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[1] Le 12 octobre 2004, monsieur Timothy Helpin (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 5 octobre 2004 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d'une révision administrative.
[2]
Par cette décision, la CSST confirme sa décision
du 29 juin 2004 à l’effet que le travailleur n’a pas droit à l’indemnité de
remplacement du revenu ni autres prestations selon l’article
[3] De plus, la CSST confirme sa décision du 14 juin 2004 et refuse d’autoriser les aides techniques de dossier et siège Obus forme et de ceinture lombo-sacrée de type Black belt.
[4] La CSST confirme aussi sa décision du 30 avril 2004 à l’effet que le travailleur n’a pas subi, le 26 mars 2004, de récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 19 juin 2001.
[5] Enfin, la CSST déclare irrecevable la demande de révision du 30 août 2004 du travailleur à l’encontre de la décision du 29 janvier 2004 selon laquelle il est capable, à compter du 26 janvier 2004, d’exercer un emploi convenable de monteur/démonteur de démarreurs et d’alternateurs.
[6] L'audience s'est tenue le 5 avril 2005 à Montréal en présence du travailleur et de sa procureure. L'employeur, Services de gestion Quantum ltée, a avisé le tribunal qu’il ne serait pas représenté à l’audience. La procureure du travailleur a produit, le 18 avril 2005, avec l’autorisation du tribunal, le rapport du 27 novembre 2003 de Monaco et associés. La cause a été mise en délibéré le 18 avril 2005.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[7]
Le travailleur demande d’accueillir sa requête,
de modifier la décision de la CSST du 5 octobre 2004 et de conclure qu’il a
droit à l’indemnité de remplacement du revenu selon l’article
[8] Subsidiairement, il demande de conclure que l’emploi de monteur/démonteur de démarreurs et d’alternateurs n’est pas un emploi convenable pour lui.
[9] Enfin, il demande de déclarer qu’il a droit à un siège et un dossier Obus forme et une ceinture lombo-sacrée de type Black belt.
LES FAITS
[10] Le 19 juin 2001, le travailleur, qui est âgé de 34 ans, travaille comme journalier pour le service de placement Quantum. Il subit une lésion professionnelle en soulevant des sacs de 18 kgs. Le diagnostic de la lésion professionnelle est « entorse lombaire sur discopathie préexistante L5-S1 ». Le médecin qui a charge du travailleur est le docteur J. Desmarais.
[11] Auparavant, en 1990, le travailleur avait subi une lésion professionnelle de la nature d’une hernie discale L5-S1, avec aggravation en 1995 alors qu’il subissait une discectomie L5-S1. Il présentait une lombosciatalgie gauche. Il conservait de cette lésion professionnelle, une atteinte permanente à l’intégrité physique de 15,6% ainsi que des limitations fonctionnelles. En 1996, la CSST avait déterminé qu’il était capable d’exercer un emploi convenable de mécanicien de machinerie légère. Le travailleur avait exercé cet emploi pendant un certain temps. Ensuite, il avait travaillé comme camionneur et pour des agences de placement. Le travailleur conservait, en conséquence de ses lésions professionnelles de 1990 et 1995, les limitations fonctionnelles selon lesquelles il devait :
Éviter de :
- pousser, soulever ou tirer des charges supérieures à 20kg;
- exercer des flexions, extensions ou rotations répétées du rachis lombaire;
- maintenir la posture assise, debout ou agenouillée ou accroupie pendant des périodes prolongées;
- travailler avec les bras au-dessus du niveau des épaules de façon soutenue;
- travailler au sommet d’échelles.
[12] Sa lésion professionnelle du 19 juin 2001 est consolidée le 23 juillet 2002 avec une atteinte permanente à l’intégrité physique supplémentaire de 6% et des limitations fonctionnelles supplémentaires. Au moment de l’évaluation le 11 juillet 2003 par le docteur Pierre-Paul Hébert du Bureau d’évaluation médicale, le travailleur se plaint d’une douleur au dos qui ne disparaît jamais complètement. Cette douleur irradie à tout le membre inférieur gauche jusqu’aux orteils avec sensation intermittente d’engourdissement des cinq orteils. Le travailleur tolère mal la position immobile prolongée debout ou assis et évite de soulever des objets lourds. L’examen démontre une perte de mobilité lombaire avec signes de tension radiculaire et déficit moteur S1.
[13] Selon ses nouvelles limitations fonctionnelles, le travailleur doit :
« Éviter les gestes répétés de :
- Soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 10 kg;
- Travailler en position accroupie;
- Ramper, grimper;
- Effectuer des mouvements même de faible amplitude à la colonne lombaire;
- Monter fréquemment plusieurs escaliers;
- Marcher sur un terrain glissant ou accidenté;
- Subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne lombaire.
Ces limitations correspondent à la classe II de l’IRSST. »
[14] Le 14 août 2003, dans ses notes, le docteur Desmarais prescrit un siège et un dossier Obus forme ainsi qu’une ceinture lombo-sacrée.
[15] La CSST conclut que l’emploi de journalier que le travailleur exerçait le 19 juin 2001, lors de sa lésion professionnelle, ne respectait pas ses limitations fonctionnelles.
[16] De plus, la CSST conclut que l’emploi convenable préalablement déterminé de mécanicien de machinerie légère ne respecte pas non plus ses limitations fonctionnelles puisqu’il implique des mouvements répétés de la colonne lombaire.
[17] La CSST souligne que, dans les dernières années, la technologie a changé dans le domaine de la mécanique. De plus, le travailleur, qui est d’origine polonaise, parle plusieurs langues mais il ne sait ni lire ni écrire. À l’audience, le travailleur se dit même incapable de remplir des feuilles où il doit identifier la pièce qu’il a prise.
[18] La CSST mandate la firme Monaco & Associés pour explorer les possibilités d’emploi du travailleur. M. Robert Monaco envisage pour le travailleur un emploi de réparateur de petits moteurs. La CSST lui souligne qu’il est important que les limitations fonctionnelles du travailleur soient respectées et que les postes de réparateurs de petits moteurs vus en région contrevenaient à celles-ci.
[19] La CSST et monsieur Monaco évaluent la capacité du travailleur à exercer un emploi en fonction des limitations fonctionnelles qu’il conserve de ses lésions professionnelles de 1990, 1995 et 2001.
[20] La preuve révèle que le travailleur a une très bonne expérience en mécanique et il désire demeurer dans ce secteur d’activités. Il est très motivé à réintégrer le marché du travail.
[21] Monsieur Monaco envisage un emploi de réparateur d’alternateurs et démarreurs chez Maximum Automotive inc., entreprise de reconditionnement de démarreurs et d’alternateurs. Une rencontre a lieu le 24 novembre 2003 chez cet employeur pour une évaluation d’un stage en entreprise.
[22] Le travailleur commence un stage le 24 novembre 2003, stage qui se termine le 23 janvier 2004 et qui est financé par la CSST.
[23] Le patron chez Maximum Automotive inc. déclare n’avoir jamais eu de nouvel employé si performant.
[24] Le lendemain de sa première journée de travail, le travailleur a très mal au dos à son réveil. Il croit qu’il devrait reprendre le travail progressivement.
[25] La CSST conclut que le travailleur reprendra le travail progressivement.
[26] La conseillère en réadaptation écrit, dans ses notes, que chez Maximum Automotive inc., la plupart des tâches se font à l’établi, en position assise ou debout. D’autre part, « le travailleur éprouve de la difficulté à nettoyer les pièces au jet de sable. L’appareil est trop bas et il doit fléchir légèrement les jambes pour réussir à entrer les bras dans la hotte. Selon M. Khourdy (le patron) ce travail dure environ une heure dans tout le quart de travail (5 à 10 minutes à la fois).»
[27] Dans son rapport du 27 novembre 2003, monsieur Monaco écrit : « Lors de cette rencontre nous avons visité l’ensemble des postes de travail pour constater que les limitations fonctionnelles étaient respectées. Nous avons cependant réalisé que le poste de travail où la personne doit nettoyer les pièces au jet de sable pouvait peut-être poser problème en raison de la taille du travailleur et la hauteur de la machine outil. Nous avons alors convenu de minimiser l’utilisation de cet appareil par le travailleur (…) ».
[28] Le 7 janvier 2004, le travailleur se dit prêt à travailler à temps plein.
[29] Quelques jours plus tard, le travailleur quitte le travail soulignant à la CSST que le patron profite de lui puisqu’il ne le paie pas.
[30] À la fin du stage, le 23 janvier 2004, monsieur Monaco, après avoir rencontré le travailleur sur les lieux du stage, déclare à la CSST que le travailleur a trouvé une méthode sécuritaire pour travailler au jet de sable, ce que le travailleur nie à l’audience.
[31] La CSST accorde à Maximum Automotive inc. une subvention à l’embauche pour faciliter le retour au travail du travailleur. En vertu de cette subvention, la CSST paie 50% du salaire du travailleur durant 8 semaines, soit du 26 janvier 2004 au 19 mars 2004.
[32] Le 29 janvier 2004, la CSST rend une décision à l’effet que le travailleur est capable, à compter du 26 janvier 2004, d’occuper un emploi convenable de monteur/démonteur de démarreurs et d’alternateurs. Dans ses notes, la conseillère en réadaptation indique que « Le travail peut s’effectuer assis ou debout contrôlant par le fait même les amplitudes du tronc. Ref; photos en annexe ». La conseillère souligne que le travailleur connaît bien la mécanique et qu’il a un sens de l’observation assez élevé. Il n’aura pas à rédiger ou à lire, ce qui aurait pu être un obstacle pour lui.
[33] Le 27 février 2004, monsieur Monaco prend des photographies du travailleur que l’on voit assis sur un tabouret. Selon monsieur Monaco, lorsqu’il est arrivé, le tabouret était là, ce que le travailleur nie à l’audience, affirmant que monsieur Monaco est allé chercher un tabouret pour les fins de la photo. D’autre part, monsieur Monaco dit à la conseillère en réadaptation que le patron affirme que le travailleur a commencé à s’absenter, notamment pour retourner à la maison parce que son fils n’avait pas la clé et qu’il n’est pas revenu au travail comme prévu.
[34] Le 4 mars 2004, monsieur Monaco envoie à la conseillère de la CSST, comme convenu, les photographies du travailleur assis à deux postes de travail. Monsieur Monaco souligne « une chaise semi-assise pourrait assurer un meilleur positionnement du travailleur. Cependant, il est important de mentionner que le travailleur n’est pas à ce poste de façon permanente ».
[35] Le 26 mars 2004, le travailleur consulte le docteur L. Bessettte, en l’absence de son médecin traitant. Le docteur Bessette produit à la CSST un rapport médical où il écrit que les conditions d’emploi ne sont pas respectées. Il recommande un arrêt de travail jusqu’au 31 mars 2004, et réfère le travailleur à son médecin, le docteur Desmarais. Le travailleur va porter le rapport médical du 26 mars 2004 au patron chez Maximum Automotive inc.
[36] Le 29 mars 2004, le patron appelle la conseillère en réadaptation et lui fait part de problèmes qu’il a avec le travailleur : le travailleur a eu un accident de voiture avec une voiture louée alors qu’il transportait 40 alternateurs et ceux-ci ont été saisis en même temps que la voiture louée; le travailleur lui offre d’aller livrer un alternateur mais il lui reproche de lui faire livrer des alternateurs; le travailleur a eu des problèmes d’argent et reproche à l’employeur de retenir l’argent de la subvention pour se rembourser de l’argent qu’il lui a prêté. Le patron est déçu de la tournure des événements.
[37] Le 31 mars 2004, le docteur Desmarais, médecin traitant du travailleur, produit à la CSST un rapport médical où il écrit que l’emploi actuel n’est pas convenable, que les limitations fonctionnelles du travailleur ne sont pas respectées, qu’il y a une aggravation des douleurs du travailleur. Le médecin retire le travailleur du travail et le réfère à la CSST pour une réadaptation. Dans ses notes, le docteur Desmarais écrit que le travailleur fait du « sandblasting » (nettoyage au jet de sable), qu’il doit être assis, qu’il doit avoir une chaise spéciale, que l’employeur n’a pas fourni cet équipement, que les limitations fonctionnelles du travailleur ne sont pas respectées.
[38] Le jour même, le docteur Desmarais signe un document où il recommande un siège et dossier Obus forme et une ceinture lombo-sacrée et il indique que le port quotidien est nécessaire durant six mois. Il indique que le diagnostic de la lésion est hernie discale opérée. Le 14 juin 2004, la CSST refuse d’autoriser ces aides techniques pour le motif que le travailleur n’est pas « en emploi ». Dans sa décision du 5 octobre 2004, la CSST confirme cette décision et ajoute que ces aides ont été prescrits pour un diagnostic de hernie discale opérée alors que le diagnostic relié à la lésion du 19 juin 2001 est celui d’entorse lombaire sur discopathie préexistante L5-S1.
[39] Le 1er avril 2004, le travailleur produit à la CSST une réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation le 26 mars 2004, soulignant que ses limitations fonctionnelles ne sont pas respectées et que son médecin recommande un arrêt de travail. La CSST refuse la réclamation du travailleur.
[40] Le travailleur demande alors des indemnités de remplacement de revenu en vertu de l’article 51 de la loi qui se lit ainsi :
51. Le travailleur qui occupe à plein temps un emploi convenable et qui, dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l'exercer, doit abandonner cet emploi selon l'avis du médecin qui en a charge récupère son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 et aux autres prestations prévues par la présente loi.
Le premier alinéa ne s'applique que si le médecin qui a charge du travailleur est d'avis que celui-ci n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur.
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1985, c. 6, a. 51.
[41] La CSST refuse de reprendre le versement de l’indemnité selon l’article 51 de la loi « considérant que le rapport du médecin traitant n’est pas motivé sur la base notamment, des antécédents médicaux, des limitations fonctionnelles, des tâches et exigences physiques de l’emploi », « que ce soit sur les rapports médicaux du docteur Bessette du 26 mars 2004 et du Dr Desmarais médecin traitant le 31 mars 2004 ou que ce soit dans les notes de consultation de ce dernier ».
[42] Le 10 juin 2004, le travailleur dit à la conseillère en réadaptation de la CSST qu’à la fin de la subvention, il devait travailler au jet de sable debout, une bonne partie de la journée, sans pouvoir alterner les postures.
[43] Dans son témoignage à l’audience, le travailleur explique que le travail qu’il effectuait chez Maximum Automotive inc. consistait essentiellement à prendre un alternateur de 10-12 livres, à le laver au jet de sable pour enlever la rouille, le mettre sur la table, le démonter et le remonter après avoir changé des pièces. Durant le stage, il pouvait changer sa posture, et travailler debout ou assis. Il avait été convenu, lors d’une intervention de monsieur Monaco, qu’il travaillerait au jet de sable 15 minutes par jour ou par deux jours. Pourtant, à la fin du stage, en mars, le patron a exigé qu’il fasse cette tâche une bonne partie de la journée. Bien que sur les photos prises par monsieur Monaco l’on voie le travailleur assis sur un banc, il n’a pu utiliser de banc et n’a jamais reçu le banc qu’il devait avoir. Il faisait donc le travail au jet de sable, en posture debout, le tronc penché légèrement vers l’avant.
[44] À la fin mars 2004, le travailleur a de la douleur au bas du dos et dans la jambe gauche, il pleure le soir, il se fait masser par sa femme. Il rejoint la conseillère de la CSST qui lui a dit qu’elle parlera au patron qui, à son tour, demande au travailleur pourquoi il a appelé la CSST. Le 26 mars 2004, le travailleur se plaint au patron que ses limitations fonctionnelles ne sont pas respectées et qu’il a mal au dos. Le patron lui a dit de consulter le médecin.
[45] Le travailleur, à qui l’employeur faisait livrer des alternateurs le matin avant d’arriver au travail, a déposé une plainte en vertu de la Loi sur les normes du travail[2] pour du salaire impayé et des frais d’essence. Il a obtenu une décision en sa faveur.
[46] Le travailleur est déçu de ces événements, d’autant plus qu’il aimait ce travail.
L’AVIS DES MEMBRES
[47] Conformément aux dispositions de l'article 429.50 de la loi, la commissaire soussignée a demandé aux membres qui ont siégé auprès d'elle leur avis sur les questions faisant l'objet de la présente requête, de même que les motifs de cet avis.
[48] Les membres issus des associations syndicales et d'employeurs sont d'avis que la requête du travailleur devrait être accueillie et la décision de la CSST modifiée. Le travailleur a droit aux prestations prévues à l’article 51 de la loi puisqu’il a abandonné un emploi convenable après quelques mois selon l’avis de son médecin qui a charge à l’effet qu’il n’est pas en mesure d’occuper cet emploi qui ne respecte pas ses limitations fonctionnelles. D’autre part, le travailleur a droit aux aides techniques qu’il n’a pas eues.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[49] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur avait droit, en mars 2004, de récupérer le droit à l’indemnité de remplacement du revenu et aux autres prestations prévues à la loi. Subsidiairement, la Commission des lésions professionnelles doit se prononcer sur la contestation du travailleur relativement à la décision relative à l’emploi convenable. Enfin, la Commission des lésions professionnelles doit décider du droit du travailleur aux aides techniques demandées, soit un siège et un dossier Obus forme et une ceinture lombaire de type Black belt.
[50] Après analyse, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur récupère son droit à l’indemnité de remplacement du revenu et autres prestations en vertu de l’article 51 de la loi, et ce, à compter du 31 mars 2004. En effet, le travailleur occupait à temps plein un emploi convenable et, dans les deux ans où il a commencé à l’exercer, son médecin qui a charge a émis un avis à l’effet qu’il n’était pas en mesure de l’occuper.
[51] La Commission des lésions professionnelles retient que l’emploi convenable de monteur/démonteur de démarreurs et d’alternateurs comporte des tâches de nettoyage au jet de sable (sandblasting), travail qui se fait debout, en légère flexion antérieure du tronc.
[52] La CSST avait identifié, dès le départ, que les tâches au jet de sable étaient problématiques pour le travailleur. L’appareil était trop bas pour lui et il devait fléchir les jambes pour réussir à entrer ses bras dans la hotte. Monsieur Monaco soulignait le même problème. C’est pourquoi monsieur Monaco avait conclu de « minimiser l’utilisation de cet appareil par le travailleur », comme il l’écrit dans son rapport.
[53] C’est dans ce contexte que la CSST a autorisé le stage, la subvention et déterminé l’emploi convenable.
[54] Or, dans la mesure où la tâche au jet de sable se fait de façon répétée, elle ne respecte pas les limitations fonctionnelles du travailleur. En effet, le travailleur doit éviter des gestes répétés d’« effectuer des mouvements même de faible amplitude à la colonne lombaire » et « éviter de maintenir la position debout pendant des périodes prolongées ».
[55] Le travailleur a donc effectué les tâches au jet de sable, en alternance avec les autres tâches de la fin novembre 2003 au 19 mars 2004 environ. Il n’a pas eu le banc qu’il devait avoir.
[56] Lorsque la subvention de la CSST a pris fin le 19 mars 2004 et que la CSST et monsieur Monaco ont cessé d’avoir un droit de regard sur la situation du travailleur au travail, le patron a affecté le travailleur au nettoyage au jet de sable, sans « minimiser l’utilisation de cet appareil par le travailleur ».
[57] En effectuant les tâches au jet de sable sur de longues périodes dans la journée, le travailleur a présenté une augmentation de ses douleurs au dos et dans la jambe gauche. Il pleurait le soir et devait se faire frotter le dos.
[58] Le 26 mars 2004, son médecin n’étant pas disponible, le travailleur consulte un autre médecin à qui il explique la situation. Le médecin recommande un arrêt de travail, indique que les limitations fonctionnelles du travailleur ne sont pas respectées et réfère le travailleur à son médecin traitant, le docteur Desmarais.
[59] Le 31 mars 2004, le docteur Desmarais, médecin qui a charge du travailleur, recommande un arrêt de travail, indique que les limitations fonctionnelles ne sont pas respectées, qu’il y a aggravation des douleurs du travailleur. Il souligne que l’emploi n’est pas convenable et recommande la réadaptation. Dans ses notes, il indique que le travailleur fait du sandblasting, qu’il doit être assis, que les outils recommandés, telle une chaise spéciale n’a pas été fournie, que les limitations fonctionnelles du travailleur ne sont pas respectées.
[60] La Commission des lésions professionnelles considère que cet avis du médecin qui a charge du travailleur respecte l’article 51 de la loi. En effet, l’on comprend de l’avis du médecin que le travailleur a des difficultés au sandblasting, qu’il ne peut faire cette tâche assis, qu’il n’a pas reçu la chaise pour faire ce travail, qu’il le fait debout, ce qui ne respecte pas ses limitations fonctionnelles.
[61] La situation du travailleur diffère de l’affaire Larivière et Produits d’acier Hason inc.[3] à laquelle la CSST se réfère dans son dossier. Dans l’affaire Larivière, la Commission des lésions professionnelles concluait que « Sans faire preuve de formalisme et sans avoir à reprendre les termes exacts de l’article 51, le médecin doit tout de même fournir les éléments essentiels à son application. (…). Lorsqu’un médecin émet un avis sur la capacité d’exercer l’emploi convenable, on doit être en mesure de comprendre de son avis qu’il connaît cet emploi, ses exigences et sur quels motifs repose sa recommandation au travailleur d’abandonner l’emploi convenable. L’opinion de la docteure Jacques est insuffisante à cet égard ».
[62] Or, dans le cas de monsieur Helpin, la Commission des lésions professionnelles est d’opinion que le docteur Desmarais a fourni les éléments essentiels à l’application de l’article 51. Il connaît l’emploi, ses exigences et il exprime les raisons sur lesquelles repose sa recommandation au travailleur d’abandonner l’emploi.
[63] Cet avis du médecin correspond à la preuve devant la Commission des lésions professionnelles à l’effet que le travailleur est incapable d’exécuter le travail au jet de sable sur de longues périodes, debout, avec une légère flexion antérieure du tronc, puisque cela contrevient à ses limitations fonctionnelles et comporte un danger pour sa santé, sa sécurité et son intégrité physique (article 51 de la loi).
[64] En ce qui concerne le siège et le dossier Obus forme, et la ceinture lombo-sacrée, le médecin du travailleur les avait recommandés le 14 août 2003, selon ses notes de consultation. Or, il semble qu’aucune demande n’ait été faite à la CSST à cette époque. Or, le 31 mars 2004, le médecin recommande à nouveau ces aides techniques qui sont refusées par la CSST.
[65] La Commission des lésions professionnelles autorise ces aides techniques.
[66]
Bien la CSST les refuse parce que le travailleur
n’est plus au travail, la Commission des lésions professionnelles constate que
le Règlement sur l'assistance médicale[4]
n’exige pas comme condition pour que le travailleur ait droit à
l’assistance médicale qu’il soit au travail, non plus que le 5e
paragraphe de l’article
[67] D’autre part, ces aides techniques sont prescrites par le médecin qui a charge du travailleur en relation avec la condition lombaire du travailleur. Que le médecin ait écrit sur le document le diagnostic de hernie discale opérée plutôt que le diagnostic d’entorse lombaire n’a pas pour effet de refuser ces aides techniques. En effet, le travailleur a subi en 2001 une lésion professionnelle au niveau lombaire (entorse lombaire sur discopathie préexistante L5-S1) après avoir subi une lésion professionnelle en 1990 avec chirurgie en 1995 (hernie discale L5-S1 et discectomie L5-S1). Il s’agit du même site de lésion et de la même symptomatologie. Lorsque le médecin du travailleur recommande ces aides techniques en 2003 et en 2004, c’est pour la condition lombaire du travailleur, telle qu’elle a évolué en 2004, après ses lésions professionnelles, dont celle de 2001.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Timothy Helpin;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 5 octobre 2004;
DÉCLARE que
monsieur Timothy Helpin a droit, à compter du 31 mars 2004, à l’indemnité de
remplacement du revenu et autres prestations, selon l’article
DÉCLARE que monsieur Helpin a droit, à titre d’aides techniques, à un siège et un dossier Obus forme et une ceinture lombo-sacrée;
DÉCLARE que monsieur Helpin a droit à la réadaptation.
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Me Lucie Landriault |
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Commissaire |
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Me Sophie Mongeon |
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DESROCHES, MONGEON, BONENFANT |
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Procureure de la partie requérante |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.