Décision

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     LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE
     DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES

     QUÉBEC    MONTRÉAL, le  16 octobre 1995

     DISTRICT D'APPEL  DEVANT LE COMMISSAIRE:    Me Jean-Claude Danis
     DE MONTRÉAL
     ASSISTÉ DE L'ASSESSEUR:   Dr Michel Larose, médecin
     RÉGION: Île-de-Montréal
     DOSSIER:57707-60-9402
        61125-60-9407

     DOSSIER CSST: 103934667 AUDITION TENUE LE:        20 septembre 1995

     DOSSIER BRP:  61229813
     A:                    Montréal

     NEDCO
     505, Locke
     St-Laurent (Québec)
     H2W 1V1

                               PARTIE APPELANTE

     et

     MONSIEUR ABDERRAHNANE BOUAOUINATE
     1280, St-Marc #1407
     Montréal (Québec)
     H3H 2G1

                              PARTIE INTÉRESSÉE

                              D É C I S I O N

     Dossier 57707-60-9403:  Le  18 mars  1994, l'employeur,  Nedco, dépose
                        une  déclaration  d'appel à  l'encontre  d'une
                        décision rendue par  le bureau de révision  de
                        la région  de Montréal (le bureau de révision)
                        le 9 mars 1994. Cette décision unanime vient à
                        la  suite de celle rendue par la Commission de
                        la   santé   et   sécurité  du   travail   (la
                        Commission)  le  2  décembre  1992 et  déclare
                        qu'il n'y a pas lieu de refuser la réclamation
                        du travailleur pour le motif qu'elle n'est pas
                        conforme aux prescriptions de  la Loi sur  les
                        accidents   du   travail   et   les   maladies
                        professionnelles  [L.R.Q.,  chapitre  A-3.001]
                        (la loi).
     

Dossier 61125-60-9407: Le 21 juillet 1994, le travailleur, monsieur Abderrahnane Bouaouinate, dépose une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision du bureau de révision rendue le 25 mai 1994. Cette décision majoritaire, le représentant des travailleurs ayant enregistré sa dissidence, confirme celle rendue par la Commission le 2 décembre 1992 et déclare que le travailleur n'a pas subi de lésion professionnelle le 10 novembre 1992.

Bien que dûment convoqué, le travailleur n'est ni présent ni représenté à l'audience.

OBJETS DES APPELS dossier 57707-60-9403: L'employeur demande à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) d'infirmer la décision du bureau de révision et de déclarer que le travailleur ne peut se prévaloir des avantages prévus à la loi.

Dossier 61125-60-9407: Le travailleur demande à la Commission d'appel d'infirmer la décision du bureau de révision et de déclarer qu'il a subi une lésion professionnelle le 10 novembre 1992.

LES FAITS La Commission d'appel retient ce qui suit de l'analyse du dossier et de la preuve médicale.

Le travailleur, né le 1er janvier 1950, est commis à l'entrepôt pour le compte de l'employeur. Le 10 novembre 1992, il signe le formulaire «Avis de l'employeur et demande de remboursement» (A.D.R.) qui décrit comme suit un événement survenu le même jour: «entorse lombaire en voulant placer un conduit».

Une déclaration non datée et signée par le travailleur décrit l'événement en détails et ne fait mention d'aucun événement imprévu et soudain. Une douleur est survenue pendant sa journée de travail et finalement, dans les termes utilisés par le travailleur, «mon dos a craqué sous les multiples charges».

On diagnostique initialement une entorse lombaire mais, suite à des investigations radiologiques, notamment un Scan et un examen de résonance magnétique, on découvre chez le travailleur une hernie discale sous-ligamentaire centrale avec migration vers le haut et une sténose spinale modérée au niveau L4-L5 ainsi qu'une légère sténose spinale provenant de changements dégénératifs au niveau L5-S1.

Le rapport de résonance magnétique fait aussi état de changements dégénératifs au niveau T11-T12, de nodule de Schmorl au niveau T11. On y relève aussi la présence de facettes hypertrophiées au niveau L3-L4 sans hernie ou sténose spinale.

Le 2 décembre 1992, la Commission rend la décision suivante: «Votre réclamation n'est pas admissible à titre d'accident du travail puisqu'il ne s'agit pas d'un événement imprévu et soudain au sens de la loi. De plus, l'événement décrit ne correspond à aucune autre catégorie de lésion professionnelle.

En conséquence, nous ne pouvons vous rembourser vos frais ni vous verser d'indemnités.

De plus, la CSST a remboursé à votre employeur la somme de 577,45$ représentant l'indemnité de remplacement du revenu qu'il vous a versée pour la période du 92-11-11 au 92-11-24. Cette somme vous sera réclamée lorsque la présente décision deviendra finale.» Le 9 mars 1994, le bureau de révision rejette un moyen préliminaire de l'employeur, déclare qu'il n'y a pas lieu de refuser la réclamation du travailleur pour défaut de production d'un formulaire de réclamation du travailleur et reconvoque les parties à une date ultérieure pour disposer du fond du litige.

Le 25 mai 1994, le bureau de révision confirme sur le fond la décision rendue le 2 décembre 1992 par la Commission.

Les notes évolutives de la Commission disent, entre autres, ce qui suit: - Le 2 décembre 1992: «Tel. au tr visite à la réception du inf. demandé.

Tr décrit sa journée de travail pas de fait précis. Il me dit que c'était une journée comme une autre et explique son malaise au fruit du hasard. Tr.

fait ce métier depuis 4 ans.

Refuser la réclamation - pas de fait acc.» Un document émanant de la Commission le 1er mars 1994 confirme qu'on ne trouve au dossier que la déclaration sus-mentionnée du travailleur, mais pas le formulaire «Réclamation du travailleur».

REPRÉSENTATIONS DES PARTIES La représentante de l'employeur soumet dans un premier temps que le travailleur ne peut bénéficier des dispositions de la loi puisqu'il n'a pas présenté de «Réclamation du travailleur» en bonne et due forme. Les représentations écrites, demandées par le tribunal, sont déposées le 28 septembre 1995.

Subsidiairement, la preuve médicale ne supporte pas la prétention du travailleur à l'effet qu'il a subi une lésion professionnelle le 10 novembre 1992.

MOTIFS DE LA DÉCISION Dossier 57707-60-9403: La Commission d'appel doit d'abord déterminer si la demande d'indemnisation du travailleur est recevable. Le cas échéant, il faut décider s'il a subi une lésion professionnelle le 10 novembre 1992.

L'article 270 de la loi dit ceci: 270. Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est incapable d'exercer son emploi pendant plus de 14 jours complets ou a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique ou, s'il décède de cette lésion, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la lésion ou du décès, selon le cas.

L'employeur assiste le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin.

Le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, remet à l'employeur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.

La Commission d'appel a déjà décidé à plusieurs reprises que l'obligation prévue à l'article 270 de la loi ne constitue qu'une norme administrative dont la rigueur s'apprécie en fonction du caractère social de la loi et aussi de l'article 353.1 1 Vincent et G.G.Construction [1992] C.A.L.P. 151 .

Le fait de ne pas avoir complété le formulaire de réclamation peut être considéré comme un vice de forme qui ne doit pas être fatal au travailleur.2 La Cour supérieure a également décidé que le caractère impératif ou non de l'obligation de produire un formulaire de réclamation doit être apprécié en fonction du caractère social de la loi qui procède plus de l'équité que du droit strict et qui doit être interprété largement.3 Dans la présente affaire, le travailleur a communiqué avec la Commission et a répondu aux interrogatoires de celle-ci à l'intérieur du délai prévu par la loi et il a même été relevé implicitement de son défaut d'avoir produit une réclamation lorsque la Commission a rejeté sa demande d'indemnisation sur le fond.

Pour tous ces motifs, la Commission rejette l'appel de l'employeur sur cette question.

Dossier 61125-60-9407: La Commission d'appel doit donc décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 10 novembre 1992.

Le bureau de révision motive comme suit sa décision de ne pas reconnaître la lésion professionnelle: «Suite à l'étude de la preuve documentaire et testimoniale, les membres du Bureau de révision estiment que monsieur Bouaouinate qui a ressenti une douleur en effectuant son travail le 10 novembre 1992 n'a toutefois pas subi une lésion professionnelle au sens de la loi. En effet, le diagnostic évolutif de la lésion est passé d'entorse à hernie discale pour laquelle d'ailleurs le travailleur a été opéré. Or, le Bureau de révision estime qu'il s'agit là d'une condition personnelle préexistante à l'événement du 10 novembre et que le fait que la douleur ou la symptomatologie relative à cette condition personnelle soit apparue sur les lieux du travail alors que le travailleur effectuait son travail n'en fait pas pour autant une lésion professionnelle au sens de la loi.

Une telle condition personnelle préexistante peut être reconnue comme une lésion professionnelle si elle est aggravée lors d'un accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail. Or, en l'instance, la preuve ne révèle pas la survenance d'un événement imprévu et soudain autre que l'apparition de la douleur, laquelle ne peut constituer en tant que tel un événement imprévu et soudain. Rien dans la description du travail effectuée ne permet au Bureau de révision de conclure à la survenance d'un tel événement le 10 novembre 1992.

Quant à la possibilité qu'il s'agisse d'une rechute, récidive ou aggravation d'un autre accident du travail survenu en 1987 alors que monsieur Bouaouinate travaillait pour la compagnie Union café, le Bureau de révision estime la preuve médicale nettement insuffisante pour permettre de tirer cette conclusion.

En effet, l'étude des dossiers hospitaliers du travailleur révèle l'existence de Scan (sic) effectués en 1988, lesquels ne révèlent aucune anomalie de nature dégénérative ou autre qu'aurait pu entraîner l'événement de mars 1987.

Le phénomène de dégénérescence semble être apparu au cours des années subséquentes puisqu'en 1988 les Scans ne démontrent aucune anomalie et qu'en 1993, on note des dégénérescences à différents niveaux de la colonne du travailleur.

EN CONSÉQUENCE, de l'ensemble de ce qui précède, le Bureau de révision REJETTE la contestation de monsieur Bouaouinate et MAINTIENT la décision de la Commission datée du 2 décembre 1992 qui refuse la réclamation pour l'événement du 10 novembre 1992.» 2 Villeneuve et St-Raymond Paper, 19779-02-9006, 93-12- 14, P. Brazeau, commissaire.

3 Galipeau c. Le bureau de révision paritaire des Laurentides [1991] R.J.Q. 788 [C.S.] En l'absence de preuve additionnelle, testimoniale ou autre, de la part du travailleur, et après avoir évalué la preuve au dossier et le témoignage du travailleur tel que rapporté par le bureau de révision, la Commission d'appel se déclare tout à fait en accord avec les motifs du bureau de révision et elle partage ses conclusions qu'elle fait siennes.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES: Dossier 57707-60-9403: REJETTE l'appel de l'employeur, Nedco; CONFIRME pour d'autres motifs la décision rendue par le bureau de révision de la région de Montréal le 9 mars 1994; et DÉCLARE que la réclamation du travailleur, monsieur Abderrahnane Bouaouinate, doit être considérée au mérite.

Dossier 61125-60-9407: REJETTE l'appel du travailleur, monsieur Abderrahnane Bouaouinate; CONFIRME la décision rendue par le bureau de révision de la région de Montréal le 25 mai 1994; et DÉCLARE que le travailleur n'a pas subi de lésion professionnelle le 10 novembre 1992.

Me Jean-Claude Danis Commissaire Me GLADYS PAGÉ Groupe A.S.T.

3875, St-Urbain, #300 Montréal (Québec) H2W 1V1 (Représentante de la partie appelante)

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.