Côté et Québec (Ministère de la Sécurité publique)

2014 QCCFP 24

COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

DOSSIER No :

1301312

 

DATE :

26 septembre 2014

___________________________________________________________

 

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Me Robert Hardy

___________________________________________________________

 

 

ANNY CÔTÉ

 

Appelante

Et

 

MINISTÈRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

 

Intimé

 

___________________________________________________________

 

DÉCISION

(Article 127, Loi sur la fonction publique, RLRQ, c. F-3.1.1)

___________________________________________________________

 

L'APPEL

[1]          Madame Anny Côté, cadre en établissement de détention, classe 7, en appelle de la décision du ministère de la Sécurité publique (ci-après appelé le « MSP ») de ne pas lui verser au complet l’allocation d’ambiance prévue à la Directive concernant les conditions de travail des cadres œuvrant en établissement de détention à titre d’agent de la paix à l’exclusion des directeurs des établissements de détention[1] (ci-après appelée la « Directive »). Ses fonctions à titre de cadre sont celles d’un chef d’unité d’agents de services correctionnels.

[2]          Son bulletin de paye (A-1) du 20 février 2014 indique qu’il lui est versé un montant de 219 $ à titre de « prime de risque ou d’ambiance », soit le montant correspondant à une seule journée et elle demande le paiement de la totalité de l’allocation, soit pour deux jours.

[3]          Mme Côté est une dirigeante de la Fraternité des cadres agents de la paix des services correctionnels du Québec (ci-après appelée la « Fraternité »). Elle indique, au moment de son témoignage, que son appel vise également à obtenir des éclaircissements quant aux règles d’application de l’article 45.1 de la Directive en vertu duquel l’allocation doit être versée.

[4]          Le passage pertinent de cette disposition est formulé ainsi :

S.2 -    Congés mobiles

45.1     Le cadre a droit à un congé avec traitement d’une durée maximale de 2 jours par année, soit un jour par période équivalant à 5 mois travaillés entre le 1er janvier et le 31 décembre d’une même année, en raison du contexte particulier dans lequel il exerce ses fonctions.

Ces jours de congé sont utilisés au cours de l’année où ils sont acquis, après entente avec le sous-ministre. Toutefois, lorsque le sous-ministre ne peut autoriser l’utilisation des jours de congé en totalité ou en partie, il remplace chaque jour de congé non utilisé par une allocation d’ambiance établie de la façon suivante :

[…]

Cette allocation est versée avant le 31 mars de chaque année.

[5]           Par son appel, Mme Côté demande enfin à la Commission de déterminer le sens à donner au passage : « contexte particulier dans lequel il exerce ses fonctions ». Car, suivant toujours son témoignage, non contesté à ce sujet, une allocation complète lui a toujours été versée depuis qu’elle est devenue gestionnaire en 2003.

LES FAITS

[6]          Après avoir reçu son bulletin de paye en février 2014 et constaté qu’une partie de son allocation d’ambiance ne lui avait pas été versée pour l’année 2013, Mme Côté a demandé des éclaircissements au service des relations de travail de son établissement. Elle voulait savoir si elle avait pu, par exemple, prendre un congé d’une journée au cours de 2013 et ne plus s’en rappeler. On lui a répondu que ce n’était pas le cas, mais que par ailleurs les calculs de son allocation étaient conformes aux règles applicables, qui avaient toutefois été modifiées par rapport à celles suivies en 2012.

[7]          Selon ce qu’elle a pu comprendre, le mode de calcul de l’allocation avait été changé parce que le temps de présence au travail, au sens de l’article 45.1, n’était plus considéré de la même façon qu’auparavant. Par exemple, le temps consacré à ses activités de représentante de la Fraternité, qui l’amènent à se déplacer occasionnellement, n’était plus traité comme auparavant.

[8]          Selon Mme Côté, des collègues à qui étaient attribués aussi les deux jours de congé mobile se sont trouvés dans la même situation. Elle explique que le versement de l’allocation survient à la place d’une prise de congé en temps parce qu’il serait recommandé de se faire payer les congés mobiles pour éviter d’avoir à s’absenter et d’être remplacé alors qu’on manque de gestionnaires.

[9]          Mme Côté indique qu’elle est vice-présidente de la Fraternité depuis 2007. Elle est de plus une des quatre membres du Comité de relations professionnelles (ci-après appelé le « CRP ») dont la constitution est prévue à l’article 192 de la Directive.

[10]       Pour faciliter la compréhension de la suite de la preuve, la Commission mentionne tout de suite que ce comité est composé aussi de représentants du Secrétariat du Conseil du trésor et du MSP. Il vise à maintenir de saines relations entre les parties « en étudiant des problèmes spécifiques aux cadres œuvrant en établissement de détention. Il a également comme but de discuter des problèmes d’application des conditions de travail des cadres. »

[11]       La Directive vient aussi régir le droit de s’absenter d’un représentant de la Fraternité au comité :

193.     Un cadre qui est membre du comité de relations professionnelles a le droit de s’absenter sans perte de traitement et de congé hebdomadaire pour assister aux séances de ce comité ou pour effectuer un travail jugé par le comité nécessaire à sa bonne marche.

[12]       Selon Mme Côté, la convocation à un comité paritaire provient soit d’un directeur régional de centre où elle est appelée à se rendre, soit de la direction des ressources humaines du MSP, ou encore du Secrétariat du Conseil du trésor. Le CRP quant à lui se réunit habituellement aux deux mois. Dans tous ces cas, ces rencontres de comité sont requises par l’employeur. Elles se tiennent, selon le comité, dans des locaux du Secrétariat, ou au centre de détention d’une région, ou encore dans les bureaux principaux du ministère, sur le boulevard Laurier, à Québec.

[13]       À l’opposé, les réunions auxquelles elle participe à titre d’administratrice de la Fraternité, habituellement trois fois l’an, sont avec remboursement à l’employeur, par cette organisation, des journées pour lesquelles elle est libérée de ses fonctions.

[14]       Commentant d’autres types d’absence de son travail, Mme Côté mentionne qu’au cours des années 2007 et 2008, alors qu’il y avait surcharge de travail, elle avait été invitée, comme d’autres, à prendre le moins de vacances possible, le MSP voulant éviter d’avoir à assigner d’autres cadres à leurs fonctions à un moment où, encore, il en manquait. C’est ainsi que ses vacances non utilisées ont été reportées d’année en année. De 2007 à 2010, la pénurie de gestionnaires a aussi fait en sorte que des vacances ne pouvaient pas être octroyées.

[15]       En 2012-2013, les personnes dans son cas ont été avisées qu’il était souhaité maintenant qu’elles vident leur banque de vacances accumulées, ce qu’elle a commencé à faire, en ayant alors plus de 60 jours à écouler. Toutefois, bien qu’en mars de l’an dernier on lui ait demandé de vider sa banque pour le 1er avril, techniquement cela s’est avéré impossible puisqu’elle avait plus de jours de vacances à prendre que le nombre de jours ouvrables disponibles jusqu’à la fin de la période de référence. Elle n’a pu en épuiser qu’une vingtaine.

[16]       En contre-interrogatoire, à la lecture de sa fiche d’absence (I-1), il est constaté qu’elle s’est absentée du travail, pour des périodes variables d’un à quelques jours, selon cinq types d’absence, identifiés par un code différent apparaissant parmi les 54 sortes d’absence colligées au tableau « Historique (Absence-Assiduité) » (I-2) préparé pour les besoins des services de ressources humaines. Les codes pertinents au dossier d’absence de Mme Côté pour l’année 2013 sont les suivants :

-       610 : activités syndicales remboursables par le syndicat

-       612 : activités syndicales à la charge de l’employeur

-       110 : vacances

-       730 : congé pour responsabilité parentale ou familiale

-       120 : maladie.

[17]       Lorsque la procureure du MSP suggère à Mme Côté que le problème dans son dossier tient aux codes d’absence qu’elle a utilisés et qu’il y a lieu d’inclure ou d’exclure du calcul de son allocation d’ambiance, celle-ci soutient plutôt que son inquiétude va au-delà de cette seule considération. Selon elle, ce n’est pas la première fois que la question de l’interprétation de l’article 45.1 fait surface. Mais le problème vient du fait que le MSP a changé sa méthode et utilise de nouveaux critères méconnus des membres de la Fraternité.

[18]       Enfin, Mme Côté convient que lorsqu’elle est absente pour représenter la Fraternité, ou en vacances, ou en congé de maladie ou pour responsabilité parentale, elle n’est pas en train d’exercer des fonctions comme celles qu’elle assume comme chef d’unité au centre de détention.

[19]       Par ailleurs, Mme Murielle Beaudin, responsable des ressources humaines à l’établissement de détention de Montréal où travaille Mme Côté, est venue expliquer comment son service calcule l’allocation d’ambiance.

[20]       Puisque l’allocation est versée en considération des journées « effectivement travaillées », dit-elle, on doit déduire, du nombre total de jours que devrait travailler dans une année le bénéficiaire de l’allocation, son nombre de jours d’absence, et ce, pour obtenir son nombre de jours travaillés au sens de l’article 45.1 de la Directive. 

[21]       Le résultat de cette soustraction est ensuite divisé par 22, soit le nombre moyen de jours travaillés mensuellement, ce qui donne un résultat variant de 0 à 10 ou plus. Mme Beaudin précise que si le résultat est plus de 5 (sic)[2] et moins de 10, la personne a droit à un jour de congé mobile, s’il est de 10 ou plus, il lui en est octroyé deux.

[22]       En contre-interrogatoire, elle apporte d’autres détails. À partir d’un communiqué (A-2) publié en janvier 2012 par la Direction générale des services de rémunération du Centre de services partagés du Québec (ci-après appelé le « CSPQ »), Mme Beaudin constate que, dans l’exemple présenté dans le document, il est soustrait 40 jours d’absence du nombre de jours total à travailler dans une année, soit 260 dans ce cas-là, ce qui donne un résultat de 220, lequel divisé par 22 arrive à 10, ce qui permettrait l’attribution de deux jours de congé mobile comme allocation d’ambiance.

[23]       La procureure de Mme Côté dépose sur le même sujet d’autres communiqués, l’un de janvier 2011 (A-5) et un projet (A-6) apparemment plus récent, mais sans indication de l’année de sa production. Elle soumet aussi en preuve une note de service d’octobre 2011 (A-4) préparée par le directeur des services administratifs de l’établissement de détention de Rivière-des-Prairies à l’intention de ses gestionnaires, ainsi qu’également une lettre (A-3) du service des ressources humaines de l’établissement de détention de Saint-Jérôme, adressée au président de la Fraternité, le 27 janvier 2013.

[24]       Mme Beaudin explique encore que pour éviter de pénaliser, par exemple, les personnes qui ont droit à 25 jours de vacances par année, soit celles qui ont le plus d’ancienneté, alors que les cadres qui en ont moins de dix ans ne peuvent bénéficier que de 20 jours de vacances annuellement, il a été convenu avec la Fraternité qu’un nombre de cinq jours d’absence allait être soustrait du nombre 25 pour que tous les cadres qui ont droit à l’allocation d’ambiance soient traités sur le même pied à cet égard. Au cas contraire, les cadres les plus anciens auraient, toute autre chose étant égale, moins de chance d’obtenir les deux jours de congé mobile, ou son équivalent, l’allocation d’ambiance.

[25]       Les données suivantes ont servi au calcul de l’allocation de Mme Côté : 39 jours de vacances effectivement pris moins cinq jours parce qu’elle a droit à 25 jours de vacances par année, 59 jours d’absence pour des activités de représentation de la Fraternité, dont 52 à la charge de l’employeur, 4 jours pour obligations parentales et finalement 6,5 jours de congé de maladie, soit un total de 103,5 jours d’absence à réduire du total des 261 jours qu’elle avait à travailler en 2013. La différence, soit 157,5 jours travaillés, divisés par 22, s’établissant à 7.16, Mme Côté n’avait donc droit qu’à un seul jour de congé mobile et elle s’est vu octroyer, comme allocation d’ambiance, uniquement la valeur de cette journée.

[26]       Mme Beaudin est appelée à commenter davantage le communiqué du CSPQ du 24 janvier 2012 dans lequel on décrit ce qui doit être considéré comme du temps travaillé.

Aux fins de calcul [des congés mobiles], le temps travaillé ne comprend pas les absences paie et assiduité telle que les congés de maternité, l’assurance salaire, les accidents du travail, les retraits préventifs, les vacances, les maladies, etc. L’utilisation des heures supplémentaires compensées, les congés avec traitement pour formation et perfectionnement devront être considérés comme du temps travaillé.

 

[27]       Selon Mme Beaudin, les absences prévues pour de la formation ne sont pas exclues du temps travaillé parce que celle-ci est obligatoire. De plus, la plupart du temps elle est offerte en établissement de détention, mais elle reconnaît qu’il se peut qu’elle puisse parfois se tenir ailleurs.

[28]       Par ailleurs, à sa connaissance, cette approche, d’inclure dans le temps travaillé les congés avec traitement pour la formation, n’est pas prévue dans la Directive.

[29]       Lorsqu’il lui est demandé, en rapport avec la mention et cetera du communiqué, quels sont, outre ceux apparaissant à la fiche historique d’absence de Mme Côté, les codes en vertu desquels des types d’absence peuvent aussi être inclus dans le temps travaillé, Mme Beaudin mentionne les suivants :

-       114 : heures supplémentaires compensées

-       125 : congé en compensation de la loi 102

-       128 : heures intermédiaires compensées

-       136 : congé tenant lieu d’allocation d’ambiance

-       140 : congé mobile

-       520 : congé avec traitement pour formation, perfectionnement, etc.

« Il y en a peut-être d’autres », de dire Mme Beaudin, mais « ce sont ceux dont je me souviens. »

[30]       Par ailleurs, de la longue liste de codes d’absence, le code 410 est le seul qui se décline en cinq volets :

-       participation à un examen à titre de candidat;

-       report d’un congé hebdomadaire à la suite de la participation à un comité de sélection;

-       comparution devant le tribunal administratif ou un arbitre pour RR;

-       appel de classement;

-       participation à un comité d’équité salariale.

À la question si ces types d’absence sont exclus ou inclus dans le temps travaillé d’une personne aux fins du calcul prévu à l’article 45.1, Mme Beaudin répond qu’à sa connaissance, ils devraient tous être considérés comme des absences et en conséquence être exclus du temps travaillé d’un individu.

[31]        Elle affirme qu’il n’existe pas de liste qui détaille au complet les types d’absence qui peuvent être exclus et elle ne sait pas si tous les gestionnaires des différents centres de détention appliquent la règle de calcul de la même façon.

[32]        Enfin, confrontée au raisonnement de la procureure de Mme Côté qui se demande pourquoi la formule du calcul du temps travaillé n’inclut pas les heures supplémentaires, qui sont pourtant du temps travaillé dans les mêmes conditions difficiles que celles que l’article 45.1 viendrait en partie compenser, Mme Beaudin rétorque que le modèle se fonde sur les heures régulières de travail.

[33]       Monsieur Charles Ferron, conseiller en gestion des ressources humaines (ci-après appelé « CGRH »), au service des relations de travail de la direction des ressources humaines du MSP, à Québec, est venu également témoigner des circonstances dans lesquelles le calcul des congés mobiles attribués suivant l’article 45.1 a été modifié.

[34]       Il travaille au MSP depuis octobre 2013 et dans la fonction publique depuis environ deux ans et demi. Au ministère, les CGRH se partagent les clientèles internes et quant à lui il conseille notamment les gestionnaires des établissements de détention de l’ouest du Québec sur tout ce qui entoure les relations de travail. Il agit également comme porte-parole du ministère dans les rencontres avec la Fraternité.

[35]       C’est lui qui s’est occupé de déterminer l’interprétation à donner à l’article 45.1 de la Directive. Il dit s’être fondé notamment sur une décision de la Commission[3] :

Ce que l’on comprend de l’article 45.1, c’est que c’est une prime, étant donné le contexte particulier dans lequel le cadre va effectuer ses fonctions, ses tâches, dans l’établissement de détention. C’est un contexte particulier. Cela peut être un milieu assez difficile. Alors, ces gens-là bénéficient de deux congés mobiles s’ils ont été présents dix mois dans l’année.

Nous, la manière dont on l’établit, c’est qu’on part du calcul que Mme Beaudin a établi, de 261 journées on va soustraire toutes les absences pour en arriver à voir si l’employé a été présent dans l’établissement de détention, dans ses tâches de CU [chef d’unité] pour au moins dix mois.

En contre-interrogatoire, M. Ferron précisera que le MSP avait déjà une interprétation avant la décision de la Commission, mais elle n’était pas appliquée dans tous les établissements. Selon lui, la décision de la Commission est venue clarifier l’interprétation qu’ils avaient.

[36]       Pour justifier que les jours de congé pour formation ne sont pas considérés comme des absences, M. Ferron évoque les faits suivants :

Des directives et la loi du 1 % [Loi favorisant le développement et la reconnaissance des compétences de la main-d’œuvre, RLRQ, c. D-8.3] obligent à donner de la formation. Lorsque le cadre utilise son congé, cela va de soi, on ne le compte pas.

Le reste, toutes les absences, on les retire. On revient au but : notre prétention c’est qu’il faut avoir été présent, il faut avoir vécu l’établissement pour pouvoir bénéficier de ces deux journées-là.

[37]       En contre-interrogatoire, placé devant l’apparente contradiction que le chef d’unité en formation n’est pas en train d’occuper ses fonctions de chef d’unité et donc que ces journées d’absence devraient, suivant la logique soutenue par ailleurs par le MSP, être exclues du nombre de jours travaillés, M. Ferron réplique que ces journées ne le sont pas parce que les cadres sont réellement formés pour leurs fonctions de chef d’unité.

[38]       En commentant la formule du calcul de l’allocation d’ambiance présentée par Mme Beaudin, M. Ferron complète les explications de cette dernière et précise l’exemple exposé au paragraphe 22 de cette décision, soit l’origine de la soustraction des 40 jours, du nombre de 261 jours à travailler dans une année. Comme il est mentionné à l’article 45.1 qu’il faut avoir travaillé deux périodes de cinq mois pour avoir droit aux deux congés mobiles, il est extrapolé que le cadre peut s’absenter sommairement 40 jours, soit environ les deux mois manquant à une année complète, sans être pénalisé.

[39]       À propos des jours de vacances reportés par Mme Côté, M. Ferron émet l’opinion qui suit :

Si elle avait pris ses vacances les autres années, le calcul aurait été différent dans l’année où elle les aurait utilisées. Quand on les prend une année plus tard, il y a plus de chances qu’on se fasse enlever des vacances dans l’année où on va les prendre.

De la manière que 45.1 est fait, c’est pour une absence normale dans une année et une absence normale dans une année c’est 20 jours de vacances. C’est sûr que si on les reporte d’année en année, bien on va être pénalisé à un moment donné. S’ils sont pris dans l’année où l’employé est supposé les prendre, l’employé ne sera pas pénalisé.

[40]       En contre-interrogatoire, il est demandé à M. Ferron si les absences sous le code 422, soit pour une activité reliée à la santé et à la sécurité du travail, devaient être exclues du temps travaillé. Selon lui, elles ne devraient pas l’être parce qu’elles sont en rapport direct avec les fonctions.

[41]       M. Ferron explique que par exemple un chef d’unité peut être appelé comme chef d’unité à participer à un comité de santé et sécurité au travail, sur les lieux de travail, ou encore représenter le MSP comme chef d’unité à un comité de santé et sécurité au travail, et, la plupart du temps sur des lieux de travail, comme il pourrait arriver cependant que ce soit ailleurs.

[42]       M. Ferron mentionne que l’ensemble des codes d’absence n’a pas été passé en revue pour déterminer quels types de journée seraient exclus du temps travaillé. Leur interprétation, estime-t-il, va couvrir la grande majorité des cas. Et « si les gens ont un code dont ils ne sont pas certains, ils demandent au CGRH. »

[43]       Sur la question de la prise en considération des heures supplémentaires, M. Ferron confirme l’approche exposée par Mme Beaudin. On n’en tient pas compte dans le calcul des congés mobiles puisque l’article 45.1 est fondé sur l’assiduité normale.

Je n’augmente pas le [nombre de] 261 jours à 271 si le cadre fait l’équivalent de dix jours de temps supplémentaire. Ce sont les absences qu’il faut calculer.

[44]       Dans un autre ordre d’idées, M. Ferron précise que les rencontres du CRP ont lieu à Québec et qu’à chaque occasion il faut compter trois jours d’absence pour Mme Côté, dont le jour qui précède et celui qui suit la rencontre. Pour les autres comités auxquels Mme Côté peut participer, il l’ignore.

L’ARGUMENTATION

de l’appelante

[45]       La thèse défendue par l’appelante est exposée ci-après en trois points : la pratique actuelle du calcul des congés mobiles et de l’allocation d’ambiance est imprécise, l’interprétation que fait le MSP de la notion de temps travaillé utilisée à l’article 45.1 est incorrecte et la décision de la Commission sur laquelle on dit s’être appuyé pour modifier la pratique antérieure n’est qu’une opinion qui ne fait pas jurisprudence.

La pratique imprécise

[46]       Pour la procureure de l’appelante, il y a nécessité d’interpréter l’article 45.1 de la Directive en raison du fait que cette disposition n’est pas appliquée uniformément par tous les intervenants et qu’il en découle un préjudice pour les membres de la Fraternité, dont au premier chef, Mme Côté à qui le MSP a omis de verser, contrairement à l’habitude, sa pleine allocation d’ambiance.

[47]       L’interprétation de la notion de temps travaillé, notion utilisée par Mme Beaudin dans son application de l’article 45.1, découle de plusieurs sources : d’une part, des communiqués déposés et d’autre part, des instructions que Mme Beaudin a pu recevoir du service des relations de travail du MSP. La procureure de l’appelante réfère aussi au même effet à la note de service du directeur des services administratifs de l’établissement de détention de Rivière-des-Prairies et à la lettre du service des ressources humaines de l’établissement de détention de Saint-Jérôme.

[48]       Alors que Mme Beaudin dit ignorer si les autres centres de détention appliquent l’article 45.1 de la même manière que celui où elle travaille, le manque d’uniformité dans l’application de l’article a été admis par M. Ferron. De plus, Mme Côté a déploré la confusion ainsi engendrée et le fait qu’on n’avait été incapable de lui expliquer, lorsqu’elle s’en est enquise, les motifs plus précis pour lesquels son bulletin de paye faisait état du versement de l’allocation pour l’équivalent d’une seule journée.

[49]       La procureure de l’appelante relève également que la preuve a démontré d’autres problèmes dans l’approche du MSP. Par exemple, le nombre de types d’absence qui peuvent être exclus du temps travaillé n’est pas établi clairement. Mme Beaudin, qui travaille sur le plan de l’actualisation du calcul des congés mobiles à attribuer et de l’allocation qui peut en tenir lieu, a identifié un petit nombre de codes d’absence pertinents.

[50]       M. Ferron, pour sa part, a mentionné qu’il pouvait s’ajouter le code relatif aux activités en santé-sécurité, pour finalement conclure qu’à tout événement, même s’il n’y avait pas de liste exhaustive de codes d’absence pertinents à considérer, les personnes qui avaient à appliquer l’article 45.1 pouvaient toujours consulter leur CGRH s’ils étaient face à un code dont ils n’étaient pas certains de la pertinence.

[51]       Pour la procureure, cette méthode du cas par cas reflète une approche où peut s’inscrire de l’arbitraire dans la mise en œuvre de l’article 45.1.

[52]       Ainsi, elle se demande pourquoi, par exemple, les absences qui sont reliées au travail, comme celles du code 512 pour agir comme témoin dans une cause où l’employé n’est pas une des parties, ou du code 514 pour être témoin expert, ou encore du code 414 pour cause de déménagement à la demande de l’employeur, ne sont pas exclues elles aussi du calcul du temps travaillé. Et encore, s’interroge-t-elle, à quoi finalement peut correspondre la mention et cetera qui termine, dans les communiqués de janvier 2011 et 2012 du CSPQ, l’énumération de certains codes dont les activités sont expressément exclues du temps travaillé.

[53]       Si on interprète l’article 45.1 dans un sens pour certains codes comme la formation ou les activités en santé-sécurité, on doit l’interpréter de la même façon pour les autres cas liés au travail.

[54]       Le problème principal procède du fait qu’il n’existe pas de liste complète des codes d’absence dont les activités n’ont pas à être déduites du temps travaillé.

[55]       Elle suggère que le problème vient également en partie du fait que le MSP tient à appliquer cet article de la même manière que l’article 29.01 de la Convention collective des agents de la paix en services correctionnels[4]. Or, cet article comporte de nombreuses différences avec l’article 45.1 et les deux n’ont pas à être interprétés de la même façon.

[56]       De plus, même lorsque les instructions étaient claires, elles n’ont pas été suivies dans le traitement du dossier de Mme Côté. Comme celle indiquée dans un projet de communiqué du CSPQ et confirmée dans une lettre des ressources humaines au président de la Fraternité, en janvier 2013, voulant « que les absences en code 110 (vacances) seront comptabilisées jusqu’à concurrence de 20 jours maximum dans l’année civile ». Pourtant, on n’a pas tenu compte dans le calcul des congés mobiles de Mme Côté pour cette même année 2013, qu’elle avait dû prendre davantage de vacances, à même ses jours de vacances reportés d’années précédentes, et ce, à la demande de l’employeur; on a soustrait dans son cas 39 jours de vacances du nombre de jours travaillés et pas seulement 25, soit 20 pour la période normale de vacances et cinq en raison de son ancienneté.

L’interprétation de la notion de temps travaillé

[57]       L’interprétation que le MSP fait de l’article 45.1 déborde largement du texte de cette disposition, d’après la procureure de l’appelante.

[58]       Le ministère ajoute des termes au libellé de l’article et en fait des conditions d’octroi des congés mobiles, argumente-t-elle. Mme Beaudin a mentionné que la référence dans l’article à cinq mois travaillés voulait dire « effectivement travaillés ». Il faudrait comprendre que cela signifiait que le cadre devait avoir été exposé aux conditions ambiantes d’un centre de détention, car ce seul temps de travail se qualifiait pour constituer du temps travaillé faisant partie de la prestation de travail des 261 jours de travail attendus.

[59]       Pour sa part, M. Ferron soutient en plus que le cadre doit avoir été dans ses fonctions spécifiques de chef d’unité pour que le temps travaillé puisse être reconnu comme tel au sens de l’article 45.1.

[60]       Pourtant, dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas ce qui est écrit à l’article 45.1. Le MSP ajoute, par son interprétation, une référence à un lieu et une autre à des fonctions spécifiques à exercer à l’intérieur des murs d’un centre de détention.

[61]       À ce propos, la procureure soulève la règle d’interprétation des lois relative à la présomption contre l’addition ou la suppression des termes, telle que commentée par l’auteur Pierre-André Côté.

1043.   La fonction du juge étant d’interpréter la loi et non de la faire, le principe général veut que le juge doive écarter une interprétation qui l’amènerait à ajouter des termes à la loi : celle-ci est censée être bien rédigée et exprimer complètement ce que le législateur entendait dire : « [TRADUCTION] C’est une chose grave d’introduire dans une loi des mots qui n’y sont pas et sauf nécessité évidente, c’est une chose à éviter » […][5]

[62]       Elle cite au surplus la Cour d’appel qui, dans une affaire où l’expression « jours de travail à plein temps » revêtait de l’importance, disait, après avoir repris les deux premières phrases du commentaire précité de l’auteur Côté :

L’appelante prétend que « jours de travail à plein temps » signifie « jours effectivement travaillés » […]

Le premier juge a été d’avis que l’expression doit recevoir une interprétation large et libérale et qu’elle signifie « 30 jours d’emploi ou d’occupation à plein temps », ajoutant que « s’il fallait rechercher dans chaque cas le nombre de jours réellement travaillés en mettant de côté les jours fériés ou autres jours pendant lesquels l’employé n’a pu se rendre à son travail, ceci exigerait une enquête pour chaque situation particulière, ce qui n’a certainement pas été voulue (sic) lorsque le règlement ci-haut mentionné a été rédigé. »

[…]

Considérant que la méthode grammaticale est appropriée dans les circonstances;

[…]

Considérant que l’interprétation suggérée par l’appelante nous amènerait à ajouter le mot « travaillé » aux mots « 30 jours de travail à plein temps » c’est-à-dire à interpréter l’expression comme si le législateur avait dit « 30 jours ouvrables »;

Considérant que si le législateur avait voulu s’écarter du sens courant de l’expression « travail à plein temps », il l’aurait dit clairement[6];

[…]

Sur quoi, la Cour a rejeté l’appel.

[63]       Dans ce dossier-ci, de poursuivre la procureure, il faut être en mesure de définir aussi la notion de « temps travaillé », mais pas en ajoutant aux termes de l’article 45.1 qu’il s’agit nécessairement de temps qui est consacré aux tâches habituelles du cadre, et ce, dans un centre de détention. Si cela avait été le cas, l’auteur de la directive l’aurait énoncé. « Il manque trop de mots, de dire la procureure, pour soutenir l’interprétation du MSP. »

[64]       L’article 45.1 aborde la question plutôt sous le seul angle général du « contexte particulier dans lequel il [le cadre] exerce ses fonctions ». Pour la procureure, le terme « contexte » est très large et peut inclure bien des situations, comme celle d’aller témoigner en Cour ou celle de rencontrer l’employeur pour régler des problèmes.

[65]       Revenant aux activités couvertes par le code d’absence 612 - activités syndicales à la charge de l’employeur, la procureure estime que les journées qui y ont été consacrées ne devraient pas être exclues du temps travaillé : ces activités sont intimement liées au travail et elles sont de plus réalisées à la demande de l’employeur. Il importe de retenir, précise-t-elle, que les activités réalisées à la seule demande de la Fraternité ne sont pas visées par l’appel de Mme Côté.

[66]       La procureure se demande aussi pourquoi les heures supplémentaires ne sont pas prises en compte en proportion du nombre de jours travaillés qu’elles peuvent représenter. Il serait approprié d’ajouter ces journées au nombre de celles correspondant à du temps travaillé effectué de façon régulière.

[67]       Enfin, la procureure estime qu’il faut prendre note de ce qu’elle qualifie d’incohérence de la part du MSP. Il prétend d’une part ne tenir compte que du temps effectivement travaillé, dans des fonctions de chef d’unité assumées dans un centre de détention. D’autre part, il accepte comme temps travaillé les jours consacrés à la formation donnée à l’extérieur comme à l’intérieur des murs d’un centre de détention, la même chose pouvant s’appliquer à la participation à un comité de santé-sécurité ou à ses activités connexes.

L’opinion déjà émise sur la notion de temps travaillé

[68]        Relativement à l’opinion émise dans l’affaire Bertrand qui a été à l’origine des modifications apportées par le MSP à sa façon de considérer la notion de temps travaillé dans le calcul des congés mobiles, la procureure de l’appelante insiste sur le fait qu’il s’agit d’un obiter dictum qui ne fait pas jurisprudence.

[69]       Elle cite à ce sujet l’auteur Louis-Philippe Pigeon, qui fut incidemment juge à la Cour suprême.

La ratio decidendi s’oppose à l’obiter dictum. L’obiter dictum, c’est l’opinion qu’un juge exprime en passant. Autrement dit, c’est l’interprétation qu’un juge propose sans statuer. L’obiter dictum n’est pas binding. On considère comme obiter dictum tout ce qui n’est pas impliqué dans la décision.[7]

[70]       Or, la décision rendue dans l’affaire Bertrand ne visait qu’à décider d’une objection préliminaire demandant le rejet de l’appel, objection retenue, et ce, sans que le fond de la question en litige n’ait besoin d’être traité. De toute façon, selon la procureure, ce qui était demandé dans ce dossier-là était différent des enjeux concernés dans cette affaire-ci et les codes d’absence dont on aurait pu avoir à tenir compte le cas échéant n’auraient pas été exactement les mêmes.

[71]       En conclusion, la procureure affirme que le principe du calcul du temps d’absence du travail n’est pas contesté. Mais Mme Côté n’est pas d’accord avec tous les codes d’absence qui sont exclus du temps travaillé.

[72]        Parmi les codes pertinents au dossier de Mme Côté, sa demande porte sur deux points : ses jours d’absence pour des activités de représentation de la Fraternité assumées par le MSP et réalisées à la demande de ce dernier (code 612) et parmi ses jours de vacances (code 110), ceux reportés d’années antérieures à la demande de l’employeur.

[73]       Les dispositions sur les congés mobiles sont là pour accorder des avantages aux cadres en établissement de détention et leur interprétation ne doit pas mener à des restrictions non prévues de leur application.

[74]       De plus, il importe enfin de considérer qu’une directive, en matière de relations de travail, constitue ni plus ni moins un contrat d’adhésion pour les personnes qui y sont assujetties et à ce titre elle doit, le cas échéant, être interprétée de façon large et libérale comme tout autre contrat d’adhésion, et ce, en faveur des personnes à qui la directive s’applique.

[75]       En conséquence, la procureure demande à la Commission d’accueillir l’appel de Mme Côté.

de l’intimé

[76]       La question en litige, selon la procureure du MSP, se résume à quelles sont les absences à comptabiliser pour effectuer le calcul des congés mobiles à attribuer à Mme Côté.

[77]       Suivant sa lecture de l’article 45.1, la disposition traite de deux conditions à remplir pour qu’un cadre puisse obtenir les deux jours de congé prévus :

-       un jour de congé par cinq mois travaillés, et ce,

-       dans le contexte particulier dans lequel il exerce ses fonctions.

À défaut de répondre à ces deux critères-là, le cadre n’a pas droit à ses deux congés mobiles.

[78]       Pour expliquer le sens à attribuer au mot « travaillés », la procureure s’en remet aux définitions du Dictionnaire de droit québécois et canadien[8], selon lequel le travail est une « activité qu’une personne exerce en vue de produire un bien utile ou de procurer un service »[9]. Parmi les expressions accompagnant cet énoncé, se trouve celle de contrat de travail, définie comme un contrat « par lequel une personne s’engage, pour un certain temps et moyennant rémunération, à exercer son activité professionnelle au profit et sous la direction d’une autre personne ».[10]

[79]       De ces définitions, il faut conclure que le temps de travail de Mme Côté, pour être considéré comme du temps travaillé au sens de l’article 45.1, doit comporter une prestation de travail correspondant à la fonction pour laquelle elle est rémunérée, soit celle de chef d’unité.

[80]       Quant à la deuxième condition reliée au contexte, ce contexte, à prendre en compte pour déterminer si le temps travaillé peut être ou non comptabilisé pour établir une période de cinq mois, c’est celui de l’exécution de fonctions de chef d’unité. Lorsque Mme Côté est en vacances ou en congé parental, elle n’est plus dans ses fonctions de chef d’unité et c’est pareil pour les autres absences dont la preuve a fait état.

[81]       Le contexte particulier d’un centre de détention, c’est celui d’un milieu difficile, plus stressant. Et le type de congé mobile prévu à l’article 45.1 est semblable à celui prévu pour les agents de la paix en services correctionnels. Les congés mobiles représentent un avantage consenti pour combler l’inconvénient de travailler dans un centre de détention.

[82]       La position du MSP ne tente pas d’ajouter le mot « effectivement » au mot « travaillés », comme le prétend l’appelante. Le ministère s’en tient au contexte normal du travail, soit à l’occasion de l’exercice de ses fonctions de chef d’unité.

[83]       En appui à son approche, la procureure réfère à plusieurs règles d’interprétation des lois selon la méthode grammaticale développée par l’auteur Côté[11] :

-       Le sens ordinaire ou courant d’une loi est celui qui se dégage de la simple lecture de la disposition;

-       Il faut présumer que le législateur entend les mots dans le même sens que le justiciable;

-       Il est de bonne pratique de s’en remettre aux dictionnaires pour le sens courant des mots;

-       Mais en même temps, il ne faut pas s’en tenir seulement au langage courant et aux dictionnaires, au sens ordinaire des mots, mais tenir compte également du contexte de leur utilisation et de l’objet de la disposition à interpréter.

[84]       Commentant la position de l’appelante qui suggère plutôt d’appliquer la règle d’interprétation du même auteur voulant qu’il existe une présomption contre l’addition de termes à une disposition, la procureure soumet que pour interpréter l’article 45.1, il n’est pas nécessaire de qualifier le terme « travaillés » en ajoutant le mot « effectivement », utilisé par Mme Beaudin dans son témoignage.

[85]       Ce qui peut ne pas sembler clair, précise la procureure, c’est de déterminer quels sont les codes d’absence à tenir compte ou pas dans le calcul du temps travaillé. Car, « il faut nécessairement des codes, sinon on donne les deux jours de congé mobile à tout le monde. »

[86]       Dans le cas de Mme Côté, cinq codes sont à considérer et il faut éviter de se perdre dans la prise en considération d’autres codes que ceux relevés dans sa fiche d’historique d’absence et qui ne font pas partie du litige dans ce dossier.

[87]       Les vacances (code 110), les congés de maladie (120) et ceux pour responsabilités parentales (730) sont des absences du milieu de travail. Quant aux activités pour la Fraternité, soit à la charge de celle-ci (610) ou à celle du MSP (612), durant ces jours-là, Mme Côté ne remplit pas les fonctions pour lesquelles elle est payée.

[88]       Lorsqu’elle participe au CRP ou qu’elle siège à un autre comité, Mme Côté peut agir dans ses fonctions de vice-présidente de la Fraternité, mais elle n’agit pas dans celles de chef d’unité.

[89]       Sur le plan de la règle de la meilleure preuve qui doit s’appliquer pour apprécier les faits présentés à la Commission, la procureure signale qu’il faut faire attention aux différents communiqués ou notes déposés par l’appelante, car il n’a pas été établi dans quel contexte ils ont été rédigés et distribués, même que l’un d’eux n’est qu’un projet.

[90]       Par contre, la formule du calcul des congés mobiles est bien connue : du total des jours à travailler dans une année, pour obtenir les jours travaillés au sens de l’article 45.1, on déduit les absences, sauf certaines, par exemple cinq jours soustraits au crédit annuel de vacances des cadres qui ont davantage d’ancienneté.

[91]       De la décision Bertrand qui a amené le MSP à modifier son approche dans le calcul des congés mobiles, la procureure retient le passage mentionnant que « la seule manière que cette règle [l’article 45.1] puisse produire son effet est de prendre en considération le dossier d’assiduité du cadre comme le fait le MSP. »[12] Selon elle, cette constatation a fait le tour de la question en litige.

[92]       Dans ce dossier-ci, les absences cumulées par Mme Côté en 2013 ont été de 49,5 jours en vacances, congés de maladie et congés pour responsabilités parentales, plus 59 jours pour activités pour la Fraternité, ce qui dépasse largement le seuil de 40 jours d’absence à ne pas dépasser pour obtenir les deux jours de congé mobile. Et même sans tenir compte des absences pour le compte de la Fraternité, ce nombre de jours d’absence maximal est dépassé.

[93]       En conséquence de quoi, la procureure demande de rejeter l’appel de Mme Côté qui n’avait pas droit, pour l’année 2013, à deux jours de congé mobile, et, en corollaire dans les circonstances, pas davantage au paiement de l’allocation correspondante.

en réplique

[94]        La procureure de l’appelante souligne que si les 52 jours d’activités de représentation colligés sous le code 612 à la charge de l’employeur et les jours de vacances reportés n’étaient pas exclus du temps travaillé par Mme Côté pour l’année 2013, le résultat du calcul serait différent de celui auquel le MSP est arrivé.

ANALYSE ET MOTIFS

[95]       L’appel de Mme Côté est déposé suivant l’article 127 de la Loi sur la fonction publique[13] (ci-après appelée la « Loi »), laquelle dispose que le gouvernement prévoit par règlement un recours en appel pour des fonctionnaires non syndiqués comme elle. Il s’agit du Règlement sur un recours en appel pour les fonctionnaires non régis par une convention collective[14], dont l’article 2, paragraphe 3, prévoit spécifiquement que la Directive compte parmi les matières d’appel visées par ce règlement.

[96]       La contestation de l’interprétation et de l’application d’un article d’une directive revêt un caractère administratif, non disciplinaire, et à ce titre se range parmi les recours pour lesquels le fardeau de la preuve revient à la partie en demande. C’est ainsi à Mme Côté de convaincre la Commission que sa position doit prévaloir.

[97]       Cet appel met en cause l’interprétation de l’article 45.1 de la Directive, énoncé au paragraphe 4 de cette décision. La règle de base en matière d’interprétation est de s’attarder à cet exercice que pour les dispositions qui ne sont pas claires. Dans ce cas-ci, les deux parties ont une interprétation différente de l’article 45.1.

[98]       L’appelante prétend que le MSP ajoute le qualificatif « effectivement » au mot « travaillés », avec les conséquences restrictives qui en découlent dans le calcul des jours de congé mobile dus à Mme Côté ou de l’allocation qui peut en tenir lieu. Quant au ministère, il estime que le mot « travaillés » doit se lire en conjonction étroite avec le contexte spécifique du travail d’un chef d’unité, la fonction principale et habituelle de Mme Côté, et il s’ensuit à son point de vue la nécessité d’en tenir compte dans le calcul.

[99]       Dans un premier temps, la Commission va présenter sa propre lecture de l’article 45.1, pour répondre ensuite aux trois questions soulevées par Mme Côté dans son appel. La première : est-ce que les jours d’absence pour des activités pour la Fraternité et dont le coût est remboursé par le MSP doivent être exclus du temps travaillé comptabilisé aux fins du calcul des jours de congé mobile? La seconde : est-ce que la question des vacances reportées doit être traitée de la même façon? Enfin, est-ce que Mme Côté a droit, pour l’année 2013, au versement d’une allocation complète en remplacement de deux congés mobiles?

La perspective entrevue par l’article 45.1 de la Directive

[100]    Les deux parties ont recours à la méthode grammaticale d’interprétation des textes de loi pour soutenir leur position. C’est la première des six méthodes exposées par l’auteur Côté dans son ouvrage cité précédemment et la Commission convient que c’est l’approche appropriée dans les circonstances de ce dossier. Signalons que la méthode grammaticale ou littérale, comme l’exprime Côté, se distingue de la règle de l’interprétation littérale[15]. Cette méthode met l’accent sur une approche textuelle; elle invite à tenir compte également de l’objet de la loi et du contexte dans lequel celle-ci a été adoptée.

[101]    C’est sur le premier alinéa de l’article 45.1 que porte toute l’argumentation des parties. Il convient de s’attarder d’abord à la facture que lui a donnée son auteur.

[102]     L’alinéa se compose d’une seule phrase, à l’intérieur de laquelle se situe une incise qui fournit quant à elle des paramètres pour établir mathématiquement le quantum de jours, soit un ou deux, à attribuer. Mais c’est l’attribution du congé avec traitement qui est l’objet principal de la phrase.

[103]    Au plan syntaxique, l’objet principal doit donc se lire sans l’incise et s’entendre que « le cadre a droit à un congé avec traitement d’une durée maximale de 2 jours par année en raison du contexte particulier dans lequel il exerce ses fonctions ».

[104]    La terminaison de la phrase à partir des mots « en raison du contexte… » n’est pas juxtaposée au mot « travaillés ». Elle ne vient pas expliquer les paramètres mathématiques. Cette fin de la phrase principale est à lire avec son sujet. Elle justifie simplement l’attribution du congé mobile au cadre, soit « en raison du contexte particulier dans lequel il exerce ses fonctions. » A priori, les congés mobiles sont attribués à tous les cadres qui travaillent en centre de détention.

[105]    Les congés mobiles comprennent toutefois pour chaque « année », soit le mot qui précède immédiatement l’incise, « un jour par période équivalant à 5 mois travaillés ». Le participe présent du verbe équivaloir, selon le dictionnaire, a deux sens : « avoir la même valeur en quantité que » et « avoir la même valeur ou fonction que ».[16] Étant donné que le mot « travaillés » n’est pas celui à rattacher à la notion du contexte des fonctions, comme démontré précédemment, il s’ensuit que le terme « équivalant » de l’article 45.1 doit être compris seulement dans son sens premier, soit d’avoir la même valeur en quantité.

[106]    À partir de ce constat, le lecteur peut se questionner sur ce que veut dire un jour travaillé, mais il est contraire à la syntaxe de la phrase de faire dire à son auteur que c’est le « contexte particulier… » qui conditionne les jours travaillés. C’eût été le cas que la fin de la phrase aurait été rapprochée de ce qui aurait été son objet principal, le terme « travaillés », ce qui n’est à l’évidence pas le cas.

[107]    À noter que le contexte dont il faut tenir compte, suivant l’application de la méthode d’interprétation grammaticale des lois, est celui, dans ce cas-ci de l’objet de la Directive, pas de l’objet de chacune de ses dispositions prises une à une. En ce sens, Mme Côté a raison de prétendre que dans l’ensemble la Directive détermine des droits au bénéfice des cadres, ainsi que l’agencement de ces droits les uns par rapport aux autres : le temps de travail, la rémunération, les droits parentaux, les vacances, ainsi de suite. De l’avis de la Commission, le contexte dont peut traiter une disposition particulière ne doit pas se substituer, dans l’exercice d’interprétation, au contexte général de la Directive.

[108]    Cela dit, si « les jours travaillés » ne s’expliquent pas par « le contexte particulier » et que l’auteur ne précise pas autrement en quoi consiste un jour travaillé, il faut alors donner à cette notion de jour travaillé son sens ordinaire.

[109]    Or, un jour travaillé, en logique simple, est un jour à l’occasion duquel est fournie une prestation de travail requise par l’employeur. Par exemple, c’est plus qu’un jour ouvrable, lequel n’implique pas que la prestation de travail est nécessairement fournie. Et ce ne sera pas un jour chômé payé, ou encore un jour payé, mais pour d’autres considérations que le travail requis par l’employeur.

[110]    Les parties s’entendent d’ailleurs relativement sur cet aspect. La soustraction de certains types d’absence du nombre de jours à travailler n’est pas contestée par Mme Côté; c’est le cas des congés de maladie, des vacances annuelles prises dans l’année de leur attribution, des congés pour affaires parentales, des absences dont le coût est remboursé par la Fraternité pour des activités de son unique ressort.

[111]    La première question à traiter est alors de déterminer, parmi les codes d’absence pertinents au dossier de Mme Côté, si ses absences pour activités comme représentante de la Fraternité et remboursées par le MSP doivent ou non être exclues de sa période de temps travaillé. La conclusion qui sera tirée sur ce point aidera à éclaircir le point relatif aux vacances reportées.

[112]    La Commission mentionne tout de suite qu’elle ne rend une décision que par rapport aux seuls codes d’absence dont fait état la fiche historique d’absence de Mme Côté. À titre de tribunal administratif, il n’entre pas dans sa juridiction de déterminer pour chacun de la cinquantaine de codes d’absence-assiduité s’il peut être soustrait ou non du temps travaillé. Ce genre d’exercice pourrait s’apparenter davantage à celui d’un arbitrage de différend, une activité qui n’entre pas de toute façon dans les attributions dévolues par la Loi à la Commission, et encore moins dans ses attributions de tribunal administratif.

[113]    Toutefois, cela n’empêche pas de retenir qu’à chaque fois que les activités rémunérées sont exécutées à la demande, directe ou indirecte de l’employeur, il est plus que probable qu’elles puissent être considérées comme faisant partie du temps travaillé. Par exemple, changer de lieu de résidence en raison d’une nouvelle affectation dans une ville assez distante de son lieu de travail habituel ne devrait pas être considéré sur le même pied qu’un simple déménagement de la famille d’un quartier à l’autre de sa ville. Ou encore, témoigner en cour pour un motif relié à son travail de cadre en établissement de détention n’est pas une situation à traiter comme celle de devoir comparaître dans le cours d’un procès qui ne concerne pas le cadre en tant qu’employé du MSP.

[114]    En terminant cette première partie de ses motifs, la Commission signale qu’elle ne retient pas que la position du MSP implique l’ajout du mot « effectivement » au mot « travaillés ». De toute façon, cet adverbe ne fait qu’insister sur  l’affirmation que les jours sont travaillés, ce que Mme Beaudin, selon la Commission, voulait simplement dire lorsqu’elle l’a utilisé.

 

Les activités comme représentante de la Fraternité

[115]    Le MSP exclut, du temps travaillé, celui consacré par Mme Côté à des activités qu’il juge menées pour le compte de la Fraternité, qu’elles fassent ou non l’objet d’un remboursement.

[116]    La preuve a démontré que ce n’était pas le cas avant le calcul de l’allocation d’ambiance pour l’année 2013. M. Ferron a témoigné que le MSP avait modifié la méthode de calcul à cet égard à la suite d’un changement de perspective consécutif à ce qui avait été déduit d’une décision de la Commission dans une autre affaire concernant également l’article 45.1. Relativement à cette affaire, la Commission a pris connaissance de cette autre décision et retient les arguments de Mme Côté soutenant que l’appréciation de cet article était fournie dans le cadre d’une opinion non en lien avec la conclusion de la décision et que les faits en cause étaient largement différents.

[117]    Ce qu’il faut retenir dans cette affaire-ci, c’est que la nouvelle approche du MSP s’inscrit dans la foulée de son interprétation selon laquelle l’attribution des congés mobiles est soumise à deux conditions : non seulement qu’un cadre doit avoir été présent au travail pendant la durée prévue de l’équivalent de cinq mois pour se mériter un congé mobile, donc avec une possibilité de deux congés par année, mais encore à la condition que cette présence au travail l’ait été dans les fonctions spécifiques, non pas de cadre en général, mais de chef d’unité en particulier, et ce, dans un centre de détention.

[118]     D’une part, la Commission a été incapable de retrouver la mention « chef d’unité » dans la Directive. D’autre part, c’est la durée prévue d’un jour par période de cinq mois qui peut être considérée comme une condition à remplir, pas nécessairement d’être à tout moment dans un centre de détention en train d’assumer ses tâches particulières de chef d’unité. Avec respect pour l’opinion contraire, c’est faire fausse route que de subordonner l’attribution des congés mobiles à plus de restrictions que celle qui est énoncée dans le texte de l’article 45.1.

[119]    Mme Côté a raison lorsqu’elle soutient qu’il ne faut pas ajouter des conditions là où la Directive demeure silencieuse. Si on avait souhaité que la prestation de travail attendue, au sens de l’article 45.1, soit circonscrite, comme le suggère le MSP, à l’exercice particulier des fonctions de chef d’unité strictement dans un centre de détention, cela aurait été spécifié dans la Directive.

[120]    La Commission est également d’accord avec l’appelante quant à l’interprétation large et libérale à adopter dans le cas d’une directive qui constitue, pour les personnes à qui elle s’impose, l’équivalent d’un contrat d’adhésion à interpréter le cas échéant, comme un contrat de consommation, en faveur des adhérents.

[121]    Même que les faits donnent raison à une telle approche, car en pratique le MSP considère que plusieurs types d’absence, qui ne répondent pas aux conditions qu’il dit inférer du texte de l’article 45.1, n’ont pas à être soustraits du temps travaillé. C’est le cas de la formation, pas nécessairement toujours offerte en centre de détention, tout comme les activités d’un cadre en matière de santé-sécurité. M. Ferron reconnaît lui-même qu’il peut y avoir d’autres types d’absence, que ceux de la courte liste dont pouvait se rappeler Mme Beaudin, qui ne devraient pas être soustraits du temps travaillé. La Commission est d’avis qu’il était loisible à Mme Côté d’évoquer des codes d’absence qui n’apparaissent pas dans sa fiche Historique absence-assiduité, dans le but d’éclairer la portée des premiers. De plus, il n’y a pas eu d’objection lorsque M. Ferron en a traité en contre-interrogatoire.

[122]    Le fait de ne soustraire qu’un maximum de 20 jours de vacances par année, dans le cas des cadres qui peuvent s’absenter à cet égard pendant 25 jours, est un autre exemple de l’application libérale de l’article 45.1 qu’il convient d’adopter.

[123]    Par ailleurs, il est admis que le contexte particulier mentionné à l’article 45.1 vient reconnaître le côté difficile et stressant du travail dans un établissement de détention. Mais, comme on l’a vu précédemment par l’analyse grammaticale de cet article, cette reconnaissance de principe s’applique de façon générale à l’ensemble des cadres dont la Directive régit les conditions de travail et non de façon individualisée pour mesurer l’étendue ou la portée du contexte pour chacun d’eux. Plus on voudrait préciser la nature de ce contexte par l’ajout de conditions à un énoncé général comme celui de la Directive, plus il faudrait scruter les contours du contexte pour l’apprécier à sa juste valeur : l’exercice des fonctions de chef d’unité peut être plus ou moins dangereux selon les conditions ambiantes, ou encore d’une dangerosité variable dans le temps. Pour paraphraser la Cour d’appel dans l’affaire des Services de santé du Québec, il n’a certainement pas été voulu, lorsque la Directive a été rédigée, qu’on soit tenu à mener une enquête pour chaque situation particulière.

[124]    Le seul critère prévu à l’article 45.1 pour qu’un cadre ait droit à l’avantage des congés mobiles est d’avoir travaillé, d’avoir offert la prestation de travail attendue de sa part. Or, de façon générale, un cadre en établissement de détention est appelé à travailler, par définition, dans un tel établissement. Que parmi l’ensemble des cadres, quelques-uns aient à s’absenter un certain nombre de jours du centre de détention dans une année, en raison de leur travail, comprendre en raison de ce qu’il est attendu par le MSP de leur part comme prestation de travail ou l’équivalent, ce fait ne vient pas modifier l’intention générale de l’article 45.1. Et cette intention est de leur accorder un maximum de deux jours de congé additionnels annuellement, et ce, en raison du contexte de leur emploi, pas compte tenu de la prestation quotidienne que leur emploi comporte.

[125]    Enfin, la Commission n’a pas de doute que le travail de représentation, dans le cadre du CRP ou d’un autre comité conjoint avec le MSP, ou encore avec le consentement de ce dernier, entre dans les fonctions de cadre en établissement de détention de Mme Côté. Si ce n’était pas le cas, elle ne pourrait pas y participer à ce titre. De plus, par son travail de représentante, elle procure également un service au MSP, au sens du terme « travail » du dictionnaire cité par le Ministère et rapporté au paragraphe 78 de cette décision.

[126]    Par exemple, c’est la Directive qui prévoit, à ses articles 192 et 193, la constitution du CRP, sa composition et d’autres éléments de son fonctionnement (participation à ses séances et ses travaux). C’est en tant que cadre en établissement de détention qu’elle est appelée à y consacrer de son temps de travail, et ce, sans perte de traitement précise l’article. Il est difficile d’imaginer que « discuter des problèmes d’application des conditions de travail des cadres » n’est pas en lien étroit avec ses propres fonctions de cadre. Ce l’est sûrement tout autant que d’échanger en comité avec l’employeur à propos d’autres conditions de travail comme celles en matière de santé-sécurité.

[127]    La Commission note également que les rencontres des comités sont convoquées par le MSP, se tiennent dans des locaux du ministère ou parfois dans ceux du Secrétariat du Conseil du trésor. Mme Côté n’est pas absente du travail à ces diverses occasions, même si elle n’est pas en train d’exécuter ses tâches habituelles de chef d’unité, ce que n’exige pas de toute façon, répétons-le, l’article 45.1.

[128]    L’allocation d’ambiance maximale de deux jours, qui remplace la prise des congés mobiles en temps, représente une mince partie de la rémunération annuelle de Mme Côté. Mais en refusant de comptabiliser dans son temps travaillé celui qu’elle consacre au CRP ou aux autres comités qui peuvent y être assimilés, le MSP pourrait, sans motif valable, amputer partiellement sa rémunération annuelle d’une certaine somme.

[129]     Raisonner autrement serait reconnaître qu’un cadre en établissement de détention pourrait, afin de pouvoir bénéficier des avantages de l’article 45.1, être obligé de limiter sa participation à une activité pour laquelle il est prévu dans la Directive qu’il peut s’absenter, ce qui n’a pas de sens.

[130]    Dans le calcul des congés mobiles de Mme Côté, le MSP n’a pas à soustraire, de son temps travaillé, les jours d’absence qui lui sont imputés sous le code 612, soit pour des activités de représentation de la Fraternité remboursées par le ministère.

[131]    La Commission remarque en passant que l’appellation du code 612 au tableau des codes d’absence est libellée : « Activités syndicales à la charge de l’employeur ». Ce fait supporte la prétention de Mme Côté, sans toutefois la prouver, que le MSP appliquerait l’article 45.1 aux cadres en établissement de détention de la même manière que l’article 29,01 des agents de la paix en établissement de détention qui forment un groupe syndiqué[17]. Pourtant les libellés respectifs de ces deux dispositions présentent bien des différences et il est imprudent de présumer qu’elles veulent dire la même chose. Assimiler les congés mobiles d’un groupe à celui d’un autre peut s’avérer une solution pratique pour éviter d’allonger une liste de codes déjà étoffée. Mais il y un raccourci à ne pas franchir quant à l’interprétation et l’application de ces deux articles. D’autant plus que l’article 29,01 de la convention collective des agents ne prévoit pas la possibilité d’une allocation d’ambiance.  

Les vacances reportées

[132]    La question du traitement à apporter aux vacances reportées se pose de la façon suivante dans le calcul des congés mobiles :

-       les vacances reportées doivent-elles être considérées simplement comme les autres jours d’absence non travaillés et donc être soustraites du nombre de 261 jours qui sont à être travaillés dans une année?

-       Ou encore, est-ce que la règle qui veut qu’il ne puisse être soustrait du temps à travailler, à titre de vacances annuelles, plus de 20 jours par année, doit prévaloir? En conséquence de quoi, le nombre de jours de vacances additionnels à 20 n’aurait pas à être soustrait des 261 jours à être travaillés, sauf bien sûr pour les cinq jours d’un cadre qui bénéficie par exemple de 25 jours de vacances par année.

[133]    Dans le cas de Mme Côté, la différence serait de 14 jours. Elle a pris 39 jours de vacances en 2013; comme, selon son ancienneté, elle a droit à 25 jours de vacances par année, ainsi dans le calcul des congés mobiles, des 261 jours qu’elle avait à travailler, il lui a été soustrait de ce nombre 14 jours d’absence pour des vacances reportées (39 - 20 - 5 = 14).

[134]    De la preuve, il doit être retenu que, simplement en termes de calcul, l’utilisation de vacances reportées pénalise un cadre. Comme l’a expliqué M. Ferron : « C’est sûr que si on les reporte [les jours de vacances] d’année en année, bien on va être pénalisé à un moment donné. S’ils sont pris dans l’année où l’employé est supposé les prendre, l’employé ne sera pas pénalisé. »

[135]    La Commission est d’avis que les vacances reportées doivent être considérées comme les autres types d’absence soustraites du temps à travailler, soit selon la nature du motif à l’origine de l’absence.

[136]     Si le jour de vacances reporté l’a été de par la seule volonté du cadre, alors lorsqu’il est repris dans une année subséquente, il devrait être soustrait du temps travaillé de cette année-là. Car dans le calcul des congés mobiles de l’année au cours de laquelle ces vacances auraient dû être normalement prises, le cadre s’est vu soustraire, de son temps travaillé, un nombre inférieur de jours à ce qu’il aurait dû.

[137]    Par contre, si des jours de vacances sont reportés à la demande du MSP, le cadre concerné n’a pas à être pénalisé au moment de reprendre ces absences. Car, pour avoir obtempéré à une instruction de son employeur au moment du report, pour éviter de devoir le remplacer, ou au moment de la reprise de vacances reportées, alors qu’on lui demande comme dans ce cas-ci de vider sa banque de vacances, le cadre se verrait possiblement diminuer une certaine partie, en temps ou en allocation d’ambiance selon le cas, des congés mobiles qui lui sont accordés suivant l’article 45.1.

[138]    Pour les vacances reportées, comme pour les autres types d’absence, la logique veut que les jours non travaillés, à déduire du nombre normal de jours qu’une personne a à travailler dans une année, correspondent, en principe, à des absences du travail non requises par l’employeur.

L’allocation d’ambiance due à Mme Côté pour 2013

[139]    Comme mentionné précédemment, le fardeau de la preuve dans cette affaire repose sur Mme Côté et il lui revenait de démontrer, d’une façon prépondérante qu’elle avait droit à la totalité de l’allocation d’ambiance revendiquée pour l’année 2013.

[140]    La Commission a reconnu que ses jours d’absence pour une participation à des activités au nom de la Fraternité, mais non remboursés par celle-ci, n’avaient pas à être soustraits de sa période de temps travaillé dans l’année 2013. Quant au nombre de jours concernés, l’allégation qu’il se montait à 52 a été confirmée par le MSP suivant sa compilation dans la fiche Historique d’absence-assiduité, sous le code 612, soit des absences à la charge de l’employeur.

[141]    Sur la question du report des vacances, la Commission souligne que la Directive encadre cet aspect de la façon suivante :

121.     Sauf permission expresse du sous-ministre de reporter des vacances à une date ultérieure, celles-ci doivent se prendre au cours de l’année durant laquelle elles sont dues.

122.     Les vacances accumulées peuvent être prises, de façon continue ou discontinue en jours ou demi-jours, sous réserve de leur approbation par le directeur du service, à la discrétion du cadre.

[142]    Ainsi, un cadre peut de sa propre initiative demander de reporter des vacances qui lui sont dues.

[143]     Dans cette affaire, la preuve de Mme Côté s’est limitée à décrire les contextes dans lesquels le MSP avait d’une part, au cours de certaines années, demandé à des cadres de reporter leurs vacances annuelles et d’autre part, en 2103, leur avait demandé de vider leur banque de vacances accumulées.

[144]    Mais, au-delà d’affirmer qu’elle avait utilisé, en 2013, 14 jours de sa banque de vacances accumulées, Mme Côté, dans sa preuve, n’a pas fourni de détails quant à la composition de cette banque. Est-ce qu’elle est composée uniquement de jours de vacances qui ont été reportés à la demande de l’employeur, ou en partie à sa demande comme le permet l’article 121 de la Directive? Il n’a pas davantage été précisé en preuve si les 14 jours de vacances, puisés dans la banque de jours de vacances accumulés et qui ont été utilisés en 2013, étaient des jours qui avaient été reportés à la demande du MSP ou à celle de Mme Côté.

[145]    La Commission est consciente qu’il ne semble pas y avoir de code d’absence dans la fiche Historique d’absence-assiduité pour indiquer la nature différente des vacances reportées. Mais cela ne dispense pas une personne, qui veut tirer parti d’une facette de ses conditions de travail, de faire la preuve de ce qu’elle suggère.

[146]    Dans les circonstances, la Commission estime qu’il y a absence de preuve suffisante quant à la nature du contenu de la banque et des 14 jours de vacances additionnels utilisés par Mme Côté en 2103. En conséquence, la Commission ne peut conclure que Mme Côté puisse exiger que ces 14 jours d’absence ne soient pas soustraits de son temps travaillé pour cette année-là.

[147]    Si le calcul du nombre de congés mobiles, qui pouvait lui être attribué pour 2013, est repris en tenant compte des motifs qui précèdent, il en résulte qu’au lieu de soustraire 103,5 jours d’absence aux 261 jours à travailler par Mme Côté, il faut plutôt n’en retirer que 51,5 (soit 103,5 - 52 c. - à-d. les codes 612). Le nouveau résultat de 209,5 (261-51,5), divisé ensuite par 22, suivant la formule applicable, produit un quotient de 9,5. Ce nombre étant inférieur au seuil de 10 nécessaire pour attribuer deux jours de congé mobile pour cette année 2013, l’allocation d’ambiance au montant de 219 $ versée par le MSP à Mme Côté pour la valeur d’une seule journée est conforme à la Directive.

[148]    Par ailleurs, la Commission ne retient pas l’argument de Mme Côté voulant que des heures supplémentaires puissent s’ajouter au nombre de 261 heures utilisé dans la formule du calcul des congés mobiles. Comme l’a précisé avec raison M. Ferron, c’est à partir des heures régulières qu’est élaborée cette formule, ce qui est tout à fait logique selon la Commission. Des heures supplémentaires constituent une exception, au régime régulier d’horaire, qui n’a pas à être prise en compte dans une formule visant à attribuer un avantage relié à une situation régulière d’application générale à tous les cadres et non une situation individualisée, tel qu’il en a été conclu aux paragraphes 123 et 124 de cette décision.

POUR CES MOTIFS, la Commission :

ACCUEILLE EN PARTIE l’appel de Madame Anny Côté;

DÉCLARE QUE les jours d’absence compilés à la fiche de l’Historique absence-assiduité de Mme Côté, sous le code 612, soit des absences pour des activités de représentation de la Fraternité des cadres agents de la paix des services correctionnels du Québec, absences à la charge de l’employeur, n’ont pas à être soustraits de son temps à travailler aux fins du calcul des congés mobiles, ou de l’allocation d’ambiance le cas échéant, dont elle bénéficie en vertu de l’article 45.1 de la Directive concernant l’ensemble des conditions de travail des cadres œuvrant en établissement de détention à titre d’agents de la paix à l’exclusion des directeurs des établissements de détention;

DÉCLARE QUE des jours de vacances reportés à la demande, le cas échéant, du MSP n’ont pas à être soustraits non plus, au moment de leur utilisation en vacances additionnelles aux 25 jours de vacances auxquels Mme Côté a droit pour une année courante;

REJETTE, pour l’année 2013 et pour absence de preuve suffisante quant à la nature exacte des jours de vacances alors reportés, la demande de Mme Côté d’un versement  additionnel d’une somme de 219 $ à titre d’allocation d’ambiance en lieu et place d’un jour de congé mobile additionnel.

 

_____________________________

Robert Hardy, avocat

Commissaire

 

Me Christine Beaulieu

Procureure de l’appelante

 

Me Claudine Alcindor

Procureure pour l’intimé

 

Lieu et date de l’audience :

Montréal, 11 juin 2014

 



[1]     C.T. 170451 du 11 avril 1989 et ses modifications.

[2]     Il serait plus logique de penser que Mme Beaudin voulait dire plutôt « 5 et plus et moins de 10 », mais ses propos sont rapportés tels qu’enregistrés. De toute façon, cette précision n’a pas d’incidence sur les questions principalement en litige dans ce dossier.

[3]     Bertrand c. Ministère de la Sécurité publique, CanLII 52140 (QC CFP).

[4]     Convention collective des agents de la paix en services correctionnels du Québec 2010-2015. Site intranet gouvernemental, onglets Ressources humaines - Portail des ressources humaines - Conditions de travail - Conventions collectives - Agents de la paix en services correctionnels 2010-2015, p. 61 :

29,01 L’employé a droit à un maximum de trois (3) congés mobiles avec traitement d’une durée maximale de huit (8) heures chacun, soit un jour et demi par période équivalent [sic] à cinq (5) mois travaillés en temps régulier entre le 1er avril et le 31 mars de l’année suivante, en raison des fonctions exclusives des agents des services correctionnels et des agents de soins de santé.

Ces congés sont utilisés au cours de l’année où ils sont acquis, après entente avec le sous-ministre. Ces congés ne sont pas reportables d’une année à l’autre, ni monnayables. Ils peuvent être utilisés dans le cadre de la remise de temps prévue à l’article 30,06.

Ces congés ne sont pas tenus en compte dans le ratio de vacances prévu à l’article 34,05.

[5]     CÔTÉ, Pierre-André. Interprétation des lois, Les Éditions Thémis, 4e édition, 2009, 865 p., p. 317.

[6]     Services de santé du Québec c. Compagnie d’assurance Standard Life, AZ-96011731, p. 2-4.

[7]     PIGEON, Louis-Philippe. Rédaction et interprétation des lois, Les Publications du Québec, 1986, p. 98.

[8]     Reid, Hubert. Dictionnaire de droit québécois et canadien, Wilson & Lafleur, 4e édition, 2010.

[9]     Idem, p. 600.

[10]    Précité, note 7, p. 600.

[11]    Précité, note 5, p. 299 et ss.

[12]    Précitée, note 3, par. 74.

[13]    RLRQ. c. F-3.1.1.

[14]    RLRQ, c. F-3.1.1, r. 5.

[15]    Précité, note 5, p. 295 et p. 322-325.

[16]    Le Petit Robert 2013, Paris, p. 917.

[17]    La Commission note qu’il en est de même quant à la notion d’heures supplémentaires à laquelle réfère le communiqué du CSPQ de janvier 2012 (A-2). Cette notion n’existe pas dans la Directive, mais elle apparaît à la section 42 de la Convention collective des agents de la paix en services correctionnels du Québec. Cela n’empêche pas les parties, MSP et Fraternité, d’y référer au plan pratique comme la preuve l’a démontré lors des témoignages de Mme Beaudin (par. 29) et M. Ferron (par. 43), alors que le chapitre VI - temps de travail, de la Directive, n’utilise pas l’expression « heures supplémentaires ».

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.