Décision

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Primeau c. R.

2021 QCCA 544

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

N° :

500-10-006649-188

(765-01-022997-114)

 

DATE :

 1er avril 2021

 

 

FORMATION :

LES HONORABLES

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A.

STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A.

 

 

ALAIN PRIMEAU

APPELANT - accusé

c.

 

SA MAJESTÉ LA REINE

INTIMÉE - poursuivante

 

 

ARRÊT

 

 

[1]           L’appelant se pourvoit contre le verdict prononcé à son endroit le 29 janvier 2018 par un jury qui, saisi d’un chef d’accusation de meurtre au premier degré, l’a déclaré coupable de meurtre au deuxième degré, et ce, au terme d’un procès présidé par l’honorable André Vincent de la Cour supérieure, district de Richelieu.

[2]           Pour les motifs conjoints des juges Bich et Hamilton, auxquels souscrit le juge Sansfaçon, LA COUR :

[3]           ACCUEILLE l’appel;

[4]           CASSE le verdict prononcé le 29 janvier 2018;

[5]           ORDONNE un nouveau procès sur le même chef d’accusation.

 

 

 

 

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

 

 

 

 

 

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A.

 

 

 

 

 

STÉPHANE SANSFAÇON, J.C.A.

 

Me Maude Pagé-Arpin

LATOUR DORVAL AVOCATS

Pour l’appelant

 

Me Geneviève Beaudin

Me Marieke Sabeh

DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES

Pour l’intimée

 

Date d’audience :

11 février 2020

 



 

 

 

MOTIFS DES JUGES BICH ET HAMILTON

 

 

[6]           Le 29 janvier 2018, un jury déclare l’appelant coupable du meurtre au deuxième degré de M. Richard Primeau. L’appelant se pourvoit contre ce verdict. Pour les raisons exposées dans les pages qui suivent, il conviendra de casser ce verdict et d’ordonner la tenue d’un nouveau procès.

I.          Contexte

A.        Faits

[7]           À l’époque pertinente, la victime, Richard Primeau, habite avec sa conjointe, Sylvie Lapierre, le rez-de-chaussée d’une résidence située à Sorel-Tracy. Depuis deux ans, l’appelant, frère de la victime, habite le sous-sol de cette résidence avec son fils, Pascal, âgé de 18 ans.

[8]           Le 3 septembre 2011, tant l’appelant que la victime consomment de l’alcool. Il est admis que le taux d’alcoolémie de la victime était de 270 mg/100 ml de sang, mais la consommation de l’appelant fait l’objet de débats.

[9]           En matinée, la victime demande de l’argent à Pascal, qui refuse. Il est fréquent que son oncle lui demande de l’argent : il lui en doit déjà une certaine somme à l’époque. En soirée, sa tante lui fait la même demande. Pascal hésite et décide d’aller demander conseil à son père, lequel est isolé dans sa chambre au sous-sol. Son père lui recommande de ne pas prêter cet argent qui servira selon lui à payer l’alcool de la victime et ses jeux dans des machines à sous. Pascal témoigne que l’appelant profère alors des menaces de mort contre la victime, ce que l’appelant nie. Quoi qu’il en soit, Pascal monte au rez-de-chaussée et discute avec son oncle, lequel aurait à son tour proféré des menaces de mort contre l’appelant. Pascal rapporte ces propos à son père, mais ne s’en préoccupe pas outre mesure et retourne dans sa chambre.

[10]        L’appelant a témoigné pour sa défense. Il explique que lorsque Pascal lui a rapporté les menaces de la victime à son endroit, il est devenu furieux, il a « pété les plombs » et « vu rouge ». Il a pris sa carabine (remisée dans sa garde-robe) et il est monté au rez-de-chaussée dans le but de faire peur à la victime.

[11]        L’arme n’a pas de pontet, boucle de métal protégeant la détente d’une pression accidentelle. L’appelant explique l’avoir retiré lui-même un ou deux ans auparavant, parce qu’il avait perdu la clé du verrou de sûreté. Il avait aussi inséré une balle à l’intérieur de la chambre pour vérifier si l’arme était fonctionnelle, mais il ne l’avait pas enlevée et avait oublié qu’elle s’y trouvait.

[12]        L’appelant rejoint la victime au salon, alors que celle-ci est assise devant un ordinateur. Toujours selon l’appelant, lorsque la victime l’aperçoit, elle se lève brusquement et se précipite vers l’appelant, ce qui le surprend. L’appelant recule et perd l’équilibre. Il heurte alors le divan, qui se trouve à proximité, et, par accident, accroche la détente. Le coup de feu part et atteint la victime à l’abdomen.

[13]        L’appelant explique qu’il ne visait pas la victime, qu’il ne savait pas que l’arme était chargée et qu’il la tenait dans une autre direction. Il soutient n’avoir pas souhaité appuyer sur la détente ni voulu tirer sur son frère, ce qui se serait produit malgré lui.

[14]        Ni Pascal ni Mme Lapierre n’ont vu cette scène. Mme Lapierre rapporte cependant avoir entendu la victime dire à l’appelant : « Voyons donc, Alain, tu feras pas ça » et l’appelant lui répondre : « T’as fini toi », puis le bruit d’un coup de feu. Elle est sortie aussitôt de la salle de bain, apercevant alors la victime étendue par terre et l’appelant, carabine à la main, en train de redescendre au sous-sol. Il y croise Pascal et lui dit : « Je viens de tirer sur ton oncle puis j’ai mis la carabine dans la garde-robe ».

[15]        L’appelant, qui affirme être en état de choc, fuira la résidence et sera arrêté quelques heures plus tard, après avoir lui-même demandé qu’on appelle la police.

B.        Procédures

[16]        Il s’agit du second procès de l’appelant.

[17]        Le 13 avril 2014, à l’issue d’un premier procès, un jury déclare l’appelant coupable de meurtre au premier degré. L’appelant se pourvoit. Le 19 septembre 2017, la Cour accueille l’appel et ordonne la tenue d’un nouveau procès, essentiellement en raison des directives lacunaires du juge portant sur la défense d’accident niant l’actus reus des différentes infractions d’homicide coupable[1].

[18]        Au cours de son second procès, l’appelant présente deux défenses : une défense d’accident niant l’actus reus et la mens rea des infractions d’homicide coupable et une défense d’intoxication.

[19]        Le 29 janvier 2018, le jury déclare l’appelant coupable de meurtre au deuxième degré. L’appelant se pourvoit à nouveau.

[20]        Le 9 février 2018, le juge de première instance condamne l’appelant (détenu depuis son arrestation, le 3 septembre 2011) à l’emprisonnement à perpétuité et fixe à 11 ans le délai préalable à l’admissibilité au bénéfice de la libération conditionnelle[2].

C.        Moyens d’appel

[21]        L’appelant soulève deux moyens.

[22]        D’abord, il soutient que le juge de première instance a commis plusieurs erreurs dans le cadre de ses directives sur la défense d’accident, lesquelles étaient à ce point erronées que cela équivaut à ne pas avoir ouvert la défense d’accident niant l’actus reus ou à l’avoir déformée de telle manière que le jury n’a pu comprendre son impact sur les infractions d’homicide coupable et les divers verdicts possibles.

[23]        Il reproche également au juge d’avoir omis de rappeler au jury certains éléments factuels importants qu’il estime primordiaux à sa défense d’intoxication.

II.         Analyse

A.        Premier moyen d’appel : la défense d’accident niant l’actus reus

1.         Droit applicable

            a.         Meurtre

[24]        En matière de meurtre, la défense d’accident niant la mens rea est bien connue. Elle sert à démontrer que l’accusé ne voulait pas voir se réaliser les conséquences de son acte et qu’il n’avait donc pas la mens rea ou l’intention nécessaire pour l’infraction. Dans un cas de meurtre, l’exemple classique est le chasseur qui tire en direction d’un animal et, par accident, atteint l’un de ses amis. Il admet avoir posé le geste qui a causé la mort de la victime, mais soutient qu’il ne voulait pas tirer sur elle.

[25]        Cependant, comme l’explique notre collègue le juge Healy lors du premier appel dans le présent dossier, la défense d’accident niant l’actus reus existe aussi :

[24]      There is no question that accident is a good defence to the element of intention in murder or to any other offence in which a culpable mental state is an essential element. Accidents are, by definition, not intentional. An accident is not the result of a deliberate choice to engage in specific conduct or to cause a specific result. To the extent that the criminal law allows liability to be found in the absence of such choice it condones constructive liability because it allows responsibility to be attributed in the absence of an essential element. But accident is not only a defence to an element of mens rea. Accident is also a defence to the actus reus of an offence. What is common between them is that both, but for distinct reasons, preclude proof beyond reasonable doubt of essential elements of an offence.

[25]      For an act to be attributed to the responsibility of a person in the criminal law it must be voluntary. Accidents are, by definition, not voluntary. A voluntary act is the expression of a conscious choice and conscious control by the person who commits it. To this extent the actus reus of an offence includes a mental element. This mental element merges with elements of mens rea but must be distinguished from them. The mental element in the voluntariness, or conscious choice, merges with elements of mens rea in the sense that elements such as intention, knowledge, wilful blindness and recklessness presuppose the exercise of conscious choice. They cannot exist except upon a foundation of conscious choice. What distinguishes the element of conscious choice in the actus reus from the mental element in mens rea is that states of mind such as intention, knowledge, wilful blindness and recklessness define particular types of conscious choice. In addition to proof of a voluntary act the proof of such elements, as required by the substantive law in the definition of specific offences, justifies a verdict that a person is guilty for a conscious choice in the commission of a prohibited act.

[26]      Accident negates the element of conscious choice, or voluntariness, in action as much as it negates specific types of choices as defined in various concepts of mens rea. Thus a driver who unavoidably strikes a pedestrian who streaks into the road cannot be held criminally responsible for voluntary conduct or fault in the commission of an offence.[3]

[27]      An accident that occurs in the absence of any other unlawful act precludes any criminal liability. This is not a complicated proposition. But the criminal law must also account for accidents that are caused by previously committed offences or accidents that occur during the commission of an unlawful act. The present case concerns the second issue. The theory of the defence was that during (not after) the commission of an assault the gun accidentally discharged and the shot killed the victim.

[…]

[29]      As a general proposition, for which exceptions are not involved in this appeal, there can be no liability for first-degree murder unless the commission of an underlying offence is the cause of death; nor will it suffice that a person caused death while committing an underlying offence. Murder requires subjective foresight of death in the act of killing. It is clear that the judge instructed the jury to consider the defence of accident in relation to the element of intention in section 229(a) of the Code. He made no reference to accident in relation to the actus reus of murder or manslaughter, nor any mention of the elements of unlawful-act manslaughter.

[30]      If the instructions had included a direction on accident with respect to the actus reus, the jury would have had a clearer understanding between the possible verdicts of murder or unlawful-act manslaughter. If as a result of such an instruction the jury had a reasonable doubt concerning the voluntariness of the shot, and thus of causation, the only alternative verdict would be manslaughter by means of an unlawful act. The absence of an instruction concerning accident and the actus reus implied that the only defence to a charge of murder would be reasonable doubt on the element of intention defined in section 229(a). It did not account for the possibility that there was a defence of accident if the discharge of the gun was not an act that was voluntary or the expression of a conscious choice.

[Renvois omis, soulignements ajoutés]

[26]        La défense d’accident niant l’actus reus est reconnue par la Cour suprême et les cours d’appel d’autres provinces[4]. Pour reprendre l’exemple du chasseur, il pourrait soulever la défense de l’accident niant l’actus reus s’il avait trébuché dans le bois et qu’un coup de feu était parti involontairement.

[27]        Pour bien comprendre les directives que le jury devait recevoir pour analyser les défenses d’accident niant l’actus reus et d’accident niant la mens rea, il faut commencer par rappeler les éléments essentiels du meurtre et des infractions moindres et incluses.

[28]        Ces éléments se retrouvent aux articles pertinents du Code criminel. Pour que l’accusé soit condamné de meurtre au premier degré (au sens ordinaire et hormis les infractions d’homicide coupable assimilées à un meurtre au premier degré[5]), la poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable que :

1.            l’accusé a, directement ou indirectement, par quelque moyen, causé la mort de la victime (paragr. 222(1) C.cr.);

2.            il a causé la mort de la victime au moyen d’un acte illégal (al. 222(5)a) C.cr.) ou par négligence criminelle (al. 222(5)b) C.cr.); d’autres moyens de commettre un homicide coupable (prévus aux al. 222(5)c) et d) C.cr.) ne sont pas pertinents dans ce dossier;

3.            il avait l’intention de causer la mort de la victime, ou de lui causer des lésions corporelles qu’il savait être de nature à causer sa mort et qu’il lui était indifférent que la mort s’ensuive ou non (al. 229a) C.cr.); et

4.            il a commis le meurtre avec préméditation et de propos délibéré (paragr. 231(2) C.cr.).

[29]        Les éléments du meurtre au deuxième degré sont les mêmes, sauf qu’il n’est pas nécessaire de prouver que l’accusé a agi avec préméditation et de propos délibéré.

[30]        Normalement, devant une défense d’accident niant et l’actus reus et la mens rea, le jury doit d’abord décider si l’acte qui a causé le décès de la victime était volontaire. La défense de l’accident niant l’actus reus consiste en effet à soutenir que l’acte de l’accusé n’était pas volontaire, c’est-à-dire volitif[6], mais plutôt le résultat inattendu d’un événement imprévu et soudain. Ce n’est pas une défense positive où l’accusé a un fardeau quelconque. La poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable que l’acte qui a causé la mort de la victime était volontaire, c’est-à-dire le résultat d’un acte de volition. Si la défense de l’accident soulève un doute raisonnable quant au caractère volontaire de l’acte causant la mort, la conséquence est que la poursuite n’a pas satisfait son fardeau et que l’accusé n’est pas coupable de meurtre.

[31]        Si le jury est satisfait hors de tout doute raisonnable que l’acte ayant causé le décès de la victime était, en ce sens, volontaire, il doit ensuite décider si l’accusé qui l’a commis avait l’intention de causer la mort de la victime. La défense de l’accident niant la mens rea, concerne l’intention de causer le décès de la victime et vise le caractère non voulu des conséquences de l’acte. Comme avec la défense de l’accident niant l’actus reus, l’accusé n’a aucun fardeau et nie que le poursuivant a satisfait son fardeau de prouver un élément essentiel de l’infraction, s’agissant cette fois de son intention quant aux conséquences de son geste. Si la défense de l’accident soulève un doute raisonnable sur l’intention nécessaire, la conséquence est que l’accusé n’est pas coupable de meurtre.

[32]        Il est logique d’examiner les deux questions dans cet ordre : il faut conclure que l’acte est volontaire avant de se poser la question de savoir si les conséquences de l’acte sont voulues.

[33]        Dans le présent dossier, l’appelant témoigne qu’il n’a pas souhaité appuyer sur la détente, mais qu’il l’a accrochée par accident lorsqu’il a heurté le divan. Il recourt donc à une défense d’accident niant l’actus reus et plaide que l’acte d’appuyer sur la détente n’était pas volontaire et non que l’acte était volontaire, mais les conséquences non voulues. C’est la différence entre ne pas vouloir tirer et ne pas vouloir atteindre la victime.

[34]        Il soulève aussi, subsidiairement, la défense de l’accident niant la mens rea, mais, suivant l’ordre des questions, cette défense doit être considérée par le jury seulement s’il est satisfait hors de tout doute raisonnable que l’acte était volontaire (et qu’il a donc rejeté la défense de l’accident niant l’actus reus). L’appelant soutient en effet que même si l’acte était volontaire, ses conséquences n’étaient pas voulues.

            b.         Homicide involontaire coupable

[35]        Si le jury conclut que l’accusé n’est pas coupable de meurtre, il doit alors, dans des circonstances comme celles de l’espèce, considérer l’infraction moindre et incluse d’homicide involontaire coupable résultant d’un acte illégal, prévue à l’alinéa 222(5)a) C.cr. La Cour suprême, dans l’arrêt Creighton[7], conclut que les éléments constitutifs de l’homicide involontaire coupable résultant d’un acte illégal sont :

1.            l'accusé a commis un acte illégal qui a causé la mort de la victime;

2.            cet acte illégal est objectivement dangereux (c.-à-d. en ce sens qu'une personne raisonnable comprendrait qu'il présente un risque de préjudice);

3.            l'exigence en matière de faute relative à l'infraction sous-jacente existait, laquelle infraction ne saurait être une infraction de responsabilité absolue, et

4.            une personne raisonnable dans la même situation que l'accusé aurait prévu le risque de lésions corporelles qui ne sont ni sans importance ni de nature passagère[8].

[36]        Il s’agit d’une infraction moins grave que le meurtre avec des conséquences moins sévères pour la personne accusée et qui ne requiert pas que l’on prouve, comme dans le cas du meurtre, l’intention de causer la mort de la victime ou de lui causer des lésions corporelles qu’elle sait être de nature à causer sa mort tout en étant indifférent à ce que la mort s’ensuive ou non. À ce chapitre, il suffit de démontrer que l’acte illégal de l’accusé est objectivement dangereux, dans le sens qu'une personne raisonnable comprendrait qu'il présente un risque de lésions corporelles qui ne sont ni sans importance ni de nature passagère[9].

[37]        Cela étant, les deux défenses d’accident opèrent différemment dans ce contexte.

[38]        Ainsi, vu la nature de la mens rea propre à l'infraction d'homicide involontaire coupable résultant d'un acte illégal, il ne sera pas pertinent de soutenir que l’accident soulève un doute raisonnable que l’accusé ne voulait pas les conséquences de son geste. Ce n’est pas un élément de l’infraction. On conçoit donc difficilement, de manière générale, que la défense de l’accident niant la mens rea puisse être soulevée en pareil cas. Si jamais elle devait l’être, elle aura une portée très limitée.

[39]        La défense de l’accident niant l’actus reus n’opère pas de la même façon non plus. L’actus reus de l’homicide involontaire coupable est de commettre un acte illégal objectivement dangereux qui a causé la mort de la victime. Pour être une défense complète, la défense de l’accident niant l’actus reus doit soulever que l’accident crée un doute raisonnable quant au caractère volontaire de l’acte illégal. Si l’acte illégal n’est pas volontaire, l’accusé n’a alors commis aucun crime.

[40]        Ce n’est pas ce que l’appelant soutient en l’espèce. Comme on l’a vu en effet, l’appelant nie avoir volontairement appuyé sur la détente, le geste qui est la cause directe de la mort de la victime, et soutient que le coup de feu est parti accidentellement lorsqu’il a heurté le divan. Il reconnaît cependant que cet accident a eu lieu pendant la commission d’un acte illégal, soit une voie de fait armée (al. 265(1)c) C.cr.). Le juge mentionne de plus que cet acte illégal peut avoir consisté en l’usage négligent d’une arme à feu (paragr. 86(1) C.cr.). Comme le concède l’appelant, l’accident dans le présent cas ne nie pas le caractère volontaire de ces deux actes illégaux.

[41]        La défense de l’accident niant l’actus reus peut aussi opérer en soulevant que l’accident, c’est-à-dire le geste non volitif, crée un doute raisonnable quant à la dangerosité de l’acte illégal (l’acte illégal n’étant pas objectivement dangereux en soi, mais seulement en raison de l’accident) ou encore quant au lien causal entre l’acte illégal et le décès (l’accident étant un acte intermédiaire s’interposant entre les deux et étant la véritable cause du décès). Dans ces cas, l’accident n’est pas une défense complète - l’accusé n’est pas coupable d’homicide involontaire coupable, mais peut être déclaré coupable de l’acte illégal.

[42]        En l’espèce, c’est ce que plaide l’appelant : il soutient d’une part que son acte illégal d’avoir porté ostensiblement une arme à feu en abordant la victime n’était pas objectivement dangereux, en raison du fait qu’il pointait l’arme vers le bas, dans la direction opposée, et la croyait déchargée. Il fait d’autre part valoir qu’il ne pouvait prévoir qu’il trébucherait et que l’arme se déchargerait accidentellement. Autrement dit, l’appelant plaide que son geste n’était pas en soi dangereux, bien qu’il ait eu des conséquences fatales en raison d’un accident, geste en l’occurrence non volitif.

[43]        D’autre part, plaide-t-il, même si son acte illégal (voies de fait armées ou usage négligent d’une arme à feu) avait été dangereux, le geste de son frère de se lever soudainement et le fait que lui-même, en reculant, a alors heurté accidentellement le divan, perdant l’équilibre et actionnant involontairement la détente, sont des actes intermédiaires qui ont rompu le lien causal entre son acte illégal et le décès de son frère.

[44]        Dans l’arrêt Maybin, la Cour suprême confirme que le test de causalité consiste à déterminer si les actes illégaux de l’accusé ont contribué de façon appréciable à la mort de la victime[10]. Dans le cas d’un acte intermédiaire qui, selon ce qu’allègue l’accusé, rompt le lien de causalité, la Cour suprême conclut que la prévisibilité et l’indépendance de l’acte intermédiaire sont des facteurs à considérer, mais que le test de causalité demeure le même[11].

[45]        La Cour suprême analyse la prévisibilité de l’acte intermédiaire de la façon suivante : lorsque la nature générale de l’acte intermédiaire et le risque de préjudice non négligeable qui en découle sont raisonnablement prévisibles au moment où l’accusé commet l’acte illégal, il ne rompt habituellement pas le lien de causalité[12].

[46]        L’indépendance de l’acte intermédiaire est question de degré : il faut se poser la question si l’acte intermédiaire est à ce point indépendant des actes de l’accusé qu’il faut le considérer en droit comme l’unique cause de la mort de la victime, à l’exclusion des actes de l’accusé[13]. La Cour suprême précise que l’acte intermédiaire commis en réaction aux actes de l’accusé n’est pas indépendant[14].

[47]        Le jury peut donc, après avoir examiné la preuve, conclure soit à la rupture du lien de causalité (malgré l’existence d’un acte illégal) et, par conséquent, à l’absence d’homicide involontaire coupable et donc à l’acquittement sous ce chef[15], soit ne pas conclure à la rupture du lien de causalité et prononcer par conséquent un verdict de culpabilité pour homicide involontaire coupable.

2.         Examen des directives du juge de première instance

[48]        Examinons maintenant les directives données par le juge de première instance au jury sur la défense d’accident niant l’actus reus ainsi que, de façon plus générale, ses directives sur l’homicide involontaire coupable (notamment au regard de cette défense), directives qui se déclinent ici en deux temps : d’une part, les directives initiales du juge, dispensées une fois la preuve close et les plaidoiries terminées, et, d’autre part, les directives livrées en réponse à certaines questions du jury. Or, même si l’on pouvait conclure que les directives initiales du juge au chapitre de la défense d’accident niant l’actus reus et l’homicide involontaire coupable étaient suffisantes (ce dont nous ne pouvons à regret convenir), les réponses apportées aux questions du jury ne l’étaient pas et n’ont pu qu’entacher l’équité du procès.

[49]        La tâche qui consiste à instruire les membres d’un jury est difficile et délicate[16]. Le juge s’adresse en effet à un auditoire profane auquel il doit transmettre efficacement, en peu de temps, l’essentiel d’un enseignement parfois complexe, l’accusé ayant « droit à un jury qui comprenne le lien qui existe entre la preuve et les questions juridiques soulevées »[17]. On ne s’adresse bien sûr pas à des jurés comme on le ferait à un parterre de criminalistes (comme l’observe d’ailleurs le juge Rothstein dans R. c. Layton, en notant que ce que comprennent juges et avocats n’est pas nécessairement à la portée des « profanes qui font partie d’un jury »[18]) et même les concepts de base ne sont pas toujours aisément traduits en termes intelligibles et concrets (pensons ici simplement à celui du doute raisonnable, que le juge en chef Lamer a déjà qualifié de « concept […] difficile à saisir »[19], euphémisme dont témoigne le nombre des arrêts que la Cour suprême a consacrés au sujet). Il y a donc dans la tâche qui incombe au juge un exercice d’éducation, éminemment pédagogique, qui requiert structure, clarté, cohérence et objectivité, mais aussi une certaine capacité de vulgariser sans trahir les exigences du droit[20] : « Clarifier et simplifier », écrit le juge en chef Lamer dans Jacquard[21], proposer un exposé « à la fois complet et compréhensible », ajoute le juge Modalver dans Rodgerson[22].

[50]        Le juge peut certes compter sur l’intelligence, la bonne foi et la volonté de bien faire qui animent les jurés, mais ces derniers doivent pouvoir compter à leur tour sur une formation adéquate, car, ainsi que l’écrit le juge Rothstein dans Layton, « on ne saurait présumer qu’il est possible de s’en remettre au bon sens du jury à l’égard de notions juridiques telles la norme de preuve »[23] ou, pourrait-on ajouter, telles les notions d’actus reus et de mens rea d’une infraction ou la définition de l’homicide involontaire coupable. De cette formation adéquate du jury dépend l’équité du procès, valeur fondamentale consacrée par la Charte canadienne des droits et libertés.

[51]        La dimension pédagogique ou, si l’on préfère, didactique, des directives s’affirme encore davantage lorsque, après avoir les avoir reçues, le jury, au cours de ses délibérations, soulève certaines questions et requiert à cette fin l’assistance du juge. La jurisprudence de la Cour suprême à ce propos est sans équivoque et l’arrêt R. c. S. (W.D.)[24] explique abondamment ce pourquoi il doit en être ainsi :

            Il est vrai qu'il faut toujours interpréter dans leur ensemble les directives données au jury; toutefois, il ne faut jamais oublier que les questions posées par le jury doivent être examinées attentivement et que les réponses doivent être claires, correctes et complètes. Cela est vrai pour certaines raisons, que notre Cour a exposées en d'autres occasions. La question posée par un jury reflète le plus clairement possible le problème particulier devant lequel il se trouve et au sujet duquel il demande des directives supplémentaires. Même si la question se rapporte à un sujet qui a été examiné soigneusement dans l'exposé principal, il faut y répondre quand même de façon complète et attentive. Après une période de délibération, il se peut que les directives originales, quelque exemplaires qu'elles soient, aient été oubliées ou qu'une certaine confusion ait envahi l'esprit des jurés. Le jury doit recevoir une réponse complète et adéquate. Il a droit à au moins cela. Le juge du procès doit, avec l'aide des avocats, s'assurer que la question a reçu une réponse complète et adéquate.

            Notre Cour a reconnu à quelques reprises l'importance de répondre pleinement et adéquatement aux questions du jury. Dans R. c. W. (D.), [1991] 1 R.C.S. 742, aux pp. 759 et 760, la Cour a déclaré ce qui suit, à la majorité :

Lorsque le jury pose une question, ce fait indique manifestement que les jurés éprouvent des difficultés avec le cas. Ces questions appellent une réponse soignée et correcte. De plus, cette réponse devrait rappeler aux jurés les directives données dans l'exposé principal. Voir R. v. Desveaux (1986), 26 C.C.C. (3d) 88 (C.A. Ont.), à la p. 93 où l'on dit : […]

[…]

            Plus récemment dans R. c. Naglik, [1993] 3 R.C.S. 122, et dans R. c. Pétel, [1994] 1 R.C.S. 3, notre Cour a reconnu que les jurés accorderont une importance particulière aux réponses données à leurs questions. Le juge en chef Lamer a déclaré, au nom de la majorité, dans R. c. Naglik, précité, à la p. 139 :

Les réponses aux questions du jury revêtent une importance capitale, et leur effet dépasse de loin celui des directives principales. Si le jury pose une question concernant un point traité dans celles-ci, il est évident que les jurés n'ont pas compris ou qu'ils ont oublié cette partie des directives principales. Il est évident aussi qu'ils doivent compter exclusivement sur la réponse donnée par le juge du procès pour dissiper toute confusion ou régler tout débat sur ce point qui ont pu survenir jusque-là au cours de leurs délibérations.

            Dans R. c. Pétel, précité, le juge en chef Lamer a dit au nom de la majorité, à la p. 15 :

Il convient de rappeler l'importance de répondre adéquatement aux questions posées par le jury : R. c. W.(D.), [1991] 1 R.C.S. 742, aux pp. 759 et 760. La question porte généralement sur un point important du raisonnement du jury, ce qui rend encore plus dommageable toute erreur que le juge peut faire en y répondant. Il sera souvent nécessaire de reprendre certains éléments de l'exposé principal pour situer la question précise dans un contexte plus général.

            Il n'y a pas de doute possible quant à l'importance qu'il faut accorder aux questions posées par le jury et à l'importance fondamentale de répondre de façon correcte et complète à ces questions. Par sa question, le jury a indiqué les points sur lesquels il a besoin de directives. C'est sur ce point-là qu'il s'est concentré. Quelque exemplaire qu'ait pu être l'exposé original, il est essentiel que l'exposé supplémentaire sur le point soulevé par la question soit correct et complet. Rien de moins ne suffira. Le jury a dit en fait qu'il existe une certaine confusion sur ce point et qu'il a besoin d'aide. Il faut fournir cette aide.

            Si une erreur est commise, alors en règle générale, on ne peut recourir au fait que l'exposé original était correct pour excuser une erreur subséquente sur la question même au sujet de laquelle le jury demande des précisions. Il ne serait pas logique de conclure que, bien que le juge du procès ait commis une erreur à l'occasion d'un exposé supplémentaire sur le point même qui créait la confusion chez le jury ou que celui-ci avait oublié, l'erreur n'est pas très grave parce que des directives correctes ont été données quelque temps auparavant. Un tel raisonnement ne serait pas équitable envers le jury et ne serait pas juste envers les parties. Lorsque le jury pose une question, il faut supposer que les jurés ont oublié les directives originales ou ressentent une certaine confusion relativement à la question. Leurs délibérations subséquentes se fonderont sur la réponse donnée à leur question. C'est la raison pour laquelle l'exposé supplémentaire doit être correct et pourquoi un exposé original sans faute ne peut pas, en principe, corriger une erreur importante faite dans l'exposé supplémentaire.

[…][25]

[Soulignements ajoutés]

 

[52]        Bref, par ce qu’elles révèlent de leurs préoccupations ou de ce qu’ils n’ont pas compris, les questions des jurés doivent être traitées avec le plus grand soin et les réponses que le juge y apporte sont d’une importance prééminente dans l’examen des directives.

[53]        Évidemment, le degré de complexité des directives (qu’il s’agisse des directives originales ou supplémentaires) peut varier selon celle de l’affaire dont le jury est saisi. Par ailleurs, il se peut bien que des directives demeurent globalement correctes malgré quelques maladresses qui n’empêcheront pas le jury de statuer conformément au droit et à la preuve. Comme la Cour suprême l’a souvent répété (et c’est dans cette perspective qu’une cour d’appel doit les examiner[26]), les directives d’un juge au jury n’ont en effet pas à être parfaites, mais simplement appropriées[27], c’est-à-dire qu’elles doivent, fonctionnellement et dans leur ensemble (et non pas disséquées ligne par ligne), permettre aux jurés de comprendre « les questions soulevées, le droit relatif à l’accusation à laquelle l’accusé fait face et les éléments de preuve dont ils devraient tenir compte pour trancher les questions »[28], le tout dans le contexte général du procès[29]. Ce principe, qui s’applique également aux réponses que le juge donne aux questions du jury, ne réduit cependant pas l’attention toute particulière que l’on doit accorder au caractère adéquat de ces réponses, dont l’influence ne peut être sous-estimée[30].

[54]        En l’espèce, les directives originales du juge sur l’accident niant l’actus reus (c.-à-d. le caractère volitif de l’acte lui-même) et l’accident niant la mens rea ne distinguent pas nettement ces deux défenses et ne sont pas claires. Voici d’abord ce qu’il explique :

Pour contrer l’intention de coupable de tuer ou de causer des lésions corporelles de nature à causer la mort ou en étant indifférent que la mort s’ensuive ou non, la défense présente deux (2) moyens de défense différents que vous devez considérer avant de déterminer si la poursuite vous a convaincus hors de tout doute raisonnable qu’Alain Primeau avait l’intention requise pour l’infraction de meurtre.

Le premier moyen à considérer, celui fondé sur l’accident ou si vous préférez, l’acte involontaire du geste posé. L’accusé vous dit que le coup de feu est parti accidentellement alors qu’il reculait et qu’il s’est accoté sur le fauteuil à l’entrée du salon.

Vous devez évaluer ce témoignage et décider si vous croyez ce témoignage ou encore si ce témoignage soulève dans votre esprit un doute raisonnable quant aux circonstances où le coup de feu a été tiré. Il me semble évident que si vous acceptez ce témoignage ou encore s’il soulève dans votre esprit un doute raisonnable à avoir... après avoir considéré l’ensemble de la preuve, la Couronne n’aura pas réussi à faire la preuve hors de tout doute raisonnable de l’intention de tuer ou de causer des lésions... des blessures corporelles de nature à causer la mort puisque cet acte est [in]volontaire.

Bien qu’Alain Primeau ait admis qu’il a fait feu en direction de son frère, il invoque son innocence pour une infraction... pour l’infraction de meurtre parce qu’il n’avait pas voulu que ce dernier soit atteint par un projectile, il dit qu’il avait oublié une balle... qu’une balle se trouvait dans l’arme à feu et qu’au surplus, que c’est lorsqu’il a reculé que le coup est parti après s’être accroché au fauteuil.

Plus précisément, il prétend qu’il n’avait pas l’intention de tuer son frère ni lui causer des lésions corporelles de nature à causer la mort. L’accusé n’a pas l’obligation de prouver que le coup de feu est survenu de façon accidentelle.

C’est plutôt à la poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable qu’il ne s’agissait pas d’un accident ou d’un geste involontaire. Afin d’établir que l’accusé avait l’intention de faire lorsque... avait l’intention de faire lorsqu’il a fait feu en direction de son frère, vous devez considérer la preuve dans son ensemble, encore une fois, y compris les circonstances dans lesquelles il prend son arme, quand la prend-t-elle, comment la balle se trouve-t-elle dans l’arme, les paroles prononcées avant, pendant et après que le coup de feu soit tiré ainsi que toute autre preuve que vous pouvez inférer des... des lieux où se trouvait et la victime et l’accusé.

L’autre moyen de défense qu’on vous propose et qui réfère également à l’intention est celui de l’intoxication. L’alcool a un effet intoxiquant sur les personnes qui en consomment. Le fait qu’une personne soit intoxiquée et que les effets désinhibants liés à l’intoxication l’amène à faire des choses qu’elle n’aurait pas faites si elle avait été sobre n’excuse pas la commission d’une infraction pourvu que cette personne avait l’esprit... l’état d’esprit requis pour la commission de cette infraction.[31]

[Soulignements ajoutés]

[55]        Et le juge d’enchaîner sur cette défense d’intoxication.

[56]        Ces directives sont problématiques sous deux rapports. Tout d’abord, bien qu’on puisse penser que celui qui, par un acte involontaire (non volitif), cause la mort d’autrui, n’avait forcément pas l’intention de tuer, on ne peut pas dire que ces propos, axés essentiellement sur la mens rea, permettaient au jury de bien saisir la différence entre la défense d’accident niant celle-ci et d’accident niant l’actus reus. Ensuite, les directives sont formulées d’une façon telle qu’elles peuvent raisonnablement laisser croire que les deux défenses présentées par l’appelant et qui lui sont ouvertes sont, d’une part, la défense d’accident niant la mens rea et, d’autre part, la défense d’intoxication.

[57]        Ces directives sont d’autant moins satisfaisantes qu’elles ne font pas le lien entre la défense d’accident niant l’actus reus et la possibilité d’un verdict d’homicide involontaire coupable, infraction au sujet de laquelle les directives originales sont du reste presque muettes. Elles se résument en effet aux deux observations suivantes :

-           Après avoir donné les directives qui s’imposent au sujet du rôle du jury, de la présomption d’innocence, du fardeau de preuve de la poursuite et expliqué la manière d’évaluer la preuve de même que les règles issues de l’arrêt W.(D.)[32], puis rappelé succinctement les thèses respectives des parties, le juge aborde la définition du meurtre et de l’homicide involontaire coupable en faisant simplement lecture des dispositions pertinentes du Code criminel, dont les art. 222, paragr. 2, et 229[33].

-           Un peu plus loin, après avoir expliqué que, pour établir le meurtre, la poursuite doit prouver hors de tout doute raisonnable que l’appelant « avait soit l’intention de causer la mort de Richard Primeau ou il avait l’intention de lui infliger des lésions corporelles qu’il savait de nature à causer la mort de Richard Primeau et qu’il était indifférent de savoir... à savoir si la mort s’ensuivrait ou non »[34], le juge indique que « [s]i vous en arrivez à la conclusion que Richard Primeau... qu’Alain Primeau plutôt n’avait pas l’intention de causer la mort ni des blessures de nature à causer la mort, l’accusé aura commis alors un homicide involontaire coupable »[35].

[58]        Plus exactement, ce dernier commentaire du juge clôt diverses remarques sur l’acte illégal sous-jacent à l’accusation de meurtre portée contre l’appelant et sur la notion de causalité :

            Et qu’enfin, selon certains d’entre... d’entre vous, les deux (2) définitions de ces actes illégaux ont été prouvés. En autant que vous soyez tous convaincus hors de tout doute raisonnable que l’un ou l’autre des actes illégaux ont été prouvés, vous devrez alors vous demander si la commission d’un ou l’autre de ces actes dangereux illégaux de l’accusé ont contribué de façon appréciable à la mort de la victime.

            La défense vous dit qu’il y a eu un acte intermédiaire entre le moment de l’acte illégal de voies de fait et le fait... et que cet acte intermédiaire avait fait qu’il n’y a pas de lien de causalité, que selon l’accusé, il a trébuché et que vous devez, en conséquence, considérer cet acte intermédiaire comme étant un élément qui a interrompu ou fait en sorte que le lien de causalité est rompu.

            Ce n’est pas exact, l’appréciation de la prévisibilité raisonnable se situe au moment de l’acte illégal initial et non au moment de l’acte intermédiaire. Autrement dit, la question dont vous devez vous poser, de savoir si l’acte illégal de... si l’acte illégal... si vous concluez également qu’un acte illégal a été posé et de vous demander si cet acte illégal a contribué de façon appréciable à la mort de la victime.

            Considérez la preuve, posez-vous la question à savoir si la poursuite s’est déchargée de son fardeau de démontrer hors de tout doute raisonnable la commission d’un acte illégal et posez la question si cet acte illégal a contribué de façon appréciable à la mort de la victime. Il vous faut donc demander si... s’il y a une prévision objective du risque de causer un préjudice, lequel risque s’infère normalement des faits.

            La norme applicable est celle de la personne raisonnable se trouvant dans la même situation que l’accusé. Si vous n’êtes pas convaincus hors de tout doute raisonnable que l’accusé a causé la mort de Richard Primeau de façon légitime, vous devrez déclarer l’accusé non coupable et sur ce, vos délibérations seraient terminées.

            Mais si vous êtes convaincus hors de tout doute raisonnable qu’Alain Primeau a causé la mort de Richard Primeau de façon illégitime, vous devrez alors poursuivre vos délibérations en vous posant la question suivante: Alain Primeau avait-il l’état d’esprit voulant que... l’état d’esprit requis pour l’infraction de meurtre?

            L’infraction de meurtre requiert la preuve d’un état d’esprit spécifique. Afin de conclure qu’une mort causée de façon illégitime constitue un meurtre, la poursuite doit prouver que l’accusé avait soit l’intention de causer la mort de Richard Primeau ou il avait l’intention de lui infliger des lésions corporelles qu’il savait de nature à causer la mort de Richard Primeau et qu’il était indifférent de savoir... à savoir si la mort s’ensuivrait ou non.

            La poursuite n’a pas l’obligation de prouver l’un et l’autre. La preuve de l’un ou l’autre de ces deux (2) états d’esprit suffit. Vous n’êtes pas obligés de vous mettre d’accord à savoir lequel de ces deux (2) états d’esprit a été prouvé pourvu que vous soyez tous convaincus que l’un des états d’esprit... d’esprit requis a été prouvé hors de tout doute raisonnable.

            Si vous en arrivez à la conclusion que Richard Primeau... qu’Alain Primeau plutôt n’avait pas l’intention de causer la mort ni des blessures de nature à causer la mort, l’accusé aura commis alors un homicide involontaire coupable.[36]

[59]        On peut sans doute, en rétrospective, rattacher à l’homicide involontaire coupable les explications relatives au lien de causalité (explications dont le juge dira ultérieurement aux avocats[37] qu’elles sont inspirées de l’arrêt R. c. Maybin[38]), mais il est peu probable qu’un jury l’ait compris et ait fait le lien : les propos sont insérés dans un long passage consacré au meurtre, où l’on aborde divers sujets de manière plutôt éparse, et la mention de l’homicide involontaire coupable n’apparaît qu’en fin de parcours sans qu’on le rattache explicitement à ce qui précède.

[60]        Dans l’intervalle, alors qu’il s’intéresse aux éléments constitutifs de l’infraction de meurtre, le juge mentionne la notion d’accident, laquelle exclurait cependant la commission d’un acte illégal (ce qui ressort notamment des exemples donnés au jury). Ainsi :

            Je vous ai parlé au tout début du procès qu’il appartient à la poursuite de faire la preuve hors de tout doute raisonnable de tous et chacun des éléments essentiels de l’infraction reprochée, qui est le crime de meurtre au premier degré.

            Et je vais... je vais vous indiquer dans quelques minutes, dans quelques instants plutôt quels sont les éléments essentiels de cette infraction criminelle. La défense quant à elle peut... peut quant à elle soumettre des moyens de défense sur l’un ou l’autre des éléments essentiels qui vous sont soumis.

            D’abord, l’accident qui peut quelques fois être un moyen de défense complet en ce sens qu’il élimine la commission d’un geste illégal. Un exemple simple, vous circulez à vitesse normale dans une rue et... de votre quartier et soudainement, il y a un jeune enfant qui sort entre deux (2) véhicules automobiles et se projette ou à peu près, coupe... coupe votre véhicule, vous n’avez pas le temps de réagir et vous frappez l’enfant, celui-ci décède.

            Selon la définition du Code criminel, il s’agit d’un homicide, mais l’homicide sera, à ce moment-là, déclaré non coupable parce qu’il s’agit manifestement d’un geste accidentel qui a été posé. Un autre exemple que je peux vous donner, vous... peut-être pas à Sorel parce qu’il n’y en a pas, mais vous descendez dans le métro et près du quai d’embarquement, juste avant d’arriver au bord du quai, vous trébuchez, vous... et vous frappez une personne juste devant vous, celle-ci tombe au même moment où la rame de métro passe et la personne décède.

            Encore une fois, il s’agit d’un homicide, mais dans ce cas ici, on pourrait peut-être dire parce qu’il y a une distinction entre les deux (2) exemples que je viens de vous donner, un (1) est purement accidentel donc, sans commission de quelque acte illégal que ce soit.

            Le conducteur du véhicule qui conduisait d’une façon normale où soudainement un acte imprévu est survenu devant lui, il n’a pas commis d’acte illégal. Dans l’autre situation, on pourrait toujours dire qu’on a commis un voie de fait (sic).

            Celui qui s’est fait pousser a été victime de violence de la part d’un tiers, sauf que cette violence exercée par rapport à un tiers était totalement involontaire, résulte aussi d’un accident. Alors, quant à l’acte posé qui est celui dans le cas présent d’avoir poussé une autre personne sur la rampe de métro résulte d’un pur accident, il est évident, à ce moment-là, que la personne, la responsabilité criminelle ne peut pas être engagée puisque la personne n’a pas agi d’une façon volontaire.

            Dans le cas présent, la défense a admis l’existence d’un acte illégal, la défense admet. Ici, je vais vous parler des actes illégaux qui se... qui peuvent se présenter dans la présente cause. À ce moment-là, je vais vous donner des directives qui sont plus particulières lorsque l’acte illégal est admis comme c’est le cas présentement.

            Tout simplement pour vous dire que le droit criminel ne punit pas les actes... ne punit que les actes conscients et volontaires. Si une personne n’avait aucun contrôle sur une situation en raison de quelque facteur que ce soit, le droit criminel ne tiendra pas cette personne responsable de cette situation, qu’importe les conséquences de ladite situation qu’elle aura entraînée.

            L’accusé n’a pas l’obligation de prouver que Richard Primeau a été victime d’un accident, c’est plutôt à la poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable que les événements ne constituaient pas un accident ou encore, si... même si l’accusé admet qu’il a posé des gestes... les gestes reprochés, mais invoque son innocence pour l’infraction de meurtre au premier degré puisqu’il n’avait pas voulu que la victime soit atteinte, plus précisément si l’accusé prétend qu’il n’avait pas l’intention de causer la mort, ça peut être un élément que les jurés peuvent prendre en considération.

            L’accusé n’a pas l’obligation de prouver que les gestes posés à l’endroit de son frère est survenu de façon accidentelle, c’est plutôt à la poursuite de prouver hors de tout doute raisonnable qu’il ne s’agissait pas d’un accident.[39]

[61]        Ce n’est pas que ce qui précède soit faux, mais c’est que le juge omet de parler de l’accident - c’est-à-dire de l’acte non volitif - qui survient dans le contexte de la commission d’un acte illégal, élément essentiel de la défense de l’appelant. Il ne reparlera d’accident et d’homicide involontaire coupable que plus tard, en réponse aux questions du jury, et l’on verra alors comment il le fait. Pour le reste, il associe principalement la défense d’accident à la mens rea et plus précisément à la mens rea de l’infraction de meurtre (et même de meurtre au premier degré), mais, là encore, sans guère d’explications.

[62]        Il est vrai que, dans ses directives précitées, le juge laisse parfois entrevoir la véritable nature de la défense d’accident niant l’actus reus. Cependant, considérant l’ensemble des directives originales, ces quelques phrases ne suffisent pas à remédier à la confusion entourant la présentation de cette défense (et, même, de la défense d’accident niant la mens rea).

[63]        Nous avons vu précédemment, sous la plume du juge Healy dans Primeau c. R.[40] (voir supra, paragr. [25]), ce en quoi consiste la défense d’accident niant l’actus reus. Les directives originales adressées ici au jury ne contiennent pourtant rien qui s’apparente à une explication de ce genre (en mode vulgarisé)[41], laquelle aurait été de nature à faire comprendre aux jurés ce qu’il en était précisément de la défense d’accident niant l’actus reus dans le contexte de la commission d’un acte illégal et de la possibilité, à supposer qu’ils retiennent cette défense, de prononcer un verdict d’acquittement ou d’homicide involontaire coupable, infraction dont le juge traite d’ailleurs à peine[42].

[64]        Le jury, au demeurant, n’a apparemment pas saisi ce qu’il en était, puisque, le 26 janvier 2018, vers 12 h 08, alors qu’il délibère depuis la veille, il adresse la question suivante au juge, qui en informe aussitôt les avocats :

Le jury aimerait une explication de ce qu’est un acte involontaire. Merci.

[65]        L’avocat de l’appelant estime que cette question est vraisemblablement liée à sa défense d’accident niant l’actus reus et que le jury s’interroge sans doute sur la manière dont il convient d’évaluer la preuve à cet égard. Le juge est de son côté d’avis qu’il n’a pas à identifier les raisons pour lesquelles le jury pose la question, mais simplement à y répondre, tout en indiquant que « le mot “involontaire”, au niveau juridique réfère à l’état d’esprit […] de la personne »[43]. En définitive, voici ce qu’il explique au jury :

LA COUR:

Alors, j’ai reçu de votre part une question qui se lit comme suit :

« Le jury aimerait une explication de ce qu’est un acte involontaire. »

La réponse facile, c’est de dire : c’est ce qui n’est pas volontaire, la première réponse. L’acte involontaire, c’est... je vais plutôt parler de l’acte volontaire qui est un état d’esprit. L’acte involontaire, c’est lorsqu’on n’a pas l’état d’esprit de faire quelque chose, le meilleur exemple que je peux vous donner est l’accident que je vous parlais. Quelqu’un qui veut faire un accident le fait volontairement mais s’il ne veut pas le faire, par exemple il y a une collision automobile, il décide de foncer sur un véhicule automobile, c’est volontaire.

            Si par exemple il est incapable de... d’éviter cette collision en ayant respecté toutes les lois, à ce moment-là, c’est involontaire, tout simplement.

            Alors, si vous faites quelque chose d’une façon involontaire, comme par exemple... l’exemple volontaire est plus facile. Moi, je suis parti de mon bureau, je me suis en venu ici, c’est volontaire. Si en m’en venant du bureau, je me trompe de porte puis je rentre dans une autre porte, c’est involontaire, je n'ai pas rentré volontairement dans la pièce où je voulais rentrer, je me suis trompé, c’est un acte involontaire. Alors, l’acte involontaire, c’est quelque chose qui n’émane pas de l’esprit conscient. Ça va? Alors, si vous avez d’autres questions, j’essayerai d’y répondre.

JURÉ #12:

Ça va venir.[44]

[Soulignements ajoutés]

[66]        Très respectueusement, le premier passage souligné ci-dessus est difficilement compréhensible. On peut présumer que les jurés ont tous et toutes une certaine idée du sens familier des termes « accident » ou « acte involontaire », mais ils s’interrogeaient ici sur leur acception dans le contexte juridique de la présente affaire : la réponse déconcertante qu’ils ont obtenue ne comporte rien qui pouvait les instruire utilement, à supposer même qu’ils soient arrivés à la déchiffrer.

[67]        Quant au second passage souligné ci-dessus, il a l’inconvénient d’exclure une nouvelle fois que l’accident puisse survenir dans le cours de la commission d’un acte illégal. Les exemples donnés par le juge renforcent l’idée d’une telle exclusion, qui est pourtant erronée[45].

[68]        Il paraît que ces explications n’ont pas entièrement satisfait le jury, puisque celui-ci revient à la charge le lendemain (27 janvier 2018, vers la fin de l’après-midi) et pose plusieurs questions au juge, dont la suivante :

État d’esprit. : a, b, qu’est-ce que ça comporte?

[69]        Le juge consulte les avocats et suggère de répondre à cette question d’une façon à laquelle l’avocat de l’appelant, timidement, tente de lier la question de l’acte involontaire dont les jurés ont précédemment demandé la définition[46]. Le juge s’en tiendra plutôt à ce qui suit, parlant de l’infraction dont l’appelant est accusé (c.-à-d. de meurtre au premier degré) :

            L’état d’esprit que vous - parce que je considère que les questions un (1) et deux (2) se... se retrouvent dans la même définition que je vous donnais - l’état d’esprit, si vous vous rappelez dans l’arbre décisionnel, il est indiqué que c’est le seul endroit où est-ce que l’accusé avait l’état... un (1) des états d’esprit requis. L’état d’esprit, dans le fond, est l’intention.

            Je vous mentionnais dans... lorsque j’abordais cette partie, l’infraction de meurtre requiert la preuve de l’état d’esprit précis. Afin de conclure qu’une mort... qu’une mort causée de façon illégitime constitue un meurtre, la Poursuite doit prouver que l’accusé avait soit l’intention de causer la mort de Richard Primeau ou qu’il avait l’intention de lui infliger des lésions corporelles qu’il savait de nature à causer la mort de Richard Primeau, qu’il était indifférent de savoir si la mort s’ensuivrait ou non.

            Donc, c’est l’un ou l’autre des états d’esprit qui est dans le fond l’un ou l’autre des intentions. Est-ce que l’accusé avait soit l’intention de tuer ou soit encore de lui infliger des lésions corporelles qui sont de nature à causer la mort sans se soucier que la mort s’ensuive ou non.

            La Poursuite n’a pas... l’obligation à prouver l’un et l’autre, c’est l’un ou l’autre. Par exemple, il pourrait y avoir six (6) d’entre vous qui déterminent que la preuve a été faite hors de tout doute raisonnable d’une des façons (inaudible) l’avoir tué, l’autre... les six (6) autres diraient :

« Nous autres, on n’est pas convaincus qu’il voulait... qu’il avait l’intention de le tuer mais on est convaincus hors de tout doute raisonnable qu’il avait l’intention de lui causer des lésions corporelles de nature à causer la mort. »

            La Poursuite, donc, n’a pas l’obligation de prouver l’un et l’autre, la preuve de l’un ou l’autre de ces deux (2) états d’esprit... état d’esprit suffit. Vous n’êtes pas obligés de vous mettre d’accord à savoir lequel des deux (2) états d’esprit a été prouvé pourvu que vous soyez tous convaincus que l’un des états d’esprit requis a été prouvé hors de tout doute raisonnable. Ça va?[47]

[70]        Comme on le constate, le juge ne revient pas sur la notion d’acte involontaire, c’est-à-dire non volitif, qui nie l’élément mental de l’actus reus[48], et l’occulte complètement, alors que, compte tenu de la défense présentée par l’appelant, cette dimension de l’affaire ne pouvait pas être exclue de la réponse fournie au jury qui se questionne - sans préciser autrement sa préoccupation - sur l’« état d’esprit ».

[71]        Finalement, le 28 janvier 2018, en après-midi semble-t-il, le jury pose la question suivante au juge (question dont la tournure - surtout en ses derniers mots - trahit l’inconfort certain des jurés) :

Monsieur le juge, le jury aimerait connaître la définition juridique de ce qu’est un homicide involontaire. Le jury aimerait connaître la définition juridique de ce qu’est un meurtre au deuxième degré. Le jury aimerait connaître la définition juridique de ce qu’est un meurtre au premier degré. Merci. Le jury. Avec immense respect, le jury apprécierait que vous exprimiez vos réponses avec un débit plus lent. Nous vous en remercions, merci de votre coopération. Le jury.

[72]        Après en avoir discuté avec les avocats[49], le juge adresse au jury une longue explication assez décousue, qu’il cible principalement sur le meurtre (au premier comme au second degré), sauf exception :

            Madame la greffière... merci. Je vous avais donné des directives sur chacun de ces éléments-là lors de... de mes directives finales, je vais en reprendre certaines parties. C’est tout simplement pour vous situer les échelons dans lesquels la Couronne doit faire la preuve hors de tout doute raisonnable. Premièrement, vous demander s’il s’agit d’un homicide s’il y a eu mort d’homme, je ne pense pas que cet... ce fait-là soit véritablement... contesté et que cette mort a été causée par l’accusé, ces deux (2) éléments-là.

            Par la suite, il faut rajouter certains éléments: est-ce qu’il y a eu un acte illégal de commis? Si l’acte illégal a été commis, vous devez... si vous arrivez à la conclusion qu’il n’y a pas eu d’acte illégal de commis, ce sera purement et simplement un accident parce qu’il manquera un élément essentiel.

            Mais si vous en arrivez à la conclusion qu’il y a eu un acte illégal de commis, vous devez vous poser une autre question qui est celle de l’intention, quelle est l’intention de la personne qui avait commis cet acte illégal là?

            Et... si vous en arrivez à la conclusion que la preuve n’a pas été faite... hors de tout doute raisonnable, on revient à l’échelon inférieur qui est l’homicide involontaire. Si la preuve est faite qu’il y a eu l’intention coupable et je vais revenir sur chacun de ces éléments-là, à ce moment-là, vous devez vous poser la question : est-ce que ce meurtre-là a été commis de façon préméditée, c’est-à-dire planifié et fait de façon délibérée? C’est grosso modo.

[…]

            Cette conséquence-là, vous pouvez regarder l’ensemble des circonstances, voir et à partir des deux (2) actes illégaux que je vous mentionnais dont un est admis par la Défense, à savoir le voie de fait armé (sic) et l’autre en étant un usage négligent d’une arme à feu, je vous ai donné chacun des éléments essentiels de... qu’est-ce qui constituait ou non un usage négligent d’arme à feu et vous devez vous placer dans la situation d’une personne raisonnable de Richard Primeau, qu’il était indifférent à savoir si la mort s’ensuivrait ou non.

            Une fois que cet élément a été prouvé, vous devez vous en aller par la suite à l’état d’esprit, c’est-à-dire l’état d’esprit, c’est... quand je parle d’état d’esprit, on parle d’intention, globalement. Alors, l’infraction de meurtre requiert un état d’esprit qui est précis.

            Afin de conclure qu’une mort causée de façon illégitime constitue un meurtre, la Poursuite doit prouver que l’accusé avait soit l’intention de causer la mort de Richard Primeau ou qu’il avait l’intention de lui... de lui infliger des lésions corporelles qu’il savait de nature à causer la mort de Richard Primeau, qu’il était indifférent à savoir si la mort s’ensuivrait ou non.

            La Poursuite n’a pas l’obligation de prouver l’un et l’autre, la preuve de l’un ou l’autre de ces deux (2) états d’esprit suffit. Vous n’êtes pas obligés de vous mettre d’accord à savoir lequel de ces deux (2) états d’esprit a été prouvé pourvu que vous soyez tous convaincus que l’un des états d’esprit requis a été prouvé hors de tout doute raisonnable.

            Si vous arrivez à la conclusion qu’il n’avait pas... que l’accusé n’avait pas l’intention de causer la mort ni des blessures de nature à causer la mort, l’accusé aura commis, à ce moment-là, un homicide involontaire, c’est-à-dire le grade plus bas.[50]

[Soulignements ajoutés]

[73]        Le juge ajoute cependant ce qui suit, immédiatement après les propos ci-dessus :

            Je vous ai parlé relativement aux deux (2) propositions également que la Défense proposait pour... contrecarrer ou en quelque sorte en disant que la Couronne ne s’est pas déchargée de son fardeau puisqu’on soulevait à la fois l’accident ou l’acte involontaire et à la fois... et/ou, c’est-à-dire pas « et/ou », il est vrai... ce sont deux (2) moyens de défense complètement distincts. Ils ne sont pas interchangeables un et l’autre là. L’accident, je vous en ai parlé antérieurement, qu’est-ce qui (inaudible)... et qui touche au caractère volontaire de l’acte.

            Dans ce cas-ci, vous avez le témoignage de l’accusé qui vous dit certaines choses que vous devez examiner à l’aide de l’ensemble de cette preuve-là, à savoir si son témoignage, vous le croyez ou encore soulève un doute raisonnable dans votre esprit relativement à l’accident qu’il mentionne avoir eu et qui a provoqué le tir. Ça, c’en est un (1).

            Si vous rejetez cet... le témoignage de l’accusé, vous devez regarder l’ensemble de la preuve et regarder si la preuve vous convainc hors de tout doute raisonnable compte tenu du fait qu’une personne veut habituellement la conséquence normale de ses actes et déterminer si la Couronne s’est déchargée de ce fardeau de prouver hors de tout doute raisonnable que lorsque le coup de feu a été tiré en direction de Richard Primeau, l’accusé avait soit l’intention de le tuer ou soit l’intention de lui causer des blessures corporelles qui sont de nature à causer la mort sans se soucier que la mort s’ensuive ou non.[51]

[74]        Avec beaucoup d’égards, ces explications n’étaient pas de nature à aider le jury à démêler les différents concepts qui lui étaient proposés. Le fait d’indiquer, par exemple, que l’appelant soulevait à la fois l’accident et l’acte involontaire et qu’il s’agissait de deux défenses distinctes et non interchangeables ne pouvait éclairer un jury à qui l’on avait dit précédemment que l’accident est un acte involontaire ou encore un acte qui nie l’intention (au sens « mens rea » du terme) et qui, de toute façon, est incompatible avec la commission d’un acte illégal.

[75]        Le fait que le juge a en outre peiné à expliquer l’homicide involontaire coupable et les éléments de cette infraction (au point de ne pas l’expliquer, en réalité), malgré la question du jury, est également problématique (même si l’on peut concéder que ce crime, catégorie en quelque sorte résiduelle de l’homicide coupable, n’est pas facile à définir). Certes, dans l’arrêt R. c. Miljevic[52], la Cour suprême, à la majorité (on note une forte dissidence du juge Fish), a décidé que le fait pour un juge de ne pas définir précisément l’homicide involontaire coupable et de ne pas en donner d’exemples, comme le lui avait demandé le jury, n’est pas une erreur. Cette affaire est cependant bien différente de la nôtre, alors que M. Miljevic reconnaissait être coupable d’homicide involontaire coupable, la seule question que le jury devait trancher étant celle de savoir s’il avait eu l’intention requise par l’infraction de meurtre au deuxième degré dont il était inculpé. En l’espèce, la situation, compte tenu des moyens de défense opposés par l’appelant à l’accusation de meurtre au premier degré, requérait davantage : on ne pouvait laisser les jurés dans l’ombre à ce sujet. Par ailleurs, le fait qu’on trouve dans la réponse du juge des bribes d’information à propos des éléments constitutifs de l’homicide involontaire coupable n’y suppléait pas dans la mesure où elles ne constituaient pas un tout cohérent, que le jury n’avait pas à reconstituer (et ne pouvait reconstituer) comme un puzzle dont on lui aurait simplement remis les pièces[53].

[76]        Bref, nous estimons que les directives initiales du juge au sujet des défenses d’accident présentées par l’appelant étaient insuffisantes et embrouillées, particulièrement en ce qui concerne la défense d’accident niant l’actus reus. Dans ce contexte, elles étaient également lacunaires en ce qui concerne l’homicide involontaire coupable, qui n’est jamais évoqué par le juge que comme une arrière-pensée, dans l’hypothèse où la poursuite ne ferait pas la preuve de l’intention spécifique exigée pour le meurtre. L’arbre décisionnel remis aux jurés était tout aussi incomplet, ne comportant qu’une mention sibylline de l’« acte involontaire ou accidentel », mention susceptible d’être entendue comme faisant renvoi seulement à la mens rea. Enfin, ce n’est pas parce que, ici et là dans ses directives, le juge a tenté d’exposer la théorie de la défense au sujet de l’accident ou les rapports de celle-ci avec l’homicide involontaire coupable qu’il y a réussi et l’on ne pouvait exiger des jurés qu’ils distinguent eux-mêmes le bon grain de l’ivraie et trouvent la voie à suivre dans ces explications défectueuses. D’ailleurs, manifestement, ils n’ont pas compris les directives originales, ce qu’atteste la série de questions qu’ils ont subséquemment posées au juge sur les éléments cruciaux de l’affaire, demandant à savoir ce qu’était un acte involontaire, ce à quoi renvoyait la notion d’état d’esprit et ce qu’était un homicide involontaire coupable (verdict qu’ils n’avaient donc pas exclu au moment où ils ont posé la question s’y rapportant). Ils ont obtenu des réponses malheureusement confuses dans l’ensemble, erronées ou incomplètes, qui ne respectent pas l’enseignement de la Cour suprême en cette matière et n’ont pas suffi à clarifier les directives originales, elles-mêmes défaillantes.

[77]        Si des réponses incorrectes ou incomplètes peuvent compromettre l’équité du processus et se révéler déterminantes malgré le caractère exemplaire des directives originales, on ne peut guère statuer autrement lorsque des réponses incorrectes ou incomplètes aux questions du jury, questions qui concernent le cœur du débat, suivent des directives elles-mêmes insatisfaisantes. À notre avis, après avoir considéré ces carences « dans le contexte de l’exposé dans son ensemble » (pour reprendre les mots de l’arrêt Brydon[54]), il existe une possibilité raisonnable que le jury ait été induit en erreur sur des aspects centraux du litige et que cela vicie le verdict.

[78]        On pourrait être tenté de conclure que si le jury a prononcé un verdict de culpabilité à l’infraction de meurtre au second degré, c’est qu’il était convaincu hors de tout doute raisonnable que l’appelant avait bel et bien eu l’intention spécifique de tuer la victime ou de lui infliger des lésions corporelles dont il ne se souciait pas qu’elles entraînent la mort. Ce serait donc dire que le jury n’aurait pas retenu la défense d’accident, peu importe que celle-ci nie l’actus reus ou la mens rea, et que, partant, les directives inadéquates du juge à cet égard auraient été sans effet tangible. On pourrait penser aussi que le verdict est bien étayé par la preuve. Nous ne pouvons cependant souscrire à cette façon de voir les choses. Les directives du juge ont pour objectif de mettre à la disposition du jury les outils nécessaires sur la manière de réfléchir à la preuve qui lui a été présentée et de traiter les faits dans le respect du droit. On ne les lui a pas fournis en l’espèce et on ne peut pas conclure - ce serait de la spéculation - qu’il aurait prononcé le même verdict si on l’avait instruit adéquatement[55].

B.        Second moyen d’appel : la défense d’intoxication

[79]        Vu les motifs ci-dessus, il ne sera pas nécessaire de s’attarder aux directives du juge sur la défense d’intoxication, directives dont on peut dire néanmoins qu’elles étaient dans l’ensemble adéquates en droit (ce qu’admet l’appelant), mais aussi au chapitre des liens à établir avec les éléments saillants de la preuve (contrairement à ce que plaide l’appelant).

III.        Conclusion

[80]        Pour ces raisons, nous recommandons de casser le verdict de culpabilité et d’ordonner un nouveau procès.

 

 

 

 

MARIE-FRANCE BICH, J.C.A.

 

 

STEPHEN W. HAMILTON, J.C.A.

 

 

 



[1]     Primeau c. R., 2017 QCCA 1394.

[2]     R. c. Primeau, 2018 QCCS 1358, paragr. 45-48. L’appelant pourrait donc en théorie déposer une demande de libération conditionnelle en septembre 2022.

[3]     Primeau c. R., préc., note 1.

[4]     Voir par ex. : R. c. Barton, 2019 CSC 33, paragr. 186; R. v. Spence, 2017 ONCA 619, paragr. 32; R. v. Parris, 2013 ONCA 515, paragr. 106-108; R. v. Mathisen, 2008 ONCA 747, paragr. 70 et 94-96.

[5]     Voir les paragr. 231(3) à (6.2) C.cr.

[6]     Le terme « volitif » est employé dans R. c. Barton, préc., note 4, paragr. 186 (version française des motifs majoritaires du j. Moldaver; la version anglaise du même paragraphe emploie le terme « volitional »).

[7]     R. c. Creighton, [1999] 3 R.C.S. 3.

[8]     Id., motifs minoritaires du juge en chef Lamer (p. 25), tels que modifiés par les motifs majoritaires de la juge McLachlin (p. 45).

[9]     R. c. Creighton, préc., note 7, p. 45.

[10]    R. c. Maybin, [2012] 2 R.C.S. 30, paragr. 1, confirmant Smithers c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 506, et R. c. Nette, [2001] 3 R.C.S. 488.

[11]    R. c. Maybin, préc., note 10, paragr. 28 et 60.

[12]    Id., paragr. 30, 34 et 38.

[13]    Id., paragr. 53.

[14]    Id., paragr. 49 et 57.

[15]    Voir : R. v. Parris, préc., note 4, paragr. 108; R. v. Tower, 2008 NSCA 3, paragr. 25 (cité avec approbation dans R. c. Maybin, préc., note 10, paragr. 23).

[16]    Ce que rappelle la Cour suprême dans R. c. Rodgerson, [2015] 2 R.C.S. 760, paragr. 50.

[17]    R. c. Jacquard, [1997] 1 R.C.S. 314, paragr. 32.

[18]    [2009] 2 R.C.S. 540, paragr. 25.

[19]    R. c. Brydon, [1995] 4 R.C.S. 253, paragr. 22.

[20]    Sur la dimension éducative et pédagogique des directives, voir : David Watt, Helping Jurors Understand, Toronto, Thomson Carswell, 2007, p. 22-25 et 59 et s.

[21]    R. c. Jacquard, préc., note 17, paragr. 13 (récemment repris dans R. c. Rodgerson, préc., note 16, paragr. 50). Plus généralement, sur le rôle des directives, voir : Béliveau-Vauclair, Traité général de preuve et de procédure pénales, 27e éd. par Martin Vauclair et Tristan Desjardins, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2020, paragr. 33.5 et s. (sous la rubrique « [r]ésumer, clarifier et simplifier »).

[22]    R. c. Rodgerson, préc., note 16, paragr. 50.

[23]    R. c. Layton, préc., note 18, paragr. 35. Dans le même sens, voir aussi les propos du j. Fish dans R. c. Daley, [2007] 3 R.C.S. 523, paragr. 139 (le juge Fish est dissident, mais énonce ici un principe reconnu).

[24]    [1994] 3 R.C.S. 521.

[25]    R. c. S. (W.D.), préc., note 24, p. 528-531 (motifs majoritaires du j. Cory, voir aussi la p. 537). Dans le même sens, voir aussi : R. c. Brydon, préc., note 19, paragr. 16-17; R. c. Seymour, [1996] 2 R.C.S. 252, paragr. 30-31; R. c. Griffin, [2009] 2 R.C.S. 42, paragr. 45 (motifs majoritaires de la j. Charron); R. c. Layton, préc., note 18, paragr. 20; Lévesque c. R., 2007 QCCA 1291, paragr. 32-33; R. v. Roe, 2009 BCCA 193, paragr. 23; R. v. Kahnapace, 2010 BCCA 227, paragr. 49-54; R. v. Shannon, 2011 BCCA 270, paragr. 46 et s.; R. c. Émond, 2012 QCCA 1573, paragr. 55-56; R. v. Ellis, 2013 ONCA 9, paragr. 40-42; R. v. Spence, préc., note 4, paragr. 59-61); Levers c. R., 2017 QCCA 1266, paragr. 57-58; Sorella c. R., 2017 QCCA 1908, paragr. 33; J.E. c. R., 2017 QCCA 1967, paragr. 39; Duchaussoy c. R., 2020 QCCA 380, paragr. 37-38. De façon générale, voir : Béliveau-Vauclair, préc. note 21, paragr. 33.29 et s.

[26]    Voir par ex. : R. c. Jaw, [2009] 3 R.C.S. 26, paragr. 32.

[27]    Principe bien établi par la Cour suprême depuis l’arrêt R. c. Jacquard, préc., note 17, paragr. 2, 32 et 62 (motifs majoritaires du j. en chef Lamer), et repris notamment dans : R. c. Calnen, [2019] 1 R.C.S. 301, paragr. 9 (motifs majoritaires du j. Moldaver) et 153 (motifs partiellement dissidents de la j. Martin); R.  c. Araya, [2015] 1 R.C.S. 581, paragr. 39; R. c. Mack, [2014] 3 R.C.S. 3, paragr. 48; R. c. Daley, préc., note 23, paragr. 31 (motifs majoritaires du j. Bastarache); R. c. Malott, [1998] 1 R.C.S. 123, paragr. 15-16 (motifs majoritaires du j. Major). Voir aussi : R. c. Cooper, [1993] 1 R.C.S. 146, p. 163.

[28]    R. c. Cooper, préc., note 27, p. 163-164 (motifs majoritaires du j. Cory).

[29]    R. c. Jacquard, préc., note 17, paragr. 33.

[30]    Dans R. v. Spence, préc., note 4, paragr. 59, le juge Trotter parle de la « superordinate importance to questions from a jury because they signify the areas in which they require assistance in deciding the case ». Dans R. v. Roe, note 25, paragr. 23 la juge Newbury rappelle que « a jury’s questions are extremely important and their significance ‘far exceeds’ instructions given in the main charge (…) ».

[31]    Transcription des directives, 25 janvier 2018, p. 95-97.

[32]    R. c. W.(D.), [1991] 1 R.C.S. 742.

[33]    Transcription des directives, 25 janvier 2018, p. 63-64.

[34]    Transcription des directives, 25 janvier 2018, p. 85-86.

[35]    Transcription des directives, 25 janvier 2018, p. 86.

[36]    Transcription des directives, 25 janvier 2018, p. 83-86.

[37]    Transcription des représentations hors jury, 28 janvier 2018, p. 10-12.

[38]    Préc., note 10, arrêt dans lequel, comme on l’a vu, la Cour suprême répond à la « question de savoir dans quelles circonstances l’acte intermédiaire d’un tiers rompt le lien de causalité entre l’acte de l’accusé et la mort de la victime et décharge ainsi l’accusé de toute responsabilité juridique pour homicide involontaire coupable » (paragr. 2).

[39]    Transcription des directives, 25 janvier 2018, p. 64-68.

[40]    Préc., note 1.

[41]    Ni à celle que l’on peut retrouver dans les directives modèles du juge Watt (pour ne prendre que cet exemple) : David Watt, Watt’s Manual of Criminal Instructions, 2e éd., Toronto, Carswell, 2015, p. 1140 et s.). Certes, l’arrêt Rodgerson, préc., note 16, met les juges en garde contre l’usage abusif de tels modèles et la tentation de s’en remettre à eux mécaniquement, modèles qui demeurent néanmoins des outils, des guides (Rodgerson, paragr. 51 et 53), que l’on ne doit pas hésiter à consulter au besoin.

[42]    Ce que lui fera remarquer l’avocat de l’appelant lors d’une pause dans les directives, en soulignant notamment l’absence d’instructions sur la mens rea de l’homicide involontaire coupable et en soulevant le fait que l’accident allégué par l’appelant aurait pu rompre le lien de causalité entre l’acte illégal commis et le décès de la victime (transcription des représentations hors jury, 25 janvier 2018, p. 110 et s.

[43]    Transcription des représentations hors jury, 26 janvier 2018, p. 9.

[44]    Transcription des directives, 26 janvier 2018, p. 11-12.

[45]    Voir : Primeau c. R., préc., note 1; R. v. Mathisen, préc., note 4.

[46]    Transcription des représentations hors jury, 27 janvier 2018, p. 6.

[47]    Transcription des directives, 27 janvier 2018, p. 17-20.

[48]    Voir : R. c. Primeau, préc., note 1, paragr. 25; R. v. Mathisen, préc., note 4, paragr. 74-76.

[49]    Et celui de l’appelant ne s’entend pas avec le juge sur les éléments constitutifs de l’homicide involontaire coupable.

[50]    Transcription des directives, 28 janvier 2018, p. 26-28 et 32-33.

[51]    Transcription des directives, 28 janvier 2018, p. 33-34. Le juge passe tout de suite après à la défense d’intoxication, invitant le jury à considérer « [t]ous les éléments de preuve, les circonstances les entourant incluant tout élément de preuve touchant à la quantité d’alcool consommée et à la période sur laquelle la consommation a eu lieu [qui] pourraient vous éclairer sur la question de l’état d’esprit de l’accusé au moment où il aurait commis l’infraction alléguée » (p. 36, et ce, « afin de déterminer quelles étaient les intentions de l’accusé au juste » (id.). Il ajoute : « Si vous considérez que la Couronne ne s’est pas déchargée de son fardeau de preuve de démontrer que l’accusé avait l’intention de tuer Richard Primeau, à ce moment-là, votre verdict devrait en être un, puisque vous avez passé l’autre étape, un d’homicide involontaire » (p. 36-37). S’ils estiment que la poursuite a démontré cette intention, ils devront conclure à meurtre, la question étant alors de savoir s’il s’agit d’un meurtre prémédité ou non.

[52]    [2011] 1 R.C.S. 203.

[53]    On trouve dans R. c. Roe, préc., note 25, un autre exemple d’une affaire dans laquelle on observe « the trial judge’s failure to answer the jury’s questions regarding manslaughter in a meaningful way » (paragr. 23), dans le contexte d’une défense d’accident. La même faille se retrouve dans les présentes directives.

[54]    R. c. Brydon, préc., note 19, paragr. 19.

[55]    En ce sens et, dans une affaire qui, comme en l’espèce, soulevait une défense d’acte non volitif à une accusation de meurtre au second degré, voir : R. v. Mathisen, préc., note 4, paragr. 95.

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