Décision

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Meubles Concordia ltée

2011 QCCLP 2303

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

23 mars 2011

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

420969-71-1009

 

Dossier CSST :

134296375

 

Commissaire :

Victor Marchand, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Meubles Concordia ltée

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

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[1]           Le 30 septembre 2010, Meubles Concordia ltée (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en vertu de laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 7 septembre 2010 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Dans cette décision, la CSST confirme les deux décisions qu’elle a rendues les 28 et 30 avril 2010 et déclare que les coûts d’indemnité de remplacement du revenu sont imputés aux employeurs de toutes les unités pour la période du 2 mars au 9 octobre 2009, et que l’employeur doit assumer la totalité des coûts des prestations reliées à la lésion subie par le travailleur le 20 janvier 2009.

[3]           L’audience prévue le 25 février 2011 n’a pas eu lieu puisque la représentante de la requérante a demandé et obtenu la permission de plaider par écrit.

[4]           L’argumentation écrite a été reçue le 23 février 2011 et la cause a donc été prise en délibéré le 25 février 2011.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]           Par sa requête, l’employeur demande deux transferts de l’imputation des coûts reliés à la lésion professionnelle subie par monsieur Charles Gagné (le travailleur). Une de ces demandes vise à obtenir la reconnaissance que le travailleur était porteur d’un handicap préalable à sa lésion et d’autre part une requête vise à faire prolonger la désimputation déjà accordée à partir du 2 mars 2009 et la prolonger jusqu’au 7 janvier 2010, plutôt qu’au 9 octobre 2009, date du décès du travailleur. En effet, la CSST a accordé à la veuve du travailleur une indemnité en vertu de l’article 58.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]           Le 20 janvier 2009, le travailleur subit un accident du travail. Alors qu’il est à son poste de travail, il se tourne vers la gauche pour saisir un morceau de mélamine pesant entre trois et cinq livres. Il échappe soudainement la pièce et, en tentant de la rattraper, ressent une douleur à l’épaule gauche.

[7]           Il consulte un médecin le même jour. Ce médecin diagnostique une tendinite à l’épaule gauche.

[8]           Le 12 février 2009, la CSST accepte la réclamation du travailleur. Elle reconnaît les diagnostics de tendinite de l’épaule gauche et une entorse du trapèze gauche.

[9]           Lors d’une résonance magnétique pratiquée le 20 février 2009, le radiologiste rapporte un acromion de type III.

[10]        Le 2 mars 2009, le médecin note que les traitements de physiothérapie du travailleur doivent être suspendus en raison d’une bronchite et le 9 mars 2009 le travailleur est en investigation pour une lésion pulmonaire.

[11]        Or, le 9 avril 2009, une note est placée au dossier du travailleur  à l’effet qu’il a  développé une lésion néo-pulmonaire. Un an plus tard, la CSST, dans sa décision du 28 avril 2010, conclut que la maladie intercurrente du travailleur a obéré injustement l’employeur et qu’une désimputation du dossier de celui-ci doit être faite pour la période du 2 mars 2009 au 9 octobre 2009, date du décès du travailleur.

[12]        De plus, l’employeur fait donc une demande de désimputation reliée à la présence de l’acromion de type III à l’épaule du travailleur en vertu de l’article 329 et demande une désimputation de l’extension des indemnités versées à la conjointe du travailleur en vertu de l’article 58, au-delà du 9 octobre 2009 et jusqu’au 7 janvier 2010.

[13]        La Commission des lésions professionnelles doit maintenant décider si l’employeur doit être imputé du coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée à la conjointe du travailleur à compter de son décès, soit entre le 9 octobre 2009 et le 7 janvier 2010

[14]        L’article 58 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit :

58.  Malgré le paragraphe 2° de l'article 57, lorsqu'un travailleur qui reçoit une indemnité de remplacement du revenu décède d'une cause étrangère à sa lésion professionnelle, cette indemnité continue d'être versée à son conjoint pendant les trois mois qui suivent le décès.

__________

1985, c. 6, a. 58.

 

 

[15]        L’indemnité versée en vertu de l’article 58 est spécifique et vise la protection du conjoint. De part sa nature, elle est versée à cause du décès du travailleur intervenu pour une cause étrangère à la lésion professionnelle.

[16]        La loi prévoit la continuation du paiement de l’indemnité pour trois mois, afin que le conjoint ne soit pas pris au dépourvu advenant le décès du travailleur.

[17]        Or, l’article 326 stipule :

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

[18]        Dans ce cas, sur la base de l’article 326, la CSST a déjà désimputé l’employeur pour la période du 2 mars au 9 octobre 2010 à cause de la maladie intercurrente du travailleur. Comme le dit l’article 58, il s’agit de la continuation de la même indemnité que celle déjà désimputée en l’espèce.

[19]        Cette indemnité ne devrait donc pas, en toute justice, lui être imputée d’autant plus que cette indemnité est versée lors du décès du travailleur pour une cause étrangère[2] à la lésion professionnelle.

[20]        L’article 329 permet d’autre part à un employeur de bénéficier d’un partage des coûts lorsque le travailleur est déjà handicapé lors de la survenance de la lésion professionnelle.

[21]        L’article 329 stipule ceci :

329.  Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35.

 

 

[22]        À cette fin, l’employeur doit faire la preuve prépondérante d’une déficience physique ou psychique au site de la lésion qui a entrainé des effets sur la production de la lésion professionnelle ou sur les conséquences de cette lésion[3].

[23]        Afin de déterminer s’il existe un lien entre la déficience physique identifiée et la lésion professionnelle, plusieurs éléments peuvent être pris en compte : la nature et la gravité de l’évènement accidentel, le diagnostic initial, la compatibilité entre le plan de traitement prescrit et le diagnostic de la lésion professionnelle, l’évolution des diagnostics et la condition du travailleur, la durée de la période de consolidation, la gravité des conséquences et les opinions médicales[4].

[24]        La Commission des lésions professionnelles ne peut malheureusement, compte tenu des circonstances du cas, apprécier l’évolution des diagnostics et de la condition du travailleur, le plan de traitement, l’effet sur la durée de la consolidation (en fait la lésion du travailleur n’a jamais été consolidée) et la gravité des conséquences sur la lésion professionnelle de ce handicap d’acromion de type III. Cette partie de la requête de l’employeur devrait donc être rejetée.

[25]        Les rapports médicaux produits au soutien de la requête de l’employeur sont spéculatifs et non supportés par les faits et sont donc mis de côté.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête de l’employeur, Meubles Concordia ltée;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 7 septembre 2010 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la totalité du coût de l’indemnité de remplacement du revenu du 2 mars au 7 janvier 2010 doit être imputée aux employeurs de toutes les unités;

DÉCLARE que l’employeur doit assumer la totalité du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie par le travailleur, monsieur Charles Gagné, le 20 janvier 2009 jusqu’au 2 mars 2009.

 

 

__________________________________

 

Victor Marchand

 

 

Madame Hélène Loiselle

ASSPP Qc inc.

Représentante de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q. c. A-3.001.

[2]           C.L.P. 339014-62C-0802, 10 septembre 2008, D. Lajoie.

[3]           Petite Rivière St-François et CSST [1999] CLP 779

[4]           Centre Hospitalier de Jonquière et CSST Saguenay Lac St-Jean, C.L.P. 105971-02-9813, 13 janvier 2000, C. Racine.

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