Décision

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Commission municipale du Québec

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Date :

Le 7 juillet 2017

 

 

 

 

 

Dossier :

CMQ-66041   (29784-17)

 

                                                                                           

 

 

 

Juge administratif :

Thierry Usclat, vice-président

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Personne visée par l’enquête :    Richard Brulotte, conseiller

                                                           Municipalité de
                                                           Saint-Denis-de-Brompton

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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MOTIFS DE LA DÉCISION RENDUE VERBALEMENT LE 31 MAI 2017

ENQUÊTE EN ÉTHIQUE ET DÉONTOLOGIE

EN MATIÈRE MUNICIPALE

 

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DÉCISION

LA DEMANDE

[1]           La Commission municipale du Québec est saisie d’une demande d’enquête en éthique et déontologie selon la Loi sur l’éthique et la déontologie en matière municipale[1].

[2]           Monsieur Richard  Brulotte, conseiller municipal aurait contrevenu à l’article 7 du Code d’éthique et de déontologie des élus de la Municipalité de Saint-Denis-de-Brompton (le Code d’éthique) de Saint-Denis-de-Brompton, en invectivant le maire à plusieurs reprises en utilisant les mots « Fuck you » et « Va chier », lors d’une rencontre à huis clos précédent l’assemblée du conseil le 3 octobre 2016.

[3]           Dans la présente affaire les dispositions pertinentes du Code d’éthique sont les suivantes :

            « ARTICLE 7 RESPECT DES PERSONNES

 

                 Les rapports de toute personne avec les membres du conseil de la municipalité, les employés de celle-ci et les citoyens doivent se fonder sur le respect, la considération et la civilité.

 

Toute personne doit :

·   Agir de manière équitable dans l’exécution de ses fonctions et ne doit pas accorder un traitement préférentiel à une personne au détriment des autres;

·   S’abstenir de tenir des propos injurieux ou de harceler une personne par des attitudes, des paroles, des gestes pouvant porter atteinte à sa dignité ou à son intégrité;

·   Utiliser un langage approprié à l’exercice de ses fonctions. »

Plaidoyer de culpabilité

[4]           Me Nicolas Dallaire, qui agit à titre de procureur indépendant, dépose un plaidoyer de culpabilité par lequel monsieur Brulotte reconnaît avoir invectivé le maire lors d’une séance à huis clos en utilisant les termes qui lui sont reprochés dans la demande d’enquête. Il reconnaît ainsi, avoir commis un manquement au Code d’éthique.

[5]           Ce plaidoyer fait suite à des discussions entre Me Dallaire et monsieur Brulotte et ils déposent une recommandation commune relative à la sanction.

[6]           La Commission accepte immédiatement ce plaidoyer et entend les observations de Me Dallaire sur la recommandation commune.

Observations quant à la sanction

[7]           Me Dallaire soumet que le plaidoyer de culpabilité transmis par monsieur Brulotte, évite de faire une enquête, de convoquer des témoins et de tenir une audience.

[8]           De plus, monsieur Brulotte admet qu’il n’aurait pas dû tenir de tels propos.

[9]           Considérant ces éléments, le procureur indépendant de la Commission soumet qu’une réprimande serait une sanction juste et équitable.

[10]        Selon Me Dallaire, la sanction proposée s’inscrit dans le spectre des sanctions habituellement imposées pour ce type de manquement. Elle est ni trop clémente ni trop sévère[2].

[11]        Subsidiairement, si la Commission estime que la sanction recommandée est trop clémente ou trop sévère, elle doit, pour s’écarter de cette recommandation, appliquer le critère établi par la Cour suprême dans le récent jugement R. c. Anthony-Cook[3].

[12]        Ainsi, une recommandation conjointe ne devrait être écartée que si la peine proposée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou si elle est contraire à l’ordre public.

[13]        Me Dallaire soumet que ce critère établi par la Cour suprême a été appliqué à plusieurs reprises en droit disciplinaire et en déontologie policière[4].

ANALYSE

[14]        En matière disciplinaire, la sanction doit être établie en fonction de différents facteurs dont la parité, la globalité et la gradation des sanctions.

[15]      Ces facteurs établis en matière disciplinaire, sont aussi applicables par la Commission lorsqu’elle sanctionne un élu qui a commis un manquement à son Code d’éthique.

[16]      En matière d’éthique et de déontologie municipale, la sanction doit tenir compte de la gravité du manquement, ainsi que des dispositions de la LEDMM et des objectifs de celle-ci.

[17]      La sanction doit aussi permettre de rétablir la confiance que les citoyens doivent entretenir envers les institutions et les élus municipaux.

[18]        La Commission doit tenir compte des dispositions suivantes de la LEDMM :

« 26.  Si la Commission conclut que la conduite du membre du conseil de la municipalité constitue un manquement à une règle prévue au code d'éthique et de déontologie, elle décide, en prenant en considération la gravité du manquement et les circonstances dans lesquelles il s'est produit, notamment du fait que le membre du conseil a ou non obtenu un avis écrit et motivé d'un conseiller à l'éthique et à la déontologie ou pris toute autre précaution raisonnable pour se conformer au code, d'imposer une ou plusieurs des sanctions prévues à l'article 31 ou qu'aucune sanction ne soit imposée.

 

[…]

 

31.  Un manquement à une règle prévue à un code d'éthique et de déontologie visé à l'article 3 par un membre d'un conseil d'une municipalité peut entraîner l'imposition des sanctions suivantes :

 

 1° la réprimande;

 

 2° la remise à la municipalité, dans les 30 jours de la décision de la Commission municipale du Québec:

 

a)  du don, de la marque d'hospitalité ou de l'avantage reçu ou de la valeur de ceux-ci;

 

b)  de tout profit retiré en contravention d'une règle énoncée dans le code;

 

 3° le remboursement de toute rémunération, allocation ou autre somme reçue, pour la période qu'a duré le manquement à une règle prévue au code, comme membre d'un conseil, d'un comité ou d'une commission de la municipalité ou d'un organisme;

 

 4° la suspension du membre du conseil pour une période dont la durée ne peut excéder 90 jours, cette suspension ne pouvant avoir effet au-delà du jour où prend fin son mandat. »


[19]        Cette loi prévoit aussi que :

« 15.  Tout membre d'un conseil d'une municipalité qui n'a pas déjà participé à une formation sur l'éthique et la déontologie en matière municipale doit, dans les six mois du début de son mandat, participer à une telle formation.

 

Cette formation doit notamment viser à susciter une réflexion sur l'éthique en matière municipale, favoriser l'adhésion aux valeurs énoncées par le code d'éthique et de déontologie et permettre l'acquisition de compétences pour assurer la compréhension et le respect des règles prévues par celui-ci.

 

Le défaut de participer à cette formation constitue aux fins de l'article 26 un facteur aggravant.

 

Le membre d'un conseil doit, dans les 30 jours de sa participation à une telle formation, déclarer celle-ci au greffier ou au secrétaire-trésorier de la municipalité, qui en fait rapport au conseil. »

[20]        À la suite d’une déclaration de culpabilité découlant d’un plaidoyer ou d’une audience, la Commission est-elle liée par une recommandation commune?

[21]        La Cour suprême[5] s’exprime ainsi au sujet des recommandations conjointes relatives à la sanction :

« [25]  Le fait, pour les avocats du ministère public et de la défense, de convenir d’une recommandation conjointe relative à la peine en échange d’un plaidoyer de culpabilité constitue une pratique acceptée et tout à fait souhaitable. Les ententes de cette nature sont monnaie courante, et elles sont essentielles au bon fonctionnement de notre système de justice pénale et de notre système de justice en général. Habituellement, de telles ententes n’ont rien d’exceptionnel, et les juges du procès les acceptent d’emblée. À l’occasion cependant, une recommandation conjointe peut sembler trop clémente, ou peut-être trop sévère, et le juge du procès n’est pas tenu de l’accepter (Code criminel, L.R.C. 1985, c. C-46, sous-al. 606(1.1) b) (iii)). Dans de tels cas, les juges ont besoin d’un critère pour apprécier le caractère acceptable de la recommandation conjointe. La question se pose alors : quel critère appliquer? »

[22]        Selon la Cour suprême, une recommandation conjointe ne devrait être écartée que si la peine proposée est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou si elle est contraire à l’ordre public.

« [32]  Selon le critère de l’intérêt public, un juge du procès ne devrait pas écarter une recommandation conjointe relative à la peine, à moins que la peine proposée soit susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou qu’elle soit par ailleurs contraire à l’intérêt public. Mais que signifie ce seuil? Deux arrêts de la Cour d’appel de Terre-Neuve-et-Labrador sont utiles à cet égard.

[33]  Dans Druken, par. 29, la cour a jugé qu’une recommandation conjointe déconsidérera  l’administration de la justice ou sera contraire à l’intérêt public si, malgré les considérations d’intérêt public qui appuient l’imposition de la peine recommandée, elle [traduction] « correspond si peu aux attentes des personnes raisonnables instruites des circonstances de l’affaire que ces dernières estimeraient qu’elle fait échec au bon fonctionnement du système de justice pénale ». Et, comme l’a déclaré la même cour dans R. c. B.O.2, 2010 NLCA 19 (CanLII), par. 56 (CanLII), lorsqu’ils examinent une recommandation conjointe, les juges du procès devraient [traduction] « éviter de rendre une décision qui fait perdre au public renseigné et raisonnable sa confiance dans l’institution des tribunaux.

 

[34]  À mon avis, ces déclarations fermes traduisent l’essence du critère de l’intérêt public élaboré par le comité Martin. Elles soulignent qu’il ne faudrait pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe, une conclusion à laquelle je souscris. Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que le système de justice avait cessé de bien fonctionner. Il s’agit indéniablement d’un seuil élevé — et à juste titre, comme je l’explique ci-après. »

[23]        Dans cette même décision, la Cour suprême rappelle qu’une recommandation commune relative à la sanction devrait, en principe être acceptée considérant les avantages que cela apporte pour tout le système de justice. Malgré le fait que la Cour a le pouvoir d’accepter ou non une recommandation conjointe, le critère applicable pour ne pas l’accepter est rigoureux.

[24]        Vu la similitude entre la déontologie municipale et le droit disciplinaire, la Commission applique ce critère établi par la Cour suprême[6].

[25]        Devant une recommandation commune, la Commission n’a pas à se demander si elle aurait imposé la sanction suggérée, mais plutôt, si celle-ci est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice ou est contraire à l’ordre public.

[26]        Dans la présente affaire, la Commission est d’avis que la recommandation commune doit être retenue.


EN CONSÉQUENCE, LA COMMISSION MUNICIPALE DU QUÉBEC :

    CONCLUT que monsieur Richard Brulotte a commis un manquement à l’article 7 du Code d’éthique et de déontologie des élus de la Municipalité de Saint-Denis-de-Brompton.

    IMPOSE à monsieur Richard Brulotte, pour ce manquement, une réprimande.

 

 

 

 

 

THIERRY USCLAT, vice-président et

Juge administratif

 

Me Nicolas Dallaire

D’ARAGON DALLAIRE

Procureur de la Commission

 

Audience le 31 mai 2017

 

TU/ll



[1].   RLRQ, chapitre E-15.1.0.1.

[2].   CMQ-65319, Legresley, 24 février 2016, par. 46 et ss.

[3].   2016 C.S.C. 43, par. 25.

[4].   Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Allali, 2017 QCCDBQ 15, par. 35 à 37; Commissaire à la déontologie policière c. Cameron, 2016 QCCS 6428, par. 66-67-68 (Req. pour perm. C.A. rejetée 2017 QCCA 128).

[5].   R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43, par. 32.

[6].   Voir : Barreau du Québec (syndic adjoint) c. Allali, 2017 QCCDBQ 15, par. 35 à 37; Commissaire à la déontologie policière c. Cameron, 2016 QCCS 6428, par. 66-67-68 (Requête pour permission d’en appeler rejetée 2017 QCCA 128).

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