Décision

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Décision

 

 
COMITÉ DE DISCIPLINE

Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

33-17-2050

 

DATE :

6 novembre 2018

 

 

LE COMITÉ :

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président

Mme Suzanne Havard Grisé, courtier immobilier

M. Georgios Stathakis, courtier immobilier

Membre

Membre

 

 

RICHARD FRIGON, ès qualités de syndic adjoint de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec

 

Partie plaignante

 

c.

 

MARCO MELFI, (A2419)

 

Partie intimée

 

 

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

 

 

ORDONNANCE DE NON-DIVULGATION, NON-PUBLICATION ET

NON-DIFFUSION DES PIÈCES P-11, P-12 ET P-14,

LE TOUT SUIVANT LES ARTICLES 95 DE LA

LOI SUR LE COURTAGE IMMOBILIER ET 39 DU RÈGLEMENT

SUR LES INSTANCES DISCIPLINAIRES

 

 

[1]       Le 28 septembre 2018,  le Comité de discipline de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (« le Comité ») est réuni pour disposer de la plainte disciplinaire logée contre l’intimé Marco Melfi dans le présent dossier.

 

[2]       Lors de cette audition, M. Richard Frigon, ès qualités de syndic adjoint, est présent et représenté par Me Emmanuelle Ouimet-Deslauriers.

 

[3]       Quant à l’intimé Marco Melfi, il est présent et représenté par Me Meriem Amir.

 

I.          La plainte et le plaidoyer de culpabilité

 

 

[4]       Voici ce que le syndic adjoint Richard Frigon reproche à l’intimé :

 

«1. Entre le ou vers le 27 octobre 2014 et le ou vers le 26 août 2016, à Montréal, alors qu'il agissait comme dirigeant de l'agence immobilière Comel Courtage immobilier Inc., l'Intimé a permis et/ou toléré qu'il y ait plus d'un compte général en fidéicommis ouvert par l'agence pour laquelle il agissait, commettant ainsi une infraction à l'article 28 du Règlement sur les dossiers, livres et registres, la comptabilité en fidéicommis et l'inspection des courtiers et des agences, aux articles 62, 69 et 70 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité et à l'article 19 de la Loi sur le courtage immobilier.

 

2. Entre les mois de janvier et septembre 2016, à Montréal, alors qu'il agissait comme dirigeant de l'agence immobilière Comel Courtage immobilier Inc., l'Intimé ne s'est pas assuré:

a) que la comptabilité du compte général en fidéicommis soit maintenue à jour;

b) qu'une conciliation mensuelle du compte général en fidéicommis soit effectuée;

commettant ainsi, à chacune de ces occasions, une infraction aux articles 1, 2 et 37 du Règlement sur les dossiers, livres et registres, la comptabilité en fidéicommis et l'inspection des courtiers et des agences, aux articles 62, 69 et 70 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité et à l'article 19 de la Loi sur le courtage immobilier.

 

3. À Montréal, alors qu'il agissait comme dirigeant de l'agence immobilière Comel Courtage immobilier Inc., l'Intimé a utilisé des sommes d'argent à des fins autres que celles pour lesquelles elles avaient été remises à ladite agence en retirant ou permettant que soient retirées illégalement et/ou prématurément les sommes suivantes du compte en fidéicommis:

a) le ou vers le 22 février 2016, une somme de 10 000 $;

b) le ou vers le 24 février 2016, une somme de 15 000 $;

c) le ou vers le 4 mars 2016, une somme de 10 000 $;

d) le ou vers le 18 mars 2016, une somme de 15 000 $;

e) le ou vers le 8 avril 2016, une somme de 15 100 $;

f) le ou vers le 20 avril 2016, une somme de 1 200 $;

g) le ou vers le 22 juin 2016, une somme de 18 500 $;

commettant ainsi, à chacune de ces occasions, une infraction aux articles 9, 62, 69 et 70 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité, à l'article 25 du Règlement sur les dossiers, livres et registres, la comptabilité en fidéicommis et l'inspection des courtiers et des agences et aux articles 10, 19 et 20 de la Loi sur le courtage immobilier.

 

4. À compter du 10 juin 2016, concernant l'immeuble sis au [...], à Montréal, alors qu'il agissait comme dirigeant de l'agence immobilière Comel Courtage immobilier Inc. et que l'agence immobilière Via Capital de l'Est M.T. avait délégué la gestion de son compte en fidéicommis à celle-ci, l'Intimé ne s'est pas assuré de conserver dans le compte général en fidéicommis la somme de 3 000 $ remise par le promettant-acheteur Jean-Marc Montigny à titre d'acompte, commettant ainsi une infraction à l'article 25 du Règlement sur les dossiers, livres et registres, la comptabilité en fidéicommis et l'inspection des courtiers et des agences, aux articles 9, 10, 62, 67 et 69 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité et aux articles 10 et 19 de la Loi sur le courtage immobilier. »

 

[5]       Me Amir informe le Comité que son client plaide coupable à l’ensemble des chefs de la plainte. Questionné par le Comité, l’intimé confirme qu’il reconnaît les faits mentionnés à la plainte.

 

[6]       En conséquence, et séance tenante, le Comité prend acte du plaidoyer de l’intimé et le déclare coupable des infractions reprochées.

 

[7]       Sur le chef 1, l’intimé est trouvé coupable d’avoir contrevenu à l’article 62 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.

 

[8]       Quant aux chefs 2a) et 2b), l’intimé est trouvé coupable d’avoir enfreint l’article 1 du Règlement sur les dossiers, livres et registres, la comptabilité en fidéicommis et l’inspection des courtiers et des agences.

 

[9]       Cette dernière disposition se lit comme suit :

 

« Art. 1. Le courtier ou l’agence doit tenir les registres et dossiers prescrits par le présent chapitre et les maintenir à jour.

Dans le cas d’un courtier qui agit pour une agence, les obligations liées à la tenue des registres et dossiers sont déléguées à l’agence. Le courtier doit lui transmettre sans délai tous les renseignements nécessaires à cette fin. »

 

[10]    Sur les chefs 3a) à 3g) inclusivement ainsi que sur le chef 4, l’intimé est trouvé coupable d’avoir contrevenu à l’article 9 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité qui stipule ce qui suit :

 

« Art. 9. Le titulaire de permis ne doit pas utiliser ni prêter un bien, dont la garde lui a été confiée par une partie qu’il représente ou une partie à une transaction, à des fins autres que celles pour lesquelles ce bien lui a été confié, à moins d’une autorisation écrite à cet effet. »

 

 

[11]    Un arrêt conditionnel des procédures est ordonné sur les autres dispositions réglementaires et législatives invoquées au soutien de chacun des chefs de la plainte.

 

[12]    Cela étant, nous procédons à l’audition sur sanction et les procureurs nous présenterons une recommandation commune sur sanction.

 

 

II.         Preuve sur sanction

 

 

[13]    Les parties conviennent de déposer en preuve les pièces P-1 à P-24

 

[14]    La pièce P-24 est un résumé des faits négocié par les procureurs.

 

[15]     À la demande des parties, les pièces P-11, P-12 et P-14 seront frappées d’une ordonnance de non-divulgation, non-diffusion et non-publication et ce, considérant les renseignements bancaires qui s’y retrouvent.

 

[16]    Le résumé des faits (P-24) nous révèle ce qui suit :

 

« 1. L’Intimé est titulaire d’un permis de courtier immobilier depuis le 1er mai 2010 et antérieurement à cette date, il était titulaire d’un certificat de courtier immobilier agréé (A2419) depuis le 14 janvier 1994, tel qu’il appert de l’attestation signée par Sophie Desfossés, pièce P-1 ;

2. Comel Courtage Immobilier inc. (« Agence ») a été titulaire d’un permis d’agence immobilière (G5685) du le 1er avril 2014 au 30 avril 2017, tel qu’il appert de l’attestation signée par Sophie Desfossés, pièce P-2 ;

3. L’Agence faisait affaires sous le nom « Via Capitale Harmonie », tel qu’il appert de la pièce P-2 ;

4.Le dirigeant d’agence était l’Intimé, tel qu’il appert de la pièce P-2 ;

5. L’Intimé a été titulaire d’un permis d’agence immobilière (F3569) du 1er mai 2010 au 1er avril 2014, tel qu’il appert de l’attestation signée par Sophie Desfossés, pièce P-3 ;

6. L’Intimé est l’unique actionnaire et administrateur de l’Agence, tel qu’il appert de l’état de renseignements d’une personne morale au registre des entreprises, pièce P-4;

7. L’Intimé a un antécédent disciplinaire, tel qu’il appert de la décision du Comité de discipline dans le dossier 33-02-0647, pièce P-5 ;

Chef 1

8. Entre les 27 octobre 2014 et 26 août 2016, l’Intimé a permis qu’il y ait plus d’un compte général en fidéicommis d’ouvert pour l’Agence, soit :

a. du 28 mars 2014 au 27 avril 2015, un compte général en fidéicommis auprès de l’institution financière TD Canada Trust, tel qu’il appert de la déclaration d’ouverture d’un compte général en fidéicommis pour ledit compte du 3 mai 2014 et de la confirmation de fermeture, pièce P-6 ;

b. du 27 octobre 2014 à ce  jour, un compte général en fidéicommis auprès de l’institution financière Caisse Desjardins Ahuntsic, tel qu’il appert de la déclaration sous serment d’Estherline Desrameaux-Simon, Analyste-Conseil, Contrôle, Risques et Conformité de la Caisse Desjardins du Centre-nord de Montréal, pièce P-7 ;

c. du 24 avril 2015 au 31 août 2016, un compte général en fidéicommis auprès de l’institution financière BMO, tel qu’il appert de l’affidavit de documents bancaires de Michel Bujold, employé de la BMO, pièce P-8 ;

d. du 27 juillet au 20 décembre 2016, un compte général en fidéicommis auprès de l’institution financière Caisse Desjardins Pointes-aux-Trembles, tel qu’il appert du journal des opérations dudit compte, pièce P-9

Chefs 2 et 3

9. Entre les mois de janvier et septembre 2016, l’Intimé ne s’est pas assuré qu’une conciliation mensuelle du compte général en fidéicommis soit effectuée ;

10. De même, entre les mois de janvier et septembre 2016, l’Intimé ne s’est pas assuré que la comptabilité du compte général en fidéicommis soit maintenue à jour, tel qu’il appert du registre des opérations au compte général en fidéicommis de la Banque de Montréal pour 2016, pièce P-10, et des relevés mensuels du compte en fidéicommis de BMO du 24 avril 2015 au 31 août 2016, pièce P-11 ;

11. Ainsi, les sommes suivantes sont retirées du compte général en fidéicommis et déposées ou transférées au compte opération de l’Agence, pièce P-12 :

a. le ou vers le 22 février 2016, une somme de 10 000 $ (pièce P-11, p. 27 et pièce P-12, p. 273) ;

b. le ou vers le 24 février 2016, une somme de 15 000 $ (pièce P-11, p. 28 et pièce P-12, p. 273) ;

c. le ou vers le 4 mars 2016, une somme de 10 000 $ (pièce P-11, p. 30 et pièce P-12, p. 291) ;

d. le ou vers le 18 mars 2016, une somme de 15 000 $ (pièce P-11, p. 30 et pièce P-12, p. 293) ;

e. le ou vers le 8 avril 2016, une somme de 15 100 $ (pièce P-11, p. 33 et pièce P-12, p. 310) ;

f. le ou vers le 20 avril 2016, une somme de 1 200 $ (pièce P-11, p. 33 et pièce P-12, p. 311) ;

g. le ou vers le 22 juin 2016, une somme de 18 500 $ (pièce P-11, p. 44 et pièce P-12, p. 326) ;

12. Or, ces retraits du compte général en fidéicommis BMO n’apparaissent pas au registre, pièce P-10 ;

13. Selon le registre, pièce P-10, toutes les sommes déposées au compte général en fidéicommis proviennent de transactions à instrumenter ;

14. Toutefois, les sommes mentionnées ci-dessus sont retirées ou transférées alors qu’elles ne correspondent pas à des transactions à instrumenter de façon contemporaine, tel qu’il appert des fiches JLR pour les propriétés visées par les transactions pour lesquelles des acomptes ont été déposés au compte général en fidéicommis et pour lesquelles il n’y a aucun chèque correspondant audit compte, pièce P-13, du registre, pièce P-10, et du compte général en fidéicommis BMO, pièce P-11 ;

15. Selon le compte opération, pièce P-12, en l’absence du transfert des sommes ci-dessus mentionnées, le compte aurait été à découvert ;

16. En effet, sans les transferts des sommes visées aux paragraphes 12a) b), le compte courant aurait été à découvert le 24 février 2016 d’une somme de 20 182,80$ alors que  l’Agence n’a pas de marge de crédit avec l’institution financière BMO ;

17. De même, sans les transferts des sommes visées aux paragraphes 12c) d), le compte courant aurait été à découvert le 31 mars 2016 d’une somme de 24 315,11$ ;

18. Lors du transfert de la somme visée au paragraphe 12e), le compte courant affichait un découvert de 15 027,64$ ;

19. Sans le transfert de la somme visée au paragraphe 12g), le compte courant aurait été à découvert le 22 juin 2016 d’une somme de 16 339,01$ ;

20. Quant à la somme visée au paragraphe 12f), il s’agit d’une somme retirée à deux reprises du compte général en fidéicommis puisqu’au même moment, un chèque à l’ordre de l’Intimé a été émis, tel qu’il appert de la pièce P-11, p.33, 34 et 37 ;

21. Au 30 juin 2016, le compte en fidéicommis BMO affichait également un solde négatif alors qu’il aurait dû être de 42 284,13$, tel qu’il appert de la conciliation mensuelle du Plaignant en liasse avec le registre des opérations au compte général en fidéicommis à la Caisse Populaire pour 2016, pièce P-14 ;

22. Le 1er septembre 2016, l’Agence transmet une lettre à ses créanciers afin de les aviser de sa situation financière, de son plan pour honorer les créances et du fait que l’Intimé se porte personnellement garant de ces créances, tel qu’il appert notamment de deux exemplaires de ladite lettre destinée à des créanciers différents, pièce P-15 ;

23. Entre temps, le 16 septembre 2016, un séquestre intérimaire aux biens de l’Agence a été nommé, tel qu’il appert du jugement de la Cour supérieure dans le dossier 500-11-051285-167, pièce P-16 ;

24.Ces engagements, pièce P-15, n’ont pas été respectés ;

25. À cette date, des rétributions sont dues par l’Agence à des courtiers collaborateurs dans plus de huit transactions ;

26. D’ailleurs, le Service Assistance a reçu plusieurs demandes d’Assistance de courtiers immobiliers, de dirigeants d’agence ou de parties aux transactions qui craignaient de perdre les sommes d’argent qui leur revenaient ;

27. En décembre 2016, le Syndic a dû intervenir auprès du séquestre intérimaire afin de s’assurer que certaines sommes détenues en fidéicommis soient conservées et remises aux parties à la transaction ;

28.Le 3 février 2017, l’Agence a déclaré faillite.

29.Selon l’Intimé :

a. Entre 2014 et 2015, il a procédé à l’acquisition de trois agences dont la gestion administrative était déficiente et pour lesquelles une fusion administrative devait être faite ; 

b. Avec l’acquisition des trois agences en l’espace de 18 mois, il est devenu « trop gros trop vite » ;

c. Après plusieurs mois à tenter de mettre de l’ordre dans la gestion administrative et dans la comptabilité des agences, il a mandaté, en mars 2016, une firme comptable externe afin de faire la conciliation des comptes ainsi que la comptabilité commune des agences ;

d. Vers le mois de mai 2016, la firme comptable externe termina la conciliation des comptes et rédigea les états financiers pour l’année 2015 ;

e. Par la suite, soit entre mai 2016 et juin 2016, la firme comptable externe a tenté de concilier les comptes pour l’année 2016, sans succès puisque l’information était difficile à obtenir de la part de l’intimé ;

f. Vers le mois de juillet 2016, alors que le système de gestion administrative de Via capital Harmonie était en transition de Ez-max à Gimmie, toutes les données enregistrées dans le système ont été perdues, et ce pendant plusieurs semaines ;

g. Par conséquent, la conciliation des comptes pour la période de janvier à septembre 2016 n’a pu être effectuée ;

h. Entre les mois de septembre 2016 et décembre 2016, l’intimé n’avait plus accès à l’information pertinente lui permettant d’effectuer la conciliation des comptes puisque celle-ci était en possession du franchiseur et du séquestre intérimaire qui avait repris le contrôle des agences de l’intimé ;

i.Il n’a pas autorisé les transferts visés par le chef numéro 3 de la plainte ;

j. L’Agence bénéficiait d’un transit de 400 000$ auprès de Desjardins Pointes-aux-trembles, de 25 000$ auprès de Desjardins Ahuntsic et de 200 000$ auprès de BMO ;

k. Il avait l’intention de n’avoir qu’un seul compte en fidéicommis, mais cela a pris plus de temps que prévu vu le retard pris dans la conciliation des comptes pour l’année 2015 ;

 

Chef 4

30. Le ou vers le 11 janvier 2016, Michel Tremblay, courtier immobilier et dirigeant de l’agence Via Capitale de l’Est M.T., délègue la gestion de son compte en fidéicommis à l’Agence, tel qu’il appert de l’avis de délégation des obligations liées à l’établissement et au maintien d’un compte en fidéicommis et de l’acceptation de l’Agence du 18 janvier 2016, pièce P-17 ;

31.         L’agence Via Capitale de l’Est M.T. partage les mêmes locaux que l’Agence ;

32. Le ou vers le 9 février 2016, Michel Tremblay signe à titre de représentant de l’agence Via Capitale de l’Est M.T. un contrat de courtage pour la vente de l’immeuble sis au [...] à Montréal, tel qu’il appert de la fiche descriptive No. Centris 23572989, pièce P-18 ;

33. Le 18 mai 2016, le promettant-acheteur Jean-Marc Montigny et le vendeur s’entendent notamment pour un prix de vente de 280 000$ ainsi que la remise d’un acompte de 3 000$ à la levée des conditions, tel qu’il appert de la promesse d’achat PAD 04387 et des contre-propositions CP 09963 et 15403, pièce P-19 ;

34. Le ou vers le 26 mai 2016, l’agence Via Capitale de l’Est M.T. reçoit un chèque au montant de 3 000$ du promettant-acheteur pour l’acompte, chèque qu’il remet à l’Agence, tel qu’il appert d’une copie du chèque 004, pièce P-20 et du reçu de dépôt en fidéicommis, pièce P-21 ;

35. Le 10 juin 2016, le chèque est déposé dans le compte en fidéicommis BMO de l’Agence, tel qu’il appert de la pièce P-10 ;

36. Le 13 septembre 2016, le notaire instrumentant la transaction demande la remise de l’acompte, tel qu’il appert du courriel de Marie-Claude de l’Équipe Michel Tremblay à Stéphane Roy et Michelle Demange du13 septembre 2016, pièce P-22 ;

37. Malgré plusieurs demandes auprès de l’Agence, l’acompte de 3 000$ n’est pas remis au notaire ;

38. Le 4 octobre 2016, l’agence Via Capitale de l’Est M.T. transmet une facture au notaire pour sa rétribution, déduction faite de l’acompte détenu en fidéicommis par l’Agence, tel qu’il appert de l’échange courriels entre l’Équipe Michel Tremblay et le notaire Caroline Reilly du 4 et 18 octobre 2016 et de ladite facture, pièce P-23 ;

39. À ce jour, malgré plusieurs demandes, l’agence Via Capitale de l’Est M.T. n’a pas été remboursée par l’Agence. »

 

 

[17]     Me Ouimet-Deslauriers nous résume les faits saillants de la présente affaire.

 

[18]    Dit simplement, en plus de ne pas maintenir à jour sa comptabilité en fidéicommis, l’intimé finançait le fonds de roulement de son agence à même les sommes qu’il détenait en fidéicommis pour le compte de ses clients.

 

[19]    Inutile de dire, en effet, que ce comportement déviant est objectivement très grave, qu’il est préjudiciable au public et de nature à ternir l’image de la profession.

 

 

III.        Recommandation commune sur sanction

 

 

[20]    Me Ouimet-Deslauriers nous fait part des critères applicables de même que des facteurs objectifs et subjectifs qui doivent guider le Comité pour imposer une sanction qui reflète la gravité de celle-ci tout en tenant compte des circonstances particulières du dossier.

 

[21]    Dans le cas qui nous occupe, l’intimé est un courtier d’une grande expérience, il n’a pas d’antécédent disciplinaire en semblable matière[1] et il a plaidé coupable à la première occasion.

 

[22]    Sur le chef 1, Me Ouimet-Deslauriers est d’avis qu’il s’agit uniquement d’une infraction de nature technique.

 

[23]    Quant au chef 2, il ne s’agit pas d’un simple manquement comme pour le chef 1. La comptabilité en fidéicommis doit être tenue à jour et faire l’objet d’une conciliation mensuelle. Ne pas le faire constitue une grave infraction qui met en péril les sommes confiées au courtier immobilier.

 

[24]    Relativement aux chefs 3 et 4, ces infractions se situent au cœur de la profession et sont de nature non seulement à ébranler la confiance du public, mais elles ont également pour effet de ternir l’image du courtier immobilier.

 

[25]    Les parties se sont entendues pour que le Comité impose les sanctions suivantes à l’intimé, à savoir :

 

·        Chef 1 : une amende de 2 000 $;

 

·        Chef 2a) : une amende de 4 500 $ ;

 

 

·        Chef 2b) : une amende de 4 500 $;

 

·        Chefs 3a) à 3g) : une suspension de 18 mois; et

 

·        ORDONNER une restriction des activités professionnelles de l’intimé en lui interdisant d’être désigné comme dirigeant d’agence pour une période de 5 ans; et

·        ORDONNER une restriction des activités professionnelles de l’intimé en lui interdisant d’être signataire de tout document relatif à la gestion d’un compte en fidéicommis régi par la Loi sur le courtage immobilier pour une période de 5 ans;

 

·        Chef 4 : une suspension de 18 mois; et

 

·        ORDONNER une restriction des activités professionnelles de l’intimé en lui interdisant d’être désigné comme dirigeant d’agence pour une période de 5 ans; et

·        ORDONNER une restriction des activités professionnelles de l’intimé en lui interdisant d’être signataire de tout document relatif à la gestion d’un compte en fidéicommis régi par la Loi sur le courtage immobilier pour une période de 5 ans;

 

·        CONSIDÉRANT la globalité de la sanction, RÉDUIRE le montant total des amendes à la somme globale de 2,000 $;

 

·        ORDONNER que les périodes de suspension à être imposées aux chefs 3a) à 3g) et 4 soient purgées de façon concurrente entre elles pour une suspension totale de 18 mois.

 

[26]    Un avis de la décision de suspension devra être publié dans le journal que le Comité juge le plus susceptible d’être lu par la clientèle de l’intimé et tous les frais de l’instance seront à la charge de l’intimé, incluant ceux se rapportant à la publication de l’avis de la décision de suspension.

 

[27]    Afin d’appuyer la recommandation commune, Me Ouimet-Deslauriers nous réfère notamment aux précédents jurisprudentiels suivants :

 

·        ACAIQ c. Châles, 1996 CanLII 17291 (QC OACIQ)

 

·        ACAIQ c. Poitras, 2007 CanLII 86835 (QC OACIQ)

 

·        ACAIQ c. Séguin, 2007 CanLII 86826 (QC OACIQ)

 

·        ChAD c. Ngankoy, 2013 CanLII 82450 (QC CDCHAD)

 

·        Chambre de la sécurité financière c. Cloutier, 2017 QCCDCSF 57 (CanLII)

 

[28]    Me Amir n’a pas de représentations additionnelles à soumettre au Comité. Elle s’en remet à l’argumentaire développé par la partie plaignante.

 

IV.        Analyse et décision

 

 

A)      La recommandation commune

 

[29]    Depuis longtemps, les tribunaux reconnaissent l’importance qu’un comité de discipline doit accorder aux recommandations communes.

 

[30]    Plus récemment, la Cour suprême du Canada confirmait que les recommandations communes sont essentielles au bon fonctionnement de la justice[2].

 

[31]    Dans cet arrêt, la Cour suprême précise que le Comité doit faire preuve de retenue lorsque les procureurs des parties présentent une recommandation commune sur sanction.

 

[32]    Ci-après quelques extraits pertinents de cet arrêt important, à savoir :

 

 

« [40] En plus des nombreux avantages que les recommandations conjointes offrent aux participants dans le système de justice pénale, elles jouent un rôle vital en contribuant à l’administration de la justice en général. La perspective d’une recommandation conjointe qui comporte un degré de certitude élevé encourage les personnes accusées à enregistrer un plaidoyer de culpabilité. Et les plaidoyers de culpabilité font économiser au système de justice des ressources et un temps précieux qui peuvent être alloués à d’autres affaires. Il ne s’agit pas là d’un léger avantage. Dans la mesure où elles font éviter des procès, les recommandations conjointes relatives à la peine permettent à notre système de justice de fonctionner plus efficacement. Je dirais en fait qu’elles lui permettent de fonctionner. Sans elles, notre système de justice serait mis à genoux, et s’effondrerait finalement sous son propre poids.

 

[41] Cependant, comme je l’ai mentionné, la présentation de recommandations conjointes ne reste possible que si les parties sont très confiantes qu’elles seront acceptées. Si elles doutent trop, les parties peuvent plutôt choisir d’accepter les risques d’un procès ou d’une audience de détermination de la peine contestée. Si les recommandations conjointes en viennent à être considérées comme des solutions de rechange insuffisamment sûres, l’accusé en particulier hésitera à renoncer à un procès et à ses garanties concomitantes, notamment la faculté cruciale de mettre à l’épreuve la solidité de la preuve du ministère public.

 

[42] D’où l’importance, pour les juges du procès, de faire montre de retenue et de ne rejeter les recommandations conjointes que lorsque des personnes renseignées et raisonnables estimeraient que la peine proposée fait échec au bon fonctionnement du système de justice. Un seuil moins élevé que celui-ci jetterait trop d’incertitude sur l’efficacité des ententes de règlement. Le critère de l’intérêt public garantit que ces ententes de règlement jouissent d’un degré de certitude élevé. »

 

(nos soulignements)

 

[33]    Or, il est manifeste que la sanction proposée dans le présent dossier est conforme au critère de l’intérêt public et ne fait pas échec au bon fonctionnement du système de justice disciplinaire.

 

[34]    Voilà pourquoi, séance tenante, le vice-président du Comité a confirmé aux parties que la recommandation commune serait entérinée.

 

B)        Décision

 

[35]    Tel qu’établi par la Cour d’appel dans l’arrêt Pigeon c. Daigneault[3], la sanction doit atteindre les objectifs suivants : la protection du public, la dissuasion du professionnel de récidiver, l'exemplarité à l'égard des membres de la profession qui pourraient être tentés de poser des gestes semblables et finalement, le droit du professionnel visé d'exercer sa profession.

 

[36]    Dans la présente affaire, le Comité est d’avis que la sanction recommandée par les parties colle aux faits du présent dossier.

 

[37]    Elle est donc entérinée sans réserve par le Comité.

 

 

Par CES MOTIFS, LE COMITÉ DE DISCIPLINE :

 

PREND ACTE du plaidoyer de culpabilité de l’intimé sur chacun des chefs de la plainte ;

DÉCLARE l’intimé coupable du chef 1 pour avoir contrevenu à l’article 62 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs 2a) et 2b) pour avoir contrevenu à l’article 1 du Règlement sur les dossiers, livres et registres, la comptabilité en fidéicommis et l’inspection des courtiers et des agences;

DÉCLARE l’intimé coupable des chefs 3 et 4 pour avoir contrevenu à l’article 9 du Règlement sur les conditions d’exercice d’une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité;

PRONONCE un arrêt conditionnel des procédures à l’égard des autres dispositions réglementaires et législatives alléguées au soutien des chefs d’accusation susdits;

Chef 1 :

ORDONNE à l’intimé de payer une amende de 2 000 $;

Chef 2a) :

ORDONNE à l’intimé de payer une amende de 4 500 $;

Chef 2b) :

ORDONNE à l’intimé de payer une amende de 4 500 $;

Chefs 3a) à 3g) inclusivement :

IMPOSE la suspension du permis de courtier immobilier (A2419) de l’intimé pour une période concurrente de 18 mois, à être purgée à l’expiration du délai d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où il en redeviendra titulaire;

ORDONNE une restriction des activités professionnelles de l’intimé en lui interdisant d’être désigné comme dirigeant d’agence pour une période de 5 ans, à être purgée à l’expiration du délai d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où il en redeviendra titulaire;

ORDONNE une restriction des activités professionnelles de l’intimé en lui interdisant d’être signataire de tout document relatif à la gestion d’un compte en fidéicommis régie par la Loi sur le courtage immobilier pour une période de 5 ans, à être purgée à l’expiration du délai d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où il en redeviendra titulaire;


 

Chef 4 :

IMPOSE la suspension du permis de courtier immobilier (A2419) de l’intimé pour une période concurrente de 18 mois, à être purgée à l’expiration du délai d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où il en redeviendra titulaire;

ORDONNE une restriction des activités professionnelles de l’intimé en lui interdisant d’être désigné comme dirigeant d’agence pour une période de 5 ans, à être purgée à l’expiration du délai d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où il en redeviendra titulaire;

ORDONNE une restriction des activités professionnelles de l’intimé en lui interdisant d’être signataire de tout document relatif à la gestion d’un compte en fidéicommis régie par la Loi sur le courtage immobilier pour une période de 5 ans, à être purgée à l’expiration du délai d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où il en redeviendra titulaire;

CONSIDÉRANT le principe de la globalité de la sanction, RÉDUIT les amendes à la somme globale de 2 000 $;

ORDONNE que les périodes de suspension susdites soient purgées de façon concurrente entre elles pour une période de suspension totale de 18 mois;

ORDONNE qu’un avis de la présente décision soit publié, aux frais de l’intimé, dans le journal que le Comité juge le plus susceptible d’être lu par la clientèle de l’intimé et ce, à l’expiration du délai d’appel si l’intimé est titulaire d’un permis délivré par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec ou, à défaut, au moment où il en redeviendra titulaire;

RÉITÈRE l’ordonnance de non-publication, de non-divulgation et de non-diffusion rendue séance tenante relativement à la pièce P-11, P-12 et P-14 en vertu des articles 39 du Règlement sur les instances disciplinaires de l’OACIQ[4] et 95 de la Loi sur le courtage immobilier[5];

CONDAMNE l’intimé au paiement de tous les déboursés, incluant les frais de publication d’un avis de la présente décision.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

____________________________________

Me Daniel M. Fabien, avocat

Vice-président du Comité de discipline

 

 

 

 

____________________________________

Mme Suzanne Havard Grisé, courtier immobilier

Membre

 

 

 

 

____________________________________

M. Georgios Stathakis, courtier immobilier

Membre

 

 

Me Emmanuelle Ouimet-Deslauriers

 

Procureure de la partie plaignante

 

 

 

Me Meriem Amir

 

Procureure de la partie intimée

 

 

 

 

 

Date d’audience: 28 septembre 2018

 

 



[1] Voir la pièce P-5;

[2] R. c. Anthony-Cook, 2016 CSC 43 QCTP 5 (CanLII);

[3]  2003 CanLII 32934 (QC CA), aux paragraphes 38 et suivants;

[4] Règlement sur les instances disciplinaires de l’OACIQ, RLRQ, C-73.2, r 6;

[5] Loi sur le courtage immobilier, LRQ, c C-73.2;

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