Centre intégré de santé et de services sociaux de l'Outaouais (CISSSO) c. Guay | 2021 QCCS 4874 | |||||
COUR SUPÉRIEURE | ||||||
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CANADA | ||||||
PROVINCE DE QUÉBEC | ||||||
DISTRICT DE | gatineau | |||||
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No : | 550-17-011264-197 | |||||
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DATE : | 24 novembre 2021 | |||||
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE | L’HONORABLE | JEAN FAULLEM, J.C.S. | ||||
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CENTRE INTÉGRÉ DE SANTÉ ET DE SERVICES SOCIAUX DE L’OUTAOUAIS (CISSSO) | ||||||
Demandeur | ||||||
c. | ||||||
ME RICHARD GUAY, en sa qualité d’arbitre de grief | ||||||
Défendeur -et- SYNDICAT DES TRAVAILLEUSES ET DES TRAVAILLEURS DE LA SANTÉ ET DES SERVICES SOCIAUX DE L’OUTAOUAIS (CSN) Mis-en-cause | ||||||
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JUGEMENT RECTIFIÉ | ||||||
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[1] Le 3 septembre 2019, l’Arbitre Me Richard Guay rend une décision par laquelle il accueille en partie des griefs déposés par le Syndicat des travailleuses et des travailleurs de la santé et des services sociaux de l’Outaouais (CSN) (le Syndicat) ainsi que par l’une de ses membres à l’encontre de Centre intégré de santé et de services sociaux de l’Outaouais (le CISSSO).
[2] Par sa décision, l’Arbitre déclare principalement qu’une obligation d’accommodement peut s’étendre au-delà d’une entente par laquelle un salarié accepte de nouvelles fonctions en raison de son incapacité d’exercer les tâches de son emploi. Dans ces circonstances, l’Arbitre ordonne au CISSSO de nommer son employée, madame Inna Sow, à un nouveau poste qui lui avait été refusé[1].
[3] Insatisfait de la décision de l’Arbitre, le CISSSO demande au Tribunal de l’annuler, conformément à l’article
[4] Les faits ayant donné ouverture aux différents griefs ont fait l’objet d’admissions devant l’Arbitre et ils ne sont pas remis en question par les parties. Ils se résument de la façon suivante[2].
[5] À l’époque des faits pertinents du dossier, le Syndicat et le CISSSO étaient liés par une convention collective en vigueur du 13 mars 2011 au 31 mars 2015.[3]
[6] Le 3 mars 2003, madame Inna Sow commence à travailler pour le CISSSO à titre de préposée aux bénéficiaires. Le 12 septembre 2010, elle obtient un poste à temps complet de nuit à l’hôpital de Hull.
[7] Vers le mois d’avril 2013, madame Sow s’absente du travail pour cause de maladie. Elle reçoit un diagnostic de chondromalacie du genou droit avec gonarthrose bilatérale. Elle n’est plus en mesure d’exercer son métier de préposée aux bénéficiaires. Elle revient au travail au mois de novembre 2013, mais elle effectue alors des travaux légers.
[8] Au mois de mars 2015, on procède à l’évaluation des possibilités d’accommodement pouvant être accordées à madame Sow en raison des limitations fonctionnelles permanentes établies par le médecin expert de l’employeur. Le médecin traitant de la travailleuse est en accord avec les limitations établies par celui de l’employeur.
[9] Le 5 mai 2015, une entente intervient entre madame Sow, le Syndicat et le CISSSO, par laquelle l’employée accepte un poste réservé d’agente administrative classe 4,4 de nuit à temps partiel au Foyer du Bonheur.[4]
[10] Le 10 mai 2015, la travailleuse débute une période d’orientation à raison de deux quarts de travail de jour, un quart de travail de soir et un quart de travail de nuit. Elle s’inscrit également sur la liste de rappel comme gardienne et agente administrative classe 4. Il est à noter que préalablement à la signature de l’entente d’accommodement, madame Sow est toujours détentrice du poste de préposée aux bénéficiaires à temps complet de nuit à l’hôpital de Hull.
[11] Le 2 octobre 2015, madame Sow envoie une lettre à son employeur pour lui demander de revoir son accommodement. Le 23 octobre 2015, le CISSSO lui offre un poste 4 d’agente administrative classe 4 de jour. Madame Sow refuse ce poste.
[12] Le 2 décembre 2015, le CISSSO informe son employée qu’il estime avoir satisfait à son obligation d’accommodement à son endroit.
[13] Malgré des rencontres et des échanges de lettres qui ont lieu en début d’année 2016, le CISSSO demeure ferme sur sa position.
[14] Du 13 mars au 14 avril 2016, le CISSSO affiche un nouveau poste pour lequel postule madame Sow.
[15] Le 29 avril 2016, l’employeur octroie ce poste à une autre employée en raison de son ancienneté. L’employeur refuse la demande d’accommodement de madame Sow pour lui attribuer ce poste. C’est cette décision qui donne ouverture aux nombreux griefs déposés par madame Sow et le Syndicat.
[16] Comme l’indique le paragraphe 35 de la décision arbitrale attaquée, la véritable question qui se cache sous les nombreux griefs soumis à l’arbitrage repose essentiellement sur l’interprétation de la clause 23.35 de la convention collective alors en vigueur. Cette clause se lit comme suit :
23.35 Lorsqu’une personne salariée devient incapable pour des raisons médicales d’accomplir en tout ou en partie les fonctions reliées à son poste, l’employeur et le syndicat peuvent convenir, sur recommandation du bureau de santé ou du médecin désigné par lui, ou sur recommandation du médecin de la personne salariée, de replacer la personne salariée dans un autre poste pour lequel elle répond aux exigences normales de la tâche. Dans ce cas, la personne salariée ne subit aucune diminution de salaire et le poste ainsi octroyé n’est pas soumis aux dispositions relatives aux mutations volontaires.
[17] Puisque madame Sow a accepté un accommodement au mois de mai 2015, le CISSSO prétend devant l’Arbitre qu’il n’était pas tenu de poursuivre l’accommodement de son employée. De son côté, le Syndicat a plaidé que l’obligation d’accommodement de l’employeur se continue jusqu’à ce que son employée puisse intégrer un poste équivalent à celui qu’elle avait abandonné en raison de son handicap.
[18] Ainsi, afin de trancher les griefs qui lui ont été soumis, l’Arbitre devait plus particulièrement déterminer « si l’octroi de ce poste mettait un terme à l’obligation d’accommodement ou si elle subsistait au cas où un autre poste devenait disponible, qui réponde mieux aux caractéristiques de celui que madame Sow avait avant de devenir invalide au sens de la convention collective, c’est-à-dire qu’il soit de jour et à temps complet ».[5]
[19] Avant d’analyser le fondement de la décision de l’Arbitre, il y a lieu de discuter de la norme de contrôle que doit utiliser le Tribunal afin de répondre au pourvoi en contrôle judiciaire dont il est saisi.
3.1. La norme de contrôle applicable
[20] Le CISSSO soumet que la norme de contrôle que devrait appliquer le Tribunal consiste en la norme de la décision correcte, puisque la décision de l’Arbitre porte sur l’interprétation d’un droit découlant de la Charte des droits et libertés de la personne[6], plus particulièrement sur l’étendue et la portée de l’obligation d’accommodement de l’employeur à l’endroit de madame Sow. Le Syndicat suggère plutôt l’utilisation de la norme de la décision raisonnable. Ce dernier a bien raison.
[21] Bien que la portée ou l’interprétation de l’obligation d’accommodement raisonnable emporte l’application de la norme de la décision correcte, comme le confirme la Cour suprême dans son arrêt Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov[7], la Cour d’appel du Québec, dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 1108 c. CHU de Québec — Université Laval[8], est venu récemment préciser qu’il n’en est pas de même lorsqu’un décideur applique des dispositions ou des principes énoncés dans les Chartes afin de trancher un litige administratif :
[29] Dans l’arrêt Doré c. Barreau du Québec, la Cour suprême distingue la situation d’un tribunal administratif qui se prononce sur la constitutionnalité d’une loi ou d’un règlement de celle d’un décideur administratif spécialisé qui applique les garanties visées par les Chartes ou encore tient compte de valeurs consacrées par les Chartes pour trancher un litige dans le cadre d’un régime administratif particulier. Dans le premier cas, c’est la norme de la décision correcte qui s’applique alors que dans le second, la décision administrative est examinée sous l’angle du caractère raisonnable.
[30] Notre Cour a maintenu cette distinction dans sa jurisprudence post-Dunsmuir :
[23] Il peut toutefois en aller autrement lorsqu’il s’agit d’appliquer une disposition de la Charte aux faits de l’espèce. Peu après l’arrêt Dunsmuir, notre Cour retenait la norme de contrôle suivante lorsque l’arbitre de griefs met en application une disposition de la Charte. Le juge Dufresne écrivait, pour la Cour :
[47] Comme le droit et les faits ne peuvent, en l’espèce, être facilement dissociés, la norme applicable est celle de la raisonnabilité, d’autant qu’il s’agit d’une sentence arbitrale rendue dans un contexte de relations de travail qui commande une grande déférence envers l’arbitre lorsque celui-ci décide, comme c’est le cas ici, du fond du grief. La présence d’une clause privative commande également une telle déférence. Le seul fait qu’entre en jeu, selon l’arbitre, l’article
[24] Je suis en accord avec cette proposition qui trouve écho lorsqu’il s’agit d’appliquer les articles
[32] En 2019, lorsque la Cour suprême recadre la structure générale du contrôle judiciaire des décisions administratives dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, elle ne modifie pas son approche. Elle enseigne que l’application de la norme de contrôle de la décision raisonnable se présume, à moins que le législateur n’indique une norme différente ou que la primauté du droit ne commande l’application de la norme de la décision correcte. Cette deuxième situation exige que les cours de justice appliquent la norme de la décision correcte à l’égard : (1) des questions constitutionnelles ; (2) des questions de droit générales d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble ; et (3) des questions liées à la délimitation des compétences respectives d’organismes administratifs.
[32] Dans Vavilov, la Cour suprême précise que sa décision ne remet pas en cause les enseignements de l’arrêt Doré. L’application par un décideur des dispositions ou principes énoncés dans les Chartes pour trancher un litige administratif reste, en principe, révisable selon la norme de la décision raisonnable. Par ailleurs, dans Vavilov, la Cour suprême explique que l’application de la norme de la décision correcte à la catégorie des questions de droit générales d’une importance capitale pour le système juridique s’explique par une exigence d’uniformité et de cohérence pour certaines questions en raison de leurs répercussions sur l’administration de la justice.
[…] la nécessité de trancher certaines questions de droit générales « de manière uniforme et cohérente étant donné [leurs] répercussions sur l’administration de la justice dans son ensemble ». Dans ces cas, la norme de contrôle de la décision correcte s’impose à l’égard des questions de droit générales qui sont « d’une importance fondamentale, de grande portée » et susceptibles d’avoir des répercussions juridiques significatives sur le système de justice dans son ensemble ou sur d’autres institutions gouvernementales.
[33] La portée ou l’interprétation de l’obligation d’accommodement raisonnable constitue une question de droit générale d’une importance capitale pour le système juridique québécois. Comme l’écrit la Cour suprême dans Vavilov précité, « les questions de droit générales d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble exigent une réponse unique et définitive. Lorsque ces questions se posent, la primauté du droit requiert que les cours de justice apportent un niveau de certitude juridique qui soit supérieur à celui que permet le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable ».
[34] Cela m’amène à circonscrire la question que devait trancher l’arbitre. Son rôle ne consistait pas à définir la portée de l’obligation d’accommodement raisonnable. Cet exercice a été fait par la Cour suprême dans plusieurs arrêts, comme je l’exposerai dans la section suivante. L’arbitre devait décider, en tenant compte du droit applicable, notamment des arrêts de la Cour suprême, et des faits, si l’intimé a rempli son obligation d’accommodement raisonnable en intégrant la salariée au premier échelon de la classe d’emploi pertinente. Cet exercice est assujetti à l’application de la norme de la décision raisonnable.[9]
[Références omises]
[22] Dans le dossier à l’étude, l’Arbitre devait justement appliquer les principes juridiques qui découlent de l’obligation d’accommodement raisonnable afin de déterminer si le CISSSO a fait défaut de remplir ses obligations en cette matière en refusant d’offrir à madame Sow le nouveau poste ouvert au mois de mars 2016.
[23] C’est donc sur la base de la norme de contrôle de la décision raisonnable que doit se fonder l’analyse du Tribunal.
[24] Le CISSSO plaide subsidiairement que même en procédant à l’analyse du dossier en utilisant la norme de la décision raisonnable, la décision arbitrale doit être annulée, puisqu’elle contient des erreurs manifestes et déterminantes. Il ajoute que l’interprétation que donne l’Arbitre aux dispositions de la convention collective et à la preuve administrée devant lui est elle aussi déraisonnable.
3.2. L’exercice du contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable
[25] Il appartient à la partie qui conteste la décision administrative de démontrer qu’elle est déraisonnable[10].
[26] La décision raisonnable est celle qui repose sur un « raisonnement intrinsèquement cohérent »[11], c’est-à-dire « à la fois rationnel et logique »[12]. La Cour suprême précise que pour intervenir afin de réviser la décision de l’arbitre de grief, le Tribunal « doit être convaincu [que la décision] souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence »[13]. La décision doit également se justifier « au regard de l’ensemble du droit et des faits pertinents »[14].
[27] La Cour suprême identifie deux catégories de lacunes fondamentales qui rendent une décision déraisonnable, soit : 1) le manque de logique interne du raisonnement et 2) le cas d’une décision « indéfendable sous certains rapports compte tenu des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur la décision ».[15]
[28] La Cour suprême indique par ailleurs que l’analyse du caractère raisonnable d’une décision administrative doit être centrée principalement sur ses motifs, lorsque, comme dans le dossier à l’étude, ceux-ci sont exigés du décideur[16] :
[79] Nonobstant les différences importantes qui existent entre le contexte administratif et le contexte judiciaire, les motifs répondent à bon nombre des mêmes besoins dans les deux contextes : R. c. Sheppard,
[80] Qui plus est, le processus de rédaction des motifs incite nécessairement le décideur administratif à étudier soigneusement son propre raisonnement et à mieux formuler son analyse : Baker, par. 39. C’est ce que le juge Sharpe désignait — quoique dans le contexte judiciaire — comme [traduction] « la discipline de motiver une décision » : Good Judgment: Making Judicial Decisions (2018), p. 134 ; voir aussi Sheppard, par. 23.
[81] Les motifs favorisent un contrôle judiciaire valable en mettant en lumière la justification de la décision : Baker, par. 39. Dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Treasury Board),
[Nos soulignements]
[29] C’est ainsi que le contrôle judiciaire qui repose sur la norme de la décision raisonnable porte à la fois sur le processus décisionnel et sur ses résultats.
[30] Notons également que la Cour suprême requiert de la cour de révision de limiter son intervention à l’analyse de la décision administrative et à s’abstenir de rendre elle-même la décision qui pourrait se trouver parmi l’ensemble des conclusions acceptables disponibles au décideur :
[83] Il s’ensuit que le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable doit s’intéresser à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision. Le rôle des cours de justice consiste, en pareil cas, à réviser la décision et, en général à tout le moins, à s’abstenir de trancher elles‑mêmes la question en litige. Une cour de justice qui applique la norme de contrôle de la décision raisonnable ne se demande donc pas quelle décision elle aurait rendue à la place du décideur administratif, ne tente pas de prendre en compte l’« éventail » des conclusions qu’aurait pu tirer le décideur, ne se livre pas à une analyse de novo, et ne cherche pas à déterminer la solution « correcte » au problème. Dans l’arrêt Delios c. Canada (Procureur général),
[31] C’est donc en procédant à la vérification du processus sous-tendant le raisonnement de l’Arbitre que le Tribunal peut « déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable »[18] :
(…) En somme, il ne suffit pas que la décision soit justifiable. Dans les cas où des motifs s’imposent, le décideur doit également, au moyen de ceux‑ci, justifier sa décision auprès des personnes auxquelles elle s’applique. Si certains résultats peuvent se détacher du contexte juridique et factuel au point de ne jamais s’appuyer sur un raisonnement intelligible et rationnel, un résultat par ailleurs raisonnable ne saurait être non plus tenu pour valide s’il repose sur un fondement erroné.[19]
[32] L’attention particulière que doit porter le Tribunal sur le processus de la décision administrative à l’étude et non seulement sur l’aspect raisonnable des conclusions de l’Arbitre de grief relève une importance capitale, puisque le « contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable tient dûment compte à la fois du résultat de la décision et du raisonnement à l’origine de ce résultat (…) »[20].
[33] Citant un arrêt qu’elle a rendu antérieurement dans l’affaire Delta Air Lines Inc. c. Lukács[21], la Cour suprême, dans l’arrêt Vavilov, confirme que même en présence d’un résultat raisonnable, une analyse factuelle et juridique déraisonnable nécessite l’intervention de la Cour de révision afin d’infirmer la décision administrative : « [u]ne approche différente compromettrait le rôle institutionnel du décideur administratif plutôt que de le respecter », écrit la Cour suprême[22].
[34] Finalement, il est important de préciser que tout en s’assurant d’agir avec un degré de retenue judiciaire élevé à l’égard du processus d’analyse du décideur administratif, le Tribunal doit agir avec minutie et rigueur afin de « préserver la primauté du droit »[23].
[35] Dans son mémoire, le CISSSO formule six motifs de révision à l’égard de la sentence arbitrale. Comme le suggère le Syndicat, il y a lieu de regrouper les trois premières questions en une seule. Ainsi, le Tribunal résume les questions de faits et de droit aux termes des quatre questions qui suivent :
4.1 L’Arbitre a-t-il raisonnablement appliqué les principes inhérents à l’obligation d’accommodements d’un employeur ?
4.2 L’Arbitre a-t-il raisonnablement interprété la clause 23.35 de la convention collective ?
4.3 L’Arbitre a-t-il raisonnablement évalué les conséquences de l’entente d’accommodement du 5 mai 2015 ?
4.4 L’Arbitre a-t-il raisonnablement évalué la preuve que les parties lui ont présentée ainsi que leurs représentations ?
[36] Le Tribunal répond à chacune de ces questions dans l’ordre établi ci-devant.
4.1 L’application par l’Arbitre des principes inhérents à l’obligation d’accommodements d’un employeur
[37] Le litige au centre des questions soulevées par les parties repose sur le fait qu’à la suite du diagnostic des limitations fonctionnelles de madame Sow, cette dernière a accepté, au mois de mai 2015, le poste que lui offrait par accommodement son employeur[24]. La preuve incontestée confirme qu’à cette époque, ce poste de nuit d’agente administrative classe 4 était le seul poste disponible qui satisfaisait aux limitations fonctionnelles et aux qualifications de l’employée[25].
[38] Dans ces circonstances, l’Arbitre se pose à juste titre la question de savoir si « [l]’octroi de ce poste et l’inscription du nom de madame Sow sur la liste de rappel aux titres d’emploi d’agent administratif, classe 4 (volet réception) et de gardien a-t-il mis fin au processus d’accommodement ? »[26].
[39] L’Arbitre circonscrit plus précisément le débat dont il est saisi de la façon suivante :
« [28] Au contraire, dans le cas de madame Sow, il y avait un poste disponible, qu’elle a obtenu. Le Tribunal doit statuer si l’octroi de ce poste mettait un terme à l’obligation d’accommodement ou si elle subsistait au cas où autre poste devenait disponible, qui réponde mieux aux caractéristiques de celui que madame Sow avait avant de devenir invalide au sens de la convention collective, c’est-à-dire qu’il soit de jour et à temps complet. »
[40] Selon le CISSSO, l’obligation d’accommodement se termine lorsque l’entente du mois de mai 2015 est signée, à moins que l’employée présente de nouvelles limitations fonctionnelles. Il considère que par sa décision, l’Arbitre dénature l’obligation d’accommodement raisonnable en une obligation d’accommodement « parfaite ».
[41] Voyons ce qu’il en est de cette affirmation.
[42] De façon préliminaire, il est à noter que le CISSSO n’a pas tort de prétendre que l’obligation de l’employeur d’examiner les possibilités d’accommoder un employé présentant un handicap ne doit pas lui créer de contraintes excessives. L’Arbitre reconnaît ce principe[27].
[43] L’Arbitre ne remet pas non plus en cause le principe invoqué par le CISSSO voulant que généralement, en l’absence de modification à la situation de handicap de la personne accommodée, il n’y ait pas lieu de modifier le statu quo découlant d’une entente intervenue entre les parties afin de réorienter l’employé[28].
[44] L’Arbitre reconnaît également que l’exigence d’accommodement constitue une obligation de moyen et non de résultat[29] et que l’employeur n’est pas obligé de créer de nouveaux postes afin d’accommoder son employé invalide[30].
[45] L’Arbitre confirme aussi que l’obligation d’accommodement n’accorde aucune garantie de maintien du travail antérieur à l’employé[31]. Comme le rappelle à juste titre le CISSSO, la jurisprudence arbitrale confirme qu’il est également possible qu’à l’occasion de l’accommodement, des impacts financiers à la baisse puissent survenir à l’égard de l’employé[32]. L’Arbitre ne remet pas en cause ce principe dans sa décision. Il reconnaît par ailleurs, comme toutes les parties en l’instance, que l’accommodement du mois de mai 2015 représentait la seule solution acceptable disponible à ce moment pour répondre aux besoins de madame Sow.
[46] En revanche, pour l’Arbitre, tout en reconnaissant que la solution parfaite ne se présente pas toujours[33], il y a lieu, en cas d’imperfection de la solution retenue, de poursuive les démarches d’accommodement, lorsque de meilleures issues se présentent[34]. L’Arbitre précise que ce n’est qu’en présence d’un accommodement initial imparfait, que « l’obligation subsiste »[35].
[47] L’Arbitre conclut ainsi que la nature de l’obligation d’accommodement impose à l’employeur de continuer de répondre aux besoins de son employé qui nécessite des ajustements à ses conditions de travail en raison d’un handicap, lorsque cela est possible, et ce, jusqu’à ce que les conditions d’emploi de la personne visée par l’accommodement se rapprochent de son poste antérieur.
[48] Il est indéniable que la conclusion de l’Arbitre a pour effet d’augmenter le fardeau d’un employeur dans la recherche de l’accommodement raisonnable, mais cela n’a pas pour conséquence de dénaturer cette obligation. Il est en effet moins contraignant pour un employeur de fermer un dossier d’accommodement une fois une solution raisonnable trouvée que de lui demander de poursuivre ses démarches de façon continue tout au long de la durée du lien d’emploi. Toutefois, l’Arbitre n’impose pas au CISSSO de trouver la solution parfaite. Mais, si celle-ci se présente ultérieurement et que cela n’engendre pas une contrainte excessive pour l’employeur, il est d’avis que l’obligation d’accommodement se poursuit.
[49] Dans le cas particulier et exceptionnel de madame Sow, l’Arbitre souligne que l’accommodement du mois de mai 2015 s’avère imparfait du fait que ses nouvelles fonctions lui octroient un poste de nuit à raison de quatre jours par semaine au lieu d’un poste à temps complet (cinq jours par semaine) que lui offrait son emploi antérieur.
[50] Dans ces circonstances, l’Arbitre détermine que l’obligation d’accommodement du CISSSO se poursuit, mais pourvu qu’il n’en subisse pas de contraintes excessives. Ce critère, pour l’Arbitre, est le seul qui doit vraiment s’appliquer en l’espèce[36].
[51] Après avoir procédé à l’évaluation de la preuve qui lui a été présentée, l’Arbitre conclut que la continuation de la recherche d’un poste dont les conditions s’approchent de celles qui existaient avant l’apparition des limitations fonctionnelles de madame Sow n’imposait pas une contrainte excessive au CISSSO.
[52] Le CISSSO ne réussit pas à convaincre le Tribunal que la décision attaquée ne repose pas sur un « raisonnement intrinsèquement cohérent »[37], et ce, notamment en raison de ce qui suit.
[53] Au paragraphe 19 de sa décision, l’Arbitre rappelle que l’obligation d’accommodement est de création jurisprudentielle[38]. Puis, citant l’affaire Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights)[39], il reproduit la définition qu’accorde la Cour suprême à la notion d’obligation d’accommodement :
22. Par « mesure d’accommodement », on entend ce qui, dans les circonstances, est nécessaire pour éviter toute discrimination. Les normes doivent être aussi générales que possible.
[54] L’Arbitre poursuit son analyse du devoir d’accommodement en citant l’arrêt Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal[40]. Dans cet arrêt, la Cour suprême précise notamment que l’obligation d’accommodement varie selon les circonstances propres à chaque situation et surtout qu’elle se poursuit tout au long de la relation d’emploi de la personne qui présente un handicap qui l’empêche d’effectuer les tâches reliées à son emploi habituel :
[22] Le caractère individualisé du processus d’accommodement ne saurait être minimisé. En effet, l’obligation d’accommodement varie selon les caractéristiques de chaque entreprise, les besoins particuliers de chaque employé et les circonstances spécifiques dans lesquelles la décision doit être prise. Tout au long de la relation d’emploi, l’employeur doit s’efforcer d’accommoder l’employé. Cela ne signifie pas pour autant que les contraintes afférentes à l’accommodement doivent nécessairement être à sens unique. Dans O’Malley (p. 555) et dans Central Okanagan School District No 23 c. Renaud,
[Notre soulignement]
[55] L’interprétation que tire l’Arbitre des enseignements de la Cour suprême l’amène à conclure qu’il n’existe « aucune règle qui fixe à un essai le terme de l’obligation d’accommoder »[41].
[56] Notons que la Cour d’appel, dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 1108 c. CHU de Québec — Université Laval précité confirme que l’obligation d’accommodement n’est limitée que par le critère de la contrainte excessive :
[36] Lorsqu’un salarié n’est plus en mesure de remplir les exigences de son emploi en raison d’une incapacité physique, l’obligation d’accommodement raisonnable qui incombe à l’employeur en vertu de la Charte comporte celle de trouver une solution raisonnable en vue de minimiser les impacts d’un changement de catégorie d’emploi, par ailleurs, accepté par l’employeur, si cette solution n’entraîne pas une contrainte excessive. Cette obligation ne se limite pas au maintien d’un lien d’emploi.[42]
[57] Le raisonnement de l’Arbitre découle aussi de la reconnaissance du CISSSO confirmant que l’obligation d’accommodement ne cesse jamais, lorsqu’en présence de nouvelles limitations[43]. L’Arbitre ne fait pas fi de cette nuance qu’apporte le CISSSO, mais il interprête différemment les enseignements de la Cour suprême.
[58] L’Arbitre écarte par ailleurs les prétentions de madame Sow voulant qu’elle ait été victime de nouvelles limitations fonctionnelles. Il considère toutefois que l’accommodement du mois de mars 2015 s’avérait imparfait et qu’en conséquence « l’obligation d’accommodement peut s’étendre au-delà d’une première entente afin d’assurer à la personne salariée, dans la mesure du possible, le plein effet de la sécurité salariale que fixe la clause 23.35 des dispositions de la convention collective »[44].
[59] Dans ces circonstances, l’Arbitre procède à l’analyse du dossier afin de déterminer si le fait de laisser se poursuivre l’obligation d’accommodement au-delà d’une première entente constitue une contrainte excessive pour l’employeur. Comme le Tribunal l’a déjà mentionné, pour l’Arbitre, la contrainte excessive constitue le seul véritable « critère que la jurisprudence ait fixé pour baliser l’accommodement »[45].
[60] Sur la question de la contrainte excessive, l’Arbitre passe en revue la preuve qui lui a été présentée par les parties et il conclut que l’employeur n’a pas établi qu’il a souffert d’une telle contrainte dans le cadre de la demande de madame Sow afin d’obtenir le nouveau poste ouvert en 2016.
[61] Principalement, l’Arbitre retient du témoignage de la présidente du syndicat que le nombre de cas donnant ouverture à des accommodements est faible[46]. Il rappelle aussi que l’examen des postes disponibles afin de pouvoir accommoder une personne salariée se fait de façon ponctuelle et que cet exercice se répète à chaque demande d’accommodement[47]. Il précise que l’obligation persiste seulement en présence d’un accommodement initial imparfait[48]. Il ajoute que certains salariés accommodés, même imparfaitement, « seront néanmoins satisfaits de leur sort »[49] et qu’au surplus, il faut nécessairement qu’un poste répondant plus adéquatement aux caractéristiques des tâches initiales du salarié se libère. Il conclut qu’en raison du cumul de toutes ces conditions, il n’y a pas de « quoi occuper beaucoup de personnes aux ressources humaines »[50].
[62] Dans ces circonstances, le Tribunal conclut que la conclusion de l’Arbitre imposant au CISSSO une perpétuation de son obligation d’accommodement sur la base d’une meilleure situation au plan financier de madame Sow en l’absence d’une preuve de contraintes excessives s’inscrit dans le cadre d’un « raisonnement intrinsèquement cohérent »[51].
4.2 L’interprétation de la clause 23.35 de la convention collective
[63] Le CISSSO reproche à l’Arbitre de ne pas avoir interprété adéquatement l’article 23.35 de la convention collective[52]. Il prétend principalement que cet article accorde à l’employé qui doit être accommodé une garantie du maintien de son taux horaire et non de sa rémunération hebdomadaire.
[64] Cette garantie a par ailleurs permis à madame Sow, dans le cadre de l’entente du mois de mai 2015, de conserver le même taux horaire que lui procurait son poste antérieur dans le cadre de son nouvel emploi, même si celui-ci génère, pour un autre employé, un taux horaire moindre.
[65] Or, lorsque l’Arbitre conclut que l’obligation d’accommodement persiste tout au long de la relation d’emploi, il ne procède pas à une interprétation différente de celle du CISSSO relativement au texte de l’article 23.35. Bien au contraire, l’Arbitre reconnaît que « [c]ette sécurité de revenu n’est pas accompagnée d’une garantie d’un nombre d’heures de travail identique à celui que la personne exécutait avant d’être accommodée »[53].
[66] L’Arbitre ne conclut d’aucune façon que la convention collective accorde à madame Sow une protection financière autre que le maintien de son taux horaire. Il ne voit toutefois pas « en quoi le désir de madame Sow de maintenir son salaire » en demandant un poste à temps plein peut lui être reproché, d’autant plus que la preuve révèle que celle-ci éprouvait des difficultés financières avec un poste lui conférant seulement quatre jours de travail par semaine[54].
[67] Le CISSSO n’est donc pas en mesure d’établir que l’Arbitre a commis un excès de juridiction dans le cadre de son interprétation de l’article 23.35 de la convention collective.
4.3 Les conséquences de l’entente d’accommodement du 5 mai 2015
[68] Dans son mémoire, le CISSSO prétend que l’Arbitre n’a pas tenu compte des effets de l’entente intervenue entre les parties le 5 mai 2015 dans sa décision. À l’audience, ses représentants plaident qu’à titre de transaction qui règle un litige, cette entente emporte une fin de non-recevoir aux nouveaux griefs du Syndicat et de madame Sow.
[69] Outre le fait que cette question préliminaire n’a pas été soulevée devant l’Arbitre, le Tribunal ne peut pas conclure comme le voudrait le CISSSO. En effet, la lettre d’entente du 5 mai 2015 ne fait que confirmer qu’au mois de mai 2015, aucun autre poste disponible au sein du CISSSO ne pouvait satisfaire les besoins de madame Sow tout en correspondant à ses compétences[55].
[70] L’entente ne constitue pas une transaction au sens des articles 2631 et subséquents du Code civil du Québec en ce qu’elle ne prévient pas une contestation à naître, ne termine pas un procès ou ne règle pas des difficultés liées à l’exécution d’un jugement au moyen de concessions ou de réserves réciproques.
[71] La lettre d’entente ne fait aucunement référence à un litige potentiel portant soit sur la nature des limitations fonctionnelles de madame Sow ou en ce qui concerne les fonctions qu’elles pouvaient dès lors accomplir.
[72] En fait, la signature de l’entente s’inscrit simplement dans le cadre des démarches prévues à la convention collective (articles 5.03 et 23.01 à 23.35) afin de compléter le processus d’accommodement de madame Sow.
[73] Qui plus est, même si l’entente du 5 mai 2015 satisfaisait aux critères de la transaction, l’Arbitre considère que l’obligation d’accommodement en transcende ses limites, et ce, en raison de la nature de cette obligation.
[74] Est-il également nécessaire de préciser que madame Sow n’avait pas le choix d’accepter ce poste si elle voulait conserver les avantages reliés au processus d’accommodement[56].
[75] Il ne fait donc aucun doute que l’Arbitre a tenu compte de l’entente du 5 mai 2015 dans sa décision.
[76] L’Arbitre arrive toutefois à la conclusion que cette entente du 5 mai 2015 confirme l’imperfection du résultat de la première tentative d’accommodement, ce qui donne ouverture aux nouvelles demandes du Syndicat et de son membre.
4.4 Évaluation par l’Arbitre de la preuve que les parties lui ont présentée et de leurs représentations
[78] En effet, comme le rappelle la Cour suprême, le fond l’emporte sur la forme « dans les situations où le fondement de la décision rendue par un acteur administratif spécialisé est évident au vu du dossier, mais n’est pas exposé clairement dans les motifs écrits »[57].
[79] Qui plus est, comme vient de le rappeler la Cour d’appel, le juge saisi d’un pourvoi en contrôle judiciaire d’une décision arbitrale doit éviter de « substituer son appréciation de la preuve et son raisonnement à ceux de l’arbitre »[58] en présence d’une décision faisant partie des issues raisonnables.
[80] Ainsi, lorsqu’une partie reproche à un décideur de ne pas avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve qu’elle lui a présentée, encore faut-il qu’elle précise l’importance de cette lacune et qu’elle explique en quoi cela rend la décision attaquée déraisonnable :
[305] En conséquence, à notre avis, si le demandeur reproche au décideur administratif de ne pas avoir tenu compte d’un facteur pertinent pour en arriver à sa décision, la cour de révision doit examiner les arguments et le dossier dont le décideur était saisi, ainsi que l’importance relative de l’omission par rapport à la décision rendue. Si le décideur a omis, par exemple, de mentionner une disposition législative précise ou l’ensemble du dossier factuel complet porté à son attention, la cour de révision n’a pas automatiquement le droit de procéder à un examen de novo de la décision contestée. L’analyse doit se limiter à déterminer si le demandeur s’est déchargé du fardeau qui lui incombait d’établir que l’omission rend la décision contestée déraisonnable.[59]
[81] Par ailleurs, dans l’affaire Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec c. Fortin[60], notre collègue, la juge Marie-Paule Gagnon, j.c.s., précise qu’un raisonnement peut être intelligible sans pour autant référer à chacun des arguments soulevés par les parties :
[30] L’approche à préconiser doit donc être globale et viser une analyse des motifs en corrélation avec le résultat afin de s’assurer que ce dernier s’avère être une solution possible acceptable en regard des faits et du droit. L’arrêt Irving de la Cour suprême précise qu’il faut « s’abstenir de faire une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur ».
[31] Les motifs de la décision n’ont donc pas à être parfaits et ne doivent pas nécessairement référer à tous les arguments soulevés ou faire état d’une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement pour que le tribunal siégeant en révision soit en mesure de comprendre les fondements de la décision et de vérifier si le résultat constitue une issue possible acceptable au regard des faits et du droit.
[Références omises]
[82] Dans le dossier à l’étude, le CISSSO soulève quelques éléments factuels dont l’Arbitre n’aurait pas tenu compte dans le cadre de sa décision.
[83] Premièrement, le CISSSO propose que l’Arbitre a complètement fait fi de la preuve qui confirme que madame Sow n’avait subi aucune modification de ses limitations fonctionnelles établies au mois de mars 2015.
[84] Or, l’Arbitre tient compte de cette preuve dans sa décision, puisqu’il conclut que l’obligation de l’employeur, dans ce cas précis, se poursuit non pas en raison de nouvelles limitations subies par son employée, mais bien en raison de ses limitations d’origine et du caractère imparfait de la première entente d’accommodement.
[85] Deuxièmement, le CISSSO mentionne que l’Arbitre a fait abstraction de la preuve qui démontre qu’il a offert à madame Sow de travailler sur le quart de jour et que celle-ci l’a refusé. L’arbitre tient compte de cette preuve[61], mais il conclut que madame Sow était en droit de refuser l’offre, puisque celle-ci limitait toujours sa prestation de travail à 4 jours par semaine, alors qu’elle éprouvait des difficultés à joindre les deux bouts avec son salaire[62].
[86] Troisièmement, l’Abitre tient également compte du fait que le Syndicat a modifié sa position initiale afin de réclamer la reprise du processus d’accommodement sans l’existence de modification aux limitations fonctionnelles de madame Sow[63].
[87] En résumé, l’Arbitre a évalué l’ensemble de la preuve qui lui a été présentée. Son analyse lui permet de conclure que le CISSSO n’a pas fait la démonstration, malgré le témoignage de madame Danielle Doran, représentante du CISSSO, que les demandes de madame Sow et du Syndicat imposaient une contrainte excessive à l’employeur. Il est à noter que l’Arbitre n’affirme pas que le CISSSO n’a fait aucune preuve de présence d’une contrainte excessive ; il en discute dans sa décision[64]. Il conclut toutefois, en s’appuyant principalement sur le témoignage de la représentante du Syndicat, madame Josée McMilan, que la preuve administrée au procès ne le démontre pas, en ce que « le nombre de cas qui donnent lieu à des accommodements est faible »[65].
[88] En conséquence de tout ce qui précède, le Tribunal conclut que l’analyse globale de la décision attaquée, de la preuve présentée à l’arbitrage et des représentations soumises à l’Arbitre permet de conclure que les conclusions de ce dernier confirmant que le CISSSO n’a pas subi de contraintes excessives par la nouvelle demande d’accommodement de madame Sow fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.
[89] Finalement, conformément aux articles 339 et subséquents du Code de procédure civile, le Tribunal octroie les frais de justice en faveur du Syndicat mis-en-cause.
[90] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[91] REJETTE le pourvoi en contrôle judiciaire ;
[92] LE TOUT avec les frais de justice en faveur du Syndicat.
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Me Geneviève Brunet-Baldwin BML Avocats inc. Avocate de la partie demanderesse
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Me Yanick Vézina Laroche Martin, service juridique-CSN Avocate de la partie mis-en-cause |
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[1] La décision de l’Arbitre est produite sous la cote P-1.
[2] Pour plus de détails, voir les admissions des parties produites devant l’arbitre de grief, pièce P-4.
[3] Pièces P-2 et MC-4.
[4] Pièce P-8.
[5] Paragr. 28 de la décision attaquée.
[6] RLRQ, c. C -12.
[7] Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov
[8] Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 1108 c. CHU de Québec — Université Laval,
[9] Id., Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 1108 c. CHU de Québec — Université Laval, aux paragr. 29-34.
[10] Vavilov, paragr 100.
[11] Id., au paragr. 102.
[12] Id..
[13] Id., au paragr. 100.
[14] Id., au paragr. 105.
[15] Id., au paragr. 101.
[16] Id., aux paragr. 76-81.
[17] Vavilov, paragr. 83.
[18] Id., au paragr. 84.
[19] Id., au paragr. 86.
[20] Id., au paragr. 87, citant l’arrêt Delta Air Lines Inc. c. Lukács, infra, note de bas de page suivante.
[21] Delta Air Lines Inc. c. Lukács,
[22] Vavilov, paragr. 88.
[23] Id., aux paragr. 2, 12-13.
[24] Pièce P-8.
[25] Voir les déclarations assermentées produites comme pièces D-1, D-2 et D-4.
[26] Paragr. 25 de la décision attaquée.
[27] Voir le paragr. 40 de la décision attaquée.
[28] Voir les paragr. 34 et 35 de la décision attaquée.
[29] Id., aux paragr. 24 et 40.
[30] Id., au paragr. 27.
[31] Id., au paragr. 36.
[32] Voir le paragr. 20 du mémoire du CISSSO et la jurisprudence citée à la note de bas de page 20.
[33] Paragr. 33 de la décision attaquée.
[34] Voir le paragr. 40 de la décision attaquée.
[35] Id., au paragr. 41.
[36] Id., au paragr. 42.
[37] Supra, paragr. 26 du présent jugement.
[38] L’Arbitre cite l’arrêt de la Cour suprême rendu dans l’affaire Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. B.C.G.S.E.U., [1999] 3. R.C.S. 3, à l’appui de son affirmation.
[39]
[40]
[41] Paragr. 40 de la décision attaquée.
[42] Supra, note 8, paragr. 36.
[43] Paragr. 31 de la décision attaquée, appuyé des notes et autorités du CISSSO déposés devant l’Arbitre, pièce P-24, paragr. 68.
[44] Paragr. 46 de la décision attaquée.
[45] Id., au paragr. 37.
[46] Id., aux paragr. 38 et 41.
[47] Paragr. 24 de la décision attaquée.
[48] Id., au paragr. 41.
[49] Id.
[50] Id.
[51] Supra, paragr. 26 du présent jugement.
[52] Reproduite au paragr. 16 du présent jugement.
[53] Paragr. 39 de la décision attaquée.
[54] Paragr. 30 de la décision attaquée.
[55] Id., aux paragr. 25 et 28.
[56] Voir la première clause de la page 3 de la lettre d’entente du 5 mai 2015, pièce P-8.
[57] Vavilov, paragr. 304.
[58] Syndicat de l’enseignement de la région de Québec c. Centre de services scolaire des Premières-Seigneuries,
[59] Vavilov, paragr. 305.
[60] Association professionnelle des ingénieurs du Gouvernement du Québec c. Fortin,
[61] Paragr. 29 de la décision attaquée.
[62] Id., au paragr. 30.
[63] Id., au paragr. 38.
[64] Paragr. 37 de la décision attaquée.
[65] Id., au paragr. 41.
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