Hôpital Maisonneuve-Rosemont c. Buesco Construction inc. |
2016 QCCA 739 |
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COUR D’APPEL |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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GREFFE DE
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N° : |
500-09-023871-130, 500-09-023872-138, 500-09-023873-136 |
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(500-17-018560-030, 500-17-019316-044) |
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DATE : |
Le 31 mai 2016 |
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No 500-09-023871-130 (500-17-018560-030) |
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HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT |
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APPELANT - Demandeur / Demandeur en mis en cause forcé / Défendeur reconventionnel |
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c. |
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BUESCO CONSTRUCTION INC. |
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INTIMÉE / APPELANTE INCIDENTE - Défenderesse / Demanderesse en garantie |
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et |
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C.G.U. COMPAGNIE D’ASSURANCES DU CANADA, maintenant connue sous le nom AVIVA, COMPAGNIE D’ASSURANCES DU CANADA |
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INTIMÉE - Défenderesse |
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et |
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LES ARCHITECTES TÉTREAULT, PARENT, LANGUEDOC & ASSOCIÉS |
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ALLAIRE BERGERON COURCHESNE PERRAS, ARCHITECTURE & URBANISME |
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PASQUIN ST-JEAN ET ASSOCIÉS |
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BPR GROUPE-CONSEIL |
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INTIMÉES - Défenderesses « subsidiaires » |
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et |
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INSPEC-SOL INC. |
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INTIMÉE - Défenderesse « subsidiaire » / Demanderesse reconventionnelle |
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et |
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9053-3340 QUÉBEC INC. (f.a.s.r.s. CONSTRUCTION ASTRA) |
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MISE EN CAUSE / INTIMÉE INCIDENTE - Défenderesse en garantie |
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No 500-09-023872-138 (500-17-019316-044) |
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SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE DES INFRASTRUCTURES, aux droits de la Société immobilière du Québec et auparavant de la Corporation d’hébergement du Québec |
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APPELANTE - Défenderesse / Demanderesse en garantie et en mise en cause forcée / Défenderesse reconventionnelle |
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c. |
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BUESCO CONSTRUCTION INC. |
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INTIMÉE - Demanderesse |
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et |
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LES ARCHITECTES TÉTREAULT, PARENT, LANGUEDOC & ASSOCIÉS |
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ALLAIRE BERGERON COURCHESNE PERRAS, ARCHITECTURE & URBANISME |
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PASQUIN ST-JEAN ET ASSOCIÉS |
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BPR GROUPE-CONSEIL |
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INTIMÉES - Défenderesses en garantie et en mises en cause forcées |
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et |
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INSPEC-SOL INC. |
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INTIMÉE - Défenderesse en garantie et en mise en cause forcée / Demanderesse reconventionnelle |
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et |
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HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT |
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MIS EN CAUSE - Défendeur / Demandeur en garantie et en mis en cause forcé / Défendeur reconventionnel |
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No 500-09-023873-136 (500-17-019316-044) |
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HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT |
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APPELANT / INTIMÉ INCIDENT - Défendeur / Demandeur en garantie et en mis en cause forcé / Défendeur reconventionnel |
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c. |
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BUESCO CONSTRUCTION INC. |
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INTIMÉE / APPELANTE INCIDENTE - Demanderesse |
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et |
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LES ARCHITECTES TÉTREAULT, PARENT, LANGUEDOC & ASSOCIÉS |
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ALLAIRE BERGERON COURCHESNE PERRAS, ARCHITECTURE & URBANISME |
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PASQUIN ST-JEAN ET ASSOCIÉS |
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BPR GROUPE-CONSEIL |
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INTIMÉES - Défenderesses en garantie et en mises en cause forcées |
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et |
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INSPEC-SOL INC. |
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INTIMÉE - Défenderesse en garantie et en mise en cause forcée / Demanderesse reconventionnelle |
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et |
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SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE DES INFRASTRUCTURES, aux droits de la Société immobilière du Québec et auparavant de la Corporation d’hébergement du Québec |
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MISE EN CAUSE - Défenderesse / Demanderesse en garantie et en mise en cause forcée |
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ARRÊT RECTIFICATIF |
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[1] ATTENDU que la Cour a, par inadvertance, omis de statuer sur les frais de justice contre l'intimée Aviva, compagnie d'assurances du Canada dans le dossier 500-09-023871-130, et ce, en dépit du paragraphe [285] des motifs du juge Gagnon;
[2] ATTENDU que la Cour a, également, omis de statuer sur les frais de justice en faveur des intimées Les architectes Tétreault, Parent, Languedoc & associés, Allaire Bergeron Courchesne Perras, architecture & urbanisme, Pasquin St-Jean et associés, BPR Groupe-conseil et Inspec-Sol inc. en dépit des conclusions de l'arrêt qui confirment le jugement de première instance qui lui-même rejette l'action de Hôpital Maisonneuve-Rosemont contre ces mêmes parties;
[3] ATTENDU qu'il y a lieu de préciser dans le dispositif de l'arrêt que la conclusion [13] s'applique aux dossiers 500-09-023871-130 et 500-09-023873-136, et ce, conformément à ce que mentionne la note de bas de page 113 de l'arrêt;
[4] POUR CES MOTIFS, LA COUR :
[5] Rectifie le texte de l'arrêt du 3 mai 2016 pour que désormais il soit ainsi rédigé :
[6] ACCUEILLE en partie les appels de HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT, avec frais de justice contre BUESCO CONSTRUCTION INC. et contre AVIVA, COMPAGNIE D'ASSURANCES DU CANADA, mais, concernant cette dernière, seulement pour le dossier d'appel 500-09-023871-130;
Dossier Buesco 500-17-019316-044
[7] Modifie la conclusion [389] du jugement pour que désormais elle soit ainsi rédigée :
[389] Condamne le défendeur HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT à payer à la demanderesse BUESCO CONSTRUCTION INC. la somme de 1 510 545,75 $ avec intérêts et indemnité additionnelle calculés à compter du 4 février 2003, ainsi que les dépens et les honoraires des experts au montant de 301 694,71 $;
[8] Confirme les conclusions [390], [391], [392], [393] et [394] du jugement;
Dossier HMR 500-17-018560-030
[9] Infirme les conclusions [395] et [396] du jugement de première instance et les remplace par les conclusions suivantes :
[395] Accueille en partie l’action du demandeur HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT contre les défenderesses BUESCO CONSTRUCTION INC. et sa caution C.G.U. compagnie d'assurances du Canada, maintenant connue sous le nom Aviva, compagnie d'assurances du Canada;
[396] Condamne solidairement les défenderesses BUESCO CONSTRUCTION INC. et C.G.U. compagnie d'assurances du Canada, à payer au demandeur HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT la somme de 3 636 133,37 $ avec intérêts et indemnité additionnelle à compter de l'assignation et les dépens, entendu que cette condamnation solidaire ne vaut à l'égard de C.G.U. compagnie d'assurances du Canada que jusqu'à concurrence du montant de son cautionnement;
[10] Rejette l'appel de HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT contre LES ARCHITECTES TÉTREAULT, PARENT, LANGUEDOC & ASSOCIÉS, ALLAIRE BERGERON COURCHESNE PERRAS, ARCHITECTURE & URBANISME, PASQUIN ST-JEAN ET ASSOCIÉS, BPR GROUPE-CONSEIL et INSPEC-SOL INC., avec frais de justice;
[10.1] Confirme les conclusions [397], [398], [399] et [400] du jugement;
[11] DÉCLARE que les créances respectives de BUESCO CONSTRUCTION INC. contre HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT et celle de HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT contre BUESCO CONSTRUCTION INC. et C.G.U. COMPAGNIE D'ASSURANCES DU CANADA établies par cet arrêt sont éteintes par compensation au jour du présent arrêt jusqu'à concurrence de la moindre;
Dossier SQI 500-09-023872-138
[12] rejette l'appel de SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE DES INFRASTRUCTURES, avec frais de justice;
Dossiers 500-09-023871-130 et 500-09-023873-136
[13] Rejette l'appel incident de BUESCO CONSTRUCTION INC., avec frais de justice;
[13.1] Confirme la conclusion [401] du jugement.
Hôpital Maisonneuve-Rosemont c. Buesco Construction inc. |
2016 QCCA 739 |
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COUR D’APPEL |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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GREFFE DE
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MONTRÉAL |
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N° : |
500-09-023871-130, 500-09-023872-138, 500-09-023873-136 |
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(500-17-018560-030, 500-17-019316-044) |
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DATE : |
3 mai 2016 |
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CORAM : |
LES HONORABLES |
GUY GAGNON, J.C.A. MARTIN VAUCLAIR, J.C.A. ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A. |
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No 500-09-023871-130 (500-17-018560-030) |
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HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT |
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APPELANT - Demandeur / Demandeur en mis en cause forcé / Défendeur reconventionnel |
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c. |
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BUESCO CONSTRUCTION INC. |
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INTIMÉE / APPELANTE INCIDENTE - Défenderesse / Demanderesse en garantie |
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et |
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C.G.U. COMPAGNIE D’ASSURANCES DU CANADA, maintenant connue sous le nom AVIVA, COMPAGNIE D’ASSURANCES DU CANADA |
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INTIMÉE - Défenderesse |
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et |
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LES ARCHITECTES TÉTREAULT, PARENT, LANGUEDOC & ASSOCIÉS |
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ALLAIRE BERGERON COURCHESNE PERRAS, ARCHITECTURE & URBANISME |
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PASQUIN ST-JEAN ET ASSOCIÉS |
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BPR GROUPE-CONSEIL |
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INTIMÉES - Défenderesses « subsidiaires » |
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et |
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INSPEC-SOL INC. |
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INTIMÉE - Défenderesse « subsidiaire » / Demanderesse reconventionnelle |
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et |
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9053-3340 QUÉBEC INC. (f.a.s.r.s. CONSTRUCTION ASTRA) |
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MISE EN CAUSE / INTIMÉE INCIDENTE - Défenderesse en garantie |
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No 500-09-023872-138 (500-17-019316-044) |
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SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE DES INFRASTRUCTURES, aux droits de la Société immobilière du Québec et auparavant de la Corporation d’hébergement du Québec |
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APPELANTE - Défenderesse / Demanderesse en garantie et en mise en cause forcée / Défenderesse reconventionnelle |
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c. |
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BUESCO CONSTRUCTION INC. |
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INTIMÉE - Demanderesse |
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et |
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LES ARCHITECTES TÉTREAULT, PARENT, LANGUEDOC & ASSOCIÉS |
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ALLAIRE BERGERON COURCHESNE PERRAS, ARCHITECTURE & URBANISME |
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PASQUIN ST-JEAN ET ASSOCIÉS |
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BPR GROUPE-CONSEIL |
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INTIMÉES - Défenderesses en garantie et en mises en cause forcées |
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et |
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INSPEC-SOL INC. |
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INTIMÉE - Défenderesse en garantie et en mise en cause forcée / Demanderesse reconventionnelle |
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et |
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HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT |
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MIS EN CAUSE - Défendeur / Demandeur en garantie et en mis en cause forcé / Défendeur reconventionnel |
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No 500-09-023873-136 (500-17-019316-044) |
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HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT |
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APPELANT / INTIMÉ INCIDENT - Défendeur / Demandeur en garantie et en mis en cause forcé / Défendeur reconventionnel |
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c. |
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BUESCO CONSTRUCTION INC. |
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INTIMÉE / APPELANTE INCIDENTE - Demanderesse |
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et |
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LES ARCHITECTES TÉTREAULT, PARENT, LANGUEDOC & ASSOCIÉS |
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ALLAIRE BERGERON COURCHESNE PERRAS, ARCHITECTURE & URBANISME |
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PASQUIN ST-JEAN ET ASSOCIÉS |
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BPR GROUPE-CONSEIL |
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INTIMÉES - Défenderesses en garantie et en mises en cause forcées |
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et |
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INSPEC-SOL INC. |
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INTIMÉE - Défenderesse en garantie et en mise en cause forcée / Demanderesse reconventionnelle |
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et |
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SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE DES INFRASTRUCTURES, aux droits de la Société immobilière du Québec et auparavant de la Corporation d’hébergement du Québec |
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MISE EN CAUSE - Défenderesse / Demanderesse en garantie et en mise en cause forcée |
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ARRÊT |
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[1] Les appelants Hôpital Maisonneuve-Rosemont et Société québécoise des infrastructures se pourvoient contre un jugement de la Cour supérieure (l’honorable Yves Poirier), rendu le 8 août 2013, qui rejette l'action en dommages-intérêts de Hôpital Maisonneuve-Rosemont intentée contre l’intimée Buesco Construction inc. et en exécution d'un cautionnement contre l'intimée C.G.U. compagnie d'assurances du Canada, maintenant connue sous le nom Aviva, compagnie d'assurances du Canada. De plus, ce jugement rejette l'action en garantie de l'intimée Buesco Construction inc. intentée contre la mise en cause 9053-3340 Québec inc.
[2] Le même jugement rejette l'action de Hôpital Maisonneuve-Rosemont intentée contre les intimées Les architectes Tétreault, Parent, Languedoc & associés, Allaire Bergeron Courchesne Perras, architecture & urbanisme, Pasquin St-Jean et assosiés, BPR Groupe-conseil et Inspec-sol inc.
[3] Par ailleurs, le jugement accueille l'action en dommages-intérêts intentée par l'intimée Buesco Construction inc. contre l'appelant Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Cependant, il rejette les actions en garantie intentées par les appelants contre les intimées Pasquin St-Jean et assosiés, BPR Groupe-conseil, Les architectes Tétreault, Parent, Languedoc & associés et Inspec-Sol inc., et ce, avec dépens en faveur de chacune de ces parties. De plus, le jugement rejette sans frais l'action de l'intimée Buesco Construction inc. intentée contre l'appelante Société québécoise des infrastructures.
[4] L'intimée Buesco Construction inc. a aussi formé un appel incident « dans l'éventualité où l'appel principal [serait] accueilli ». Elle demandait que la mise en cause et intimée incidente 9053-3340 Québec inc. l'indemnise pour toute condamnation dont elle pourrait être l'objet en appel. Elle soutenait également que le dispositif du jugement était entaché d'une erreur la privant de 271 809,49 $ en intérêts.
[5] Pour les motifs du juge Gagnon, auxquels souscrivent les juges Vauclair et Mainville;
LA COUR :
[6] ACCUEILLE les appels de HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT, avec frais de justice contre BUESCO CONSTRUCTION INC.;
Dossier Buesco 500-17-019316-044
[7] Modifie la conclusion [389] du jugement pour que désormais elle soit ainsi rédigée :
[389] Condamne le défendeur HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT à payer à la demanderesse BUESCO CONSTRUCTION INC. la somme de 1 510 545,75 $ avec intérêts et indemnité additionnelle calculés à compter du 4 février 2003, ainsi que les dépens et les honoraires des experts au montant de 301 694,71 $;
[8] Confirme les conclusions [390], [391], [392], [393] et [394] du jugement;
Dossier HMR 500-17-018560-030
[9] Infirme les conclusions [395] et [396] du jugement de première instance et les remplace par les conclusions suivantes :
[395] Accueille en partie l’action du demandeur HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT contre les défenderesses BUESCO CONSTRUCTION INC. et sa caution C.G.U. compagnie d'assurances du Canada, maintenant connue sous le nom Aviva, compagnie d'assurances du Canada;
[396] Condamne solidairement les défenderesses BUESCO CONSTRUCTION INC. et C.G.U. compagnie d'assurances du Canada, à payer au demandeur HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT la somme de 3 636 133,37 $ avec intérêts et indemnité additionnelle à compter de l'assignation et les dépens, entendu que cette condamnation solidaire ne vaut à l'égard de C.G.U. compagnie d'assurances du Canada que jusqu'à concurrence du montant de son cautionnement;
[10] Confirme les conclusions [397], [398], [399], [400] et [401] du jugement;
[11] DÉCLARE que les créances respectives de BUESCO CONSTRUCTION INC. contre HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT et celle de HÔPITAL MAISONNEUVE-ROSEMONT contre BUESCO CONSTRUCTION INC. et C.G.U. COMPAGNIE D'ASSURANCES DU CANADA établies par cet arrêt sont éteintes par compensation au jour du présent arrêt jusqu'à concurrence de la moindre;
Dossier SQI 500-09-023872-138
[12] rejette l'appel de SOCIÉTÉ QUÉBÉCOISE DES INFRASTRUCTURES, avec frais de justice;
[13] Rejette l'appel incident de BUESCO CONSTRUCTION INC., avec frais de justice.
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GUY GAGNON, J.C.A. |
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MARTIN VAUCLAIR, J.C.A. |
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ROBERT M. MAINVILLE, J.C.A. |
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Me Yvan Bujold et Me Annick Gauthier Bernier |
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Cain, Lamarre |
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Pour l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont et la Société québécoise des infrastructures |
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Me Sophie Perron et Me Julien Lussier |
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Irving Mitchell Kalichman |
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Pour Buesco Construction inc. et Aviva, compagnie d'assurances du Canada |
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Me Michèle Bédard |
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Langlois avocats |
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Pour Les architectes Tétreault, Parent, Languedoc & associés et Allaire Bergeron Courchesne Perras, architecture & urbanisme |
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Me Jean Fréchette |
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Bélanger, Sauvé |
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Pour Pasquin St-Jean et associés |
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Me Geneviève Cotnam |
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Stein Monast |
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Pour BPR Groupe-conseil |
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Me Marie-Julie Croteau |
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Donati, Maisonneuve |
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Pour Inspec-Sol inc. |
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Me Sylvie Champagne |
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Zaurrini Avocats |
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Pour 9053-3340 Québec inc. |
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Date d’audience : |
27 octobre 2015 |
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MOTIFS DU JUGE GAGNON |
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[14] Les appelants Hôpital Maisonneuve-Rosemont (« HMR ») et Société québécoise des infrastructures (« SQI ») se pourvoient contre un jugement de la Cour supérieure (l’honorable Yves Poirier), rendu le 8 août 2013, qui, pour l’essentiel, déclare non recevable le recours en dommages intenté par HMR contre l’intimée Buesco Construction inc. (« Buesco ») au motif principal que le premier a abusé de ses droits dans la conduite de ses affaires à l’égard de la seconde. Le même jugement accueille le recours en dommages de Buesco contre HMR pour avoir manqué à ses engagements contractuels[1].
[15] Buesco a aussi formé un appel incident « dans l’éventualité où l’appel principal [serait] accueilli ». Elle demande à son principal sous-entrepreneur 9053-3340 Québec inc. (« Astra »)[2] de l’indemniser pour toute condamnation dont elle pourrait être l’objet en appel. Elle soutient aussi que le dispositif du jugement entrepris est entaché d’une erreur la privant de 271 809,49 $ en intérêts.
[16] La principale question que soulève ce pourvoi est de déterminer si le juge de première instance (le « Juge ») s’est bien dirigé en droit en concluant que HMR a agi de manière abusive dans l’exercice de ses prérogatives contractuelles. Il faut aussi répondre à la prétention de Buesco selon laquelle HMR a manqué à ses obligations, plus particulièrement celles découlant de son statut de donneur d’ouvrage et d'« homme de l’art ».
[17] Selon les réponses données à ces questions et en dépit du fait qu’en appel les parties se sont faites avares de commentaires sur l’évaluation de leur préjudice respectif, cet aspect du jugement de première instance devra être revu en vue de déterminer le montant des dommages auquel chacune d’elles a droit.
[18] HMR est un hôpital d’importance situé dans la région de Montréal. En 2002, il a décidé de construire un centre ambulatoire rattaché à ses installations principales. La coordination du projet de plus de 60 millions de dollars a été confiée à l’architecte Guy Daigneault (« Daigneault »).
[19] À l’époque, c’est la Corporation d’hébergement du Québec (« CHQ ») qui était l’organisme chargé de réaliser les projets d’envergure pour le compte des établissements relevant de la compétence du gouvernement du Québec[3]. Son mandat consistait à retenir les services des professionnels indispensables à la planification des travaux et à rémunérer l’entrepreneur principal selon l’avancement des engagements contractuels.
[20] Les services des architectes Tétreault, Parent, Languedoc & associés (« TPL ») ont été requis aux fins de procéder à la conception et à l’architecture du centre ambulatoire. De plus, ils devaient voir à la coordination des professionnels impliqués dans le projet. La responsabilité de contrôler les coûts de construction et de vérifier l’évolution des travaux, selon les échéanciers convenus, revenait à la firme d’ingénieur BPR Groupe-conseil (« BPR »). Une autre firme d’ingénieur, Pasquin St-Jean et associés (« PSA »), devait concevoir les plans et devis, exécuter les travaux d’ingénierie et surveiller les travaux de l’entrepreneur.
[21] Le projet devait évoluer selon trois stades (lots) distincts dont chacun obéissait à son propre échéancier :
· lot 1 : Excavation de masse et travaux de fonçage de pieux;
· lot 2 : Érection de la structure du bâtiment;
· lot 3 : Construction de l’enveloppe du bâtiment et ses composantes internes.
[22] Buesco est l’entrepreneur général qui a emporté l’appel d’offres lancé par HMR pour l’érection de la structure (lot 2). Il faut savoir que cette société, dirigée par monsieur Luigi Bucci (« Bucci »), ne s’est jamais impliquée directement dans l’exécution des travaux. D’ailleurs, elle ne pouvait le faire, ne possédant aucun équipement susceptible de lui permettre de participer activement à leur avancement[4]. Son modus operandi consistait plutôt à agir par l’intermédiaire de sous-traitants spécialisés à qui elle confiait l’exécution des travaux, tout en coordonnant leurs activités.
[23] Le 4 février 2003, HMR décidait de résilier l’entente la liant à Buesco en raison de plusieurs manquements graves (résiliation-sanction) liés à l’exécution des travaux.
[24] Au début du procès, HMR réclamait à Buesco 9 402 641 $[5]. Cette somme correspondait à peu de chose près aux montants versés à l’entrepreneur Décarel Construction inc. (« Décarel ») venu en relève terminer les travaux d’érection de la structure. À défaut de démontrer la responsabilité de Buesco, HMR plaidait que sa perte devait être supportée par ses propres professionnels[6] impliqués dans le projet, ces derniers étant désignés sous le vocable de « défendeurs subsidiaires ».
[25] Quant à Buesco, elle demandait à la Cour supérieure de condamner HMR à lui verser 10 585 130,09 $[7] pour un solde contractuel impayé et pour des dommages découlant de la résiliation de l’entente. Buesco avait aussi déposé une demande en garantie contre Astra en vue de parer les effets éventuels d’une condamnation en première instance.
[26] À l’origine, HMR invoquait quatre manquements graves contre Buesco soit : 1) de ne pas avoir respecté les normes de santé et sécurité sur le chantier; 2) de ne pas avoir fourni d’échéancier conforme aux exigences du contrat; 3) d’avoir laissé geler le sol sur lequel devait être coulé du béton; et, finalement, 4) de ne pas avoir fourni une méthode de travail acceptable pour la pose d’un système d’étais.
[27] Le Juge a déterminé que seul le manquement relatif à la pose d’un système d’étais sur sol gelé avait été démontré. Les effets concrets de cette conclusion ont toutefois été annihilés par cette autre détermination selon laquelle HMR avait abusé de ses droits. Le remède choisi par le Juge pour sanctionner cet abus a été d’interdire à cette partie de présenter sa réclamation contre Buesco (fin de non-recevoir).
[28] En appel, HMR abandonne le reproche portant sur les manquements aux normes de santé et sécurité des travailleurs, mais soulève à nouveau la faute de Buesco pour ne pas avoir déposé d’échéanciers valides. Il ajoute que la conclusion du Juge selon laquelle Buesco n’a pas commis un manquement grave en laissant geler le sol est antinomique avec son autre conclusion selon laquelle l’entrepreneur a manqué à son obligation contractuelle en ne proposant pas de méthode de travail sécuritaire pour la pose d’un système d’étais sur sol gelé. Finalement, HMR soutient que le cumul des fautes et erreurs de Buesco rendait inévitable la résiliation de l’entente.
[29] Pour sa part, Buesco avance qu’une entente portant sur la méthode de travail serait intervenue entre les parties dès janvier 2003. Elle signale n’avoir jamais reçu les montants convenus lors de cette entente. Elle ajoute que HMR aurait aussi manqué à son obligation de renseignement, la privant de la possibilité de compléter l’exécution du contrat dans les délais convenus.
[30] Cette mise en contexte faite, il y a maintenant lieu de revoir plus en détail la chronologie des événements ayant marqué cette affaire en vue de mieux saisir les principaux enjeux soulevés par ce pourvoi.
[31] Fondations Géodex inc. est la société qui s’est vu confier le contrat pour l’excavation et le fonçage de pieux (lot 1), première étape du projet de construction du centre ambulatoire commencée à l’été 2002. Une surface de près de 10 000 m2 est ainsi creusée sur plusieurs mètres de profondeur. Ces travaux se sont terminés le 25 octobre 2002 avec six semaines de retard.
[32] Le 6 septembre 2002, HMR lance un appel d’offres pour le lot 2. L’ouverture des soumissions est prévue pour le 3 octobre suivant. Fait à noter, les documents d’appel d’offres ne prévoient pas de date de fin des travaux.
[33] Les 18 et 25 septembre suivants, Buesco demande à HMR des précisions sur cet échéancier manquant. Le 27 septembre, HMR complète son appel d’offres en informant les soumissionnaires que le lot 2 doit être terminé pour le 15 avril 2003.
[34] Buesco est déclarée le plus bas soumissionnaire par plus de 700 000 $ sur son plus proche rival. Le contrat de construction est signé lors de la deuxième réunion de chantier du 18 novembre 2002. À cette occasion, l’entrepreneur dépose un premier échéancier prévoyant la fin des travaux pour le 30 mai 2003. Lors de la réunion suivante, HMR informe Buesco que cette date ne respecte pas le délai contractuel et qu’un nouvel échéancier conforme à l’entente devra lui être présenté dans les prochains jours. Buesco remet alors en cause la possibilité de compléter le projet à l’intérieur du délai convenu. Cette éventualité est immédiatement rejetée par les professionnels de HMR.
[35] Le 30 novembre 2002, PSA transmet à HMR une première approbation de paiement. Le certificat d’autorisation est du 13 décembre 2002 et est suivi d’un chèque daté du 15 janvier 2003 au montant de 512 439,30 $ à l’ordre de Buesco.
[36] Le 2 décembre 2002, lors de la quatrième réunion de chantier, il est à nouveau demandé à Buesco de déposer pour la réunion du 4 décembre un échéancier conforme à l’entente. Cette dernière s’exécute avec une journée de retard. Selon les professionnels, l’échéancier demeure encore insatisfaisant sous plusieurs rapports.
[37] Lors de la réunion du 9 décembre 2002, Buesco réitère son incapacité à respecter l’échéancier précédemment déposé en le qualifiant d’irréaliste. En dépit de cette affirmation, HMR refuse de relever l’entrepreneur de son obligation contraignante. De plus, il lui demande de corriger certaines omissions, notamment en déterminant dans l’échéancier les différents plans de secteur du chantier et en planifiant les activités de construction sur une période ne devant pas s’étirer sur plus de cinq jours à la fois.
[38] À l’occasion de cette réunion, le problème du gel au sol est abordé pour la première fois. Buesco est alors formellement avisée de ne pas permettre que le gel s’installe dans le sol. Cette dernière tente d’apaiser les inquiétudes des professionnels en les avisant de son intention de dégeler le sol aux endroits stratégiques avant le lancement des travaux de remblai et de bétonnage.
[39] Le 12 décembre 2002, PSA dénonce à Buesco différents manquements dont celui concernant le remblayage avec du sol gelé. Il désire être informé notamment de la méthode que Buesco entend appliquer pour dégeler ce matériel.
[40] Le 16 décembre 2002, lors de la sixième réunion de chantier, Buesco dépose un troisième échéancier réitérant la date du 15 avril 2003 comme étant la journée prévue pour la fin des travaux, non sans souligner à nouveau son caractère irréaliste.
[41] Lors de cette réunion, le problème du sol gelé est encore discuté. Buesco informe les professionnels que désormais elle n’entend plus protéger le sol contre le gel. Cette idée est rejetée par HMR qui insiste pour que des mesures de protection contre cette nuisance soient immédiatement mises en place.
[42] La preuve a démontré qu’au même moment où se tenaient ces discussions, le gérant de Buesco, monsieur André Lemire, recevait des directives de Bucci lui indiquant de cesser de chauffer le béton[8].
[43] Il ressort de ce qui précède qu’à compter du 16 décembre 2002, Buesco avait renoncé à l’idée de travailler sur du sol non gelé. Or, selon les experts entendus en première instance, jamais dans l’histoire de la construction de grands édifices à Montréal un entrepreneur n'avait choisi de couler du béton dans de telles conditions.
[44] De l’avis des professionnels, le projet se dirigeait tout droit vers un échec susceptible d’entraîner la perte de tous les travaux jusqu’alors réalisés (lots 1 et 2). Le défaut par Buesco de respecter ses obligations obligeait désormais HMR à entrevoir une option capable de sauver les structures déjà en place. J’y reviendrai.
[45] Le 10 janvier 2003, TPL émet un deuxième certificat de paiement pour les travaux accomplis du 1er décembre au 31 décembre 2002. Le même jour, HMR met Buesco en demeure de corriger les déficiences sur le chantier concernant la santé et la sécurité des travailleurs.
[46] Le 13 janvier 2003, lors de la septième réunion de chantier, HMR durcit le ton et exige de Buesco un échéancier conforme, étant d’avis que ceux déjà déposés sont tous déficients. La question du sol gelé est à nouveau discutée. Buesco fait alors part de son intention de mettre en place des étais sur le sol, en prenant soin de dégeler les endroits où elle prévoit faire reposer ce système. Sceptiques, les professionnels demandent à l’entrepreneur de coucher sur papier le procédé envisagé.
[47] Le 14 janvier 2003, HMR fait parvenir une mise en demeure à Buesco dans laquelle il est mentionné qu’aucun de ses nombreux échéanciers n’a été accepté et que son incapacité persistante à respecter cette obligation constitue un manquement grave. Elle se voit accorder quatre jours pour remédier à la situation.
[48] Le lendemain, Buesco communique une méthode pour la pose d’étais pour laquelle elle avait annoncé la faisabilité lors de la réunion précédente. Toutefois, contrairement à son propos d’alors, l’information ne prévoit plus que les travaux seront exécutés sur du sol non gelé. Signe d’une position ambigüe, le même jour, Bucci donne instructions à son gérant de cesser de chauffer le béton.
[49] Le 17 janvier 2003, PSA informe Buesco de son refus de la laisser procéder à l’érection d’un système d’étais sur un sol gelé. Le lendemain, et toujours à la demande de son employeur, le gérant du chantier coupe à nouveau le chauffage.
[50] Le 20 janvier 2003, lors de la huitième réunion de chantier, Buesco dépose son quatrième échéancier. La date de fin des travaux est maintenant reportée au 8 mai 2003. La réplique de HMR ne laisse aucun doute, la date du 15 avril 2003 demeure une date contraignante.
[51] Durant cette réunion, PSA réitère son refus de permettre que la dalle structurale soit coulée sur un sol gelé. Pour bien comprendre les difficultés liées à la mise en place de ce système sur sol gelé, je reprends les explications du Juge sur ce sujet :
[192] Le Tribunal doit apporter une précision sur la période où les étais doivent être laissés en place sous la dalle du rez-de-chaussée. Tout d’abord, les plans et devis prévoient que le béton de la dalle du rez-de-chaussée et des étages supérieurs est coulé en hiver. Des précautions en ce sens ont été prises par PSA. Elles apparaissent au devis et à l’addenda nº 2 soumis aux soumissionnaires quelques jours avant le dépôt des soumissions (3 octobre 2002). L’une des précautions vise à contrer les effets du froid sur une dalle de béton d’une grande dimension comme ce projet, soit de 7 500 m 2. Sous l’effet du gel et pendant son mûrissement, un phénomène de contraction des matériaux affecte la qualité de la dalle si elle est coulée en son entier. Afin d’y remédier, la dalle est coulée en de plus petites sections et un espace libre est laissé entre chaque section déjà coulée. Dès que l’ensemble de la dalle atteint la température ambiante de 10oC et qu’il n’y a plus de risque de contraction, on coule le béton dans les espaces libres et l’ensemble des sections de la dalle se retrouve intégré de façon monolithique. Ces espaces libres entre les sections de la dalle sont appelés : bandes de 2ième coulée.
[193] Cette exigence aux plans et devis entraine deux contraintes pour Buesco. Tout d’abord, afin de couler les bandes de 2ième coulée, les sections de la dalle doivent être à la température de 10oC, et ce, pour toute la période de mûrissement du béton des bandes de 2ième coulée. Si Buesco désire couler le béton des bandes de 2ième coulée en période hivernale, il doit recouvrir l’ensemble de l’immeuble à l’aide de toiles et le chauffer pendant toute la durée des travaux afin que les dalles soient maintenues à une température minimale de 10oC permettant ainsi la coulée des bandes de 2ième coulée et ce, jusqu’à l’arrivée des beaux jours et l’érection des murs permanents au pourtour de l’immeuble. L’autre solution, si Buesco ne chauffe pas l’immeuble, il doit attendre que la température extérieure se maintienne à 10oC. Toutes les parties conviennent qu’avant la fin d’avril, ces conditions de température sont rarement atteintes. En conséquence, il est impossible de laisser l’immeuble à l’air libre et terminer les travaux relativement à la coulée des bandes de 2ième coulée avant le 15 avril 2003. Rappelons que le 15 avril 2003 est la date où les travaux du Contrat doivent être terminés.
[194] La présence de bandes de 2ième coulée entraîne une dernière contrainte qui force le maintien d’étais sous chaque section de dalle à proximité de la bande de 2ième coulée. Ces étais doivent rester en place jusqu’à ce que la bande de 2ième coulée soit bétonnée et que la dalle devienne monolithique.
[195] Or dans l’hypothèse où l’on coule les bandes de 2ième coulée en avril ou en mai, on doit donc maintenir des étais sous toutes les dalles. On imagine aisément que les étais reposant sur un sol gelé vont perdre toute leur utilité à l’arrivée des beaux jours. Les étais s’enfoncent avec l’affaissement du sol à son dégel. La conséquence est désastreuse. Les dalles ne pouvant se supporter seules sans les étais, il y a alors risque d’écroulement d’une partie de la dalle.
[196] Logiquement et dans les conditions techniques imposées au Contrat, le seul choix de Buesco est de faire reposer les étais sur sol non gelé. D’autre part, dans l’hypothèse où l’on abrite tout l’immeuble afin de le maintenir à une température de 10oC pendant l’hiver pour procéder à la coulée des bandes de 2ième coulée, il n’est plus nécessaire d’exiger, comme le prévoit le devis, ces bandes de 2ième coulée car le phénomène de contraction n’existe pas si l’immeuble est maintenu à la température de 10oC tout au long des travaux en hiver.
[Références omises.]
[52] Le 21 janvier 2003, HMR, PSA, TPL, Inspec-Sol, Buesco et Astra tiennent une réunion spéciale portant sur la problématique du gel. La première partie de cette rencontre est consignée sur procès-verbal. On y mentionne le refus par PSA de laisser couler des dalles structurales sur du sol gelé. On peut notamment y lire :
Après discussion, les personnes présentes sont unanimes à reconnaître les risques trop importants qu’il y aurait de construire les coffrages des dalles structurales sur un sol qui peut potentiellement gonfler sous l’effet du gel et s’affaisser en période de dégel pendant la cure du béton. Tous reconnaissent le risque pour la vie des travailleurs, l’effondrement de la dalle suite au poinçonnement des vérins, appuyés sur un terrain dont plusieurs secteurs ont été remblayés sans compaction et parfois sur un sol déjà gelé.[9]
[53] À la recherche d’une solution de rechange visant à sauver le chantier, PSA prend l’initiative de mettre en place une simulation en vue de vérifier la possibilité de faire reposer en toute sécurité un système d’étais sur sol gelé. Le défi consiste à chauffer le béton durant la période nécessaire à son mûrissement sans pour autant provoquer le dégel du sol avec le risque inhérent de porter atteinte à la stabilité des structures. L’expérience, selon ce qu’on en savait alors, était sans précédent dans la région de Montréal.
[54] Cette démarche exploratoire n’empêche cependant pas PSA de réitérer à Buesco son obligation de protéger adéquatement le sol contre le gel.
[55] Le 22 janvier 2003, HMR demande à CHQ de procéder à l’arrêt d’un chèque daté du 15 janvier. Ce changement de cap provient d’une information récente transmise par PSA à HMR selon laquelle le gel aurait maintenant envahi le sol à un niveau critique compromettant sérieusement l’intégrité des structures.
[56] Le même jour, avec l’autorisation de Buesco, PSA écrit directement à Astra pour lui demander d’élaborer une méthodologie en vue de procéder à une simulation sur sol gelé. Le lendemain, le sous-entrepreneur confirme par écrit qu’il serait possible de faire reposer les étais sur du sol gelé.
[57] Le 23 janvier 2003, HMR fait parvenir une deuxième mise en demeure à Buesco détaillant plusieurs manquements graves dont notamment l’absence d’échéancier conforme et aussi celui d’avoir permis que le gel s’installe dans le sol.
[58] Le 24 janvier 2003, par l’intermédiaire de ses avocats, Buesco répond à la mise en demeure et propose deux solutions au problème du gel. La première est rapidement écartée, car jugée déficiente, alors que la seconde semble être inspirée des discussions déjà tenues entre Buesco et les professionnels lors de la réunion spéciale du 21 janvier.
[59] Entretemps, PSA, Astra et Inspec-Sol continuent leurs travaux exploratoires en vue de vérifier la possibilité de poser des étais sur un sol gelé.
[60] Le 27 janvier 2003, se tient une neuvième réunion de chantier. Une partie importante de cette rencontre est consacrée à la question du gel. Buesco réitère sa proposition de travailler sur du sol gelé et désire s’adjoindre les services professionnels de PSA pour lui permettre de préciser sa méthode. Cette demande de recourir à l’expert du donneur d’ouvrage est immédiatement rejetée.
[61] Sans l’aide d’experts et sans avoir discuté de la faisabilité de son projet avec son principal sous-entrepreneur Astra, Buesco s’engage auprès des professionnels à déposer le même jour, par écrit, une méthode de travail capable, à ses dires, de relancer le chantier.
[62] À l’occasion de cette réunion, la question des échéanciers déficients est à nouveau discutée. Buesco offre alors de procéder selon un échéancier hebdomadaire qui pourrait être revu à chaque réunion de chantier. Cette proposition est rejetée sur-le-champ, alors que, selon l’évaluation des professionnels, l’avancement des travaux accuse déjà un retard de 20 jours.
[63] Le même soir, Buesco transmet à HMR et PSA une méthode de travail prévoyant l’implantation d’un système d’étais sur sol gelé. Cette nouvelle proposition est encore une fois rejetée par PSA en raison de son caractère incomplet et aussi du fait que certaines données sur lesquelles s’appuie l’entrepreneur s’avèrent erronées.
[64] Le 28 janvier 2003, Buesco revient à la charge en demandant à HMR d’autoriser PSA à dessiner des plans selon le résultat de la simulation. À ses dires, cela permettrait de finaliser sa méthode pour la pose d’étais sur sol gelé.
[65] La même journée, Bucci et Daigneault se revoient. Selon le Juge, lors de cette rencontre, une entente serait intervenue quant à la solution permettant d’implanter des étais sur sol gelé. Il retient de la preuve que Daigneault aurait confirmé à Bucci l’élaboration d’une directive par PSA prévoyant des modifications permettant la mise en œuvre de cette nouvelle technique. La preuve fait aussi voir que, le 28 janvier 2003, HMR a consenti à émettre à nouveau le chèque dont il avait antérieurement requis l’arrêt.
[66] En appel, les appelants contestent énergiquement l’existence d’une entente intervenue entre les parties le 28 janvier 2003. Selon eux, cette conclusion du Juge résulte d’une mauvaise compréhension de la preuve. HMR soutient plutôt avoir compris des propos de Bucci que son entreprise acceptait de présenter une nouvelle méthode à être approuvée par les professionnels. Si celle-ci allait être acceptée, la démarche de Buesco devait être suivie d’une nouvelle directive dont la teneur reprendrait la méthode approuvée, ces modifications devant toutefois se réaliser aux frais de Buesco.
[67] Toujours le 28 janvier, PSA, Astra et Inspec-Sol livrent à Buesco et à HMR les premiers résultats de la simulation. L’expérience réalisée laisse entrevoir la possibilité de garder le sol gelé de façon stable pour toute la période où le béton serait chauffé.
[68] Le soir même, Daigneault participe à une réunion du conseil d’administration de HMR et informe les membres du conseil qu’un accord est intervenu avec Buesco. Sa compréhension de l’entente est reprise au procès-verbal de cette réunion. Notamment, on y précise que les frais liés à la mise en place des changements annoncés seront à la charge de Buesco. On y mentionne aussi que l’intervention de la caution de l’entrepreneur (Aviva, compagnie d’assurance du Canada) est désormais requise.
[69] Le Juge ne retient toutefois pas l’idée que cette preuve reflète la véritable entente intervenue entre les parties. Il estime que Buesco n’a jamais été informée du contenu du procès-verbal de cette réunion et que ce document ne lui est donc pas opposable.
[70] Durant ce temps, PSA s’affaire à rédiger un projet de directives qui porte la date du 29 janvier 2003. L’exercice fait par anticipation vise, le cas échéant, à autoriser Buesco à mettre de l’avant, sans plus de délai, un système stable d’étais sur sol gelé, à la condition toutefois que l’entrepreneur soit à même de proposer une méthode de travail acceptable[10]. Les avis écrits transmis le même jour à Buesco confirment les attentes de HMR sous ce rapport, tout en l’informant du résultat des simulations[11].
[71] Buesco tente alors de mettre en place une méthode de construction avec l’aide d’une firme d’ingénieur (Calculatec inc.) dont les services sont retenus à la onzième heure. La preuve ne fait cependant pas voir que Astra s’implique dans l’élaboration de cette nouvelle technique. C’est pourtant à cet entrepreneur que doit revenir la tâche d’implanter la méthode à concevoir. Quoi qu’il en soit, le 30 janvier 2003, Buesco fait parvenir une nouvelle méthode à HMR.
[72] Le lendemain, sur les conseils de PSA, HMR rejette la proposition de Buesco, la jugeant inacceptable. HMR affirme que PSA et TPL l’ont alors informé avoir perdu toute confiance dans les capacités de Buesco de mener le projet à terme.
[73] Le 3 février 2003, BPR informe HMR que ni la date du 15 avril 2003 ni celle du 8 mai 2003 ne sont maintenant envisageables vu les retards accumulés sur le chantier. Le lendemain, HMR et Buesco se rencontrent à nouveau. Le premier veut discuter de l’intervention de la caution et la seconde de l’exécution des travaux. La rencontre se termine par la décision de HMR de résilier le contrat sur la base des manquements décrits dans la mise en demeure du 23 janvier 2003.
[74] Pour la suite des choses, il faut savoir que le lot 2 sera remanié pour devenir le lot 2-R et que l’entrepreneur Décarel, choisi le 24 février 2003 pour remplacer Buesco, terminera les travaux d’érection de la structure le 13 mai 2003.
[75] Le Juge a rendu un jugement élaboré sur 96 pages. Dans les prochaines lignes, je ne m’attarderai qu’à ses aspects les plus pertinents susceptibles de participer à une meilleure compréhension des réponses que je m’apprête à donner aux différentes questions soulevées par ce pourvoi.
[76] Considérant la nature de l’entente contractuelle intervenue entre les parties, le Juge a d’abord déterminé qu’il pesait sur Buesco une obligation de résultat. Il tempère toutefois cet assujettissement en se disant d’avis qu’on ne peut reprocher à Buesco de s’être contentée d’avoir engagé des ressources minimales puisqu’il revenait à cette dernière de choisir ses méthodes de travail.
[77] S’appuyant sur l’expérience vécue par l’entrepreneur Décarel, le Juge estime que Buesco aurait été en mesure de respecter l’échéancier contractuel si HMR avait accepté de partager l’information technique qu’il possédait le jour de la résiliation de l’entente.
[78] Le Juge s’attarde d’ailleurs longuement sur la relation entre HMR et Décarel pour conclure que cette dernière jouissait d’une plus grande autonomie que sa prédécesseure aux fins d’exécuter les travaux prévus au contrat. Il est même d’avis que les pouvoirs exercés par Décarel sur le chantier sont ceux d’un véritable propriétaire. Il constate aussi que CHQ n’exerce pratiquement aucun contrôle sur les travaux. Pour le Juge, le comportement de Décarel, qui avait pour ainsi dire carte blanche sur le chantier, et l’absence de contrôle des coûts par HMR ont entraîné des dépenses inacceptables.
[79] Lors du procès, le Juge a eu à se pencher sur la prétention des appelants selon laquelle le contrat de construction autorisait HMR à recourir sans distinction à la résiliation unilatérale (clause 59) ainsi qu’à la résiliation-sanction (clause 57). Après avoir déterminé que HMR s’était prévalu de ce dernier remède, il conclut que les deux recours ne pouvaient se cumuler.
[80] Les appelants font de cette question un moyen d’appel subsidiaire. Toutefois, ils admettent volontiers que HMR a choisi le régime contractuel de la résiliation-sanction.
[81] Comme le Juge a déterminé que les conditions pour la mise en œuvre d’une résiliation-sanction étaient satisfaites, le débat entourant la possibilité de cumuler les recours en résiliation me semble ici strictement d’ordre théorique. J’y reviendrai.
LES MANQUEMENTS GRAVES
[82] Plusieurs manquements graves ont été invoqués contre Buesco. Voici comment le Juge tranche cette question.
- La pénétration du gel dans le sol
[83] Le Juge résume ainsi les reproches de HMR à l’égard de Buesco pour avoir laissé geler le sol :
· ne pas avoir suffisamment protégé les structures de béton fraîchement coulées contre le gel;
· avoir laissé reposer les structures sur un sol gelé et les avoir remblayées avec des matériaux gelés; et
· avoir laissé le gel pénétrer sous les structures avec le risque qu’elles se soulèvent.
[84] Concernant la protection des structures, le Juge constate le laxisme dont a fait montre Buesco sous ce rapport. Cependant, puisque les travaux de l’entrepreneur n’ont pas été repris, il considère qu’aucune preuve n’a été apportée démontrant les effets destructifs du gel sur les structures.
[85] À l’égard du deuxième sous-manquement, le Juge retient que, même si les professionnels ont été informés que des coulées de béton allaient être réalisées sur un sol gelé, ils n’ont pas pour autant exigé l’arrêt des travaux. De plus, ceux réalisés jusque-là par Buesco n’ont pas été repris. Quant à la question du remblayage avec des matériaux gelés, le Juge considère que Buesco jouissait du temps nécessaire pour remplacer ces matériaux par des matériaux adéquats, et ce, avant de procéder à la dernière coulée, s’agissant de l’une des dernières étapes du contrat. Encore une fois, il estime que ces reproches ne pouvaient conduire à la résiliation de l’entente.
[86] Finalement, pour ce qui est du soulèvement des structures par le gel, le Juge reconnaît l’existence de ce danger. Il retient toutefois que ce fléau ne s’est finalement pas infiltré sous les structures comme anticipé, et ce, en dépit de son avancement dans le sol à un niveau critique. Le Juge admet que le comportement de Buesco était périlleux, mais le choix de la méthode lui appartenait. Encore là, aucune conséquence de rattachée aux « risques importants » qu’a fait encourir l’entrepreneur au propriétaire[12].
- Les échéanciers déficients
[87] Le Juge se fonde sur la clause 23 des conditions générales du contrat et sur la clause 22 des conditions complémentaires pour déterminer l’étendue de l’obligation de Buesco concernant le dépôt d’un échéancier conforme. À ses dires, cette obligation consisterait en la production d’un simple échéancier de base décrivant tous les travaux à être exécutés et démontrant le lien entre chaque opération devant conduire à la complétion de l’ouvrage pour la date convenue. Je reproduis les clauses concernées :
23. Calendrier d’exécution des travaux et ventilation des coûts de construction
Si le calendrier d’exécution des travaux n’a pas été requis avec la soumission, l’entrepreneur doit, au plus tard à la première assemblée de chantier, le remettre au professionnel, pour approbation, avec la ventilation de coûts de construction selon la formule fournie ou agréée par le propriétaire.
Dans le cas de changements apportés aux travaux en cours d’exécution, l’entrepreneur doit apporter les modifications appropriées au calendrier des travaux et le faire approuver de nouveau.[13]
22. Calendrier et séquence des travaux
[…]
22.2 Un calendrier des travaux sera soumis par l’entrepreneur au propriétaire lors de la première réunion de chantier. Ce calendrier doit indiquer clairement la séquence des travaux. En plus des dates du début et de la fin de chacune des activités, le calendrier doit montrer les dates de soumission des dessins d’atelier et de la livraison des équipements. La date et le délai approximatif pour les coupures importantes des services doivent être inclus au calendrier général.
22.3 Toutes les activités indiquées au calendrier des travaux devront être de moins de cinq (5) jours; elles devront être détaillées, de façon à permettre au Propriétaire de connaître précisément la nature des travaux.[14]
[Soulignement conforme à l'original.]
[88] Il conclut que Buesco a effectivement manqué à ses obligations contractuelles en raison de la piètre qualité des échéanciers qu’elle a fournis, mais, du même souffle, se dit d’avis qu’il ne peut s’agir d’un manquement grave en raison de la tolérance de HMR à l’égard de ces échéanciers déficients. Il ajoute que ce dernier avait, de toute façon, considéré la possibilité de limiter la sanction qu’à des considérations pécuniaires.
[89] Quant au délai de quatre jours prévu au contrat pour remédier à une faute grave (clause 57), le Juge estime que ce délai est inopposable à Buesco en raison de son inclusion dans un contrat qu’il qualifie d’adhésion et aussi dû aux circonstances de l’affaire démontrant la nécessité d’un plus long délai pour corriger la situation. Il ajoute que Buesco ne pouvait pas élaborer d’échéanciers conformes tant que des discussions sur la méthode de travail avaient cours entre les parties. En définitive, il considère que ce manquement n’autorisait pas HMR à résilier le contrat.
- L’absence de méthode pour la pose d’étais sur sol gelé
[90] Le Juge poursuit ensuite son analyse sur le manquement résultant du défaut par Buesco de fournir une méthode de pose d’étais sur un sol gelé. Il y voit cette fois un manquement grave. Conséquemment, il reconnaît à HMR le droit de recourir à la résiliation-sanction.
[91] Cette détermination à l’égard de laquelle Buesco n’a pas formé d’appel demeure théorique puisque de toute façon le Juge se dit d’avis que HMR a abusé de ses droits et que cette conclusion le prive de présenter sa réclamation contre Buesco.
[92] Le Juge conclut que HMR a eu un comportement abusif dans le cours de l’exécution du contrat le liant à Buesco. Il détermine que l’abus en cause doit être sanctionné par une fin de non-recevoir de la réclamation du créancier fautif, et ce, en dépit de son autre conclusion selon laquelle Buesco n’avait pas respecté son obligation de résultat.
[93] L’analyse du Juge sur cette question commence par le rejet de l’argument de Buesco soutenant que HMR avait manqué à son obligation de collaboration. Cette conclusion n’a pas non plus été portée en appel.
[94] Toutefois, il détermine que HMR a abusé de ses droits en contrevenant à son obligation de renseignement. Notamment, il aurait rompu une entente avec Buesco, intervenue le 28 janvier 2003, en refusant de lui transmettre une nouvelle directive, alors qu’il avait en sa possession toute l’information technique permettant à l’entrepreneur de finaliser les travaux. Le Juge considère aussi qu’en arrêtant le paiement du 15 janvier 2003, HMR manquait à ses obligations contractuelles et fragilisait d’autant la situation financière de Buesco.
[95] Les appelants soulèvent différents moyens d’appel qu’il y a lieu de résumer de la manière suivante :
1. Le Juge a erré dans ses conclusions sur les manquements graves relativement :
· à la pénétration du gel dans le sol; et
· aux échéanciers.
2. Subsidiairement, le Juge a erré en concluant que le choix de HMR d’exercer la résiliation-sanction l’empêchait d’exercer un recours en résiliation unilatérale.
3. Le Juge a aussi erré en concluant que HMR avait commis un abus de droit.
4. Subsidiairement, le Juge a erré dans la détermination du montant de la condamnation.
5. Toujours à titre subsidiaire, le Juge a erré dans l’octroi des dépens.
[96] Je suis bien conscient de la norme déférente applicable aux questions de fait et aux questions mixtes de droit et de fait[15]. C’est en ayant à l’esprit cette norme que j’entreprends l’analyse qui va suivre. Pour la suite des choses, j’entends donc traiter des moyens d’appel soulevés par HMR dans l’ordre qu’il propose. Voyons maintenant ce qu’il en est.
1) Les manquements graves
[97] Le Juge a considéré que l’absence de méthode pour déposer les étais sur un sol gelé constituait un manquement grave de la part de Buesco. Cette seule conclusion permettait à HMR de résilier le contrat le liant à l’entrepreneur.
[98] En ce qui a trait aux autres manquements invoqués par HMR, le Juge a vu les choses différemment. Il a tout d’abord rejeté celui concernant la santé-sécurité des travailleurs sur le chantier, estimant que les lacunes identifiées avaient depuis été corrigées. HMR et SQI n’en appellent pas de cette conclusion.
[99] Bien qu’il ait conclu à une faute de la part de Buesco pour avoir été incapable de concevoir une méthode permettant de poursuivre les travaux sur du sol gelé, il a cependant absous l’entrepreneur pour avoir laissé geler le sol et pour ses échéanciers déficients. J’estime ici nécessaire de revoir les déterminations du Juge relativement à ces deux derniers manquements. L’exercice s’impose notamment en vue de mieux cerner le contexte retenu par le Juge au moment de conclure à un abus de droit.
[100] Cela dit, je ne crois pas résumer indûment le litige en affirmant que son origine repose sur le choix de Buesco d’avoir laissé geler le sol. Il convient donc de commencer l’analyse par l’étude de ce premier manquement.
a) La pénétration du gel dans le sol
[101] Le 23 janvier 2003, Buesco était formellement informée d’un manquement grave pour avoir laissé geler le sol. Je reproduis les passages pertinents de cette mise en demeure :
Problème de gel au sol :
M. Serge Olivier, ingénieur de la firme Pasquin St-Jean et associés inc., vous a fait part par lettre en date du 17 janvier 2003 des problèmes de drainage sur le site et des problèmes de gel au sol qui ont été causés par votre négligence de prendre les mesures de protection appropriées, et ce, malgré les divers avertissements verbaux et écrits qui vous ont été donnés par nos professionnels. M. Olivier vous a également indiqué en détail les raisons pour lesquelles on ne peut couler du béton sur un sol gelé. Il vous a rappelé votre obligation de respecter les exigences des plans et devis incluant celles du rapport d'étude géotechnique et vous a indiqué que vous devriez dégeler les sols de fondation, compacter les matériaux de remblais, faire une épreuve de portance avant de planifier toute coulée de béton structurale et maintenir le sous-sol à une température ambiante moyenne de 10°C en tout temps durant les travaux.
Suite à cette lettre, une rencontre a été organisée le 21 janvier 2003 entre le soussigné, vous-même, M. Olivier et M. Michel St-Jean de la firme Pasquin St-Jean et associés inc. ainsi que M. Claude Desroches de Astra Coffrages, votre sous-traitant. Or, lors de cette rencontre, vous avez malgré tout proposé de couler les dalles structurales sur un sol gelé. M. St-Jean vous a mentionné qu'une coulée de dalle structurale sur un sol gelé ne sera pas autorisée, tel que déjà mentionné dans la lettre du 17 janvier 2003. Après discussions, vous avez reconnu que cette façon de faire entraînait des risques trop importants autant pour l'ouvrage que pour la vie des travailleurs. Par ailleurs, vous n'avez proposé aucune méthode de construction pour dégeler complètement le sol avant d'entreprendre la coulée. Il vous a été demandé en conséquence de soumettre sans délai votre plan de travail pour la coulée des dalles structurales sur un sol non gelé.[16]
[Soulignement conforme à l'original.]
[102] Le Juge s’est dit d’avis que les structures n’avaient pas souffert du gel, que le remblaiement avec du matériel gelé constituait une déficience pouvant facilement être corrigée et que la méthode de laisser geler le sol relevait de la discrétion de Buesco. Avec beaucoup d’égards pour le Juge, j’estime que ces déterminations sont teintées par des erreurs déterminantes dans l’appréciation de la preuve et par une mauvaise conception du droit applicable.
[103] La difficulté avec cette dernière affirmation vient du fait que la décision de laisser geler le sol ne relève pas d’une méthode risquée, mais plutôt d’une absence de méthode. Ce choix tient davantage de la négligence que d’une stratégie de construction acceptable. Or, la négligence ne fait pas partie des éléments discrétionnaires conférés à l’entrepreneur exécutant un contrat à forfait. Son obligation consiste plutôt à « agir au mieux des intérêts de [son] client, avec prudence et diligence »[17].
[104] Sur ce point, on ne compte plus les fois où les professionnels ont informé Buesco de ne pas laisser geler le sol[18]. Le compte rendu de la réunion spéciale de chantier du 21 janvier 2003 n’est qu’un exemple parmi tant d’autres :
On constate qu’aucune protection contre le gel n’est exécutée au chantier pour protéger les têtes de pieux, longrines et murs de fondation contre le soulèvement du sol dû au gel. Le gel atteint maintenant une profondeur de 28’’ à 30’’ et le soulèvement de ces ouvrages atteint un niveau de quasi-certitude.
PSA transmettra sans délai à Buesco un avis urgent pour qu’il procède à la protection de ses ouvrages.[19]
[105] Il faut aussi savoir que les appelants n’ont jamais consenti à souscrire à un pareil risque. À ce sujet, le Juge cite un expert venu dire que la façon de procéder de Buesco ressemblait « à la conduite insouciante d’un conducteur automobile roulant à vive allure dans une zone où la vitesse est restreinte et qui, par un heureux hasard, ne cause aucun accident »[20]. Voilà qui résume bien la situation.
[106] La question ne consistait pas à décider si le risque associé au gel du sol s’était concrétisé ou pas, mais plutôt à déterminer si Buesco commettait un manquement grave en laissant geler le sol. En permettant à cette condition de s’implanter, Buesco contrevenait non seulement à ses obligations contractuelles, mais aussi aux meilleures pratiques en matière de construction l’hiver. Je m’explique.
[107] Tout d’abord, les agissements de l’entrepreneur se situent en flagrante contravention avec ses obligations prévues à la clause 14 de l’addenda no 2 de la documentation contractuelle faisant partie intégrante du contrat signé le 18 novembre 2002[21] :
14. Chauffage
Pendant la durée des travaux d’hiver, prévoir le chauffage du sous-sol en tout temps pour prévenir la fissuration due aux effets de température dans les murs et les dalles de béton. Maintenir la température à environ 10°C.[22]
[Je souligne.]
[108] D’ailleurs, le Juge a reconnu cette obligation expresse faite à Buesco au moment d’écrire :
[196] Logiquement et dans les conditions techniques imposées au Contrat, le seul choix de Buesco est de faire reposer les étais sur sol non gelé.[23]
[Je souligne.]
[109] HMR a aussi rappelé l’entrepreneur à l’ordre, deux fois plutôt qu’une, en lui dénonçant son refus formel de laisser geler le sol. En dépit de ces rappels, Bucci donne instructions à son gérant de couper le chauffage du béton. Cette seule preuve aurait dû inciter le Juge à s’interroger sur la bonne foi de Buesco.
[110] Ensuite, la preuve fait voir qu’en permettant au gel de s’implanter dans le sol, Buesco manquait aux règles de l’art en matière de construction l’hiver (art. 2100 C.c.Q.)[24]. Or, celles-ci prohibent la pose d’étais de coffrage sur du sol gelé. C’est d’ailleurs le sens de la preuve entendue en première instance[25] :
« Parce que ce n’est pas une procédure normale, à Montréal, on ne coule jamais des dalles structurales sur un sol gelé. Moi je ne l’ai jamais vu. »[26]
[…]
« Nos devis, tous nos plans c’est certain que c’est pas fait pour couler sur un sol gelé. C’est une règle de l’art. Puis, il y a personne sur l’île de Montréal qui va faire des plans pour couler sur un sol gelé […]. »[27]
[…]
« C’est clair ça, tout le monde va vous le dire. On coule pas sur un sol gelé avec des méthodes conventionnelles de coffrage et d’étaiement. Ça se fait pas. On peut pas garder d’étaiements pendant deux mois de temps sur un sol gelé. »[28]
[111] Par ailleurs, il est difficile de concilier la conclusion du Juge selon laquelle l’absence de méthode de travail sur sol gelé équivaut à un manquement grave, alors que le fait d’avoir laissé geler le sol n’en serait pas un. Pourtant, la première faute n’est que la conséquence de la seconde et les deux ne forment qu’un tout. Ce lien inextricable entre les deux manquements ressort d’ailleurs des motifs du Juge :
[195] Or dans l’hypothèse où l’on coule les bandes de 2ieme coulée en avril ou en mai, on doit donc maintenir des étais sous toutes les dalles. On imagine aisément que les étais reposant sur un sol gelé vont perdre toute leur utilité à l’arrivée des beaux jours. Les étais s’enfoncent avec l’affaissement du sol à son dégel. La conséquence est désastreuse. Les dalles ne pouvant se supporter seules sans les étais, il y a alors risque d’écroulement d’une partie de la dalle.[29]
[Je souligne.]
[112] J’estime au nom de la cohérence que si l’absence de méthode sur sol gelé équivalait à un manquement grave, cette conclusion obligeait de ranger dans le même registre le défaut par Buesco d’avoir laissé s’installer le gel dans le sol.
[113] Plus fondamentalement encore, cette dernière faute constituait un manquement grave aux obligations contractuelles de Buesco et à son obligation légale d’agir selon les règles de l’art. À ce sujet, le Juge a reconnu que l’érection d’un système d’étais sur sol gelé comportait le « risque d’écroulement d’une partie de la dalle »[30]. Au chapitre des manquements graves, difficile d’imaginer pire scénario.
b) Les échéanciers déficients
[114] Le Juge a conclu que le manquement soulevé par HMR relativement aux échéanciers ne pouvait être qualifié d’un manquement grave, et ce, pour quatre raisons distinctes :
i) HMR a toléré la situation en se contentant de ne requérir que des corrections à l’échéancier;
ii) Le délai de 4 jours prévu au contrat pour corriger ce manquement est abusif et déraisonnable;
iii) Les professionnels ont reconnu la possibilité de surveiller les travaux à partir d’un échéancier incomplet; et
iv) HMR a choisi, le cas échéant, de se contenter de réclamations monétaires pour ce manquement.
i) La tolérance de HMR
[115]
Les dispositions contractuelles font voir que HMR attachait une grande
importance à l’engagement de Buesco de déposer des échéanciers détaillés[31].
Par ailleurs, l’obligation faite à l’entrepreneur d’agir à l’intérieur des
délais convenus en est une de résultat (art.
381. L’obligation de l’entrepreneur de respecter les échéances stipulées au contrat constitue l’une des plus importantes qui lui incombe.[32]
[116] Buesco s’est vu servir plusieurs avis verbaux concernant son défaut de produire un échéancier conforme à l’entente contractuelle[33]. Le 14 janvier 2003, ce manquement était cette fois formellement dénoncé par une mise en demeure :
Or, l'échéancier que vous avez remis lors de la réunion de chantier nº 2 du 18 novembre 2002 ne respectait pas cette échéance et en conséquence, n'a pas été accepté par l'HMR. Nous vous référons à ce sujet à la page 4 du procès-verbal de cette réunion. L'HMR ainsi que ses professionnels vous ont demandé de fournir avec échéancier détaillé avec une fin des travaux au 15 avril 2003. Nous vous référons à la page 5 du procès-verbal de la réunion de chantier no 3 tenue le 25 novembre 2002 ainsi qu'à la page 4 du procès-verbal de la réunion de chantier no 4 tenue le 2 décembre 2002. Vous nous avez finalement fait parvenir cet échéancier le 5 décembre 2002. Or, lors de la réunion de chantier no 5 tenue le 9 décembre 2002, votre représentant, M. Jean-Marc Carmirand, a indiqué que cet échéancier n'était pas « réaliste ». Par ailleurs, lors de cette réunion, il vous a été demandé, notamment, de fournir un plan des secteurs identifiés à l'échéancier de même que de réviser l'échéancier avec des activités de cinq (5) jours maximum. Par la suite, vous avez échangé avec les professionnels engagés par l'HMR concernant leurs commentaires et recommandations sur cet échéancier préliminaire.
Or, nous avons été informés que vous n'avez déposé à ce jour aucun échéancier révisé. Nous n'avons de votre part que votre échéancier « préliminaire », non approuvé par vos sous-traitants et non conforme aux pratiques généralement reconnues. De plus, votre échéancier préliminaire ne comporte pas de lien entre les groupes d'activités, ni de chemin critique, ni de légende de secteurs d'intervention. Enfin, votre échéancier n'est pas conforme aux prescriptions de l'article 22 des Conditions générales complémentaires.[34]
[117] Neuf jours plus tard, HMR réitère à nouveau à Buesco qu’elle est toujours en défaut de produire un échéancier répondant aux attentes du propriétaire :
Échéancier :
Dans notre lettre du 14 janvier 2003, nous vous avons mis en demeure de nous fournir un échéancier rencontrant notamment les exigences des Conditions générales complémentaires et indiquant la fin des travaux à la date que vous vous êtes contractuellement engagé à respecter, soit le 15 avril 2003. Suite à cette lettre, vous nous avez fourni le 20 janvier dernier votre échéancier.
Or, à la lecture même de cet échéancier, il appert que vous êtes incapable de terminer les travaux à la date pour laquelle vous vous êtes engagé, soit le 15 avril 2003. Vous avez en effet indiqué que les travaux seront terminés au 8 mai 2003.
De plus, selon nos professionnels, plusieurs des activités indiquées dans votre échéancier n'ont pas été mises à jour. Par exemple, vous avez indiqué que l'excavation pour les conduites pluviales dans le secteur "A" devait avoir lieu entre le 9 et le 13 décembre 2002 et vous avez indiqué un degré d'avancement des travaux de 0 %, ce qui est illogique considérant que votre échéancier est en date du 20 janvier 2003. Aussi, nos professionnels ont constaté que votre chemin critique n'est pas fiable. Par exemple, pour des activités dont le niveau critique est d'évidence similaire, vous les avez qualifiées de critiques au deuxième étage et de non-critiques aux autres niveaux, ce qui fait craindre un retard additionnel dans la livraison des travaux.
Nous constatons donc que votre échéancier ne respecte pas les exigences contractuelles et les règles de l'art en la matière et que vous êtes incapable de rencontrer la date de fin des travaux que vous vous êtes contractuellement engagé de respecter. En conséquence, nous verrons à entreprendre tout recours approprié, tel qu'indiqué dans notre mise en demeure du 14 janvier 2003.[35]
[Soulignement conforme à l'original.]
[118] Au départ, je trouve difficilement conciliable l’idée selon laquelle HMR se serait montré tolérant à l’égard des échéanciers déficients de Buesco et la conclusion du Juge selon laquelle le propriétaire aurait abusé de ses droits. Ensuite, une lecture attentive des mises en demeure transmises à Buesco fait clairement voir que HMR recherchait davantage que de simples corrections aux échéanciers déposés par Buesco. D'ailleurs, le Juge reconnaît implicitement cette réalité au moment d’écrire :
[141] Le Tribunal reconnait que l’échéancier soumis ne correspond pas aux exigences contractuelles prévues au Contrat, mais les délais dans le suivi et la nature des déficiences tolérées près d’un mois, […].[36]
[Je souligne.]
[119] Or, la preuve révèle sans ambages que les quelques échéanciers déposés par Buesco dans lesquels elle consentait à s’astreindre au délai contractuel étaient de toute façon anéantis par les affirmations de son représentant selon lesquelles ces délais n’étaient pas réalistes. En d’autres mots, il s’agissait d’échéanciers de pure complaisance. Pour le reste, les échéanciers étaient informes, soit parce qu’ils repoussaient unilatéralement la date contractuelle de la fin des travaux ou en raison de leur caractère incomplet pour les motifs dénoncés par les professionnels.
[120] Dans ces circonstances, les délais accordés par HMR concernant les échéanciers ne peuvent être assimilés à de la tolérance, sans compter qu’une bonne partie de ceux-ci s’explique par les doléances de l’entrepreneur et ses engagements souvent répétés, mais jamais concrétisés.
[121] Or, le propriétaire ne peut être blâmé pour ne pas avoir exercé son droit à la résiliation dès la première manifestation d’un manquement, et ce, sans avoir donné à l’entrepreneur l’opportunité de s’amender. L’obligation d’agir de bonne foi en toute circonstance commandait de repousser cette ultime solution tant et aussi longtemps que HMR croyait Buesco capable de corriger la situation.
ii) Le délai de quatre jours
[122] Quant au délai de quatre jours jugé déraisonnable, la preuve fait voir que, de toute façon, Buesco n’a jamais déposé d’échéancier conforme, peu importe le délai consenti pour corriger la situation. Bref, l’insuffisance du délai n’y change rien puisque 12 jours après la mise en demeure du 23 janvier 2003, soit le 4 février, jour de la dernière rencontre entre les parties, Buesco n’était toujours pas en mesure de produire une méthode de travail acceptable pour HMR.
[123] À ce chapitre, le Juge reconnaît que les modalités entourant la construction de l’édifice et le délai imparti pour réaliser les travaux sont deux facettes d’une même médaille :
[143] La réalisation [du contrat] devant se comprendre tant sur le plan de la construction physique du projet que sur le plan des délais d’exécution du Contrat, lesquels doivent être transcrits à l’échéancier.[37]
[Je souligne.]
[124] Or, peu importe comment on voit les choses, la négligence de Buesco pour avoir laissé geler le sol est la cause première de son incapacité à concevoir une méthode de travail (construction physique) sans laquelle elle ne pouvait produire un échéancier conforme (délai d’exécution). Elle est en quelque sorte l’auteure de son propre malheur.
[125] Il est aussi généralement admis que l’entrepreneur n’aura pas droit à une prolongation de délai si le retard dans les travaux trouve son explication dans des causes qui lui sont attribuables[38]. En matière commerciale, il n’existe pas de notion implicite apparentée à un « délai de grâce »[39].
iii) Le rôle des professionnels
[126] La détermination des professionnels à suivre l’évolution des travaux en dépit de l’information lacunaire communiquée par Buesco à HMR ne dégageait pas pour autant l’entrepreneur de son obligation de produire un échéancier acceptable. Cette obligation ne pouvait être atténuée par l’ingéniosité des professionnels à protéger les intérêts du propriétaire.
iv) La renonciation au recours contractuel de HMR
[127] Il me semble déraisonnable de conclure qu’une simple déclaration faite par les professionnels, lors d’une réunion de chantier, selon laquelle les fautes de Buesco étaient passibles d’être sanctionnées par des dommages et intérêts, ferait en sorte que HMR aurait expressément renoncé à exercer ses droits contractuels.
[128] Aussi, Buesco n’est pas venue soutenir en appel que HMR était forclose d’exercer un recours en résiliation au motif qu’elle avait implicitement opté pour un recours en dommages.
[129] Finalement, même si on devait accepter pour un instant le raisonnement du Juge sur cette question, il n’en demeure pas moins que la résiliation-sanction inclut de toute façon le droit pour « le propriétaire [de] réclamer un dédommagement pour le préjudice subi »[40].
[130] En résumé, et avec égards pour le Juge, je suis d’avis qu’il a commis des erreurs déterminantes et, par conséquent, révisables en concluant que la faute par Buesco d’avoir laissé geler le sol et son incapacité à produire un échéancier conforme à ses engagements contractuels ne constituaient pas en l’espèce des manquements graves suffisants pour donner ouverture à l’application de la clause 57 du contrat de construction.
2) La résiliation-sanction et la résiliation unilatérale
[131] Le Juge apporte une distinction entre la résiliation-sanction et la réalisation unilatérale, et donc sur l’impossibilité pour une partie d’exercer les deux recours simultanément[41]. Il n’est cependant pas nécessaire de trancher cette question aux fins de décider de ce pourvoi. Tout d’abord, je remarque que les appelants font de cet argument un moyen subsidiaire sur lequel ils n’ont pas insisté lors de leurs observations en appel. Ensuite, ils admettent que la résiliation dont il est ici question est de la nature d’une résiliation-sanction (clause 57 du contrat).
[132] J’ai déjà conclu que des manquements graves ont été établis, donnant ainsi ouverture au droit contractuel du propriétaire de recourir à ce dernier remède. Aussi, compte tenu de ma conclusion à venir sur la question de l’abus de droit, le débat proposé par les appelants portant sur la possibilité de cumuler les causes de résiliation est, dans ce contexte, devenu théorique.
3) L’abus de droit
[133] Buesco, à titre d’argument subsidiaire, a soutenu en première instance que si HMR avait droit à la résiliation-sanction, elle ne pouvait toutefois recourir à cette modalité en agissant de manière excessive et déraisonnable. Elle plaidait principalement que l’abus reproché à HMR avait pris la forme d’un manquement à l’obligation de collaboration à laquelle il était tenu. Le Juge a rejeté cette prétention et il ne convient pas d’y revenir puisque Buesco n’appelle pas de cette conclusion.
[134] Toutefois, le Juge a accepté l’idée selon laquelle HMR avait commis trois fautes distinctes qu’il assimile à une conduite abusive. Il les résume ainsi :
[277] […]
· Avoir rompu son entente intervenue le 28 janvier 2003 prévoyant d’une part la transmission d’une directive détaillée par PSA permettant ainsi l’élaboration d’une méthode de construction une fois les éléments techniques modifiés par PSA;
· Avoir refusé de communiquer les renseignements qu’elle détient et que PSA a mis au point afin d’apporter une solution aux problèmes vécus au chantier, soit la pose d’étais sur sol gelé;
· Ne pas avoir respecté son obligation principale, soit le paiement à son créancier des travaux exécutés et approuvés, tel que le prévoient le Contrat et la Loi.[42]
- La notion d’abus de droit
[135]
Les articles
[Je souligne.]
[136] Dans l’arrêt de la Cour suprême Houle c. Banque Canadienne Nationale, la juge L’Heureux-Dubé écrivait :
[…] il ne saurait plus faire de doute en droit québécois que le critère moins rigoureux de « l’exercice raisonnable » d’un droit, la conduite de l’individu prudent et diligent, par opposition au critère exigeant de la malice et de l’absence de bonne foi, peut également servir de fondement à la responsabilité résultant de l’abus d’un droit contractuel. [44]
[137] L’auteur Vincent Karim est cependant d’avis qu’il faut apporter une distinction entre un comportement contraire aux exigences de la bonne foi et un comportement proprement abusif[45]. Je suis d’accord avec cette nuance dans la mesure où le droit des contrats comporte déjà l’obligation pour les parties d’agir de bonne foi[46].
[138] Les auteurs Lluelles et Moores en arrivent également à la conclusion que la contravention aux exigences de la bonne foi n’interpelle pas nécessairement la notion d’abus de droit. Ils considèrent que la preuve d’une conduite abusive exige davantage que la simple démonstration d’avoir omis de respecter la norme de la conduite prudente et diligente[47]. Ils catégorisent ainsi les trois types d’interdits que sous-tend l’abus de droit :
1) Ne pas tirer profit d’une situation pour échapper à ses engagements;
2) Ne pas créer de fausses attentes; et
3) Ne pas nuire au cocontractant par des actions inutiles, tracassières ou intempestives.[48]
[139] Concernant la deuxième catégorie, ils précisent que, peu importe l’intention à l’origine d’une dérogation consentie à la lettre du contrat, la partie qui emprunte cette voie doit voir à maintenir sa générosité, car la jurisprudence condamne « un retour soudain et imprévu au statu quo, désastreux pour le cocontractant ainsi surpris »[49].
[140] Lluelles et Moores concluent sur cette mise en garde : « Il faut toutefois se garder de conclure à l’exercice intempestif d’un droit lorsque le défaut du débiteur est grave et que le droit du créancier est sérieusement en péril »[50].
[141] Pour leur part, les auteurs Baudouin, Jobin et Vézina résument ainsi la jurisprudence dominante en matière d’abus de droit :
On observe cependant que la Cour d’appel et les tribunaux de première instance, par souci de stabilité contractuelle notamment, ont tendance à sanctionner, non pas tout comportement imprudent ou discutable du créancier, mais plutôt ses faits et gestes graves et précis qui s’écartent clairement des normes de comportement acceptables ou généralement admises par la société. Comme on l’a dit, le contrat est un acte égoïste; de nombreux comportements discutables, qui défendent vigoureusement les intérêts du contractant, ne franchissent pas la barre critique et ne constituent pas des abus au sens juridique.[51]
[Je souligne.]
[142] On observe donc que la doctrine réserve la théorie de l’abus de droit qu’aux cas manifestes de comportement abusif souvent qualifié par la jurisprudence d’intransigeant et d’obstiné[52] équivalant à un usage déraisonnable des droits du créancier.
[143] En l’espèce, j’estime que, dans la présente affaire, le Juge a été trop sévère au moment de conclure que HMR avait abusé de ses droits. Je note que cette détermination survient en dépit de ses nombreux reproches faits à Buesco et pour lesquels l’entrepreneur en sort d’ailleurs indemne :
[52] […] Les difficultés de réalisation des travaux par Buesco entraînent souvent une réclamation monétaire et une demande visant à reporter la date de fin des travaux. Cette attitude crée des tensions. […] D’autre part, Buesco exécute ses obligations en engageant les ressources minimales afin d’obtenir le résultat demandé.
[…]
[62] Le rythme du travail est lent aux yeux de HMR, PSA et BPR pendant la période d’exécution des travaux réalisés par Buesco du 21 novembre 2002 au 4 février 2003. Le Tribunal en convient.
[…]
[117] Buesco a l’obligation de soumettre un échéancier de base […].
[…]
[122] À la première rencontre entre HMR, les Professionnels et Buesco, ce dernier n’est pas en mesure de déposer un échéancier.
[…]
[137] Tout converge afin de démontrer la piètre qualité des échéanciers soumis par Buesco. […] La preuve démontre que les échéanciers de Buesco ne respectent pas les exigences contractuelles ni les règles de l’art.
[…]
[155] […] À première vue, une impression de désordre et de laisser-aller plane sur le chantier de Buesco relativement à son obligation visant à s’assurer de la santé et de la sécurité des travailleurs.
[…]
[157] Depuis le début de l’hiver, l’agent de sécurité recommande à Buesco de prendre les dispositions afin de permettre l’épandage d’abrasif et procéder à un déneigement plus adéquat.
[158] L’agent de sécurité se plaint à plusieurs reprises que les travaux exécutés en fin de journée ne bénéficient pas d’un éclairage adéquat. On reproche l’absence de barricade dans la descente de la rampe d’accès […].
[…]
[171] À plusieurs occasions, PSA se plaint que les structures fraichement coulées en béton ne sont pas adéquatement protégées contre le froid et sont improprement chauffées. […] Le Tribunal reconnait que Buesco agit de façon laxiste à ce sujet, mais à l’intérieur des limites de sa liberté contractuelle. Buesco fait le minimum.
[…]
[175] […] Buesco, en ne prenant pas de moyen pour éviter que le gel ne pénètre sous les éléments structuraux reposant sur le sol, court des risques importants.
[…]
[179] […] En procédant ainsi, Buesco assume un risque considérable, mais réduit ses coûts de construction.
[…]
[185] Buesco, durant le mois de décembre 2002 et jusqu’à la mi-janvier 2003, semble peu soucieux de la progression du gel au sol et des contraintes que cette progression impose sur la méthode de pose des étais.
[…]
[223] […] En laissant le sol se geler et en ne prévoyant pas une méthode compatible avec les exigences des documents contractuels, Buesco a failli à son obligation de résultat visant à élaborer une méthode sécuritaire.
[…]
[303] […] En effet, le choix de Buesco, de laisser le sol gelé et de procéder à l’érection des étais sur ce sol, relève de sa volonté unique. Astra n’a aucun choix dans cette méthode et n’a pas l’obligation de satisfaire à des conditions qui ne correspondent pas aux conditions de travail usuelles dans la région métropolitaine.
[304] À Montréal, la règle de l’art pour le dépôt d’étais sur sol en condition hivernale est de procéder sur un sol non gelé […].[53]
[Références omises.] [Je souligne.]
[144] Revenons maintenant aux causes proprement dites qui ont conduit le Juge à conclure que HMR s’était rendu coupable d’abus.
i) L’entente rompue du 28 janvier 2003
[145] Le Juge a déterminé que HMR avait rompu une entente selon laquelle il s’engageait à transmettre à Buesco une directive rédigée par PSA permettant l’élaboration d’une méthode de construction. Cette nouvelle directive devait prévoir des modifications techniques à être conçues par ces mêmes professionnels, capables de rendre possible le travail sur sol gelé.
[146] Le Juge appuie principalement sa conclusion relative à l’existence d’une entente sur le contenu d’un courriel daté du 28 janvier 2003 transmis par HMR à CHQ. Le passage pertinent de ce message est ainsi rédigé :
La remise à l’entrepreneur du chèque de 512 250 $ fait partie intégrante d’une entente intervenue cet après-midi entre l’HMR et BUESCO construction. Le chèque sera remis à l’entrepreneur, suite à son acceptation écrite d’un ordre de changement qui régularise la situation et suite à la recommandation renouvelée des professionnels de procéder au paiement concerné.[54]
[Je souligne.]
[147] Il se dit d’avis qu’à l’époque de ce courriel, HMR et ses professionnels possédaient l’expertise de l'« homme de l’art » ainsi que la solution permettant de résoudre la problématique reliée à la pose d’étais sur sol gelé. Buesco ajoute même que les changements devaient se réaliser aux frais du propriétaire[55]. En somme, cette information non divulguée par HMR serait la cause première de la déchéance de ses droits contractuels.
[148] À mon avis, le Juge a tiré des inférences erronées sur cet aspect de la preuve et il a eu tort de conclure à l’existence d’une entente susceptible d’être rompue. Voici pourquoi.
[149] Le raisonnement implicite avancé par Buesco suggère que HMR aurait consenti à modifier le contrat à forfait pour le transformer en un simple mandat devant être exécuté conformément aux ordres du propriétaire.
[150] Selon cette entente alléguée, la responsabilité des travaux aurait tout simplement changée de main. Il revenait maintenant au propriétaire de concevoir un procédé pour travailler à partir d’un sol gelé et d’implanter une méthode d’exécution des travaux adaptée à cette condition, et ce, à ses frais. Les éléments déterminants caractérisant habituellement le contrat à forfait, même relatifs, seraient désormais absents de ce nouveau paysage contractuel auquel dit avoir cru l’entrepreneur.
[151] La preuve ne supporte pas l’idée que HMR a choisi de pallier l’incurie de Buesco par sa volonté d’implanter ses propres changements techniques et d’imposer une méthode de travail, soi-disant pour permettre d’œuvrer sur du sol gelé. Cette proposition devient encore plus difficile à concevoir si on prend en compte l’affirmation de Buesco selon laquelle les frais liés à ces changements seraient désormais à la charge de HMR.
[152] La prétention d’une mutation aussi draconienne dans les rapports contractuels entre les parties nécessitait une preuve convaincante de l’existence d’un consentement à une modification de cette envergure, ce que le dossier ne fait pas voir.
[153] Ensuite, même si le Juge a conclu à l’existence d’une entente subséquente, ses motifs sont silencieux sur sa portée véritable. Il est vrai que les professionnels de HMR travaillaient à l’élaboration d’une directive. Cette initiative ne pouvait toutefois être désincarnée de son contexte tel que précisé par l’ingénieur Olivier :
« […] Sauf que c’est une directive qui est non officielle dans le sens qu’elle n’est pas complète. C’est une directive qui est en cours de réalisation, de rédaction, en cours de rédaction devrais-je dire. Elle a été émise d’ailleurs aux fins d’information ou de discussion. Donc c’est pas… c’est une directive qui est un projet. »[56]
[154] La preuve fait aussi voir que cette démarche anticipée reposait sur la capacité de Buesco de produire une méthode de travail acceptable. C’est précisément la teneur d’une télécopie que lui avait transmise HMR le 29 janvier 2003 :
Lors de notre rencontre du 28 janvier dernier en après-midi, nous avons compris que BUESCO entend maintenant réaliser la coulée des dalles de béton sur sol gelé, selon les paramètres et en tenant compte des résultats des simulations effectuées au chantier, sans frais et sans retard pour l’Hôpital, le tout à être formalisé via la signature d’un ordre de changement minutieusement détaillé.
Aujourd’hui, les résultats des simulations vous ont déjà été communiqués et vous avez été mis en demeure de soumettre une méthode de construction acceptable et réalisable, laquelle ne saurait en aucun cas être élaborée par les ingénieurs-conseils du projet, tel que déjà mentionné. Un délai de 24 heures vous a été consenti pour ce faire.[57]
[Je souligne.]
[155] Le Juge ne fait cependant pas erreur en affirmant que Buesco n’a pas reçu une copie de la résolution de HMR du 28 janvier 2003. Toutefois, le lendemain de cette assemblée, l’entrepreneur a été informé par lettre des aspects essentiels du rapport fait par Daigneault au conseil d’administration de l’hôpital[58]. Aucune partie n’est venue soutenir l’existence d’une distorsion dans l’information révélée par ces deux documents. En somme, Buesco ne peut valablement soutenir avoir été tenue dans l’ignorance des délibérations des membres du conseil d’administration de HMR, la note du 29 janvier précitée témoignant plutôt du contraire[59].
[156] Le même jour, dans une autre télécopie, HMR rappelait à Buesco que la méthode de travail était de sa responsabilité. Cette mention fait bien ressortir l’idée selon laquelle un grand pan de l’entente projetée demeurait en suspens :
Les résultats des simulations effectuées au chantier vous ont été communiqués pour votre information. Les initiatives du propriétaire à ce sujet ne sauraient vous libérer de soumettre la méthode de construction demandée.[60]
[Je souligne.]
[157] Par ailleurs, même si Bucci est venu soutenir une thèse différente de celle avancée par Daigneault sur l’existence d’une nouvelle entente, le Juge aurait dû, à partir des positions divergentes exposées par les parties, conclure qu’il était en présence d’un quiproquo. La lettre de Buesco du 30 janvier en est la meilleure illustration :
Pour faire suite à la réception de votre lettre concernant la mise en demeure du 23 janvier 2003, et pour faire suite à celle-ci encore une fois, il nous est fondamental de connaître les raisons et motifs sur lesquels vos professionnels se basent pour refuser les méthodes d'exécution soumises jusqu'à présent afin que les « vices importants » auxquels vous faites référence ne se reportent pas à la prochaine méthodologie devant vous être soumise. Sachez, à cet effet, que les coûts et délais occasionnés ne seront pas aux frais de Buesco Construction Inc. contrairement à ce que vous avancez à l'une de vos télécopies datées du 29 janvier 2003 et, dans ce sens, nous sommes toujours dans l'attente dudit « ordre de changement minutieusement détaillé ».
Afin de faire suite à l'un de vos fax du 29 janvier 2003 concernant votre arrêt de paiement, sachez que nous avons convenu de ne pas organiser une rencontre entre les parties à ce moment compte tenu que vous deviez libérer le paiement du mois de novembre 2002 dès mercredi le 29 janvier 2003; ce qui n'a pas eu lieu jusqu'à présent.
De plus, nous ne comprenons pas votre comportement concernant la collaboration des professionnels Pasquin St-Jean et Associés Inc. dans l'élaboration d'une solution répondant à leurs propres exigences compte tenu que l'approbation de ladite solution leur incombe. Cette attitude va à l'encontre de l'item C08-01 du procès-verbal de la réunion de chantier #8 auquel notre fax 0220-C-009 du 28 janvier 2003 fait pourtant référence.
Sachez que le dernier échéancier soumis et mis à jour par le biais, entre autres choses, de certaines directives émanant de vos professionnels démontre bien que la date de fin des travaux a, pour le moment et considérant que l'ensemble des directives émises à ce jour n'y figure pas, glissé du 15 avril au 8 mai 2003.
Finalement, le délai que vous nous accordez, dans les circonstances, est déraisonnable considérant que les tests et simulations seront complétés aujourd'hui seulement. Pour ces raisons, il nous semble opportun qu'un délai de 4 jours à compter du moment où nous aurons reçu l'ensemble des résultats en question nous soit alloué afin de nous permettre de satisfaire à l'ensemble de vos exigences. Nous avons, à cet effet, retenu les services d'un bureau d'expert-conseil.[61]
[Je souligne.]
[158] À la lecture de cette missive, je note qu’à nulle part Buesco ne mentionne l’existence d’une entente. Il lui aurait été difficile de le faire puisqu’elle reconnaît elle-même que le résultat des simulations n’est pas encore connu. Comment prétendre à la conclusion d’une entente si le processus à son origine est toujours en cours?[62]
[159] Le caractère aléatoire de l’existence d’une entente se révèle aussi par le différend entretenu par les parties quant à la responsabilité pour les coûts reliés à sa mise en œuvre. Buesco soutient que ces frais sont à la charge de HMR, alors que la résolution du conseil d’administration de l’hôpital affirme le contraire.
[160] L’existence de cette prétendue entente ne peut davantage se justifier par l’espoir nourri par Buesco de se voir dévoiler par le propriétaire, à même un ordre de changement à venir, une méthodologie convenable. Le Juge avait déjà tranché cette question en reconnaissant que la méthode de travail relevait de la discrétion absolue de l’entrepreneur. De plus, dans sa missive du 30 janvier, Buesco admet qu’elle a la responsabilité de présenter à HMR une nouvelle méthode.
[161] Je rappelle que la doctrine est unanime pour reconnaître que l’immixtion par le propriétaire dans la méthode de travail de l’entrepreneur est susceptible d’engager la responsabilité de l’auteur d’une initiative aussi périlleuse[63]. Or, la preuve ne fait pas voir que HMR était prêt à exposer sa responsabilité en opérant une substitution de cette nature.
[162] N’étant pas à une contradiction près, Buesco soutient dans sa lettre du 30 janvier que PSA doit collaborer à l'élaboration d’une solution permettant de répondre à leurs exigences (celles de PSA), solution qui, par ailleurs, devra être approuvée par ces mêmes professionnels. Cette proposition est tout simplement bancale.
[163] De plus, une lecture attentive du courriel de HMR du 28 janvier[64] fait voir qu’au mieux, l’entente alléguée demeurait conditionnelle : (1) à un ordre de changement devant être accepté par écrit par Buesco; et (2) à la recommandation des professionnels de procéder au paiement. Aucune de ces conditions n’a été réalisée.
[164] Buesco s’est vu remettre les principaux éléments devant se retrouver dans un ordre de changement, c'est-à-dire les aspects techniques provenant des résultats des simulations. Pour qu’il y ait eu entente, elle devait accepter par écrit ces changements en reconnaissant leur faisabilité et en produisant une méthode de travail capable de les mettre en œuvre.
[165] Finalement, en l’absence d’une méthode de travail convenable fournie par Buesco, les professionnels n’ont pu approuver le projet ni recommander de procéder à un paiement. Bref, aucune des conditions mentionnées dans le courriel de HMR du 28 janvier ne s’est réalisée.
[166] J’estime que la preuve entourant les discussions intervenues entre les parties le 28 janvier est à ce point incertaine qu’il était déraisonnable d’y rattacher une conclusion d’abus de droit.
ii) Le défaut par HMR de dévoiler des renseignements pertinents
[167] Dans l’arrêt Banque de Montréal c. Bail ltée[65], la Cour suprême, sous la plume du juge Gonthier, définit l’obligation de renseignement en fonction des composantes suivantes : (1) la connaissance, réelle ou présumée, de l’information par la partie débitrice de l’obligation de renseignement; (2) la nature déterminante de l’information; et (3) l’impossibilité du créancier de l’obligation à se renseigner lui-même[66].
[168] Le juge Gonthier précise toutefois « qu’il ne faut pas donner à l’obligation de renseignement une portée telle qu’elle écarterait l’obligation fondamentale qui est faite à chacun de se renseigner et de veiller prudemment à la conduite de ses affaires »[67].
[169] Dans l’arrêt MacKay, notre Cour a précisé que l’obligation de renseignement devait respecter un certain équilibre entre l’obligation d’information et celle de s’informer :
Autrement dit, on ne doit pas pousser l'intensité de l’obligation d’informer jusqu'à une tolérance inconditionnelle et à l'absolution d'une conduite négligente ou imprudente de la part du débiteur.[68]
[170] Les auteurs Baudouin, Jobin et Vézina expriment la limite de l’obligation d’information en ces termes :
L’obligation de se renseigner est l’envers de la médaille de l’obligation d’information : c’est la limite qui lui est imposée. Dans la mesure, en effet, où, dans les circonstances de l’espèce, le contractant a la possibilité de connaître l’information ou d’y avoir accès […], celui qui s’apprête à passer un contrat doit prendre les mesures raisonnables pour en bien connaître les enjeux importants, les faits susceptibles d’influencer sa décision; l’obligation de se renseigner vient ainsi faire échec au devoir corrélatif de renseignement de l’autre partie. Dans une certaine mesure, non négligeable, ce devoir de se renseigner est apprécié de façon subjective : on tient compte de la formation et de l’expérience de la personne concernée.
[…]
Dans l’obligation d’information, le droit entend protéger le contractant contre une inégalité situationnelle, mais non contre sa propre sottise ou négligence. En effet, une partie doit pouvoir présumer légitimement que son cocontractant dispose de l’information générale pertinente ou qu’il fera les efforts nécessaires pour se la procurer.[69]
[Références omises.] [Je souligne.]
[171] L’obligation de renseignement n’est autre chose que le prolongement de l’obligation d’agir de bonne foi, c'est-à-dire d’adopter en toute circonstance une conduite raisonnable dans le cadre de l’exécution du contrat. Elle vise à ne pas créer une situation inattendue équivalant à un piège dont la cause, si elle avait été connue en temps utile, aurait pu être évitée par le débiteur de l’obligation contractuelle. En somme, l’obligation de renseignement appréciée au diapason de l’obligation corrélative du devoir de s’informer ne vise qu’à maintenir un juste équilibre entre les prestataires des obligations prévues au contrat et peut, selon le cas, constituer un tempérament à la responsabilité générale de l’entrepreneur découlant de son obligation de résultat.
[172] Il faut cependant se garder de voir dans cette obligation un sauf-conduit contre l’inégalité situationnelle résultant de la négligence de celui qui s’est obligé à l’atteinte d’un résultat précis[70].
[173] Le Juge a conclu que HMR a manqué à son obligation de renseignement. Prenant appui sur l’arrêt Bail[71], il estime que ceux recueillis lors des simulations devaient être communiqués à Buesco.
[174] Ces informations seraient celles contenues dans un projet de directives qui ne s’est jamais concrétisé[72]. Le jugement ne précise toutefois pas la nature exacte de l’information manquante. La preuve fait cependant voir que les résultats des simulations ont été communiqués à l’entrepreneur dès le 29 janvier[73]. De plus, d’autres informations pertinentes en lien avec la solution ont été transmises à Buesco, tel que le fait voir cet extrait du témoignage de l’ingénieur St-Jean :
« On l’a donné ce rapport-là. J’ai demandé que monsieur Bucci en ait une copie. J’ai demandé à Serge Olivier de lui envoyer.
[…]
La solution…
…c’est celle que j’ai proposée le 21 janvier, que j’ai expliqué à monsieur Bucci, à son ingénieur, à Claude Desroches et à la personne qui accompagnait Claude Desroches cette fois-là. C’est ça ma solution. »[74]
[175] Le manquement à l’obligation de renseignement reproché à HMR doit être replacé dans son contexte. Celui-ci a été bien circonscrit lors du témoignage de messieurs St-Jean et Olivier :
« Donc lors de cette réunion-là [22 janvier], la confiance des professionnels envers l’entrepreneur est devenue pratiquement inexistante et on convient tous qu’il devient important d’agir pour ne pas perdre le chantier. »[75]
« […] on a de la misère à faire respecter nos exigences, les exigences des plans et devis, des règles de l’art aussi, on a de la misère à faire respecter les règles de l’art. »[76]
[…]
« […] Donc on élabore un nouveau concept qui, on pense peut être réalisable, mais il y a des choses à vérifier. Ça fait qu’on est un peu comme en dernier recours, là on essaie de sauver les meubles. On est rendu à ce moment.
Normalement c’est pas à nous autres à proposer des méthodes à l’entrepreneur, c’est pas notre responsabilité, mais là si on laisse aller c’est là, là, là c’est certain qu’on perd toute l’ouvrage, on scrappe toute. »[77]
[176] Quitte à le redire, si l’exécution des travaux a dû prendre une tournure différente, ce n’est qu’en raison de la faute de Buesco d’avoir laissé geler le sol. Or, il n’est pas prétendu que cette faute a été provoquée en tout ou en partie par la réticence ou la mauvaise foi du propriétaire.
[177] Dans la présente affaire, l’allocation des aléas reliés à l’exécution du contrat reposait nettement sur les épaules de Buesco. En laissant volontairement geler le sol, elle devait se déclarer prête à assumer les conséquences résultant de sa négligence. Sous ce rapport, on ne peut certes pas soutenir que l’attitude de HMR a contribué à déformer l’évaluation du risque supporté par l’entrepreneur.
[178] Il ne s’agit pas non plus d’une situation provoquée par l’exercice du pouvoir de modification unilatérale de HMR. En l’espèce, les changements envisagés ne sont que la conséquence de la volonté unilatérale de Buesco de ne pas avoir chauffé le sol.
[179] Le fait pour HMR et ses professionnels de tenter de trouver une solution à un problème créé de toutes pièces par Buesco ne pouvait convertir l’obligation d’information en « une tolérance inconditionnelle et à l'absolution d'une conduite négligente ou imprudente de la part du débiteur »[78].
[180] Par ailleurs, la notion de l'« homme de l’art » n’est d’aucun secours pour Buesco. La preuve révèle qu’à l’époque, l'« homme de l’art » ignorait tout d’une méthode permettant d’implanter des étais sur sol gelé. S’agissant d’une technique inusitée, HMR ne peut être taxé d’avoir renoncé à partager avec Buesco une connaissance qu’elle n’avait pas encore acquise. À l’évidence, les parties étaient au même niveau sur cette question.
[181] Cela dit, même au stade de l’appel, on ne connaît toujours pas la nature précise de l’information technique dont aurait été privée Buesco. Pourtant, le résultat des tests de simulation lui avait été communiqué. Elle pouvait aussi s’informer auprès de son sous-entrepreneur Astra de la valeur de cette information, ce qu’elle n’a pas jugé utile de faire.
[182] En fait, sous l’enrobage d’un manquement à l’obligation de renseignement, Buesco se plaint d’une prétendue faute commise par HMR consistant à ne pas avoir trouvé la solution à ses problèmes. Il s’agirait d’informations manquantes dont elle ne peut pointer avec précision les aspects techniques qui lui auraient permis de sauver la mise.
[183] Ce qui est particulièrement ironique dans le raisonnement avancé par Buesco, c’est que le responsable de ses malheurs serait HMR en raison de son refus de s’immiscer dans le choix de la méthode de travail alors que cette partie l’aurait été de toute façon s’il avait choisi d’agir en ce sens.
[184] Pour les raisons qui précèdent, je suis incapable de conclure que le comportement de HMR a franchi la barre critique pour au final constituer un abus au sens juridique du terme.
iii) L’arrêt de paiement
[185] Je suis d’accord avec le Juge pour dire que HMR n’était pas autorisé à retenir le chèque du 15 janvier 2003 de 512 250 $ se rapportant aux travaux se terminant le 30 novembre 2002. En l’espèce, le propriétaire ne pouvait recourir au principe de l’inexécution de l’obligation, n’ayant allégué contre Buesco aucune cause justifiant cette retenue. Aussi, HMR ne détenait à l’époque aucune créance liquide et exigible l’autorisant à invoquer la compensation[79].
[186] Le Juge a cependant commis une erreur de qualification en assimilant l’arrêt de paiement à une conduite abusive, alors qu’il s’agissait plutôt d’une inexécution de l’obligation de HMR à l’égard de Buesco.
[187] Le contexte de l’affaire explique en grande partie la réaction hâtive de HMR, sans toutefois l’excuser sur le plan de la responsabilité contractuelle. Cette partie vient d’apprendre que le risque de perdre les ouvrages déjà construits atteint presque le niveau de la certitude. Son geste résulte de la crainte bien légitime provoquée par une information probante en provenance de ses professionnels et des conséquences désastreuses auxquelles il devra faire face.
[188] Tous les intervenants conviennent que la négligence de Buesco a créé une situation alarmante. Selon ce contexte, je ne puis voir dans le geste de HMR une volonté d’échapper à ses engagements ou encore une tentative de nuire à Buesco. La faute de HMR n’est que contractuelle et sa réparation ne relève pas de l’application de la théorie de l’abus de droit.
[189] En définitive, je suis d’avis que le Juge a conclu erronément à l’existence d’agissements abusifs de la part de HMR, en évaluant sa conduite selon un critère moins exigeant que celui de l’abus de droit pour ensuite conclure en ce sens. Avec égards, il s’agit là d’une erreur en droit.
[190] Cette conclusion m’amène maintenant à discuter des dommages.
4) Les dommages
[191] Le Juge a refusé de considérer la réclamation de HMR au motif que ce dernier avait abusé de ses droits. Il avait pourtant conclu que Buesco était tenue à une obligation de résultat. Il avait aussi déterminé que le propriétaire avait en main une raison suffisante qui autorisait la résiliation de l’entente. La jurisprudence reconnaît que l’inexécution ou encore la mauvaise exécution des obligations de l’entrepreneur autorise le donneur d’ouvrage à mettre fin au contrat pour l’avenir et à réclamer une indemnité pour les dommages subis[80] :
[10] Il est vrai que le donneur d'ouvrage peut
unilatéralement résilier un contrat, sans avoir le droit d'obtenir des dommages
(art.
[192] En l’espèce, non seulement il a été démontré que HMR détenait une cause valide de résiliation selon la loi, mais cette possibilité était également prévue à l’entente contractuelle ainsi que les conséquences susceptibles d’en découler[82]. Il convient maintenant de revoir la question des dommages selon la responsabilité respective de HMR et de Buesco.
a) Les dommages de HMR (dossier HMR 500-09-023871-130)
[193] Comme je l’ai mentionné en introduction, les parties n’ont pas disserté longtemps sur la question des dommages. HMR, dans son mémoire de 65 pages, consacre à ce sujet un seul paragraphe. Quant à la contestation en appel de Buesco, elle ignore pour ainsi dire tout le débat entourant la valeur de la réclamation de HMR.
[194] Compte tenu de ce laconisme, je devrai en partie m’en remettre aux déterminations du Juge portant sur cette question. J’écris - en partie - pour la bonne raison que le Juge n’a pas tiré de conclusion exhaustive sur les dommages subis par HMR, étant d’avis que sa réclamation devait de toute façon être sanctionnée par une déclaration de fin de non-recevoir.
[195] La façon dont le dossier se présente en appel empêche donc de traiter de la réclamation de HMR avec la rigueur du mathématicien. En présence de la preuve d’un préjudice, le devoir du juge (et de cette Cour) est d’arbitrer les dommages du mieux qu’il le peut au risque que l’exercice soit marqué par un certain degré d’approximation[83].
[196] Cela dit, l’évaluation des dommages, dans la mesure où il s’est livré à un tel exercice, relève de la discrétion du juge de première instance[84]. Dans l’arrêt Birdair, la Cour qualifie la retenue qu’elle doit s’imposer en ce domaine de « surdéférence »[85].
[197] La clause contractuelle sur laquelle repose la réclamation de HMR est ainsi rédigée :
57. Défaut de l’entrepreneur et manquement grave
À défaut par l’entrepreneur de respecter l’une des obligations et conditions du contrat, le propriétaire pourra réclamer un dédommagement pour le préjudice subi.
Toutefois, dans le cas de manquement grave aux engagements contractuels, le propriétaire peut, après avoir donné un avis de 4 jours à l’entrepreneur pour remédier à la situation, soit s’adresser à la caution, soit encore résilier le contrat et prendre possession du chantier (matériaux, matériel, outillage et autres) et terminer les travaux aux frais de l’entrepreneur. Le propriétaire pourra alors opérer compensation entre le montant total de ces frais et tout montant dû à l’entrepreneur en vertu du contrat ou autrement, de même qu’il pourra réclamer un dédommagement pour le préjudice subi.[86]
[Soulignement conforme à l'original.] [Accentuation en gras ajouté.]
[198] Le droit de HMR d’être indemnisé pour le préjudice subi a aussi pour corollaire l’obligation de minimiser ses dommages.
[199] Selon le Juge, HMR a ignoré cette règle. Il se dit d’avis que, dès que l’entrepreneur Décarel s’est présenté sur le chantier, HMR a pratiquement cessé d’exercer tout contrôle sur les coûts et, dans les faits, a abdiqué à ses responsabilités. Or, la preuve des dommages de HMR repose principalement sur les sommes versées à un entrepreneur dont les activités n'étaient, selon toute vraisemblance, limitées par aucune contrainte budgétaire.
[200] En raison de la conclusion du Juge selon laquelle les montants payés à Décarel étaient nettement excessifs lorsque comparés à ceux mentionnés au contrat à forfait signé par Buesco, la perte de HMR ne peut être acceptée intégralement.
[201] La réclamation de HMR se subdivisent selon quatre chefs :
· Les montants versés aux sous-traitants de Buesco;
· Les montants versés pour le lot 2-R (Décarel);
· Les honoraires professionnels additionnels; et
· Les ordres d’exécution additionnels.
[202] Il convient maintenant d’en faire l’étude séparément.
i) Les montants versés aux sous-traitants selon l’avancement des travaux
[203] La réclamation de HMR pour les montants versés aux sous-traitants s’élevait en première instance à 1 598 571 $[87].
[204] HMR soutient avoir droit à ce montant puisqu’il s’agit d’un montant supérieur à la valeur des travaux réalisés par l’entrepreneur, considérant leur niveau d’avancement réel. Or, le Juge a plutôt conclu que les sommes versées directement aux sous-entrepreneurs faisaient partie de l’avancement des travaux réalisés par Buesco avant la résiliation de l’entente. À titre d’exemple, concernant certains postes de réclamation, le Juge, après une longue analyse de cette question, tranche ainsi le niveau d’avancement des travaux :
[319] Puisque HMR a payé des pourcentages de 37 % et de 30,52 % des travaux exécutés pour le coffrage du béton et l’armature, le Tribunal estime que l’avancement réel des conditions générales se situe entre ces deux paramètres. Le pourcentage retenu est fixé à 33,5 % pour les conditions générales. Quant au béton coulé, il se rapproche du pourcentage d’armature introduite dans les coffrages. Le tribunal retient ce pourcentage de 30,52 %.
[205] HMR ne fait pas voir que cette méthode d’évaluation est manifestement erronée et, pour ma part, je n’ai rien à redire à l’égard de cette conclusion de fait. En conséquence, je propose de rejeter ce chef de réclamation.
ii) Les montants versés pour le lot 2-R
[206] Cette partie de la réclamation de HMR concerne le coût encouru pour le parachèvement des travaux exécutés par Décarel (lot 2-R). Elle s’élève à 13 356 182,69 $. Il ne fait pas de doute cette réclamation est en lien direct avec la faute de Buesco pour avoir laissé geler le sol. Toutefois, celle-ci doit être pondérée en raison de l’absence d’effort de HMR en vue de minimiser ses dommages. Je m’explique.
[207] C’est au regard de cet aspect de la réclamation de HMR que le Juge s’est montré le plus critique. Voici ce qu’il écrit :
[82] À l’intérieur de son mandat, Décarel s’est vu confier la préparation d’une réclamation afin d’établir le montant dû par Buesco dans le cas où sa responsabilité est retenue. La réclamation est soumise le 8 juillet 2005. Les éléments de cette réclamation sont imprécis. On y retrouve des charges réclamées à Buesco pour des travaux qui ne sont pas de sa responsabilité, ainsi que des éléments qui ont été payés deux fois par CHQ aux entreprises ayant travaillé à la réalisation du lot 2-R.
[83] Suivant les contrats confiés à Coffrage Alliance et Astra par CHQ, le montant forfaitaire prévu à ces contrats inclut le coût d’un cautionnement. Ces deux sociétés réclament 59 000 $ pour l’obtention de ces cautionnements. Décarel recommande le paiement de cette somme à CHQ au bénéfice des entrepreneurs spécialisés. CHQ paie ces sommes. Aucune tentative de recouvrement de ces sommes n’est entreprise.
[84] Le contrat de fourniture de béton à Lafarge est augmenté à 376 281,55 $ sans expliquer en quoi cette fourniture de béton est en lien avec l’exécution des travaux confiés originalement à Buesco. TPL & ABCP et PSA font part de leur réserve à ce sujet.
[85] Une réclamation d’Astra pour l’exécution du lot 2-R totalise 206 922,81 $. Ce montant lui a été payé bien que l’ingénieur résidant n’approuve qu’une partie de cette somme soit 119 095,45 $; Décarel et CHQ n’exigent aucune explication ni le remboursement de cette somme payée en trop.
[86] Ces exemples illustrent l’indifférence de CHQ d’exercer un contrôle sur les sommes que lui a confiées l’État pour réaliser ce projet au meilleur coût. CHQ exige de ses professionnels de signer pour des fins administratives des autorisations entrainant des augmentations de coût, mais sans que CHQ exerce de contrôle sur la nécessité de la directive émise par Décarel ou sur la réalisation de ces travaux.[88]
[Références omises.]
[208] Ces constats de fait ne peuvent être ignorés au moment d’analyser la valeur des travaux accomplis pour la réalisation du lot 2-R. HMR devait faire montre de diligence et de prudence en vue de minimiser ses dommages et rien ne fait voir que son comportement était animé par ces préoccupations. Tout comme le Juge, j’estime que ce manquement doit se refléter dans l’adjudication des dommages.
[209] La preuve ne permet pas de fixer avec précision l’écart entre ce qui aurait pu être l’objet d’économies et les montants encourus pour la réalisation du lot 2-R. Les seules opinions d’expert qui auraient permis d’identifier un tant soit peu les facteurs d’évaluation liés au manquement par HMR de minimiser ses dommages proviennent des témoins D’Aquila et Rodgers. Or, le Juge considère que le premier est peu fiable en raison de son parti pris à l’égard de Buesco, alors qu’il rejette pour les raisons qui sont les siennes la version donnée par le second. Ces conclusions ne laissent guère d’options en appel si ce n’est que d’apprécier cette partie de la réclamation de HMR de façon discrétionnaire.
[210] Je note que des 42 ordres de changement que le dossier d’appel fait voir, 12 ont été l’objet d’une réserve de la part des professionnels de HMR, ce que le Juge n’a d’ailleurs pas manqué de noter :
[77] Décarel doit obtenir de la part des Professionnels leur assentiment quant à l’évaluation des changements dont on requiert le paiement par CHQ. Des ordres de paiement soumis par Décarel sont autorisés par les professionnels, mais sous réserve. Nous en reproduisons ici le texte :
« Les architectes TPL & ABCP n’ont pas contractuellement, ni prescrit par directive, ni surveillé la réalisation des travaux inclus aux conditions générales du gérant de construction Le Groupe Décarel Ltée, ces travaux relevant de la responsabilité exclusive du gérant de construction. La signature du présent document par les architectes TPL & ABCP est faite à la demande du client strictement pour raison administrative, et ne cautionne donc pas lesdits travaux. »[89]
[Référence omise]
[211] Ces réserves correspondent à plus ou moins 30 % de tous les ordres de changement en cause. Je retiens donc ce pourcentage comme étant celui correspondant à la partie de la réclamation portant sur le lot 2-R pour laquelle aucun effort n’a été consenti par HMR en vue de minimiser ses dommages. Une somme de 4 006 854,80 $ sera donc déduite de ce chef de réclamation.
[212] J’ajoute à ce montant la somme additionnelle de 146 827,36 $ que les motifs du Juge (paragr. 83 et 85) permettent d’identifier avec plus de certitude. Ce chiffre provient d’exemples qu’il cite pour illustrer le laxisme dont a fait montre HMR à l’égard des différentes demandes de paiement qui lui étaient présentées par Décarel.
iii) Les honoraires professionnels additionnels
[213] HMR réclame des honoraires professionnels additionnels de 777 169,23 $ encourus pour corriger la situation provoquée par la faute de Buesco. Je suis d’avis que ce chef de réclamation comporte des éléments qui ne sont pas nécessairement liés à la réalisation du lot 2-R. Notamment, concernant les honoraires de PSA, je propose de rejeter la réclamation liée aux Avenants 1, 4 et 5. L’Avenant 1 a été délivré avant la résiliation de l’entente, alors que les Avenants 4 et 5 interviennent dans le cadre de la poursuite judiciaire contre Buesco. Quant aux Avenants 2 et 3, même s’ils totalisent 615 643 $, je prends acte du fait que la réclamation de HMR pour ces deux changements se limite à 492 314,66 $[90].
[214] En ce qui a trait aux honoraires professionnels payés à TPL, seuls ceux en lien avec l’exécution du Lot 2-R sont acceptés. Ils s’élèvent à 82 605,77 $. J’ajoute à ce montant les frais de « l’aide professionnelle » apportée à Décarel par BPR dont la valeur est de 4 185,53 $.
[215] La réclamation de HMR contient également les frais chargés par Inspec-Sol. Je propose de n’accorder aucun dédommagement pour cet élément puisque HMR ne nous a pas pointé dans la preuve les pièces justificatives soutenant un tant soit peu cette demande.
[216] Les honoraires professionnels additionnels auxquels a droit HMR s’établissent donc à 579 105,96 $.
iv) Les ordres d’exécution additionnels
[217] Les différents ordres d’exécution de HMR et les factures des sous-traitants engagés pour réaliser les travaux en raison de la résiliation de l’entente totalisent 72 807,19 $[91]. On doit cependant retrancher de ce montant 2 859,42 $ correspondant aux frais chargés par le gardien de sécurité Kolosal puisque ceux-ci ont été engagés avant que ne survienne la résiliation du contrat.
[218] Cette partie de la réclamation doit donc être accueillie jusqu’à concurrence de 69 947,47 $.
[219] En résumé, j’estime prouvés les montants suivants :
Le lot 2-R (Décarel) : 9 202 500,53 $
Les honoraires professionnels additionnels : 579 105,96 $
Les ordres d’exécution additionnels : 69 947,47 $
Total : 9 851 553,96 $
[220] De ce résultat, on doit cependant retrancher les sommes que HMR reconnaît ne pas faire partie de sa réclamation proprement dite. Il s’agit tout d’abord du solde contractuel non versé à Buesco. Ce montant correspond à 4 909 536 $. Voici comment s’explique ce chiffre.
[221] Le contrat de Buesco s’élevait à 7 890 000 $. Dans son mémoire d’appel, HMR propose que tout le montant du contrat soit déduit de ses dommages[92]. Cette concession, quoique pour un montant trop généreux, est de bon aloi puisque le solde contractuel non payé par HMR devait de toute façon l’être, que ce soit à Buesco si elle avait terminé son contrat ou à son successeur, comme c’est le cas en l’espèce, qui a dû reprendre les travaux.
[222] Le Juge a déterminé que l’avancement des travaux au jour de la résiliation du contrat s’élevait à 2 980 464 $[93]. Ce montant doit, en toute logique, être retranché de la réclamation de HMR puisqu’il correspond aux travaux réalisés et pour lesquels l’entente continuait de s’appliquer. C’est ce qui explique le résultat de 4 909 536 $ auquel je parviens (7 890 000 $ - 2 980 464 $).
[223] HMR admet aussi que, parmi les travaux additionnels, certains ne sont pas en lien avec les fautes de Buesco. Il les évalue à 1 305 884,59 $.
[224] En résumé, la réclamation de HMR de 9 851 553,96 $ doit être réduite de 6 236 691,48 $. Sous réserve de la compensation à faire entre les montants provenant des condamnations respectives de HMR et de Buesco, je propose que la réclamation de HMR soit reconnue jusqu’à concurrence de 3 636 133,37 $.
b) Les dommages de Buesco (dossier Buesco 500-09-023873-136)
[225] J’ai précédemment déterminé au moment d’analyser la responsabilité de HMR que ce dernier n’avait pas abusé de ses droits. Cette conclusion règle le sort de la demande de dédommagement de Buesco pour perte de profit. Cet aspect de sa réclamation est donc rejeté.
[226] Il me faut maintenant trancher les autres dommages correspondant aux éléments suivants réclamés par Buesco :
· La partie du contrat exécuté par Buesco (l’avancement des travaux);
· Les délais encourus par certains ordres de changement;
· Le manque à gagner découlant de l’inexécution des obligations de HMR.
i) L’avancement des travaux
[227] J’ai déjà déterminé que l’analyse du Juge portant sur la question de l’avancement des travaux n’est pas viciée par une faille déterminante. J’estime que le résultat auquel il parvient pour ce chef de réclamation est tout à fait raisonnable.
[228] J’ai aussi accepté son évaluation portant sur la valeur des travaux exécutés par Buesco basée sur l’état de l’avancement des travaux au 4 février 2003. Le Juge a établi cette valeur à 2 980 463,75 $. Il n’y a pas lieu de revenir sur la justesse de ce chiffre.
[229] Comme je l’ai indiqué précédemment, ce montant inclut les sommes payées directement par HMR aux sous-traitants de Buesco, soit 1 544 821 $. Il convient donc de déduire cette somme du montant global adjugé pour l’avancement des travaux au moment de la résiliation de l’entente. Bref, pour cette partie de la réclamation de Buesco, cette dernière a droit à 1 435 642,75 $.
ii) Les coûts additionnels reliés aux délais
[230] Le Juge accorde à Buesco 65 118,93 $ pour compenser sa perte découlant des coûts reliés à la mise en œuvre des ordres de changement imposés par HMR. Buesco ne conteste pas de cette conclusion.
[231] La jurisprudence reconnaît que les coûts liés à la prolongation du délai d’exécution doivent être indemnisés[94]. Ces coûts incluent notamment les frais généraux de chantier, la perte de profit de l’entrepreneur, les frais généraux du siège social (« overhead »), les frais de financement, de maintien et d’entretien d’installations temporaires, etc.[95].
[232] De plus, l’entente prévoit précisément l’obligation pour le donneur d’ouvrage de dédommager l‘entrepreneur pour les coûts inhérents à la prolongation du délai d’exécution :
44. Évaluation des modifications de contrat
La valeur de tout changement au contrat est déterminée suivant l’une ou l’autre des méthodes indiquées ci-après :
[…]
a) coût basé sur une estimation détaillée où sont inscrits les quantités et coûts de la main-d'œuvre, des matériaux et les charges pour équipements diminués des crédits applicables incluant les frais inhérents au délai d’exécution prolongé, le tout majoré des pourcentages suivants :
Lorsque les travaux sont réalisés par l'entrepreneur 16 % à l’entrepreneur pour couvrir les frais généraux, administration et profits sur les travaux.
Lorsque les travaux sont réalisés par les sous-traitants 8 % à l’entrepreneur et 16 % aux sous-traitants pour couvrir les frais généraux, administration et profits sur les travaux.
[…]
Si, après négociation, la soumission prévue en c) ne satisfait pas le propriétaire, celui-ci peut imposer que le changement soit exécuté par un sous-traitant choisi après un appel d’offres détaillé à au moins trois firmes. Dans ce dernier cas, l’entrepreneur aura droit à une majoration de 8 % telle que décrite au paragraphe c). [96]
[Soulignement conforme à l'original.] [Accentuation en gras ajouté.]
[233] HMR soutient que ces délais ne doivent pas être indemnisés en raison de la résiliation de l’entente. Toutefois, rien dans la preuve ne permet d’étayer cette prétention. Le Juge a retenu avec justesse que les ordres de changement ont été exécutés avant la résiliation. Cette conclusion de fait reposait en outre sur une admission provenant du témoignage de l’ingénieur Serge Olivier, un témoin de HMR[97]. Ce dernier a, par ailleurs, reconnu expressément cette situation dans son rapport d’expert[98].
[234] Je précise finalement qu’aucune des directives en cause n’est reliée aux manquements graves précédemment identifiés contre Buesco.
[235] En résumé, considérant que les travaux ont été exécutés avant la résiliation de l’entente, Buesco a droit à la somme adjugée par le Juge, en l’occurrence 74 903 $[99].
iii) Le manque à gagner
[236] Ce chef de réclamation porte sur une cause distincte de celle invoquée au soutien de la perte de profit que j’ai précédemment rejetée. En l’espèce, la réclamation pour manque à gagner découle de la faute de HMR d’avoir renoncé à exécuter les autorisations de paiement délivrées par ses professionnels.
[237]
L’article
Code civil du Québec, |
Civil
Code of Québec, |
1617. Les dommages-intérêts résultant du retard dans l'exécution d'une obligation de payer une somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux convenu ou, à défaut de toute convention, au taux légal. |
1617. Damages which result from delay in the performance of an obligation to pay a sum of money consist of interest at the agreed rate or, in the absence of any agreement, at the legal rate. |
Le créancier y a droit à compter de la demeure sans être tenu de prouver qu'il a subi un préjudice. |
The creditor is entitled to the damages from the date of default without having to prove that he has suffered any injury. |
Le créancier peut, cependant, stipuler qu'il aura droit à des dommages-intérêts additionnels, à condition de les justifier. |
A creditor may stipulate, however, that he will be entitled to additional damages, provided he justifies them. |
[238] En cette matière, la possibilité d’obtenir une indemnité distincte de celle que procurent les intérêts ne va pas de soi. Les auteurs Baudouin, Jobin et Vézina enseignent qu’un dédommagement supplémentaire sera octroyé seulement si le contrat prévoit cette possibilité :
798 - Obligation de payer une somme d'argent. Frais de perception ou d'administration et frais de justice - En principe, les intérêts et seuls les intérêts sont dus pour le retard à acquitter une somme d'argent. La question se pose cependant de savoir si le créancier peut exiger une indemnité supplémentaire pour le préjudice attribuable à la non-disponibilité de la somme au moment où il aurait normalement dû l'avoir. La question a généré la controverse chez les auteurs.
[…]
Le troisième alinéa de l'article
[Accentuation conforme à l'original.] [Références omises]
[239] Dans les arrêts Kiewit[101] et Développement Tanaka[102], la Cour a rejeté une demande de dommages compensatoires découlant du retard à payer un montant prévu au contrat et a refusé d’octroyer les intérêts puisque aucune des procédures ne contenait de conclusion allant en ce sens.
[240] Les appelants ont raison d’affirmer que le Juge a commis une erreur en droit en octroyant des dommages moratoires sur cette base. Cet aspect de la réclamation de Buesco ne repose sur aucune clause du contrat l’autorisant à revendiquer des dommages de cette nature. Seule la clause 57 de l’entente évoque la possibilité de rechercher des dommages-intérêts pour le préjudice subi. Or, cette clause est rédigée à l’unique bénéfice du propriétaire.
[241] Le mémoire d’appel de Buesco ne mentionne aucune demande contre HMR visant une condamnation de cette nature pour son retard à s’exécuter. Quant à la requête introductive d’instance réamendée de Buesco, sa procédure mentionne seulement que la retenue de paiement lui a causé 925 000 $ en dommages en raison de l’arrêt de ses activités[103], mais demeure toutefois silencieuse sur la question qui nous intéresse.
[242] J’ajoute qu’une lecture attentive des états financiers de Buesco concernant les dix dernières années d’activités de l’entreprise fait voir que cette dernière n'a jamais joui d’un imposant capital. Ses principaux actifs étaient constitués de la valeur de ses contrats en cours et celle de ses comptes clients pour lesquels ses derniers états financiers renonçaient à attester de leur valeur réalisable[104]. À l’évidence, le contrat avec HMR était un gros morceau dans l’historique d’affaire de Buesco, probablement trop gros pour sa capacité financière et son expertise.
[243] Pour tout dire, je vois un lien plutôt ténu entre l’inexécution de l’obligation de HMR et la déconfiture de Buesco au point de constituer, à mon avis, un dommage indirect non susceptible de compensation. Conséquemment, ce chef de réclamation doit être rejeté.
[244] En définitive, j’évalue la réclamation de Buesco à 1 510 545,75 $.
c) Récapitulatif sur les dommages
[245] J’ai déterminé que la réclamation de HMR devait être établie à 3 636 133,37 $. J’ai aussi établi que les dommages de Buesco s’élevaient à 1 510 545,75 $.
[246]
La réclamation prouvée de HMR doit porter intérêts au taux légal en plus
de l’indemnité additionnelle prévue à l’article
[247] En ce qui a trait à la réclamation prouvée de Buesco, les intérêts et l’indemnité additionnelle courent à compter du jour déterminé par le Juge, et ce, tel qu’il a choisi d’exercer sa discrétion sur cette question.
5) Les dépens (les frais de justice selon le n.C.p.c.)
[248] HMR et CHQ sont malheureux de la façon dont les dépens ont été adjugés dans les différents dossiers dans lesquels ils sont parties. Comme la position de HMR sur cette question représente en tout point celle de CHQ, je m’en tiendrai pour la suite des choses qu’à répondre principalement à l’argumentaire de HMR.
[249] Dans un premier temps, HMR plaide que les dépens auxquels il a été condamné, dans le cadre de la demande en justice déposée contre lui par Buesco, reposent sur un montant (10 585 130 $) qui, en définitive, n’était pas celui réclamé par cette partie le jour de l’audition (6 536 032,15 $). Pour sa part, CHQ soutient avoir droit à des dépens puisque l’action dirigée contre elle a été rejetée.
[250] Ensuite, HMR avance que sa condamnation aux dépens, découlant du rejet de sa demande en justice contre Buesco et l’intimée Aviva, aurait dû être établie en fonction de la limite de protection accordée par l’assureur Aviva qui s’élevait alors à 3 945 000 $. De plus, dans le cadre de son recours contre les intimées TPL, PSA, BPR et Inspec-Sol (les « professionnels »), il reproche au Juge d’avoir adjugé des dépens en faveur de chacune d’elles, et ce, même si ces parties se sont toutes contentées d’invoquer la même défense.
[251] Depuis que cette affaire a été placée en délibéré, un nouveau Code de procédure civile est entré en vigueur le 1er janvier 2016[105]. Les dépens tels qu’on les connaissait sous l’ancien code ont été remplacés par des frais de justice (art. 339 à 344 n.C.p.c). J’estime que ce changement législatif ne rend pas caduque la question des dépens telle qu’elle se présente dans ce pourvoi.
[252] Le droit transitoire élaboré dans le nouveau Code tient sur quatre articles (833 à 836 n.C.p.c.). Son article 833 prévoit notamment : « Ce code est, dès son entrée en vigueur, d’application immédiate ». Certains pourraient être tentés d’y voir là une règle applicable aux situations pendantes devant notre Cour, même si les procédures d’appel ont été lancées avant le 1er janvier 2016.
[253] J’estime que rien dans le n.C.p.c. ne laissent entendre que ses dispositions ont une portée rétroactive même à l’égard d’un jugement de première instance rendu avant le 1er janvier 2016 qui, à défaut d’être définitif, n’en est pas moins final.
[254] En somme, les règles usuelles en matière d’interprétation s’appliquent ici comme pour les autres lois. Celles-ci prévoient notamment qu’à moins d’une disposition expresse démontrant clairement une intention du législateur à l’effet contraire, les nouvelles lois ne devraient pas avoir de portée rétroactive[106]. Conséquemment, même si les dépens ne sont dus qu’au moment du jugement définitif, il demeure que leur détermination doit se faire selon ce qui aurait dû être ordonné au moment du prononcé du jugement final, et ce, tel que le droit existait alors.
[255] Il ressort de ce qui précède que la partie qui avait droit en première instance à des dépens ne perd pas ce droit maintenant que le jugement de première instance a été porté en appel, à moins, bien entendu, que la Cour décide d’intervenir sur cette question.
[256] À ce stade de l’étude de la question des dépens, il convient de réitérer l’importante discrétion que la jurisprudence accorde aux juges de première instance en cette matière. Encore tout récemment, notre Cour rappelait :
[59] La discrétion d’un juge de première instance en pareille matière est considérable. Une cour d’appel ne saurait intervenir en l’absence d’une grave erreur dans l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire, menant à une injustice […].[107]
[Référence omise.]
[257] HMR soutient que s'il devait être déclaré partie victorieuse en appel, Buesco devrait supporter l’entièreté des dépens reliés à la participation des professionnels dans les deux recours. Certains pourraient y voir là la recherche d’une ordonnance de type « Bullock Order ».
[258] Or, HMR ne nous a pas formellement présenté une demande de cette nature[108]. De toute façon, cette possibilité est devenue théorique pour les raisons que j’explique ci-après.
a) Dossier HMR 500-09-023871-130
[259] Dans ce dossier, le Juge a exercé sa discrétion sur les dépens après s’être dit d’avis que HMR s’était comporté de façon abusive à l’égard de Buesco. Il a choisi de sanctionner cette attitude en prononçant une fin de non-recevoir à l’encontre de l’action de HMR qu’il rejette avec dépens, calculés sur la base du montant réclamé à Buesco le jour où l’audition de l’affaire a commencé.
[260] Cette conclusion n’était pas en soi déraisonnable, d’autant qu’elle exprimait la position de certains avocats impliqués dans le dossier :
[387] Plusieurs procureurs ont fait des représentations demandant que si les procédures sont rejetées contre une partie, les dépens soient calculés sur la base du montant qui apparaissait au jour où l’audition de l’affaire a débuté. Le Tribunal, considérant l‘ensemble des procédures, la durée de l’audition et les amendements qui ont été accueillis, estime effectivement que ces dépens doivent être calculés suivant les montants qui apparaissaient au jour du début de l’audition. Les procureurs ont préparé leur cause en fonction d’un procès de cette valeur. Les amendements à la baisse par les parties en cour d’audition n’ont pas à affecter les honoraires judiciaires.[109]
[261] Cela dit, les raisons qui ont conduit le Juge à adjuger les dépens comme il l’a fait ne tiennent plus, du moins à l’égard de l’action de HMR. J’ai précédemment conclu que cette partie ne s’était pas conduite de manière abusive et que sa demande en justice contre Buesco devait être accueillie jusqu’à la hauteur de 3 636 133,37 $. Les dépens doivent donc être adjugés en conséquence selon le tarif applicable de l’époque[110], mais cette fois, en faveur de HMR.
[262] Le sort favorable réservé à l’appel de HMR rend théorique l’étude de son autre argument selon lequel les dépens adjugés en première instance au profit d’Aviva auraient dû être calculés selon la limite de protection que cet assureur a consenti à Buesco.
[263] Advenant sa victoire en appel, HMR demandait aussi à la Cour que les dépens auxquels il a été condamné pour ses actions rejetées contre les professionnels soient supportés par Buesco. À défaut, il accepterait d’en être redevable, mais seulement pour ceux encourus dans un seul dossier impliquant les professionnels.
[264] Dans son recours contre Buesco, HMR regroupe les professionnels sous la désignation de « défendeurs subsidiaires ». Il soutenait en première instance qu’advenant le rejet de sa demande contre l’entrepreneur, sa perte devait être supportée par ses propres professionnels.
[265] Tout d’abord, les procédures de HMR ne contiennent aucune allégation établissant l’existence d’un lien de droit entre Buesco et les professionnels. Sous ce rapport, la proposition de HMR de condamner Buesco aux dépens adjugés en faveur des professionnels ne repose sur aucune assise juridique.
[266] Ensuite, même si HMR est victorieux en appel, il n’en demeure pas moins qu’il a eu tort de poursuivre les professionnels « au cas où », c'est-à-dire selon la désignation inconnue en droit de « défendeurs subsidiaires ». J’ajoute que le résultat de l’appel ne remet nullement en cause les conclusions du Juge selon lesquelles les professionnels impliqués dans le projet n’ont commis aucune faute dans cette affaire.
[267] HMR avance que la similitude des défenses produites par les professionnels aurait dû inciter le Juge à voir les choses différemment. À mon avis, cette caractéristique n’est que le résultat d’allégations vagues et imprécises lancées indistinctement par HMR contre tous les professionnels. Dans ces conditions, il me semble injuste d’exiger de ces parties des allégations plus spécifiques en défense que celles contenues dans les procédures de leur poursuivant.
[268] En résumé, il n’existe pas de justification raisonnable autorisant de condamner Buesco à des dépens encourus dans le cadre d’un recours « subsidiaire » rejeté en première instance alors que cette conclusion n’est même pas portée en appel.
b) Dossier Buesco 500-09-023873-136
[269] HMR recherche également une demande d’exemption pour des dépens adjugés à l’avantage des professionnels, et ce, en dépit de son échec d’avoir tenté en vain de forcer leur intervention dans le cadre de l’action intentée contre lui par Buesco.
[270] Tout comme le Juge, j’estime que les professionnels ont droit aux dépens. À ce sujet, il écrit :
[281] Il y a deux facettes à la responsabilité recherchée à l’encontre des Professionnels. HMR veut être indemnisé de toute condamnation que Buesco peut obtenir. De plus, si HMR n’est pas justifié de résilier le Contrat avec sanction contre Buesco, les Professionnels ont commis des fautes originant des conseils, recommandations et prises de position suggérées par ces derniers qui ont erronément amené HMR à prendre la décision de résilier le Contrat. En conséquence, les Professionnels sont responsables des coûts supplémentaires pour terminer le Contrat. […]
[…]
[283] Le recours exercé par HMR auprès des Professionnels se fonde d’abord sur les reproches apparaissant dans les procédures de Buesco, et d’autre part, repose sur les gestes et conseils prodigués par les Professionnels qui ont amené la résiliation du Contrat. HMR et CHQ ne précisent pas quelles sont les fautes commises par chacun de ses Professionnels, en conséquence, ces derniers doivent prendre connaissance de toute la preuve afin de rejeter toute faute possible sur chacun des allégués de Buesco à l’encontre de HMR ou CHQ ou qui originent de leur intervention. Ce faisant, les Professionnels encourent des coûts considérables afin d’analyser toutes ces éventualités considérant qu’ils ne peuvent pas concentrer leur défense sur un reproche spécifique soulevé par HMR ou CHQ.[111]
[271] En l’espèce, les professionnels n’ont pas été mis en cause par HMR pour permettre une solution complète du litige. Au contraire, leur présence dans le débat lancé par Buesco a été de tout temps activement recherchée par HMR aux fins de leur faire supporter toutes les conséquences reliées à une condamnation éventuelle.
[272] Or, le Juge a exclu toute possibilité de responsabilité de la part des professionnels. Le recours en intervention forcée de ces parties, de la nature d’un recours en garantie, a été rejeté sur le fond. HMR n’a pas appelé de cette conclusion. Il y a donc chose jugée sur la question.
[273] Selon ce qui précède, je ne vois aucune raison autorisant de faire exception à la règle selon laquelle la partie défaillante doit supporter les dépens.
c) Dossier SQI (CHQ) 500-09-023872-138
[274] En ce qui a trait aux dépens réclamés par CHQ, je m’en remets aux motifs du Juge qui tranche adéquatement cette demande :
[384] Le Tribunal a critiqué la piètre qualité du travail de CHQ à compter de son intervention pour l‘exécution du lot 2-R. La demande de CHQ et HMR à l’encontre de Buesco et des Professionnels est rejetée, le Tribunal n’analyse pas les lacunes importantes dans cette preuve dont quelques-unes ont été signalées.
[385] Le Tribunal usant de la discrétion prévue à
l’article
[Référence omise.]
[275] Le Juge n’avait pas à s’expliquer plus longuement pour conclure comme il l’a fait. CHQ ne me convainc pas qu’elle est ici victime d’une injustice.
__________________________________
[276] Pour tout dire, il me semble que HMR a grandement participé à son malheur en ce qui a trait à la question des dépens. Il a placé ses professionnels (les intimés) dans une situation intenable. D’une part, ces derniers devaient défendre les intérêts de leur mandant tout en répondant de la manière dont ils avaient exécuté leur mandat. D’autre part, ils ont dû se défendre contre les attaques préventives de leur maître qui, comme le font voir les motifs du Juge, se sont avérées non fondées.
[277] L’assignation en justice ne peut résulter d’un exercice aléatoire visant à joindre plusieurs défendeurs dans l’espoir de découvrir, lors du procès, un motif qui permettrait d’atteindre l’un d’eux. L’intervention forcée d’un tiers est un acte tout aussi grave et ne peut être motivée par la crainte de devoir un jour supporter seul les conséquences d’un jugement défavorable.
[278] En définitive, je considère que les arguments avancés par HMR concernant l’appel sur les dépens sont non fondés.
[279] Dans son appel incident, Buesco soulève deux moyens d’appel[113] :
1. Le Juge a commis une erreur matérielle en écrivant dans le dispositif du jugement que le calcul des intérêts courait à compter du 30 mars 2006.
2. Dans l’éventualité où l’appel de HMR serait accueilli, le Juge a erré en concluant qu’Astra n’était pas responsable.
[280] Je suis d’avis que le premier moyen n’est plus pertinent et le second est sans valeur.
[281] Comme je propose de rejeter la réclamation de Buesco pour la partie « profit perdu » et « manque à gagner », le premier moyen d’appel est devenu théorique, puisque l’erreur matérielle commise par le Juge ne concerne que ces deux postes de réclamation.
[282] Le deuxième moyen d’appel n’est autre chose qu’une tentative par Buesco de faire reposer sur Astra la responsabilité de tous les manquements qu’elle a commis. Son argument se résume à soutenir qu’elle n’a joué aucun rôle dans les difficultés survenues sur le chantier et que l’entièreté de la faute reviendrait à Astra.
[283] Le Juge a rejeté ces prétentions :
[302] Buesco poursuit Astra en garantie afin de se voir rembourser de toute condamnation qui pouvait être reconnue en faveur de HMR et CHQ. Aucune condamnation n’est prononcée contre Buesco en faveur de CHQ et HMR, l’action en garantie de Buesco à l’encontre d’Astra est rejetée.
[303] Le Tribunal souligne que le mandat d’Astra n’inclut pas l’obligation de prévoir une méthode d’exécution à l’égard de travaux particuliers, engendrée par la décision prise par Buesco de laisser le sol gelé avec les conséquences dont nous avons discuté. En effet, le choix de Buesco, de laisser le sol gelé et de procéder à l’érection des étais sur ce sol, relève de sa volonté unique. Astra n’a aucun choix dans cette méthode et n’a pas l’obligation de satisfaire à des conditions qui ne correspondent pas aux conditions de travail usuelles dans la région métropolitaine.
[304] À Montréal, la règle de l’art pour le dépôt d’étais sur sol en condition hivernale est de procéder sur un sol non gelé, comme l’ont reconnu tous les experts. Astra ne sait pas et ne peut pas prévoir la stratégie de Buesco visant à laisser geler le sol avec les difficultés que nous avons analysée.
[305] En conséquence, l’appel en garantie de Buesco contre Astra est rejeté.[114]
[284] Pour les raisons données par le Juge sur cette question, ce moyen doit aussi échouer. Cette dernière conclusion emporte le sort de l’appel incident qui doit être rejeté.
[285] Pour les motifs que je viens d’exposer, je propose d’accueillir en partie l’appel de HMR avec frais de justice contre Buesco et Aviva, et de condamner solidairement ces parties à payer à HMR 3 636 133,37 $ avec les intérêts calculés à compter du jour de la signification de la demande introductive d’instance et l’indemnité additionnelle, le tout avec les dépens gagnés en première instance[115].
[286] Je propose aussi de revoir la conclusion du Juge quant aux dommages subis par Buesco aux seules fins d’établir la condamnation de HMR à 1 510 545,75 $[116]. Je suggère aussi, dans le respect de l’exercice du pouvoir discrétionnaire du Juge sur cette question, de maintenir ses autres conclusions concernant le calcul de l’intérêt, l’indemnité additionnelle et les dépens gagnés en première instance, ainsi que les honoraires d'experts établis par le juge à 301 694,71 $.
[287]
Il y a également lieux d’ordonner que les dettes de HMR et de Buesco,
telles qu’établies précédemment et auxquelles ces parties sont tenues l’une
envers l’autre, s’éteignent par compensation jusqu’à concurrence de la moindre.
Aviva doit aussi profiter de cette mesure selon les termes de l’article
[288] L’appel de SQI (CHQ) doit être rejeté avec frais de justice[117]. Je propose aussi de rejeter l’appel incident de Buesco avec frais de justice et de maintenir toutes les autres conclusions du jugement entrepris.
[289] Finalement, je n’exprime aucune opinion sur les frais d’experts réclamés par chacune des parties puisque cette question n’a pas été traitée dans les mémoires d'appel ni fait l’objet de commentaires lors de l’audience en appel.
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GUY GAGNON, J.C.A. |
[1]
Buesco Construction inc. c. Hôpital Maisonneuve-Rosemont,
[2] Astra est une entreprise spécialisée en coffrage.
[3] Les activités de cette société ont finalement été reprises par la Société québécoise des infrastructures (« SQI »).
[4]
Rapports financiers de Buesco Construction inc. de
[5] En appel, ce montant est passé à 6 534 449,79 $.
[6] TPL, PSA, BPR et Inspec-Sol.
[7] Le prix mentionné dans la soumission pour l’exécution complète du contrat était de 7 890 000 $. Voir LPC-121/05.4.
[8] Les notes du gérant de même que son témoignage confirment que le chauffage a notamment été coupé le 20 décembre 2002, le 11 janvier, le 15 janvier et le 18 janvier 2003. Voir témoignage d'André Lemire, 17 octobre 2012, et notes de chantier, LPC-576c.1.
[9] Compte rendu sommaire de réunion le 21 janvier 2003, LPC-044.
[10] Document préliminaire le 29 janvier 2003 de la directive de chantier no DIR-ST-5XX, LPC-503/30.
[11] Lettres de HMR à Buesco, LPC-064, LPC-063, LPC-062, 29 janvier 2003.
[12] Jugement entrepris, paragr. 175.
[13] Documents contractuels, LPC-1/2, clause 23.
[14] Documents contractuels, LPC-1/3, clauses 22.2 et 22.3.
[15]
J.G. c. Nadeau,
[16] LPC-034, Lettre de HMR (Daigneault) à Buesco (Bucci), 23 janvier 2003, re : Mise en demeure - Manquements.
[17]
Art.
[18] Procès-verbal de la réunion de chantier no 05, LPC-023; Procès-verbal de la réunion de chantier no 06, LPC-026; Procès-verbal de la réunion de chantier no 07, LPC-029; Procès-verbal de la réunion de chantier no 08, LPC-033; Télécopie de PSA à Buesco du 12 décembre 2002, LPC-039/1; Télécopie de PSA à Buesco du 6 janvier 2003, LPC-049a; Lettre de PSA à Buesco du 17 janvier 2003, LPC-050; Compte rendu sommaire de réunion, LPC-044; Télécopie de PSA à Buesco, LPC-054.
[19] Compte rendu sommaire de réunion le 21 janvier 2003, LPC-044. Voir aussi, Procès-verbal de la réunion de chantier no 05, LPC-023; Procès-verbal de la réunion de chantier no 06, LPC-026; Procès-verbal de la réunion de chantier no 07, LPC-029; Procès-verbal de la réunion de chantier no 08, LPC-033.
[20] Jugement entrepris, paragr. 178.
[21] Le procès-verbal de la réunion de chantier du 18 novembre 2002 indique que le contrat a été signé à cette date, mais le contrat lui-même porte la date du 15 novembre 2002. Le Juge a toutefois retenu la date du 28 novembre. Voir jugement entrepris, paragr. 40.
[22] Addenda no 2 (version complète), 24 septembre 2002, LPC-120.
[23] Jugement entrepris, paragr. 196.
[24]
Sur l’importance que revêtent les règles de l’art
dans l’exécution d’un contrat d’entreprise, voir Bernard Quinn, « Les
règles de l’art » dans Olivier F. Kott et Claudine Roy, (dir.), La
construction au Québec : perspectives juridiques, Montréal, Wilson
& Lafleur, 1998, p. 580; Vincent Karim,
[25] Le Juge le reconnaît lui-même au paragraphe 304 de son jugement.
[26] Témoignage de Serge Olivier du 5 novembre 2012.
[27] Témoignage de Serge Olivier du 9 novembre 2012.
[28] Ibid.
[29] Jugement entrepris, paragr. 195.
[30] Ibid.
[31] Documents contractuels, LPC-1/3, clause 22, al. 2 et 3.
[32]
Guy Sarault,
[33] Procès-verbal de la réunion de chantier no 01, LPC-016; Procès-verbal de la réunion de chantier no 02, LPC-019; Procès-verbal de la réunion de chantier no 03, LPC-020; Procès-verbal de la réunion de chantier no 04, LPC-021; Procès-verbal de la réunion de chantier no 05, LPC-023; Procès-verbal de la réunion de chantier no 06, LPC-026; Procès-verbal de la réunion de chantier no 07, LPC-029; Procès-verbal de la réunion de chantier no 08, LPC-033; Procès-verbal de la réunion de chantier no 09, LPC-331/3.
[34] Lettre de HMR (Daigneault) à Buesco (Bucci), le 14 janvier 2003, re : Échéancier, LPC-030.
[35] Lettre de HMR (Daigneault) à Buesco (Bucci), 23 janvier 2003, re : Mise en demeure - Manquements, LPC-034.
[36] Jugement entrepris, paragr. 141.
[37] Ibid., paragr. 143.
[38] G. Sarault, supra, note 32, no 409, p. 181.
[39] Toshiba Business Equipment, Division of Toshiba of Canada
Ltd. c. Admaco Business Machines Ltd.,
[40] Documents contractuels, LPC-1/2, clause 57.
[41] Vincent Karim, Contrat d’entreprise (ouvrages mobiliers et immobiliers : construction et rénovation) Contrat de prestation de services et l’hypothèque légale, 2e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2011, no 1402, p. 590.
[42] Jugement entrepris, paragr. 277.
[43]
Développement Tanaka inc. c. Commission scolaire de Montréal,
[44]
Houle c. Banque Canadienne Nationale,
[45] Vincent Karim, Les obligations, 4e éd., vol. I, Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, nos 299 et 300, p. 128.
[46] Houle, supra, note 44, 158.
[47]
Didier Lluelles et Benoît Moore,
[48] Ibid., no 1988, p. 1126.
[49] Ibid., no 1991, p. 1129.
[50] Ibid., no 1996, p. 1134.
[51] Jean-Louis Baudouin et Pierre-Gabriel Jobin, Les obligations, 7e éd., par Pierre-Gabriel Jobin et Nathalie Vézina, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2013, no 157, p. 258.
[52]
Développement Tanaka inc. c. Commission
scolaire de Montréal,
[53] Jugement entrepris, paragr. 52, 62, 117, 122, 137, 155, 157-158, 171, 175, 179, 185, 223, 303-304.
[54] Courriel de Guy Daigneault (HMR) à Michel Bernatchez (CHQ), LPC-203.
[55] Lettre de Buesco à HMR, LPC-065.
[56] Témoignages de Serge Olivier, 9 novembre 2012.
[57] Lettre du 29 janvier 2003, LPC-062.
[58] Ces aspects sont détaillés au procès-verbal de la réunion du conseil d’administration. Voir LPC-377. Ils correspondent à ce que contiennent les trois lettres envoyées par HMR à Buesco le 29 janvier 2003. Voir LPC-064, LPC-063, LPC-062.
[59] Lettre du 29 janvier 2003, LPC-062.
[60] LPC-063.
[61] Lettre de Buesco à HMR, 29 janvier 2003, LPC-065.
[62] Les résultats finaux de la simulation sont communiqués à Buesco le 30 janvier, LPC-535/30.
[63] Voir notamment G. Sarault, supra, note 32, no 172, p. 77; Vincent Karim, Contrat d’entreprise, contrat de prestation de services et l’hypothèque légale, 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, no 263, p. 105.
[64] LPC-203.
[65]
Banque de Montréal c. Bail ltée,
[66] Ibid., 586.
[67] Ibid., 587.
[68]
Banque Laurentienne du Canada c. MacKay,
[69] P.-G. Jobin et N. Vézina, supra, note 51, no 314, p. 413.
[70]
Ibid., no 314; Ian Gosselin et Pierre
Cimon « La responsabilité du propriétaire » dans Olivier F. Kott et
Claudine Roy, dirs., La construction au Québec : perspectives juridiques,
Montréal, Wilson & Lafleur, 1998, p. 376. Voir au même effet Compagnie
d'assurances générales Kansa Internationale ltée c. Lévis (Ville de),
[71] Bail, supra, note 65.
[72] LPC-503/30.
[73] Lettre du 29 janvier 2003, LPC-062.
[74] Témoignage de Michel St-Jean, 22 novembre 2012.
[75] Témoignage Serge Olivier, 9 novembre 2012.
[76] Témoignage Serge Olivier, 7 novembre 2012.
[77] Ibid.
[78] MacKay, supra, note 68, paragr. 34.
[79]
Art.
[80]
Construction Argus inc. c. Entreprises A & S Tuckpointing inc.,
[81] Argus, supra, note 80, paragr. 10.
[82] Documents contractuels, LPC-1/2, clause 57.
[83]
Provigo Distribution inc. c. Supermarché A.R.G.,
[84]
Hydro-Québec c. Construction Kiewit cie,
[85] Birdair inc. c. Danny’s Construction Company Inc.,
[86] Documents contractuels, LPC-1/2, clause 57.
[87] La différence entre ce montant et le montant de 1 544 821,00 $ réclamé par HMR en appel et octroyé par le Juge correspond au montant des intérêts et honoraires d’avocats. Voir le jugement entrepris, paragr. 359.
[88] Ibid., paragr. 82-85.
[89] Ibid., paragr. 77.
[90] Le total des avenants 2 et 3 comprend les coûts liés aux travaux pour le changement du lot 2 au lot 2-R (380 614 $) et ceux relatifs aux travaux se rapportant strictement au lot 2-R (235 029,92 $). Les frais liés au litige avec Buesco mentionnés dans l’avenant 3 (60 000 $) devant être soustraits. Pour le détail des avenants, voir LPC-637-5. Ces montants totalisent 615 643,92 $, mais HMR limite sa réclamation à 492 314,66 $. Voir LPC-638, 4e page.
[91] Selon la pièce LPC-582.
[92] Mémoire d’appel de HMR paragr. 182 : « Devant être déduit : (7 890 000,00 $) ».
[93] Cette somme correspond à l’avancement des travaux pour lesquels Buesco n’a pas été payée, calculée à partir des sommes versées directement au sous-traitant par HMR (1 544 821,00 $).
[94]
Corpex (1977) Inc. c. La Reine en chef du Canada,
[95] Ibid., paragr. 388. Voir également G. Sarault, supra, note 32, no 537, p. 237.
[96] Documents contractuels, LPC-1/2, clause 44.
[97] Témoignage de Serge Olivier, version électronique, 8 novembre 2012 où le témoin aborde les travaux associés à chacune des directives mentionnées dans LPC-597.
[98] Tableau des synthèses des directives du lot 2 et des éléments de la réclamation, LPC-597, version électronique.
[99] Il s’agit du montant de 65 118,93 $ auquel le Juge a ajouté les taxes. Voir jugement entrepris, paragr. 359.
[100] P.-G. Jobin et N. Vézina, supra, note 51, no 798, p. 974.
[101] Kiewit, supra, note 84.
[102]
Développement Tanaka inc. c. Commission
scolaire de Montréal,
[103] Requête introductive d’instance ré-amendée, allégations 175 et 176.
[104] LPC-080/1 à LPC-080/11.
[105] Code de procédure civile, RLRQ, c. C-25.01.
[106]
Pierre-André Côté,
[107]
Compagnie d'assurances générales Kansa internationale ltée c. Lévis (Ville
de),
[108]
SNC-Lavalin inc. c. Société québécoise des infrastructures,
[109] Jugement entrepris, paragr. 387.
[110] Tarif des honoraires judiciaires des avocats, RLRQ, c. B-1, r. 22 et Tarif des frais judiciaires en matière civile et des droits de greffe, RLRQ, c. T-16, r. 9.
[111] Jugement entrepris, paragr. 281 et 282.
[112] Ibid., paragr. 384 et 385.
[113] Le premier moyen d'appel concerne le dossier Buesco 500-09-023873-136, alors que le second concerne le dossier HMR 500-09-023871-130.
[114] Ibid., paragr. 302-305.
[115] Dossier HMR 500-09-023871-130.
[116] Dossier Buesco 500-09-023873-136.
[117] Dossier SQI 500-09-023872-138.
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