Décision

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Amin c. Journal de Montréal

2015 QCCQ 5799

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-32-134755-125

 

 

DATE

Le 19 juin 2015

 

 

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ALAIN BREAULT, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

AMAL AMIN

[…] Calgary (Alberta) […]

 

Demanderesse

c.

 

JOURNAL DE MONTRÉAL

4545, rue Frontenac,

Montréal (Québec) H2H 2R7

 

-et-

 

DJEMILA BENHABIB

4545, rue Frontenac,

Montréal (Québec) H2H 2R7

 

-et-

 

CORPORATION SUN MEDIA

18 S-612 rue Saint-Jacques,

Montréal (Québec) H3C 4M8

 

Défendeurs

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           La demanderesse Amal Amin (« Mme Amin ou la demanderesse ») réclame solidairement 7 000 $ aux trois défendeurs, le Journal de Montréal (« JDM »), Djemila Benhabib (« Mme Benhabib ») et la Corporation Sun Media (« Sun Media »).

[2]           En substance, elle allègue que son droit et celui de ses enfants au respect de la vie privée ont été lésés ou bafoués dans un blogue que tenait Mme Benhabib dans le JDM, et ce, en raison de la parution et l’utilisation de photos sur lesquelles ses deux enfants apparaissaient et des commentaires que Mme Benhabib a ajoutés à leur égard.

[3]           Les défendeurs admettent tous que, pour étayer ou illustrer ses propos qu’elle regroupe dans son blogue sous le titre « Les petites filles voilées : notre grande hypocrisie », Mme Benhabib a effectivement utilisé quatre photos, dont trois sur lesquelles se trouvent les enfants de la demanderesse.

[4]           En revanche, ils plaident que, dans les circonstances pertinentes, ils n’ont commis aucune faute et que leur utilisation était parfaitement justifiée : les photos se trouvaient dans le domaine public et il était dans l’intérêt public légitime que les photos soient ainsi publiées et utilisées dans le blogue pour soutenir les commentaires de Mme Benhabib.

[5]           Mme Amin n’était pas présente lors du procès. Elle habite maintenant à Calgary et, au moment de l’audition, elle était enceinte. Elle a donc été représentée par son conjoint, Mohammed Rakha (« M. Rakha »).

[6]           Par ailleurs, à l’époque où l’essentiel des faits pertinents se sont produits, Sun Media était la société éditrice du JDM. Aujourd'hui, ces deux entreprises ne sont plus liées ou associées.

LE CONTEXTE

[7]           Mme Amin et M. Rakha sont musulmans et, en compagnie de leurs enfants, ils fréquentent la mosquée al-Rawdah qui est située dans l’arrondissement de St-Laurent, à Montréal.

[8]           En juin 2011, leurs enfants Mariam et Omar participent à un concours de mémorisation d'extraits du Coran. Le concours s'adresse uniquement aux enfants de 8 ans et moins. Essentiellement, il requiert que des enfants de ces âges mémorisent puis récitent par cœur des extraits du Coran. Certains parents et d’autres enfants assistent aux prestations.

[9]           Cet événement revêt une grande importance au sein de la communauté que fréquentent Mme Amin et M. Rakha à Montréal. Pour eux, il s’agit d’une étape importante que les enfants de leur communauté doivent franchir dans leur vie spirituelle et civile.

[10]        La preuve révèle que le concours n’est pas organisé par la mosquée al-Rawdah. Ce sont plutôt certains parents la fréquentant qui l'organisent. Ils obtiennent à cette fin l’autorisation de la mosquée pour utiliser ses locaux.

[11]        Plusieurs photos de l’événement, et donc des enfants y participant, sont prises au cours de la journée. Certaines sont publiées sur le site Internet de la mosquée. Elles peuvent toutes être retrouvées sous un onglet faisant spécifiquement référence au concours de mémorisation du Coran.

[12]        La preuve révèle également que les photos ont été prises par ou à la demande expresse de parents d’enfants ayant participé au concours. Eux-mêmes ont aussi demandé qu'elles soient publiées sur le site Internet de la mosquée al-Rawdah. La veille du procès, elles y étaient toujours, du moins celles en litige, suivant la prépondérance de la preuve.

[13]        Le 2 mars 2012, dans un texte qu’elle publie dans son blogue identifié sous le nom de « LE BLOGUE DE DJEMILA BENHABIB », quatre de ces photos sont utilisées par Mme Benhabib, entre autres, pour dénoncer ou critiquer cette pratique à laquelle participent des jeunes filles de 8 ans ou moins. Les deux enfants de la demanderesse apparaissent sur trois de ces quatre photos.

[14]        Mme Benhabib a tenu son blogue dans le JDM de février à juillet 2012. Elle choisissait les sujets discutés et était responsable du contenu. Elle était pigiste et écrivait à son rythme.

[15]        Elle-même Arabe et de culture musulmane, elle critique depuis plusieurs années le port du voile par les jeunes filles musulmanes et, en particulier, cette pratique de mémorisation et de récitation d’extraits du Coran à laquelle certains parents obligent leurs enfants de huit ans ou moins.

[16]        Mme Benhabib considère que cette pratique est néfaste. Pour elle, ces exercices de mémorisation (et récitation) sont révolus et participent de la nature d’une procédure d’endoctrinement. Aussi, dans le contexte de plusieurs articles ou commentaires dans son blogue dans lesquels elle dénonce le port du voile par les jeunes filles musulmanes[1], elle publie le 2 mars 2012 un texte qui traite de façon plus spécifique des concours de mémorisation d’extraits du Coran.

[17]        Les commentaires de Mme Benhabib, à ne pas en douter, se veulent une critique sévère ou ferme envers le port du voile par les jeunes filles musulmanes et, de façon plus spécifique, envers leur participation aux concours de mémorisation et de récitation d’extraits du Coran. Ses commentaires sont regroupés sous chacune des quatre photos qu’elle a publiées.

[18]        Le Tribunal estime utile de reprendre certains extraits du blogue :

Première photo

Le regard de la petite fille semble lointain et ne croise nullement celui de l'homme assis à ses côtés qui tient un micro à la main. Nul sourire n'éclaire son expression. Sa timidité contraste avec l'aisance de l'adulte à la barbe rousse soigneusement taillée assis à ses côtés. Ses joues roses et joufflues irradient une paisible lueur d'insouciance assombrie par la sévérité d'un voile qui quadrille le visage.

Avec sa bouille plutôt sympathique, on ne devinerait nullement que l'homme en question participe à un exercice d'évaluation destiné à une bande de jeunes enfants. Certes, le domaine est atypique : les récitations coraniques.

Le nom de l'activité est sobre tout comme l'est l'attitude des gamins qui s'y soumettent. En témoignent les quelques photos publiées sur le site Internet de l'organisme pour rendre compte de l'évènement. Pour vous en convaincre, jetez un oeil sur ceci : […] (cliquer sur l'onglet Concours de mémorisation du Saint Coran pour la vidéo et sur l'onglet photos)

Ce rituel se met en place à ville Saint-Laurent, tous les premiers dimanches du mois, sous la supervision d'adultes : tous des hommes barbus (...). Jusqu'à tout récemment, le concours était ouvert au moins de huit ans. Il est maintenant élargi au moins de dix ans.

Deuxième photo

C'est leur choix : le malaise grandissant

La gamine est coincée dans un rôle qui la dépasse. Bien sûr, certains diront que c'est son CHOIX. Comme si on pouvait choisir une religion comme on choisit un cornet de crème glace (sic). Quoique dans notre société démocratique, il suffit de brandir l'argument du choix pour justifier et valider une option quelconque. Enfin, ça ne marche pas à tous les coups mais presque!

À un moment ou un autre, vous avez certainement dû croiser l'une de ses petites filles. On ne peut pas les manquer. Alors que les garçons passent inaperçus, elles sont ensevelies sous des étoffes.

(…)

Il y a longtemps que votre conscience refuse de s'égarer dans les sombres abysses de ces quelques dérives. De toute façon, les accommodements mettant en relief les simulacres religieux, vous n'y avez jamais cru. Puis, la vertu du temps qui fait des miracles n'est qu'une vaine illusion à vos yeux. Vous le savez pertinemment, les voiles ne tomberont pas par eux-mêmes. De temps en temps, vous devez même lâcher quelque chose comme : « ça n'a pas de bon sens ! ». Tout ceci vous révolte. Et bien, sachez que vous faites partie de la grande masse silencieuse des « révoltés tranquilles ».

(…)

Troisième photo

T'en souviens-tu Djemila?

Une amie d'origine algérienne me demande souvent : te souviens-tu avoir déjà vu pareille désolation en Algérie? Jamais je n'avais vu des filles de six ans voilées. Je sais qu'au Yemen on voile et on marie les filles à 9 ans. Cela, je l'ai appris en lisant l'histoire de la petite Nojoud mariée de force à un homme, trois fois plus âgé qu'elle, pour quelques sous. Mais à Montréal, tout de même…

À force de laisser-faire, nos rues et nos écoles sont remplies d'histoires de petites filles qu'on a sacrifiées sur l'autel du respect des religions. Oui, le respect. Pas celui des femmes. Encore moins celui des enfants.

Mais tout est faux dans cette attitude. Les joies sont fausses, les rires sont faux et les regards ont un arrière goût de mélancolie. Il n'y a rien de respectueux à tolérer la souffrance de l'autre. Si quelqu'un vous dit que le soleil tourne autour de la terre, nous n'avons pas à tolérer cette erreur. La tolérance n'est surtout pas l'acceptation de l'erreur. Nous faisons fausse route en fermant les yeux sur cette inégalité flagrante et cruelle imposée à certaines petites filles musulmanes. Tout compte fait, que vaut notre société qui brade la dignité de ses enfants?

Quatrième photo

(…)

C'est typiquement ce genre de visions infernales, peut apaisantes, que les enfants sont obligés de réciter dans ces fameux concours de récitation coranique. Pourquoi leur faire apprendre par coeur des textes qu'ils ne sont d'ailleurs nullement en mesure de comprendre?

C'est pour mettre fin à cette forme de cruauté mentale et ouvrir les enfants à la pensée moderne et au regard critique que le brillant intellectuel tunisien Mohamed Charfi (1936-2008), ancien ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur a réformé de fond en comble le système éducatif de son pays, expurgeant des programmes scolaires toutes les références coraniques à connotations violentes (…).

« Je vais continuer de m'affirmer »

Pour sûr, un jour, nous regretterons nos complaisances. Moi, j'ai les larmes aux yeux à chaque fois que je croise le regard d'une petite fille voilée. À vrai dire, j'éprouve même une honte à ne pas pouvoir lui offrir ce qu'il y a de meilleur dans notre société : l'égalité.

Par moment, j'ai l'impression de vivre un long cauchemar lointain mais le brouhaha des déneigeuses me rappelle à chaque fois que je suis bien quelque part à Montréal ! (…)

[19]        Mme Benhabib témoigne qu’elle connaît bien le ou les sujets qui sont traités dans son blogue. Elle a écrit des billets et donné plusieurs conférences. Elle explique que ses commentaires ou ses critiques envers ces exercices de mémorisation et de récitation d’extraits du Coran s’appuient sur des opinions professées par deux personnes importantes dans le monde arabe : monsieur Charfi, l’ancien ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur en Tunisie et un islamologue, lui-même petit-fils d’Imam.

[20]        En vue d’écrire son texte, elle a fait certaines recherches. Elle connaissait la mosquée al-Rawdah et savait que des concours de récitation coranique s’y déroulaient. Elle a découvert les photos en allant sur le site Internet de la mosquée.

[21]        Elle souligne que les logos de la mosquée et de la « Muslim Association of Canada » étaient présents sur les photos. De plus, le nom du photographe n’était pas mentionné et aucune réserve ou restriction à leur utilisation ou diffusion n’était indiquée.

[22]        Pour elle, les photos appartenaient à ces deux entités et elles étaient publiques. Elle n’a d’ailleurs pas été empêchée de leur accéder et de les utiliser de quelque façon que ce soit. Les photos n’étaient pas techniquement « bloquées ».

[23]        En définitive, les défenderesses plaident que les commentaires exposés et les photos utilisées dans le blogue de Mme Benhabib relèvent au premier chef de l’exercice légitime de sa liberté d’expression et d’opinion et du droit du public à l'information.

[24]        Estimant que le droit au respect de sa vie privée et de celle de ses enfants a été lésé par Mme Benhabib et les deux autres défenderesses, Mme Amin réclame, pour elle-même et pour ses enfants, une indemnité totalisant 7 000 $.

[25]        Dans la mise en demeure qu’elle a fait parvenir le 19 avril 2012 au JDM, elle présentait sa position comme suit :

I am writing to inform you that I, the mother of Omar and Mariam Rakha, find that my and my children's private and civil rights were abused by publishing their photos in the article of Mme Djemila Benhabib that was posted in the Journal de Montréal on 02 March 2012 and titled "les petites filles voilées : notre grande hypocrisie".

And therefore I am claiming from you together with Journal de Montreal and the editor of Journal de Montreal the sum of$7000 in recompense.

This letter constitutes formal notice to pay me the sum of $7000 within ten days. Otherwise, Il may take legal action against you immediately and without further notice.

[26]        Séance tenante, M. Rakha mentionne que l’utilisation des quatre photos par Mme Benhabib et les commentaires qu’elle a exprimés en-dessous sont insultants pour lui et Mme Amin.

[27]        En particulier, il déclare que les photos utilisées par Mme Benhabib l’ont été hors contexte. Pendant le concours, dit-il, les enfants étaient souriants, heureux d’y participer, sans aucune pression ou souffrance (« suffering »). Ces photos, ajoute-t-il, ne représentent aucunement leur manière de vivre habituelle.

[28]        Il considère que Mme Benhabib ne les présente pas comme de véritables êtres humains (« as human »). Pour lui, les quatre photos et les commentaires qui suivent sont susceptibles d’inciter à la haine et peuvent constituer de la discrimination envers ses enfants. 

[29]        Par ailleurs, M. Rakha relève que Mme Benhabib critique le fait que les adultes présents lors du concours portaient tous la barbe. Elle ne s’est pas intéressée, dit-il, aux autres aspects de l’événement. Elle n’a pas visité la mosquée al-Rawdah, ni non plus assisté en personne au concours de mémorisation. Partant, il estime qu'elle ne voulait pas et ne pouvait pas donner une description adéquate de la réalité.

[30]        M. Rakha ajoute que les critiques de Mme Benhabib ont été fort embarrassantes et qu’elles sont prises très au sérieux par les membres de sa communauté et par sa famille. Elles jettent du discrédit sur les musulmans et sur l’approche spirituelle que les membres de sa communauté ont adoptée envers leurs enfants.

[31]        Il conclut en disant que sa famille et lui sont venus au Canada pour pratiquer leur religion et parce qu’il croyait qu'il n’y avait pas de racisme. Il est donc nécessaire dans les circonstances que Mme Amin et lui fassent valoir leurs droits devant le Tribunal.

ANALYSE ET MOTIFS

[32]        Le litige entre les parties, en essence, met en opposition des libertés et droits fondamentaux dont chacune d’entre elles se réclame et qui sont protégés par la Charte des droits et libertés de la personne[2] (« la Charte des droits et libertés ») et même le Code civil du Québec (« C.c.Q.») : le droit au respect de la vie privée et de son image, d’une part, et, d’autre part, la liberté d’expression et la liberté d’opinion.

[33]        Le Tribunal tranchera cette affaire en exposant d’abord sommairement les principales règles qui définissent le domaine d’application et la portée de chacun de ces libertés et droits fondamentaux. Puis, les appliquant aux faits prouvés, le Tribunal décidera si la réclamation de la demanderesse peut être accueillie dans le contexte décrit.

[34]        Quelques remarques préliminaires s’imposent toutefois.

[35]        En premier lieu, à quelques reprises, M. Rakha a exprimé ou laissé entendre que les commentaires de Mme Benhabib avaient porté atteinte à l’honneur ou réputation de sa famille, ainsi qu'à la sienne.

[36]        Or, ici, le Tribunal ne peut pas, en tout ou en partie, accueillir ou considérer la réclamation de la demanderesse sous l’angle de la diffamation. En effet, la Cour du Québec, lorsqu’elle siège en matière de petites créances, n’a pas compétence pour entendre une demande judiciaire dont le fondement est une conduite diffamatoire (Art. 954 C.p.c.).

[37]        Par ailleurs, toujours pendant son témoignage, M. Rakha a également mentionné que l’article ou les propos de Mme Benhabib constituaient ou équivalaient à de la discrimination envers ses deux enfants.

[38]        Le Tribunal mentionne immédiatement que ce moyen ne peut pas être retenu en l’instance.

[39]        En fait, la preuve offerte par la demanderesse n’établit pas ou ne démontre pas qu’à la suite de la parution du texte et des commentaires de Mme Benhabib dans son blogue, il en est résulté ou il est susceptible d’en résulter, de façon raisonnable, une distinction, exclusion ou préférence ayant pour effet de détruire ou compromettre l’un des droits relatifs à l’égalité qui sont reconnus à l’article 10 de la Charte des droits et libertés, en particulier la liberté de religion.

[40]        Enfin, dès à présent, le Tribunal souligne qu’il n'existe pas en droit canadien ou québécois de rang hiérarchique en matière de libertés publiques ou de droits civils[3].

[41]        Au Canada, une liberté ou un droit donné ne prime pas, de par sa nature, une autre liberté ou un autre droit civil protégés par la Charte canadienne des droits et libertés ou par la Charte des droits et libertés.

[42]        Pour décider si l’exercice d’un droit ou d’une liberté lèse ou empiète inutilement ou démesurément sur un ou d'autres libertés ou droits fondamentaux, une démarche de pondération doit nécessairement être effectuée dans les circonstances de chaque affaire. Le passage suivant, tiré de la décision rendue par le juge Lamer (dissident) dans l'arrêt Aubry c. Éditions Vice-Versa inc[4], explique l’approche qui doit être adoptée :

24    Je ne doute pas que la liberté d’expression offre aux appelants de puissants arguments selon lesquels ils ont agi de façon raisonnable.  Toutefois, comme le prescrit l’art. 9.1 de la Charte québécoise, les droits et libertés doivent s’exercer les uns par rapport aux autres, dans le respect de l’ordre public, des valeurs démocratiques et du bien-être général (voir aussi Syndicat des communications graphiques local 41-M c. Journal de Montréal, (C.A.), à la p. 458;  Towner c. Constructions H. Rodrigue inc., (C.S.), aux pp. 382 et 383).  Ainsi, les droits des appelants et de l’intimée doivent s’harmoniser dans les faits de l’espèce.  C’est le rôle que tente de jouer la notion d’intérêt public, en matière de droit à l’image comme en matière de droit à l’honneur et à la réputation (…)

             (Les références sont omises)

1.    Le droit au respect de la vie privée

[43]        La protection de la vie privée englobe celle de l'image et elle est consacrée dans la Charte des droits et libertés et dans plusieurs dispositions du C.c.Q. :

1.    La Charte des droits et libertés

5.    Toute personne a droit au respect de sa vie privée.

2.    Le Code civil du Québec

3. Toute personne est titulaire de droits de la personnalité, tels le droit à la vie, à l'inviolabilité et à l'intégrité de sa personne, au respect de son nom, de sa réputation et de sa vie privée.

35. Toute personne a droit au respect de sa réputation et de sa vie privée.

Nulle atteinte ne peut être portée à la vie privée d'une personne sans que celle-ci y consente ou sans que la loi l'autorise.

36. Peuvent être notamment considérés comme des atteintes à la vie privée d'une personne les actes suivants:

 1° Pénétrer chez elle ou y prendre quoi que ce soit;

 2° Intercepter ou utiliser volontairement une communication privée;

 3° Capter ou utiliser son image ou sa voix lorsqu'elle se trouve dans des lieux privés;

 4° Surveiller sa vie privée par quelque moyen que ce soit;

 5° Utiliser son nom, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que l'information légitime du public;

 6° Utiliser sa correspondance, ses manuscrits ou ses autres documents personnels.

(le Tribunal souligne)

[44]        La notion de vie privée en droit canadien et québécois n’est définie nulle part de façon précise et exhaustive. Elle couvre plusieurs réalités, toutes associées à une dimension individuelle, d’où son caractère essentiellement subjectif. Son étendue est souvent décrite en fonction d’une sphère territoriale, personnelle ou informationnelle[5].

[45]        Dans Aubry[6], reprenant un passage de sa décision dans l’arrêt Godbout c. Ville de Longueuil[7], la Cour suprême écrit que la protection « vise à garantir une sphère d’autonomie individuelle relativement à l’ensemble des décisions qui se rapportent à des choix de nature fondamentalement privée ou intrinsèquement personnelle ».

[46]        Les auteures Édith Deleury et Dominique Goubau[8], à cet égard, écrivent :

Le respect de la vie privée, dans les rapports entre particuliers, se traduit essentiellement par un devoir de non-immixtion, de non-ingérence dans les affaires d'autrui. C'est le droit d'être laissé tranquille, de faire respecter le caractère privé de sa personne. Ce droit comporte une multitude d'expressions : le droit de rester incognito, de ne pas être surveillé ou dérangé, le droit de rester discret dans toutes les facettes de sa vie. L'article 35 C.c.Q. vient illustrer le principe énoncé par l'article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne alors que l'art. 36 C.c.Q. énumère de manière non limitative un certain nombre d'atteintes considérées comme illicites. Cette énumération permet de circonscrire en partie le contenu du droit au respect de la vie privée (…).

[47]        Dans l’arrêt Gazette (The) (Division Southam inc.) c. Valiquette[9], la Cour d’appel écrit :

    Il est possible cependant de relever les composantes du droit au respect de la vie privée, lesquelles sont relativement précises. Il s'agit du droit à l'anonymat et à l'intimité ainsi que le droit à l'autonomie dans l'aménagement de sa vie personnelle et familiale ou encore le droit au secret et à la confidentialité (voir R. c. Dyme [1988] 2 R.C.S. 417; R. c. Duarte, [1991] 1 R.C.S. 30 (46). On inclut le droit à l'inviolabilité du domicile, à l'utilisation de son nom, les éléments relatifs à l'état de santé, la vie familiale et amoureuse, l'orientation sexuelle.

    En fait, la vie privée représente une «constellation de valeurs concordantes et opposées de droits solidaires et antagonistes, d'intérêts communs et contraires» évoluant avec le temps et variant d'un milieu culturel à un autre.

    Le droit à la solitude et le droit à l'anonymat sont reconnus de façon constante, comme éléments essentiels de la vie privée.

[références omises].

[48]        La protection de l'image d'une personne est associée au respect du droit à sa vie privée et, dans certains cas, à la protection de sa dignité et à ses droits à l'honneur et la réputation[10]. Le droit à l'image s'inscrit essentiellement dans les droits de la personnalité et, en fait, il est considéré comme une composante du droit à la vie privée.

[49]          Dans l'arrêt Aubry[11], la Cour suprême écrit :

51   (…) À notre avis, le droit à l’image, qui a un aspect extrapatrimonial et un aspect patrimonial, est une composante du droit à la vie privée inscrit à l’art. 5 de la Charte québécoise.  Cette constatation est conforme à l’interprétation large donnée à la notion de  vie privée dans le récent arrêt Godbout c. Longueuil (Ville), et dans la jurisprudence de notre Cour.  Voir R. c. Dyment, à la p. 427.

52   Dans l’affaire Godbout c. Longueuil (Ville), la Cour suprême a décidé que la protection accordée à la vie privée vise à garantir une sphère d’autonomie individuelle relativement à l’ensemble des décisions qui se rapportent à des «choix de nature fondamentalement privée ou intrinsèquement personnelle» (par. 98).  Dans la mesure où le droit à la vie privée consacré par l’art. 5 de la Charte québécoise cherche à protéger une sphère d’autonomie individuelle, ce droit doit inclure la faculté de contrôler l’usage qui est fait de son image puisque le droit à l’image prend appui sur l’idée d’autonomie individuelle, c’est-à-dire sur le contrôle qui revient à chacun sur  son identité.  Nous pouvons aussi affirmer que ce contrôle suppose un choix personnel.  Notons enfin que l’art. 36 du nouveau Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, qui ne trouve cependant pas application en l’espèce, confirme cette interprétation puisqu’il reconnaît comme atteinte à la vie privée le fait d’utiliser le nom d’une personne, son image, sa ressemblance ou sa voix à toute autre fin que l’information légitime du public.

53    Puisque le droit à l’image fait partie du droit au respect de la vie privée, nous pouvons postuler que  toute personne possède sur son image un droit qui est protégé. Ce droit surgit lorsque le sujet est reconnaissable.  Il faut donc parler de violation du droit à l’image, et par conséquent de faute, dès que l’image est publiée sans consentement et qu’elle permet l’identification de la personne.  Voir Field c. United Amusement Corp.

54    Le droit au respect de la vie privée ne saurait se confondre avec le droit à l’honneur et à la réputation inscrit à l’art. 4 de la Charte québécoise  même si, dans certains cas, une publication fautive de l’image peut, à elle seule, entraîner une atteinte à l’honneur et à la réputation.  Toute  personne ayant droit à la protection de sa vie privée, et son image étant protégée à ce titre,  les droits propres à la protection de la vie privée pourront être violés même si l’image publiée n’a aucun caractère répréhensible et n’a aucunement porté atteinte à la réputation de la personne.  En l’espèce, les juges de première instance et d’appel ont conclu que la photographie ne revêtait aucun caractère répréhensible et ne portait pas atteinte à l’honneur ou à la réputation de l’intimée.  La Cour d’appel a aussi conclu que la juxtaposition de la photographie au texte ne permettait pas une association des deux éléments, et que, de toute façon, le texte était sérieux et ne prêtait pas au ridicule.

(Références omises)

[50]        La protection du droit au respect de la vie privée n’est toutefois pas absolue ou illimitée. Dans le cadre d’une société libre et démocratique, comme l’énonce l’article 9.1 de la Charte des droits et libertés, le droit au respect de la vie privée doit céder le pas ou être modulé dans certains cas en fonction d’autres libertés ou droits fondamentaux, notamment la liberté d’expression, la liberté d’opinion et le droit du public à l’information.

2.    La liberté d’expression et d’opinion et le droit du public à l’information

[51]        La protection accordée à la liberté d’expression et à la liberté d’opinion se trouve à l’article 3 de la Charte des droits et libertés, rédigé comme suit :

3. Toute personne est titulaire des libertés fondamentales telles la liberté de conscience, la liberté de religion, la liberté d'opinion, la liberté d'expression, la liberté de réunion pacifique et la liberté d'association.

[52]        La liberté d’expression et la liberté d’opinion sont des valeurs fondamentales dans notre société libre et démocratique. Dans l'arrêt SDGMR c. Dolphin Delivery Ltd.[12], la Cour suprême (le juge McIntyre) le souligne dans les termes suivants :

La liberté d'expression n'est toutefois pas une création de la Charte.  Elle constitue l'un des concepts fondamentaux sur lesquels repose le développement historique des institutions politiques, sociales et éducatives de la société occidentale.  La démocratie représentative dans sa forme actuelle, qui est en grande partie le fruit de la liberté d'exprimer des idées divergentes et d'en discuter, dépend pour son existence de la préservation et de la protection de cette liberté.[13] 

[53]        Par ailleurs, dans Edmonton Journal c. Alberta (procureur général)[14], la Cour suprême (le juge Cory) écrit :

Il est difficile d'imaginer une liberté garantie qui soit plus importante que la liberté d'expression dans une société démocratique.  En effet, il ne peut y avoir de démocratie sans la liberté d'exprimer de nouvelles idées et des opinions sur le fonctionnement des institutions publiques.  La notion d'expression libre et sans entraves est omniprésente dans les sociétés et les institutions vraiment démocratiques.  On ne peut trop insister sur l'importance primordiale de cette notion.  C'est sans aucun doute la raison pour laquelle les auteurs de la Charte ont rédigé l'al. 2b) en termes absolus, ce qui distingue, par exemple, de l'art. 8 de la Charte qui garantit le droit plus relatif à la protection contre les fouilles et perquisitions abusives. Il semblerait alors que les libertés consacrées par l'al. 2b) de la Charte ne devraient être restreintes que dans les cas les plus clairs.[15]

[54]        Enfin, dans Société Radio-Canada c. Gilles E. Néron Communication Marketing inc.[16], la juge Louise Otis (dissidente) décrivait comme suit l’importance de ces libertés fondamentales :

[330]  Ces libertés fondamentales éclairent et soutiennent les institutions démocratiques qui sont les prolongements de la souveraineté des peuples.  Elles servent d'assise à la diffusion des idées, des opinions et du savoir. Par l'enquête, le commentaire et l'analyse, ces libertés inspirent la pensée critique et révèlent la qualité du jugement moral et intellectuel des acteurs de la vie politique et sociale.[17]

[55]        La protection accordée à la liberté d’expression et à la liberté d’opinion s’étend aussi, comme s’ils en constituaient des corollaires naturels, à la liberté de presse et au droit du public à l’information.

[56]        Le droit du public à l’information est d’ailleurs consacré à l’article 36 (5°)  C.c.Q., quoique par la négative, énonçant que peut être considérée comme une atteinte à la vie privée l’utilisation d’une image « à toute fin autre que l'information légitime du public » et à l’article 44 de la Charte des droits et libertés qui est libellé ainsi :

44. Toute personne a droit à l'information, dans la mesure prévue par la loi.

[57]        La Cour suprême, dans Aubry, confirme l’importance du droit du public à l’information de la façon suivante :

 [57]   Le droit du public à l’information, soutenu par la liberté d’expression, impose des limites au droit au respect de la vie privée dans certaines circonstances.  Ceci tient au fait que l’expectative de vie privée est réduite dans certains cas.  Le droit au respect de la vie privée d’une personne peut même être limité en raison de l’intérêt que le public a de prendre connaissance de certains traits de sa personnalité. L’intérêt du public à être informé est en somme une notion permettant de déterminer si un comportement attaqué dépasse la limite de ce qui est permis.[18]

[58]        La doctrine et la jurisprudence enseignent qu’en cas de conflit entre le droit au respect de la vie privée et la liberté d’expression ou la liberté d’opinion, qu'elle soit exercée par la presse en général ou un journaliste en particulier, la solution se trouve «dans la notion d’intérêt public et du droit du public à l’information »[19] qui, selon les circonstances propres à chaque affaire, « permettront de faire pencher la balance d’un coté ou de l’autre »[20].

[59]        Dans Aubry, la Cour suprême décide que la pondération entre le droit au respect de la vie privée et l'intérêt du public à être informé dépend non seulement de la nature de l'information véhiculée, mais aussi de la situation des intéressés[21]. Le contexte est donc fort important. Entre autres éléments dont il faut prendre en compte dans cette démarche de pondération se trouve le « consentement exprès ou tacite de la personne à la publication de son image »[22].

3.    L’application des principales règles de droit à la présente affaire

[60]        En l’espèce, eu égard à la preuve offerte de part et d’autre, le Tribunal conclut que, dans le contexte de toute l’affaire, le recours de la demanderesse doit échouer.

[61]        En premier lieu, des circonstances décrites, il ressort que la demanderesse et son conjoint, M. Rakha, volontairement, ont accepté que les photos sur lesquelles apparaissent leurs deux enfants quittent la sphère privée pour se retrouver dans le domaine public.

[62]        La preuve non contredite, en effet, établit que les parents des enfants ayant participé au concours, dont M. Rakha lui-même, ont spécifiquement demandé que des photos de leurs enfants soient prises et qu’elles soient publiées sur le site Internet de la mosquée al-Rawdah. Ce n’était pas une décision de la mosquée, seulement celle de ces parents qui l’ont prise librement.

[63]        Les photos en litige sont devenues publiques et disponibles pour tous. Aucun mécanisme n’empêchait de leur accéder ou de les transmettre. Tout au contraire, en cliquant sur l’onglet « partager », placé au-dessus et à la gauche de chacune des photos, les internautes étaient invités à transmettre les photos à d’autres personnes.

[64]        En demandant et en consentant à ce que les photos soient publiées sur un site Internet auquel le public a librement accès et en permettant, sans aucune réserve, mise en garde ou restriction, qu’elles puissent être transmises à des tiers, les parents, expressément ou tacitement, ont accepté du même coup que les photos se retrouvent dans le domaine public.

[65]        Certes, dans certaines situations, les tribunaux reconnaissent que le consentement à une prise de photos ou à leur publication dans un journal ou une revue en particulier n’a pas pour effet de permettre une utilisation ou une diffusion plus étendue que celle ayant été envisagée ou discutée au départ[23].

[66]        En l’espèce, toutefois, la thèse de la demanderesse et de M.Rakha, thèse selon laquelle l’utilisation des photos par Mme Benhabib et leur diffusion par l’entremise de son blogue, ont bafoué leur droit au respect de la vie privée, est nettement incompatible avec leur propre attitude à cet égard et avec ce qu’ils ont eux-mêmes fait pour protéger leur vie privée et celle de leurs enfants.

[67]        En fait, non seulement ont-ils consenti à ce que les photos sur lesquelles apparaissent leurs enfants soient publiées sur le site Internet de la mosquée al-Rawdah, mais, encore aujourd’hui, suivant la preuve non contredite, elles y sont toujours, bien que le blogue en litige de Mme Benhabib ait été diffusé en juillet 2012. Bien plus, toujours aujourd’hui, malgré leur revendication au sujet du droit au respect de la vie privée, il est toujours possible, sans aucune limitation ou mise en garde, d’accéder aux photos et de les transmettre à des tiers.

[68]        Par ailleurs, il est difficilement contestable que la question du port du voile par les jeunes filles et même les femmes adultes musulmanes fait l’objet de plusieurs discussions et débats publics dans plusieurs pays. En particulier, au Canada et, peut-être de façon plus remarquée, au Québec depuis quelques années. Le Tribunal, sans bien sûr qu’il ne se prononce pour un point de vue ou un autre, ne peut ignorer l’existence de ce débat public ici et l’importance qu’il revêt pour de nombreuses personnes ou groupements religieux ou communautaires.

[69]        Mme Benhabib s’est expliquée assez longuement, d’une manière fort posée du reste, pendant son témoignage. Pour elle, il est important de critiquer et aussi dénoncer le port du voile chez les jeunes filles, ainsi que cette pratique qui oblige de jeunes enfants de 8 ans et moins à mémoriser puis réciter des extraits du Coran. Elle estime, de bonne foi, que cette pratique est néfaste pour eux et qu’elle s’apparente à une méthode d’endoctrinement.

[70]        Elle est consciente que le thème développé dans son blogue est « sensible, complexe, explosif ». Par contre, elle considère qu’elle connaît bien le sujet et que c’est son devoir d’en discuter publiquement. Il s'agit là, dit-elle, de l’exercice acceptable de sa liberté d’expression et liberté d’opinion.

[71]        Le Tribunal est d'avis que les propos ou commentaires de Mme Benhabib et l’utilisation des quatre photos s’inscrivent correctement dans ce débat public. Le sujet discuté est d’intérêt public et les photos utilisées sont pertinentes, voire en lien direct, avec la ou les questions soulevées et discutées dans le blogue. Ce type de débat se justifie amplement dans les caractéristiques fondamentales dont se nourrit une société libre et démocratique.

[72]        De fait, les propos de Mme Benhabib ont fait réagir un certain nombre d’internautes. Plusieurs personnes ont exprimé leur accord avec ses commentaires, d’autres se sont montrés plutôt critiques à son égard ou concernant sa position en général ou certaines de ses affirmations en particulier. Le Tribunal note que certaines d’entre elles, de façon tout aussi légitime faut-il ajouter, ont fait valoir que d’autres rites préconisés dans d’autres religions, notamment la religion catholique, étaient autant sinon davantage condamnables que la pratique dénoncée par Mme Benhabib.

[73]        Enfin, le Tribunal estime crédibles les affirmations de Mme Benhabib suivant lesquelles, dans son blogue, elle n’a aucunement cherché à mépriser ou diminuer les enfants. En utilisant les photos, elle voulait certes dénoncer cette pratique qu’elle considère malsaine, mais elle souhaitait en même temps exposer « leur humanité ».

[74]        Le Tribunal constate que, de fait, le texte de Mme Benhabib ne constitue pas une attaque personnelle dirigée contre les enfants de la demanderesse. Elle n’exprime aucun commentaire dédaigneux ou hostile à leur égard.

[75]        En somme, dans la mesure où la protection de la vie privée pouvait toujours être soulevée dans les circonstances décrites, le Tribunal conclut que le droit que Mme Amin et M. Rakha voulaient ou pouvaient faire valoir à cet égard doit céder le pas au droit du public à l'information et à la liberté d’expression et d’opinion dont pouvaient disposer Mme Benhabib et le JDM dans le contexte prouvé.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

REJETTE la réclamation de la demanderesse, avec les frais judiciaires de 199 $.

 

 

 

__________________________________

ALAIN BREAULT, J.C.Q.

 

 

 

Date d’audience :

Le 16 février 2015

 



[1]     Le thème est développé sous le titre : « Les petites filles voilées : notre grande hypocrisie ».

[2]     RLRQ, ch. C-12.

[3]     Sinotte c. Gagnon, (C.A., 2014-09-23), 2014 QCCA 1755, SOQUIJ AZ-51110549.

[4]     (C.S. Can., 1998-04-09), AZ-98111049, J.E. 98-878, [1998] 1 R.C.S. 591.

[5]     Édith DELEURY et Dominique GOUBAU, Le droit des personnes physiques, 4è édition, Cowansville, Éditions Yvon Blais inc., 2008, pp. 183-187.

[6]     Supra, note 4, paragr. 52.

[7]     [1997] 2 R.C.S. 417.

[8]     Id. p. 187.

[9]     (C.A., 1996-12-10), SOQUIJ AZ-97011064, J.E. 97-133, [1997] R.J.Q. 30, [1997] R.R.A. 73 (rés.).

[10]    Sylvain BOURASSA, Personnes, famille et successions, Collection de droit 2013-2014, École du Barreau du Québec, vol. 3, 2013, EYB2013 CDD107, p. 28.

[11]    Supra, note 4.

[12]    [1986] 2 R.C.S. 573.

[13]    Id., p.583.

[14]    [1989] 2 R.C.S. 1326.

[15]    Id., 1336.

[16]    (C.A., 2002-10-16), SOQUIJ AZ-50147707, J.E. 2002-2014, [2002] R.J.Q. 2639, [2002] R.R.A. 1130 (rés.), voir aussi Gilles E. Néron Communication Marketing inc. c. Chambre des notaires du Québec, (C.S. Can., 2004-07-29), 2004 CSC 53, SOQUIJ AZ-50264380, J.E. 2004-1534, [2004] R.R.A. 715 (rés.), [2004] 3 R.C.S. 95

[17]    Id.

[18]    Supra, note 4.

[19]    Édith DELEURY et Dominique GOUBAU, supra, note 5, p.197.

[20]    Id.

[21]    Supra, note 4, paragr. [58] et [59].

[22]    Id., paragr. [60].

[23]    Pour des exemples, voir : Gazette (The) c. Goulet, (C.A., 2012-06-11), 2012 QCCA 1085, SOQUIJ AZ-50863958, 2012EXP-2378, J.E. 2012-1247; Bloc québécois c. Sourour, (C.A., 2009-05-13), 2009 QCCA 942, SOQUIJ AZ-50555680, J.E. 2009-1038, [2009] R.R.A. 435 ; Brisson c. Virtually Magazine, (C.S., 2002-06-27), SOQUIJ AZ-50135810, J.E. 2002-1362, [2002] R.R.A. 866.

 

 

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