Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Estrie

Sherbrooke, le 22 août 2000

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

102383-05-9806

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Micheline Allard

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Bertrand Delisle

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Gisèle Chartier

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DE L’ASSESSEURE :

Muguette Dagenais

médecin

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

113301469

AUDIENCES TENUES LES :

14 et 15 juillet 1999

29 et 30 novembre 1999

19 janvier 2000

10 avril 2000

3 mai 2000

 

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

9 juin 2000

 

 

 

 

 

 

À :

Sherbrooke

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

WATERVILLE T.G. INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JACQUELINE MOISY-RICHER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA

SÉCURITÉ DU TRAVAIL-ESTRIE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 29 juin 1998, Waterville T.G. inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 16 juin 1998 à la suite d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 24 mars 1998 donnant suite à l’avis du Comité spécial des présidents des comités des maladies professionnelles pulmonaires et déclare que madame Jacqueline Moisy est porteuse d’une maladie professionnelle pulmonaire soit une MPOC entraînant une atteinte permanente à son intégrité physique de même que des limitations fonctionnelles et qu’elle ne doit plus être exposée « aux émanations dans l’établissement de l’employeur. » La CSST conclut que la réclamation de madame Moisy est acceptable et qu’elle a droit aux indemnités prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[3]               Madame Moisy était présente et représentée aux audiences tenues par la Commission des lésions professionnelles. L’employeur était également représenté tandis que le procureur de la CSST avait avisé de son absence.

[4]               La soussignée a reçu l’avis des membres le 9 juin 2000 et le dossier a été pris en délibéré.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[5]               L’employeur demande d’infirmer la décision rendue le 16 juin 1998 et de déclarer que madame Moisy est atteinte d’une maladie pulmonaire d’origine personnelle, à savoir une bronchiolite oblitérante.

LA PREUVE

[6]               La preuve est constituée des documents au dossier de la Commission des lésions professionnelles et des pièces E-1 à E-19 produites par l’employeur de même que des pièces T-1 à T-14 produites par madame Moisy.


[7]               En outre les témoins suivants ont été entendus.

Pour l’employeur :                    Madame Carole-Anne Létourneau, chimiste chez l’employeur;

                                               Docteur Jean T. Turcotte, médecin-conseil de l’employeur;

Madame Aline Ruel, superviseure de production chez l’employeur;

Madame Marylène Cyr, infirmière chez l’employeur;

Monsieur Gaston Dufour, technicien en hygiène industrielle au CLSC « SOC »;

Docteur Paolo Renzi, pneumologue.

Pour la travailleuse outre son propre témoignage :

                        Madame Claire Pérusse, représentante à la prévention chez

                        l’employeur;

Madame Francine Provençal, représentante à la prévention chez l’employeur;

Monsieur Émile d’Amours, opérateur de presses chez l’employeur;

Docteur Bernard Coll, pneumologue.

[8]               Compte tenu de la conclusion à laquelle en vient la Commission des lésions professionnelles au sujet du diagnostic, seuls les éléments pertinents de la preuve sont rapportés.

[9]               En octobre 1985, madame Moisy entre au service de l’employeur, à l’usine de Waterville, comme opératrice de presse. L’employeur y fabrique des pièces d’étanchéité en caoutchouc pour les véhicules automobiles.

[10]           En février 1996, madame Moisy est assignée à un nouveau secteur du département de moulage. Il s’agit du « poste 414 » où sont fabriquées des composantes de véhicules automobiles. Elle exerce ses fonctions à différents sous-postes avec rotation aux deux heures : les presses « fuel inlett », « air cleaner » et « quarter window », une table pour l’installation de petites pièces sur les composantes et une autre pour l’inspection et l’emboîtage.

[11]           Le travail aux presses consiste à déposer une pièce de caoutchouc sur le moule de la presse que l’on ferme pendant le temps de cuisson de la pièce. L’opérateur ouvre ensuite la presse, retire la pièce et la dépose sur un support. Puis, il ébarbe la pièce avec un ciseau.

[12]           En novembre 1996, les seize travailleurs du poste 414 signent une plainte de prévention au sujet de la fumée dense qui se dégage à l’ouverture des presses « air cleaner ». Ils rapportent les symptômes suivants : larmoiement des yeux, irritation de la gorge et des sinus, et maux de tête. Monsieur Émile d’Amours, l’un des signataires de la plainte témoigne à l’effet que la densité de la fumée des presses était comparable à celle s’échappant des véhicules automobiles l’hiver.

[13]           Cette plainte s’inscrit dans le cadre de démarches entreprises par l’employeur à compter de juillet 1996 et consistant à doter les presses du poste 414 de divers types d’appareils afin d’aspirer les fumées pour finalement installer, en juin 1997, un système permanent d’aspiration des fumées à la source avec filtration et retour de l’air.

[14]           Madame Moisy est l’une des signataires de la plainte de novembre 1996. Témoignant à l’audience, elle déclare avoir éprouvé les symptômes qui sont mentionnés, dès son arrivée au poste 414 en février 1996.

[15]           En avril 1997, elle ressent les symptômes suivants : congestion des sinus, irritation des yeux et de la gorge, céphalée, toux et essoufflement. Elle consulte alors le docteur Clavel qui prescrit un sirop pour la toux. Puis en mai, elle voit son médecin traitant, le docteur Levasseur, qui diagnostique une bronchite et prescrit des antibiotiques. Il demande une consultation auprès du docteur Bernard Coll, pneumologue.

[16]           Le 3 juin 1997, le docteur Coll s’adresse en ces termes au docteur Levasseur :

« J’ai évalué madame Moisy à votre demande pour ses difficultés respiratoires.

 

Il s’agit d’une dame de 54 ans, non fumeuse, qui travaille depuis maintenant 11 ans à Waterville T.G. avec une exposition aux fumées de moulage des produits de caoutchouc.

 

(…)

 

Elle a toujours eu une excellente santé, faisait de petits épisodes grippaux comme tout le monde mais sans vraiment de complication. En avril elle a fait un tableau grippal suggestif d’influenza avec fièvre non objectivée, quelques frissons, des myalgies diffuses et une atteinte importante de l’état général. Elle a persisté à travailler et a tardé quelque peu à consulter. C’est seulement après une dizaine de jours d’évolution qu’elle a finalement consulté la première fois. Un bilan radiologique a été fait qui s’est avéré négatif. Il n’y a pas eu de traitement spécifique. Elle a continué à travailler, son état s’est aggravé et elle vous a finalement consulté. Elle a reçu un premier traitement antibiotique qui l’a un peu améliorée. Elle a aussi remarqué à peu près dans la même période l’apparition d’une dyspnée qui l’a beaucoup inquiétée. Un essai de bronchodilatateur a été fait sans vraiment de succès et un deuxième traitement antibiotique a été donné sans amélioration notable.

 

Madame Moisy est en arrêt de travail depuis vendredi passé mais elle persiste à avoir une forte atteinte de l’état général. Elle a aussi une douleur cervicale au niveau du trapèze du côté gauche qui est apparue depuis quelques jours pour laquelle elle prend des anti-inflammatoires. Elle a une forte sensation de congestion avec pesanteur rétro-orbitaire, sans vraiment de sécrétions importantes. Elle a aussi une irritation laryngée importante. Elle est incapable de prendre des liquides très chauds et très froids sans tousser de façon importante.

 

Sa dyspnée est d’environ 3/5. Le questionnaire est par ailleurs négatif. Il n’y a pas de perte de poids notable, ni autres symptômes pertinents. La revue des systèmes est sans particularité.

 

À l’examen physique, on note une patiente en bon état général. L’examen ORL sommaire m’apparaît normal. Il y a cependant une sensibilité au niveau des sinus maxillaires. À l’auscultation pulmonaire il y a des petits crépitants à la base gauche. L’auscultation cardiaque et l’examen de l’abdomen sont sans particularité.

 

La dernière radiographie pulmonaire qui date du 21 mai et qui a été faite à la Clinique Rock Forest est normale.

 

Impression diagnostique : Je suis donc un peu perplexe sur le diagnostic précis des problèmes de Madame Moisy. Je présume qu’elle a fait un épisode d’influenza qui s’est compliqué d’une sinusite avec écoulement nasal postérieur et forte atteinte de son état général. Il n’y a pas d’évidence radiologique pour une pneumonie.

 

J’ai donc considéré qu’elle avait reçu les antibiotiques adéquats. Je lui ai recommandé un traitement décongestionnant et Salinex et je lui ai prescrit des antitussifs. Je lui ai recommandé également de rester un peu plus longtemps à la maison étant donné l’incertitude quant au diagnostic précis. Je vais la revoir la semaine prochaine pour vérifier son évolution. Je vous tiendrai au courant. »

[17]           Le 19 juin 1997, madame Moisy passe un test de fonction respiratoire au CUSE. Son VEMS est de 0,76l avant bronchodilatateur et de 0,74l postbronchodilatateur pour une valeur prédite de 2,23l. Le docteur Yves Vézina, pneumologue conclut à un syndrome obstructif très sévère non réversible par bronchodilatateur.

[18]           Un CT Scan thoracique fait le 1er juillet 1997 est interprété comme normal.

[19]           Lors d’un test de fonction respiratoire du 1er juillet, le VEMS est de 0,79l prébronchodilatateur et 0,85l postbronchodilatateur. Le 8 juillet, un nouveau test est effectué et le VEMS passe de 0,78l à 0,83l. Dans les deux cas, le docteur Vézina conclut à un syndrome obstructif sévère non réversible par bronchodilatateur.

[20]           Dans une lettre du 8 juillet 1997 adressée au docteur Levasseur, le docteur Coll écrit :

« Voici un résumé de la situation de Madame Moisy que j’ai revue aujourd’hui en date du 8 juillet et que je connais depuis la première évaluation du 3 juin.

 

Vous vous rappelez qu’elle m’avait consulté dans un premier temps pour une dyspnée qui persistait suite à un épisode infectieux important. J’avais alors temporisé en supposant une étiologie virale sous-jacente au problème et j’avais entrepris un traitement non spécifique avec décongestionnant ainsi que des antitussifs. Après 1 semaine elle restait quand même dyspnéique de façon significative avec une fatigue importante. J’ai donc entrepris à ce moment une évaluation et j’ai eu une surprise de découvrir un syndrome obstructif sévère sur les tests de fonction respiratoire.

 

Nous avions donc une dame qui était complètement fonctionnelle à la fin de l’année 96, qui était capable de faire de la bicyclette, de nager et faire de l’exercice sans limitation et qui, suite à un épisode infectieux, présente un syndrome obstructif sévère. Je rappelle qu’elle est non fumeuse et n’a jamais eu de problèmes pulmonaires dans le passé.

 

J’ai donc présumé qu’il pouvait s’agir soit d’un asthme chronique qui n’était pas soupçonné ou encore d’une bronchiolite oblitérante secondaire à un phénomène infectieux ou aussi en relation avec une exposition professionnelle compte tenu qu’elle travaille dans un milieu où il y a des agents reconnus sensibilisants.

 

J’ai donc recommandé à Madame Moisy de la Prednisone à dose décroissante pour une période de 2 semaines suivie de Pulmicort qui n’a eu aucun effet sur les fonctions respiratoires que je contrôle aujourd’hui.

 

J’ai procédé à une tomographie axiale du thorax à haute résolution pour m’assurer qu’il n’y avait pas de maladie interstitielle sous-jacente. Cet examen s’est avéré complètement normal.

 

Je conclus donc qu’il s’agit probablement d’une bronchiolite oblitérante secondaire à un phénomène infectieux ou en relation avec une exposition professionnelle.

 

Compte tenu de l’intensité du syndrome obstructif, je suis plutôt pessimiste sur l’amélioration à moyen et long terme.

 

Dans un premier temps, j’ai donc demandé une évaluation par le Comité des maladies pulmonaires professionnelles afin de s’assurer qu’il n’y ait pas d’agents qui pourraient provoquer de tels symptômes dans son milieu de travail. Je lui ai recommandé aussi de continuer son Pulmicort sur une base régulière et de ne pas retourner au travail tant que la question ne sera pas élucidée. Je la reverrai par la suite pour vérifier l’évolution et juger des nécessités de pousser plus loin l’investigation. »

[21]           Toujours le 8 juillet 1997, le docteur Coll complète une attestation médicale se lisant ainsi :

« Retrait préventif pour asthme professionnel. Patiente à faire évaluer par le Comité des maladies professionnelles pulmonaires. »

[22]           Le 14 juillet 1997, madame Moisy présente une réclamation pour maladie professionnelle pulmonaire. Elle allègue ce qui suit :

« Depuis janvier 1996, je travaille sur les presses 414T et ¼ window, les presses émettent beaucoup de fumée, on utilise les produits : diamond kole, rhodorsil-émulsion 9204, aqualine 120 : voir annexe ci-jointe. Les caoutchoucs utilisés sont : DMP 700, DMP 702, DMP 415, DMP 195. La captation des fumées sur ces presses n’est pas appropriée pour le trimmage. La captation sur les presses Rep 7-14-10 n’est pas appropriée pour évacuer efficacement les fumées. Mes problèmes respiratoires ont commencé depuis que je travaille sur ces presses. »

[23]           Madame Moisy est hospitalisée du 29 juillet au 1er août 1997. Au résumé d’hospitalisation signé par le docteur André Cantin, pneumologue, le diagnostic final est celui de bronchiolite oblitérante probable.

[24]           À ce résumé, l’histoire de la maladie est ainsi décrite :

« Il s’agit d’une patiente de 54 ans qui travaille chez Waterville T.G. et qui n’est connue pour aucun antécédent médical particulier.

 

Suite à un état grippal en avril dernier, elle a présenté une dyspnée III/IV, une toux sèche ainsi qu’une diminution de l’état général. La patiente ne présentait pas de température, pas de frissons et pas d’expectorations ni douleur thoracique. Deux traitements d’antibiotiques et des bronchodilatateurs ont été tentés, sans amélioration. La patiente est en arrêt de travail depuis le 30 mai dernier.

 

Par la suite, un traitement de Prednisone pour deux semaines ainsi que du Pulmicort a été tenté, sans amélioration toutefois.

 

La patiente est admise à l’hôpital, car depuis jeudi dernier, elle présente une exacerbation de sa toux et de sa dyspnée, sans autre symptôme. »

[25]           À l’examen des poumons, le murmure vésical est normal. Des crépitants inspiratoires fins aux deux bases sont notés.

[26]           L’évolution et le traitement en cours d’hospitalisation est décrit ainsi :

« Un traitement de cortico-stéroïdes à haute dose a été débuté à l’hôpital, soit Solu-Médrol 40 mg intra-veineux aux 6 heures. Une courbe débit-volume a été effectuée avant et après le traitement de cortico-stéroïdes. Le VEMS de 0,83 litre (38 %) a augmenté à 0,98 litre (45 %). Les capacités vitales forcées de 1,87 litre (70 %) ont augmenté à 2,21 litres (83 %). Ces résultats correspondent à une amélioration du VEMS et de la CVF d’environ 25 % par rapport aux tests avant Solu-Médrol.

 

L’amélioration des tests de fonction respiratoire correspond aussi à une amélioration subjective de la part de la patiente. »

[27]           Au dossier hospitalier, l’on retrouve le test de fonction pulmonaire du 30 juillet 1997 alors que le VEMS est à 0,83l prébronchodilatateur et à 0,95l postbronchodilatateur. Sur le rapport du test du 1er août, le VEMS est passé à 0,98l.

[28]           Un test de fonction respiratoire du 24 septembre 1997 note un VEMS de 0,83l avant bronchodilatateur et 0,94l postbronchodilatateur. Le docteur Raymond Bégin, pneumologue, conclut à une « MPOC modérée chez une patiente connue asthmatique qui est présentement sous corticostéroïdes ».

[29]           Le 6 janvier 1998, le Comité des maladies professionnelles pulmonaires de Sherbrooke, composé des docteurs Raymond Bégin, Robert Boileau et André Cantin, pneumologues, examinent la travailleuse. Ils s’expriment ainsi dans leur rapport :

« Madame Moisy est entrée à la Waterville TG en 1985 comme opératrice de presse, travail qu’elle a toujours effectué depuis.

 

Ses problèmes respiratoires ont débuté au cours des deux dernières années alors qu’elle était affectée à une nouvelle opération comme opératrice de presse.

 

Symptômes respiratoires

 

Ses symptômes se présentent sous forme de brûlements oculaires, de difficultés respiratoires, de syndrome grippal chronique et essoufflement à l’effort. Elle a consulté le docteur Coll en juin 1997. Elle a eu un retrait préventif depuis.

 

Son évaluation a mis en évidence la présence d’un asthme. La patiente a été traitée avec du Pulmicort et du Bricanyl et a dû prendre de la Prednisone à quelques reprises dont une dernière hospitalisation en septembre 1997.

 

Elle est en arrêt de travail depuis le 30 mai 1997 et la symptomatologie respiratoire persiste. »


[30]           Sous la rubrique examen physique, les membres du Comité décrivent ainsi l’examen du thorax :

« Configuration normale. Expansion thoracique normale. Présence de râles sibilants inspiratoires et expiratoires variables aux deux plages. Pas de tirage. »

[31]           Des tests d’allergie cutanée faits le 16 janvier 1998 dans le cadre de l’évaluation par le Comité des maladies professionnelles pulmonaires se sont avérés normaux.

[32]           À la demande de ce Comité, madame Moisy passe des tests de provocation spécifique à l’établissement de l’employeur les 19 et 20 janvier et des tests de contrôle du 12 au 16 et du 21 au 23 janvier 1998, dont les résultats sont au dossier.

[33]           Ces test sont interprétés ainsi :

« INTERPRÉTATION : Les tests de provocation spécifique en usine.

 

Ces tests ont démontré durant la semaine contrôle un VEMS qui se situe en moyenne à 0.9 litre seconde et lors du retour au travail, il y a eu des chutes significatives de VEMS, de plus de 20 %.

 

CONCLUSION : Détérioration significative des fonctions respiratoires en milieu de travail. »

[34]           Dans son rapport du 13 février 1998, le Comité des maladies professionnelles pulmonaires conclut en ces termes :

« CONCLUSION

 

Le Comité des maladies pulmonaires professionnelles de Sherbrooke reconnaît madame Jacqueline Moisy porteuse d’asthme professionnel aux émanations de la compagnie Waterville TG.

 

RECOMMANDATIONS

 

1) Déficit anatomo-physiologique : 3 %, avec identification des séquelles de la façon suivante :

 

 

Code

Description

DAP %

 

 

 

223500

Sensibilisation

3 %

 

 

______

 

Total du DAP :

3 %

 

 

 

 

2) Limitations fonctionnelles : aux efforts légers, compte tenu de la MPOC sévère de cette réclamante.

3) Tolérance aux contaminants : aucune exposition aux émanations de la Waterville TG.

4) Réévaluation : 2 ans, pour fixer le DAP permanent. »


[35]           Le 5 mars 1998, le Comité spécial des présidents formé des docteurs Marc Desmeules, Jean-Jacques Gauthier et Gaston Ostiguy, pneumologues, émet l’avis suivant :

« À leur réunion du 4 mars 1998, les membres soussignés du Comité Spécial des présidents ont étudié le dossier de cette réclamante.

 

Il s’agit d’une travailleuse de la Waterville T.G. depuis 12 ans. Madame Moisy est entrée en 1985 comme opératrice de presse et a toujours effectué ce travail depuis.

 

Elle est devenue symptomatique particulièrement au cours des deux dernières années.

 

Les tests de provocation bronchique spécifique démontrent des changements significatifs du VEMS en milieu de travail qui confirment la relation avec l’exposition de la réclamante en milieu de travail et sa maladie pulmonaire obstructive chronique.

 

Le Comité reconnaît donc que madame Jacqueline Moisy est porteuse d’une maladie pulmonaire professionnelle secondaire à son exposition aux émanations dans l’usine Waterville T.G.

 

DAP :

 

 

 

 

 

Code

Description

DAP %

 

 

 

223500

Sensibilisation

3 %

 

Limitations fonctionnelles :

 

La réclamante est limitée aux efforts très légers.

 

Tolérance aux contaminants :

 

Aucune exposition aux émanations dans l’usine Waterville T.G.

 

Réévaluation :

 

Dans 2 ans pour fixer le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique. »

[36]           Entre temps, madame Moisy est admise à l’hôpital le 29 janvier 1998. Elle est traitée avec Solu-Medrol. Elle reçoit son congé le 1er février avec un traitement de Prednisone à dose décroissante.

[37]           Madame Moisy est à nouveau hospitalisée du 2 au 12 février 1998. Le docteur Coll signe la note d’admission. Il rapporte que madame Moisy présente une dyspnée +++ et des expectorations vertes depuis la nuit précédente. À l’examen des poumons, il note des crépitants aux deux bases et des sibilances de basse tonalité. Son diagnostic est :

1)      MPOC-asthme-vs-bronchiolite oblitérante/surinfection;

2)      Dépression situationnelle/anxiété.

[38]           Une culture d’expectoration effectuée le 2 février montre une infection. Madame Moisy est traitée au moyen de Solu-Medrol intraveineux et reçoit un antibiotique soit du Bactrin.

[39]           Lors des tests de fonction respiratoire pré et postbronchodilatateur effectués en cours d’hospitalisation, le VEMS de madame Moisy est passé :

            Le 3 février : de 0,78l à 0,79l;

            Le 11 février : de 0,98l à 1,03l.

[40]           Le résumé d’hospitalisation signé par le docteur Robert Boileau comporte un diagnostic final d’asthme avec une condition associée de bronchite à staphyloccocus aureus.

[41]           Madame Moisy est encore une fois hospitalisée du 26 au 29 juillet 1998 pour un traitement de Solu-Medrol intraveineux. Au dossier d’hospitalisation complété par des résidents, mais signé par le docteur Boileau, le diagnostic est celui d’asthme professionnel-vs-bronchiolite oblitérante. Aux examens des poumons, des crépitants ou encore des sibilances inspiratoires sont notés. Le 27 juillet, le VEMS est à 0,85l prébronchodilatateur et à 0,94l postbronchodilatateur.

[42]           Dans une note du 13 août 1998 adressée à la CSST, le docteur Boileau mentionne que madame Moisy est retournée à son état initial soit 0,74l. Son impression diagnostique est « asthme professionnel (bronchiolite oblitérante). »

[43]           Le 22 janvier 1999, le docteur Coll écrit au docteur Charles Poirier, directeur médical du Service de transplantations pulmonaires du C.H.U.M. Après avoir résumé l’histoire de la maladie, il conclut ainsi :

« Nous avons donc une dame de 54 ans qui a toujours été en excellente forme et qui présente un syndrome obstructif sévère d’apparition rapide fort probablement en relation avec une exposition professionnelle. Étant donné l’évolution des derniers mois, il est probable qu’une insuffisance respiratoire se manifestera sous peu et je considère qu’elle est une excellente candidate à une transplantation. »

[44]           Une tomodensitométrie axiale du thorax faite le 5 mai 1999 a été interprétée comme suit par le docteur Michel Gingras, radiologue :

« Hyperclarté pulmonaire avec bronchiectasie et zones de mosaïque compatible avec une bronchiolite oblitérante. À relier avec la clinique. »

[45]           Madame Moisy a produit un rapport du 6 avril 2000 du docteur François Plante, radiologue au C.U.S.E., qui a revu cet examen. Il conclut ainsi :

« Dans la présente situation, chacun des signes retrouvés peut se rattacher à de multiples conditions pathologiques. L’ensemble des signes ici présents peut tout au plus représenter des manifestations caractéristiques d’au moins deux états pathologiques soit la bronchiolite cellulaire ou la bronchiolite constrictive. Comme dans toutes les conditions pulmonaires, l’imagerie représente un des éléments devant être obligatoirement interprété à la lumière des autres éléments diagnostiques tels l’histoire, l’examen physique et les tests de fonction respiratoire dans un contexte longitudinal. »

[46]           Pour sa part, l’employeur a produit un rapport du 16 mars 2000 du docteur Guy Cousineau, radiologue au C.H.U.M. qui a aussi lu cet examen. Son opinion est la suivante :

« En conséquence, nous croyons donc que les modifications radiologiques présentes sont dues avant tout à une bronchiolite oblitérante plutôt qu’à un asthme du fait que les bronches sont radiologiquement normales.

 

Il faut se rappeler que les manifestations radiologiques de l’asthme ne se manifestent que tardivement sur les radiographies pulmonaires conventionnelles. Il faut donc croire qu’il faut aussi un certain temps avant que l’on ait des signes radiologiques à la tomodensitométrie reflétant des changements chroniques dus à un asthme. »

Témoignage du docteur Bernard Coll

[47]           Madame Moisy fait entendre le docteur Bernard Coll, pneumologue. Il détient cette spécialité depuis 1988. Il est membre actif du Département de médecine, Service de pneumologie au C.U.S.E. Il est aussi professeur adjoint d’enseignement clinique à la Faculté de médecine de l’Université de Sherbrooke.

[48]           À titre de médecin traitant de madame Moisy, le docteur Coll mentionne que son diagnostic est celui de MPOC-asthme, c’est-à-dire une maladie pulmonaire obstructive chronique de type asthme.

[49]           Le docteur Coll explique son diagnostic en indiquant que l’asthme avec une composante irréversible, comme c’est le cas pour madame Moisy, fait partie des MPOC. À cet effet, il réfère à la classification des MPOC de l’American Thoracic Society. Selon cette classification, l’asthme, la bronchite chronique, l’emphysème avec des atteintes obstructives réversibles ou non des grosses et des petites bronches font partie des MPOC. Ces maladies se chevauchent. Par contre, la bronchiolite oblitérante ne fait pas partie des MPOC car elle constitue une maladie en soi.

[50]           Il indique que madame Moisy présente aussi une bronchiolite, soit une inflammation et une irritation des petites voies aériennes qui fait partie de sa condition asthmatique. Cette bronchiolite n’est pas oblitérante.

[51]           Le docteur Coll mentionne que lorsqu’il a vu madame Moisy les 3 juin et 8 juillet 1997, son diagnostic était celui d’asthme-vs-bronchiolite oblitérante compte tenu que les tests de fonction respiratoire démontraient l’absence de réversibilité après bronchodilatateur et malgré le fait qu’il ait placé madame Moisy sous haute dose de cortisone. Il précise que la différence majeure entre ces deux maladies est le caractère réversible; dès qu’il y a réversibilité de 15 %, l’on retient le diagnostic d’asthme.

[52]           Lorsque madame Moisy a reçu de la cortisone par voie intraveineuse au cours de son hospitalisation du 29 juillet au 1er août 1997, ses tests de fonction respiratoire se sont améliorés de 25 % et de 200 cc en comparant le résultat du test du 19 juin à 0,74l et celui du 1er août à 0,98l. Compte tenu de cette réversibilité significative, il optait pour le diagnostic d’asthme.

[53]           Le docteur Coll est d’opinion que la réversibilité peut être soit immédiate ou soit dans le temps pour pouvoir conclure au diagnostic d’asthme. L’évaluation de la réversibilité à partir de tests effectués sur des journées distinctes se fait couramment selon lui.

[54]           Deux autres épisodes de réversibilité par la suite ont confirmé le diagnostic d’asthme et permis d’éliminer celui de bronchiolite oblitérante. D’abord, au cours des tests de provocation spécifique en usine les 19 et 20 janvier 1998, le VEMS de madame Moisy a chuté de 20 %. L’autre épisode de réversibilité est survenu lors de l’hospitalisation de février 1998.

[55]           Bien que les tests démontrent un certain niveau de réversibilité, madame Moisy est une asthmatique avec composante irréversible car sa fonction pulmonaire ne revient jamais à 100 % comme c’est le cas habituellement pour les personnes atteintes d’asthme.

[56]           Pour éliminer le diagnostic de bronchiolite oblitérante postinfectieuse, le docteur Coll a tenu compte du fait qu’il s’agit d’une maladie très rare chez l’adulte. La bronchiolite oblitérante peut aussi résulter de l’arthrite rhumatoïde, d’une greffe d’organe ou encore d’un accident avec inhalation aiguë d’une substance irritative, facteurs que l’on ne retrouve pas ici. Le docteur Coll mentionne que si madame Moisy souffrait d’une telle maladie, il n’y aurait pas de relation avec son travail vu l’absence d’un tel accident.

[57]           Le docteur Coll indique que le diagnostic de bronchiolite oblitérante est demeuré au dossier du C.U.S.E. après février 1998 simplement sur le plan administratif. Il ajoute que la bronchiolite oblitérante est tout de même demeurée un diagnostic différentiel puisqu’il traite d’abord une patiente.

[58]           Pour expliquer que l’asthme de madame Moisy s’est détérioré beaucoup plus rapidement que ce que l’on observe habituellement, le docteur Coll pose les hypothèses suivantes : elle a peut-être été exposée à un agent sensibilisant avant 1997 ou elle fait partie des cas qui évoluent rapidement ou encore elle est un « poor sensor ».

[59]           Au sujet de la tomographie axiale du 5 mai 1999, le docteur Coll rappelle que le diagnostic de bronchiolite oblitérante est à relier avec la clinique. Il est d’opinion que la clinique ne va pas dans le sens de cette maladie. Cliniquement, l’on retrouve des signes compatibles avec le diagnostic d’asthme soit un syndrome grippal chronique avec des râles sibilants à l’examen et une dyspnée.

[60]           De plus, les tests de fonction respiratoire ont démontré une réversibilité, principalement celui du 1er août 1997 alors qu’une réversibilité significative était obtenue à la suite d’un traitement agressif. Cliniquement, il s’agit d’un asthme modéré à sévère qui évolue depuis 1996 semble-t-il.

[61]           Le fait que madame Moisy ait des tests d’allergie négatifs n’est pas déterminant car il y a moins d’allergie documentée chez les asthmatiques adultes selon le docteur Coll.

[62]           Enfin, l’évolution vers une greffe pulmonaire est due à l’importance de la maladie et au pronostic sévère et ne signifie pas que madame Moisy souffre d’une bronchiolite oblitérante.

[63]           Le docteur Coll dépose de la littérature médicale au soutien de son témoignage.

Témoignage du docteur Paolo Renzi

[64]           L’employeur a fait entendre le docteur Paolo Renzi, pneumologue. Il détient cette spécialité depuis 1988. Il exerce au C.H.U.M. Il a dirigé des projets de recherche, ce qu’il fait encore actuellement. Il a plusieurs publications à son actif et a fait de nombreuses présentations. Son intérêt principal porte sur l’asthme et les MPOC et de manière plus spécifique, le développement de ces maladies.

[65]           Parmi les trois diagnostics que l’on retrouve au dossier, soit bronchiolite oblitérante, maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) et asthme, le docteur Renzi retient le diagnostic de bronchiolite oblitérante postinfectieuse. Il élimine la possibilité d’une composante professionnelle à cause d’une absence d’exposition à un déversement massif d’une substance très irritative.

[66]           Le docteur Renzi explique son opinion comme suit.

[67]           Il mentionne que les MPOC sont des maladies obstructives avec un blocage des voies aériennes. Les MPOC comprennent la bronchite chronique obstructive, l’emphysème et les maladies des petites voies aériennes. Ces trois maladies peuvent se chevaucher mais il y aura une composante dominante.

[68]           L’asthme est aussi une maladie obstructive mais elle se distingue des MPOC parce qu’elle n’a pas le même traitement. De plus, l’obstruction bronchique est réversible. Enfin, chez les asthmatiques, la fonction pulmonaire peut être ramenée à la normale avec la médication.

[69]           Il peut y avoir chevauchement entre MPOC et asthme au niveau de la réversibilité. Ces cas seront alors traités comme des MPOC car la majorité de la maladie est une MPOC. Ainsi, si un asthmatique fume pendant 30 ans, il pourra développer une bronchite chronique.

[70]           Les critères pour différencier l’asthme et la MPOC sont les suivants : la cigarette (80 % des MPOC se retrouvent chez les fumeurs qui ont fumé plus d’un paquet de cigarettes pendant 20 ans), l’âge (il n’y a pas de MPOC avant 40 ans) et la réversibilité de l’asthme.

[71]           Dans le cas de madame Moisy, le docteur Renzi ne retient pas le diagnostic de MPOC car elle est non fumeuse, la spirométrie était normale en 1985 et on ne retrouve pas chez elle les autres facteurs spécifiques pour une MPOC comme les infections à répétition dans l’enfance, le déficit génétique et certains emplois dans les mines.

[72]           Il ne reste donc qu’un diagnostic différentiel entre l’asthme et la bronchiolite oblitérante.

[73]           Le docteur Renzi indique que l’asthme est réversible chez la grande majorité des patients. Dans la littérature médicale, les seuls cas rapportés non réversibles sont ceux dont l’asthme évolue depuis 30 ans et on soulève différentes possibilités pour expliquer cette non réversibilité dont la théorie des médiateurs chimiques qui seraient en cause. Certains auteurs pensent que l’asthme est toujours réversible si on commence un traitement très agressif assez rapidement pour maintenir une fonction respiratoire normale.

[74]           Ceci ne correspond pas au tableau clinique retrouvé chez madame Moisy. En effet, en juillet 1997, il s’agissait de la première hospitalisation pour des difficultés respiratoires et les symptômes étaient aigus avec une apparition en avril 1997. Ils faisaient suite à une infection et s’accompagnaient de symptômes systémiques. Au dossier hospitalier, la présence de crépitants est rapportée. Or, dans l’asthme on entend des sibilances et des sifflements.

[75]           Le docteur Renzi précise que l’asthme en rémission n’est pas réversible car la fonction pulmonaire est quasi normale, ce qui n’est pas le cas pour madame Moisy. Plus l’asthme est sévère, plus la réversibilité sera significative.

[76]           Par ailleurs, tous les cas de MPOC démontrent une évolution dans le temps. Si l’on prend les valeurs sur des journées distinctes l’on retrouvera une composante réversible comme dans le cas de madame Moisy.

[77]           Il existe toutefois des règles de l’art pour prendre des valeurs et les interpréter afin de déterminer s’il y a réversibilité telle qu’elle se retrouve dans l’asthme. À ce sujet, le docteur Renzi rappelle que le VEMS consiste à évaluer l’air des poumons qui sort en une seconde. L’on donne un bronchodilatateur pour voir s’il y a réversibilité. Il doit y avoir une amélioration de plus de 12 % et 180 ml après 15 minutes pour pouvoir conclure au diagnostic d’asthme selon le consensus canadien de 1996. En 1999, le consensus canadien était au même effet mais ajoutait que le patient devait se trouver dans des conditions optimales et que les tests devaient révéler une amélioration de 20 %.

[78]           Le docteur Renzi reprend tous les tests de fonction respiratoire au dossier et note qu’aucun n’a eu une réversibilité de 12 % ou 180 ml postbronchodilatateur.

[79]           Il mentionne que durant l’hospitalisation de juillet-août 1997, le docteur Cantin a conclu à une amélioration de 25 %, ce qui est inexact puisque le VEMS est passé de 0,83l à 0,98l. De plus, ce changement ne répond pas à la réversibilité requise de 250 ml dans le cas d’une cure prolongée de corticostéroïdes.

[80]           C’est parce que le docteur Coll a pris le résultat du VEMS le plus bas en juin 1997 et qu’il l’a comparé à celui obtenu le 1er août 1997 après la corticothérapie intraveineuse qu’il a obtenu une réversibilité. En effet, madame Moisy est passée de 0,74l à 0,98l soit une amélioration de 240 ml. Un tel changement est courant dans les cas de MPOC.

[81]           Cette réversibilité n’est pas celle que l’on retrouve dans les cas d’asthme. Si l’on retenait la méthode utilisée par le docteur Coll, tous les cas de MPOC seraient des asthmatiques puisqu’ils ont une certaine variabilité dans le temps.

[82]           Le docteur Renzi souligne que lors du test du 3 février 1998, la travailleuse n’était pas stable et était infectée. Elle a été traitée par stéroïdes intraveineux après quoi le test du 18 février a été effectué. Ceci ne répond pas aux critères du consensus canadien pour évaluer la réversibilité compte tenu de sa surinfection. Le test du 27 juillet 1998, fait alors que madame Moisy était admise à l’hôpital et devenait optimale après la prise de stéroïdes ne répond pas davantage aux critères d’évaluation de la réversibilité.

[83]           Madame Moisy ne répondant pas aux critères de réversibilité selon les règles de l’art, le diagnostic d’asthme ne peut être retenu.


[84]           En outre, le docteur Renzi considère que l’évolution clinique est plus en faveur d’une bronchiolite oblitérante que d’un asthme, et ce pour les motifs suivants :

1)      madame Moisy a présenté un épisode infectieux et était essoufflée au travail alors qu’elle était mieux les soirs et les fins de semaine et ce, dans le contexte d’un travail exigeant physiquement;

2)      entre la fin de l’année 1996 et le 8 juillet 1997, elle a perdu 50 % de sa fonction pulmonaire;

3)      elle n’a pas répondu à la Prednisone et au Pulmicort et n’a jamais pu être ramenée à des valeurs normales, malgré tous ses traitements, puisque son meilleur VEMS se situe à 1,03l ce qui est moins de 50 % de la valeur prédite de 2,21l.

[85]           Le docteur Renzi explique que la bronchiolite oblitérante est une maladie qui ne répond pas aux traitements et qui évolue vers une invalidité permanente en quelques années. Parmi les facteurs étiologiques de la bronchiolite oblitérante l’on retient une maladie infectieuse ce que l’on retrouve dans ce dossier.

[86]           Le docteur Renzi reconnaît que la bronchiolite oblitérante est une maladie très rare. Par contre, l’asthme irréversible est aussi très rare et dans un tel cas, il s’agira d’un asthme qui évolue depuis de nombreuses années.

[87]           Le docteur Renzi dépose de la littérature médicale au soutien de son témoignage.

L'AVIS DES MEMBRES

[88]           Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont d’avis que la preuve prépondérante ne permet pas de conclure à un diagnostic d’asthme compte tenu de l’histoire de la maladie de madame Moisy, de la clinique et des tests de fonction respiratoire. Quant au diagnostic de MPOC, ils estiment qu’il n’a pas été établi. Ces membres retiennent le diagnostic de bronchiolite oblitérante puisqu’il est compatible avec la condition de madame Moisy. Ils sont d’opinion que cette maladie ne constitue pas une maladie professionnelle, la preuve n’ayant pas établi l’existence d’une relation avec le travail de madame Moisy.

[89]           Le membre issu des associations syndicales est cependant d’avis que la travailleuse a, dans le cadre de son travail, probablement été exposée à des produits de nature à aggraver sa condition pulmonaire.


LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[90]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si madame Moisy est atteinte d’une maladie professionnelle.

[91]           L’article 2 de la loi définit comme suit la maladie professionnelle :

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

 

 

[92]           Madame Moisy ayant produit une réclamation alléguant être atteinte d’une maladie professionnelle pulmonaire, la CSST a appliqué la procédure particulière prévue aux articles 226, 230 et 231 de la loi se lisant ainsi :

226. Lorsqu'un travailleur produit une réclamation à la Commission alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission le réfère, dans les 10 jours, à un comité des maladies professionnelles pulmonaires.

________

1985, c. 6, a. 226.

 

 

230. Le Comité des maladies professionnelles pulmonaires à qui la Commission réfère un travailleur examine celui - ci dans les 20 jours de la demande de la Commission.

 

Il fait rapport par écrit à la Commission de son diagnostic dans les 20 jours de l'examen et, si son diagnostic est positif, il fait en outre état dans son rapport de ses constatations quant aux limitations fonctionnelles, au pourcentage d'atteinte à l'intégrité physique et à la tolérance du travailleur à un contaminant au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S‑2.1) qui a provoqué sa maladie ou qui risque de l'exposer à une récidive, une rechute ou une aggravation.

________

1985, c. 6, a. 230.

 

 

231. Sur réception de ce rapport, la Commission soumet le dossier du travailleur à un comité spécial composé de trois personnes qu'elle désigne parmi les présidents des comités des maladies professionnelles pulmonaires, à l'exception du président du comité qui a fait le rapport faisant l'objet de l'examen par le comité spécial.

 

Le dossier du travailleur comprend le rapport du comité des maladies professionnelles pulmonaires et toutes les pièces qui ont servi à ce comité à établir son diagnostic et ses autres constatations.

 

Le comité spécial infirme ou confirme le diagnostic et les autres constatations du comité des maladies professionnelles pulmonaires faites en vertu du deuxième alinéa de l'article 230 et y substitue les siens, s'il y a lieu; il motive son avis et le transmet à la Commission dans les 20 jours de la date où la Commission lui a soumis le dossier.

________

1985, c. 6, a. 231.

[93]           Il ressort de ces articles que les comités qui y sont mentionnés se prononcent sur les points suivants : le diagnostic, les limitations fonctionnelles, le pourcentage d’atteinte à l’intégrité physique et la tolérance aux contaminants.

[94]           L’avis du Comité spécial, sur ces points, lie la CSST tant au niveau de sa décision initiale que de celle rendue à la suite d’une révision administrative et ce, en conformité avec les articles 233 et 358.3 de la loi :

233. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi sur les droits du travailleur qui lui produit une réclamation alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission est liée par le diagnostic et les autres constatations établis par le comité spécial en vertu du troisième alinéa de l'article 231.

________

1985, c. 6, a. 233.

 

 

358.3. Après avoir donné aux parties l'occasion de présenter leurs observations, la Commission décide sur dossier; elle peut confirmer, infirmer ou modifier la décision, l'ordre ou l'ordonnance rendue initialement et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu.

 

 

Les articles 224.1 et 233 s'appliquent alors à la Commission et celle‑ci rend sa décision en conséquence.

________

1997, c. 27, a. 15.

 

 

[95]           Par contre, c’est à la CSST qu’il appartient de décider du caractère professionnel de la maladie, c’est-à-dire de l’existence d’une relation entre le diagnostic posé par le Comité spécial et le travail.

[96]           Pour sa part, la Commission des lésions professionnelles a pleine compétence pour décider du diagnostic et de la relation en vertu des articles 359 et 369 de la loi.

[97]           Le fardeau de preuve du réclamant qui veut se voir reconnaître victime d’une maladie professionnelle est prévu aux articles 29 et 30 de la loi lesquels énoncent :

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[98]           L’annexe 1 de la loi comporte une section pour les maladies pulmonaires. Il s’agit de la Section V « Maladies pulmonaires causées par des poussières organiques et inorganiques ». Parmi les trois diagnostics en cause dans le présent dossier, seul l’asthme bronchique y est mentionné et il correspond à un travail impliquant une exposition à un agent spécifique sensibilisant. Le réclamant qui fait la preuve de l’existence de cette maladie et de l’exercice d’un tel travail est présumé atteint d’une maladie professionnelle.

[99]           À partir du diagnostic qu’elle retient, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il s’agit d’une maladie professionnelle au sens de la définition prévue à la loi et ce en application de l’article 29, sinon de l’article 30.

[100]       Il ressort de ce qui précède que la Commission des lésions professionnelles doit rendre une décision en deux étapes : d’abord sur le diagnostic et ensuite sur l’existence d’une relation entre celui-ci et le travail de madame Moisy.

[101]       Ainsi, la Commission des lésions professionnelles n’a pas à examiner au niveau de la première étape si madame Moisy a été exposée à des agents sensibilisants. Ce n’est que dans la mesure où le diagnostic d’asthme est prouvé que cette exposition est pertinente pour déterminer l’existence d’une relation par l’application de la présomption prévue à l’article 29 de la loi.

[102]       De même, ce n’est que dans le cadre de l’examen de cette relation que les tests de provocation spécifique en usine pourront être considérés et à ce sujet, la Commission des lésions professionnelles fait siens les propos de la commissaire Me Louise Boucher dans l’affaire Thérésa Noël-Turcotte et Waterville T.G. inc.[2] :

« Ce diagnostic d’asthme est cependant nié par l’employeur.

 

Son expert, le docteur André Cartier, réfute ce diagnostic. Selon lui, malgré qu’il qualifie l’histoire de la travailleuse « d’histoire éloquente d’asthme professionnel », cette histoire, à elle seule est insuffisante pour appuyer un diagnostic d’asthme.

 

Le docteur Cartier reproche aux pneumologues qui émettent un diagnostic d’asthme chez la travailleuse, de l’émettre alors que seulement deux tests à la méthacoline sont positifs et il ajoute qu’un seul des deux a été fait alors que la travailleuse était à son travail.

 

Sur ce dernier argument soulevé par le docteur Cartier, la Commission d’appel n’estime pas qu’il soit pertinent à ce stade-ci du débat.

 

En effet, les « peak flows » au et hors travail ainsi que les épreuves de provocation bronchiques spécifiques interviennent et prennent toute leur importance, lorsque le clinicien tente de déterminer l’origine de l’asthme. Ceci, dans le but évident de connaître le lieu d’agression et l’agent agresseur pour éventuellement en éloigner le malade ou éliminer la cause.

 

Pour le moment, la Commission d’appel s’interroge à l’égard du diagnostic d’asthme seulement. Que cette maladie soit d’origine personnelle ou professionnelle sera évaluée plus loin aux présentes.

 

Ce n’est qu’à ce moment qu’il sera nécessaire d’évaluer la force probante de ce test, à savoir s’il infirme ou non la relation de la maladie avec le travail.

 

Pour l’instant, la Commission d’appel doit décider si la travailleuse est atteinte d’asthme ou non. Seules les investigations tendant à objectiver la maladie seront analysées. »

[103]       Au cours des audiences tenues en l’instance, des témoins ont été entendus et des documents ont été déposés au sujet de la présence ou non d’agents spécifiques sensibilisants dans le milieu de travail de madame Moisy et du déroulement de même que de la fiabilité des tests de provocation spécifique en usine effectués en janvier 1998. La Commission des lésions professionnelles n’a pas jugé pertinent de rapporter cette preuve compte tenu qu’elle ne retient pas le diagnostic d’asthme.

[104]       La Commission des lésions professionnelles considère en effet que la preuve médicale prépondérante ne permet pas de conclure à un diagnostic d’asthme et ce pour les motifs ci-après exposés.

[105]       Tant le docteur Coll que le docteur Renzi sont d’accord pour dire que le diagnostic d’asthme est émis à partir des signes cliniques présentés par un patient. De même, ils sont tous deux d’avis que l’asthme est une maladie à caractère réversible. Ils diffèrent cependant d’opinion sur l’évaluation de la réversibilité.

[106]       Dans la littérature médicale produite par les parties, l’on retrouve une définition clinique de l’asthme.

[107]       Le docteur Renzi a produit un document intitulé Canadian asthma consensus conference summary of recommendations[3] (ci-après le consensus canadien de 1995) auquel l’asthme est ainsi défini à la traduction française :

« L’asthme est une affection des voies aériennes caractérisée par des symptômes persistants et paroxysmiques (dyspnée, sensation d’oppression dans la poitrine, sibilances et toux), une obstruction variable du débit aérien, et une hyperréactivité bronchique à une variété de stimulus. »


[108]       Le document Standards for the diagnosis and care of patients with chronic obstructive pulmonary disease (COPD) and asthma[4] (ci-après le consensus américain), produit par le docteur Coll, fournit la définition suivante :

« Asthma is a clinical syndrome characterized by increased responsiveness of the tracheo-bronchial tree to a variety of stimuli. The major symptoms of asthma are paroxysms of dyspnea, wheezing, and cough, which may vary from mild and almost undetectable to severe and unremitting (status asthmaticus). The primary physiological manifestation of this hyperresponsiveness is variable airways obstruction. This can take the form of spontaneous fluctuations in the severity of obstruction, substantial improvements in the severity of obstruction following bronchodilators or corticosteroids, or increased obstruction caused by drugs or other stimuli. Histologically, patients with fatal asthma have evidence of mucosal edema of the bronchi infiltration of the bronchial mucosa or submucosa with inflammatory cells, especially eosinophils; and shedding of epithelium and obstruction of peripheral airways with mucus. »

[109]       Ces définitions ne comportent pas de disparité majeure et il en ressort que le patient atteint d’asthme présente sur le plan clinique de la toux, de la dyspnée et des sibilances. Il doit aussi présenter une obstruction variable du débit aérien ce qui correspond à la notion de réversibilité.

[110]       Pour ce qui concerne la réversibilité, le docteur Coll s’est dit d’avis qu’elle peut être établie en comparant des tests de fonction respiratoire effectués dans le temps, sur des journées distinctes. Puis référant au consensus américain, il précise que la réversibilité doit être de 15 %.

[111]       La Commission des lésions professionnelles ne retient pas cette opinion, lui préférant plutôt les critères diagnostiques faisant consensus canadien, d’autant qu’il est plus récent que le consensus américain.

[112]       Le consensus canadien de 1995 est à l’effet suivant :

« Diagnostic : des mesures objectives sont nécessaires pour confirmer un diagnostic d’asthme et pour évaluer la gravité de l’asthme. Un diagnostic d’asthme devrait être confirmé objectivement chez tous les sujets sauf ceux qui accusent des symptômes minimes [niveau 3A]. La preuve objective d’une obstruction variable du débit aérien peut être obtenue d’une des façons suivantes :

 

Recommandations :

i)         VEMS : l’obstruction variable du débit aérien peut être prouvée par une variabilité spontanée du VEMS ou par une amélioration du VEMS 15 minutes après la prise d’un bêta2-agoniste en inhalation. (Tout au long du document, le terme bêta2-agoniste se réfère aux agents inhalés à courte durée d’action sauf indication contraire.) Une amélioration du VEMS égale ou supérieure à 12 % (au moins 180 ml) après la prise d’une ß2-agoniste est considérée comme étant significative [niveau 1A]. Les changements du VEMS qui se produisent dans le temps soit sans intervention thérapeutique spécifique ou après une cure prolongée de corticostéroïdes par voie orale (plus d’une semaine) ou par inhalation (plus de deux semaines) doivent démontrer une augmentation d’au moins 20 % (minimum de 250 ml) [niveau 2A].

 

ii)        DEP : les mesures du DEP pratiquées à la maison, incorporant une réponse à un bêta2-agoniste, peuvent être utilisées pour documenter une obstruction variable du débit aérien. Un pourcentage moyen de la différence entre la plus élevée et la moins élevée des 4 valeurs du DEP (matin et soir de la même journée, avant et après la prise d’un bronchodilatateur) de 20 % ou plus sur une période de plusieurs semaines, confirme un diagnostic d’asthme [niveau 2A]. Quoique moins fiable, une amélioration de 20 % et plus du DEP 15 minutes après l’administration de 200-400 mg de salbutamol en inhalation ou d’un équivalent peut être utilisée comme un indicateur de l’asthme au cabinet du médecin quand les tests spirométriques ne sont pas disponibles [niveau 3B].

 

iii)       Hyperréactivité bronchique : chez les sujets dont le VEMS est normal, une bronchoconstriction excessive peut être prouvée par des tests mettant en évidence une hyperréactivité à l’histamine ou à la métacholine. Ces tests ne sont généralement disponibles que dans les centres spécialisés, ce qui peut limiter leur utilité pour le médecin de première ligne. L’évaluation de l’hyperréactivité bronchique peut s’avérer utile chez les sujets qui, malgré un calibre normal des voies aériennes, nécessitent une médication excessive pour contrôler leurs symptômes ou qui ne répondent pas au traitement [niveau 3A]. Cette évaluation peut aider le médecin à établir une corrélation entre les symptômes et la gravité de l’hyperréactivité bronchique ou à vérifier le diagnostic ou l’étiologie des symptômes du patient. »

[113]       Le consensus canadien de 1999[5] reprend les critères énoncés en 1995 mais en y indiquant que l’amélioration du VEMS, 15 minutes après l’inhalation d’un bronchodilatateur (bêta2-agoniste) doit être de 12 % mais préférablement de 15 %. De plus, les tests d’allergie positifs sont retenus à titre de critère pour poser un diagnostic d’asthme.

[114]       Sur le plan des manifestations cliniques, les précisions suivantes sont apportées :

« Symptoms

 

Common symptoms of asthma include wheezing, chest tightness, dyspnea and cough. The characteristics of these symptoms, which are variable, often paroxysmal and provoked by allergic or nonallergic stimuli such as cold air and irritants, are useful in diagnosis. Nocturnal occurrence is common. Measuring the patient’s response to a therapeutic trial may be helpful in diagnosis. Nonpulmonary symptoms that suggest a predisposition to allergy-rhinitis, conjunctivitis and eczema are also common in, but not specific to, asthma patients. In patients with symptoms that are persistent or that do not respond to simple treatment, objective confirmation of variable airflow obstruction is required. »

[115]       Qu’en est-il dans le cas de madame Moisy?

[116]       Lorsque le docteur Coll voit madame Moisy pour la première fois le 3 juin 1997, celle-ci présente une forte atteinte de l’état général, une dyspnée 3/5 et de la toux à la suite d’un épisode grippal. Il n’y a pas d’autres symptômes pertinents selon le docteur Coll.

[117]       Le 8 juillet, il revoit madame Moisy et indique que les tests de fonction pulmonaire ont démontré un syndrome obstructif chronique. Il mentionne qu’elle n’a pas répondu à la Prednisone et au Pulmicort.

[118]       Face à ces constatations, le docteur Coll conclut dans sa lettre du 8 juillet adressée au docteur Levasseur que madame Moisy souffre probablement d’une bronchiolite oblitérante secondaire à un phénomène infectieux ou en relation avec une exposition professionnelle.

[119]       Ainsi, dès le début de la maladie, la clinique n’était pas en faveur d’un diagnostic d’asthme.

[120]       Dans ce contexte, le diagnostic d’asthme professionnel apparaissant au rapport médical du 8 juillet sur un formulaire de la CSST n’était donc qu’un diagnostic différentiel.

[121]       À la fin du mois de juillet 1997, madame Moisy ne répond toujours pas aux bronchodilatateurs ni à la Prednisone et au Pulmicort. Elle est hospitalisée du 29 juillet au 1er août 1997. L’examen physique montre des adénopathies amygdaliennes d’environ 1,5 cm de diamètre et des crépitants inspiratoires aux deux bases. Le diagnostic final est celui de bronchiolite oblitérante.

[122]       De fait, la présence de crépitants et l’échec du traitement habituel de l’asthme ne cadre pas avec cette maladie.

[123]       Quant à la toux et à la dyspnée, elles peuvent tout aussi bien se manifester dans d’autres maladies pulmonaires ou non.

[124]       Le tableau clinique présenté par madame Moisy lors des consultations contemporaines à l’apparition de sa maladie n’établit donc pas de manière prépondérante un diagnostic d’asthme.

[125]       Ce ne sera que le 6 janvier 1998 que des sibilances seront rapportées pour la première fois et ce, lors de l’évaluation par les membres du Comité des maladies professionnelles pulmonaires.

[126]       Cependant, au cours des hospitalisations de février et juillet 1998, des crépitants étaient encore rapportés.

[127]       En ce qui a trait aux tests de fonction pulmonaire avec bronchodilatateur, aucun d’eux n’a donné comme résultat une amélioration de 12 % ou 180 ml selon les critères du consensus canadien de 1995 et encore moins de 15 % si l’on retient le critère énoncé en 1999.

[128]       En fait, madame Moisy n’est améliorée que par la corticothérapie intraveineuse. Ainsi, lorsqu’elle est hospitalisée du 29 juillet au 1er août 1997, elle reçoit du Solu-Medrol intraveineux et son test de fonction respiratoire passe de 0,83l le 30 juillet à 0,95l le 1er août. Au résumé d’hospitalisation, le docteur Cantin fait état d’une amélioration d’environ 25 %. Pour obtenir ce résultat, il faut donc nécessairement qu’il ait comparé un test effectué auparavant avec l’un de ceux obtenus en cours d’hospitalisation, auquel cas la réversibilité doit être de 250 ml pour conclure à un diagnostic d’asthme, ce que l’on ne retrouve toutefois pas.

[129]       Le docteur Coll a témoigné avoir retenu le diagnostic d’asthme à la suite de cette hospitalisation puisque la comparaison des résultats du test du 19 juin 1997 et celui du 1er août démontrait une réversibilité significative. Cette façon de faire ne répond toutefois pas aux règles de l’art permettant d’objectiver une variabilité de la fonction respiratoire aux fins de poser un diagnostic d’asthme.

[130]       Pour ce qui concerne l’épisode de réversibilité survenu en février 1998 selon le docteur Coll, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il n’est pas probant parce que madame Moisy présentait une condition infectieuse et donc instable, ce qui ne répond pas aux critères du consensus canadien. L’amélioration notée lors des tests des 3 et 11 février est probablement attribuable au traitement de l’infection.

[131]       Au cours de son témoignage, le docteur Coll a précisé son diagnostic comme étant celui de MPOC-asthme ou une MPOC de type asthme compte tenu de la composante irréversible de la maladie.

[132]       Pour soutenir ce diagnostic, le docteur Coll a émis l’opinion que selon le consensus américain, l’asthme fait partie des MPOC.

[133]       Au soutien de son diagnostic, le docteur Coll a également référé au fait qu’il y a chevauchement entre l’asthme et les MPOC en raison du peu de réversibilité de la fonction respiratoire ou de son absence chez les patients asthmatiques. Le consensus américain en traite ainsi :

« The diagnosis of asthma can occasionally be confusing because of its overlap with COPD. In addition, the diagnosis of asthma is occasionally confused with other causes of airway obstruction such as tumors, foreign bodies, laryngospasm, or even cardiogenic pulmonary edema. Patients with COPD may have significant reversibility after treatment and patients with asthma may develop airflow obstruction with little to no reversibility. The separation of these overlap patients is often arbitrary and difficult, and from a clinical standpoint probably not important unless the diagnosis has therapeutic implications, i.e., the bronchospasm results from a specific and avoidable etiologic agent. »


[134]       Par contre, le témoignage du docteur Renzi établit que les seuls cas rapportés non réversibles dans la littérature médicale[6] sont ceux dont l’asthme évolue depuis 30 ans. De plus, l’asthme en rémission n’est pas non plus réversible. Or, la Commission des lésions professionnelles ne peut que constater que madame Moisy ne présente aucune de ces conditions. Elle a en effet développé rapidement un syndrome obstructif chronique sévère non réversible.

[135]       Le docteur Coll n’a pas contredit ce témoignage de manière probante puisqu’il s’est limité à émettre des hypothèses sur les causes du développement rapide d’un asthme irréversible chez madame Moisy.

[136]       La Commission des lésions professionnelles prend également en considération le critère ajouté au consensus canadien de 1999, bien que non décisif à lui seul, soit des tests d’allergie positifs. Ces tests se sont avérés négatifs pour madame Moisy.

[137]       Au sujet de l’avis du Comité des maladies professionnelles pulmonaires suivant lequel madame Moisy est atteinte d’asthme, la Commission des lésions professionnelles le considère non concluant.

[138]       Les membres du Comité semblent en effet prendre pour acquis le diagnostic d’asthme lorsqu’ils écrivent : « patiente connue pour asthme ». Ceci peut possiblement s’expliquer par les propos du docteur Cantin au sujet de l’amélioration de 25 % en août 1997 et ceux du docteur Bégin en septembre 1997 suivant lesquels madame Moisy était connue pour asthme. Cependant, ainsi que l’a déjà signalé la Commission des lésions professionnelles, l’amélioration rapportée est inexacte puisque madame Moisy n’a jamais présenté une amélioration de 250 ml malgré la thérapie. Quant à l’affirmation du docteur Bégin, elle n’est nullement appuyée par un test de fonction respiratoire valable. Par ailleurs, le docteur Cantin concluait à un diagnostic de bronchiolite oblitérante au résumé d’hospitalisation de juillet-août 1997. En outre, le docteur Boileau, troisième membre du Comité retenait toujours le diagnostic différentiel de bronchiolite oblitérante dans son résumé d’hospitalisation de juillet 1998 et dans sa correspondance du 13 août 1998 adressée à la CSST.

[139]       Pour ce qui concerne les tests de provocation spécifique en usine qu’avaient en mains les membres du Comité, ils sont utiles pour évaluer le caractère professionnel de la maladie mais non pour établir un diagnostic d’asthme ainsi que la Commission des lésions professionnelles l’a déjà indiqué.

[140]       D’ailleurs, le Comité spécial n’a pas entériné le diagnostic d’asthme puisqu’il n’en est aucunement question dans son avis.

[141]       Le Comité spécial est pour le moins imprécis sur le diagnostic puisqu’il conclut à une maladie pulmonaire professionnelle après avoir parlé d’une MPOC en lien avec le travail, sans plus d’explication.

[142]       Quant à l’emphysème, la bronchite chronique et les maladies des petites voies aériennes, comprises dans la MPOC, la preuve n’a pas établi l’existence de l’une ce ces maladies chez madame Moisy.

[143]       Il ne reste donc que le diagnostic de bronchiolite oblitérante.

[144]       La tomodensitométrie axiale du thorax faite le 5 mai 1999 a été interprétée comme étant compatible avec une bronchiolite oblitérante. L’opinion prépondérante des radiologues est à l’effet que ce diagnostic doit être relié à la clinique. Le docteur Plante, pour madame Moisy, conclut soit à une bronchiolite cellulaire ou constrictive et précise que l’imagerie doit être interprétée à la lumière de l’histoire, l’examen physique et les tests de fonction respiratoire.

[145]       De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, les éléments mentionnés par le docteur Plante sont en faveur d’une bronchiolite oblitérante postinfectieuse.

[146]       L’histoire de la maladie révèle en effet une détérioration rapide de la fonction pulmonaire de madame Moisy après un épisode infectieux. Elle n’a pas répondu aux traitements et n’a pas présenté de réversibilité significative.

[147]       Les docteurs Coll et Renzi sont tous deux d’opinion que le diagnostic de bronchiolite oblitérante n’est pas relié au travail de madame Moisy vu l’absence d’exposition à un déversement massif d’une substance très irritante.

[148]       Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles conclut que madame Moisy n’est pas atteinte d’une maladie professionnelle.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de l’employeur, Waterville T.G. inc.;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 16 juin 1998 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le diagnostic est celui de bronchiolite oblitérante;

DÉCLARE que madame Moisy n’est pas atteinte d’une maladie professionnelle.

 

 

 

Micheline Allard

 

Commissaire

 

 

 

 

 

HACKETT, CAMPBELL, BOUCHARD

(Me Jean-François Pagé)

80, rue Peel

Sherbrooke (Québec)

J1H 4K1

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

BRODEUR, MATTEAU, POIRIER

(Me Chantal Poirier)

204 Notre-Dame Ouest, bureau 300

Montréal (Québec)

H2Y 1T3

 

Représentante de la partie intéressée

 

 

 

PANNETON, LESSARD

(Me Marie-José Dandenault)

1650 King Ouest, bureau 300

Sherbrooke (Québec)

J1J 2C3

 

Représentante de la partie intervenante

 

 



[1] L.R.Q., c. A-3.001.

[2] CALP, 16014-05-8912, le 3 mars 1995.

[3] Pierre ERNST, MD, MSc., FRCP, Chair, Asthma Comittee, Canadian Thoracic Society, et als, Can Respir J. Vol. 3, No 2, March/April 1996, p. 89.

[4] American Thoracic Society, November 1986, p. 225.

[5] Canadian asthma consensus report, 1999, Canadian medical association journal, 30 nov. 1999; 161 (11 suppl), S6.

[6] Catherine HUDON, MD et als, Characteristics of bronchial asthma with incomplete reversibility of airflow obstruction, Annals of Allergy, asthma and immunology, Vol. 78, February 1997, p. 195

Kenneth S. BACKMAN, MD et als, Airways obstruction in patients with long-term asthma consistent with « irreversible asthma », Chest, 112, 5, November, 1997, p. 1234.

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