Décision

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Desrosiers et Cégep de l'Abitibi-Témiscamingue

2010 QCCLP 3644

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Rouyn-Noranda

 13 mai 2010

 

Région :

Abitibi-Témiscamingue

 

Dossier :

375761-08-0904, 390492-08-0909, 390529-08-0909

 

Dossier CSST :

133735522, 103029195

 

Commissaire :

Paul Champagne, juge administratif

 

Membres :

Serge Turgeon, associations d’employeurs

 

Jean-Pierre Valiquette, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Yvan Desrosiers

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 375761-08-0904

[1]                Le 15 avril 2009, monsieur Yvan Desrosiers, le travailleur, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 11 mars 2009 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 8 janvier 2009 et elle déclare que le travailleur est capable d’exercer son emploi à compter du 22 décembre 2008.

Dossier 390529-08-0909

[3]                Le 29 septembre 2009, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 22 septembre 2009 à la suite d’une révision administrative.

[4]                Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 25 mai 2009 et elle déclare que le travailleur n’a pas subi de rechute, récidive ou aggravation le 4 mai 2009 en relation avec une lésion professionnelle du 10 septembre 2008. Elle déclare également que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais de déplacement, des aides techniques et des médicaments suivants à savoir Lorazepam, Cyclobenzaprine et le Celebrex.

Dossier 390492-08-0909

[5]                Le 29 septembre 2009, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 23 juin 2009 à la suite d’une révision administrative le 22 septembre 2009.

[6]                Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 23 juin 2009 et elle déclare que l’indemnité réduite de remplacement du revenu ne sera pas modifiée puisque le travailleur a un revenu brut égal ou inférieur au revenu brut retenu lors de la détermination de l’emploi convenable.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

Dossier 375761-08-0904

[7]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il n’avait pas la capacité d’exercer son emploi le 22 décembre 2008 puisque sa lésion n’était pas consolidée à cette date et qu’il conserve des limitations fonctionnelles permanentes de sa lésion professionnelle.

Dossier 390529-08-0909

[8]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la lésion professionnelle du 10 septembre 2008 a rendu symptomatique une condition préexistante de spondylolyse et qu’il a droit aux prestations prévues par la loi pour ce diagnostic.

Dossier 390492-08-0909

[9]                D’entrée de jeu à l’audience, le travailleur s’est désisté de sa contestation dans le dossier portant le numéro 390492-08-0909.

L’AVIS DES MEMBRES

[10]           Conformément à l’article 429.50 de la loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, le soussigné a obtenu l’avis des membres qui ont siégé auprès de lui sur les questions faisant l’objet des présentes contestations.

[11]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que le travailleur avait la capacité d’exercer son emploi à compter du 22 décembre 2008. Sa lésion professionnelle du 10 septembre 2008 était consolidée à cette date sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitation fonctionnelle.

[12]           Par ailleurs, il considère que le tribunal doit déclarer que le travailleur n’a pas subi de rechute, récidive ou aggravation et que la lésion professionnelle du 10 septembre 2008 n’a pas rendu symptomatique une condition personnelle préexistante de spondylolyse. La preuve médicale ne permet pas de conclure que la détérioration ultérieure de l’état du travailleur est en relation avec la lésion professionnelle du 10 septembre 2008.

[13]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis que l’obligation du médecin traitant d’informer le travailleur du contenu de son rapport n’a pas été respectée et qu’en conséquence son rapport final du 22 décembre 2008 est nul. Ainsi, il y aurait lieu de retourner le dossier à la CSST pour qu’une évaluation médicale soit produite selon les modalités prévues à la loi.

[14]           Dans les circonstances, la CSST ne pouvait se prononcer sur la capacité du travailleur à exercer son travail à compter du 22 décembre 2008.

[15]           Il est aussi d’avis que l’événement du 10 septembre 2008 a aggravé et rendu symptomatique une condition préexistante de spondylolyse. La preuve est à l’effet que le travailleur ne présentait pas de malaises lombaires avant l’événement du 10 septembre 2008.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[16]           La commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur avait la capacité d’exercer son emploi le 22 décembre 2008. Elle doit également décider si la lombosciatalgie et la lombalgie sur spondylolyse bilatérale L5 diagnostiquées à partir du 5 mai 2009 sont en relation avec la lésion professionnelle du 10 septembre 2008 et si le travailleur a droit aux prestations prévues par la loi pour ces diagnostics.

[17]           Le travailleur est aide de métiers pour l’employeur. Il fait ce travail depuis le début du mois d’août 2008. Il a un contrat de travail à durée déterminée qui se termine le 19 septembre 2008.

[18]           Le 10 septembre 2008, le travailleur subit une lésion professionnelle alors qu’il manipule une feuille de gypse avec un collègue de travail.

[19]           Le 11 septembre 2008, le travailleur consulte le docteur Bureau qui diagnostique une entorse dorsale.

[20]           Le 31 octobre 2008, le travailleur rencontre le docteur Louis Bellemare, médecin désigné de l’employeur. Il conclut à un diagnostic d’entorse lombaire et à la consolidation de la lésion en date de son examen soit le 31 octobre 2008. Le docteur Bellemare conclut à la suffisance des soins, à l’existence d’une atteinte permanente de 0 % et à des limitations fonctionnelles temporaires. Il mentionne dans son rapport les éléments suivants :

[…]

En ce qui nous concerne du côté musculo-squelettique, comme nous avons un doute aujourd’hui quant à l’existence d’une spondylolyse au niveau de la radiographie, des clichés obliques lombaires pourraient être obtenus aux fins de confirmer ou infirmer ce diagnostic. Si un doute persistait, une tomodensitrométrie simple à la recherche d’une spondylolyse L5 pourrait être demandée. Si un tel diagnostic survenait, il s’agit de façon claire, nette et précise d’une condition personnelle préexistante. [sic]

[…]

Pour 2 à 3 semaines supplémentaires en relation avec le rachis lombaire, et ce à titre préventif, nous recommandons comme limitations fonctionnelles :

- Éviter d’avoir à soulever, tirer, pousser, de façon répétitive ou fréquente, des charges de 15 kilos ou plus ;

- Éviter d’avoir à travailler en position accroupie;

- Éviter les mouvements répétitifs du rachis lombaire de grande amplitude articulaire.

 

[21]           Le 13 novembre 2008, le travailleur subit une tomodensitométrie lombaire. Le radiologue mentionne dans son rapport que le travailleur présente une fracture ancienne de l’apophyse transverse gauche et une spondylolyse bilatérale à L5. Son examen ne révèle la présence d’aucun signe franc d’une hernie aux 4 derniers espaces lombo-sacrés.

[22]           Le 22 décembre 2008, la docteure Molloy, médecin traitante du travailleur, remplit un rapport médical final. Elle diagnostique une entorse lombaire et elle consolide la lésion avec des limitations fonctionnelles soit d’éviter les poids de plus de 15 kg, ne pas travailler accroupi et éviter les mouvements répétitifs du rachis lombaire. Elle ajoute dans son rapport qu’elle est en accord avec le docteur Bellemare.

[23]           Les notes évolutives au dossier datées du 6 janvier 2009 font état d’une conversation entre l’agent de la CSST au dossier et la docteure Molloy. L’agent au dossier a noté que la docteure Molloy est en accord avec les conclusions du docteur Bellemare à l’effet que les limitations fonctionnelles étaient temporaires et qu’elles n’existent plus à la date de son rapport soit au 22 décembre 2008.

[24]           Les notes évolutives datées du même jour soit le 6 janvier 2009 font état d’une conversation entre l’agent de la CSST et le travailleur. L’agent avise le travailleur que ses limitations fonctionnelles sont temporaires et qu’elles se terminent le 22 décembre 2008 selon son médecin et qu’une décision sur sa capacité à travailler sera rendue.

[25]           Le 8 janvier 2009, la CSST rend sa décision à l’effet de déclarer que le travailleur a la capacité d’exercer son emploi depuis le 22 décembre 2008.

[26]           Le travailleur n’a pas repris le travail chez l’employeur. Son contrat de travail étant terminé avant le 22 décembre 2008.

[27]           Le 4 mai 2009, le représentant du  travailleur remplit un formulaire « Réclamation du travailleur » dans lequel il indique qu’il y a aggravation de l’entorse lombaire depuis les travaux légers (RRA) et de voir le rapport médical # 17504 du docteur Coulombe du 6 novembre 2008.

[28]           Le 5 mai 2009, le travailleur consulte le docteur Coulombe qui diagnostique une lombosciatalgie sur spondylolyse et il réfère le travailleur en orthopédie.

[29]           Le 7 mai 2009, le travailleur consulte le docteur Eid, orthopédiste, qui diagnostique une spondylolyse bilatérale L5 et lombalgie.

[30]           Le 25 mai 2009, la CSST rend sa décision à l’effet de refuser la réclamation du travailleur pour une rechute, récidive ou aggravation qui serait survenue le 4 mai 2009. Elle refuse également la réclamation du travailleur pour des frais de déplacement, des aides techniques et des médicaments.

[31]           Le 24 août 2009, le travailleur rencontre le docteur Gilles Roger Tremblay, chirurgien orthopédiste. Dans son expertise médicale, il mentionne les éléments suivants :

Le diagnostic à retenir en lien avec l’événement du 10 septembre 2008 est celui d’entorse lombaire.

 

En effet, le fait d’avoir à supporter une charge subitement peut engendrer une entorse lombaire, surtout chez quelqu’un qui avait déjà eu mal au dos dans le passé.

 

Le diagnostic de spondylolyse ne constitue pas une aggravation, car le spondylolyse et le spondylolisthésis sont des conditions personnelles présente depuis le développement de l’individu et qui habituellement, sans incident, ne donnent aucun problème,

 

Cependant, lorsqu’il y a un événement impliquant le rachis lombaire chez de tels patients, les douleurs peuvent persister par la suite.

 

À ce titre donc, la condition de monsieur Desrosiers représente une aggravation d’une condition pathologique pré-existante de spondylolyse et de spondylolisthésis.

 

Des limitations fonctionnelles de classe I doivent être reconnues à ce patient et, considérant l’examen clinique que nous avons aujopurd’hui, ce patient mérite un DAP de 2% à l’item 204 004, pour aggravation d’une condition pathologique pathologique pré-existante qui avait déjà été symptomatique, mais qui ne l’était pas au moment de l’accident.

 

Le port du corset est en relation avec le spondylolisthésis, mais l’usage des médicaments Célébrex et Flexéril est en relation avec la lésion professionnelle d’entorse lombaire. [sic]

 

[32]           Le 24 octobre 2009, le travailleur subit une résonance magnétique lombaire. Dans son rapport, la docteure Danielle Bédard, radiologue, rapporte les éléments suivants :

Niveau L5-S1 : spondylolyse L5 connue avec discret spondylolisthésis grade I/IV et petite hernie discale postérieure étendue se prolongeant dans les trous de conjugaison de chaque côté et un peu plus prononcée à gauche qu’à droite, qui occasionne avec le malalignement une compression de la racine L5 gauche dans le trou de conjugaison. Pas de sténose centrale et pas de sténose foraminale droite. [sic]

 

[33]           Le 2 décembre 2009, le travailleur rencontre le docteur Bellemare à la demande de la CSST afin qu’il se prononce sur la rechute, récidive ou aggravation alléguée du 4 mai 2009. Dans son rapport d’expertise, il rapporte les éléments suivants :

[…]

Il n’y a pas de signe d’atteinte médullaire aujourd’hui à l’examen objectif, l’hyoerréflexie étant diffuse et non pathologique. Les tests de mise en tension radiculaire aujourd’hui doivent être considérés comme négatifs, particulièrement le test de Faber qui est strictement négatif aujourd’hui. Il s’agit donc d’un examen objectif qui est discordant d’avec un diagnostic d’une spondylolyse symptomatique bilatérale.

[…]

Nous avons un travailleur qui était absent du marché du travail pendant 15 ou 16 ans avant qu’il ne retravaille que pendant 5 semaines avant de déclarer un événement, soit une entorse lombaire. Lors de l’investigation initiale, il a été d’emblée démontré que le travailleur était porteur  d’une spondylolyse bilatérale, spondylolyse qui sera ultérieurement confirmée par investigation paraclinique. La résonance magnétique encore ultérieurement montrera qu’il est en plus porteur d’une discopathie de type dégénérative L5-S1 (cette discopathie ne se qualifiant pas pour un diagnostic d’hernie discale L5-S1 puisqu’il n’y a pas corroboration entre le subjectif, l’objectif et le paraclinique).

Nos conclusions, le travailleur est donc porteur de 2 conditions personnelles, soit une discopathie L5-S1 en plus d’un spondylolyse L5 bilatérale avec spondylolisthésis de grade 0 à I/IV.

En conclusion sur le lien de causalité, après avoir révisé les différents critères de causalité, entre autres l’absence de détérioration objectivée suite à la consolidation de la lésion en décembre 2008, un silence médical de 5 ou 6 mois, une symptomatologie subjective partiellement corroborée et de façon discordante par un examen objectif, nous devons donc conclure qu’il n’y a pas de lien de causalité probable entre la RRA alléguée du 4 mai 2009 et l’événement initial du 10-09-2008.

 

[34]           Le docteur Bellemare a témoigné à l’audience. Il est d’avis que les douleurs du travailleur ont pour origine ses conditions personnelles soit une discopathie dégénérative au niveau L4-L5 et une hernie discale au niveau L5 qui comprime la racine à ce niveau, telle que révélée lors de la résonance magnétique réalisée le 24 octobre 2009. Selon les examens médicaux au dossier, cette hernie n’était pas présente lors des examens qui ont été faits à l’automne 2008.

[35]           Le docteur Bellemare a précisé que lors de son examen physique, le test de Faber s’est avéré normal et qu’il s’agit du test type pour déterminer si une spondylolyse est symptomatique. Son examen clinique ne permet pas de conclure à l’existence d’une spondylolyse symptomatique.

[36]           À l’audience, le représentant du travailleur a plaidé que le rapport de la docteure Molloy daté du 22 décembre 2008 ne liait pas la CSST ni le tribunal puisque le travailleur n’a pas été informé du contenu de ce rapport et que cet état de fait ne respectait pas les modalités prévues à la loi. Le même rapport amendé a été transmis à la CSST le 27 janvier 2009 avec une mention selon laquelle la lésion professionnelle avait entraîné des limitations fonctionnelles jusqu’au 22 décembre 2008.

[37]           L’article 203 de la loi se lit comme suit :

203.  Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.

 

Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant :

 

1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;

 

2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;

 

3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.

 

Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.

__________

1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.

 

[38]           Le représentant du travailleur allègue que le travailleur croyait que le 1er rapport de son médecin traitant daté du 22 décembre 2008 concluait à l’existence de limitations fonctionnelles permanentes. Par ailleurs, le travailleur n’a pas reçu le 2e rapport amendé produit par le médecin traitant qui a été déposé à la CSST le ou vers le 27 janvier 2009. Selon le représentant du travailleur, ces irrégularités contreviennent à l’article 203 de la loi qui oblige le médecin du travailleur à informer sans délai le travailleur du contenu de ses rapports.

[39]           Selon le représentant du travailleur, si la CSST n’était pas d’accord avec le rapport du médecin traitant, elle devait initier une procédure d’évaluation médicale au lieu de communiquer avec le médecin pour obtenir des précisions. Dans les circonstances, il demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer nul le rapport final du médecin du travailleur. Si telle est la décision du tribunal, puisque la lésion ne serait pas consolidée, il faudrait annuler la décision de la CSST sur la capacité du travailleur à exercer son emploi à compter du 22 décembre 2008.

[40]           Le représentant du travailleur a soumis une jurisprudence de la Cour d’appel du Québec[1] soit l’affaire Léona Lapointe. La Cour d’appel a accueilli l’appel d’un jugement de la cour supérieure et elle a fait droit à la requête en révision judiciaire présentée par la travailleuse. Dans cette affaire, le médecin traitant de la travailleuse avait référé celle-ci à un autre médecin pour la production du rapport d’évaluation médicale. Ce rapport a été transmis à la CSST sans que la travailleuse en soit informée et une décision qui lui était défavorable a été rendue par la suite. Pour la Cour d’appel, le défaut d’informer la travailleuse des rapports médicaux qui la concernent est contraire à la loi.

[41]           Le tribunal est d’avis que les circonstances dans le présent dossier diffèrent de celles présentes dans l’affaire Lapointe. Le travailleur a eu connaissance du rapport du docteur Bellemare daté du 31 octobre 2008 et de celui de la docteure Molloy daté du 22 décembre 2008. Il a témoigné à l’audience qu’il avait parlé du rapport du docteur Bellemare avec la docteure Molloy lors de sa consultation du 22 décembre 2008. Le travailleur ne pouvait donc pas ignorer que le docteur Bellemare lui accordait des limitations fonctionnelles temporaires.

[42]           L’obligation d’informer le travailleur, prévue à l’article 203 de la loi vise à permettre au travailleur de discuter avec son médecin traitant des conclusions que celui-ci retient et elle lui permet aussi de savoir si le processus d’indemnisation par la CSST va se poursuivre ou s’il doit reprendre son travail habituel chez son employeur.

[43]           Cette obligation d’information n’a pas pour but de permettre au travailleur de contester les conclusions de son médecin, ce que la loi ne permet pas, ni de lui permettre de changer de médecin s’il n’est pas d’accord[2].

[44]           Le travailleur a reçu copie du rapport de son médecin traitant qui consolidait sa lésion au 22 décembre 2008 avec la mention qu’elle était en accord avec le docteur Bellemare. Le rapport amendé de la docteure Molloy ne faisait que préciser ce qui devait déjà être connu du travailleur, à savoir que sa lésion était consolidée le 22 décembre 2008 sans atteinte permanente à l’intégrité physique, ni limitation fonctionnelle.

[45]           De plus, l’agent de la CSST au dossier a discuté avec le travailleur du contenu du rapport médical de la docteure Molloy daté du 22 décembre 2008 avant de rendre la décision sur la capacité du travailleur d’exercer son emploi.

[46]           Le tribunal conclut que le rapport amendé de la docteure Molloy apporte une précision déjà connue du travailleur. Dans les circonstances, les rapports de la docteure Molloy ont tous les effets légaux que leur donne la loi.

[47]           En l’absence de procédure d’évaluation médicale, le tribunal est lié par les conclusions du médecin qui a charge du travailleur tel que le précise l’article 224 de la loi :

224.  Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

[48]           Les conclusions du médecin qui a charge du travailleur sont que le diagnostic de la lésion professionnelle est une entorse lombaire, que cette lésion est consolidée le 22 décembre 2008 sans atteinte permanente à l’intégrité physique ni limitation fonctionnelle.

[49]           Puisque la lésion professionnelle du 10 septembre 2008 n’a pas entraîné de limitation fonctionnelle, le travailleur a la capacité d’exercer son emploi à compter du 22 décembre 2008. Sur cette question, il y a donc lieu de confirmer la décision de la CSST rendue le 11 mars 2009 à la suite d’une révision administrative.

[50]           La Commission des lésions professionnelles doit maintenant déterminer si le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation le 5 mai 2009 en relation avec sa lésion initiale du 22 septembre 2008.

[51]           L’article 2 de la loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles inclut dans sa définition de lésion professionnelle la notion de rechute, récidive ou aggravation :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

[52]           La notion de rechute, récidive ou aggravation n’est pas définie à la loi. Selon une jurisprudence bien établie[3], la rechute est une reprise évolutive, la récidive est une réapparition alors que l’aggravation est la recrudescence de la lésion ou de ses symptômes y incluant la complication de la lésion initiale.

Dans tous les cas, il doit exister une modification de l’état de santé par rapport à ce qui existait antérieurement et il doit être démontré un lien de causalité entre la lésion initiale et la modification de l’état de santé.

[53]           La jurisprudence a développé des critères permettant d’établir s’il existe une relation entre la lésion alléguée à titre de récidive, rechute ou aggravation et la lésion initiale.

[54]           Ces critères ont été énoncés dans la décision Boisvert et Halco[4] en 1995. Depuis ce temps, ils ont été cités à maintes reprises et sont toujours utiles pour analyser les réclamations pour récidive, rechute ou aggravation.

[55]           Il s’agit des critères suivants : la gravité de la lésion initiale, la compatibilité ou la similitude des sites de lésion, la continuité des symptômes, l’existence ou non d’un suivi médical, le retour au travail avec ou sans limitations fonctionnelles, la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique, la présence ou l’absence de conditions personnelles, la compatibilité des symptômes allégués lors de la récidive, rechute ou aggravation avec la nature de la lésion initiale et finalement, le délai entre la récidive, rechute ou aggravation et la lésion d’origine.

[56]           Le tribunal doit déterminer si l’événement du 10 septembre 2008 a rendu symptomatique une condition personnelle préexistante de spondylolyse L5 et si le travailleur a droit aux prestations prévues par la loi pour ce diagnostic.

[57]           Le tribunal constate que la présence d’une spondylolyse L5 avait été suspectée par le docteur Bellemare le 31 octobre 2008. Un examen par résonance magnétique réalisé le 24 octobre 2008 à la demande du médecin traitant a d’ailleurs confirmé l’existence d’une spondylolyse L5. Toutefois, le médecin traitant du travailleur n’a pas retenu ce diagnostic lors de ses rapports subséquents. Ce n’est que le 5 mai 2009 que le docteur Coulombe diagnostique une lombosciatalgie sur spondylolyse.

[58]           De l’ensemble de la preuve, le tribunal retient qu’il n’y a pas de preuve prépondérante qui lui permet de conclure qu’il y a relation entre la lombosciatalgie et la lombalgie sur spondylolyse L5 diagnostiquées en mai 2009 et la lésion professionnelle du 10 septembre 2008.

[59]           Le tribunal retient que seul le docteur Bellemare a fait les tests appropriés pour déterminer si le spondylolyse L5 est symptomatique. Il a conclu que ce n’était pas le cas. C’est donc une autre condition présente chez le travailleur qui peut expliquer ses symptômes.

[60]           Le tribunal ne peut retenir l’opinion du docteur Tremblay à l’effet que l’événement du 10 septembre 2008 a pu rendre symptomatique une condition préexistante de spondylolyse et spondylolisthésis. Son examen physique est limité et ses conclusions ne sont pas motivées.

[61]            Le travailleur présente deux conditions personnelles qui peuvent expliquer les douleurs qui l’affectent depuis le 5 mai 2009 soit une discopathie dégénérative au niveau L4-L5 et l’existence d’une hernie discale au niveau L5 avec compression sur la racine à ce niveau.

[62]           La condition personnelle du travailleur a évolué avec le temps et son état actuel relève de cette condition. Au surplus, il s’est écoulé près de 5 mois sans suivi médical entre la consolidation de la lésion initiale et la réclamation pour une rechute, récidive ou aggravation alléguée au 5 mai 2009.

[63]           En l’absence de lésion professionnelle survenue le 4 mai 2009, le travailleur n’a pas droit aux prestations prévues par la loi pour le remboursement des frais de déplacement, des frais pour les aides techniques et pour les médicaments suivants soit Lorazepam, Cyclobenzaprine et le Celebrex.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 375761-08-0904

REJETTE la requête de monsieur Yvan Desrosiers, le travailleur ;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 11 mars 2009 à la suite d’une révision administrative ;

DÉCLARE que le travailleur avait la capacité d’exercer son emploi à compter du 22 décembre 2008 ;

DÉCLARE que le travailleur n’a plus droit aux indemnités prévues par la loi après le 22 décembre 2008.

Dossier 390529-08-0909

REJETTE la requête de monsieur Yvan Desrosiers, le travailleur ;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 22 septembre 2009 à la suite d’une révision administrative ;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi de rechute, récidive ou aggravation le 4 mai 2009 et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues par la loi ;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais de déplacements, des aides techniques et des médicaments suivants soit Lorazepam, Cyclobenzaprine et le Celebrex.

 

 

 

Paul Champagne

 

Me Brian Beauchamp

Brian Beauchamp, avocat

Représentant de la partie requérante

 

Me Louis Cossette

Panneton Lessard

Représentant de la partie intervenante

 



[1]           Lapointe c. CLP et Diane Taillon et Micheline Bélanger et Diane Beauregard et Sécuribus et CSST, C.A. Montréal : 500-09-013413-034.

[2]           Gaudreau et Technologies Directes P.G. inc., C.L.P. 338249-31-0801, 11 août 2008, G. Tardif.

[3]           Dubé et Entreprises du Lalaumé enr. C.L.P. 380599-01A-0906, 21 septembre 2009, G. Tardif.

[4]          Boisvert et Halco inc. [1995] C.A.L.P. 19 .

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