposer aucune sanction - comme elle pouvait choisir de le faire - et statuer que la présente affaire sert de « jugement déclaratoire » sans qu’il ne soit nécessaire de pénaliser le demandeur.
Position de l’ACCOVAM concernant les sanctions
[329] L’intimée souligne que la non-coopération ou l’entrave à une enquête de l’ACCOVAM constitue une faute grave parce qu’elle compromet la capacité de cette dernière d’exercer ses fonctions.
[330] Elle rappelle ainsi les critères pertinents considérés dans les présentes circonstances par la formation d’instruction :
a) La contravention était intentionnelle;
b) La non-conformité a été complète;
c) L’incidence de la non-conformité sur l’enquête;
d) L’entrevue avec les enquêteurs était d’une importance majeure pour l’enquête;
e) Le refus de coopération à une enquête est une faute grave;
f) Le choix d’une sanction de nature à réprouver une conduite grave; et
g) L’examen des précédents.
[331] Elle souligne que la jurisprudence est constante au niveau de la sanction octroyée pour un refus de comparaître, il s’agit d’une interdiction permanente d’inscription, d’une amende de 50 000 $ et de l’octroi des frais d’enquête[202].
[332] Les sanctions imposées en matière de « refus de collaborer » doivent être suffisamment dissuasives : l’infraction relative au refus de collaborer compromet la capacité même de l’ACCOVAM de remplir sa fonction de protection du public en matière d’enquêtes et de procédures disciplinaires.
[333] Au sujet des frais réclamés, l’ACCOVAM a déposé les pièces S-1 et S-2 devant la formation d’instruction.
[334] C’est sur la base de ces documents que la formation d’instruction a rendu une décision quant aux frais.
[335] Elle termine en soulignant qu’il n’y a aucune raison d’intervenir à cet égard.
Décision de la formation d’instruction quant aux sanctions à être imposées à monsieur Louis-Philippe Séguin
[336] Il est utile de rappeler les passages pertinents de la formation d’inscription :
« 15. L’interdiction permanente d’inscription doit être prononcée.
16. Depuis la lettre P-5 du 7 février 2006, l’intimé connaît les sujets sur lesquels les enquêteurs veulent le rencontrer; il a refusé de le faire et notre décision du 29 juin 2007 ne semble pas l’avoir porté à adopter une autre attitude que le refus.
17. Une amende s’impose, car un simple blâme ne serait pas de nature à réprouver une conduite grave, paralysant l’ACCOVAM dans sa mission de la protection du public.
18. Quant au quantum, l’amende de 50 000 $ semble être la norme, même lorsque la personne a agi en suivant les conseils d’un avocat (Re : Basset - 6 juillet 2005, particulièrement le paragraphe 25).
19. Dans l’affaire Mirza mentionnée au paragraphe 9, c’est parce que la personne a finalement consenti à répondre aux enquêteurs que l’amende fut fixée à 40 000 $.
20. Dans l’affaire Beaudoin décidée par une formation d’instruction le 6 juin 2007, aux paragraphes 22 à 27, on a rappelé la faute grave que constitue un refus de coopération à une enquête. Dans notre décision du 7 décembre 2007, nous avons souligné au paragraphe 31 que vu le mutisme de monsieur Séguin, l’enquête s’était trouvée paralysée.
21. Quant au motif de la confidentialité, le fait qu’il n’aurait pas été soulevé par les enquêteurs en mars 2006 ne peut avoir de portée. Aurait-il été soulevé que cela n’aurait rien changé puisque l’intimé ne voulait pas répondre aux questions sans obtenir l’enregistrement. La position de l’ACCOVAM était que l’intimé ne pouvait dicter les conditions de sa comparution, position que nous estimons raisonnable. Dans la conduite de ses enquêtes, l’ACCOVAM est en droit d’établir des façons de procéder, dans la mesure où ces dernières sont raisonnables.
22. Nous sommes d’avis d’imposer une amende de 50 000 $ ; il est important que des contraventions similaires entraînent des sanctions similaires, à moins que n’interviennent des facteurs aggravants ou de mitigation, ce qui n’est pas le cas ici. »
[337] Nous sommes d’avis que la formation d’instruction a imposé la sanction correcte dans les circonstances. Le demandeur connaissait les sujets sur lesquels les enquêteurs voulaient le rencontrer depuis le 7 février 2006. L’analyse de la jurisprudence au tableau 1 démontre que le défaut de rencontrer les enquêteurs comporte en général les sanctions suivantes : 1) interdiction permanente; 2) amende de 50 000 $; et 3) le paiement des frais.
[338] Dans le dossier Beaudoin (Re)[203], la formation d’instruction souligne que la non-coopération constitue une faute grave, car elle compromet la capacité de l’organisme d’autoréglementation d’exercer ses fonctions. On rappelle le devoir de l’organisme d’assurer le respect des lois et règlements encadrant l’industrie des valeurs mobilières dans le but d’assurer la protection des investisseurs.
[339] On note que la Cour suprême dans l’arrêt Pezim a souligné le rôle protecteur des organismes de réglementation et du fait que cette particularité doit être reconnue lorsqu’on analyse la manière dont leurs fonctions sont exercées. La formation d’instruction dans l’affaire Beaudoin applique également par analogie l’arrêt Branch de la Cour suprême qui souligne qu’on peut légitimement contraindre une personne à témoigner, car la législation en valeurs mobilières vise à atteindre un objectif d’une grande importance pour le public, à savoir la réglementation de l’industrie des valeurs mobilières. Voici le passage pertinent de ce jugement :
« 22. La non-coopération ou l’entrave à une enquête de l’Association constitue une faute grave parce qu’elle compromet la capacité de cette dernière d’exercer ses fonctions.
23. L’Association a le devoir d’assurer le respect des lois et règlements qui gèrent l’industrie des valeurs mobilières.
24. Ces lois et règlements visent avant tout à protéger les investisseurs.
25. Comme l’a mentionné la Cour Suprême du Canada dans l’arrêt Pezim c. Colombie-Britannique (1994 2 R.C.S. 557 à la page 593) : « Ce rôle protecteur, qui est commun à toutes les commissions des valeurs mobilières, donne à ces organismes un caractère particulier qui doit être reconnu lorsqu’on examine la manière dont leurs fonctions sont exercées aux termes des lois qui leur sont applicables. »
26. Par analogie, on peut appliquer à l’enquête menée par l’Association, les termes utilisés par la Cour Suprême du Canada dans l’arrêt British Columbia Securities Commission c. Branch [1995] 2 R.C.S. 3 ) au paragraphe 35 : « Une enquête de ce genre contraint légitimement une personne à témoigner puisque la Loi vise la réalisation d’un objectif d’une grande importance pour le public, à savoir, recueillir des témoignages pour réglementer le secteur des valeurs mobilières. »
27. Il est donc essentiel pour tout membre de l’Association de coopérer ou de ne pas entraver l’enquête.
[340] La sanction imposée par la formation d’instruction à monsieur Séguin était non seulement raisonnable, mais correcte.
Considérations Générales |
Milardovic (Re) [2007] I.D.A.C. N° 31 |
Beaudoin (Re) [2007] I.D.A.C. N° 18 |
Puccini(Re) [2007] I.D.A.C. N° 11 |
Bassett (Re) [2005] I.D.A.C.D. N° 26 |
Stewart (Re) [2005] I.D.A.C.D. N° 23
|
Crittall (Re) [2004] I.D.A.C.D. N° 51 |
Loewen (Re) [2004] I.D.A.C.D. N° 45 |
Bagnell (Re) [2003] I.D.A.C.D. N° 44 |
Katz (Re) [2002] I.D.A.C.D. N° 13 |
Robb (Re) [2002] I.D.A.C.D. N° 1 |
Faits |
Défaut de rencontrer l’enquêteur
N’est plus employé dans l’industrie depuis 2006
Objet de l’enquête : les circonstances entourant sa fin d’emploi comme représentant chez IPC Securities |
Défaut de rencontrer l’enquêteur, de répondre aux questions et de fournir les informations requises
Objet de l’enquête : ouverture d’une enquête interne par son ancien employeur Corporation Recherche Capital
|
Défaut de rencontrer l’enquêteur, de répondre aux questions et de fournir les informations requises
N’a pas comparu lors de l’audience
Objet de l’enquête : Transactions discrétionnaires
Imitation de signature
La formation a tenu les faits allégués pour avéré
|
Défaut de rencontrer l’enquêteur
Retraité de l’industrie
Objet de l’enquête : par. 15
|
Défaut de rencontrer l’enquêteur et de fournir des documents demandés
Objet de l’enquête : Des clients ont déposés des plaintes contre l’intimé ; ils lui avaient prêté de l’argent et l’intimé ne les a pas remboursés
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Défaut de rencontrer l’enquêteur à nouveau
Objet de l’enquête : Plaintes de clients pour transactions non autorisées et transactions discrétionnaires
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Défaut de rencontrer l’enquêteur
N’est plus dans l’industrie
Objet de l’enquête : Transactions discrétionnaires |
Défaut de rencontrer l’enquêteur
Objet de l’enquête : transactions discrétionnaires et placement non convenants |
Défaut de rencontrer l’enquêteur
« Opening of false client accounts, diverting account statements, making transfers of funds between the false accounts and other unrelated client accounts, and misappropriation of funds » |
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1. Antécédents disciplinaires |
Non mentionné |
Non mentionné |
Non mentionné |
Non mentionné |
Non |
Non |
Non |
Non |
Non |
Oui |
2. La contravention était-elle intentionnelle ou par inadvertance? |
Non mentionné |
Non mentionné |
Intentionnelle |
Non mentionné |
Intentionnelle |
Intentionnelle |
Intentionnelle |
Intentionnelle |
Intentionnelle |
Intentionnelle |
3. La non-conformité a-t-elle été complète ou seulement partielle ? |
Complète |
Complète |
Complète |
Non mentionné |
Complète |
Complète |
Complète |
Complète |
Complète |
Complète |
Considérations Générales |
Milardovic (Re) [2007] I.D.A.C. N° 31 |
Beaudoin (Re) [2007] I.D.A.C. N° 18 |
Puccini(Re) [2007] I.D.A.C. N° 11 |
Bassett (Re) [2005] I.D.A.C.D. N° 26 |
Stewart (Re) [2005] I.D.A.C.D. N° 23
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Crittall (Re) [2004] I.D.A.C.D. N° 51 |
Loewen (Re) [2004] I.D.A.C.D. N° 45 |
Bagnell (Re) [2003] I.D.A.C.D. N° 44 |
Katz (Re) [2007] I.D.A.C.D. N° 13 |
Robb (Re) [2002] I.D.A.C.D. N° 1 |
4. L’incidence de la non-conformité sur l’enquête. |
Non mentionné |
L’Association n’a pas pu aller plus loin dans son enquête |
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Non mentionné |
L’Association n’a pas pu aller plus loin dans son enquête |
L’Association n’a pas pu aller plus loin dans son enquête |
« the Respondent did thereby impart the Association’s ability to perform its regulatory functions. » |
”the Respondent’s failure to attend and be questioned has « compromised the Association’s ability to complete the investigation. »» |
Susbstantiel |
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Sanctions |
Interdiction permanente
Amende de 50 000$
Frais de 8 000$ |
Interdiction permanente
Amende de 50 000$
Frais de 6 115.09$ |
Interdiction permanente
Amende de 50 000$
Frais de 17 371$ |
Interdiction permanente
Amende de 50 000$
Frais de 20 000$ |
Interdiction permanente
Amende de 50 000$
Frais de 11 165$ |
Suspension temporaire de 90 jours pour lui permettre de coopérer à l’enquête à défaut de quoi interdiction permanente
Amende de 50 000$
Frais de 15 800$ |
Interdiction permanente
Amende de 50 000$
Frais de 6 020$ |
Interdiction permanente
Amende de 50 000$
Frais de 11 700$ |
Suspension temporaire de 90 jours pour lui permettre de coopérer à l’enquête à défaut de quoi interdiction permanente
Amende de 50 000$
Frais de 27 130$ |
Interdiction permanente
Amende de 50 000$
Frais de 9 329.22$ |
DÉCISION
[341] Le Bureau de décision et de révision, statuant les demandes de révision qui ont été adressées au Bureau de décision et de révision en valeurs mobilières par Louis-Philippe Séguin, demandeur en l’instance;
Après avoir étudié les dossiers, entendu les parties et délibéré;
Pour les motifs ci-joints de Me Alain Gélinas, président du Bureau et Gerald La Haye, membre du Bureau;
REJETTE les demandes de révision de Louis-Philippe Séguin.
Fait à Montréal, le 22 décembre 2010. |
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(S) Alain Gélinas |
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Me Alain Gélinas, président |
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(S) Gerald La Haye |
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Me Gerald La Haye, membre |
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[1] [2004] 136 G.O. II, 4695.
[2] L.R.Q., c. A-33.2.
[3] Onglet 1 du Cahier jaune.
[4] Onglet 2 du Cahier jaune,
[5] Onglet 3 du Cahier jaune.
[6] Pièce P-4.
[7] [2008] 1 R.C.S. 190 , 2008 CSC 9 .
[8] Résolution Capital inc. c. ACCOVAM, 2005 QCBDRVM 44.
[9] [1994] 2 R.C.S. 557 .
[10] Précitée, note 8.
[11] Québec (Procureur général) c. Forces motrices Batiscan, 2003 CanLII 41711 (C.A.), para. 51-61.
[12] Voir à titre d’exemple (Re) Boulieris, (2004) 27 OSCB 1597, (Re) Shambleau, (2002) 25 OSCB 1850 et (Re) Cavalier Energy Ltd., (1991) 14 OSCB 1480.
[13] 2005 QCBDRVM 6.
[14] Précitée, note 7.
[15] Id., p. 214, par. 34.
[16] [1997] 1 R.C.S. 748 .
[17] [1998] 1 R.C.S. 982 .
[18] Précitée, note 7, p. 216, par. 39.
[19] [2003] 1 R.C.S. 247 .
[20] [2003] 3 R.C.S. 77 .
[21] [2007] 1 R.C.S. 650 .
[22] Précitée, note 7, page 218, par. 42.
[23] Précitée, note 7, page 220, par. 45.
[24] Précitée, note 7, page 220, par. 47.
[25] Précitée, note 7, p. 221 et 222, par. 49.
[26] Précitée, note 7, p. 221 et 222, par. 49.
[27] Précitée, note 7, p. 222, par. 51.
[28] Ibid.
[29] Précitée, note 7, p.223, par. 54.
[30] Précitée, note 7, p. 227, par. 64.
[31] Précitée, note 7, p. 225, par. 54.
[32] Précitée, note 13.
[33] Précitée, note 13, p. 9, note 25.
[34] On peut souligner le Financial Services Tribunal au Royaume-Uni, la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers de France, le Securities and Futures Appeal Tribunal de Hong Kong, l’Administrative Appeals Tribunal de l’Australie, le mécanisme des juges administratifs à la Securities and Exchange Commission des États-Unis. Au niveau canadien, une proposition ontarienne en ce sens a été faite par l’Honorable Coulter A. Osborne et le professeur David J. Mullan, dans, Report of the Fairness Committee to the Ontario Securities Commission, 5 mars 2004.
[35] Précitée, note 2.
[36] [1972] R.C.S. 119 .
[37] Id., 128 et 129.
[38] Précitée, note 7, p. 211, par. 27.
[39] Précitée, note 7, p. 213, par. 31.
[40] Yves OUELLETTE, Les tribunaux administratifs au Canada - Procédure et Preuve, Montréal, Les Éditions Thémis, 1997, 755 pages, p. 505-506.
[41] Ibid.
[42] (Re) Boulieris, précitée, note 12.
[43] Investment Dealers Association of Canada v. Taub, (2007), 30 OSCB 4739, 2007 LNONOSC 365.
[44] Précitée, note 2.
[45] L.R.Q., c. V-1.1. Il est utile de mentionner l’article 323.5 de la Loi sur les valeurs mobilières concernant la discrétion conférée en fonction de l’intérêt public : « 323.5. Sous réserve du deuxième alinéa de l'article 93 de la Loi sur l'Autorité des marchés financiers (chapitre A-33.2), le Bureau exerce la discrétion qui lui est conférée en fonction de l'intérêt public.»
[46] Précitée, note 13.
[47] (1994) 17 OSCB 6097.
[48] Ibid.
[49] Précitée, note 19, p. 4.
[50] Précitée, note 9.
[51] Précitée, note 13.
[52] Organisation internationale des commissions de valeurs, Objectives and Principles of Securities Regulation, mai 2003 (voir le principe 6 concernant le régulateur).
[53] Procureur Général du Québec c. Forces Motrices Batiscan, précitée, note 11.
[54] Id., par. 16.
[55] Id., par. 18.
[56] Id., par. 21.
[57] L.R.Q. c. J-3.
[58] Procureur Général du Québec c. Forces Motrices Batiscan, précitée, note 11, par. 28.
[59] Id., par. 52.
[60] Id., par. 53.
[61] Id.
[62] Précité, note 1.
[63] Article 323 de la Loi sur les valeurs mobilières, précitée, note 45. Ce pouvoir se retrouve dorénavant à l’article 115.1 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, précitée, note 2.
[64] [1980] 2 R.C.S. 555 .
[65] 2008 BCCA 413 .
[66] [1999] R.J.Q. 2839 (C.A.).
[67] [1991] N.S.J. No 4521.
[68] 2007 SKCA 70 (CanLII).
[69] 2003 CanLII 5999 (ONCA).
[70] 2005 CanLII 18303 (ONSCDC).
[71] Précité, note 68, p. 8.
[72] Avis Car inc. c. Mutshitay, B.E. 2001 BE-248 (C.Q.) ; Poissonnerie Bari c. Gestion Inter-Parc inc. (National Tilden), REJB 2002-28169 (C.S.); General Accident compagnie d’assurance du Canada c. Genest, REJB 2001-22026 (C.A.); Dell Computer Corporation c. Union des consommateurs, 2005 QCCA 570 (CanLII) et 2007 CSC 34 (CanLII) ; Eclipse Optical Inc. c. Bada U.S.A. Inc., REJB. 1997-03559 (C.Q.); Gestion Inter-Parc inc. c. Optimatech Inc. (C.Q ») Terrebonne, no. 700-22-009998-039, 2 mai 2005.
[73] Pièce P-4.
[74] Pièce-1, p. 25.
[75] Pièce-1, p. 25.
[76] Voir les paragraphes 45 et 46 de la décision du 29 juin 2007.
[77] (1983) 115 G.O. II, 1511 [c. V.1-1, r.1].
[78] #3325 - 2 septembre 2004.
[79] #3330 - 20 septembre 2004.
[80] Pièce P-30 contient à la page (ii) du manuel (P-30, p. 300).
[81] Pièce I-6, p. 75.
[82] Voir l’article 6 de l’Acte constitutif de l’ACCOVAM.
[83] Pièce P-1, page 25.
[84] R. c. Fitzpatrick, [1995] 4 R.C.S. 154 , para. 38 à 40.
[85] Précitée, note 66, pp. 2848-2849.
[86] Pièce P-15.
[87] Pièce P-31.
[88] Précitée, note 64.
[89] Id., 563.
[90] Id., 565.
[91] Id., 566 et 567
[92] (1901), 19 C.S. 452.
[93] (1918), 27 B.R. 37
[94] (1886), 30 L.C.J. 150.
[95] Senez v. Chambre d’immeuble de Montréal, précité, note 64, 569 et 570.
[96] Précitée, note 66.
[97] Ibid.
[98] Résolution Capital inc. c. Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, 2002 CanLII 655 (QC C.S.).
[99] Résolution Capital inc. c. Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, 2002 CanLII 10049 (QC C.A.).
[100] Précitée, note 43, par. 49.
[101] Précitée, note 67.
[102] Précitée, note 69, par. 10.
[103] Précitée, note 69, aux par. 12 et 32.
[104] Jean-Louis BAUDOUIN et Pierre-Gabriel JOBIN, Les obligations, 6e éd. Cowansville, Yvon Blais, 2005, p. 80.
[105] Albert MAYRAND, Dictionnaire de maximes et locutions latines utilisées en droit, 3° édition, Yvon Blais.
[106] Précitée, note 104.
[107] Précitée, note 104.
[108] Précitée, note 45. Le texte a été modifié depuis.
[109] Ibid. Le texte a été modifié depuis.
[110] Ibid.
[111] Ibid.
[112] Ibid.
[113] Ibid.
[114] Onglet 7.
[115] Ibid.
[116] Décision no 2004-PDG-0083, Reconnaissance de l’Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières (l’« ACCOVAM ») à titre d’organisme d’autoréglementation, en vertu de la Loi sur l’Agence nationale d’encadrement du secteur financier (L.R.Q., chapitre A-7.03) (la « LANESF »).
[117] Id., article 1.3.
[118] Précitée, note 116, article 1.14.
[119] Précitée, note 116, article 1.21.
[120] Précitée, note 116, article 3. Voici l’article pertinent : 3.1. Les mots et expressions suivants, lorsqu’ils sont employés dans la présente décision, y compris le préambule, ont, à moins d’incompatibilité avec le contexte, les significations suivantes :
l) « Statut 20 » signifie le Statut 20 de l’ACCOVAM intitulé Procédure d’audience de l’Association ainsi que les modifications corollaires aux statuts 2, 4, 11, 28, 30, 33 et 35 et au Principe directeur No 6 approuvées par l’AUTORITÉ, dans le cadre de l’examen de la Demande.
[121] Précitée, note 116, article 1.30.
[122] Précitée, note 116, article 1.31.
[123] Précitée, note 116.
[124] Précitée, note 116, paragraphe 10.1 est à l’effet suivant : L’ACCOVAM ne peut, en totalité ou en partie, impartir ses activités d’autoréglementation à un autre organisme d’autoréglementation non plus qu’elle ne peut impartir en totalité ou en partie ses activités administratives qui auraient un impact significatif sur ses activités, sans avoir obtenu l’approbation préalable de l’AUTORITÉ.
[125] Précitée, note 116, par. 11.1.
[126] [2003] R.J.Q. 981 à 988 (C.Q.).
[127] Brigitte LEFEBVRE, « Le contrat d’adhésion », [2003] 105 Revue du Notariat 439, p. 448 et, plus particulièrement, la jurisprudence et la doctrine citées en note de bas de page 32.
[128] Précitée, note 104, p. 85.
[129] Id., voir également LEFEBVRE, B., précitée, note 127, 449.
[130] Précitée, note 45.
[131] Onglet 3.
[132] Précitée, note 9.
[133] Id., 557.
[134] Lettre du 13 août 2008.
[135] Lettre du 12 septembre 2008.
[136] Taub v. Investment Dealers Association of Canada, 2008 CanLII 35707 (ON S.C.D.C.).
[137] Ibid.
[138] Précitée, note 65.
[139] Précitée, note 65, par. 47.
[140] Re Mechaka -AFFAIRE INTÉRESSANT: LES RÈGLES DE L’ORGANISME CANADIEN DE RÉGLEMENTATION DU COMMERCE DES VALEURS MOBILIÈRES ET YVES MECHAKA [2009] IIROC No. 18, Décision: le 7 avril 2009.
[141] Précitée, note 45.
[142] Précitée, note 140 par. 21.
[143] Id., par. 36.
[144] Précitée, note 140, pars. 43 et 44.
[145] Id., par. 60 et ss.
[146] Id., par. 68.
[147] Id., par. 69.
[148] Id., par 75.
[149] Id., par. 77.
[150] Id., par. 78.
[151] Précitée, note 64, 566
[152] Précitée, note 66, aux pars. 45 et 55.
[153] Précitée, note 140, par. 95. « SROs can be defined as non-governmental organizations that: (1) share a common set of public policy objectives including the enhancement of market integrity, market efficiency and investor protection; (2) are actively supervised by government regulators; (3) have statutory regulatory authority and/or authority delegated by the government regulator(s); (4) establish rules and regulations for firms and individuals subject to their regulatory authority; (5) monitor compliance with those rules and regulations; (6) have the authority to discipline firms and individuals that violate their rules and regulations;(7) include industry representatives on their Boards or otherwise ensure that industry representatives have a meaningful role in governance; and (8) maintain structures, policies and procedures intended to ensure that conflicts of interest between their commercial and regulatory activities are appropriately managed.»
[154] Id., par. 96.
[155] Id., par. 97.
[156] Id., par.109
[157] Id.,par. 110.
[158] Id., par. 132.
[159] Id., par. 134.
[160] Id., par. 136.
[161] Id., par. 137.
[162] Id., par. 138
[163] Id., par. 143.
[164] Art. 1434 Code civil du Québec.
[165] Précitée, note 140, par. 159.
[166] Id., par. 161.
[167] Id., par. 163.
[168] Id., par. 165.
[169] Id., par. 173.
[170] Id., par. 174.
[171] Précitée, note 140, par. 194.
[172] [1982] 2 R.C.S. 161 .
[173] Précitée, note 140, par. 196.
[174] Id., par, 213.
[175] Id., par. 216.
[176] Article 276 (4) Loi sur les valeurs mobilières, précitée, note 45.
[177] Précitée, note 140, par. 225.
[178] Précitée, note 140, par. 230; voici l’article pertinent: « 21.1 (3) A recognized self-regulatory organization shall regulate the operations and the standards of practice and business conduct of its members and their representatives in accordance with its by-laws, rules, regulations, policies, procedures, interpretations and practices.»
[179] Précitée, note 140, par. 236.
[180] Id., par. 237
[181] Id., par. 240.
[182] Id., par. 263.
[183] Id., par. 264.
[184] Id., par. 265.
[185] Id., par. 271.
[186] Id., par. 280.
[187] Taub v. Investment Dealers Association of Canada, 2009 ONCA 628.
[188] Id., par. 1.
[189] Id., par. 13.
[190] Id., par. 2.
[191] R.S.O. 1990, c. S.5.
[192] Précitée, note 187, par. 6 et 7.
[193] Précitée, note 187, par. 61 et 62.
[194] Précitée, note 66.
[195] Précitée, note 99.
[196] Autorité des marchés financiers c. Panju, 2008 QCCA 832 .
[197] Voir le paragraphe 27 de la décision du 7 décembre 2007; onglet 2 du cahier jaune; voir aussi les pages 5-6 de la transcription de l’audience du 14 novembre 2007.
[198] Pièce P-4.
[199] Onglet 43, A.I.E. 2002AC-62 (C.A.I.).
[200] REJB 1999-11979 - Texte intégral, COUR SUPÉRIEURE, NO : 500-05-042241-982, Date : 12 avril 1999.
[201] [2006] N.S.J. N° 147 (N.-S. C.A.).
[202] Voir, à titre d’exemples, les décisions Beaudoin (Re), [2007] I.D.A.C.D. N° 18, Mirza (Re), 19 juin 2007 et la récente décision Randall Wayne Reiffenstein (Re) rendue le 12 février 2008.
[203] [2007] I.D.A.C.D. N° 18.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.