Provost et Commission de la santé et de la sécurité du travail |
2015 QCCLP 3585 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 8 septembre 2014, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) dépose une requête par laquelle elle demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer une décision qu’elle a rendue le 24 juillet 2014.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles accueille la requête de monsieur Claude Provost (le travailleur), annule les décisions de la CSST rendues initialement le 11 décembre 2013 et à la suite d’une révision administrative le 31 janvier 2014, et retourne le dossier à la CSST afin qu’elle rende une décision conjointement avec la Société de l’assurance automobile du Québec (la SAAQ) en regard de la demande de monsieur Provost visant à obtenir le remboursement de ses frais de déplacement au tarif de 0,43 $ du kilomètre.
[3] La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Joliette le 15 mai 2015 en présence de la représentante de la CSST, de monsieur Provost et de sa représentante.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] La CSST prétend que la décision rendue le 24 juillet 2014 comporte un vice de fond qui est de nature à l’invalider parce qu’une décision portant sur des frais de déplacement ne doit pas être rendue conjointement par la CSST et la SAAQ.
[5] Elle demande de la révoquer et de déclarer que monsieur Provost n’a pas droit au remboursement de ses frais de déplacement au tarif de 0,43 $ du kilomètre.
LES FAITS
[6] Aux fins de la présente décision, il convient de rappeler les éléments suivants du dossier.
[7] Le 19 juillet 2011, dans l’exercice de son emploi de chef cuisinier dans une auberge, monsieur Provost subit une lésion professionnelle lorsqu’une composante du système de refroidissement de la chambre froide, pesant environ 350 livres, tombe sur son épaule gauche.
[8] Le docteur Van Cuong Tran, qui assure son suivi médical, diagnostique une contusion à l’épaule gauche, une contusion au coude gauche, un syndrome d’accrochage à l’épaule gauche et une épicondylite au coude gauche qui sont reconnus comme diagnostics de la lésion professionnelle par la CSST.
[9] À l’inverse, elle refuse de reconnaître, comme étant en relation avec l’événement survenu le 19 juillet 2011, les diagnostics de sténose foraminale et de hernie discale C5 - C6. Monsieur Provost conteste cette décision.
[10] Le 23 janvier 2012, le docteur Tran mentionne dans son rapport que monsieur Provost a besoin d’un accompagnateur. Le même jour, l’agente d’indemnisation mentionne ce qui suit au dossier après avoir parlé à monsieur Provost :
T n’a pas de permis de conduire. Il mentionne qu’il doit se trouver des personnes pour le reconduire à ses RV. Explication donnée au T du règlement sur les frais de déplacements, soit 0,145 $ / km. T dit qu’il n’y a pas de transport en commun, que le transport bénévole ne veut pas le prendre en raison de son âge. Il paie donc des personnes parfois à 20 $ pour ses DP à Joliette. [sic]
[11] Monsieur Provost demeure à Saint-Gabriel-de-Brandon et au moment de son accident du travail, il est âgé de 50 ans.
[12] Le docteur Tran réitère que monsieur Provost a besoin d’un accompagnateur dans la plupart des rapports médicaux qu’il rédige jusqu’au 17 mars 2013.
[13] Le 10 août 2012, la CSST rend une décision donnant suite à l’avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale statuant que les diagnostics de contusion à l’épaule gauche, contusion au coude gauche, syndrome d’accrochage à l’épaule gauche et épicondylite au coude gauche sont consolidés le 23 mars 2012, que les traitements sont suffisants et qu’il en résulte une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles. Monsieur Provost conteste cette décision.
[14] Le 15 novembre 2012, la Commission des lésions professionnelles déclare que la hernie discale C5-C6 est en relation avec l’événement du 19 juillet 2011.
[15] Le 22 novembre 2012, monsieur Provost réitère sa demande de remboursement de ses frais de déplacement au tarif de 0,43 $ du kilomètre. Il possède alors un permis de conduire, mais il se dit incapable de « faire les angles morts ». L’agente d’indemnisation lui rappelle ce qui avait été discuté et décidé antérieurement, soit qu’il a droit au remboursement de ses frais de déplacement au tarif de 0,145 $ du kilomètre et elle lui donne l’information suivante qui semble extraite d’un document puisque le texte est mis entre guillemets :
"La CSST autorise les déplacements avec accompagnement lorsque le médecin qui a charge du travailleur atteste qu’il est incapable d’utiliser les transports en commun en raison de son état de santé en lien avec la lésion professionnelle. Il n’appartient pas à la CSST de compenser pour l’absence temporaire ou permanente de transport en commun." [...]
[16] Le 18 février 2013, la CSST accepte de reconnaître comme étant en relation avec l’événement du 19 juillet 2011 le diagnostic de trouble de l’adaptation avec humeur anxio-dépressive posé par le docteur Tran.
[17] Dans les rapports qu’il rédige à partir du 4 avril 2013, le docteur Tran fait état des seuls diagnostics de hernie discale C5-C6, d’engourdissement au membre supérieur gauche et de trouble de l’adaptation. Il ne mentionne plus que monsieur Provost a besoin d’un accompagnateur. Le dossier est silencieux quant à savoir si ce dernier se rend à ses rendez-vous médicaux en conduisant son automobile.
[18] Le 13 août 2013, la Commission des lésions professionnelles accueille la contestation de monsieur Provost relativement à la décision de la CSST donnant suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale. Elle maintient les conclusions du membre du Bureau d’évaluation médicale sur les diagnostics de contusion à l’épaule gauche, contusion au coude gauche, syndrome d’accrochage à l’épaule gauche et épicondylite au coude gauche. Elle décide par contre que la lésion professionnelle n’est pas consolidée parce que la hernie discale C5-C6 et la lésion psychique ne sont pas consolidées.
[19] Le 3 octobre 2013, monsieur Provost est victime d’un accident d’automobile lorsque la voiture qu’il conduit entre en collision avec un orignal.
[20] Dans un rapport d’information médicale complémentaire rédigé le 27 octobre 2013 à l’attention de la CSST, le docteur Tran identifie comme problèmes résultant de l’accident d’automobile une entorse cervicodorsale D7, une céphalée occipitale, une contusion à la fosse iliaque gauche, une inflammation intestine et un risque d’hémorragie intestinale.
[21] Dans le rapport médical qu’il rédige à l’attention de la SAAQ le 24 novembre 2013, il diagnostique une entorse cervicodorsale D7, un engourdissement au membre supérieur droit, une hypoesthésie au dermatome C6, un engourdissement au membre inférieur droit et une paralysie en dorsiflexion du pied droit.
[22] Le même jour, dans un rapport rédigé à l’attention de la CSST, il diagnostique une hernie discale cervicale, un engourdissement au membre supérieur gauche, une douleur au coude gauche et un trouble de l’adaptation. Il mentionne que monsieur Provost a besoin d’un accompagnateur.
[23] Le 10 décembre 2013, la conseillère en réadaptation refuse la demande de monsieur Provost visant à être remboursé pour ses frais de déplacement au tarif accompagnateur de 0,43 $ du kilomètre. Elle écrit ce qui suit aux notes du dossier :
Le T allègue qu’il n’est pas en mesure de conduire son véhicule ni de prendre le transport en commun, particulièrement suite à son accident de la route du 3 octobre 2013. Nous l’avons référé à la SAAQ puisque son incapacité à emprunter les transports en commun découle d’une condition extrinsèque à sa lésion professionnelle. Il ajoute que ses blessures multiples l’empêchent de déambuler à l’extérieur de façon sécuritaire (pied droit tombant) et que l’aggravation de sa condition cervicale nuit aux angles morts. Le T mentionne donc qu’il ne serait pas en mesure de conduire de façon sécuritaire.
L’article 5 du Règlement sur les frais de déplacement et de séjour indiquant que seuls les frais engagés par le transport en commun par autobus, métro, train ou bateau sont remboursés. Il n’appartient pas à la CSST de compenser pour l’absence temporaire ou permanente de transport en commun. […]
Considérant :
- un dossier SAAQ mentionnant qu’il était conducteur de la voiture lors de l’accident de la route du 3 octobre 2013, et donc, qu’il a fait la démonstration qu’en regard de ses lésions professionnelles, qu’il avait la capacité de conduire un véhicule automobile,
- l’existence d’un service de transport en commun dans la municipalité de résidence du T (MRC d’Autray : Taxibus + circuit vers Joliette sont disponibles)
- bien que le MD indique "besoin d’accompagnateur" sur les rapports médicaux, aucune indication à l’effet que cela soit relié aux incapacités physiques secondaires aux lésions reconnues,
- que le T a obtenu son permis de conduire depuis la survenue de son accident du travail, [sic]
[...]
[24] Le 11 décembre 2013, tel que convenu avec monsieur Provost lors d’une rencontre, la CSST rend une décision écrite statuant que celui-ci n’a pas droit au remboursement de ses frais de déplacement au tarif « accompagnateur » de 0,43 $ du kilomètre. Monsieur Provost demande la révision de cette décision que la CSST confirme le 31 janvier 2014, à la suite d’une révision administrative. Monsieur Provost appelle à la Commission des lésions professionnelles.
[25] Dans les rapports qu’il rédige en 2014, le docteur Tran réitère que monsieur Provost a besoin d’un accompagnateur.
[26] Le 14 janvier 2014, à la demande de la CSST, le docteur Louis Morissette, psychiatre, examine monsieur Provost. Dans l’expertise qu’il rédige le 14 mars 2014, il relate ce qui suit :
[...]
Il y a un dossier SAAQ ouvert depuis le 3 octobre 2013 : monsieur a frappé un orignal : il a subi une entorse cervicale, des contusions abdominales et depuis l’accident il présente un pied tombant à droite et doit porter une orthèse, utiliser une canne et les douleurs au niveau du cou et du dos ainsi que du bras gauche sont augmentées.
Il n’a pas conduit depuis cet accident.
Il possède un permis de conduire actuellement probatoire, et il deviendra régulier le 14 février 2014. Il est à noter qu’avant l’accident de travail de juillet 2011, monsieur ne possédait pas de permis de conduire car il n’en avait pas besoin.
Il conduit une voiture manuelle et il ne sait pas comment il pourra conduire son véhicule (qui a été réparé après l’accident du 3 octobre 2013) puisqu’il a un pied tombant et doit porter une orthèse à la jambe droite. [sic]
[27] Le 7 juillet 2014, le docteur Tran rédige un certificat dans lequel il écrit ce qui suit :
Ce patient est incapable de se conduire, à la raison médicale - Do cervicale + engourdissement du bras G + (C6-C7) pied tombant D (L5). [sic]
[28] Le 8 juillet 2014, le docteur Jacques Demers, neurochirurgien, émet un avis en qualité de membre du Bureau d’évaluation médicale. Il rapporte les explications de monsieur Provost concernant la douleur cervicale et le pied tombant droit, lequel, selon ce qui est mentionné, s’est manifesté trois semaines après l’accident d’automobile.
[29] Il consolide la hernie discale C5-C6 le 12 juin 2014, soit à la date de son examen, et il estime qu’elle ne nécessite plus de traitements. Il établit l’atteinte permanente à l’intégrité physique à 10 % pour une hernie discale non opérée, une radiculopathie C6 gauche et des ankyloses de la colonne cervicale. Il estime que la condition de monsieur Provost justifie de lui reconnaître des limitations fonctionnelles de classe 2, comportant notamment d’éviter les activités qui impliquent d’effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale, même de faible amplitude.
[30] Le 16 juillet 2014, la CSST rend une décision donnant suite à l’avis du docteur Demers.
[31] Le 23 juillet 2014, la docteure Cathy Gendron, neurochirurgienne, diagnostique une cervicalgie et une douleur aux épaules ainsi qu’une parésie au pied droit secondaire à une contusion radiculaire de la racine L5 droite. Elle mentionne que monsieur Provost a besoin d’un accompagnateur.
[32] Le 24 juillet 2014, la Commission des lésions professionnelles annule les décisions de la CSST concernant les frais de déplacement (11 décembre 2013 et 31 janvier 2014) au motif que la décision initiale refusant la demande de remboursement des frais de déplacement à 0,43 $ du kilomètre aurait dû être rendue conjointement avec la SAAQ.
L’AVIS DES MEMBRES
[33] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la requête en révocation de la CSST doit être accueillie.
[34] Dans la mesure où la CSST n’avait pas à rendre la décision du 11 décembre 2013 conjointement avec la SAAQ, ils considèrent que la décision rendue le 24 juillet 2014 comporte une erreur manifeste et déterminante et qu’elle doit être révoquée. Ils estiment que les parties doivent être convoquées à une nouvelle audience portant sur le fond de la contestation de monsieur Provost.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[35] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de révoquer la décision rendue le 24 juillet 2014.
[36] Le pouvoir de la Commission des lésions professionnelles de réviser ou de révoquer une décision qu’elle a rendue est prévu par l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), lequel se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu’elle a rendu :
1° lorsqu’est découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu’une partie n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu’un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l’ordre ou l’ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l’a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[37] Cet article apporte une dérogation au principe général énoncé par l’article 429.49 de la loi voulant qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles soit finale et sans appel. Une décision ne peut être révisée ou révoquée que si l’un des motifs prévus par l’article 429.56 est établi.
[38] La CSST invoque le troisième motif prévu à cet article, soit que la décision rendue le 24 juillet 2014 comporte un vice de fond qui est de nature à l’invalider.
[39] La jurisprudence assimile cette notion de « vice de fond qui est de nature à invalider la décision » à une erreur manifeste de fait ou de droit qui a un effet déterminant sur le sort du litige[2]. Dans l’arrêt Bourassa c. Commission des lésions professionnelles[3], la Cour d’appel énonce à ce sujet ce qui suit :
21. La notion [de vice de fond de nature à invalider une décision] est suffisamment large pour permettre la révocation de toute décision entachée d’une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige. Ainsi, une décision qui ne rencontre pas les conditions de fond requises par la loi peut constituer un vice de fond.
22. Sous prétexte d’un vice de fond, le recours en révision ne doit cependant pas être un appel sur la base des mêmes faits. Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d’ajouter de nouveaux arguments1.
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1. Voir: Y. OUELLETTE, Les tribunaux administratifs au Canada, Procédure et Preuve, Montréal, Les Éditions Thémis, 1997, p. 506-508. J.P. VILLAGI, dans Droit public et administratif, Vol. 7, Collection de droit 2002-2003, Éditions Yvon Blais, 2002, p. 127-129.
[40] La Cour d’appel a réitéré cette position dans les arrêts Commission de la santé et de la sécurité du travail et Fontaine[4] et CSST c. Touloumi[5].
[41] Au soutien de la requête en révocation, la représentante de la CSST rappelle les dispositions prévues aux articles 448, 449 et 450 de la loi, lesquels se lisent comme suit :
448. La personne à qui la Commission verse une indemnité de remplacement du revenu ou une rente pour incapacité totale en vertu d’une loi qu’elle administre et qui réclame, en raison d’un nouvel événement, une telle indemnité ou une telle rente en vertu de la Loi sur l’assurance automobile (chapitre A-25) ou d’une loi que la Commission administre, autre que celle en vertu de laquelle elle reçoit déjà cette indemnité ou cette rente, n’a pas le droit de cumuler ces deux indemnités pendant une même période.
La Commission continue de verser à cette personne l’indemnité de remplacement du revenu ou la rente pour incapacité totale qu’elle reçoit déjà, s’il y a lieu, en attendant que soient déterminés le droit et le montant des prestations payables en vertu de chacune des lois applicables.
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1985, c. 6, a. 448.
449. La Commission et la Société de l’assurance automobile du Québec prennent entente pour établir un mode de traitement des réclamations faites en vertu de la Loi sur l’assurance automobile (chapitre A-25) par les personnes visées dans l’article 448.
Cette entente doit permettre de :
1° distinguer le préjudice qui découle du nouvel événement et celui qui est attribuable à la lésion professionnelle, au préjudice subi par le sauveteur au sens de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou à l’acte criminel subi par une victime au sens de la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels (chapitre I-6), selon le cas;
2° déterminer en conséquence le droit et le montant des prestations payables en vertu de chacune des lois applicables;
3° déterminer les prestations que doit verser chaque organisme et de préciser les cas, les montants et les modalités de remboursement entre eux.
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1985, c. 6, a. 449; 1990, c. 19, a. 11; 1999, c. 40, a. 4.
450. Lorsqu’une personne visée dans l’article 448 réclame une indemnité de remplacement du revenu en vertu de la Loi sur l’assurance automobile (chapitre A-25), la Commission et la Société de l’assurance automobile du Québec doivent, dans l’application de l’entente visée à l’article 449, rendre conjointement une décision qui distingue le préjudice attribuable à chaque événement et qui détermine en conséquence le droit aux prestations payables en vertu de chacune des lois applicables.
La personne qui se croit lésée par cette décision peut, à son choix, la contester suivant la présente loi, la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou la Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels (chapitre I-6), selon le cas, ou suivant la Loi sur l’assurance automobile.
Le recours formé en vertu de l’une de ces lois empêche le recours en vertu de l’autre et la décision alors rendue lie les deux organismes.
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1985, c. 6, a. 450; 1990, c. 19, a. 11; 1997, c. 27, a. 27; 1999, c. 40, a. 4.
[42] La représentante de la CSST dépose également l’Entente entre la Commission de la santé et de la sécurité du travail et la Société de l’assurance automobile du Québec relative à l’application de certaines dispositions législatives conclue conformément à l’article 449 de la loi. Invoquant les articles 4.1, 4.2 et 7.1 de cette entente, elle soumet que des décisions conjointes doivent être rendues uniquement dans certains cas et qu’une décision concernant le remboursement de frais ne doit pas faire l’objet d’une décision conjointe. Ces articles se lisent comme suit :
CHAPITRE 4.0 DÉCISION CONJOINTE
4.1 Une décision conjointe est rendue si, au moment où survient le nouvel événement, un organisme verse ou doit verser à un travailleur ou à une victime une indemnité de remplacement du revenu réduite ou une indemnité de remplacement du revenu non réduite.
4.2 Une décision conjointe est rendue si l’un ou l’autre des organismes est tenu de rendre une décision quant à l’incapacité permanente ou à l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur ou de la victime en raison de la lésion professionnelle ou de l‘accident d’automobile.
[…]
CHAPITRE 7.0 REMBOURSEMENT DES FRAIS ET DES INDEMNITÉS AUTRES QUE L’INDEMNITÉ DE REMPLACEMENT DU REVENU NON RÉDUITE
7.1 Chaque organisme rembourse ou acquitte les frais et paie les indemnités autres que l’indemnité de remplacement du revenu non réduite relevant de sa responsabilité, selon les normes et les règles applicables, et en informe le travailleur ou la victime.
[43] En conséquence, elle prétend que la décision du 24 juillet 2014 comporte une erreur manifeste et déterminante du fait que la juge administrative qui l’a rendue conclut que la décision sur le remboursement des frais de déplacement réclamé par monsieur Provost devait être rendue conjointement par la CSST et la SAAQ.
[44] La représentante de monsieur Provost soumet qu’à l’article 449 de la loi, il est question de prestations payables sans plus de précisions et que la définition du mot « prestations » qu’en donne l’article 2 réfère à toutes les prestations prévues par la loi. L’article 2 de la loi définit le terme « prestation » comme suit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :
« prestation » : une indemnité versée en argent, une assistance financière ou un service fourni en vertu de la présente loi;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[45] Elle dépose une décision de la Commission des lésions professionnelles, Gagnon et Action Solutions sans fil V inc.[6], dans laquelle la juge administrative écrit ce qui suit :
[26] La Commission des lésions professionnelles considère que les mots « en attendant que soit [sic] déterminés le droit et le montant des prestations payables en vertu de chacune des lois applicables » contenus aux articles 448 et 449 de la LATMP ont un sens même si un seul organisme paie l’indemnité de remplacement du revenu puisque la notion de prestation vise notamment les frais d’assistance médicale (traitements, soins, aides techniques, etc.), les frais de réadaptation sociale (aide personnelle et travaux d’entretien courant du domicile, adaptation d’un véhicule ou d’un domicile, etc.) et les frais de déplacement.
[46] Le tribunal estime que la prétention de la représentante de monsieur Provost ne peut pas être retenue.
[47] La décision Gagnon qu’elle a déposée ne peut avoir d’incidence dans la présente affaire puisqu’il s’agissait d’un tout autre litige portant sur le droit d’une personne accidentée à recevoir le montant excédentaire de l’indemnité qu’elle ne pouvait pas recevoir en raison de l’interdiction du cumul. Cette décision ne porte pas sur la question qui fait l’objet du litige dans le présent dossier, à savoir l’exigence d’une décision conjointe de la CSST et de la SAAQ.
[48] Même si, selon la définition qu’en donne l’article 2 de la loi, le terme « prestations » mentionné aux articles 448, 449 et 450 englobe des frais de déplacement, c’est l’article 450 de la loi qui prévoit que la CSST et la SAAQ doivent rendre des décisions conjointes. Cet article ne précise pas dans quels cas ces organismes doivent rendre une décision conjointe, mais il réfère spécifiquement à l’Entente entre la Commission de la santé et de la sécurité du travail et la Société de l’assurance automobile du Québec relative à l’application de certaines dispositions législatives en mentionnant qu’une décision conjointe doit être rendue « dans l’application de l’entente visée à l’article 449 ».
[49] Il ressort clairement des articles 4.1, 4.2 et 7.1 de l’Entente entre la Commission de la santé et de la sécurité du travail et la Société de l’assurance automobile du Québec relative à l’application de certaines dispositions législatives que la CSST n’avait pas à rendre conjointement avec la SAAQ la décision concernant la demande de monsieur Provost visant à obtenir le remboursement de ses frais de déplacement au tarif de 0,43 $ du kilomètre.
[50] Dans ce contexte, la décision rendue le 24 juillet 2014 par la Commission des lésions professionnelles comporte une erreur manifeste et déterminante et elle doit être révoquée.
[51] Cette décision du 24 juillet 2014 ayant été rendue sur dossier, lors de l’audience portant sur la requête en révocation, le tribunal a laissé entendre aux parties qu’il se prononcerait sur dossier sur le fond de la contestation de monsieur Provost.
[52] Toutefois, à l’analyse du dossier, il ressort qu’il existe des éléments de preuve contradictoires qui mériteraient d’être éclaircis et qui justifient, dans l’intérêt de la justice, de permettre aux parties de présenter des éléments de preuve et de soumettre des arguments.
[53] Le tribunal fait référence notamment au rôle joué par la condition cervicale résultant de la lésion professionnelle dans le besoin d’un accompagnateur identifié par les médecins de monsieur Provost à la fin de 2013 et en 2014 ou encore à la disponibilité du transport en commun, étant donné que, selon la jurisprudence[7], la non-disponibilité de ce transport peut donner ouverture au remboursement de frais de déplacement.
[54] Après considération des documents contenus au dossier, des arguments soumis par les représentantes des parties et de la jurisprudence déposée, la Commission des lésions professionnelles en vient donc à la conclusion que la décision rendue le 24 juillet 2014 doit être révoquée et que les parties doivent être convoquées à une audience portant sur le fond de la contestation déposée par monsieur Provost.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête en révocation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail;
RÉVOQUE la décision rendue le 24 juillet 2014 par la Commission des lésions professionnelles;
CONVOQUERA à nouveau les parties à une audience portant sur le fond de la contestation déposée par monsieur Claude Provost.
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Claude-André Ducharme |
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Madame Nicole Bernèche |
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T.U.A.C. (LOCAL 500) |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Abira Selvarasa |
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PAQUET THIBODEAU BERGERON |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] RLRQ, c. A-3.001.
[2] Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783.
[3] [2003] C.L.P. 601 (C.A.).
[4] [2005] C.L.P. 626 (C.A.).
[5] C.A. 500-09-015132-046, 6 octobre 2005, jj. Robert, Morissette, Bich.
[6] C.L.P. 385593-05-0908, 1er février 2010, M. Allard.
[7] Guillemette et Emballages Cascades Drummondville, C.L.P. 127012-04B-9911, 20 juin 2000, S. Mathieu; McKinnon et Abitibi-Consolidated (Wayagamack), C.L.P. 155163-04-0102, 29 juin 2001, G. Marquis; Harvey et Foresterie Camaro (2006) inc. (F), C.L.P. 345167-02-0804, 13 août 2008, J.-F. Clément; Beaudette et Entreprises Bon-Bou-L’eau inc., C.L.P. 352316-05-0807, 26 mars 2009, F. Ranger; Dassylva et Sécuritas Québec, C.L.P. 367831-62B-0901, 9 mars 2010, Alain Vaillancourt; Roussy et Entreprise Descimco inc., 2011 QCCLP 323; Demers et Hémond ltée, 2013 QCCLP 622; Bonneau et AirBoss Produits d’ingénierie inc., 2014 QCCLP 591.
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