Décision

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Pichette et Bouteilles Recyclées du Québec BRQ inc.

2010 QCCLP 3511

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jérôme :

10 mai 2010

 

Région :

Laval

 

Dossier :

392919-61-0911

 

Dossier CSST :

134894336

 

Commissaire :

Michel Lalonde, juge administratif

 

Membres :

Jacynthe Fortin, associations d’employeurs

 

Françoise Morin, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Ginette Pichette

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Bouteilles Recyclées du Québec BRQ inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 2 novembre 2009, madame Ginette Pichette (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 13 octobre 2009, à la suite d'une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 1er juin 2009 et déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 24 mars 2009 et qu’elle n’a pas droit aux prestations prévues par la loi.

[3]                Une audience est tenue à Laval le 9 avril 2010. La travailleuse est présente et représentée par Me Daniel Thimineur. Bouteilles Recyclées du Québec BRQ inc., l’employeur, n’est pas représenté.


L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande de déclarer qu’elle a droit au remboursement des verres pour ses lunettes en vertu de l’article 113 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

L'AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations syndicales est d'avis qu’il y a lieu d’accueillir la requête de la travailleuse, d’infirmer la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative le 13 octobre 2009 et de déclarer que la travailleuse a droit à l’indemnité pour le remplacement ou la réparation de ses lunettes endommagées.

[6]                Il y présence d’une série d’événements imprévus et soudains, soit le frottement des lunettes de protection sur les lunettes personnelles de la travailleuse. La travailleuse était dans le cadre de son travail et ne bénéficiait pas d’un régime d’assurance.

[7]                Le membre issu des associations d'employeurs est d'avis qu’il y a lieu de rejeter la requête de la travailleuse, de confirmer la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative le 13 octobre 2009 et de déclarer que la travailleuse n’a pas droit à une indemnité pour le remplacement ou la réparation de ses lunettes endommagées.

[8]                La travailleuse n’a pas démontré que ses lunettes ont été endommagées à la suite d’un événement imprévu et soudain. L’article 113 de la loi ne peut recevoir application dans ce contexte.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[9]                La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a droit à une indemnité pour le remplacement ou la réparation de ses lunettes endommagées en vertu de l’article 113 de la loi. Cet article est libellé comme suit :

113.  Un travailleur a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité pour la réparation ou le remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2) endommagée involontairement lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant par le fait de son travail, dans la mesure où il n'a pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime.

 

L'indemnité maximale payable pour une monture de lunettes est de 125 $ et elle est de 60 $ pour chaque lentille cornéenne; dans le cas d'une autre prothèse ou orthèse, elle ne peut excéder le montant déterminé en vertu de l'article 198.1 .

__________

1985, c. 6, a. 113; 1992, c. 11, a. 5; 2001, c. 60, a. 166.

 

 

[10]           La travailleuse, une journalière, produit une réclamation à la CSST le 22 mai 2009 pour les motifs suivants :

« Réclamation de lunettes endommagés, vitre tout grafiner par le port de lunette de protection obligatoire qui frotte sur ma vitre de mes lunettes. » [sic]

 

 

[11]           La CSST rend une décision le 1er juin 2009 et refuse cette réclamation pour un incident du 24 mars 2009, car les circonstances décrites par la travailleuse ne peuvent être associées à un accident du travail.

[12]           Le 13 octobre 2009, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative et confirme la décision initiale du 1er juin 2009 pour les motifs suivants :

« La Révision administrative estime que les circonstances décrites par le représentant de la travailleuse  ne permettent pas de conclure à la survenance d’un événement imprévu et soudain. La travailleuse effectue son travail normalement, dans des conditions d’exécution habituelles.

 

La Révision administrative estime donc que la travailleuse n’a pas droit à cette indemnité puisque le bris de ses lunettes n’est pas survenu en raison d’un événement imprévu et soudain. » [sic]

 

 

[13]           La travailleuse mentionne qu’elle a remplacé les verres de ses lunettes en avril 2009 étant donné qu’elles étaient égratignées par le port de lunettes de sécurité. Le coût du remplacement des lentilles est de 230 $.

[14]           Elle indique que le port de lunettes de protection est obligatoire dans l’entreprise depuis deux ou trois ans. Ces lunettes sont fournies par l’employeur et se portent par-dessus ses lunettes personnelles. Étant donné les mouvements de ces lunettes de protection, elles égratignent, à la longue, les verres de ses propres lunettes.

[15]           La travailleuse mentionne qu’elle n’a pas échappé ses lunettes et que l’usure des verres s’est produite sur une période d’un an et demi à deux ans avant qu’elle ressente le besoin de les changer. Elle ne possède pas d’assurance lui permettant de se faire rembourser ses lunettes.

[16]           L’article 113 de la loi n’exige pas la survenance d’une lésion professionnelle. Il suffit que la travailleuse démontre que ses verres ont été endommagées involontairement lors d’un événement imprévu et soudain.

[17]           La CSST a refusé de verser une indemnité en vertu de l’article 113 de la loi étant donné l’absence d’un événement imprévu et soudain.

[18]           La travailleuse ne mentionne pas qu’il s’est produit un événement imprévu et soudain. Elle indique seulement que ses verres se sont usées par le frottement des lunettes de protection obligatoire sur une période de plusieurs mois.

[19]           Le tribunal considère que si le législateur avait voulu que tous les remplacements ou les réparations d’une orthèse endommagée au travail donnent droit à une indemnité, il n’aurait pas indiqué qu’il doit y avoir survenance d’un événement imprévu et soudain.

[20]           Dans l’affaire Chateauvert et Gestion Mari-Lou St-Marc inc.[2], la Commission des lésions professionnelles mentionne, dans le cadre d’une réclamation en vertu de l’article 113 de la loi, que ce ne sont pas tous les événements qui peuvent être qualifiés d’imprévus et soudains. Le tribunal retient ceci de cette décision :

[20]      En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles considère qu’on ne lui a pas fait la preuve à l’effet que les lunettes de M. Chateauvert auraient été endommagées dans le cadre d’un événement imprévu et soudain.

 

[21]      En effet, selon la description de l’événement faite au formulaire de réclamation, M. Chateauvert a déposé ses lunettes sur la table du côté droit et, en déplaçant  le couteau pour tailler le tissu, le travailleur l’a déposé sur ses lunettes.

 

[22]      La Commission des lésions professionnelles considère qu’il n’y a rien que l’on puisse qualifier d’imprévu et soudain dans ces faits et gestes relatés et ayant précédé le bris des lunettes de M. Chateauvert.

 

[23]      Bien entendu, l’article 113 de la loi ne va pas jusqu’à exiger que le travailleur soit lui-même victime d’une lésion professionnelle notamment par la survenance d’un événement imprévu et soudain.  Par contre, le travailleur qui produit une réclamation pour obtenir une telle indemnité doit être en mesure de faire la démonstration que ses lunettes ont été endommagées dans le cadre d’un événement imprévu et soudain, ce qui n’a pas été fait en l’espèce.

 

 

[21]           Le tribunal tient à souligner que la réclamation de la travailleuse aurait pu être acceptable s’il y avait eu survenance d’un événement imprévu et soudain. Par exemple, dans l’affaire Kelly Machinerie inc. et Pageau[3], la Commission des lésions professionnelles a accepté d’indemniser un travailleur qui s’accroche les lunettes en travaillant, ce qui fait en sorte qu’elles se brisent lors de la chute au sol.

[22]           De même, dans l’affaire St-Cyr et A.L.B. Industries ltée[4], la Commission des lésions professionnelles a considéré qu’il y avait présence d’un événement imprévu et soudain lorsque les lunettes d’un travailleur ont été endommagées par des étincelles de soudure.

[23]           Dans le présent cas, la preuve ne démontre pas que les verres de la travailleuse ont été endommagées lors d’un événement imprévu et soudain. Le tribunal ne peut que conclure que la travailleuse n’a pas droit à une indemnité selon l’article 113 de la loi.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de la travailleuse, madame Ginette Pichette, du 2 novembre 2009;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 13 octobre 2009 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas droit à une indemnité pour le remplacement ou la réparation de ses lunettes endommagées.

 

 

 

__________________________________

 

Michel Lalonde

 

 

 

 

 

Me Daniel Thimineur

Teamsters Québec (C.C. 91)

Représentant de la partie intéressée

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           C.L.P. 129805-31-0001, 26 juin 2000, S. Sénéchal.

[3]           C.L.P. 322377-31-0707, 27 février 2008, C. Lessard.

[4]           C.L.P. 249362-71-0411, 21 avril 2006, H. Rivard.

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