1641-9749 Québec inc. |
2013 QCCLP 6066 |
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[1] Le 13 février 2013, 1641-9749 Québec inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 5 février 2013, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 28 novembre 2012 et déclare que l’employeur doit être imputé de la totalité du coût des prestations versées à madame Madeleine Malo (la travailleuse) à la suite de sa lésion professionnelle survenue le 2 février 2012.
[3] La Commission des lésions professionnelles devait tenir une audience à Joliette, le 18 juillet 2013, mais le représentant de l’employeur l’informe qu’il renonçait à l’audience et transmet une argumentation écrite.
[4] L’affaire a été mise en délibéré le 18 juillet 2013. La Commission des lésions professionnelles rend donc la décision sur dossier en vertu de l’article 429.14 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi).
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit à un transfert de l’imputation en vertu de l’article 326 de la Loi, relativement aux sommes correspondant aux coûts des prestations versées par la CSST à la travailleuse pour la période comprise entre le 4 avril et le 27 septembre 2012.
LES FAITS
[6] La Commission des lésions professionnelles a pris connaissance du dossier médico-administratif qui lui a été soumis. Elle retient les faits suivants.
[7] Madame Madeleine Malo est âgée de 59 ans et travaille chez l’employeur depuis novembre 1996 comme conductrice de camion longue distance aux États-Unis lorsque, le 2 février 2012, elle est victime d’une lésion professionnelle. Elle venait de terminer une livraison et, en ouvrant la porte de son camion, elle a échappé ses clés au sol. Elle s’est penchée pour les ramasser, mais au moment de se relever, la porte du camion s’est un peu refermée et elle se frappe la tête sur le dessous de la porte, ce qui lui a occasionné une lacération à la tête.
[8] La travailleuse déclare son accident le même jour à son répartiteur au Québec. Elle nettoie sa plaie et applique de la glace. Elle poursuit son travail régulier jusqu’au 24 février 2012.
[9] La travailleuse a commencé à ressentir des maux de tête quelques jours après l’événement et ces douleurs sont devenues plus fréquentes et plus importantes. Elle a tenté de se soulager avec des analgésiques, mais la douleur était toujours persistante.
[10] Le 27 février 2012, la travailleuse consulte le docteur Bellemare qui pose les diagnostics de céphalée et névralgie d’Arnold postcontusion. Il procède à une infiltration du nerf d’Arnold et prescrit un arrêt de travail jusqu’au 29 février suivant.
[11] Le 29 février 2012, le docteur Bellemare revoit la travailleuse et note que l’infiltration n’a apporté qu’un soulagement partiel. Il prescrit une tomodensitométrie (scan) cérébrale, recommande la poursuite de l’arrêt de travail tout en autorisant les travaux légers, mais sans voyage de longue distance.
[12] Lors de la consultation du 19 mars 2012, le docteur Bellemare recommande la poursuite de l’arrêt de travail pour une semaine en raison de l’insomnie et de la somnolence au volant. Il procède à une seconde infiltration qui soulage immédiatement la travailleuse.
[13] Le 23 mars 2012, le docteur Bellemare revoit la travailleuse et note une quasi-disparition des douleurs post infiltration. Il mentionne que la travailleuse est redevenue fonctionnelle, qu’elle peut reprendre son travail régulier sans restriction et fixe un rendez-vous par prudence pour évaluer le degré du soulagement le 16 avril 2012, date qu’il prévoit également pour la consolidation.
[14] La travailleuse a repris son travail régulier le 25 mars 2012 de conductrice de camion de longue distance aux États-Unis.
[15] Le 4 avril 2012, alors qu’elle se trouve aux États-Unis, dans le cadre de son travail, la travailleuse s’évanouit dans la douche et est transportée d’urgence à l’hôpital. Elle souffre alors d’une infection rénale, soit un choc septique pyélonéphrite.
[16] On apprend également que la travailleuse a une bosse au niveau de la boîte intracrânienne qui pourrait être une tumeur et que cette condition est connue depuis quelques années.
[17] À son retour au Québec, la travailleuse consulte, le 16 avril 2012, la docteure Jennifer Simard, médecin de famille, qui reprend le diagnostic de névralgie d’Arnold droite et note une récidive de la condition depuis une semaine. La docteure Simard indique qu’elle reverra la travailleuse le 3 mai 2012 pour évaluer si une troisième infiltration est requise et précise que la travailleuse est actuellement en arrêt de travail pour une autre raison.
[18] Le 3 mai 2012, la docteure Simard écrit que la travailleuse est alors apte au travail en ce qui concerne sa lésion professionnelle, mais que l’arrêt de travail se poursuit pour une autre raison médicale.
[19] Une troisième infiltration sera pratiquée le 15 mai 2012.
[20] Le 30 mai 2012, la docteure Simard note une bonne évolution de la condition de la travailleuse et espère la consolidation de la lésion à la prochaine visite.
[21] Le 27 juin 2012, la docteure Simard pratique une quatrième infiltration et recommande des traitements de physiothérapie avec une approche ostéopathique.
[22] Lors de la consultation du 7 août 2012, la docteure Simard indique que les infiltrations ont été un échec et elle recommande la poursuite des traitements de physiothérapie avec approche ostéopathique. Elle précise que l’arrêt de travail n’est pas en lien avec l’accident de travail, mais avec une autre condition.
[23] Dans son rapport du 30 août 2012, la docteure Simard mentionne que la travailleuse est aidée par les traitements. Elle précise encore une fois que la travailleuse pourrait travailler, mais qu’elle est en arrêt de travail pour une raison indépendante de la CSST.
[24] Le 25 septembre 2012, la docteure Martine Martin, médecin régionale de la CSST, complète un résumé du bilan médical téléphonique effectué auprès de la docteure Simard le 20 septembre précédent. Elle mentionne dans son rapport ce qui suit :
Selon la docteure Simard, la lésion professionnelle n’empêcherait pas actuellement la travailleuse de refaire son emploi pré-lésionel. La physiothérapie avec approche ostéopathique apporte encore une amélioration au niveau du soulagement de la douleur. Elle pense être en mesure de consolider cette lésion à la prochaine visite médicale prévue la semaine prochaine. La travailleuse ne devrait pas conserver d’atteinte permanente ni de limitation fonctionnelles en regard de sa lésion professionnelle.
En ce qui à trait à la condition personnelle, la docteure Simard m’indique que la travailleuse est en attente d’une deuxième opinion en neurologie car un électroencéphalogramme aurait montré une possible épilepsie temporale. Comme cette problématique peut entrainer des absences, c’est la raison pour laquelle la travailleuse ne peut pour le moment conduire un camion.
[sic]
[25] Le 27 septembre 2012, la docteure Simard produit un rapport final dans lequel elle indique les diagnostics de trauma crânien, de névralgie Arnold droite avec douleur résiduelle minime, sans céphalée. Elle met fin aux traitements et consolide la lésion le même jour sans atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique ni limitations fonctionnelles.
[26] Le 1er octobre 2012, l’employeur formule une demande de partage de coût en vertu de l’article 326 de la Loi en raison de la maladie intercurrente survenue à la travailleuse.
[27] Cette demande a fait l’objet d’un refus de la CSST dans sa décision le 28 novembre 2012 au motif que l’employeur n’a pas démontré qu’une maladie ou une blessure est survenue au cours de la période de consolidation de la lésion professionnelle et qu’elle a eu pour effet de la retarder. Cette décision a été confirmée à la suite d’une révision administrative le 5 février 2013, d’où le présent litige.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[28] La Commission des lésions professionnelles doit décider si 1641-9749 Québec inc. a droit à un transfert de l’imputation à la suite de la lésion professionnelle survenue le 2 février 2012 à madame Madeleine Malo, la travailleuse.
[29] La Commission des lésions professionnelles a attentivement analysé le dossier et pris en compte les arguments soumis par le représentant de l’employeur. Elle rend en conséquence la décision suivante.
[30] Le principe de l’imputation des coûts d’une lésion professionnelle est édicté à l’article 326 de la Loi, qui se lit comme suit :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[31] La Commission des lésions professionnelles retient, des dispositions claires de l’article 326 de la Loi, que la CSST doit imputer à l’employeur le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail survenu à un travailleur.
[32] La notion de « prestation » est définie comme suit à l’article 2 de la Loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« prestation » : une indemnité versée en argent, une assistance financière ou un service fourni en vertu de la présente loi;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[33] Dans un premier temps, le tribunal constate que l’employeur invoque l’application de l’alinéa premier de l’article 326 de la Loi. Dans un tel cas, comme il a été reconnu à maintes reprises la jurisprudence[2] de la Commission des lésions professionnelles, le délai d’un an prévu au dernier alinéa de l’article 326 de la Loi ne s’applique pas. Ce délai s’applique uniquement à l’égard d’une demande de transfert de coût formulée en vertu du second alinéa de l’article 326 de la Loi.
[34] La soussignée considère que l’interprétation du premier alinéa de l’article 326 de la Loi, plus particulièrement les termes « le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail » est au cœur du présent litige.
[35] La Loi d’interprétation[3] énonce à son article 41 ce qui suit :
41. Toute disposition d'une loi est réputée avoir pour objet de reconnaître des droits, d'imposer des obligations ou de favoriser l'exercice des droits, ou encore de remédier à quelque abus ou de procurer quelque avantage.
Une telle loi reçoit une interprétation large, libérale, qui assure l'accomplissement de son objet et l'exécution de ses prescriptions suivant leurs véritables sens, esprit et fin.
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S. R. 1964, c. 1, a. 41; 1992, c. 57, a. 602.
[36] En se fondant sur la Loi d’interprétation précitée, le tribunal est d’avis que le législateur a voulu, de par l’usage des termes « le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail » à l’alinéa premier de l’article 326 de la Loi, qu’il existe un lien entre le coût des prestations imputé et l’accident du travail qui survient chez l’employeur.
[37] En l’espèce, l’employeur invoque l’application du principe général d’imputation prévu à l’alinéa premier de l’article 326 de la Loi, car la travailleuse a été victime d’une maladie intercurrente après avoir repris son travail régulier à temps complet sans limitations fonctionnelles et sans atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique. Il soutient également que même si la travailleuse a continué à suivre des traitements en lien avec sa lésion professionnelle durant sa maladie intercurrente, cela ne l’aurait pas empêchée de poursuivre son travail régulier, n’eût été cette condition personnelle.
[38] Ainsi, le tribunal examine la requête de l’employeur en vertu de l’alinéa premier de l’article 326 de la Loi. Si le tribunal en vient à conclure que l’employeur a raison dans ses prétentions, il n’analysera pas la requête sous l’angle du second alinéa de la même disposition.
[39] Le tribunal constate que la travailleuse s’est évanouie le 4 avril 2012 lors d’un voyage aux États-Unis dans le cadre de son travail. Cet événement n’a aucun lien avec les activités professionnelles de la travailleuse, et encore moins avec la lésion professionnelle du 2 février 2012.
[40] La Cour suprême du Canada s’est penchée à maintes reprises sur la méthode d’interprétation de la Loi. À ce propos, la Commission des lésions professionnelles fait l’état de la jurisprudence dans l’affaire Nettoyeur Clin d’œil[4]. La soussignée reproduit les passages pertinents de cette décision :
[34] Par ailleurs, la Cour suprême du Canada a rappelé dans plusieurs décisions que la méthode contextuelle moderne est désormais celle qui doit guider les tribunaux dans leur interprétation des lois, notamment dans l’arrêt Verdun c. Banque Toronto-Dominion[6]:
2. Les tribunaux doivent généralement utiliser la « méthode contextuelle moderne » comme méthode normative standard d’interprétation des lois et ils peuvent exceptionnellement recourir à l’ancienne règle du « sens ordinaire » quand les circonstances s’y prêtent. […]
6. En conséquence, la méthodologie exposée dans Driedger on the Construction of Status (3e éd. 1994) à la p. 131, est appropriée :
[TRADUCTION] Il n’existe qu’une seule règle d’interprétation moderne : les tribunaux sont tenus d’interpréter un texte législatif dans son contexte global, en tenant compte de l’objet du texte en question, des conséquences des interprétations proposées, des présomptions et des règles spéciales d’interprétation, ainsi que des sources acceptables d’aide extérieure. Autrement dit, les tribunaux doivent tenir compte de tous les indices pertinents et acceptables du sens d’un texte législatif. Cela fait, ils doivent ensuite adopter l'interprétation qui est appropriée. L’interprétation appropriée est celle qui peut être justifiée en raison a) de sa plausibilité, c’est-à-dire sa conformité avec le texte législatif, b) de son efficacité, dans le sens où elle favorise la réalisation de l’objet du texte législatif, et c) de son acceptabilité, dans le sens où le résultat est raisonnable et juste. [Les soulignés sont dans le texte.]
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6 [1996] 3 R.C.S. 550.
[Nos soulignements]
[35] De plus, dans l’affaire Rizzo & Rizzo Shoes Ltd[7], le juge Iacobucci note que :
21. Bien que l’interprétation législative ait fait couler beaucoup d’encre (voir par ex. Ruth Sullivan, Statutory Interpretation (1997); Ruth Sullivan, Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994) (ci-après «Construction of Statutes); Pierre-André Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1990), Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l’interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit :[5]
[TRADUCTION] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.
27. (…) Selon un principe bien établi en matière d’interprétation législative, le législateur ne peut avoir voulu des conséquences absurdes. D’après Côté, op. cit., on qualifiera d’absurde une interprétation qui mène à des conséquences ridicules ou futiles, si elle est extrêmement déraisonnable ou inéquitable, si elle est illogique ou incohérente, ou si elle est incompatible avec d’autres dispositions ou avec l’objet du texte législatif (aux pp. 430 à 4232). Sullivan partage cet avis en faisant remarquer qu’on peut qualifier d’absurdes les interprétations qui vont à l’encontre de la fin d’une loi ou en rendent un aspect inutile ou futile.
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7[1998] 1 R.C.S. 27.
[nos soulignements]
[36] Enfin, la Cour suprême énonçait également dans l’arrêt Montréal (Ville) c. 2952-1366 Québec inc.[8] :
Comme notre Cour l’a maintes fois répété : [traduction] « Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » (Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, par. 21, citant E. A. Driedger, Construction of Statutes (2e éd. 1983), p. 87; voir aussi Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, 2002 CSC 42, par. 26). Cela signifie que, comme on le reconnaît dans Rizzo & Rizzo Shoes, « l’interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi » (par. 21).
Des mots en apparence clairs et exempts d’ambiguïté peuvent, en fait, se révéler ambigus une fois placés dans leur contexte. La possibilité que le contexte révèle une telle ambiguïté latente découle logiquement de la méthode moderne d’interprétation.
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8 [2003] 3 R.C.S. 141, par. 9-10.
[41] Partant de ce qui précède, le tribunal estime que l’interprétation de l’alinéa premier de l’article 326 de la Loi fait en sorte qu’il faut exclure du dossier financier de l’employeur le coût des prestations dues à un accident ou une maladie de la travailleuse qui survient ailleurs que chez l’employeur ou sans lien avec ce dernier.
[42] La soussignée rappelle que la Commission des lésions professionnelles a rendu, le 28 mars 2008, une décision[6] par une formation de trois juges administratifs indiquant ce qui suit de l’alinéa premier de l’article 326 de la Loi :
[284] En statuant que le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail survenu à un travailleur doit être imputé à l’employeur auquel il était alors lié, le premier alinéa de l’article 326 applique une règle de « justice » distincte de celle ayant cours en droit civil, celle que le législateur a spécifiquement retenue comme étant équitable pour les fins particulières du régime d’assurance qu’il a instauré.
[…]
[286] Ainsi, la « justice » de toute imputation repose sur la prise en compte du risque assuré pour chaque employeur.
[43] Le 4 avril 2012, la travailleuse était au travail régulier à temps complet. À la suite de cet arrêt de travail, la CSST a repris le versement des indemnités de remplacement du revenu.
[44] La preuve prépondérante est que la maladie personnelle dont a été atteinte la travailleuse n’a aucun lien avec les activités professionnelles de cette dernière, encore moins avec la lésion professionnelle qu’elle a subie le 2 février 2012.
[45] Ainsi, la soussignée est d’avis qu’imputer à l’employeur le coût des prestations dues à une maladie qui n’a aucun lien avec l’emploi est contraire au principe général de l’imputation du premier alinéa de l’article 326 de la Loi.
[46] Dans son argumentation écrite, l’employeur ne demande pas un partage d’imputation de coûts des traitements dont la travailleuse a bénéficié après le 4 avril 2012 jusqu’à la date de consolidation de la lésion professionnelle le 27 septembre 2012. Il demande uniquement que le coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée à la travailleuse pour cette période ne lui soit pas imputé.
[47] À ce sujet, le tribunal réfère à la décision Commission scolaire des Samares[7], dans laquelle le juge Poirier mentionne ce qui suit :
[55] Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles reprend également les principes précités retenus dans Les Systèmes Erin Ltée[11] :
[31] Il importe cependant de préciser qu’il est possible, en application de l’article 326 (mais alinéa 1), de ne pas imputer à l’employeur une partie du coût des prestations versées au travailleur, pour autant que cette partie du coût ne soit pas due en raison de l’accident du travail. Un bon exemple de cette situation est la survenance d’une maladie personnelle intercurrente (par exemple, le travailleur fait un infarctus, ce qui retarde la consolidation ou la réadaptation liée à la lésion professionnelle) : les prestations sont alors versées par la CSST, mais comme elles ne sont pas directement attribuables à l’accident du travail elles ne doivent, par conséquent, pas être imputées à l’employeur. L’article 326, 1eralinéa prévoit en effet que c’est le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail qui est imputé à l’employeur
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[11] Précitée note 5
[48] Le tribunal est d’avis que l’application du premier alinéa de l’article 326 de la Loi ne nécessite aucunement la démonstration d’une situation correspondant à la notion d’injustice que l’on retrouve au deuxième alinéa de l’article 326 de la Loi. Il suffit à l’employeur de démontrer que les prestations d’indemnité versées à la travailleuse ne sont pas « dues en raison » de l’accident du travail survenu chez l’employeur.
[49] En l’espèce, la soussignée considère qu’il s’agit dans cette affaire d’une mauvaise application du principe général de l’imputation prévu au premier alinéa de l’article 326 de la Loi.
[50] La preuve au dossier révèle que la travailleuse s’est évanouie aux États-Unis le 4 avril 2012, que dès la consultation du 16 avril 2012, la docteure Simard précise que l’arrêt de travail est pour une autre raison que la lésion professionnelle. Cette mention de la docteure Simard se retrouve lors des consultations subséquentes.
[51] En l’espèce, la Commission des lésions professionnelles conclut que l’employeur a rempli son fardeau de la preuve et a démontré que le coût des prestations versées à la travailleuse, suite à l’événement dont elle a été victime le 4 avril 2012, n’est pas dû en raison d’un accident du travail survenu chez l’employeur.
[52] Ainsi, la Commission des lésions professionnelles considère qu’en vertu du principe général d’imputation prévu au premier alinéa de l’article 326 de la Loi, l’employeur ne doit être imputé que des seuls coûts attribuables à la lésion professionnelle de la travailleuse survenue le 2 février 2012 alors qu’elle est à son emploi.
[53] Le tribunal est d’avis que le principe édicté au premier alinéa de l’article 326 de la Loi n’est pas respecté lorsque la CSST impute au dossier financier de l’employeur le coût des prestations versées à la travailleuse après l’événement du 4 avril 2012, car ce dernier n’a aucun lien avec son emploi.
[54] À la lumière de ce qui précède, les indemnités de remplacement du revenu versées à la travailleuse à la suite de l’événement du 4 avril 2012, ne résultent pas de son accident du travail initial et, par conséquent, ne sont pas imputables au dossier financier de l’employeur.
[55] Compte tenu de la conclusion à laquelle en arrive le tribunal, la soussignée n’examinera pas les prétentions de l’employeur en vertu du second alinéa de l’article 326 de la Loi.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de 1641-9749 Québec inc., l’employeur;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 5 février 2013, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur ne doit pas être imputé des coûts de l’indemnité de remplacement du revenu versée à la travailleuse pour la période du 4 avril au 27 septembre 2012.
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Manon Gauthier |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Service d’Entretien Empro inc., C.L.P. 360660-31-0810, 23 avril 2009, J.-L. Rivard; Hôpital Laval, C.L.P. 356825-31-0808, 15 janvier 2009, M. Beaudoin.
[3] L.R.Q. c. I-16.
[4] 2012 QCCLP 5185.
[6] Québec (Ministère des Transports) et Commission de la santé et de la sécurité du travail, CLP. 288809-03B-0605, 28 mars 2008, J.-F. Clément, D. Lajoie et J.-F. Martel.
[7] 2013 QCCLP 4572.
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